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Droit pénal des affaires

Séance n° 6

Objectif : Définition et répression de l’abus de blanc-seing, du détournement de gage


et d’objet saisi, ainsi que de l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité.

Consignes : Lire et relire, au besoin, à partir de la section 3 du chapitre 3 jusqu’à la


fin du chapitre, en s’aidant, s’il y a lieu, du Lexique des termes juridiques ou du
vocabulaire juridique, afin de cerner tous les contours des infractions voisines de l’abus
de confiance, et la manière dont elles sont réprimées et sanctionnées.

Activités : Répondre aux questions suivantes :

1) Qu’est-ce que l’abus de blanc-seing ? Quels en sont les éléments constitutifs ?

2) En quoi consiste le détournement de gage ? et le détournement d’objet saisi ?

3) Comment se caractérise l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité ? Qui peut en


être coupable ?

SECTION 3- LES INFRACTIONS VOISINES DE L’ABUS DE


CONFIANCE

Le nouveau Code pénal togolais, traite dans un même chapitre, intitulé « des
détournements », outre l’abus de confiance, l’abus de blanc-seing (§.1), le
détournement de gage et d’objet saisi (§.2), ainsi que l’organisation frauduleuse
de l’insolvabilité (§.3).

§.1- L’abus de blanc-seing


Il est possible, et le fait se présente même assez souvent, que, dans une
circonstance de la vie, un individu ait besoin de donner sa signature d’avance,
sur une feuille de papier blanc, pour ratifier une écriture privée qui sera
placée ultérieurement au-dessus de la signature : c’est ce que l’on appelle un
blanc-seing.

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Aux termes de l’article 438, C. pén., « l’abus de blanc-seing consiste de la part


d’une personne à qui un papier portant une signature en blanc a été confié, à
inscrire frauduleusement, au-dessus de cette signature, une obligation ou une
quittance ». Il n’est donc pas nécessaire, comme l’avait admis la jurisprudence,
que la feuille de papier soit entièrement blanche. Aussi, l’article 437, C. pén.,
donne-t-il au blanc-seing deux définitions. Constitue un blanc-seing, selon ce
texte, 1) le titre signé en blanc, un document à compléter que le signataire
confie à une personne afin que celle-ci remplisse elle-même les blancs en
déterminant les éléments qui manquent ; 2) la signature apposée à l’avance
au bas d’un document sur lequel le signataire a laissé intentionnellement un
blanc destiné à être rempli ultérieurement.
En analysant les termes de l’art. 438, on constate que le délit d’abus de blanc-
seing suppose quatre conditions essentielles, qu’il importe d’analyser, avant
d’examiner les peines applicables.
A- Les éléments constitutifs d’abus de blanc-seing
Pour qu’il y ait abus de blanc-seing, il faut, d’une part, que la feuille de papier ait
été confiée en blanc avec la seule signature de la victime, d’autre part, que l’abus
ait pour auteur celui à qui la feuille a été confiée ; il faut en plus que l’abus ait été
commis frauduleusement, et enfin, que cet abus soit de nature à compromettre
la personne ou la fortune du signataire.
1. Une signature donnée en blanc
L’élément primordial du délit est un acte de confiance de la victime, acte qui
implique un mandat quelconque. Une signature donnée en blanc révèle, en
effet, que le papier, sur lequel elle est apposée, doit contenir un écrit dont
cette signature est la ratification anticipée. Le but de la remise du blanc-seing
peut être de diverses natures ; mais il est nécessaire que la feuille revêtue de
la signature soit destinée à être remplie.
Si la signature était précédée de quelques mots écrits ou imprimés, et que le
prévenu n’ait fait que remplir les blancs laissés à dessein entre ces mots, cette
action constituerait-elle un abus de blanc-seing ? Cette question s’est, à
plusieurs reprises, posées au juge. La Cour de cassation a toujours jugé que
lorsque les mots écrits ou imprimés se rattachaient à la signature pour lui
donner sa force juridique, il y avait abus de blanc-seing de la part de celui qui
a écrit frauduleusement, dans les intervalles, une obligation, une décharge,
ou tout autre acte pouvant compromettre la personne ou la fortune du
signataire1.

