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Chapitre 5 : La preuve des droits subjectifs

Ne pas pouvoir prouver son droit revient à ne pas avoir de droit. Les personnes sont amenées à
prouver qu’elles ont des droits subjectifs.

Diversité des droits subjectifs :

- Droits patrimoniaux : Droits que l’on trouve dans le patrimoine d’une personne concernant
les éléments qui ont une valeur pécuniaire.
Les éléments du patrimoine sont transmissibles (cessibles) et ont une valeur pécuniaire.
o Droits réels (ex : droit de propriété)
o Droits personnels (ex : droit de créance)
o Droits intellectuels (ex : brevet = titre de propriété intellectuelle d’une invention)

- Droits extra patrimoniaux : Droits concernant éléments qui n’entrent pas dans la
composition du patrimoine, donc pas de valeur pécuniaire, incessibles (ex : droit de vote).

Pour prouver ses droits, il faut répondre à 3 questions :

- Que prouver  Quel est l’objet de la preuve ?


- Qui doit prouver ?  Qui doit apporter des éléments de preuve/Qui a la charge de la preuve
- Comment prouver ?  Quels moyens/modes de preuve ? + Quelle est leur recevabilité ?
 Répondre à ces 3 questions, c’est « administrer le preuve » ou « administration de la
preuve »

I. L’objet de la preuve
A. « Ce qui doit être prouvé »
On n’a pas à prouver l’existence de la règle de droit applicable, mais il faut prouver le ou les droits
subjectifs (DS).

Dans la pratique, c’est difficile de prouver un droit subjectif (ex : droit de créance), la preuve portera
sur l’événement à l’origine de ce droit subjectif.
L’événement peut être soit un fait juridique, soit un acte juridique.

Ex : difficile de prouver le droit d’être remboursé, on cherche donc à prouver que l’on a prêté de
l’argent dans le but d’obtenir son droit subjectif.

B. L’acte et le fait juridique


L’acte juridique est une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. C’est un
événement volontaire aux effets juridiques voulus.
Ex : un contrat.
On va distinguer les différents actes selon :

- Le nombre de personnes concernées :


o Unilatéral
o Bilatéral
o Multilatéral
- L’enrichissement :
o à titre onéreux
o à titre gratuit
- Les opérations sur le patrimoine :
o Acte conservatoire
o Acte d’administration
o Acte de disposition

Les faits juridiques sont des événements volontaires ou non, mais dont les effets juridiques qui en
découlent n’ont pas été voulus (ex : bagarre, pot de fleur sur une voiture, non-paiement d’une
somme d’argent).
Les faits de la nature (naissance, décès) sont considérés comme des faits juridiques.

 Il va donc falloir prouver l’acte ou le fait juridique pour prouver ses droits.

II. La charge de la preuve


Dans le procès civil, la procédure est accusatoire, donc c’est aux parties d’apporter les preuves, le
juge étant neutre.

En théorie (article 1353 code civil), les parties apportent leurs preuves dans un ordre chronologique.
En pratique, elles le font simultanément sans se préoccuper de qui a la charge de la preuve.
Cependant, si le doute persiste, le juge déboutera celui sur qui pèse la charge de la preuve.

Rappels :

- Neutralité du juge (article 9 du code de procédure civile)


- Principe du contradictoire

A. Principe : « La preuve incombe au demandeur »


Si le demandeur n’arrive pas à prouver l’existence de son droit, alors il perd son procès. Le
demandeur est celui qui a une prétention (celui qui veut obtenir l’application d’une règle de droit)
ou celui qui conteste une situation.

Celui qui a la charge de la preuve supporte le risque en cas d’échec.

B. Exceptions : « les présomptions légales »

1. Définition
C’est une conséquence que la loi tire à partir d’un fait connu pour établir un fait inconnu. C’est une
supposition, une déduction, ce qui paraît vraisemblable.

Il existe une liste prévue par la loi, mais non limitative (non-exhaustive). Par exemple, des
jurisprudences peuvent étendre cette liste.
Ex : présomption de paternité

2. Effets des présomptions légales


Celui qui invoque un acte ou un fait juridique n’aura pas besoin de le prouver (car la loi le prévoit).

⚠ Face à certaines présomptions légales, il peut être possible ou non de prouver le contraire. On
distingue ainsi :

- Les présomptions légales simples ou mixtes : il est toujours possible de prouver le contraire.
La preuve contraire est plus ou moins facile à apporter (simple = très facile, mixte = plus
complexe).
Ex : présomption de paternité si quelqu’un conteste la paternité ; parties à un contrat sont
présumées de bonne foi ; une partie à un contrat est présumée à avoir la capacité juridique ;
celui qui possède un bien meuble est présumé être le propriétaire.

