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Comment se sert-on des règles de droit ?

Le procès
Comment est-ce qu’en pratique le tiers va se servir d’une règle de droit ?
Le procès est le cadre dans lequel on va trancher un litige
Le droit est un instrument qui permet au juge de départager les parties en conflits de
manière à restaurer entre elles la justice qui a été rompue.
On s’en sert au cours d’un procès, quand on parle de procès, il faut garder à l’idée
l’étymologie et l’idée de procès = processus. Un processus renvoie à l’idée qu’on part d’un
certain point de départ et qu’on arrive à un point d’arrivé. Le procès c’est pareil, le point de
départ c’est quand il y a un litige entre 2 parties et le point d’arrivé c’est une situation dans
laquelle le litige est dénoué entre les parties.
Aristote : on part d’une situation dans laquelle la justice distributive a été rompue. Pour
Aristote il y a 2 formes de justices fondamentales : la justice distributive et la justice
commutative. La justice distributive c’est comment est-ce-que l’on distribue dans une
société donnée les charges et les honneurs à tous les individus de la société. On crée ainsi un
équilibre, cela renvoi à un équilibre naturel.
Le but du procès est de restaurer un équilibre, et le procès est au service de la justice
commutative, rétablir un échange.
Pour y arriver, il y a une double difficulté :
- Une difficulté d’ordre matériel : avant de rendre son verdict et dire c’est A qui a
raison et c’est B qui a tort, le juge doit d’abord s’assurer que les éléments factuels
qu’il prend en compte son bel et bien exact. Ensuite, il doit se demander qu’elle règle
de droit il doit utiliser pour trancher le litige.
- Une difficulté d’ordre intellectuel : comment le juge doit-il faire pour départager les
plaideurs ? On peut considérer que c’est un raisonnement logique, conséquentiel qui
se rapproche des mathématiques, le juge va utiliser un raisonnement logique qui lui
permettre d’arriver à la bonne solution qui permet de départager les parties. Il y aura
un côté mécanique dans le travail du juge qui permet d’arriver à La Solution
La deuxième façon de voir les choses est de dire qu’il n’y a pas de logique absolue ou
de raison juste qui nous permet d’arriver à la solution juste. Il n’y a qu’un art, une
tentative faite par le juge de s’approcher d’une solution qui est la plus conforme
possible à l’idéal de justice. En se livrant à cet art, le juge n’arrive pas à la solution
mais il arrive à une solution. La travail du juge est fondamentalement un travail de
rhétorique.

I / COMMENT PROUVER LES FAITS ?


A. EXPOSÉ
Le rôle du juge est de régler un différend à l’aide d’une règle de droit.
Et il y a, à l’origine de ce différend, des faits qui se sont produits qui sont liés à des
comportements. (Ex : imaginons que Dupont prétend avoir remis à Durand 1000€ à titre
de prêt et comme Durand ne lui rembourse pas, il va donc voir un juge pour qu’il
condamne Durand. La première chose dont il faut être sûr c’est que Dupont à bien remis
1000€ à Durand.). Il faut s’assurer de la véracité de ce que les partis invoquent.
B. QUI DOIT PROUVER ?
Qui a la charge de la preuve ? Cela peut être le travail d’un des partis ou du juge
1. Distinction théorique
Donc la 1ère difficulté est d’établir la véracité des faits. Ça amène tout un tas de
questions.
La 1ère question est de savoir la réalité de cette situation factuelle de ces faits qui
sont invoqués, qui doit prouver ?
En droit on a deux systèmes relativement distincts en théorie mais qui en
pratique se regroupe assez facilement.
2. Application pratique
Le premier système est la procédure inquisitoire, dans ce système l’idée est que
c’est le juge qui va apporter la preuve des faits qui sont invoqués par les parties, à
l’aide d’enquête, d’expertise, d’audition de témoin, d’analyse d’expertise, va
établir la réalité ou la fausseté des faits invoqués par une partie. Avant, on
utilisait la torture pour établir la vérité. La procédure inquisitoire est une
procédure secrète c'est-à-dire que le juge lorsqu’il cumule des éléments de
preuves des faits, il n’en averti pas les parties.
