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Séance n° 6
Le nouveau Code pénal togolais, traite dans un même chapitre, intitulé « des
détournements », outre l’abus de confiance, l’abus de blanc-seing (§.1), le
détournement de gage et d’objet saisi (§.2), ainsi que l’organisation frauduleuse
de l’insolvabilité (§.3).
1
Crim. 12 janvier 1987, Gaz. Pal. 1987, I, somm. 200.
En outre, le blanc-seing doit avoir été volontairement remis à celui qui est
accusé d’en avoir abusé. D’où il suit que toute violence, par l’emploi de
laquelle aurait été obtenu le blanc-seing, exclurait cette mise de confiance
qui est l’élément primordial du délit.
Mais l’emploi de manœuvres frauduleuses, propres à tromper la victime, et
à l’amener à donner un blanc-seing, qu’elle n’aurait pas donné sans cela, fait
qui, en lui-même, est susceptible de constituer une escroquerie, peut-il faire
dégénérer l’abus du blanc-seing obtenu par la fraude en crime de faux ?
Une distinction s’impose, entre le cas où la remise du blanc-seing est
déterminée par des manœuvres excluant toute confiance dans la personne à
qui la signature est confiée, et celui où la remise n’exclut pas cette confiance.
Exemple : un avocat obtient de son client une feuille de papier timbré, signée
en blanc, en le persuadant qu’il en a besoin pour faire un acte de procédure
au nom du signataire, et il en abuse, en inscrivant une obligation, à son profit,
pouvant compromettre la fortune de ce client. Bien que la volonté de celui
qui a remis le blanc-seing ait été plus ou moins trompée par cette manœuvre,
on verra simplement dans ce fait un abus de confiance. Mais, lorsque les
manœuvres employées ont été telles que le signataire n’a jamais eu la volonté
de remettre un blanc-seing destiné à contenir un acte déterminé, c’est sous
la qualification de faux que le fait doit être poursuivi.
Enfin, le blanc-seing ne peut être réputé avoir été confié à un tiers que
lorsqu’il a été remis à cette personne à titre de blanc-seing et avec un mandat
quelconque. Ainsi, lorsqu’un individu remet ses nom et prénoms, à titre
d’adresse, à un tiers, et que celui-ci fabrique, au-dessus de ces nom et
prénoms, une obligation à son profit, il y a faux et non simplement abus de
blanc-seing. Ainsi encore, le fait par celui qui a reçu une quittance d’insérer,
dans un blanc laissé par inadvertance, une mention préjudiciable, ne constitue
pas l’abus de blanc-seing, mais le délit de faux1.
2. Un abus commis par le bénéficiaire du blanc-seing
Le second élément du délit résulte de cette circonstance que l’auteur de
l’abus est précisément celui à qui le blanc-seing a été confié pour en faire un
usage déterminé. La question s’est, en effet, posée de savoir s’il y a abus de
blanc-seing ou s’il y a faux, lorsque la personne à qui le blanc-seing a été
confié, le fait remplir par un tiers. La réponse à cette question découle de
l’application des principes de la complicité.
Ou le tiers, auquel le blanc-seing a été remis pour qu’il y écrive la convention,
est réputé auteur principal, et dans ce cas il a commis un faux, dont doit être
réputé complice celui qui lui a remis le blanc-seing ; ou c’est bien ce dernier
1
Crim. 14 mars 1988, Bull. crim., n° 191, p. 102
que l’on répute auteur principal, celui qui a écrit pour lui la convention n’étant
considéré que comme son instrument et son complice, et dans ce cas, tous
les deux n’ont commis qu’un abus de blanc-seing.
3. Un abus frauduleux
La troisième condition du délit, c’est qu’il y ait un abus frauduleux du blanc-
seing ainsi confié. Cet abus consiste, aux termes de l’article 438, dans
l’inscription d’un acte au-dessus de la signature. Il faut en réalité préciser qu’il
doit s’agir d’un acte non conforme aux conventions arrêtées entre la
personne qui l’écrit et le signataire ; dans le cas contraire, il n’y aurait aucun
délit, non pas faute de préjudice, mais faute d’abus, puisque l’acte écrit serait
conforme au mandat donné par le signataire.
