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MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE Université Virtuelle du Sénégal

SUPPORT DE COURS UVS 2014 LICENCE 1 SJP

LICENCE 1

SCIENCES JURIDIQUES
& POLITIQUES

HISTOIRE
DU DROIT
LES DROIT
S SUBJECT
IFS

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Enseignan

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Octobre 2014
SUPPORT DE COURS UVS 2014 LICENCE 1 SJP

TITRE II : LES DROITS SUBJECTIFS CHAPITRE IV – Les titulaires des droits subjectifs

Le droit objectif appréhende, on l’a déjà relevé, le


droit comme une science, un phénomène, l’en- CHAPITRE I – La classification des droits subjectifs
semble des règles à caractère juridique applicables
à une société. Pourtant, les règles du droit objectif Il a pu paraître nécessaire au législateur de réserver
contiennent des prescriptions qui reconnaissent aux des régimes juridiques différents aux droits subjectifs
sujets de droit un certain nombre de prérogatives ayant une valeur économique, estimables en argent,
(droits à… et droits de…). Ces prérogatives sont et ceux qui n’en ont point. Par là, on distingue entre
les droits subjectifs. Par exemple, la règle qui défi- les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimo-
nit le droit de propriété comme celui qui confère à niaux (Section I). Aussi, le législateur a estimé que le
son titulaire les prérogatives les plus étendues sur régime juridique des droits subjectifs devait être dif-
la chose objet de sa propriété est une règle de droit férentié selon que ses droits reconnaissaient à leurs
objectif. En vertu de cette règle, je dispose donc de la titulaires des prérogatives envers un autre sujet de
prérogative de vendre, détruire ou offrir le stylo dont droit, une personne, ou, au contraire, sur une chose.
je suis propriétaire. Le lien qui me lie à mon stylo est Cette seconde distinction conduit à différentier les
un droit subjectif. Aussi, les dispositions de l’article droits personnels des droits réels (Section II).
264 du COCC définissent le contrat de vente comme
celui par lequel le vendeur s’engage à transférer la Section I – Les droits patrimoniaux et les droits
propriété d’une chose contre paiement d’un prix par extra patrimoniaux
l’acheteur. Cette règle du droit objectif reconnaît
donc au vendeur un droit subjectif sur l’acheteur : I – Les droits patrimoniaux.
celui de demander le paiement du prix. L’acheteur
aussi dispose d’un droit subjectif sur le vendeur : Ils relèvent de l’avoir, le contraire de l’être. Ils sont
celui de réclamer la livraison de la chose vendue. regroupés au sein du patrimoine qu’il convient
d’exposer (A). Par ailleurs, ces droits patrimoniaux
On ne saurait cependant en déduire que toutes les présentent un certain nombre de caractères (B).
dispositions du droit objectif conduisent à des droits
subjectifs. Par exemple, l’article 108 du Code de la A – Le patrimoine.
famille qui fixe les conditions de fond du mariage est
une règle du droit objectif mais n’accordent aucune 1 – Définition
prérogative particulière à quelqu’un. Aussi, l’article
73 du COCC qui définit l’objet du contrat ne donne, Le patrimoine est constitué par l’ensemble des droits
en lui-même, aucun droit subjectif à quelqu’un. et obligations du sujet de droit, droits et obligations
ayant une valeur marchande et donc évaluables en
Les prérogatives que les règles du droit objectif argent. Ces droits et obligations sont dits patrimo-
peuvent reconnaître aux sujets de droit, c’est-à-dire niaux. Le patrimoine correspond au versant écono-
les droits subjectifs, renvoient à trois interrogations : mique de la personnalité juridique. Il fait du sujet de
celle sur leur classification (Chapitre I), celle sur leur droit quelqu’un participant au « commerce juridique
preuve (Chapitre II), leur transmission et leur extinc- ».
tion (Chapitre III) et enfin, leurs titulaires (Chapitre
IV). On compte dans le patrimoine :

CHAPITRE I – Classification des droits subjectifs *** l’actif du sujet : Dans cette catégorie, entrent
CHAPITRE II – Preuve des droits subjectifs certainement les biens dont dispose l’individu qu’il
peut vendre, échanger, donner (les droits dont je dis-
CHAPITRE III – Transmission et extinction des pose sur la voiture dont je suis propriétaire sont un
droits subjectifs élément de mon patrimoine). Y entrent également

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les obligations de donner et de faire auxquelles sont correspond juste à un ensemble de droits et d’obli-
assujettis les autres sujets de droit et ayant une valeur gations ayant une valeur économique et marchande
pécuniaire. Le droit dont dispose le bailleur à exi- et affecté à une finalité déterminée. Il n’est pas alors
ger du locataire de payer un loyer est un élément de rattaché à la personnalité juridique, ce qui a comme
l’actif du premier : c’est un droit subjectif de nature conséquence qu’une personne peut avoir plusieurs
patrimoniale parcequ’il est évaluable en argent. La patrimoines : un patrimoine consacré à ses affaires
prérogative reconnue au vendeur d’exiger de l’ache- familiales, un autre à ses affaires économique, sa pro-
teur le paiement du prix est un élément de l’actif du fession, un patrimoine affecté à ses activités humani-
vendeur et est aussi un droit patrimonial. taires, associatives…

*** A coté de l’actif, le patrimoine comprend Le droit sénégalais est largement dominé par la
également le passif du sujet c’est-à-dire ses dettes. conception française du patrimoine. Il n’en demeure
Celles-ci sont les obligations de donner et de faire pas moins cependant que quelques concessions ont
qui pèsent sur le sujet de droit et qui peuvent être été faites à la logique anglo-saxonne du patrimoine.
évaluées en argent et faire l’objet de transactions (Exp Ainsi, le régime juridique de la Société uniperson-
1 : l’obligation qui pèse sur les parents de nourrir nelle (SARL unipersonnelle, SA unipersonelle)
leurs enfants peut être évaluée en argent en cas de réglementée par l’Acte Uniforme sur le droit des
divorce par le versement de la pension alimentaire sociétés commerciales permet bien une affectation
: c’est une obligation de nature patrimoniale. Exp 2 de certains biens personnels à cette société (Art. 309
: l’obligation qui pèse sur le client d’un taxi de payer de l’Acte Uniforme), ce qui revient à avoir de manière
le « taximan » après le transport est une obligation à indirecte deux patrimoines.
caractère patrimoniale et est contenu dans le passif
patrimonial.) B- Les caractères du patrimoine et des droits
patrimoniaux
2 – Les différentes conceptions du patrimoine.
1- Caractères du patrimoine
Deux conceptions s’affrontent :
***Dans la conception française, le patrimoine
*** La première est française, développée par demeure unique, lié à la personnalité juridique.
Aubry et Rau. Selon cette conception, le patrimoine Etant indispensable à tout sujet de droit, il est par
est une subséquence de la personnalité, c’est-à-dire conséquent incessible c’est-à-dire qu’il ne peut faire
une conséquence naturelle et nécessaire de celle-ci. l’objet d’un transfert durant la vie de la personne (la
Tout sujet de droit aurait donc forcément un patri- mort civile n’existant plus, le patrimoine est inces-
moine qui est alors plus un « contenant » qu’un « sible comme la personnalité). Par contre, lorsque
contenu ». En effet, le sujet peut, à certaines étapes la personne meurt, son patrimoine est dévolu à ses
de sa vie, n’avoir aucun droit ou obligation à valeur héritiers par l’effet de la transmission universelle du
pécuniaire et marchande. Il n’en reste pas moins patrimoine.
qu’il a quand même un patrimoine qui est en fin de
compte la capacité d’avoir des droits et obligations *** La conception française veut aussi que le
évaluables en argent. Aussi, selon la conception patrimoine soit indivisible. Ainsi, cette logique
française, le patrimoine serait unique pour chaque conduit à considérer que les créances (actif) du sujet
sujet de droit étant entendu que chaque personne n’a répondent sans distinction de l’ensemble des dettes
qu’une seule personnalité juridique. (passif) de ce dernier. C’est le principe de l’unité et
de l’indivisibilité du patrimoine. Aussi, par l’effet de
***A la théorie française du patrimoine, la subrogation réelle, les éléments qui entrent dans
s’oppose la conception allemande dite encore celle l’actif remplacent immédiatement qui en en sortent.
des patrimoines d’affectation. Cette conception est Des exceptions sont prévues parfois par la loi ou la
largement appliquée dans les pays anglo-saxons. convention des parties pour affecter certains biens
Selon cette construction juridique, le patrimoine déterminés comme garantie exclusive de certaines