A l’opposé on a la procédure accusatoire, le juge s’assoit dans son fauteuil et
attend que chacune des parties prouvent les éléments qui sont en faveur de leur
cause.
Dans la pureté des principes cette procédure est aussi une procédure
contradictoire c'est à dire qu’à chaque fois qu’une partie à un élément de preuve
de fait qui est en sa faveur, elle est obligée de le communiquer à l’autre partie.
Elle n’a pas le droit de garder l’information pour elle et doit impérativement le
dévoiler pour que l’autre partie essaye de prouver l’inverse ou affaiblir les
éléments de preuves. La procédure contradictoire renvoie à un rôle passif du
juge.
En pratique, entre ces 2 systèmes, quels est celui retenu par le droit français ?
On appelle cette question, la question de la charge de la preuve (= qui doit
prouver).
Schématiquement, ça dépend du type de procès auquel on a affaire.
3. Rapprochement des procès civil et pénal
Procès en matière judiciaire :
 Celui qui ne concerne pas l’intérêt général = procès civil sui se fait devant
des juridictions civiles
 Les procès qui intéressent l’intérêt général = qui opposent un particulier
avec la société tout entière représentée par le procureur de la
République. Ce sont les procès pénaux
En matière pénale la procédure est plutôt de type inquisitoire. C’est le juge qui va
jouer un rôle majeur dans la collecte des faits, dans l’établissement de la réalité.
Pourquoi en matière pénale, cela fonctionne-t-il ainsi ? Le procès pénal met en
opposition deux intérêts, le prévenu et la société. On ne peut pas laisser le
prévenu prouver qu’il a bien commis l’infraction. Il faut alors que quelqu'un
s’intéresse à prouver l’infraction.
Or, qui va prouver l’infraction ? Les services de l’état, gendarmerie, police… Il y a
un déséquilibre.
Pour éviter ce déséquilibre trop flagrant entre la société entière avec les
gendarmes, le procureur et le prévenu, on met au milieu un juge spécifique qu’on
appelle le juge d’instruction, c’est celui qui instruit l’affaire c'est à dire celui qui
est chargé d’établir ce qu’il s’est passé, de classer les preuves à charge et à
décharge. La classe politique aimerait bien se débarrasser du juge d’instruction.
En matière civile on a une procédure qui est plutôt d’ordre accusatoire, c'est à
dire que c’est aux parties d’établir la véracité des faits qu’elles reprochent à l’une
et l’autre. Le juge se tient à distance parce que l’enjeu est moins grave au pire des
cas celui qui perd le procès aura juste a payé une somme d’argent. Le prévenu
peut réclamer une contre-expertise.
En pratique, ces deux modèles sont de plus en plus proches l’un de l’autre et se
mélangent l’un et l’autre. Pourquoi ? Parce qu’en matière pénale, on fait une
place de plus en plus grande au prévenu dans l’établissement des preuves.
Le prévenu joue un rôle de plus en plus actif, notamment parce que ce n’est plus
secret, il a connaissance des faits qui sont collectés et peut débattre, il peut
également les combattre si le juge a fait une expertise qui lui est défavorable.
Et en matière civile, on a aussi le juge qui joue un rôle de plus en plus actif dans la
recherche de preuve.
On a d’ailleurs créé un magistrat spécifique devant les juridictions civiles qui
s’appelle le juge de la mise en état (avant de pouvoir trancher, il faut que le
dossier soit en état pour que le juge puisse rendre sa décision). C’est une sorte de
juge d’instruction en matière civile c'est à dire qu’il joue un rôle actif dans
l’établissement des preuves de la situation de fait. On retrouve ce juge devant le
tribunal judiciaire.