1
Crim. 12 janvier 1987, Gaz. Pal. 1987, I, somm. 200.

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En outre, le blanc-seing doit avoir été volontairement remis à celui qui est
accusé d’en avoir abusé. D’où il suit que toute violence, par l’emploi de
laquelle aurait été obtenu le blanc-seing, exclurait cette mise de confiance
qui est l’élément primordial du délit.
Mais l’emploi de manœuvres frauduleuses, propres à tromper la victime, et
à l’amener à donner un blanc-seing, qu’elle n’aurait pas donné sans cela, fait
qui, en lui-même, est susceptible de constituer une escroquerie, peut-il faire
dégénérer l’abus du blanc-seing obtenu par la fraude en crime de faux ?
Une distinction s’impose, entre le cas où la remise du blanc-seing est
déterminée par des manœuvres excluant toute confiance dans la personne à
qui la signature est confiée, et celui où la remise n’exclut pas cette confiance.
Exemple : un avocat obtient de son client une feuille de papier timbré, signée
en blanc, en le persuadant qu’il en a besoin pour faire un acte de procédure
au nom du signataire, et il en abuse, en inscrivant une obligation, à son profit,
pouvant compromettre la fortune de ce client. Bien que la volonté de celui
qui a remis le blanc-seing ait été plus ou moins trompée par cette manœuvre,
on verra simplement dans ce fait un abus de confiance. Mais, lorsque les
manœuvres employées ont été telles que le signataire n’a jamais eu la volonté
de remettre un blanc-seing destiné à contenir un acte déterminé, c’est sous
la qualification de faux que le fait doit être poursuivi.
Enfin, le blanc-seing ne peut être réputé avoir été confié à un tiers que
lorsqu’il a été remis à cette personne à titre de blanc-seing et avec un mandat
quelconque. Ainsi, lorsqu’un individu remet ses nom et prénoms, à titre
d’adresse, à un tiers, et que celui-ci fabrique, au-dessus de ces nom et
prénoms, une obligation à son profit, il y a faux et non simplement abus de
blanc-seing. Ainsi encore, le fait par celui qui a reçu une quittance d’insérer,
dans un blanc laissé par inadvertance, une mention préjudiciable, ne constitue
pas l’abus de blanc-seing, mais le délit de faux1.
2. Un abus commis par le bénéficiaire du blanc-seing
Le second élément du délit résulte de cette circonstance que l’auteur de
l’abus est précisément celui à qui le blanc-seing a été confié pour en faire un
usage déterminé. La question s’est, en effet, posée de savoir s’il y a abus de
blanc-seing ou s’il y a faux, lorsque la personne à qui le blanc-seing a été
confié, le fait remplir par un tiers. La réponse à cette question découle de
l’application des principes de la complicité.
Ou le tiers, auquel le blanc-seing a été remis pour qu’il y écrive la convention,
est réputé auteur principal, et dans ce cas il a commis un faux, dont doit être
réputé complice celui qui lui a remis le blanc-seing ; ou c’est bien ce dernier