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dettes. Ces garanties, on l’a vu, sont réglementées par
le droit des sûretés. Elles permettent d’affecter juridi- Ils ont la particularité d’être attachés à la personne
quement certains éléments du patrimoine, non pas à de l’être humain et insusceptibles d’une évaluation
une activité, mais à la garantie d’une dette. pécuniaire. Le caractère inestimable d’un droit tend à
lui conférer une nature extrapatrimoniale.
Les droits extrapatrimoniaux sont d’abord ceux
proclamés dans les textes fondamentaux comme
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
2 – Caractères des éléments du patrimoine de 1789, la Déclaration universelle des droits de
l’homme du 10 décembre 1948 ou encore la Charte
Le patrimoine est un contenant. Son contenu, ce sont africaine des droits de l’homme et des peuples. La
les droits et les obligations à caractère patrimonial Constitution du Sénégal en cite un bon nombre
c’est-à-dire évaluables en argent. Ces éléments du en ses articles 7 et 8 : droit à la vie, à la liberté, à la
patrimoine présentent un certain nombre de carac- sécurité, au libre développement de sa personnalité,
tère : à l’intégrité corporelle… D’autres droits extrapatri-
moniaux débordent le cadre du droit civil : le droit
-***Si le patrimoine, en tant qu’universalité juri- d’association, de manifestation…
dique, est incessible entre vifs, il n’en va pas de même
des éléments qui le composent. En effet, les droits et Ces dispositions du droit objectif reconnaissent ainsi
obligations à caractère patrimonial peuvent dàbord aux sujets de droit des prérogatives qu’ils peuvent
faire l’objet de conventions. Ce sont des éléments qui invoquer devant d’autres sujets de droit, l’Etat ou le
sont « dans le commerce » et sont donc susceptibles juge. On en trouve aussi dans des textes non consti-
d’être cédés, transférés dans le patrimoine d’autres tutionnels. Ainsi, le Code de la famille (article 2)
personnes. En plus, cette cession peut se faire à titre consacre le droit au nom ou l’autorité que les parents
onéreux c’est-à-dire par la perception d’une contre- ont sur leurs enfants (Article 156 du Code de la
partie. La plupart des contrats de la vie juridique famille). La loi du 25 aout 2008 sur le droit d’auteur
opèrent cette cession d’éléments du patrimoine : et les droits voisins du droit d’auteur qui garantit le
contrats de vente (cession de la propriété d’un bien), droit moral de l’auteur d’une œuvre de l’esprit.
location (cession du droit d’usage sur la chose)…
La mise en œuvre des droits extrapatrimoniaux est
***Etant des éléments dans le commerce, les beaucoup plus difficile que celle des droits patrimo-
droits patrimoniaux peuvent faire l’objet de saisie. La niaux. Le débiteur de ces droits extrapatrimoniaux
saisie est l’opération par laquelle le créancier s’appro- est parfois clairement identifiable. Pourtant, d’autres
prie les biens et droits situés dans le patrimoine de fois, ce débiteur est vague. Il en va sûrement ainsi
son débiteur pour se faire payer. pour le droit à la liberté, le droit à un emploi… le dé-
biteur est-il l’Etat ? Le juge ? L’administration ? Aussi,
***Les droits patrimoniaux peuvent faire par les controverses doctrinales et jurisprudentielles sur
ailleurs l’objet d’une renonciation. Par elle, le titulaire l’étendue du droit à la vie, du droit moral de l’auteur
du droit s’engage à ne plus l’exercer. d’un roman, du droit à l’intégrité corporelle sont
récurrentes. La question de la protection du droit à
l’honneur, celle du droit au respect de la vie privée et
familiale pose autant d’interrogations. Parfois, c’est
II – Les droits extrapatrimoniaux la réalité même d’autres droits extrapatrimoniaux
qui divise la doctrine et la jurisprudence (droit de
Il convient de les identifier (A) avant d’étudier leur mourir dans la dignité, euthanasie, droit de ne point
caractère (B). venir au monde ?)

A – Identification des droits extrapatrimo- B – Caractères des droits extra patrimo-


niaux niaux.

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*** Le premier caractère provient du fait que ces Les choses sur lesquelles portent les droits
droits ne sont pas susceptibles d’une évaluation pé- réels sont des biens qu’il convient d’identifier (A)
cuniaire. Ils peuvent cependant avoir des incidences avant de voir le régime juridique que la loi attache à
pécuniaires. Si en effet le droit à l’image, à l’intégrité ces droits réels (B).
corporelle, à la liberté ne sont pas évaluables en
argent, leur violation peut conduire à l’obtention de
dommages et intérêts en justice c’est-à-dire à une A – Les biens objets des droits réels
compensation pécuniaire.
***Le second caractère est tiré du fait que ces droits Notre droit classe ces biens en deux grandes caté-
n’ont pas de valeur économique, ils n’ont pas d’équi- gories : les meubles et les immeubles. La distinction
valent en argent. Aussi, ils sont hors du commerce conduit à établir des régimes juridiques différents
puisque étant rattachés à la personnalité. Ils ne pour chaque catégorie (1). Des distinctions secon-
peuvent en principe faire l’objet de conventions. La daires existent qu’il convient aussi d’identifier (2).
Constitution du Sénégal fait référence à certains
d’entre eux en énonçant des « droits de l’homme 1 - La distinction principale : les
inviolables et inaliénables ». Mais ce principe a meubles et immeubles
évolué. Ce qui est interdit, ce sont les conventions
à titre onéreux les concernant c’est-à-dire celles par Il faut identifier les meubles et les immeubles et envi-
lesquelles le titulaire de ces droits obtient une contre- sager ensuite l’étude des intérêts de la distinction.
partie. Ainsi donc, la convention par laquelle on a – L’identification des meubles
reçoit gratuitement un organe humain est permise et immeubles
alors que celle par laquelle on l’achète est interdite
puisque le droit à l’intégrité corporelle est un droit
extrapatrimonial.
a-1 - Les meubles
***Contrairement aux droits patrimoniaux, les droits
extrapatrimoniaux ne peuvent faire l’objet de saisie. ***Le critère le plus important de l’identification des
meubles est celui tiré de leur mobilité naturelle. Un
***Aussi, les droits extra patrimoniaux ne peuvent meuble, par essence, peut être déplacé, transporté…
faire l’objet de renonciation c’est dire que leur titu- ce sont les meubles par nature. Il en va ainsi des
laire ne peuvent prendre un engagement à ne pas les objets de toutes natures appelés meubles meublants,
exercer dans le futur. mais aussi les animaux.

***Enfin, les droits extrapatrimoniaux ne sont pas *** Un deuxième critère réside dans l’anticipation
atteints par la prescription. Ils ne peuvent être éteints de la finalité du bien. Bien qu’ayant une attache au sol
du fait de l’écoulement d’un certain temps. et ne pouvant être pour l’instant déplacés, certains
biens seront quant bien même considérés comme
meubles. Ce sont les meubles par anticipation. On
Section II – Droits réels et droits personnels range dans cette catégorie les récoles sur pied, le
bois avant la coupe, les matériaux des carrières avant
Les prérogatives que le droit objectif reconnait aux l’extraction. Le législateur considère qu’une fois
sujets de droit, les droits subjectifs, sont exercées arrachés, détachés du sol, ces biens pourront être
envers d’autres sujets de droit ou, au contraire, sur déplacés facilement. Aussi, par anticipation sur leur
des choses. Dans le premier cas, on parle de droit mobilité future, les considère t-on comme des biens
personnel et, dans le second, de droit réel. Il convient meubles.
de les étudier séparément.
*** Un troisième critère prend en compte l’objet
I – Les droits réels auquel certains droits s’appliquent.