Son rôle : il peut donner des injonctions aux parties (article 11 du code de
procédure civile). Il peut aussi au terme de l’article 10 du code de procédure
civile : « il a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instructions
également admissible ». (Ex : s’il veut ordonner une enquête, des expertises). Ce
qui compte c’est que quand le procès va démarrer, il faut être le plus certain
possible que les faits se sont bien déroulés de telle et telle manière.
Il ne peut ordonner de mesure d’instruction que par rapport à l’élément qui a été
allégué par les parties. Alors qu’en matière pénale le juge a tous les moyens à
disposition pour collecter des éléments de preuve.
C. COMMENT PROUVER ?
1. Typologie
En principe les faits se prouvent par tout moyen, n’importe quel type de preuves :
 Des présomptions de faits (= ensemble d’indices qui pris ensemble vont
former un faisceau qui tendent à établir les faits)
 Preuve testimoniale : preuve par témoin.
 Preuve par écrit : écrit devant un notaire qui est un officier public. On
parle d’acte authentique qui juridiquement parlant à une force énorme.
Ou écrite par nous-même c’est un acte sous seings privé (= acte sous
signature privée) avec une force beaucoup moins grande.
 L’aveu : preuve irréfutable devant le juge c’est un aveu judiciaire, mais si
l’aveu est devant quelqu'un d’autre c’est moins fiable c’est comme un
témoignage pour le juge.
 La preuve par serment : en justice, si on n’arrive pas à prouver quelque
chose, on va dire que l’on va déférer le serment, on va demander à la
partie adverse de jurer devant le juge que ce que je dis est faux.
La partie adverse à 3 solutions : soit c’est quelqu'un d’honnête et va jurer
que ce que l’on dit est vrai, soit quelqu'un de malhonnête et va jurer que
ce que l’on dit est faux, soit il va faire un « effet miroir » c'est à dire qu’il
va référer le serment et demander à la partie qui a demandé le référer de
jurer que ce qu’il dit est vrai.
2. Loyauté de la preuve
Le principe de loyauté de la preuve est essentiel en matière de preuve. L’élément
de preuves que l’on va fournir au tribunal est nécessairement une preuve que
l’on a obtenu de manière loyale. (Ex : On a une caissière que l’on soupçonne de
voler dans la caisse. Discrètement, on installe une caméra au-dessus de sa caisse
pour s’assurer si oui ou non c’est le cas. Il s’avère que oui. On va voir le juge et on
lui montre la bande vidéo. Cependant, le juge va dire qu’il ne veut pas de cette
preuve là car la preuve est déloyale. On l’a obtenu sans en avertir la caissière. En
revanche, si on l’a averti que l’on filmait, la preuve est apportée loyalement.)
D. QUE DOIT-ON PROUVER ?
1. Difficulté.
Dans certains cas, il est difficile de prouver qu’un fait s’est produit. Donc le
système juridique vient au secours du plaideur en édictant une présomption
légale.
Une présomption légale elle fonctionne comme un déplacement de l’objet de la
preuve.
Cela signifie que normalement pour gagner le procès, on doit prouver que telle
chose s’est bien passée mais la loi considère que c’est difficile de montrer que
telle chose s’est bien passée alors on a le droit de prouver que telle autre chose
s’est bien passée et la loi dit que si on arrive à prouver ça alors je considérerai
que vous avez prouvé ce que vous deviez pour le procès.
2. Présomptions absolues et présomptions simples
Dans ces présomptions légales, il y a certaines présomptions pour lesquelles on
peut prouver le contraire (= présomption légale réfragable/simple) et d’autres ou
l’on ne peut pas prouver le contraire (= présomption légale irréfragable/absolue).
(Ex : La loi nous dit que l’on doit prouver X et comme c’est trop dur, on peut se
contenter de prouver Y, alors on va considérer que vous avez prouvé X.
Si c’est une présomption réfragable, l’autre partie pourra dire non car il pourra
prouver a+b que X ne s’est jamais produit, dans ce cas-là, on aura perdu le
procès)
En revanche, si on a une présomption irréfragable, même si l’adversaire dit que
cela ne s’est jamais passé, on fera comme si ça c’était quand même passé.