1
Crim. 14 mars 1988, Bull. crim., n° 191, p. 102

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que l’on répute auteur principal, celui qui a écrit pour lui la convention n’étant
considéré que comme son instrument et son complice, et dans ce cas, tous
les deux n’ont commis qu’un abus de blanc-seing.
3. Un abus frauduleux
La troisième condition du délit, c’est qu’il y ait un abus frauduleux du blanc-
seing ainsi confié. Cet abus consiste, aux termes de l’article 438, dans
l’inscription d’un acte au-dessus de la signature. Il faut en réalité préciser qu’il
doit s’agir d’un acte non conforme aux conventions arrêtées entre la
personne qui l’écrit et le signataire ; dans le cas contraire, il n’y aurait aucun
délit, non pas faute de préjudice, mais faute d’abus, puisque l’acte écrit serait
conforme au mandat donné par le signataire.
L’abus doit être frauduleux, c’est-à-dire que l’acte doit être écrit avec la
conscience et la volonté d’opérer une obligation ou décharge différente de
la convention arrêtée avec le signataire, et de nature à compromettre, au
moins d’une manière éventuelle, sa fortune ou sa personne. Cet abus
implique, en général, l’intention frauduleuse, laquelle sera rendue plus
manifeste encore par l’usage même du blanc-seing ainsi rempli.
Mais il n’est pas nécessaire, pour que le délit existe, qu’il ait été fait usage de
l’acte frauduleusement rédigé au-dessus de la signature. C’est
la fabrication même d’une convention, différente de celle pour la constatation
de laquelle le blanc-seing avait été confié, qui caractérise l’abus.
Sans doute, comme dans toute falsification d’écriture, ce n’est pas
précisément le faux qui est préjudiciable, mais plutôt l’usage du faux. Mais on
admet que si, d’un côté, l’abus du blanc-seing est consommé par le simple fait
de l’inscription frauduleuse d’une obligation ou d’une décharge au-dessus de
la signature, d’un autre côté, l’usage d’un blanc-seing, déjà frauduleusement
rempli, constitue aussi et toujours le délit d’abus de blanc-seing. L’usage, en
effet, comme l’exprime une jurisprudence aujourd’hui bien constante,
« reproduit et perpétue » l’abus de blanc-seing, déjà consommé par
l’inscription frauduleuse ; d’où il suit que la prescription ne commence à
courir qu’à dater du dernier usage qu’on a fait du blanc-seing1.
4. Un abus opérant obligation ou quittance
La dernière condition du délit est que l’écriture, mise au-dessus de la
signature, opère obligation ou quittance, c’est-à-dire décharge, ou qu’elle
puisse compromettre, d’une façon quelconque, la personne ou la fortune du
signataire.
Il faut donc, pour l’existence du délit d’abus de blanc-seing, relever
un préjudice. Mais le principe que le délit est constitué par la simple fabrication
1
Crim. 21 septembre 1994, Bull. crim., n° 300, 730

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de l’acte, indépendamment de son usage, entraîne l’assimilation, au préjudice


matériel et effectivement réalisé, du préjudice simplement éventuel, et du
dommage uniquement moral.
Il faut préciser qu’en droit français, l’abus de blanc-seing, qui était
spécialement incriminé par l’art. 407 du Code pénal de 1810, ne l’est plus par
le nouveau Code pénal, qui s'en tient simplement à l’abus de confiance, ou
éventuellement à l'infraction de faux.
B- La répression du délit d’abus de blanc-seing
L’abus de blanc-seing est puni des mêmes peines que l’abus de confiance
simple, savoir un (01) an à trois (03) ans d’emprisonnement et/ou une
amende d'un million (1.000.000) à trois millions (3.000.000) de francs CFA.
Les immunités familiales des articles 428 et 429 sont, en outre, applicables.

§.2- Le détournement de gage ou d’objets saisis


Le nouveau Code pénal togolais distingue le détournement de gage du
détournement d’objets saisis, deux phénomènes délictueux différents. Aussi,
convient-il de les étudier séparément.
A- Le détournement de gage
Le détournement de gage est, selon l’article 441, C. pén., le fait :
1) par un débiteur, un emprunteur ou un tiers donneur de gage ou détenteur
de gage, de détruire, d’altérer, de ne pas restituer, de s’approprier ou de
faire obstacle aux droits du créancier sur l’objet constitué en gage ;
2) par un débiteur, un détenteur d’outillage ou de matériel d’équipement objet
d’un nantissement, de détruire, d’altérer, de ne pas restituer, de
s’approprier ou de faire obstacle aux droits du créancier sur l’objet
constitué en gage ;
3) par un créancier bénéficiaire du gage, de détruire, d’altérer, de ne pas
restituer, de s’approprier ou de faire obstacle aux droits du débiteur sur
l’objet gagé ou nanti.
Il résulte de ce texte que l’existence du gage est une condition préalable à
l’infraction, le droit pénal étant, toutefois, indifférent à la validité de l’acte
constitutif du gage. L’objet constitué en gage doit, en outre, être mobilier et
corporel, l’article 441 faisant nettement une distinction entre gage avec
dépossession et gage sans dépossession.

