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RERJ –N°11 11‫ العدد‬2023 ‫المجلة اإللكترونية لألبحاث القانونية‬

La protection du consommateur contre les clauses abusives


entre le droit commun des contrats et la loi 31.08
The Protection of the Consumer Versus the Abusive Clause
Between the Provisions of Common law and the Law 31.08".

285
RHOMRI MOUNIR Mounia
Enseignante-chercheure à La FSJES de Meknès

Résumé :
Nul ne peut nier que le DOC constitue le droit commun des contrats. En
revanche, la pratique a prouvé son inaptitude à gérer le déséquilibre contractuel
suscité par l’existence des clauses abusives dans les contrats de consommation.
Pour y faire face, le législateur a mis en place une nouvelle loi, à savoir la loi 31.08,
qui a édicté des mesures de protection du consommateur contre la clause abusive à
travers des dispositions qui tantôt renforcent les principes du DOC, tantôt leurs
portent atteinte.
Néanmoins, en dépit des efforts fournis dans ce cadre, les clauses abusives
persistent dans les contrats de consommation vue l’existence de plusieurs failles au
niveau de ladite loi et qu’il convient de combler afin d’atteindre le but escompté, à
savoir la réconciliation entre la sécurité contractuelle dans ces contrats et la
promotion de l’économie nationale.
Les mots clés :
consommateur ‫ ـ‬clause abusive ‫ ـ‬droit commun ‫ ـ‬droit de la consommation -
loi 31.08 - protection du consommateur
Summary of the article in English :
No one can deny that the COC (the Code of Obligations and Contracts) constitutes the
common law of contracts. On the other hand, the practice has proven its inability to
manage the contractual imbalance caused by the existence of abusive clauses in consumer
contracts. To treat this, the legislator has issued a new law, namely Law 31.08, which has
enacted consumer protection measures against unfair terms through provisions which
sometimes strengthen the principles of the DOC, sometimes undermine them. . However,
despite the efforts made in this context, abusive clauses persist in consumer contracts given
the existence of several loopholes in the said law and which must be filled in order to
realize the desired goal, namely the reconciliation between contractual security in these
contracts and the promotion of the national economy.
key words:
Consumer. Abusive clause. Common law. Consumer law. law 31.08. The protection of consumer

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Introduction :
Nul ne peut nier l’importance du contrat dans toute société. Il constitue un
procédé technique pour assurer les échanges économiques. Certes, la notion
du contrat est étroitement liée à l’accord des parties contractantes qui traitent
à égalité et de gré à gré les clauses de leur contrat. Or, l’évolution de la
société et le développement économique ont limité le champ de l’égalité et
de la liberté contractuelle notamment avec l’avènement des contrats
d’adhésion, en l’occurrence les contrats de consommation comportant des
286 clauses à caractère abusif et qui sont imposées à toute personne qui conclut
un contrat pour la satisfaction des besoins autres que professionnels à savoir
le consommateur1.
En fait la clause abusive est définie par l’article 15 de la loi 31.08 édictant
les mesures de protection du consommateur entant que « toute clause qui a
pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un
déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au
contrat ». En conséquence toute clause, même si elle est illicite, ne peut être
qualifiée abusive que si elle a été imposée à l’une des parties contractantes2.
Par son caractère abusif, la clause abusive constitue l’une des
manifestations du déséquilibre contractuel dans les contrats de
consommation, ce qui porte atteinte à l’idée même du contrat. A cet égard, la
majorité des législations ont établi un cadre juridique pour assurer la
protection du consommateur. Ainsi, le droit de la consommation est né et
s’est développé dans les pays industrialisés d’Amérique du nord et de
l’Europe occidentale. Dans ce cadre, le législateur français a mis en place la
loi du 10-01– 1978 qui a été modifiée plusieurs fois.3
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1- Aux termes de l’article 2 de la loi 31.08 « (…)on entend par consommateur toute personne
physique ou morale qui acquiert ou utilise pour la satisfaction de ses besoins non professionnels
des produits, biens ou services qui sont destinés à son usage personnel ou familial ».
2- Est illicite toute clause qui est contraire à la loi. Elle n’est abusive que si elle a été imposée par
l’un des contractants en abusant de sa supériorité. Tandis que la clause abusive peut ne pas sembler
à première vue illicite, elle peut avoir pour support une situation légitime.
François CHABAS « leçons de droit civil-obligations-théorie générale »Tome 2 –premier
volume-MONTCHRESTIEN-Librairie LEPOINT DELTA – 2000-p : 79.
3- La loi du 10-01-1978 a subi plusieurs modifications dont la plus importante est celle de la loi du
26 juillet 1993 qui a regroupé la plupart des dispositions concernant la protection des
consommateurs. Celle-ci a subi, à son tour, plusieurs modifications dont la plus importante est la
loi n°95-96 du 1er février qui a été modifiée plusieurs fois.
Christian LARROUMET « Droit Civil »-Tome 3- Les obligations –Le contrat- 3ème édition-
Librairie LEPOINT ECONOMICA-1996- p 41.
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Au niveau national, les sources du droit de la consommation remontent au
début du protectorat français notamment avec l’adoption du Dahir des
Obligations et Contrats constituant le droit commun de tous les contrats ; or
la particularité de la relation contractuelle entre le professionnel et le profane
imprégnée par le déséquilibre contractuel a incité le législateur à élaborer la
loi n°31.081 édictant les mesures de protection du consommateur qui a mis
en place des mesures de protection du consommateur contre les clauses
abusives2
287 En revanche, si la protection du consommateur dans sa relation avec le
professionnel, notamment à l’égard des clauses abusives a constitué un pôle
d’intérêt pour le législateur marocain, elle demeure un sujet qui n’a pas
encore retenu l’attention suffisante de la doctrine malgré l’existence de
certaines écritures timides. De même, l’absence d’une culture consumériste
interprète la faiblesse des actions en justice et limite le rôle du juge en la
matière.
Par ailleurs, l’intérêt que porte le législateur à la protection du
consommateur, en l’occurrence sa protection contre la clause abusive, n’est
pas anodin mais il résulte de l’importance que requiert ce contrat au sein de
la société et de son aspect déséquilibré.
D’ailleurs, l’importance du présent sujet incite à poser plusieurs questions,
à savoir :
Le juge peut-il user des dispositions et des principes du Dahir des
Obligations et Contrats (DOC) pour rétablir le déséquilibre dans les contrats
de consommation ? Autrement dit, le juge marocain est-il apte d’user de son
pouvoir discrétionnaire pour faire des dispositions du DOC un cadre
juridique protecteur contre les clauses abusives ?Les apports de la loi 31.08
faciliteront- ils vraiment la lutte contre les clauses abusives ?le cadre
institutionnel lié à la protection du consommateur est-il apte de jouer son rôle
pour protéger le consommateur contre la clause abusive ?les limites liées à la
protection du consommateur contre la clause abusive reviennent-elles au
consommateur lui-même ?