Imaginons qu’un homme qui est marié décède et cet homme possédait un
patrimoine donc ses successions vont s’ouvrir et on va partager ses biens. Mais
qui va hériter ? Vont hériter son conjoint et ses enfants. Imaginons qu’il avait déjà
deux enfants qui étaient déjà né au moment où il décède et que 9 mois après son
décès, sa femme accouche d’un autre enfant.
L’enfant pourrait-il hériter ? Le droit répond que oui à condition qu’au moment
où la personne décède l’enfant était déjà conçu.
En 1804, il n’existe pas de test ADN pour prouver que l’enfant est bien celui du
père décédé. Pour résoudre ce problème, la loi a mis en place une double
présomption :
 Présomption qui tient au moment de la conception. Avant il était difficile
de savoir le moment exact de la conception, la loi a de ce fait fixée une
présomption qui existe toujours et qui nous dit : « un enfant est présumé
avoir été conçu entre le 300ème et le 180ème jours avant sa naissance ».
C’est une présomption réfragable.
 Ce n’est pas parce que l’enfant a été conçu avant le décès que c’est
forcément l’enfant du mari décédé. De ce fait, le législateur créé une
deuxième présomption « pater is est » qui dit que dans un couple marié
les enfants d’une femme mariée ont un seul père possible, c’est le mari.
C’est une présomption réfragable.
E. QUID DE LA PREUVE DÉTENUE PAR AUTRUI ?
La preuve des faits va effectivement se heurter à une difficulté importante lorsque
l’élément de preuve est détenu par l’adversaire ou par un tiers. Dans la plupart des cas
cette difficulté n’existe pas car dans le code civil article 10 qui dit que « chacun est tenu
d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. » Autrement
dit, si on a un élément de preuve, on doit le donner au juge de manière à faire éclater la
vérité. Si on ne le fait pas, le juge peut nous enjoindre au besoin sous astreinte c'est à
dire payer une somme par jour de retard et si on ne le fait toujours pas, le juge peut
considérer que le document est en autre défaveur et favorable à la partie adversaire.
1. Par un tiers : le secret professionnel
Mais dans certains cas, il y a des motifs légitime pour refuser de communiquer au
juge des éléments de preuves.
D’abord lorsque l’élément de preuve est détenu par un tiers, il va pouvoir
éventuellement opposer le secret professionnel. Le secret professionnel est
opposable au juge, parce que si le juge lève le secret des affaires cela peut être
nuisible à la prospérité économique. Les affaires ont donc besoin pour bien se
faire de secret. (Ex : dans la médecine, ce sont des questions de respects de la vie
privée, et également le secret de la confession.)
2. Par l’autre partie : l’intégrité de la personne
Deuxièmement, lorsque l’élément de preuve est détenu par l’autre partie.
Chacun normalement doit prêter son concours à la manifestation de la vérité sauf
dans la limité du respect de l’intégrité physique. On ne veut pas que des
problèmes de preuve puisse interférer sur ce droit au respect de l’intégrité
physique.
Notamment, pendant longtemps, ce principe de respect de l’intégrité physique
s’est opposé à ce que l’on puisse imposer à quelqu'un une recherche ADN. Si on
refuse de se prêter à une expertise ADN, on peut faire valoir notre droit au
respect de l’intégrité physique malgré l’article 10
Pendant très longtemps, c’est le respect de l’intégrité physique qui l’a emporté.
Aujourd'hui, la Cour de cassation a un peu nuancé sa position dans un arrêt
depuis 2000 où elle dit que « en matière de filiation, l’expertise génétique est de
droit ». Cela signifie que si l’une des parties demande une expertise génétique
contre l’adversaire, le juge sera obligé de condamner le parti à se soumettre à ce
test. Le juge est tenu de prononcer l’expertise génétique mais la partie ne sera
pas obligée de s’y soumettre car la personne peut dire que son intégrité physique
l’emporte. Le juge sera libre d’interpréter ce refus.