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destination économique du bien immeuble par
§§ - Chaque fois qu’un droit porte sur un nature. Ces biens sont destinés à servir à l’exploita-
meuble par nature ou par destination, ce droit est tion de l’immeuble : ce sont les objets et animaux qui
lui-même de nature mobilière. Ainsi, les créances servent à cette exploitation.
mobilières sont celles par lesquelles une personne
peut exiger d’une autre une obligation de faire, de ne §§- L’attachement à perpétuelle demeure du
pas faire et de donner lorsque l’obligation porte sur bien meuble à un bien immeuble par nature. C’est
un meuble. le cas des ornements, tapisseries, statues qui accom-
Les droits réels mobiliers sont des droits reconnus pagnent l’immeuble en y étant incorporés.
à une personne sur un meuble appartenant à autrui
(usufruit mobilier, droit d’usage détenu sur le bien ***Enfin, un troisième critère est tiré de l’objet sur
meuble d’autrui sur la base d’un contrat de location lesquels portent certains droits. À l’image des droits
par exemple…). mobiliers qui portent sur des biens meubles, les
droits immobiliers portent sur des immeubles. Le
§§ - D’autres fois, le droit ne porte pas sur un droit considère ces droits comme des immeubles. On
meuble par nature ou par destination mais sur un y cite :
bien que la loi déclare simplement comme meuble.
Le critère est arbitraire et ces biens n’ont aucune §§- les droits réels immobiliers qui sont
matérialité physique. Ce sont des biens incorporels et les droits réels dont une personne peut être investie
on parle meuble par détermination de la loi. On cite, sur l’immeuble d’autrui (usufruit sur un immeuble
dans cette catégorie, les parts sociales c’est-à-dire les appartenant à autrui)
droits des associés dans tous les types de société, le
fonds de commerce mais aussi les propriétés incor- §§- Les créances immobilières qui sont les
porelles telles les droits qu’un médecin a sur sa clien- prérogatives qu’une personne peut exiger à une autre
tèle ou ceux qu’un artiste a sur son œuvre littéraire et de faire, de ne pas faire ou de donner et concernant
artistique un immeuble (livraison d’un immeuble). Dans ce
cas, on constate qu’il y’a juxtaposition d’un droit per-
a- 2 – Les immeubles sonnel (celui de donner, de faire ou de donner) et un
droit réel (l’obligation concerne un bien).
Les critères sont tout aussi nombreux que pour les
meubles. §§ - Les actions immobilières qui sont
les actions en justice relatives à la propriété ou à la
*** Au contraire des meubles par nature qui sont possession d’un immeuble sont des droits immobi-
les biens pouvant être déplacés, les immeubles par liers. Le droit considère ces droits comme des biens
nature sont ceux qui ne peuvent l’être. C’est le cas du immeubles.
sol lui-même ainsi que les biens incorporés au sol à
savoir les constructions édifiées sur le sol, les végé- Nous venons de fixer la distinction entre meuble et
taux et les arbres immeuble. Il convient maintenant de se demander à
quoi sert cette distinction. Quel est son intérêt sur le
*** Un deuxième critère de l’identification des plan pratique ?
immeubles est fondé sur la théorie de l’accessoire.
Ce critère conduit aux immeubles par destination. Il b – Les intérêts de la distinction
s’agit de biens qui auraient du être considérés comme meuble et immeuble
meubles par nature. Mais, du fait de leur attachement
à un immeuble par nature, ils sont réputés être des Plusieurs intérêts peuvent être relevés :
immeubles. Il existe deux sous-critères de l’immobi-
lisation par destination ***Le droit prend en compte la valeur des
immeubles et meubles. Historiquement, les im-
§§ - La participation du bien meuble à la meubles sont considérés comme ayant une valeur

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en principe supérieure à celle des meubles. Aussi, les qui peuvent faire l’objet d’échanges et de conventions
opérations les concernant, leur acquisition, vente, (maisons, voitures…). Les secondes ne peuvent être
sont soumises à des règles plus formalistes (imma- l’objet de conventions à titre onéreux entre sujet de
triculation, intervention du notaire…). Les contrats droits (les éléments du corps humain, les produits
sur les immeubles doivent faire l’objet d’une publicité illicites comme la drogue…).
légale pour informer les tiers. Contrairement aux
immeubles, les opérations juridiques concernant des ***Choses fongibles et choses non fongibles : les
meubles sont exonérées de formalisme. choses fongibles ou choses de genre existent en plu-
Envisagée d’un point de vue contemporain, la dis- sieurs exemplaires identiques. Les choses non fon-
tinction fondée sur la valeur du bien perd un peu gibles n’existent qu’en un seul exemplaire (exp. statut
de son intérêt. Certains biens meubles peuvent de la renaissance africaine…)
aujourd’hui présenter une certaine valeur finan-
cière (bateaux, avions, actions de sociétés commer- *** Choses consomptibles et choses non consomp-
ciales…). Aussi, les opérations les concernant sont tibles : les premières disparaissent par l’usage qu’on
très souvent soumises aux mêmes règles de forme en fait (les aliments) alors que les secondes ne dispa-
que celles concernant les immeubles (nécessité d’un raissent pas par cet usage (une maison…)
écrit, publicité légale…)
B – Le régime juridique des droits réels
*** En matière de preuve, la règle veut que
le possesseur d’un meuble c’est-à-dire celui qui le Ce régime différentie entre plusieurs types de droits
détient, soit présumé être propriétaire sauf preuve réels en prenant en compte la nature et l’étendue des
contraire apportée par une autre personne. Par prérogatives que le titulaire du droit réel a sur le bien
contre, en matière immobilière, le détenteur ne objet de son droit. On distingue ainsi les droits réels
bénéficie d’aucune présomption de propriétaire. Il lui principaux (1) et les droits réels accessoires (2).
faudra prouver ses droits sur l’immeuble.
1 – Les droits réels principaux
***Un troisième intérêt concerne la procédure
civile. Lorsque’un litige porte sur un immeuble, Le plus important est le droit de propriété (a). Il y’a
le juge compétent est celui du lieu de situation de par ailleurs les droits réel démembrés (b).
l’immeuble. Par contre, pour les contestations por-
tant sur des meubles, le juge compétent peut varier, a – Le droit de propriété
être celui du domicile du défendeur, celui de la signa-
ture du contrat… C’est celui qui confère à son titulaire les préroga-
tives les plus étendues sur la chose. Le propriétaire
***En matière de voie d’exécution, la saisie de a le droit d’utiliser la chose à sa convenance (droit
l’immeuble, considérée comme ayant une valeur éco- d’usage ou usus), d’en percevoir les fruits et produits
nomique plus importante, est soumise à des règles ou fructus (cueillir les fruits de l’arbre, bénéficier
plus sévères que la celle des meubles. des intérêts du compte bancaire, utiliser la voiture
pour gagner de l’argent, louer la villa pour percevoir
2 – Les distinctions secondaires des biens des loyers…) mais aussi du pouvoir de disposer de
objets des droits réels la chose en la détruisant par exemple ou en la ven-
dant (abusus). Le propriétaire dispose donc de l’usus,
***Choses corporelles et choses incorporelles : les du fructus et de l’abusus. Des restrictions légales
premières sont celles ayant une réalité physique alors peuvent être apportées au droit de propriété pour
que les choses incorporelles n’en n’ont pas (droits cause de nécessité publique c’est-à-dire chaque fois
d’associés d’une société, romans, poèmes…). qu’intérêt supérieur et général commande de telles
dérogations : expropriation pour cause d’utilité pu-
***Choses dans le commerce et choses hors du blique, servitudes publiques pour l’eau, l’électricité…
commerce : les choses dans le commerce sont celles (Article 15 de la Constitution du Sénégal).

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une autre personne nommée tréfoncier.
Le droit de propriété doit être distingué de la simple
possession et de la détention. 2 – Les droits réels accessoires.

***La possession consiste à se comporter comme le Ils n’offrent à leur titulaire qu’une garantie sur le
titulaire d’un droit que l’on a ou que l’on n’a pas. Elle bien objet du droit. Pour le titulaire du droit réel
suppose d’abord une détention exclusive de la chose accessoire, la chose sur laquelle s’exerce son droit ne
mais aussi l’intention d’agir comme un propriétaire. constitue qu’une réserve de valeur à mettre en œuvre
Le propriétaire est souvent le possesseur du bien en cas de non paiement par le propriétaire de cette
mais le contraire peut advenir chose. Ce sont des sûretés réelles. Il y’en a plusieurs :

***La détention est par contre le fait d’avoir le bien a - l’hypothèque est la garantie portant sur un
par devers soi mais sans véritable intention de se immeuble que le débiteur ou un tiers constitue pour
comporter comme le véritable propriétaire. Le garantir le paiement de sa dette. Il s’agit d’une sûreté
locataire d’un appartement en est le détenteur. En sans dépossession car celui qui donne la garantie
matière de meuble, l’article 262 du Code des Obliga- continue à jouir de l’immeuble donné en garantie
tions Civiles et Commerciales (COCC) présume que (celui qui donne sa maison en garantie à une banque
le possesseur de bonne foi est propriétaire. continue d’y habiter par exemple). Ce n’est qu’en cas
de non paiement à l’échéance que le créancier est
b – Les démembrements de la propriété autorisé à saisir l’immeuble pour se faire payer.

Les prérogatives reconnues par le droit de propriété L’hypothèque peut être conventionnelle c’est-à-dire
peuvent être exercées par des personnes différentes. résulter de la volonté des parties. Elle peut être légale
Chacun détient alors un démembrement de ce droit lorsqu’une disposition de la loi oblige à la constitu-
de propriété. Ces « fragments » de la propriété sont : tion d’une hypothèque pour protéger certains créan-
ciers. Enfin, elle peut être judiciaire par l’intervention
- Le droit d’usage qui permet à son titulaire du juge qui autorise le créancier à prendre une ins-
d’user simplement de la chose. cription hypothécaire sur un immeuble du débiteur.

