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LA PREUVE DES DROITS

La preuve des droits est un élément fondamental du système juridique. Faire la preuve de ses droits, c'est établir la véracité
d'une situation, pour emporter la conviction des juges en cas de procès. Par ailleurs, l’expression « la preuve des droits »
désigne aussi l’ensemble du droit de la preuve, le système probatoire admis par le droit objectif.

Section 1. La charge de la preuve


I. Le rôle des parties

Celui qui veut faire établir un fait ou un droit doit apporter aux débats les éléments qui vont permettre au juge d’apprécier la
situation. On dit que ce plaideur a la charge de la preuve. Celui qui réclame l’exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a, produit l’extinction de son obligation.
Exemples :

 Le demandeur exige le paiement d’une dette : il doit rapporter la preuve de celle-ci.


 Le défendeur prétend avoir déjà payé : il doit prouver sa libération.

Toutes les parties participent à la recherche des preuves nécessaires à la solution du litige. Le juge a lui-même un rôle actif
dans la procédure.

II. Le renversement de la charge de la preuve

Il arrive fréquemment qu'un fait que l'on désire prouver ne soit pas matériellement prouvable, ou ne le soit plus. Exemple :
Un document a été perdu.
Dans ce cas, le Code civil a prévu l’utilisation des présomptions légales, c'est-à-dire d’un raisonnement selon lequel une partie
est dispensée de rapporter la preuve d’un fait considéré comme certain. Ces présomptions légales permettent de faire porter
la charge de la preuve sur l’autre partie.
Exemples :
 Les arbres, bâtiments qui sont plantés ou érigés sur un terrain appartiennent au propriétaire du fonds, même si c’est
un tiers qui les a installés.
 Les enfants nés pendant un mariage sont présumés être ceux du mari de la mère.

Les présomptions légales ont des forces différentes qui sont fixées par la loi :
 En cas de présomption simple, les parties peuvent apporter la preuve contraire. Par exemple, le mari de la mère
dont l’enfant est né pendant le mariage est présumé être le père de l’enfant. Mais il peut demander à prouver qu’il
n’est pas le géniteur de cet enfant. Dans ce cas, tout mode de preuve sera admis.

 En cas de présomption irréfragable, il n’est pas permis d’apporter la preuve contraire de ce qui est présumé. Par
exemple, un contrat de travail conclu sans écrit est présumé être à durée indéterminée.

Section 2. L'objet de la preuve


I. Les éléments à prouver

Il est important que le plaideur sache exactement ce qu'il doit prouver pour être entendu du juge.

A. Le principe : la preuve des éléments de fait

Les parties n’ont à prouver que des faits, donc des circonstances particulières, et non pas le droit.
Le plaideur n’a pas à prouver la règle de droit, c’est-à-dire le droit objectif. Ceci est exprimé par l'adage suivant : Jura novit
curia (la cour connaît le droit). Si les parties n'ont pas à rapporter la preuve de l'existence de la règle de droit, c’est que le
juge la connaît mieux que quiconque.
Exemple : Pour faire reconnaître la responsabilité des parents d’un enfant qui a brisé un carreau, il faudra établir la
matérialité des faits (le jeu et l’accident), par témoignage par exemple. Inutile de faire la preuve que, dans ce cas de
responsabilité du fait d’autrui, la loi fait peser l’obligation de réparer sur les parents.

B. L’exception : la preuve du droit

Il arrive qu’une partie doive prouver l’existence d’une norme en vigueur. Les parties peuvent avoir par exemple à rapporter la
preuve d’une loi étrangère. Or, on ne peut demander aux juges français de connaître tous les systèmes juridiques étrangers.
Dans les conflits mettant en jeu des droits étrangers, la loi étrangère doit être établie par celui qui s’en prévaut. Ce sont des
situations gérées par le droit international privé.
Exemples :
 Dans le cas d'une succession ouverte selon une loi étrangère, alors que les parties vivent en France, le juge devra
déterminer quelle est la loi applicable.
 Un argentin et une canadienne se marient en France, leur enfant naît en Italie. Quelle est la nationalité de l'enfant ?

II. La preuve des faits juridiques

A. La définition du fait juridique

Le fait juridique est un agissement ou un événement auxquels la loi attache des effets de droit. Il peut être volontaire ou non,
ses conséquences juridiques n’étant pas précisément recherchées. Le droit en distingue deux types.

1. Les faits juridiques involontaires ou naturels


Les faits juridiques involontaires ou naturels se caractérisent par l'absence totale du rôle de la volonté, à la fois dans la
production du fait et dans ses conséquences juridiques, qui sont déterminées par la loi.
Exemple : Un décès est un fait juridique involontaire. Il entraîne des conséquences juridiques telles que l'ouverture de la
succession.