F. QUE FAIRE SI AUCUNE PREUVE N’EST APPORTÉE ?
On appelle ça la question du risque de la preuve. Celui qui fait un procès c’est celui
qui veut que la situation telle qu’elle est soit modifiée. Mais si on n’arrive pas à
prouver, le juge va laisser les choses telles qu’elles sont, car il considère que les
choses sont dans un état qui est juste. Lorsque aucun parti peut prouver ce qu’il dit
celui qui va perdre le procès c’est celui qui a pris l’initiative d’en faire un, il sera
débouté (renvoyer).

II/ COMMENT PROUVER LA RÈGLE ?


A. LA PREUVE DE LA LOI
Il faut distinguer deux types de loi :
1. Française :
En principe les parties ne jouent aucun rôle dans la preuve de la règle de droit
applicable au litige parce qu’on considère que cette fonction appartient au juge, c’est
son métier.
Cela est traduit par un adage célèbre « da mihi factum tibi dabo jus » (= donne-moi
les faits je te donnerais le droit). La preuve de l’existence d’une loi n’est en principe
jamais problématique parce que toutes les lois pour rentrer en vigueur sont
généralement publiées dans le journal officiel de la République française et
maintenant on les retrouve sur le site Légifrance. N’importe quelle règle de droit
quelle que soit sa nature est toujours rendue publique. La vraie difficulté c’est plutôt
la difficulté inverse, une fois qu’une loi rentre en vigueur et qu’elle s’applique, à des
moments on supprime des lois (= abrogation des lois) et parfois on ne sait pas que la
loi a été supprimée donc le risque est que le juge applique une loi qui en réalité a été
supprimée.
Ex historique : Lorsque l’on a codifié le code de l’organisation judiciaire, on a mis
dedans toutes les règles de compétence c'est-à-dire quel tribunal était compétent
pour quel type de litige et notamment, il y avait une règle qui s’appliquait en France
depuis toujours qui était que les tribunaux de commerce étaient compétents pour les
litiges entre commerçants.
Or, lorsque l’on a établi ce code de l’organisation judicaire, on a oublié une règle
fondamentale qui disait qu’un litige entre commerçant était de la compétence des
tribunaux de commerce.
Les tribunaux de commerce existaient avant l’édiction de ce code de l’organisation en
1991, ils ont de ce fait continué à fonctionner, à trancher des litiges jusqu’au jour où
un juge s’en est aperçu et a dit attention vous tranchez un litige pour lequel vous
n’êtes plus compétent car la règle qui voulait que vous soyez compétents pour les
litiges entre commerçant elle existait dans les lois mais ces lois ont été abrogées au
moment où on les a remplacé par le code de l’organisation judicaire et on a oublié de
reporter la règle à l’intérieur, donc les tribunaux de commerce ne sont plus
compétents et la décision qu’ils rendent est nulle.
Le législateur a voté une loi rétroactive pour dire que les tribunaux de commerce ont
toujours été compétents depuis 1991 pour ce type de litige.
En pratique, lorsqu’on saisit un juge on va non seulement établir les éléments de faits
favorables au dossier et également dire au juge de se servir de telle règle de droit car
celle-ci nous sera favorable. Donc finalement chaque partie établit les faits et les
règles de droit, c’est même obligatoire aujourd'hui, un avocat doit conclure en fait et
en droit.
2. Étrangère :
Le juge français peut tout à fait appliquer la loi étrangère, à chaque fois qu’il y a un
élément d’extranéité, c'est-à-dire que le juge français est confronté à une situation
dans laquelle il y a un élément étranger (Ex : un contrat passé entre un français et un
allemand signé à Paris, il arrive qu’un juge français soit tenu d’appliquer la loi
étrangère.)
Le problème c’est de connaitre les lois étrangères, déjà que l’on ne connait pas
toutes les lois françaises, donc pendant longtemps on a considéré que la preuve de la
loi étrangère devait être apportée par les parties, mais cette solution a été
abandonnée en 1998 et depuis la Cour de cassation considère que c’est toujours au
juge de faire la preuve de la loi, d’appliquer la loi française et étrangère.