L’abus doit être frauduleux, c’est-à-dire que l’acte doit être écrit avec la
conscience et la volonté d’opérer une obligation ou décharge différente de
la convention arrêtée avec le signataire, et de nature à compromettre, au
moins d’une manière éventuelle, sa fortune ou sa personne. Cet abus
implique, en général, l’intention frauduleuse, laquelle sera rendue plus
manifeste encore par l’usage même du blanc-seing ainsi rempli.
Mais il n’est pas nécessaire, pour que le délit existe, qu’il ait été fait usage de
l’acte frauduleusement rédigé au-dessus de la signature. C’est
la fabrication même d’une convention, différente de celle pour la constatation
de laquelle le blanc-seing avait été confié, qui caractérise l’abus.
Sans doute, comme dans toute falsification d’écriture, ce n’est pas
précisément le faux qui est préjudiciable, mais plutôt l’usage du faux. Mais on
admet que si, d’un côté, l’abus du blanc-seing est consommé par le simple fait
de l’inscription frauduleuse d’une obligation ou d’une décharge au-dessus de
la signature, d’un autre côté, l’usage d’un blanc-seing, déjà frauduleusement
rempli, constitue aussi et toujours le délit d’abus de blanc-seing. L’usage, en
effet, comme l’exprime une jurisprudence aujourd’hui bien constante,
« reproduit et perpétue » l’abus de blanc-seing, déjà consommé par
l’inscription frauduleuse ; d’où il suit que la prescription ne commence à
courir qu’à dater du dernier usage qu’on a fait du blanc-seing1.
4. Un abus opérant obligation ou quittance
La dernière condition du délit est que l’écriture, mise au-dessus de la
signature, opère obligation ou quittance, c’est-à-dire décharge, ou qu’elle
puisse compromettre, d’une façon quelconque, la personne ou la fortune du
signataire.
Il faut donc, pour l’existence du délit d’abus de blanc-seing, relever
un préjudice. Mais le principe que le délit est constitué par la simple fabrication
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Crim. 21 septembre 1994, Bull. crim., n° 300, 730
S’agissant d’un gage sans dépossession (art. 441, 1° et 2°), l’objet gagé reste entre
les mains du débiteur qui voit ses prérogatives limitées sur ce bien. Le
détournement intervient dès lors que le débiteur détruit, altère ou soustrait le
bien à la garantie du paiement de sa dette.
S’agissant d’un gage avec dépossession, le détournement est moins évident,
puisque, par définition, le bien se trouve entre les mains du créancier. L’article
441, 3°, prévoit, néanmoins, qu’il y a détournement dès lors que le créancier
bénéficiaire du gage détruit, altère, refuse de restituer, s’approprie ou fait
obstacle aux droits du débiteur sur l’objet gagé ou nanti.
Ce qui, matériellement, ne pourrait être constaté qu’à l’échéance de la dette et
après règlement complet de celle-ci.
L’infraction est donc imputable, aussi bien au donneur de gage, le débiteur, qu’au
bénéficiaire du gage, le créancier.
Au plan intellectuel, l’infraction est intentionnelle, le donneur de gage ou le
bénéficiaire doit avoir voulu porter atteinte, non pas au bien lui-même, mais aux
droits de son créancier ou de son débiteur en détournant l’objet gagé1.
S’agissant des sanctions, l’article 442 prévoit des peines identiques à celles
applicables en matière d’abus de confiance, c’est-à-dire un à trois ans
d’emprisonnement et/ou une amende d’un million à trois millions de Francs CFA.
B- Le détournement d’objet saisi
Selon l’article 443, C. pén. tg., « le détournement d’objet saisi est le fait, par le saisi,
de détruire, de s’approprier, de ne pas restituer ou de faire obstacle aux droits d’autrui
sur un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d’un créancier et confié à sa
garde ou à celle d’un tiers ».
L’existence d’une saisie constitue donc une condition préalable à l’infraction,
mais la poursuite répressive est indifférente à la validité de la saisie : il importe
peu que la saisie soit annulée après l’acte de détournement2.
Matériellement, l’infraction consiste en un détournement ou une destruction de
l’objet saisi, l’auteur de l’infraction étant la personne saisie. Intellectuellement, le
délit requiert une intention frauduleuse, exclusive de la bonne foi, caractérisée
par la connaissance que l’objet détourné avait été placé sous main de justice3.
1
Crim. 23 juin 1965, D. 1965, p. 778
2
T. corr. Seine, 18 décembre 1926, DP. 1928, 2, 199
3
Crim. 22 janvier 1953, Bull. crim. n° 23