2. Les faits juridiques volontaires


Les faits juridiques volontaires sont produits par l'effet de la volonté. Toutefois, les conséquences juridiques qui en découlent
ne sont pas voulues.
Exemple : Un automobiliste roule à une vitesse excessive et provoque un accident. L’infraction au Code de la route et à
l’imprudence sont voulues mais les conséquences ne le sont pas.

B. Les principes de preuve du fait juridique


La preuve d’un fait juridique peut être établie par tous moyens. Cela signifie que les parties peuvent utiliser tout ce dont elles
disposent pour établir un droit. Il faut cependant que les éléments de preuve soient pertinents, c'est-à-dire qu’ils aient un
lien direct avec la requête du demandeur. Il faut aussi qu’ils soient concluants, c’est-à-dire susceptibles d’éclairer le juge.
C’est au tribunal d'apprécier souverainement ces qualités.
Exemple : Dans le cas d'un accident de voiture, les relevés de traces de freinage sur la route, ou leur absence peuvent
constituer par leur pertinence, des moyens de preuve acceptables.
III. La preuve des actes juridiques

A. La définition de l’acte juridique


L'acte juridique est une manifestation de la volonté destinée à produire des effets de droit. La volonté peut être celle de deux
parties (acte conventionnel) ou d’une seule personne (acte unilatéral).
Tous les contrats sont des actes juridiques, puisque nés de la volonté pour établir une situation juridique.
Exemples :
 Contrat de mariage ou de PACS,
 Acte de vente immobilière.

B. Les règles de preuve de l'acte juridique


1. Le principe de la liberté de la preuve
Les actes juridiques, comme les faits juridiques, sont librement prouvés.

2. Les situations exigeant une preuve parfaite


Dans certains cas, la preuve doit être une preuve parfaite. En général, elle est rapportée par écrit. Ces situations ne sont pas
rares.
- Si l’acte juridique (de nature civile) porte sur une somme ou une valeur excédant un montant de 1500 €, il ne peut
être établi que par écrit. La justification est pratique : la prudence impose de constituer un écrit pour des
engagements d’une valeur importante. On doit toutefois relever que, même d’une valeur supérieure à 1500 €, les
actes de commerce peuvent être prouvés par tous moyens.
- Si l’on veut apporter la preuve contraire à un écrit - quels que soient la valeur ou le montant sur lesquels porte
l'obligation -, on ne peut le faire que par écrit.
- Celui dont le montant ou la valeur de l’obligation dépasse 1500 € ne peut pas réduire sa demande en justice pour se
libérer de l’obligation de prouver par écrit.

3. Les exceptions à l’exigence de l’écrit


Il existe plusieurs exceptions à l’exigence de la preuve parfaite en matière d’actes juridiques d'une valeur dépassant 1500 €.
Ces dispositions particulières sont toutes justifiées par le fait qu’exiger une preuve parfaite, préconstituée lors de la
réalisation de l’acte, n'est pas toujours réaliste. Ces exceptions à l’exception reviennent à admettre tous moyens de preuve
dans les situations visées.
Dans certaines situations, il est matériellement ou psychologiquement impossible d’exiger un écrit :
- Il est d’usage de ne pas établir un écrit de l'autre partie à l’acte (ex. : emprunt contracté par un fils auprès de son été
dans l’impossibilité matérielle ou morale père).
- L'écrit a été perdu par force majeure (ex. incendie, inondation).
Dans certains cas, une autre preuve parfaite peut suppléer l’absence d’écrit (ex. aveu ou serment).
Dans d’autres cas encore, la partie qui doit prouver détient un commencement de preuve (ex. un courrier non signé par son
auteur). Dans ces cas d’exception, l’acte juridique peut être prouvé par tout moyen autre que l'écrit, le plus souvent par
témoignage corroborant le commencement.
Section 3. Les modes de preuve
Les modes de preuve sont les méthodes admises par le droit afin que les parties fassent entendre leurs arguments.

I. Les preuves parfaites


Une preuve parfaite peut s'agir de preuves écrites ou de preuves orales, mais dans les deux cas, elles se suffisent à elles-
mêmes et n’ont pas à être complétées par d'autres données. Ces preuves forment la conviction du juge, qui est tenu par ce
qu'elles établissent.
Exemple : Lors de la vente d’un immeuble, le recours à un acte authentique assure ainsi les parties de la pérennité de la
preuve de leur transaction.

A. L’acte authentique
L’acte authentique est un document rédigé dans des formes prescrites par la loi et authentifié par un officier public (notaire,
greffier, huissier de Justice ou officier d’état civil) compétent matériellement (dans la matière juridique traitée) et
territorialement, en présence des parties dont il transcrit la volonté afin que leur volonté soit parfaitement mise en forme et
produise les effets de droit attendus. Il peut être établi sur support électronique.