En pratique les tribunaux s’adressent à la chancellerie qui essaye d’avoir des
renseignements clairs sur la loi étrangère applicable.
Kelsen, l’exemple type du positivisme avec sa pyramide des normes dans laquelle on
retrouve tout en bas les contrats qui sont des normes applicables qu’aux individus
qui ont signé le contrat. C’est une règle de droit applicable à deux personnes.
B. LA PREUVE DU CONTRAT
Ex : Imaginez que X remet 1000 euros à Y et il va vouloir qu’on lui rende et va de ce fait
les réclamer à Y.
Il y a 2 choses à prouver : les faits et la preuve de la règle de droit. Il faut se demander si
en droit on est obligé de rendre l’argent que l’on nous prête. Dans l’article 1875 du code
civil, il y a une règle de droit qui dit qu’effectivement que l’lorsqu’une personne
emprunte quelque chose, elle doit à tout prix le restituer au bout d’un certain temps.
Pas forcément, parce que ça dépend de la norme du contrat qui a été passé entre X et Y,
peut-être que le contrat était un contrat de donation et pas de prêt.
Si le contrat est un contrat de donation, il y a une règle très spéciale en matière de
donation, « donner, retenir ne vaut ». Cela signifie qu’une fois que l’on a donné quelque
chose, on ne peut pas le reprendre. La difficulté est de savoir quel est le contrat qui a été
passé entre les 2 parties car la solution n’en sera pas la même.
Pour savoir quel type de contrat c’est, le code civil édicte tout un tas de règle pour
résoudre les différents problèmes : la charge de la preuve repose sur les épaules du
demandeur, celui qui prend l’initiative de faire le procès ce n’est pas au juge de prouver,
le risque de la preuve pèse aussi sur le demandeur.
Le principe est de prouver par un écrit, sous signature privé ça suffit, mais il y a des
dérogations qui permettent de prouver avec d’autre moyens. Mais un contrat se prouve
par écrit c’est ce que dit l’article 1359 du code civil.

III/ LE RAISONNEMENT JUDICIAIRE : UNE LOGIQUE FORMELLE ?


A. EXPOSÉ
Le raisonnement judicaire est une opération fondamentalement intellectuelle. La
première façon de le concevoir c’est en relevant d’une logique formelle.
L’idée est qu’il suffit pour le juge de faire preuve de logique, pour pouvoir trancher le
litige, il va utiliser le syllogisme.
1. Syllogisme
C’est une forme de raisonnement de longue date inventée par les grecques.
Un syllogisme très célèbre : Tous les Hommes sont mortels, Socrate est un
Homme donc Socrate est mortel. Dans ce raisonnement on distingue 2
prémisses : la majeure, une règle générale et la mineure, une situation précise,
factuelle, puis pour finir une conclusion.
Le travail du juge est celui de mettre en œuvre un syllogisme, on l’appelle le
syllogisme judiciaire. Ce raisonnement est complétement faux à la base car quand
on dit que « tous les Hommes sont mortels », que « Socrate est un Homme » et
donc que « Socrate est mortel », on devrait dire « tous les Hommes sont mortels
à l’exception de Socrate » puisque la question qu’on cherche à savoir est si
Socrate est mortel, car l’autre forme contient déjà la conclusion c’est pour cela
que c’est faux.
2. Application par le juge
Le juge serait tenu d’appliquer ce raisonnement.
Ex : imaginons que l’on a un automobiliste qui au lieu de rouler à droite se prend
pour un anglais et roule à gauche et se prend donc un cycliste, il est blessé, il fait
donc un procès a l’automobiliste.
Le juge va donc construire un syllogisme judicaire et la première question qu’il va
se poser, c’est de savoir si oui ou non l’automobiliste était en tort ou pas, il va
appliquer la majeure, autrement dit le code de la route, il y a un article R412-9
qui dit qu’en France on roule à droite de la chaussée. Or, dans la mineure, on
relate les faits : « l’automobiliste roulait à gauche, par conséquent, il a violé la loi
et donc il a commis une faute ». Par la suite, il faut savoir quelle est la
conséquence de la faute donc on applique un second syllogisme.