- L’usufruit est le droit reconnu à une per- Le créancier qui bénéficie d’une hypothèque dispose
sonne, appelée usufruitier, d’user d’une chose et d’un droit de préférence sur l’immeuble. On entend
d’en recueillir les fruits sans pouvoir en disposer, par là qu’il a le droit d’être payé en priorité sur le prix
en abuser. Le véritable propriétaire, qui dispose de de l’immeuble objet de sa garantie après la vente de
la prérogative d’abuser de la chose est nommée nu celui-ci. Il dispose également d’un droit de suite qui
propriétaire. lui permet de poursuivre l’immeuble en quelques
mains qu’il se trouve en cas de non paiement par le
- Le droit de servitude fait bénéficier son débiteur.
titulaire d’une charge qui pèse sur le propriétaire
d’un autre immeuble pour rendre plus facile l’usage b – Le gage est une garantie portant sur un
et l’utilité de son propre immeuble. Le plus courant, meuble corporel (voitures, chaînes en or…) que le
c’est la servitude de passage qui permet au proprié- débiteur remet au créancier (gage avec dépossession)
taire d’un immeuble enclavé d’avoir un droit de ou garde par devers lui (gage sans dépossession.
passage sur l’immeuble d’un autre pour accéder à la Le non paiement de la dette à l’échéance permet au
voie publique. Les servitudes peuvent être légales ou créancier de réaliser la garantie en faisant vendre la
conventionnelle (obtenue sur la base d’un contrat). chose remise en gage afin de se faire payer sur le prix.

- Le droit de superficie confère à son titulaire c – Le nantissement : il consiste pour le débiteur


un droit sur la surface du sol et les constructions qui à donner en garantie un meuble incorporel (fonds de
y sont édifiées. Par contre, le sous-sol appartient à commerce, compte bancaire, droits d’associé…). Le

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créancier nanti dispose, comme le créancier hypo- déplacé d’un lieu à un autre. En revanche, la créance
thécaire ou le créancier gagiste, d’un droit de suite et du transporteur sur le voyageur consiste dans le paie-
de préférence. ment d’un prix. Le contrat de louage fait naître aussi
des obligations à la charge du bailleur et du locataire
(Art. 544 du COCC) : celle qui pèse sur le locataire
est de mettre les lieux ou la chose louée à la disposi-
tion du locataire et celle qui pèse sur le locataire est
II – Les droits personnels de payer un loyer. Dans toutes ces hypothèses, cha-
cune des parties au contrat s’engage à une obligation.
On les appelle aussi droits de créance ou obligations. On parle alors de contrat synallagmatique. Il arrive
Contrairement aux droits réels qui confèrent des pourtant fréquemment qu’une seule partie s’engage
prérogatives sur des choses, les biens personnels à l’exclusion de l’autre. Ce sont les contrats unilaté-
confèrent des prérogatives envers d’autres personnes, raux. Par exemple, au sens de l’article 654 du Code
d’autres sujets de droit. Ce sont des liens de droit de la famille, le contrat de donation est un contrat
entre sujets de droit. unilatéral. Il crée une obligation à la seule charge
du donateur qui s’engage à transférer la propriété
Dans le droit personnel ou droit de créance, deux ou l’usufruit d’un bien alors que le bénéficiaire ne
positions sont à différentier. Celle du créancier c’est- s’engage à rien.
à-dire de celui à qui le droit permet d’exiger d’une
autre personne une certaine prestation. Celle-ci peut Chapitre II – La preuve des droits subjectifs
être une obligation de faire, de ne pas faire ou de
donner. La position contraire à celle de créancier est Les droits subjectifs n’ont de valeur juridique
celle de débiteur qui est occupée par le sujet à qui pour leurs titulaires que si ces derniers peuvent,
incombe l’obligation de donner, de faire ou de ne pas à l’occasion, en apporter la preuve. Ces titulaires
faire. peuvent être amenés à apporter cette preuve devant
le juge mais aussi devant une autorité administrative.
Les droits de créance ou obligations prennent leur Le régime juridique de la preuve des droits subjectifs
source tantôt dans la loi tantôt dans la convention pose trois types d’interrogations : que faut-il prouver
des parties. Il arrive que le législateur mette à la ? C’est la question de l’objet de la preuve (Section I).
charge de certaines personnes, en dehors de tout Ensuite qui doit prouver ? Elle renvoie à la charge de
contrat, une obligation envers d’autres personnes. la preuve (Section II). Enfin, par quels modes prouve
Ces dernières deviennent les créancières des pre- t-on les droits dont on est titulaire ? (Section III).
mières. Par exemple, l’article 155 du Code de la
famille met à la charge des époux l’obligation de Section I – L’objet de la preuve des droits
nourrir, entretenir, élever et éduquer leurs enfants. subjectifs

Mais, c’est surtout par la voie conventionnelle que Le plaideur qui pose une prétention devant le juge
les obligations naissent le plus souvent. La conven- doit-il prouver l’existence de la règle de droit objec-
tion par excellence qui fait naître ces obligations est tif qui fonde son droit ? La réponse donnée à cette
le contrat. Il est défini comme un accord de volonté question est négative puisque le juge est censé, mieux
créateur d’obligations. Par exemple, dans le contrat que quiconque, connaître les règles du droit objectif.
de vente tel que réglementé par les articles 264 et Deux exceptions sont apportées à ce principe. La
suivants du Code des Obligations Civiles et commer- première est que la partie qui se prévaut d’un usage
ciales (COCC), le vendeur contracte l’obligation de doit en apporter la preuve par la production d’attes-
transférer la propriété d’une chose à l’acheteur alors tations établissant cet usage. La seconde exception
que ce dernier contracte l’obligation de payer un provient du fait que le juge n’est pas censé connaître
prix. Aussi, dans le contrat de transport réglementé la loi étrangère. Aussi, le plaideur qui se prévaut
par les articles 641 et suivent du COCC, le voyageur d’une règle de droit étranger est tenu, selon l’article
a une créance envers le transporteur : celle d’être 830 du Code de la famille, d’apporter la preuve de

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l’existence et du contenu de cette loi étrangère. La question est réglée par un principe d’une certaine
limpidité : la charge de la preuve incombe au deman-
Si le plaideur n’est pas tenu de prouver le contenu de deur c’est-à-dire celui qui pose une prétention en
la règle de droit, il lui appartient cependant de prou- saisissant le juge. La formule latine « actori incubit
ver que les circonstances prévues par la règle de droit probatio » traduit ce principe. Les dispositions de
objectif sont réunies. Par exemple, l’article 118 du l’article 9 du COCC sont assez édifiantes de ce point
COCC prévoit que quiconque cause un dommage à de vue en prévoyant que « celui qui réclame l’exécu-
autrui, par sa faute, est tenu de le réparer. Il n’appar- tion d’une obligation doit en apporter la preuve ».
tient pas au plaideur de prouver au juge l’existence
de l’article 118 du COCC. Par contre, il lui faudra Le défendeur peut avoir deux comportements.
démontrer qu’une personne lui a causé un dommage D’abord, il remet en cause l’existence de l’obligation
en commettant une faute. Ces circonstances particu- même dont le demandeur demande exécution (Exp :
lières dont la preuve doit être apportée résultent soit X demande à Y le paiement d’une somme de 50 000
de faits juridiques soit d’actes juridiques dont l’exis- frs qu’il lui avait prêtée. Y prétend qu’il n’a jamais
tence est contestée : emprunté de l’argent à X = la charge de la preuve
pèse sur X qui doit prouver l’existence du prêt de
***Les faits juridiques sont des événements quel- 50 000 frs). Ensuite, Y peut se défendre en estimant
conques auquel le droit attache des effets juridiques : que la somme de 50 000 qu’il avait empruntée à X
un accident de la circulation, le baptême d’un enfant, a déjà été payée. Dans ce cas, il pose une nouvelle
une célébration de mariage, un crash d’avion... La prétention qu’il doit lui-même prouver. En ce sens,
preuve des faits juridiques se fait par tous moyens l’article 9 alinéa 2 du COCC dispose que « celui qui
: elle est libre. La réglementation de la preuve des se prétend libéré doit prouver que l’obligation est
droits subjectifs ne se pose que pour les actes juri- inexistante ou éteinte »
diques. Il arrive pourtant que le législateur, venant au
secours du demandeur, veuille l’ « aider » dans la
*** Les actes juridiques. Ce sont des manifestations production de la preuve en posant une présomption
de volonté auxquels la loi attache des effets juri- légale à son profit. La présomption légale est un
diques. On avait vu que ces actes pouvaient être fait inconnu que la loi tire d’un fait connu qui rend
unilatéraux lorsqu’il émane de la volonté d’une seule vraisemblable le fait inconnu. L’article 262 du COCC
personne (Exp. : testament). Ils peuvent aussi avoir présume par exemple qu’en matière de meubles,
un caractère bilatéral ou multilatéral lorsque deux ou le possesseur de bonne foi est propriétaire. Le fait
plusieurs personnes s’engagent. Ce sont les conven- connu ici est qu’une personne possède un meuble
tions dont les contrats constituent la principale c’est-à-dire qu’elle le détient et se comporte comme
modalité (contrat de vente, de transport, de location, un propriétaire et qu’elle est de bonne foi. De ce fait
de mariage…) connu, la loi pose un autre fait : il est propriétaire. Le
possesseur de bonne foi qui prétend être propriétaire
Section II – La charge de la preuve des droits du bien meuble est donc dispensé d’apporter cette
subjectifs preuve puisque la loi pose une présomption à son
profit, apporte la preuve à sa place. Il appartient à
La demande en justice est l’acte par lequel un plai- son adversaire de prouver qu’il n’est pas propriétaire.
deur saisit la juge afin que ce dernier se prononcer On voit donc que la présomption légale produit un
sur le bien fondé d’une prétention. Par exemple, celui renversement de la charge de la preuve. Pour celui
qui revendique la propriété d’un immeuble demande qui profite de la présomption, l’article 10 du COCC
au juge de se prononcer sur la réalité de son droit de dit qu’il bénéficie d’une dispense de preuve.
propriété. Lorsque, comme dans l’exemple de l’article 262
La question de la charge de la preuve amène à se COCC, le défendeur peut essayer de montrer le
demander qui doit prouver la prétention du deman- contraire, de détruire la présomption, on dit que la
deur. Le demandeur lui-même ? Le juge ? Le défen- présomption est simple. Dans le cas contraire, elle est
deur c’est-à-dire l’adversaire du demandeur ? dite irréfragable : le fait que la loi pose ne peut être
remis en cause.