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1- Loi 31.08 édictant des mesures de protection du consommateur promulguée par la Dahir n°1-11-
03 du 14 Rabii I 1432(18 février 2011) – B.O N° 5932, pages 347-370.
2- La loi 31.08 a régi les mesures de protection contre la clause abusive dans son titre 3( de l’article
15 jusqu’à l’article 20).
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De toutes ces questions découlent une problématique principale : Dans
quelle mesure l’influence du DOC sur la loi 31.08 ainsi que les mécanismes
instaurés par cette dernière, sont-ils aptes de lutter contre la clause abusive et
de rétablir l’équilibre dans les contrats de consommation ?
En fait, la réponse à cette problématique s’envisage dans le fait que la loi
31.08 a adopté un système hybride de protection du consommateur contre la
clause abusive, en s’inspirant des dispositions du DOC d’une part et en
mettant en place de nouveaux mécanismes qui prennent en considération la
288 spécificité de la sécurité contractuelle dans le contrat de consommation.
Néanmoins l’insuffisance des nouvelles dispositions dans la réalisation d’une
véritable protection du consommateur contre la clause abusive reste tributaire
de leur mise en œuvre sur le plan pratique.
A cet effet, l’étude de ce sujet nécessite pratiquement de traiter deux
grands axes, à savoir :
*Les mécanismes de droit commun comme source d’inspiration pour la
lutte contre les clauses abusives, d’une part.
*vers la refonte des dispositions de la loi 31.08 en matière de lutte contre
la clause abusive, d’autre part.
A.Les mécanismes de droit commun comme source d’inspiration
pour la lutte contre les clauses abusives
Vu l’importance du contrat dans la gestion des transactions et des rapports
au sein de la société, plusieurs principes et théories ont inspiré le DOC, parmi
lesquels il y a le principe de la bonne foi qui constitue un principe de base
pour toutes relations contractuelles.
1.L’application du principe de la bonne foi comme mécanisme
de lutte contre la clause abusive
Le Dahir des Obligations et Contrats a fait de la volonté la pièce
angulaire pour la formation de tout contrat. A ce titre, il a veillé à ce qu’elle
soit libre et éclairée en mettant en place plusieurs mécanismes qui constituent
une prévention contre tout abus à la volonté du consommateur parmi lesquels
il y a le principe de la bonne foi, qui constitue un principe de base qui sous-
tend toutes relations contractuelles.
Ainsi, vu son importance dans l’établissement de la justice
contractuelle, ce principe n’est plus un simple devoir moral mais il s’agit
d’une obligation juridique sur laquelle repose plusieurs obligations
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contractuelles tout au long des phases du contrat dont l’irrespect est
sanctionné par la loi. Il est applicable tant au stade des négociations
contractuelles que lors de l’exécution du contrat ou de son extinction.
1.1-L’application du principe de la bonne foi
lors de la formation du contrat :
Il s’agit d’un principe général de droit des contrats par lequel le législateur
a moralisé les rapports contractuels et a limité la liberté contractuelle
lorsqu’elle cause un déséquilibre au niveau du contrat. Ce qui permet
289 d’établir une sécurité et un ordre public contractuel. D’ailleurs c’est ce qui a
été confirmé par un jugement du tribunal de Tanger qui s’est basé sur les
articles 230 et 231 du DOC pour démontrer que le principe de l’autonomie de
la volonté repose sur des éléments découlant de la bonne foi et qui
constituent une limite à la liberté contractuelle dont peut user les contractants
de mauvaise foi qui sont dans une position plus forte que leurs cocontractants
de bonne foi et qui abusent de leur faiblesse ou de leur ignorance pour leur
imposer des clauses abusives1.
Dans ce cadre, le législateur a imposé expressément dans l’article 231
l’exécution de tout engagement par bonne foi2 et il s’y est référé
implicitement à travers diverses dispositions régissant la phase de la
formation du contrat. De sa part, son homologue français a fait de ce principe
un fondement de base pour toutes les phases du contrat3.
En revanche, malgré son importance, le législateur ne lui a pas accordé
une définition précise en laissant cette tâche à la doctrine qui considère ce
principe comme toute intention sincère exempte de trahison et de tromperie.
Elle constitue l’opposé de la mauvaise foi et de toute intention de nuire à
autrui4 .
En fait, le principe de la bonne foi exige que l’accord des parties
contractantes doive se baser sur une volonté éclairée et libre. Par conséquent,
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1 - jugement n°313, dossier n° 229/4/98 datant du 24/6/1999.
،8 ‫ عدد‬،2009 ‫ سنة‬،‫ مجلة طنجيس للقانون واالقتصاد‬،"‫حسن الوزاني التهامي "دور القضاء التجاري في حماية المستهلك‬
.166‫ص‬
2 - aux termes de l’article 231 du DOC « Tout engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige
non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l’usage, l’équité
donnent à l’obligation d’après sa nature ».
3 - l’article 1104 du droit civil français qui a modifié l’article 1134 en vertu du décret du
10/02/2016.
،2002 ،‫ منشأة المعارف باإلسكندرية القاهرة مصر‬،"‫ ـ عبد الحكم فودة " تفسير العقد في القانون المصري و المقارن‬4
.154‫و‬153‫ص‬
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le législateur ne sanctionne la force obligatoire que lorsque le contrat est
juste1.Aux termes de l’article 230 du DOC, le contrat ne peut constituer la loi
des parties contractantes et acquérir la force obligatoire que s’il a été
valablement formé.2Dans le même cadre, l’article 19 du DOC dispose que
« La convention n’est parfaite que par l’accord des parties sur les éléments
essentiels de l’obligation, ainsi que sur toutes les autres clauses licites que les
parties considèrent comme essentielles(…) ».
Par conséquent, les parties contractantes doivent répondre à une obligation
290 de renseignement et à une obligation de coopérer3 de façon à ce que chacune
d’elle puisse contracter en toute connaissance de cause. De même qu’elles
peuvent se concerter sur toutes clauses qui ne sont pas contraires à l’ordre
public contractuel. Certes, ces obligations se révèlent d’une grande
importance notamment dans les contrats déséquilibrés y compris ceux de
consommation.
En effet, le respect du principe de la bonne foi se manifeste dans la phase
des pourparlers dans l’obligation d’informer son cocontractant. il s’agit d’une
obligation qui n’est pas particulière au domaine de la consommation, mais
elle existe dans tout type de contrats que ce soit les contrats conclus entre
professionnels ou les contrats entre non professionnels ou même les contrats
d’adhésion ou de consommation à chaque fois que le créancier n’a ni les
connaissances, ni les aptitudes nécessaires qui lui permettent d’apprécier
d’une manière précise l’utilité que lui procure le contrat. Elle est essentielle
puisqu’elle permet au créancier de cette obligation de donner son
consentement en connaissance de cause4. Ainsi, son rôle devient plus accru
dans le cas des contrats déséquilibrés5 notamment les contrats de
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1 - Marie Annick GREGOIRE « l’impact de l’obligation de la bonne foi : étude sur ses rôles et
sanctions lors de la formation et l’élaboration du contrat »-Mémoire en vue de l’obtention du grade
de maitre en droit- Faculté de droit- Université Montréal- 2001- papyrus.bib.Umontreal.ca- p ; 88.
2 - Aux termes de l’article 230 du DOC « obligations contractuelles valablement formées tiennent
lieu de loi à ceux qui les ont faites, et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel
ou dans les cas prévus par la loi »
3- Jean CARBONNIER « Droit Civil »-Tome 4- Les Obligations-presses universitaires de France,
20ème édition mise à jour juillet 1996, p : 53
4- Christian LARROUMET « Droit Civil » Tome 3- Les Obligations – Le Contrat – Librairie
LEPOINT- édition ECONOMICA 1996 – p : 331
5 -Un contrat peut être déséquilibré lorsqu’il réunit un professionnel à un consommateur. Ce dernier
peut être désarmé parce qu’il est en état de faiblesse en face d’un professionnel qui est en mesure
de lui dicter ses conditions. Aussi, le consommateur est un profane en face d’un professionnel
nécessairement éclairée. C’est ce dernier cas qui justifie l’obligation du conseil ou de