La majeure : dans le code civil on a un article fondamental qui existe depuis 1804
qui est l’article 1240 « tout fait quelconque de l’Homme qui cause à autrui un
dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Autrement
dit, on lui verse des dommages et intérêts. Par conséquent, l’automobiliste doit
lui verser des dommages et intérêts.
Dans la mineure, on dit que l’automobiliste a commis une faute.
B. CRITIQUE
Quand on lit un arrêt de la Cour de cassation, elle motive ainsi ses arrêts notamment ses
arrêts de cassation. Cette manière de construire la présentation formelle des décisions
rendues par un juge montre la subordination du juge à la loi, comme dirait Montesquieu
« le juge est la bouche de la loi ». Cela prouve que le juge n’est qu’un rouage de la
mécanique de la logique.
Cette vision est caricaturale et inexacte, parce que en réalité l’incertitude arrive à tous
les stades du raisonnement, d’abord une incertitude au stade des faits, il est très difficile
de savoir si oui ou non les faits se sont passés de telles ou telles manières.
 Liberté quant aux prémisses
 Liberté quant au sens de la règle
 Conséquence
Il y a une difficulté au niveau de l’application de la règle de droit parce que jusqu’à
présent on est parti de l’idée qu’on avait une situation de fait et la question était de
savoir si oui ou non la règle de droit existait. Cependant, le vrai problème est que le juge
a des centaines de règles de droit, et plusieurs peuvent prétendre à s’appliquer aux
litiges. Il va devoir faire un choix et suivant son choix la solution ne sera pas la même.
Ex : Un problème de contamination. A l’époque, on a eu des victimes transfusionnelles
qui ont été contaminées à la suite d’une perfusion sanguine à l’hôpital (par le virus
d’immunodéficience acquise humaine = Sida).
Le 1er problème est de savoir si oui ou non la contamination du virus du sida a bien eu
lieu par la transfusion sanguine, il faut pouvoir le prouver.
Le 2ème problème : qu’elle est la règle que l’on va appliquer : homicide ?
empoisonnement ? crime ?...
Savoir quelle règle de droit est applicable à la situation est le problème fondamental
pour un juriste c’est ce que l’on appelle la qualification.
Le dernier problème : Quand on sait quelle règle de droit appliquer, on doit par la suite
savoir ce que dit cette règle de droit.
Le syllogisme n’a pas pour fonction de donner au juge la bonne solution judiciaire. Il
arrive a posteriori de la décision. Mais il permet de convaincre les parties de sa décision.

IV/ L’ART JUDICIAIRE : UNE RHÉTORIQUE


A. NOTION
Le juge arrive à la solution juste par un autre chemin que celui du raisonnement
logique, il y arrive par le principe de la dialectique : c’est un art, un processus qui
s’est toujours pratiqué depuis l’Antiquité devant les tribunaux, cela consiste à
confronter 2 thèses adversaires.
La dialectique ne peut exister que si l’on peut exprimer une thèse, une antithèse, que
le juge peut entendre l’un et l’autre et qu’il puisse arriver à aller au-delà de cette
contradiction.
Avec cette idée de thèse antithèse synthèse et de dialectique, on est tout à fait dans
la symbolique de la justice : c’est une femme les yeux bandés (car impartiale) et elle
tient une balance, on pèse la cause de chacun des parties puis le fléau qui permet de
tenir la balance en équilibre est en réalité un glaive qui permet de trancher les litiges.
Cette idée de dialectique renvoie à un principe fondamental, le principe du
contradictoire.
B. NÉCESSITÉ DU CONTRADICTOIRE.
1. Signification
Ça veut dire qu’il peut y avoir juxtaposition des 2 thèses. Le juge en a besoin pour
arriver à la bonne solution.