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Au Sénégal comme ailleurs, l’électronique a bou-


Le procès civil est un procès de type accusatoire : leversé la conception de la preuve écrite. On s’est
il est l’affaire des parties contrairement au procès pendant longtemps demandé si les documents établis
pénal qui est de nature inquisitoire (l’Etat y prend et envoyés directement par ordinateurs pouvaient
une place prépondérante et organise la recherche des constituer des preuves écrites. Aussi, la question
preuves). Pourtant, même dans le procès civil, La de savoir si on pouvait valablement signer par une
production de la preuve n’est pas seulement l’affaire forme non manuscrite s’est posée. Il est reconnu
des parties. Le juge participe à cette production. Il aujourd’hui, en droit sénégalais, que l’écrit électro-
lui est permis en effet de poser des questions aux nique vaut preuve écrite lorsque le mécanisme utilisé
parties, de leur faire des injonctions, d’ordonner des permet l’identification de la personne qui s’engage
enquêtes, perquisitions, expertises, pour tenter de et permet une conservation du contenu de l’écrit. La
déceler la vérité. Cette participation du juge ne doit signature électronique est bien recevable par exemple
pas cependant faire oublier que la preuve est avant par le fait de taper ou d’écrire un mot de passe sur
tout l’affaire des plaideurs car le juge n’est jamais internet ou un code confidentiel dans un guichet
obligé d’ordonner les mesures précitées. automatique de banque.

Section III – Les modes de preuve des droits subjec-


tifs B – L’exigence de l’écrit comme mode de
preuve
Les modes de preuve renvoient aux techniques et
méthodes en vue d’établir la véracité des faits et actes L’article 14 du COCC dispose que « il doit être passé
juridiques. L’article 12 du Code des Obligations acte devant notaire ou sous signatures privées de
Civiles et commerciales cite, de façon limitative, les toute convention dont l’objet excède 20 000 frs ». Ce
modes de preuve admis en droit sénégalais. Il s’agit principe conduit à affirmer que l’écrit est le mode de
de l’écrit, du témoignage, des présomptions du fait preuve des actes juridiques. Par contre, concernant
de l’homme, de l’aveu judiciaire et du serment. Il les faits juridiques, leur preuve est libre. Ils peuvent
convient de les étudier successivement. être prouvés par tous moyens. La nécessité de la pré
constitution d’un écrit pour la preuve d’un acte juri-
I - la preuve par écrit dique reçoit cependant parfois exception :

On dit aussi preuve littérale. On verra dàbord la ***la première exception découle des termes même
forme de l’écrit (A), le domaine de la preuve écrite de la loi. L’écrit n’est pas indispensable lorsque l’objet
(B), et enfin la valeur de l’écrit comme mode de de l’acte est inférieur à 20 000 frs (achat d’un panta-
preuve (C). lon à 14 000frs).

A – Les formes de l’écrit ***l’acte juridique peut être prouvé par d’autres
modes de preuve lorsque les parties étaient dans
L’écrit peut être authentique ou sous seing privé (sous l’impossibilité de se procurer un écrit. Cette impos-
signatures privées). L’acte authentique est celui qui a sibilité peut être morale lorsqu’il existe notamment
été reçu par un officier public compétent instrumen- entre les parties des relations familiales proches ou
tant dans les formes requises par la loi. Cet officier amicales. L’impossibilité morale est laissée à l’appré-
public peut être un notaire, consul, officier d’état ciation souveraine du juge saisi de l’affaire. Elle peut
civil… au contraire de l’acte authentique, l’acte sous être aussi matérielle. C’est le cas lorsque des circons-
seing privé ou sous signatures privées est celui qui n’a tances exceptionnelles empêchent aux parties de
pas été reçu par un tel officier public. Il est établi par rédiger un écrit (inondation, naufrage, incendie…).
les parties elles-mêmes.
***L’acte juridique dont l’objet est supérieur à 20

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000 frs peut encore être prouvé par témoignage ou précisé. L’acte doit aussi être établi en autant d’exem-
serment lorsqu’il existe déjà un commencement de plaires qu’il y’a de parties qui s’engagent et ayant des
preuve par écrit. Le commencement de preuve par intérêts différents : c’est la formalité du double. Par
écrit correspond à tout écrit qui rend vraisemblable contre, lorsqu’une seule partie s’engage dans l’acte, la
le fait allégué et qui émane de celui contre qui on signature de cette personne est nécessaire ainsi que
l’oppose. Il peut s’agir d’une lettre, des pages d’un le montant de son engagement mais l’acte peut être
journal intime… établi en un seul exemplaire. Pourtant, même lorsque
ces conditions sont réunies, une partie peut remettre
***En matière commerciale, la nécessité de l’écrit en cause la validité de l’acte sous signatures privées.
s’efface. Les commerçants, dans le cadre de leurs Le juge peut alors ordonner une procédure en véri-
affaires, sont autorisés à prouver leurs conventions fication d’écriture par laquelle des experts tentent de
par les autres modes de preuve même lorsque l’objet vérifier si les signatures figurant sur l’acte et le conte-
du litige dépasse 20 000 frs. La règle ne joue cepen- nu de l’acte sont originaux ou non.
dant que lorsque le litige oppose deux commerçants
qui agissent dans le cadre de leurs affaires. La preuve écrite, dit-on, est la « reine des preuves
». Outre les cas exceptionnels d’inscription en faux
C - La valeur juridique de la preuve et de vérification d’écriture, la partie qui fonde ses
écrite revendications sur une preuve écrite gagne presque
toujours son procès. La preuve par écrit lie le juge
La force probante de l’écrit varie selon qu’il s’agit d’un c’est-à-dire que le juge est tenu de donner crédit aux
acte authentique ou d’un acte sous signatures privées. énonciations d’un écrit lorsque les conditions de
***L’acte authentique, reçu par un officier public, fait validité de l’acte ont été respectées par les parties : on
foi erga omnes c’est-à-dire à l’égard de tous (parties dit que l’écrit est une preuve parfaite.
au procès, juge, administration…). Cette force très
grande attachée à l’acte authentique ne vaut cepen-
dant que pour le contenu de l’acte que l’officier de II – Le témoignage
l’Etat civil a fait ou constaté lui-même. Pour ce qu’il
n’a pas constaté lui-même, l’acte ne vaut que jusqu’à La preuve par témoignage est celle tirée des déclara-
preuve du contraire (Exp/ les parties à un contrat de tions d’une ou plusieurs personnes qui attestent de la
vente déclare chez le notaire que le prix de la villa à véracité d’un fait pour y avoir assisté ou en avoir eu
vendre a déjà été versé au vendeur par l’acheteur = le directement connaissance. La preuve par témoignage
notaire n’a pas constaté le versement de ce prix). a toujours suscité une certaine réserve du législateur.
Cette réserve se manifeste dàbord à travers la règle
Une partie peut cependant remettre en cause la selon laquelle le témoignage n’est jamais recevable
validité de l’acte authentique en utilisant une pro- contre et outre le contenu d’un écrit. Le juge ne peut
cédure très complexe, celle de l’inscription en faux. donc faire prévaloir le contenu d’un témoignage sur
Il faudra alors démontrer que l’acte, bien qu’étant celui d’un écrit. La méfiance du législateur envers le
reçu par un officier public, n’a pas été signé par cette témoignage se manifeste aussi par le fait que la rece-
partie, comporte des énonciations fausses ou que vabilité du témoignage est laissée à la discrétion des
l’officier n’était pas compétent pour le recevoir. Du juges. Ceux-ci, analysant les circonstances, l’identité
fait de la confiance que notre droit accorde aux offi- du témoin, les éléments du dossier, peuvent l’accepter
ciers publics, cette procédure est rarissime et aboutit comme mode de preuve ou le rejeter.
rarement. En tous états de cause, le témoignage n’est jamais
admissible dans les cas où la loi rend obligatoire une
***L’acte sous signatures privées, selon l’article 23 preuve écrite. Cela veut dire que les parties ne sont
du COCC, fait foi à l’égard de tous jusqu’à preuve alors même pas autorisées à tenter de prouver leurs
du contraire. Il faut cependant qu’il contienne les prétentions par témoignage. Lorsque le témoignage
signatures des parties qui se sont engagées et que est admissible, la question de sa recevabilité se pose.
la partie illettrée ait été assistée par deux témoins Cette recevabilité, c’est-à-dire le fait que le juge
lettrés qui attestent que le contenu de l’acte lui a été considère comme vraies les déclarations des témoins,