- Les présomptions légales irréfragables : il est interdit de prouver le contraire/d’apporter la


preuve contraire. Ce qui est présumé est tenu pour vrai (certain).
Ex : remise du ticket de caisse présume le paiement ; nul n’est censé ignoré la loi ; la
présomption de la connaissance du vice du produit par le professionnel qui le vend.

La charge de la preuve est parfois renversée.

III. Les modes/moyens de preuve


On distingue parmi les modes de preuve :

- Ceux qui lient le juge (qui emportent la conviction du juge) et qui ont une importante force
probante : ce sont les preuves parfaites.
- Ceux que ne lient pas le juge , qu’il peut rejeter et dont la force probante est moins
importante, qui devront donc être complétés par d’autres modes de preuves : ce sont les
preuves imparfaites.

La force probante (ou valeur probatoire) est l’efficacité d’un mode de preuve.

Le juge est interdit de ne pas juger, interdiction du déni de justice.

A. Les preuves parfaites


1. La preuve écrite (ou littérale)
Pour que l’écrit soit considéré comme une preuve parfaite, il doit respecter plusieurs conditions.

a) Définition
C’est ce qui est établit par les parties pour matérialiser un accord.

- Suite de chiffres, lettres, symboles


- Qui a du sens
- Quel que soit le support (papier, électronique)

⚠L’écrit papier et l’écrit électronique ont la même force probante à condition :

- Que l’auteur puisse être identifié (signature)


- Que l’écrit soit établi et conservé dans des conditions qui garantissent son intégrité

b) La nécessaire identification de l’écrit par la signature


Elle permet d’identifier l’auteur et de manifester son consentement. Elle peut être manuscrite ou
électronique.

⚠Le procédé d’identification de l’auteur doit être fiable et l’intégrité de l’acte doit être garantie.
Il est présumé fiable. C’est une présomption simple.
c) L’acte authentique et l’acte sous signature privée (sous seing privé)
i. Acte authentique
C’est un acte dressé par une personne qui a la qualité d’officier publique.
Exemple d’officiers publiques:

- Le notaire : actes privés


- L’officier d’état civil : actes de l’état civil
- Huissier : actes extra-judiciaires
- Le greffier : actes judiciaires

Pour être considéré comme une preuve parfaite, il faut respecter un formalisme exigeant :

- Support papier ou électronique


- Rédigé et signé par l’officier publique
- Signé par les deux parties
- Langue française parfois imposée.

Avantages de l’acte authentique (AA):

- Se prémunir contre les risques de perte car copie


- Force probante très importante : il fait foi jusqu’à inscription de faux = seul façon de
contester est de prouver que c’est un faux.

ii. Acte sous signature privée


C’est un écrit signé par les parties.

Pour être considéré comme une preuve parfaite, il faut respecter un formalisme :

- La signature des parties (peut être électronique)


- S’il s’agit d’engagement réciproque, alors il faudra respecter la formalité du double
obligatoire = autant d’exemplaires originaux que de parties à l’acte. On admet la copie
fiable. Sur chaque exemplaire, on note le nombre d’exemplaires réalisés.
- S’il s’agit d’un engagement unilatéral (testament, don, reconnaissance de dette), de payer
ou livrer quelque chose, alors il faudra la signature du débiteur, et le montant et la quantité
de la chose en lettres et en chiffres écrits par le débiteur.

La valeur probante de l’acte sous seing privé est moindre par rapport à l’acte authentique. L’acte
sous seing privée fait foi jusqu’à preuve contraire.

L’acte sous seing privé peut être contresigner par un avocat (apposer sa signature à côté de celle des
parties), ainsi l’avocat atteste qu’il a conseillé les parties. Certaines mentions manuscrites peuvent
devenir non-obligatoires.

Un acte sous seing privé peut faire l’objet d’une copie, qui pour avoir la même valeur que l’original,
doit être fiable. La copie fiable = copie fidèle (à l’identique) + copie durable (intégrité garantie dans
le temps).

 En principe, l’écrit est une preuve parfaite (AA, ASSP, contresigné par avocat ou pas, copie fiable)
qui lie le juge et emporte à elle seule la conviction du juge.
Si l’acte authentique est irrégulier, alors il deviendra un acte sous seing privé.
Si l’acte sous signature privée est irrégulier, alors il deviendra un commencement de preuve par écrit
(preuve imparfaite).
En cas de conflit de preuves, le juge retient la plus vraisemblable.

2. L’aveu judiciaire
C’est une déclaration par une personne :

- En justice : au cours de l’instance (du début de l’action à la décision) devant une personne
habilitée
- D’un fait ou d’un acte qui lui est défavorable
- Qui est spontanée (non-provoquée)
- Qui fait foi contre celui qui l’a fait : on dit qu’il est indivisible (on doit prendre tout l’aveu) et
irrévocable (on ne peut pas revenir sur son aveu) en droit civil.
Exception : la personne peut changer d’avis s’il y a erreur de compréhension.