L’article 14 du code de procédure civile « nul partie ne peut être jugée sans avoir
été entendue ou appelée » puis l’article 6 de la CEDH « toutes personnes à le
droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ».
2. Garantie du respect du contradictoire
Pour que le juge puisse trancher, il faut qu’il sache quelle est la thèse la plus
solide. Le meilleur moyen est de prendre les deux thèses et de les taper l’une
contre l’autre pour savoir qu’elle est la plus résistante. C’est la confrontation des
thèses en présentation.
Pour faire un procès, on fait généralement une assignation, c’est un document
signifier par l’huissier qui va sonner chez la personne à qui on veut faire le procès.
Dans l’assignation, il y a les faits, les règles de droit et les documents sur lesquels
on appuie notre demande (contrats, écrits, témoignages…).
La personne reçoit ça par un huissier et il peut dire qu’il n’est pas d’accord avec
ce qu’on lui reproche : les faits sont faux, la règle de droit ne peut pas être
appliquée pour telle ou telle raison et peut être que lui il produit des documents
mais moi j’ai des documents en sens inverse. Ainsi, la personne va répondre à
l’assignation et va solliciter son avocat pour faire des conclusions qui seront
ensuite transmises au demandeur. Il y a des échanges de conclusion entre
chacunes des parties.
Une fois que tout est exposé et qu’on a confronté les arguments et le document,
c’est le moment du juge. Le procès est un combat loyal car on montre les armes
que l’on a à la partie adverse afin qu’elle puisse se défendre.
Article 16 du code de procédure civile « le juge doit en toute circonstance faire
observer et observer lui-même le principe du contradictoire ».
C. RÔLE DE LA RHÉTORIQUE.
La rhétorique est l’art oratoire, c’est l’art de convaincre
1. Utilisation par l’avocat
L’avocat essaie de convaincre le juge par des arguments de faits et de droit
2. Influence sur le juge
Il va également avoir tendance à prendre tous les éléments possibles pour mettre
le juge dans sa poche en multipliant les arguments de type économique, d’ordre
moral, historique, social… Il serait faux de penser que tous ces arguments extra
juridiques n’exercent aucune influence sur le juge. Il y a tout un tas de solutions
qui sont rendues de manière juridique et dont la raison d’être ne sont pas des
considérations juridiques mais des considérations morales, économiques...
Notamment, les décisions qui sont rendues en faveur de la partie faible sont
justifiées juridiquement mais la vraie raison d’être c’est qu’il y a un parti pris du
juge en faveur de la partie faible.
La seule chose c’est que le juge ne peut pas en France évoquer ses arguments
pour justifier sa décision. Sa justification se fait que sur des motifs juridiques car
la règle s’applique de manière générale. Elle peut être juste mais pour un cas
précis, elle peut être injuste donc le juge va s’en écarter et trouver une autre
solution.
3. Différence entre le juge français et le juge anglais
Sur le plan formel : On a une grande différence avec la tradition française du juge
et la tradition anglo-saxonne. Dans la décision, on a des considérations juridiques
mais on envisage les impacts économiques, historiques, moraux... Ces éléments
sont pris en compte pour justifier la décision. Ce n’est pas le cas en France.
La conséquence est qu’un arrêt rendu par les juridictions françaises (notamment
les arrêts de cassation) sont très courts alors qu’une décision rendue par la
chambre des lords en Angleterre peut faire 100, 200 ou 300 pages.
Quant au fond, il y a une vraie différence entre la procédure française et anglo-
saxonne parce que dans la procédure française, la décision de justice c’est une
conclusion logique tirée du syllogisme judiciaire alors qu’en Angleterre c’est
différent, chacun peut avoir une vision différente de la solution, il peut faire une
opinion décidant à la fin de l’arrêt.
En France, ce n’est pas un juge qui rend une décision de justice mais plutôt le
peuple français. Le juge est la bouche du peuple.
Le droit même en France n’est pas une science, c’est un art, une tentative de
s’approcher de la solution juste.

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