Un acte authentique contient deux types de mentions :


- D’une part, celles qui ont une valeur probante absolue : la date, la signature et le cachet de l’officier public, les
éléments de l'acte correspondant à ce qu’il a personnellement constaté. Seule une procédure lourde et risquée pour
le demandeur, l‘action en inscription de faux, peut être utilisée pour contester ces éléments ;
- D’autre part, celles qui n'ont qu’une valeur relative : ce sont les éléments de l’acte que l'officier public n’a pas
personnellement constatés, et qu’il se contente de transcrire. La preuve contraire est rapportable pour ces données.

B. L’acte sous seing privé


Un seing est une signature. Un acte sous seing privé est un acte qui tire sa force probante de la signature des cocontractants
ou de leurs mandataires (représentants). L’acte sous seing privé est fréquemment retenu par les particuliers lorsque la loi
n’impose pas d’acte authentique.
Exemple : Le bail de location d’un local à usage d’habitation.
La forme de l’acte sous seing privé est en principe totalement libre, l'écrit électronique ayant la même force probante que
l'écrit sur support papier.
La force probante de l’acte sous seing privé est toujours inférieure à celle de l’acte authentique.

C. L’aveu
Avouer, c’est reconnaître comme vrai un fait de nature à produire contre une personne des conséquences juridiques. Ce
mode de preuve étant fragile, les magistrats le reçoivent avec prudence et réserve. Dans certains cas prévus par la loi, il n’est
pas recevable.
Exemple : L’aveu de l’existence d’une dette d'un époux envers l’autre n’est pas recevable. Seul est admis comme preuve
parfaite l’aveu judiciaire, c'est-à-dire fait par une partie (ou son mandataire) en justice, en principe pendant le déroulement
du procès.

D. Le serment décisoire
Le serment décisoire est un moyen de preuve auquel les parties peuvent avoir recours en dernier lieu et qui est très peu
utilisé aujourd’hui. C’est l’affirmation solennelle par une partie d’un fait qui lui est favorable dans l'instance engagée, après
que la partie adverse, ne disposant d’aucune preuve de ses prétentions, lui a demandé de prêter serment.
Exemple : Celui qui se présente comme créancier d'une somme d’argent mais qui n’a aucune preuve et qui demande à son
adversaire de jurer qu’il ne lui doit rien. Le défendeur a le choix entre plusieurs attitudes : s’il jure qu'il ne doit rien, il a gagné
son procès ; s'il refuse de jurer, il a perdu son procès ; il peut aussi « référer » (renvoyer) le serment au demandeur, lequel, à
son tour, peut soit refuser de prêter serment, auquel cas il perd son procès, soit jurer que le défendeur lui doit de l'argent et
il gagne le procès. La valeur de ce serment est très importante puisque le tribunal est tenu par le résultat de cette joute.
Toutefois le juge ne peut jamais l’ordonner de lui-même : c'est aux parties de décider d’y recourir.

II. Preuves imparfaites


On les appelle ainsi car elles laissent au juge un pouvoir d’appréciation. Elles n’emportent pas automatiquement sa
conviction. En pratique, elles doivent souvent se cumuler pour être efficaces.

A. Le témoignage
Le témoignage est la déclaration d‘une personne sur des faits dont elle a eu connaissance personnellement. La valeur
probante du témoignage est laissée à l’appréciation du juge, qui peut être convaincu ou non.

B. Les présomptions du fait de l’homme


Les présomptions du fait de l’homme sont des faits qui permettent d’établir un raisonnement logique favorable au
demandeur, et qui doivent être établis par lui. On tire un fait inconnu de l’examen d’un fait connu. Le raisonnement n’est pas
posé par la loi mais il résulte de la réflexion du juge.
Exemple : Lors d'un accident de la route, une voiture en endommage une autre. II est difficile de prouver l'accident car aucun
témoin n’était présent et l’auteur du dommage refuse de reconnaître les faits. Il est possible de prouver les faits par l'examen
de Ia nature et de l’emplacement des traces de choc sur les véhicules.
L’article 1382 du Code civil précise que ces présomptions sont laissées à l’appréciation du juge.

C. Le serment déféré d’office


Le serment déféré d’office est le serment que le juge propose à l'une des parties de prêter lorsque les preuves qui lui sont
présentées sont insuffisantes. Il en conserve la libre appréciation. Le jeu de renvoi d’une partie à l'autre, caractéristique du
serment décisoire, n’existe pas ici.

D. Le commencement de preuve par écrit


Le commencement de preuve par écrit est un document qui ne présente pas les conditions d’une preuve écrite parfaite.
Exemples : un courrier, un acte sous seing privé dépourvus de signature.
En principe, le commencement de preuve par écrit doit être utilisé en complément d’autres preuves imparfaites pour être
recevable.

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