renseignement. Op.cit.-p 409.
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consommation conclus entre un profane et un professionnel éclairé. Pour ce,
le législateur l’a édicté expressément dans la loi 31.08 édictant des mesures
de protection du consommateur 1
De sa part, le juge marocain veille au respect de l’obligation de présenter
tous renseignements nécessaires pour éclairer la volonté de son cocontractant
lors de la formation du contrat. Dans ce cadre, la cour de cassation a imposé
à l’architecte, vu l’expérience qu’il a acquise dans son domaine, de présenter
à son cocontractant toutes les données auquel il ne peut pas accéder et qu’il
291 ne peut pas déduire, sous peine d’engager sa responsabilité en cas de
dommage dû à cette dissimulation2.
Donc toute réticence dans la présentation des informations nécessaires sur
le contrat ou sur son objet ainsi que tout abus est sanctionné par la loi. En
fait, c’est sur la base de la bonne foi que le DOC a mis en place un ensemble
de mécanismes qui assurent la protection de la volonté des contractants lors
de la formation du contrat contre la mauvaise foi de leurs cocontractants et
qui se révèlent d’une grande importance dans le domaine de la protection du
consommateur contre les clauses abusives. Il s’agit d’une part des vices du
consentement3en vertu desquels le législateur a sanctionné par le biais de la
rescision, l’irrespect de la bonne foi au niveau de la formation du contrat.
Dans ce cadre, il a imposé au contractant d’éviter tout comportement qui peut
nuire à la volonté de son cocontractant que ce soit par l’erreur, le dol, la
lésion ou la violence.
D’ailleurs, l’irrespect de l’obligation de présenter tout renseignement
nécessaire pour éclairer la volonté du cocontractant peut nuire à sa volonté et
le mener à contracter contre sa volonté par erreur ou par dol.
En fait, l’inexécution de l’obligation d’informer peut susciter chez l’autre
partie au contrat une erreur4 sur un élément essentiel du contrat. En effet,
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1 - Les articles de 3 jusqu’à 14 et l’article 206 de la loi 31.08 édictant des mesures de protection du
consommateur. L’article 47 de la loi sur les prix et la concurrence. Le titre 2 de la loi 24.09
relative à la sécurité des produits et services
2 - Arrêt de la cour de cassation n° 3296, dossier civil n°2011/1/2/2011, datant du 07-08-2012.
Revue des tribunaux marocains, n°143, édition 2013, p : 101.
3 - les vices du consentement régis par le DOC dans les articles 39 jusqu’à 56.
4 - Entant que vice du consentement, l’erreur n’a pas été définie par le DOC. La doctrine a avancé
plusieurs définitions dans ce cadre. Ainsi, elle a été définie entant qu’une opinion contraire à la
réalité. Voir François CHABAS « Leçons de Droit Civil 6 TOME 2 6 PREMIER VOLUME 6
Obligations,théorie générale- Librairie LEPOINT-Montchrestien – DELTA- Editions 2000 – p158.
Aussi l’erreur a été définie comme une fausse représentation de la réalité qui a conduit une
personne à s’engager, et qui ne l’aurait pas fait si elle avait connu la réalité.
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l’erreur peut porter soit sur l’objet du contrat soit sur le sens d’une clause
importante pour le consommateur et qui influence sa volonté de contracter1.
En outre, L’erreur du consommateur peut résulter essentiellement de deux
cas :
-soit d’une erreur excusable2. Il s’agit de l’erreur qui porte sur l’ignorance
de la loi3. C’est le cas où le cocontractant prétend donner son consentement
dans l’ignorance de la loi4. Il s’agit d’une erreur qui diffère de l’erreur de
droit en matière pénale dont le but est d’échapper à l’application de la loi. En
292 fait, l’erreur excusable vise seulement à octroyer à la personne qui l’a
invoqué le droit à l’annulation du contrat conclu sous l’empire d’un vice de
consentement. Dans ce cas la personne ne vise pas à échapper à l’application
de la loi5 mais elle vise à corriger sa situation conformément à la loi.
Cependant sa prise en considération suppose qu’elle serait substantielle et
déterminante et que la personne concernée n’est pas censée connaitre la règle
de droit sur laquelle porte l’erreur6.
Par conséquent, l’ignorance du consommateur à la loi encourage les
professionnels à imposer des clauses abusives dans leurs contrats et nuisent
ainsi aux droits des consommateurs.
Afin de les protéger contre l’erreur, le législateur leur ont conféré droit à
la rescision. Cependant, le juge marocain est resté hésitant à l’égard de son
application au niveau des contrats de consommation. Inversement, le juge
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــ‬....
‫ الدار‬،‫ مطبعة النجاح الجديدة‬،‫ الطبعة الثانية‬،‫ النظرية العامة لاللتزام ـ الجزء األول مصادر االلتزام‬،‫الفصايلي الطيب‬
- .79‫ ـ ص‬1997 ،‫البيضاء‬
‫ العدد الخاص‬،‫ منشورات المجلة المغربية لألنظمة القانونية والسياسية‬، ‫حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫ غيتة دكراوي‬-1
. 121 ‫ ص‬،2019 ،‫ الرباط‬،‫ مطبعة األمنية‬،‫ الطبعة األولى‬،16 ‫رقم‬
2- qui découle de l’application de l’article 40 du DOC
3- Christian LARROUMET « Droit Civil » Tome 3- Les Obligations – Le Contrat – op.cit.- p : 313.
4 - En fait, l’erreur de droit se contredit avec la règle selon laquelle « nul n’est censé ignoré la loi »
découlant du code pénal. Aux termes de l’article 2 du code pénal « nul ne peut invoquer pour son
excuse l’ignorance de la loi pénale ». L’erreur de droit signifie que dès sa publication au bulletin
officiel, la loi s’impose à tous et personne ne peut prétendre échapper à son application sous
prétexte de l’ignorer.
5La règle pénale vise l’égalité entre les destinataires de la règle de droit qui constitue un principe
constitutionnel et que personne ne peut prétendre son ignorance à la loi pour éluder ses
dispositions
‫عبد الرحمان الش رقاوي "القانون المدني ـ دراسة حديثة للنظرية العامة لاللتزام في ضوء تأثرها بالمفاهيم الجديدة للقانون‬
.147 :‫ ص‬،2022 ‫ الطبعة السابعة‬،‫ مطبعة األمنية الرباط‬،‫ الجزء األول ـ مصادر االلتزام ـ التصرف القانوني‬،"‫ االقتصادي‬-
6- aux termes de l’article 40 du DOC « l’erreur de droit donne ouverture à la rescision de
l’obligation :
1- lorsqu’elle est la cause unique ou principale ;
2- lorsqu’elle est excusable »
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français a réussi à appliquer la loi dans le sens favorable à la protection de la
partie faible et il ne s’est pas cantonné à la lettre du texte de la loi. A cet
égard, il s’est avéré tolèrent à la théorie de l’erreur, notamment lorsqu’elle
est invoquée par des personnes non professionnelles qui concluent des
contrats compliqués et qui n’ont pas l’expérience suffisante qui les protège
contre l’erreur. D’ailleurs, la cour de cassation française a décidé, dans un
son arrêt datant du 15 février 1950, l’annulation d’un contrat de crédit à
terme en considérant que l’emprunteur est tombé dans l’erreur lorsqu’il a cru
293 que le montant du crédit doit lui être livré au moment de la conclusion du
contrat1.
Il convient de noter qu’en parallèle, le créancier de cette obligation, doit
faire preuve, de sa part, d’un minimum de vigilance en procédant à une
lecture préalable du contrat qu’il s’apprête à signer2. Ce qui peut constituer
une protection, pour la partie faible afin qu’elle puisse donner son
consentement informé. En outre, afin de prévenir les abus de blanc-seing, la
loi française sur le crédit de la consommation prescrit la mention « ne signez
jamais un contrat non rempli » en soulignant pour le consommateur qu’il
devra bien vérifier l’existence de tous les éléments essentiels qui déterminent
son consentement.3. Cependant, un tel remède n’est point efficient vu le taux
élevé d’analphabétisme au Maroc. En plus, la lecture du contrat ne changera
rien dans le cas où le contractant abuse de la situation de nécessité de son
cocontractant et lui impose des clauses contractuelles4.
En revanche, malgré ses avantages, il semble que la théorie de l’erreur
régie par le DOC ne constitue pas un remède efficace pour lutter contre la
clause abusive. Ceci revient essentiellement, d’une part à l’insuffisance de la
contribution du juge marocain qui demeure attaché à la lettre du texte. De ce
fait, il n’a pas encore acquis l’audace suffisante pour appliquer la loi selon le
but escompté par le législateur. Et d’autre part, la théorie des vices avancées
par le DOC donne lieu à l’annulation de tout le contrat et non pas

‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
‫عبد الرحمان الشرقاوي "القانون المدني ـ دراسة حديثة للنظرية العامة لاللتزام في ضوء تأثرها بالمفاهيم الجديدة للقانون‬
- .148 ‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫ األول ـ مصادر االلتزام ـ التصرف القانوني‬1‫ الجزء‬،"‫االقتصادي‬
2- Marie Annick GREGOIRE « l’impact de l’obligation de la bonne foi : étude sur ses rôles et
sanctions lors de la formation et l’élaboration du contrat »-p : 55.
3- tel que le montant emprunté, le taux, la durée du contrat etc.
Hervé JACQUEMIN « le formalisme de protection de la partie faible au rapport contractuel-idées
et perspectives- centre de la recherche informatique et droit- dial.uclouvain.be, p 22
4 -OP.cit, p 72.
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l’annulation de la clause abusive1, ce qui met en péril les intérêts du
consommateur qui a besoin de ce contrat.
-En outre, le contractant peut abuser de l’ignorance de son cocontractant
par le dol. Il s’agit cette fois d’une erreur provoquée intentionnellement par
le contractant. Dans ce cadre, l’article 52 du DOC a sanctionné toutes
manœuvres frauduleuses ou réticences de l’une des parties, de son complice
ou de la personne qui la représente, qui ont mené l’autre partie au contrat à
donner son consentement, par la rescision du contrat. Celle-ci n’est appliquée
294 que lorsque le dol a une influence déterminante sur le consentement de la
partie qui en est victime. A ce niveau, le dol peut se manifester :
-D’une part, dans un acte actif (le dol actif) tel que la présentation de
fausses informations. Dans ce cadre, les dispositions du DOC ont inspiré
fortement la loi 31.08 qui a interdit toute publicité mensongère qui peut
induire en erreur le consommateur2 .
En outre, il est à signaler que l’article 549 du DOC a renforcé la théorie
du dol à travers la théorie de la garantie contre les vices cachés 3 qui a une
relation étroite avec l’obligation d’informer imposée au pollicitant lors de la
formation du contrat, car le vendeur doit informer l’acheteur sur tout vice
caché qui porte sur un élément substantiel et déterminant pour sa volonté,
dont il connait l’existence et qui est occulte pour l’acheteur.
- Néanmoins, malgré son importance en matière de la protection du
consommateur contre l’abus du professionnel, il convient de signaler qu’elle
demeure restreinte dans la mesure où son champ d’application est limité au
contrat de vente, d’une part. De même l’article 571 du DOC se fonde sur le
principe de la liberté contractuelle, par conséquent, il confère au vendeur la
possibilité de s’abstenir à répondre des vices de la chose ou de l’absence des
qualités requises s’il a stipulé qu’il ne serait tenu d’aucune garantie. Ce qui
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
‫ عبد الباسط الجامعي" أثر عدم التكافؤ بين المتعاقدين على شروط العقد ـ ظاهرة اختالل التوازن بين االلتزامات التعاقدية في‬-1
- 1.70 :‫ ص‬،1991/1990 ،‫ القاهرة‬،‫ دار النهضة العربية‬،"‫ظل انتشار الشروط التعسفية ـ دراسة مق ارنة‬
2 -aux termes de l’article 21 de la loi 31.08 «sans préjudices des dispositions des articles 2 et 67 de
la loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle, est interdite toute publicité comportant,
sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications, indications ou représentations
fausses ou de nature à induire en erreur. (…) »
3 - aux termes de l’article 549 du DOC « le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent
sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l’usage auquel elle est destinée d’après sa nature
ou d’après le contrat. Les défauts qui diminuent légèrement la valeur ou la jouissance, et ceux
tolérés par l’usage, ne donnent pas ouverture à la garantie.
Le vendeur garantit également l’existence des qualités par lui déclarées, ou qui ont été stipulées
par l’acheteur »
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ne présente guère une protection pour l’autre partie, en l’occurrence le
consommateur, puisqu’en matière de consommation, le professionnel peut
abuser de l’ignorance ou de la faiblesse du consommateur pour lui imposer
une telle clause. Afin de répondre au besoin de la protection contre toute
clause abusive, dans ce cadre, le deuxième paragraphe de l’article 65 de la loi
31.08 a écarté les dispositions du deuxième paragraphe de l’article 571 du
DOC pour les contrats de vente de biens ou de produits conclus entre le
fournisseur et le consommateur. De ce fait, l’inclusion de toute clause qui
295 exonère le professionnel de son obligation d’informer le consommateur sur
l’existence d’un vice caché constitue une clause abusive et porte atteinte à la
liberté de contracter.
-D’autre part, le dol peut se manifester dans un acte passif (le dol passif),
ceci en vertu du silence sur des informations déterminantes pour le
consentement de l’autre partie.
-En fait, pour sanctionner l’absence de bonne foi à la formation du contrat,
le législateur marocain, à l’instar de son homologue égyptien1 a considéré
expressément la réticence comme une forme de dol. Ceci inversement au
législateur français2 qui n’a pas utilisé le terme « silence » mais il a considéré
comme dol « la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une
information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ». C’est
le juge français qui a usé de son pouvoir d’interprétation pour protéger la
volonté du cocontractant en considérant le silence entant que dol passif.
D’ailleurs, la cour d’appel de Paris a déclaré la vente nulle pour vice de
consentement vu l’abstention du vendeur d’informer son cocontractant sur
l’impossibilité d’obtenir l’autorisation indispensable à l’installation du
matériel d’alarme qui l’a induit en erreur , en précisant qu’il s’agit d’un
élément essentiel et déterminant de son consentement3.
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1 - l’article 125 du code civil égyptien dans son deuxième paragraphe a considéré la réticence
comme l’une des formes de dol.
2 - l’article 1138 du code civil français
3 - « En s’abstenant d’informer son cocontractant de l’impossibilité dans laquelle il allait se trouver
d’obtenir l’autorisation indispensable à l’installation de matériel d’alarme, le vendeur manque non
seulement à son obligation de conseil entant que technicien de la chose vendue mais induit en
erreur l’acheteur vue un des éléments essentiels de l’objet de la convention, ce dernier ne pouvant
consentir à l’acquisition d’un matériel qu’il ne pouvait utiliser au regard de la réglementation en
vigueur.
.126‫ م س ص‬،‫ حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫غيتة دكراوي‬
Par suite, il échet de déclarer la vente nulle pour vice du consentement ». CA Paris, 13 Mai1987,
D. 1978-2-I-R, p : 158.
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-En plus de l’erreur et du dol, le professionnel peut abuser de son droit de
rédiger le contrat, découlant du principe de la liberté contractuelle, en y
incluant des clauses portant atteinte aux intérêts du consommateur. À cet
égard, le DOC a limité l’exercice de tout droit lorsqu’il porte un dommage
notable à l’autre partie1.
-En effet, la même règle a été reprise par la loi 31.08 qui a sanctionné par
la nullité, tout engagement né d’un abus de la faiblesse ou de l’ignorance du
consommateur2. En outre, l’abus de la faiblesse du consommateur a été
296 qualifié par plusieurs auteurs comme une violence économique, puisque le
consommateur se trouve contraint d’accepter les clauses imposées par le
professionnel vu son besoin de contracter.
-De ce qui précède il s’avère que l’abus de droit est occasionné en matière
de consommation par l’abus de la puissance économique, ce qui engendre un
état de lésion qui fait présumer la mauvaise foi du professionnel dans tout cas
où il y a un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des
parties contractantes3 .
1.2- l’application du principe de la bonne foi dans la
phase post- contractuelle
Afin d’assurer la sécurité contractuelle, le législateur a encadré
l’autonomie de la volonté par le respect de la bonne foi qui constitue un
principe de base au niveau de toutes les phases du contrat, à savoir la phase
d’exécution du contrat, de sa résiliation comme au niveau de sa formation.
Ainsi, tout engagement doit être exécuté de bonne foi4. Par conséquent,
plusieurs obligations découlent de ce principe pour garantir au contrat sa
force obligatoire.
D’une part, les contractants doivent coopérer pour faciliter l’exécution de
leur contrat. D’autre part, ce principe impose au professionnel d’éviter toute
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1 - aux termes de l’article 94 du DOC « il n’y a pas lieu de responsabilité civile, lorsqu’une
personne, sans intention de nuire, a fait ce qu’elle avait le droit de faire.
Cependant, lorsque l’exercice de ce droit est de nature à causer un dommage notable à autrui et que
ce dommage peut être évité ou supprimé, sans inconvénient grave pour l’ayant droit, il y a lieu à
responsabilité civile, si on n’a pas fait ce qu’il fallait pour le prévenir ou pour le faire cesser. »
2 -Aux termes de l’article 59 de la loi 31.08 « est réputé nul par la force de la loi tout engagement né
d’un abus de la faiblesse ou de l’ignorance du consommateur, lequel se réserve le droit de se faire
rembourser les sommes payées et d’être dédommagé sur les préjudices subis. »
3 A ce niveau, il convient de constater que le DOC ne sanctionne la lésion que dans certains cas bien
déterminés à savoir le cas de prêt à taux excessif prévu par l’article 878, le cas de la clause qui
attribuerait à un associé une part dans les bénéfices, ou dans les pertes, supérieure à la part
proportionnelle à sa mise prévu par l’article 1034 .
4 L’article 231 du DOC
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clause abusive qui lui permet d’abuser de son droit tel que la stipulation
d’une clause qui lui facilite la fraude ou encore lorsqu’il se permet d’imposer
des conditions pour la livraison ou de stipuler une clause qui l’exonère de sa
responsabilité en cas de retard dans l’exécution1.
De même que la résiliation du contrat doit être de bonne foi. De ce fait
toute résiliation brusque et intempestive qui n’est pas précédé de précautions
qu’imposent la loyauté et la morale dans les rapports contractuels peut être
source de responsabilité, notamment lorsque celle-ci porte atteinte pour
297 l’autre partie au contrat, ce qui peut donner lieu à des dommages-intérêts.
A ce niveau, la cour de cassation a précisé que la résiliation du rapport
contractuel portant atteinte à l’un des contractants et qui lui confère droit à la
réparation, se base sur l’existence du caractère brusque et intempestive de la
résiliation ayant lieu sans préavis. Elle se base aussi sur l’existence d’un abus
de droit portant atteinte à l’autre contractant ou encore il faut démontrer que
la résiliation tend à la réalisation d’un intérêt illégitime ou d’intérêts
excessifs au détriment de l’autre partie au contrat2.
2- les effets du principe de la bonne foi et la lutte contre la
clause abusive
Dans plusieurs situations qui manifestent la mauvaise foi de l’un des
contractant, les dispositions de Dahir des Obligations et Contrats prévoient
plusieurs sanctions notamment l’annulation du contrat ou encore sa révision.
2.1- l’annulation du contrat
D’une part, l’annulation du contrat mène à sa disparition, hormis certains
cas précisés par la loi tel que le cas de l’article 264 du DOC qui prévoit la
nullité de toute clause interdisant la révision du montant des dommages-
intérêts convenu au titre du préjudice que subirait le créancier en raison de
l’inexécution totale ou partielle du contrat ou en raison du retard apporté à
son exécution. Aussi, l’article 112 du DOC prévoit la nullité de la condition
potestative3.
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
.141 :‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫ حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫ غيتة دكراوي‬- 1
2- Arrêt de la cour suprême n° 846, dossier commerciale n° 1415/03 datant du 14/07/2004
-145 :‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫ حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫غيتة دكراوي‬
3- En disposant que « l’obligation est nulle, lorsque l’existence même du lien dépend de la nue
volonté de l’obligé"
Le DOC a prévu la nullité de la condition dans plusieurs autres cas tels que les cas précisés par les
articles 108- 109- 110- 111- 743
Parfois le législateur prévoit la nullité de la clause et octroie au cocontractant le droit à la
réparation tel que le cas de la clause de non garantie prévue par l’article 544 du DOC ;
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Par conséquent, l’annulation de tout le contrat de consommation en cas
d’existence d’une clause abusive peut nuire aux intérêts du consommateur. À
ce niveau, la loi 31.08 a prévu une disposition exceptionnelle à celle prévue
par le DOC à savoir la nullité de la clause abusive et non pas de tout le
contrat tant qu’il y a possibilité d’annulation de la clause sans annuler le
contrat.1
2.2- la révision du contrat
Dans d’autres cas, les dispositions du DOC peuvent constituer un
298 fondement pour réviser le contrat en cas d’existence d’une clause abusive
au lieu de son annulation, tel est le cas de l’article 264 du DOC qui permet
au tribunal de réviser la clause pénale en diminuant le montant des
dommages –intérêts convenu.2
Aussi, le juge peut intervenir pour réviser le contrat et rétablir l’équilibre
contractuel dans d’autres cas, tel que le cas de la clause comportant une
obligation conditionnelle. Autrement dit une obligation qui dépend d’un
évènement futur et incertain.3
De ce qui précède, il est à déduire que le législateur marocain a mis en
place un ensemble de dispositions visant la protection du consommateur
contre les clauses abusives ; or l’abus des professionnels de leur puissance
économique a mené le législateur à imposer des dispositions spéciales qui
prennent en considération la spécificité du contrat de consommation.
B.Vers la refonte des dispositions de la loi 31.08 en
matière de lutte contre la clause abusive
Vue l’inefficience des mécanismes du DOC de poursuivre le
développement économique et social de la société et aussi l’attachement du
juge aux textes de la loi, le législateur a été contraint de mettre en place des
dispositions spéciales procurant au consommateur des droits spécifiques en
matière de la consommation. De même qu’il a opté pour la mise en place
d’autres mécanismes afin de lui assurer une protection contre la clause
abusive.
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1 - Aux termes de l’article 19 de la loi 31.08 « sont nulles et de nul effet les clauses abusives
contenues dans les contrats conclus entre fournisseur et consommateur ».
2 -Aux termes de l’article 264 du DOC « (…) le tribunal peut réduire le montant des dommages-
intérêts convenu s’il est excessif ou augmenter sa valeur s’il est minoré comme il peut réduire le
montant des dommages-intérêts convenu, compte tenu du profit que le créancier en aurait retiré du
fait de l’exécution partielle de l’obligation. Toute clause contraire est réputée nulle »
.182‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫ حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫غيتة دكراوي‬-3
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1.Les droits protégeant le consommateur contre la
clause abusive
Afin d’assurer une meilleure protection du consommateur contre la clause
abusive, la loi 31.08 a conféré au consommateur des droits spécifiques dans
ce domaine. Il s’agit d’une part du droit à l’information dont les dispositions
s’inspirent notamment du principe de la bonne foi prévu par le DOC et
d’autre part de son droit à la rétractation par lequel ladite loi s’est révoltée
vivement contre les principes fondamentaux du DOC, notamment le principe
299 de la force obligatoire du contrat et le principe de l’autonomie de la volonté.
1.1-Le droit à l’information et la lutte contre la
clause abusive
Pour éviter tout abus du professionnel et afin de permettre au
consommateur de contracter en toute connaissance de cause, le législateur a
imposé au professionnel l’obligation de l’informer en s’inspirant des
obligations découlant du principe de la bonne foi.
A cet égard, cette obligation porte sur tous les éléments qui servent à
éclairer la volonté du consommateur. Ainsi, il doit être informé sur l’objet du
contrat et tous les éléments qui s’y attachent conformément aux dispositions
de l’article 31 de la loi 31.08. L’importance de cette obligation s’est accrue
notamment avec le développement des moyens de la publicité utilisés par le
professionnel afin d’influencer la volonté du consommateur et l’induire à
contracter. Ce qui a poussé le législateur à interdire toute publicité
mensongère en vertu des dispositions de l’article 21 de la loi 31.08 en
sanctionnant les infractions qui s’y attachent d’une amende de 50000 à
250000 dirhams2

‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1 Aux termes de l’article 3 de la loi 31.08 « tout fournisseur doit mettre, par tout moyen approprié,
le consommateur en mesure de connaitre les caractéristiques essentielles du produit, du bien ou du
service ainsi que de l’origine du produit ou du bien et de la date de péremption, le cas échéant, et
lui fournir les renseignements susceptibles de lui permettre de faire un choix rationnel compte
tenu de ses besoins et de ses moyens.
A cet effet, tout fournisseur doit notamment par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou
par tout autre procédé approprié, informé le consommateur sur les prix des produits et biens et
tarifs des services, et lui fournir le mode d’emploi et le manuel d’utilisation , la durée de garantie
et ses conditions ainsi que les conditions particulière de la vente ou de la réalisation de la
prestation, le cas échéant, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle »
2 L’article 174 de la loi 31.08
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De même, l’article 91 de la même loi impose que la volonté du
consommateur soit éclairée aussi sur toutes les clauses écrites qui lui sont
proposées par le professionnel. Pour ce, il a imposé qu’elles doivent être
présentées et rédigées de façon claire et compréhensible et en l’existence
d’une clause ambiguë, l’interprétation s’effectue dans le sens favorable au
consommateur.
Ainsi, les dispositions de cet article ont été renforcées par l’article 2062de
la même loi qui exige la traduction en langue arabe de tout acte rédigé en
300 langue étrangère. En revanche, le taux élevé d’analphabétisme constitue une
entrave principale devant la réussite de cette mesure dans la protection de la
volonté du consommateur contre la clause abusive3.
Aussi, pour assurer le respect de l’obligation d’informer, l’article 173 de
ladite loi punit son irrespect d’une amende de 2000 jusqu’à 5000 dirhams.
Par ailleurs, malgré la mise en place de ces dispositions, la protection du
consommateur demeure défaillante vue la non- proportionnalité de l’amende
avec les dommages que peut subir le consommateur. De même que la loi
31.08 n’a pas prévu le droit à la réparation du dommage qui reste régi par les
dispositions de droits communs afférents à la responsabilité civile.
En effet, afin d’imposer le respect de cette obligation il s’avère nécessaire
de l’accompagner d’une peine privative de liberté, ceci à l’instar d’autres
législations telle que la législation yéménite qui a élargi le champ des
sanctions répressives ,dans ce cadre, et en cas d’irrespect de cette obligation,
a imposé en plus de l’amende, l’emprisonnement et a aggravé la peine en cas
de récidive.4
1.2-Le droit à la rétractation et la lutte contre
la clause abusive
En plus de l’obligation d’information, le législateur a renforcé la
protection de la volonté du consommateur contre les clauses abusives en
vertu du droit à la
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1- Aux termes de l’article 9 de la loi 31.08 « dans le cas des contrats dont toute ou certaines clauses
proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent être présentées et rédigées
de façon claire et compréhensible pour le consommateur. En cas de doute sur le sens d’une clause,
l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut»
2- Aux termes de l’article 206 de la loi 31.08 « tout acte rédigé dans une langue étrangère doit être
obligatoirement accompagné de sa traduction en langue arabe »
.221 ‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬، ‫ حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫غيتة دكراوي‬- 3
4 CALAIS-AULOY(J) STENMETZ (Frenk), le droit de la consommation, édition Dalloz, 2006, p :
486 et 414 et s
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rétractation1 qui permet au consommateur, après la conclusion du contrat,