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est laissée à l’appréciation du juge. Cela en fait une fonder sur des faits graves, précis et concordants. Le
preuve imparfaite : le témoignage ne lie pas le juge COCC interdit cependant au juge d’avoir recours
qui peut le rejeter. aux présomptions du fait de l’homme chaque fois
que la loi rend obligatoire la pré constitution d’une
III – L’aveu et le serment preuve (Art. 29 du COCC). Il en va ainsi chaque fois
que l’acte juridique qui fait l’objet du litige a un objet
L’aveu est la reconnaissance, par une partie, des faits supérieur à 20 000 frs, l’écrit étant nécessaire. Même
allégués contre elle. On distingue deux catégories dans les hypothèses où cette pré constitution n’est pas
d’aveu. L’aveu judiciaire est celui fait par une partie obligatoire, la présomption du fait de l’homme ne
ou son représentant devant le juge lui-même. Il est pourra prévaloir sur le contenu d’un écrit.
recevable en toute matière et du fait qu’il est fait
devant le juge, il fait pleine foi contre celui dont il Les pouvoirs détenus par le juge en matière de preuve
émane. Le juge est tenu de considérer les faits et actes dépendent donc largement du mode de preuve dont
avoués comme établis. il s’agit. Lorsque la preuve des droits subjectifs est
apportée par écrit, ces pouvoirs du juge se limitent
Il en va autrement lorsqu’on est en face d’un aveu à vérifier la validité de l’écrit notamment si toutes
extrajudiciaire. C’est celui qui n’a pas été fait devant les mentions et les signatures des parties y figurent.
le juge. Sa valeur probante est beaucoup moins Lorsque l’acte est valable, le juge est tenu de considé-
affirmée. Il ne lie pas le juge qui le considère comme rer son contenu comme établi. Aussi, le juge dispose
une simple présomption du fait de l’homme. Autant de peu de pouvoirs lorsque l’une des parties fait un
dire que sa recevabilité est laissée à la discrétion du aveu judiciaire ou défère le serment à son adversaire.
magistrat. Le juge est lié par le contenu de l’aveu judiciaire ou
les faits sur lesquels l’adversaire a prêté serment. Ces
Le serment est la déclaration solennelle d’un plai- modes de preuve sont dits parfaits.
deur devant le juge et affirmant le bien fondé de sa
prétention. C’est le serment décisoire. Un plaideur Le rôle du juge devient différent lorsqu’une des
défère le serment à son adversaire c’est-à-dire lui parties tente de prouver ses droits par présomptions
demande de jurer solennellement que ses prétentions du fait de l’homme, par témoignage, ou par aveu
sont vraies. Une convention passée entre les parties extrajudiciaire. Dans ces hypothèses, le juge dispose
devant le juge réglemente la forme du serment ainsi d’un véritable pouvoir d’appréciation qui lui permet
que sa force probante. Le serment est utilisé souvent de considérer les faits et droits comme établis ou non
par le plaideur qui n’a vraiment plus aucun moyen de au vu des éléments présentés. La force probante de
preuve. Le serment met celui qui le défère à la merci ces autres modes de preuve est dit-on « laissée à la
de son adversaire. En effet, si ce dernier accepte de discrétion du juge ». Ces modes de preuve sont dits
prêter serment, celui qui lui a déféré le serment perd imparfaits
le procès. En effet, le serment lie le juge. Par contre,
si cette partie refuse de prêter serment, la loi consi- On y ajoute que le juge dispose, comme cela a déjà
dère ce refus comme un aveu de l’inexactitude de ses été indiqué, du pouvoir de poser des questions aux
prétentions à moins qu’elle ne défère à nouveau le parties, de leur faire des injonctions, d’ordonner des
serment à son adversaire. enquêtes, des confrontations, designer des experts.
En conclusion, le rôle du juge en matière de preuve
IV – Les présomptions du fait de l’homme des droits subjectifs est diversifié mais déterminant.

Tous les autres modes de preuve sont extérieurs au CHAPITRE III – La transmission et l’extinction des
juge car ils sont produits par les parties. Il en est droits subjectifs
autrement des présomptions du fait de l’homme. Par
elles, le juge établit un certain nombre de concor- Les droits, comme les biens, sont destinés à une cer-
dances, de raisonnements, de déductions à partir taine « circulation ». Leur transmission est la tech-
des éléments du dossier pour fonder sa conviction. nique principale qui assure cette circulation (Section
Les présomptions du fait de l’homme doivent se I). Aussi, à l’exception de quelques rares droits ayant
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un caractère éternel, la grande majorité des droits
s’épuise avec leur usage. Lorsque le droit n’existe plus, Par la technique de la subrogation légale, la loi per-
on parle d’extinction (Section II). met de substituer à un créancier originaire un autre
créancier ayant payé à la place du débiteur. L’exemple
Section I - La transmission des droits subjec- le plus courant est celui de la compagnie d’assurance
tifs qui, après avoir indemnisé la victime, est subrogée
dans les droits de cette dernière pour agir en justice
Les modes de transmission sont nombreux. On peut contre celui qui a causé le dommage. Celui qui reçoit
utiliser de multiples critères pour le classer. Nous paiement est la subrogeant et celui qui a payé est le
choisissons de les traiter en distinguant les modes subrogé. (Il acquiert la créance avec tous ses acces-
non conventionnels (I) de transmission et les modes soires, avantages et dans la limite de ce qu’il a payé).
conventionnels de transmission (II)
II – Les modes conventionnels de trans-
I – Les modes non conventionnels de mission des droits
transmission
Ces modes manifestent la présence d’un véritable
Ils ne nécessitent pas un accord de volonté entre la accord de volonté précédant la transmission des
personne qui transmet et celle qui reçoit. Il s’agit de droits subjectifs. Ils sont beaucoup plus nombreux
la transmission par voie successorale et de la subro- que les modes non conventionnels.
gation légale.
A- La cession de créance
A- La succession
C’est l’hypothèse la plus simple. Une personne déte-
C’est le seul mode de transmission du patrimoine nant un droit personnel envers une autre personne,
des personnes physiques dans son entier. Lorsqu’une passe une convention avec une autre personne pour
personne décède, son patrimoine est dévolu à ses lui céder cette créance. La personne qui était titu-
héritiers c’est-à-dire les personnes que la loi appelle laire, à l’origine de la créance, est appelée cédant.
à la succession à défaut de testament. Le testament Celle à qui on transmet la créance est nommée ces-
est un acte juridique unilatéral, donc qui manifeste sionnaire. Enfin, celle qui était tenu envers le cédant
une seule volonté : celle par laquelle une personne et qui est désormais tenue envers le cessionnaire est
physique organise, de son vivant, la dévolution de nommée « le cédé ». La cession de créance n’exige pas
ses biens et droits à d’autres personnes. Lorsque de formalités particulières sinon la notification de la
la personne décédée, appelée de cujus, avait prévu cession au débiteur cédé c’est-à-dire son information
un testament, ceux qui lui succèdent sont nommés sur l’opération.
légataires.
B - La cession de contrat
Les « ayants cause universels » sont ceux qui
reçoivent la totalité du patrimoine du de cujus. Elle opère une substitution de position contrac-
Lorsque ces personnes reçoivent chacune une frac- tuelle. Une personne transmet à une autre l’ensemble
tion du patrimoine, comme le tiers ou la moitié, le des obligations et prérogatives qu’elle avait en
droit les nomme « ayants cause à titre universel ». vertu d’un contrat qui le liait à une autre personne.
Enfin, ceux qui sont désignés pour recevoir un ou Contrairement à la cession de créance, la cession
plusieurs biens particuliers sont des « ayants cause à de contrat nécessité le consentement écrit du co-
titre particulier ». contractant cédé. Le cessionnaire, c’est-à-dire celui
qui prend la position du cédant, ne peut prétendre
Qu’il y’ait testament ou non, la dévolution succes- avoir plus de droits que n’en avait le cédant.
sorale a pour effet la transmission du patrimoine ou
d’une partie du patrimoine à d’autres personnes. C - La subrogation conventionnelle