Le juge tient pour vrai ce qui est judiciairement approuvé = preuve parfaite.

3. Le serment décisoire
Procédé obsolète.
Celui qui n’arrive pas à rapporter la preuve va déférer le serment au défendeur : c’est au défendeur
de jurer (« je le jure »).
Un faux serment est un délit.

B. Les preuves imparfaites


Une tierce personne déclare devant le juge
chargée de l’enquête connaître un événement.
Le témoignage
Déclaration orale ou écrite.

Conclusions/déductions que le juge tire d’un


fait connu à propos d’un événement inconnu =
résultats de raisonnement à partir de faits
connus.
Les présomptions judiciaires ou « du fait de
Présomptions doivent être :
l’homme »
- Graves
- Précises
- Et concordantes (tout ce qu’on a vu
tendent à dire la même choses)
Serment déféré par le juge à l’une des parties.
Juge demande à une partie de jurer que les
éléments sont faux.
Le serment supplétoire ou « déféré d’office » En pratique, le juge préfère recourir à une autre
méthode (expertise, témoignage, présomption,
etc.)

Aveu fait en dehors de l’instance, ailleurs que


devant le juge ou une personne habilitée.
L’aveu extra-judiciaire
Ex : peut être divisé et retracté

Les autres écrits Ni authentiques, ni sous-seing privés, ni copies


fiables (docs comptables, registres, lettres, …).
Le commencement de preuve par écrit : émane
de la personne contre laquelle on veut prouver
quelque chose.
Ex : on retrouve une note dans l’agenda de celui
qui doit rembourser « lundi rembourser Mr X »

A elles seules, ces preuves ne lient pas le jugent, plus elles sont nombreuses, plus il est convaincu.
C’est l’appréciation (ou pouvoir souverain) du juge qui détermine leur valeur probatoire.

IV. La recevabilité/admissibilité des modes de preuves


Le juge reçoit une preuve (ou admet une preuve) différemment lorsqu’il est face à un acte ou un fait
juridique. Un acte ou un fait juridique ne se prouvent pas de la même façon.

A. La preuve des actes juridiques


1. Principe
En principe, ils ne se prouvent qu’avec une preuve parfaite. Elle offre le plus de sécurité.
Le demandeur présente une preuve parfaite, il gagne, sinon il perd.

2. Exception
La preuve redevient libre (possibilité pour le demandeur de présenter toute type de preuves) dans
plusieurs situations :

- Litige à l’encontre d’un commerçant


- La preuve en droit pénal et droit du travail
- La preuve des actes civils ≤ 1500 €
- Lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit
- En cas d’impossibilité morale ou matérielle de se constituer un écrit
- En cas de force majeure : événement extérieur aux parties imprévisible et irrésistible (on ne
peut pas y échapper)
- Dans le cas où il est d’usage de ne pas établir d’écrit.
Ex : entre médecin, entre passionnés, entre artistes, …

B. La preuve des faits juridiques


1. Principe
La preuve est libre. C’est-à-dire le fait se prouve par tout moyen.
Les moyens de preuves doivent être :

- Pertinents
- En lien direct
- Concluant : éclaire le juge

2. Exceptions
C’est le cas de l’état des personnes : naissance, mariage, divorce, décès, …
Il faut un acte d’état civil.

3. 2 limites à la liberté de la preuve


 La preuve doit être obtenu loyalement.
Exemple : Sont interdits les stratagèmes, ou les modes de preuves obtenus de manière
frauduleuse.

 La preuve doit être obtenue dans le respect de la vie privée.


Exemple : Interdiction de filatures, investigations sur de longues périodes
Il est possible de porter atteinte à la vie privée d’une personne si c’est justifié et proportionné.

V. Les autres systèmes de preuves


A. La preuve en matière commerciale

1. Principe : La liberté de la preuve

⚠Uniquement pour prouver les actes (et faits) entre commerçants et les actes de commerce.

2. Exception : Le cas des actes mixtes


C’est un acte passé entre un commerçant et un non-commerçant.

2 hypothèses qui dépendent de la qualité du demandeur (celui qui cherche à prouver) :

- Si c’est le non-commerçant qui cherche à prouver contre le commerçant : c’est le principe de


la liberté de la preuve (choix entre Tribunal de commerce ou TJ).
- Si c’est le commerçant qui cherche à prouver contre le non-commerçant : on applique les
règles en matière de droit civil (TJ imposé)

B. La preuve en matière pénale


1. Principe
La preuve est libre.

2. Exceptions
Certains modes de preuves sont interdits :

- Ceux contraires au droit de la défense (d’après le principe du contradictoire)


- Ceux contraires à la dignité de la personne : violence, chantage, …
- Ceux qui sont déloyaux : vol de documents, …

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