de le préméditer et de l’évaluer. Il s’agit d’un mécanisme spécial par lequel
le contrat ne prend effet qu’après l’expiration de ce délai et non pas après la
formation du contrat2.
Dans ce cadre, la loi 31.08 a déterminé ce délai dans sept jours tel qu’il a
été précisé par plusieurs articles de ladite loi3 ou dans trente jours si le
fournisseur n’honore pas son engagement de confirmer par écrit les
301 informations prévues dans les articles 29 et 32.
En conséquence, par l’adoption de ce mécanisme spécial, la loi 31.08 a
porté atteinte au principe de la force obligatoire du contrat sur lequel se base
le DOC malgré l’existence de certains cas voisins dans le dit dahir.4
En outre, le législateur a insisté sur le respect de ce droit notamment pour
les contrats conclus en dehors des magasins. Ceci revient au danger que
représente la technique de distribution adoptée par le professionnel, qui tente
de séduire le consommateur en abusant de son ignorance et de sa faiblesse
pour l’induire à contracter et à donner son consentement sur un contrat
comportant des clauses abusives, tel est le cas du démarchage5 et des ventes à
distance.
De ce fait, l’article 49 de la loi 31.08 a considéré que toute clause du
contrat par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétracter est
nulle et non avenue. De même qu’il a imposé la rédaction des contrats en
langue arabe afin de permettre à tout consommateur, hormis le cas
d’analphabétisme, de contrôler toute atteinte à ce droit en vertu des clauses
du contrat.
De sa part, le juge français a considéré que la clause par laquelle le
vendeur impose au consommateur de garder la couverture du produit bien
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1- Il convient de distinguer le délai de réflexion et du délai de rétractation. Le délai de réflexion est
un délai qui permet au consommateur d’évaluer l’offre avant de donner son acceptation, alors que
le délai de rétractation est un délai de réflexion octroyé au consommateur après avoir donné son
acceptation pour préméditer le contrat qu’il a conclu et lui permet de se rétracter même si le
contrat est bien formé.
226:‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫ حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫ـ غيتة دكراوي‬
2- François CHABAS « leçons de droit civil-obligations-théorie générale »Tome 2- Op.cit.-p : 137
3- Tel qu’il a été précisé par les articles 36, 49, 85 etc.
4- Tel que le cas de la vente à option (les articles 601-612)
5-Démarchage ou vente à domicile c’est lorsque le professionnel ou son représentant se déplace au
domicile du consommateur et le surprend pour lui proposer ses produits ou ses services
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fermer lorsqu’il désiste d’acheter le produit, ne permet pas au consommateur
de le vérifier et par conséquent porte atteinte à son droit de se rétracter ce
qui nécessite la révision d’une telle clause.1
Par ailleurs malgré l’importance du droit à la rétractation, son efficience
reste défaillante vue plusieurs raisons dont les plus importantes se
concrétisent :
Tout d’abord dans la durée de ce délai qui s’avère insuffisante pour
assurer une meilleure protection pour le consommateur. À ce niveau,
302 plusieurs législations ont octroyé au consommateur le droit de se rétracter
même dans la phase de l’exécution du contrat et même dans les dernières
phases de son exécution tel est le cas du législateur français2 et de son
homologue anglais.3
Ensuite, la protection de la volonté du consommateur ne peut être assurée
qu’en imposant le respect de ce droit dans tous les contrats de
consommation ; or la loi 31.08 a limité son champ d’application à deux
catégories de contrat, à savoir les contrats conclus à distance et les contrats
conclus en dehors des magasins, en excluant plusieurs autres contrats de
consommation. De même l’article 384 de ladite loi a déterminé cinq contrats
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
‫ المجلة العربية‬،‫ بدرمنشيف "حماية المستهلك في العقد اإللكتروني" مؤلف جماعي حول حماية المستهلك ـ الطبعة األولى‬-1
-341 :‫ ـ ص‬2020 ‫ االجتماعية ـ مطبعة فارير السطات ـ‬-‫للدراسات القانونية واالقتصادية و‬
2- Le législateur français a prévu le droit de se rétracter au niveau de toutes les phases de
l’exécution du contrat de la vente à domicile. Ceci en vertu de la loi n° 72-1137 relative à la
protection des consommateurs en matière de démarchage et de la vente à domicile qui a été
modifié par la loi du 23juin1989 qui a élargi le champ d’application de cette loi à tous les lieux
non désignés pour la vente et qui a précédé le code de la consommation n°6-92 de 1993 qui a été
modifié par le décret n°301-2016 datant du 14/03/2016
3- Le législateur anglais a élargi, de sa part l’application du droit à la rétractation à toutes les phases
d’exécution du contrat ceci en vertu de la loi de 1965(the hire purchase) et la loi de 1984(the
consumer credit act) 514:‫ص‬، ،‫ـ عبد المنعم موسى ابراهيم "حماية المستهلك ـ دراسة مقارنة‬
2007، ‫منشورات الحلبي الحقوقية ـ الطبعة األولى‬
4- Aux termes de l’article 38 de la loi 31.08 « le droit de rétractation ne peut être exercé, sauf si les
parties se sont convenues autrement, pour les contrats :
1-de fourniture de services dont l’exécution a commencé, avec l’accord du consommateur, avant la
fin du délai de sept jours francs ;
2-la fourniture de produits, biens ou de services dont le prix ou le tarif est fonction de fluctuations
des taux du marché financier ;
3-de fourniture de biens confectionnés, selon les spécificités du consommateur ou nettement
personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptible de se
détériorer ou se périmer rapidement ;
4-de fourniture d’enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu’ils ont été
décelés par le consommateur ;
5-de fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines »
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ne pouvant comporter le droit à la rétractation sauf si les parties en sont
convenues autrement.
Aussi, l’inconscience des consommateurs sur leurs droits et le taux élevé
d’analphabétisme constituent des facteurs qui encouragent les professionnels
de plus en plus à manipuler les clauses des contrats en leur faveur.
2.Les mécanismes institutionnels en matière de protection
du consommateur contre la clause abusive
Afin de garantir la protection du consommateur contre la clause abusive,
303 le législateur a été conscient du rôle de certaines institutions dans ce
domaine.
2.1-La garantie judiciaire comme mécanisme de la lutte
contre la clause abusive
Pour assurer la protection du consommateur contre toute clause abusive, la
loi 31. 08 a fait du juge un protecteur par excellence des droits du
consommateur contre tout abus du professionnel. A cet égard, elle lui a doté
de divers pouvoirs pour lui permettre de jouer son rôle en la matière
.Le mécanisme de l’interprétation et la lutte contre la clause abusive
Souvent les clauses abusives se manifestent dans des clauses ambiguës par
lesquelles les professionnels œuvrent à tromper les consommateurs.
L’ambigüité de la clause peut porter sur la volonté malgré la clarté de
l’expression, comme elle peut porter à la fois sur la volonté et sur
l’expression utilisée.
Dans le premier cas, le juge est tenu de chercher la vrai volonté des
contractants et ne doit pas se cantonner des expressions utilisées. Dans ce
cadre, la cour de cassation a précisé dans un arrêt n° 308 du 20-04-1996 que
le juge de fond doit interpréter le contrat selon la volonté des contractants et
non pas selon ses expressions1.
Par ailleurs, l’ambiguïté de la clause est due aux expressions utilisées.
Dans ce cas, le juge doit l’interpréter et chercher la réelle volonté des
contractants et d’annuler toute clause abusive qui porte atteinte au
consommateur. À cet effet, la loi 31.08 lui a doté d’un large pouvoir
discrétionnaire pour apprécier le caractère abusif de la clause et lui a
déterminé un ensemble de critères en vertu de son article 16.

‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
.289 :‫ ص‬،1986 ‫ طبعة‬،87‫ـ‬85 ‫ العدد‬،‫ مجلة القضاء و القانون‬- 1
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De même qu’elle a imposé au fournisseur 1 d’apporter la preuve du
caractère non abusif et en cas de doute sur le sens d’une clause,
l’interprétation s’effectue dans le sens le plus favorable au consommateur. En
fait cette disposition s’inspire de l’article 4732du DOC qui prévoit qu’en cas
de doute, l’obligation s’interprète dans le sens le plus favorable de l’obligé.
De ce fait, la loi 31.08 a élargi le pouvoir du juge au niveau de
l’interprétation des clauses du contrat mais sans porter atteinte aux règles
d’interprétation prévues par le DOC.
304 Par ailleurs, le rôle du juge en matière de lutte contre la clause abusive
s’étend sur d’autres niveaux, notamment l’application des sanctions relatives
à la clause abusive et sa révision.
Dans ce cadre, la loi 31.08 a doté le juge d’un large pouvoir
discrétionnaire pour annuler la clause abusive. En plus, le juge peut soulever
d’office la nullité de la clause sans la demande du consommateur puisque les
dispositions relatives à la protection du consommateur contre les clauses
abusives sont d’ordre public3. En conséquence, toute clause qui ôte au juge
son pouvoir d’annuler d’office la clause abusive est considérée nulle.
Dans ce contexte, le tribunal de commerce de Casa Blanca a déclaré que
le tribunal soulève d’office l’irrespect de l’intention du législateur à protéger
le consommateur4
En plus, le juge assure la protection contre les clauses abusives par
l’application des sanctions découlant de l’engagement de la responsabilité
pénale et civile du professionnel conformément aux dispositions de droit
commun et aussi par son pouvoir de réviser la clause, s’il y a lieu, sans
recourir à son annulation.
En revanche, malgré les pouvoirs du juge dans la lutte contre la clause
abusive, sa contribution en la matière demeure restreinte vue le nombre
limités des litiges qui lui sont déférés. Ceci revient à plusieurs raisons dont
les unes reviennent au consommateur lui-même qui ne dispose pas d’une
‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1- Aux termes du dernier alinéa de l’article 18 de la loi 31.08 « (…) en cas de litige concernant un
contrat comportant une clause abusive, le fournisseur doit apporter la preuve du caractère non
abusif de la clause objet du litige »
2 - Aux termes de l’article 473 du DOC « dans le doute, l’obligation s’interprète dans le sens le plus
favorable à l’obligé »
3- Aux termes de l’article 20 de la loi 31.08 « Les dispositions du présent titre sont d’ordre public »
4- Jugement du tribunal de commerce de Casa Blanca n°10620, dossier n° 13172/6/2011
.396‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫ حدود حماية المستهلك من الشرط التعسفي‬،‫غيتة دكراوي‬
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connaissance suffisante sur ses droits et sur les moyens de se défendre, en
plus de l’insuffisance de ses moyens financiers. D’autres difficultés
s’envisagent dans les entraves liées au rôle des associations de protection du
consommateur1.
2.2-le rôle des associations de protection du consommateur
en matière de lutte contre la clause abusive
Certes, ces dernières jouissent d’un rôle important dans la défense du
consommateur mais leur contribution dans ce cadre s’avère très limitée. Ceci
305 revient au fait que seules les associations reconnues d’utilité publique
peuvent ester en justice.
De ce fait, elles peuvent former des actions en justice, intervenir dans les
actions en cours, se constituer partie civile devant le juge d’instruction pour
la défense des intérêts du consommateur et exercer tous les droits reconnus à
la partie civile relatifs aux faits et agissements qui portent préjudice à
l’intérêt collectif des consommateurs.
En plus, l’article 162 de la loi 31.08 leur a conféré le droit de demander
au juge statuant sur l’action civile ou sur l’action accessoire d’enjoindre au
défendeur ou au prévenu, de cesser les agissements illicites ou de supprimer
dans le contrat ou le contrat-type proposé ou adressé au consommateur une
clause illicite ou abusive.
Or, malgré l’importance de leur rôle dans ce cadre, plusieurs difficultés
entravent leurs actions dont les plus importantes se manifestent, tout d’abord,
dans le fait que l’article 157 a imposé la qualité d’utilité publique aux
associations de protection du consommateur. Sauf que cette qualité ne peut
être octroyée qu’en l’existence de plusieurs conditions précisées par les
textes législatifs et réglementaires en vigueur relatifs à la constitution des
associations. De même que leur but exclusif soit déterminé dans la protection
du consommateur, ainsi qu’elles doivent se constituer en une fédération
nationale de protection du consommateur2. Cependant, la complexité de la
procédure d’acquisition de la qualité d’utilité publique prive ces associations
de défendre les consommateurs en justice.
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1- Aux termes de l’article 152 de la loi 31.08 « les associations de protection du consommateur,
constituées et fonctionnant conformément à la législation et à la réglementation en vigueur
relatives au droit d’association, assurent l’information, la défense et la promotion des intérêts du
consommateur, et concourent au respect des dispositions de la présente loi »
2- L’article 155 de la loi 31.08
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En outre, l’article 157 a limité le champ des actions en justice pouvant
être exercées par ces associations dans les actions civiles ou pénales, en
excluant les actions de nature administrative ou commerciale.
Par ailleurs, les associations non reconnues d’utilité publique ne peuvent
agir en justice qu’en répondant à plusieurs conditions notamment l’obtention
d’une autorisation spéciale accordée par l’autorité gouvernementale chargée
de la justice après avis des autorités gouvernementales chargées des secteurs
d’activités concernés par la demande d’ester en justice1.
306 En plus, elles doivent avoir pour but exclusif la protection du
consommateur. De même qu’elles ne peuvent agir qu’après l’obtention d’un
accord avec un avocat ou un cabinet d’avocat pour assurer leur représentation
devant la justice2.
En fait, la principale entrave qui se pose dans ce deuxième cas est
l’insuffisance des ressources financières dont souffrent ces associations. Pour
remédier à cette difficulté, l’article 156 de la loi 31.08 a prévu l’institution
d’un fonds national pour la protection du consommateur dont le but est de
financer les activités et les projets visant la protection du consommateur, à
développer la culture consumériste et à soutenir les associations de protection
du consommateur. Malheureusement, ce fonds n’a pas encore vu le jour ni
même son décret d’application.3
En outre, l’article 158 de la loi 31.08 a conféré à la fédération nationale
de protection du consommateur et à toute association de protection du
consommateur y compris les associations non reconnue d’utilité publique
d’agir en justice lorsque plusieurs consommateurs ont subi des préjudices
individuels causés par le même fournisseur mais à condition d’être mandatée
par au moins deux de ces consommateurs et que le mandat doit être établi par
écrit par chaque consommateur. Par ces conditions, l’association ne peut pas
défendre les droits d’un seul consommateur ce qui se répercutera
négativement sur son rôle dans ce domaine et aussi sur les droits du
consommateur qui n’a ni les moyens financiers pour se défendre ni la
connaissance de ses droits pour les défendre.