B - La subrogation légale On avait déjà défini la subrogation comme la tech-

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nique par laquelle une personne qui a déjà payé


prend la place de cette dernière. Contrairement à la *** La dation en paiement : c’est l’hypothèse où le
subrogation légale qui est celle prévue par la loi, la créancier reçoit en paiement une chose autre que la
subrogation conventionnelle, quant à elle, découle de chose due. L’obligation portant sur la première chose
la convention des parties. (Le subrogeant ne garantit est éteinte.
pas la solvabilité du débiteur).
*** La compensation : dans le cas particulier où
D - La délégation deux personnes sont créancières et débitrices l’une
de l’autre, la compensation éteint les deux dettes à
Un créancier, le délégant, demande à son débiteur, le concurrence de la plus faible. Les deux obligations
délégué, d’exécuter l’obligation dont il est tenue à son doivent être liquides c’est-à-dire susceptibles d’être
égard, envers une troisième personne, le délégataire. évaluées en argent et être toutes deux exigibles c’est-
La délégation peut être parfaite ou imparfaite. Dans à-dire arrivées à terme. (Article 215 du COCC : «
le premier cas, le délégant est libéré vis-à-vis du délé- La compensation n’a lieu qu’entre dettes de sommes
gataire. Dans le second cas, il est toujours tenu vis-à- d’argent ou de choses fongibles, liquides, exigibles et
vis de ce dernier malgré l’engagement du délégué. saisissables »)

Section II – L’extinction des droits subjectifs. ***L’arrivée du terme : lorsque l’exécution de l’obli-
gation était liée à un terme prévue à l’avance par les
Certaines causes d’extinction procèdent de la vo- parties, son arrivée éteint l’obligation. Le terme est
lonté des parties (I), d’autres sont indépendantes de un événement futur et certain dont l’arrivée éteint
cette volonté (II). l’obligation (terme extinctif) ou rend exigible l’exécu-
tion de l’obligation (terme suspensif). Seul le terme
I – Les causes d’extinction liées à la extinctif constitue un mode d’extinction des droits
volonté des parties subjectifs.

*** Le paiement : c’est certainement le mode d’ex- II – Les causes d’extinction indépendantes de la
tinction le plus courant. Le paiement en droit, c’est volonté des parties
l’exécution de l’obligation par le débiteur. L’entrepre-
neur qui construit une maison selon les prévisions Elles concernent des hypothèses où le droit subjectif
d’un contrat paie comme celui qui achète un bien et disparaît alors que les parties n’en avaient pas décidé
remet le prix au vendeur paie aussi. ainsi :

*** La renonciation est l’acte par lequel le titulaire ***L’impossibilité d’exécution : « à l’impossible nul
d’un droit y renonce volontairement c’est-à-dire n’est tenu » dit-on dans le langage courant. Cela est
déclare sa volonté de ne plus l’exercer. Elle est pos- aussi vrai en droit. Lorsque l’obligation est impos-
sible pour les droits patrimoniaux et non ceux ayant sible à exécuter, elle est éteinte. Il doit s’agir cepen-
un caractère extrapatrimonial. dant d’une véritable impossibilité c’est-à-dire qui ne
résulte pas de la faute du débiteur mais d’un événe-
***La remise de dette : Convention par laquelle ment qu’on ne pouvait prévoir et que l’on ne peut
les parties le créancier libère son débiteur de tout surmonter.
ou partie de sa dette sans avoir reçu paiement. A la
différence de la renonciation, elle peut porter sur une *** La confusion : elle est présente lorsque les qua-
partie seulement du droit. lités de créancier et de débiteur se retrouvent sur la
tête d’une même personne. Par exemple : le débiteur
***La novation : c’est la substitution convention- hérite de son propre créancier. Il devient débiteur et
nelle d’une obligation par une autre. Par exemple, les créancier de lui-même ce qui conduit à éteindre la
parties un transporteur tenu de transporter des per- dette.
sonnes à Tambacounda convient avec ces dernières
que le transport se fera désormais sur Touba. *** La prescription extinctive : notre droit prévoit

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parfois un certain délai pendant lequel le droit doit Remarquons que la loi ne parle que de l’acquisition
être exercé. Au-delà de ce délai, on dit que le droit de droits et non d’obligations. Les dispositions de
est prescrit, il est éteint : c’est la prescription extinc- l’alinéa 2 sont d’un grand intérêt en matière suc-
tive ou libératoire. Par exemple, en droit du travail, cessorale et de donation. On voit donc que lorsque
l’article L. 126 du Code du travail prévoit que les l’enfant né vivant, c’est-à-dire respire complètement
créances sur les salaires doivent être réclamées par après l’accouchement, le droit sénégalais considère
les travailleurs à leurs employeurs ou au juge dans un de façon rétroactive qu’il avait la personnalité juri-
délai de 5 ans. Au-delà, elles sont éteintes. dique dés sa conception. Ainsi, il peut succéder de
son père décédé avant sa naissance ou recevoir les
biens et droits dont d‘autres sujets de droits lui ont
fait donation avant sa naissance. Notre droit situe
CHAPITRE IV – Les titulaires des droits subjectifs : cette conception entre le 300e jour et le 180e jour de
les personnes juridiques la naissance

Nous avons vu, à travers nos développements, que II – Les personnes morales
l’ordre juridique est constitué d’une somme de règles
reconnaissant des droits et imposant des obligations. Contrairement aux personnes physiques, qui ont
Ceux à qui sont destinés ces droits et obligations une réalité matérielle, les personnes morales sont
sont les sujets de droit. La personnalité juridique des sujets de droits qui n’ont point une matérialité
manifeste la reconnaissance, par notre droit, de la concrète. Il n’est point possible de déjeuner avec
qualité de sujet de droit. Les personnes juridiques ou l’Etat du Sénégal, la SENELEC, la SONATEL ou la
sujets de droit sont donc ceux à qui le droit reconnaît Société Générale de Banques du Sénégal (SGBS) ni
la personnalité juridique. L’étude de la personnalité de leur serrer la main. Les personnes morales sont
juridique soulève deux interrogations : celle de son des groupements de personnes à qui le droit recon-
acquisition et celle de sa perte naît la personnalité juridique. Certaines d’entre elles
sont des personnes morales de droit public. C’est
Section I – L’acquisition de la personnalité le cas de l’Etat du Sénégal, des collectivités territo-
juridique riales (mairies, communes…) mais aussi de certains
démembrements de l’Etat (UCAD, La Poste…).
Les modes d’acquisition diffèrent selon que le sujet
de droit est une personne physique (I) ou morale D’autres personnes morales sont de droit privé. Ce
(II). sont principalement les sociétés et les associations.
I – Les personnes physiques Leur critère de distinction, selon l’article 764 du
Code des Obligations Civiles et Commerciales, ré-
Tout homme acquiert, en naissant, la personna- side dans la poursuite ou non d’un but lucratif. Selon
lité juridique. Tout homme naît « sujet de droit ». la loi sénégalaise, « la société civile est le contrat
L’article 1er du Code sénégalais de la famille traduit par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en
très bien cette réalité en précisant que « la personna- commun des apports et constituent une personne
lité commence à la naissance et cesse au décès ». La morale pour les exploiter et se partager les profits ou
personnalité juridique s’attache donc à la personne les pertes qui résultent de cette activité ». L’associa-
de façon automatique, elle est indisponible : son tion est définie comme « le contrat par lequel deux
existence ne dépend ni de la volonté de l’individu ou plusieurs personnes mettent en commun leur
lui-même encore moins celle de l’Etat ou des autres activité et, au besoin, certains biens, dans un but
individus. L’affirmation selon laquelle la personnalité déterminé autre que le partage de bénéfices » (art.
juridique commence à la naissance laisse supposer 811 du COCC). L’article 763 du COCC reconnaît
que le fœtus, scientifiquement dénommé embryon, aux sociétés et associations la personnalité morale
ne disposerait pas de la personnalité juridique. Une qui leur confère la qualité de sujet de droit. Cette
telle conclusion serait fausse car l’alinéa 2 du même reconnaissance leur donne, à l’image des personnes
article 1er ajoute que l’enfant peut acquérir des droits physiques, l’aptitude à avoir des droits, acquérir des
du jour de sa conception s’il naît vivant. biens, signer des conventions, être soumises à des
obligations….
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la loi reconnaît aux personnes juridiques (vendre,