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S’agissant d’un gage sans dépossession (art. 441, 1° et 2°), l’objet gagé reste entre
les mains du débiteur qui voit ses prérogatives limitées sur ce bien. Le
détournement intervient dès lors que le débiteur détruit, altère ou soustrait le
bien à la garantie du paiement de sa dette.
S’agissant d’un gage avec dépossession, le détournement est moins évident,
puisque, par définition, le bien se trouve entre les mains du créancier. L’article
441, 3°, prévoit, néanmoins, qu’il y a détournement dès lors que le créancier
bénéficiaire du gage détruit, altère, refuse de restituer, s’approprie ou fait
obstacle aux droits du débiteur sur l’objet gagé ou nanti.
Ce qui, matériellement, ne pourrait être constaté qu’à l’échéance de la dette et
après règlement complet de celle-ci.
L’infraction est donc imputable, aussi bien au donneur de gage, le débiteur, qu’au
bénéficiaire du gage, le créancier.
Au plan intellectuel, l’infraction est intentionnelle, le donneur de gage ou le
bénéficiaire doit avoir voulu porter atteinte, non pas au bien lui-même, mais aux
droits de son créancier ou de son débiteur en détournant l’objet gagé1.
S’agissant des sanctions, l’article 442 prévoit des peines identiques à celles
applicables en matière d’abus de confiance, c’est-à-dire un à trois ans
d’emprisonnement et/ou une amende d’un million à trois millions de Francs CFA.
B- Le détournement d’objet saisi
Selon l’article 443, C. pén. tg., « le détournement d’objet saisi est le fait, par le saisi,
de détruire, de s’approprier, de ne pas restituer ou de faire obstacle aux droits d’autrui
sur un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d’un créancier et confié à sa
garde ou à celle d’un tiers ».
L’existence d’une saisie constitue donc une condition préalable à l’infraction,
mais la poursuite répressive est indifférente à la validité de la saisie : il importe
peu que la saisie soit annulée après l’acte de détournement2.
Matériellement, l’infraction consiste en un détournement ou une destruction de
l’objet saisi, l’auteur de l’infraction étant la personne saisie. Intellectuellement, le
délit requiert une intention frauduleuse, exclusive de la bonne foi, caractérisée
par la connaissance que l’objet détourné avait été placé sous main de justice3.

1
Crim. 23 juin 1965, D. 1965, p. 778
2
T. corr. Seine, 18 décembre 1926, DP. 1928, 2, 199
3
Crim. 22 janvier 1953, Bull. crim. n° 23

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La répression du détournement d’objet saisi est identique à celle du


détournement de gage.

§.3- L’organisation frauduleuse de l’insolvabilité


« Constitue une organisation frauduleuse de l’insolvabilité le fait pour un débiteur, de
chercher, même avant que sa dette ne soit judiciairement reconnue, à se soustraire à
l’exécution d’une condamnation pénale, délictuelle ou alimentaire, soit en augmentant
le passif ou en diminuant l’actif de son patrimoine, soit en dissimulant tout ou partie de
ses biens ou revenus » (article 445, C. pén. tg.).
Le délit suppose donc une organisation de l’insolvabilité, faite intentionnellement
et destinée à se soustraire à une condamnation résultant d’une décision
judiciaire.
En outre, le texte parlant de « débiteur », sans autre précision, on doit en déduire
que l’infraction concerne également le dirigeant, de fait ou de droit, d’une
personne morale qui organise l’insolvabilité de celle-ci pour la faire échapper aux
condamnations pécuniaires prononcées en matière pénale, délictuelle ou quasi-
délictuelle.
S’agissant des sanctions applicables, on retiendra que les peines applicables en
matière d’organisation frauduleuse de l’insolvabilité sont identiques à celles
prévues au titre de détournement de gage ou d’objet saisi.
Par ailleurs, aux termes de l’article 446, al. 2, le complice qui a reçu les biens
pour les distraire du patrimoine de l’auteur de l’infraction peut être tenu
solidairement, dans la limite des fonds ou des biens reçus à titre gratuit ou à titre
onéreux, aux obligations pécuniaires auxquelles l’auteur de l’infraction a voulu
se soustraire.
La juridiction saisie peut, en outre, priver les coupables de leurs droits civiques,
civils et professionnels, ou s’il s’agit d’étrangers, l’interdiction du territoire
national, conformément aux dispositions de l’article 79, 131 et 132, C. pén.
La prescription de l’action publique, quant à elle, ne court qu’à compter de la
condamnation à l’exécution de laquelle le débiteur a voulu se soustraire.
Toutefois, elle ne court qu’à compter du dernier agissement ayant pour objet
d’organiser l’insolvabilité du débiteur lorsque le dernier agissement est
postérieur à cette condamnation (art. 446, al. 3).

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