‫ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ‬
1- L’article 3 du décret n°2-12-503 du 4 kaada 1434(11septembre2013) pris pour l’application de
certaines dispositions de la loi 31.08 édictant des mesures de protection du consommateur. B.O
N°6192 du 26 kaada 1434 (3octobre2013), p : 2395.
2- L’article 35 du décret précité.
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En conséquence, il convient de signaler que la contribution des
associations de protection du consommateur ne peut être efficiente sans
l’existence des moyens financiers et humains suffisants et aussi la
simplification des procédures qui leur permettent d’agir en justice pour
défendre les consommateurs.
En plus de l’institution judiciaire et des associations de protection du
consommateur, l’article 204 de la loi 31.08 a prévu l’institution d’un conseil
consultatif supérieur de la consommation sous forme d’une institution
307 indépendante chargée de proposer et de donner son avis sur les mesures
destinées à promouvoir la culture consumériste et augmenter le niveau de
protection du consommateur notamment en développant le niveau de
dialogue entre les consommateurs et les professionnels et en les incitant à
conclure des conventions collectives notamment en matière de lutte contre
les clauses abusives. Cependant, ce conseil n’a pas encore vu le jour, ce qui
se répercute négativement sur les intérêts des consommateurs1.

Conclusion :
De ce qui précède il est à conclure que malgré l’importance des
dispositions du DOC dans la réglementation des rapports contractuels, la
pratique a prouvé leur insuffisance à gérer les relations nées des contrats
déséquilibrés ce qui peut nuire au principe de la sécurité contractuelle.
En fait, le contrat de la consommation constitue l’un des contrats
imprégnés par ce déséquilibre. Il oppose deux parties dont l’une dispose
d’une puissance économique et abuse de sa position de force pour imposer
ses conditions au consommateur désarmé, ignorant de ses droits, des
informations liées à l’objet de son contrat et même des conditions qui lui sont
imposées. D’ailleurs, l’inclusion des clauses abusives dans les contrats de
consommation constitue l’une des manifestations des abus exercés sur les
consommateurs.
En effet, le rétablissement de l’équilibre contractuel dans ces contrats a
incité le législateur marocain à mettre en place des dispositions spéciales qui
prennent en considération la spécificité de la relation entre le professionnel et
le consommateur. Dans le cadre, la loi 31.08édictant des mesures de
protection du consommateur prévoit plusieurs mécanismes de protection du
consommateur contre la clause abusive en octroyant au consommateur
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plusieurs droits qui tantôt s’inspire des théories et principes adoptés par le
DOC notamment le principe de la bonne foi sur lequel se base le droit à
l’information, accompagné d’autres mesures protectrices contre les pratiques
portant atteinte au consommateur telle que la publicité mensongère
Tantôt, elle prévoit des droits portants atteinte aux principes du DOC ; Il
s’agit du droit à la rétractation qui constitue une véritable révolte contre le
principe de la force obligatoire.
De même qu’il a fait du juge un garant par excellence de la protection du
consommateur contre la clause abusive en renforçant ses pouvoirs.
308
En plus du juge, il a mis en place d’autres mécanismes qui assistent la
défense des droits du consommateur. il s’agit notamment des associations de
protection du consommateur qui leur a doté du pouvoir d’assurer
l’information, la défense et la promotion des intérêts du consommateur et en
plus, elles concourent au respect des dispositions de la loi 31.08.
Certes, cette loi constitue un cadre juridique protectionniste au
consommateur ; or la pratique a prouvé la persistance des clauses abusives
dans les contrats de consommation, ce qui prouve l’existence de plusieurs
failles dans cette loi qui entravent la réalisation du but escompté par le
législateur. Celles-ci peuvent s’envisager sur plusieurs niveaux. Tout
d’abord, il convient de constater qu’en dépit de l’existence des textes
juridiques, l’ignorance des consommateurs sur leurs droits contractuels en
plus du taux élevé d’analphabétisme les rendent stériles et les transforme en
une simple ancre sur papier.
Aussi, d’autres entraves sont dues au texte de loi qui prévoit une
protection limité au consommateur, telle que les dispositions relatives au
droit à la rétractation qui ne concernent pas tous les contrats de
consommation. Aussi, l’absence d’une répression privative de liberté retire
aux dispositions de la loi 31.08 son aspect contraignant et encourage les
professionnels à imposer des clauses abusives protégeant leurs intérêts dans
les contrats de consommation.
D’autres entraves sont liées à la limitation du rôle des associations de
protection du consommateur par la complexité des conditions de leur
intervention en la matière et aussi l’insuffisance de leurs ressources
financières.
Par conséquent, l’existence d’une véritable protection du consommateur
contre les clauses abusives est tributaire de la mise en place de mécanismes
permettant de surmonter ces entraves et de l’adapter aux exigences soulevées
par la pratique.
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Bibliographie :
⧫CALAIS-AULOY(J) STENMETZ (Frenk), le droit de la consommation, édition
Dalloz, 2006
⧫Christian LARROUMET « Droit Civil »-Tome 3- Les obligations –Le contrat- 3ème édition-
Librairie LEPOINT ECONOMICA-1996.
⧫François CHABAS « leçons de droit civil-obligations-théorie générale »Tome 2 –premier
volume-MONTCHRESTIEN-Librairie LEPOINT DELTA – 2000.
⧫Hervé JACQUEMIN « le formalisme de protection de la partie faible au rapport
contractuel-idées et perspectives- centre de la recherche informatique et droit-
dial.uclouvain.be
309 ⧫Jean CARBONNIER « Droit Civil »-Tome 4- Les Obligations-presses universitaires de
France, 20ème édition mise à jour juillet 1996
⧫Marie Annick GREGOIRE « l’impact de l’obligation de la bonne foi : étude sur ses rôles et
sanctions lors de la formation et l’élaboration du contrat »-Mémoire en vue de l’obtention
du grade de maitre en droit- Faculté de droit- Université Montréal- 2001-
papyrus.bib.Umontreal.ca
-Revue des tribunaux marocains, n°143, édition 2013

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8 2009 ⧫


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2007 ⧫


2019 16


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