L’octroi de la personnalité juridique pour les per- acheter…). Pour d’autres personnes, c’est la capacité
sonnes morales peut requérir des formalités particu- de jouissance c’est-à-dire l’aptitude à acquérir des
lières comme une autorisation administrative (syndi- droits qui est atténuée. Par exemple, la condamna-
cats). D’autres fois, cette personnalité juridique n’est tion pour certains crimes s’accompagne d’une perte
opposable aux tiers qu’après l’immatriculation au des droits civiques et politiques. Pourtant, dans
registre du commerce et du crédit mobilier (sociétés toutes ces hypothèses, la personnalité juridique sub-
commerciales) ou dans un journal d’annonces lé- siste toujours. Elle ne disparaît qu’avec la mort.
gales. N’ayant pas une réalité physique, les personnes
morales agissent par la voix de leurs représentants
appelées selon le cas « gérants », « administrateurs »,
« dirigeants sociaux »…
B – Les incertitudes sur l’existence

Deux hypothèses sont envisagées par le droit sénéga-


Section II – La perte de la personnalité juridique lais et qui manifestent cette incertitude : l’absence (1)
et la disparition (2).
Les règles sont encore différentes selon que la per-
sonne en présence est une personne physique (I) ou 1– L’absence
morale (II).
L’absent est défini par l’article 16 du Code de la
I – la perte de la personnalité juridique pour famille comme « la personne dont le manque de
les personnes physiques nouvelles rend l’existence incertaine ». On remarque
d’ores et déjà que le Code de la famille évoque un
Pour les personnes physiques, le décès, procédant le manque de nouvelles sans s’intéresser à la cause de
plus souvent de la mort, constitue le mode unique de celui-ci. L’absence ne manque pas de poser un certain
perte de la personnalité juridique (A). Parfois cepen- nombre de difficultés en droit pour au moins deux
dant, une incertitude peut exister sur le fait de savoir raisons : l’individu n’étant plus présent, la question
si l’individu est mort ou non. Lorsqu’on a plus de de la gestion de son patrimoine se pose mais aussi
nouvelles d’une personne, le droit établit une pro- celle de sa famille. Aussi, l’absence fait planer une
cédure qui peut aboutir à déclarer l’individu décédé incertitude sur le fait de savoir si celui dont on a plus
alors même que son corps n’a pas été retrouvé. Ces de nouvelles est toujours vivant ou non. La manière
personnes, sans être mortes avec certitude, sont que le législateur a de régler ces questions manifeste
considérées comme décédées. C’est la question de un certain espoir de ce dernier que l’absent n’est pas
l’absence et de la disparition que notre droit régle- encore mort.
mente de façon originale (B).
a – Du manque de nouvelles à la décla-
A – La mort ration de décès

Étant attachée à la vie de l’être humain, chaque indi- On constate la multiplication et la longueur des pro-
vidu conserve sa personnalité juridique jusqu’à sa cédures devant conduire à déclarer l’absent décédé.
mort. La mort établit le décès avec certitude du fait Cette multiplicité des procédures manifeste l’espoir
de sa constatation sur le cadavre du de cujus (per- qu’a le législateur que l’individu est encore en vie.
sonne décédée).
Lorsque les dernières nouvelles remontent à plus
Parfois, les prérogatives qui résultent de la person- d’un an, tout intéressé, et le ministère public, peut
nalité juridique peuvent être atténuées. Pourtant, la former une demande de déclaration de présomption
personnalité juridique elle-même ne disparaît jamais d’absence devant le Tribunal de première instance du
du vivant de la personne. Les mineurs et les majeurs dernier domicile de l’absent. La loi ordonne que le
incapables peuvent voir leur capacité d’exercice atté- parquet diligente une enquête sur le sort de l’absent
nué : ils ne peuvent exercer eux-mêmes les droits que et une publication par voie de presse écrite, radiodif-
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fusée… la déclaration de présomption d’absence ne ***Jusqu’à la déclaration d’absence, le manque de
peut être prononcée par le juge avant un délai d’un nouvelles ne produit aucun effet sur le sort du
an à compter du dépôt de la demande. Il faut alors mariage de l’absent. Par contre, le jugement déclaratif
attendre un autre délai de deux ans pour pouvoir d’absence donne au conjoint de l’absent le droit de
déposer une demande de déclaration d’absence. Le demander le divorce pour cause d’absence. Lorsque
juge considère une seconde fois les éléments en cause l’absent réapparaît alors que le divorce a déjà été pro-
pour déclarer ou non l’absence. L’individu n’est plus noncé, aussi bien le divorce que le nouveau mariage
alors présumé absent mais déclaré absent et consi- lui sont opposables.
déré comme tel.
***Enfin, le sort des enfants de l’absent est pris en
Le manque de nouvelles peut aller plus loin. Dix compte par les règles de l’administration légale et de
ans après les dernières nouvelles, une demande la tutelle. La tutelle renvoie à la désignation, par le
de déclaration de décès peut être déposée par tout juge, d’une personne autre que le conjoint de l’absent,
intéressé. Il s’agit du délai au-delà duquel notre droit chargée de s’occuper de la personne et des biens de
estime qu’il y a très peu de chances que l’individu l’enfant. L’administration légale consiste à nommer
soit encore en vie. Pour autant, le juge ne peut rendre une personne s’occupant de la gestion des biens de
une ordonnance de déclaration de décès sans une l’absent. L’administration légale revient en principe
enquête complémentaire du parquet. C’est seulement à la personne qui exerce la puissance paternelle sur
sur le fondement des résultats pessimistes de celle-ci l’enfant, souvent le conjoint de l’absent. Comme
qu’il peut prononcer une déclaration de décès. La pour l’administration des biens de l’absent, la mise
déclaration de décès est transcrite sur les registres de ne œuvre des régimes de tutelle et d’administra-
l’état civil et ouvre la succession de l’absent. tion légale se fait sous le contrôle étroit du juge. La
réapparition de l’absent met immédiatement fin à ces
b – La gestion des biens et de la famille de régimes de protection.
l’absent.
2 – La disparition
La personne dont on est resté sans nouvelle, l’absent,
a pu laisser des biens, des enfants, un conjoint… Son régime juridique est moins formaliste, moins
procédurale que celui de l’absence. Le disparu est
***Dès le dépôt de la demande de déclaration de la personne dont « l’absence s’est produite dans des
présomption d’absence, le juge nomme un adminis- circonstances mettant sa vie en danger sans que
trateur provisoire des biens de l’absent (un tiers, son son corps ait pu être retrouvé ». A la différence de
conjoint, un parent choisi par le juge, un ami que l’absence, la disparition se caractérise donc par la
l’absent avait désigné…). L’administrateur provisoire constatation de circonstances qui laissent peu de
gère les biens de l’absent sous le contrôle du juge. chance à la survie de la personne (incendie, naufrage,
Jusqu’au prononcé de la déclaration d’absence, il ne crash d’avion, inondation…). De ces circonstances
peut accomplir seul que des actes d’administration particulières, la loi fait plus un « pari » sur la mort
c’est-à-dire ceux qui ne font pas sortir des biens du de l’individu que sur sa survie. Cette présomption de
patrimoine de l’absent. Les actes de disposition étant mort influence tout le régime juridique de la dispari-
subordonnés à l’autorisation du juge. A compter de tion.
la déclaration d’absence, il lui est permis d’accomplir
des actes de disposition. Contrairement à l’absence, il n’y a, pour la dispari-
tion, ni déclaration de présomption de disparition
La déclaration de décès de l’absent ouvre sa succes- ni déclaration de disparition. La multiplicité des
sion et opère la transmission de son patrimoine à ses procédures est évitée car le droit considère l’individu
héritiers. Lorsque l’absent réapparaît après la décla- comme certainement décédé. L’unique procédure est
ration de décès, il reprend ses biens mais dans l’état alors la demande de déclaration de décès. L’affaire est
où il les trouve (restitution des biens dévolus par la instruite sans que le juge ne soit tenu de diligenter
succession) mais ne peut revendiquer ceux qui ont une enquête administrative sur le sort du disparu.
été aliénés (vendus) régulièrement. Rien ne lui interdit cependant de le faire s’il estime
ne pas avoir des éléments d’information suffisants.
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Comme pour l’absence, le prononcé du jugement de


décès est transcrit sur les registres de l’état civil. Elle
ouvre la succession du disparu. Le jugement doit
nécessairement fixer une date pour le décès. Celle-
ci doit être fixée en tenant compte des éléments du
dossier ou, en cas de difficultés, fixée au jour de la
disparition.
Comme l’absent, le disparu peut réapparaître après la
déclaration de décès. Il se trouve dans la même situa-
tion que l’absent qui revient : il récupère ses biens
dans l’état où il les trouve. Le divorce ou le remariage
de son conjoint lui sont opposables.

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