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Droit pénal des affaires

Séance n° 4

Objectif : Infractions voisines de l’escroquerie : filouterie, extorsion, chantage, fraudes


aux enchères publiques, abus frauduleux de l’état d’ignorance et de faiblesse.

Consignes : Lire et relire, au besoin, à partir de la section 3 du chapitre 2 jusqu’à la


fin du chapitre, en s’aidant, s’il y a lieu, du Lexique des termes juridiques ou du
vocabulaire juridique, afin de cerner tous les contours des infractions envisagées comme
étant voisine de l’escroquerie, et la manière dont elles sont réprimées et sanctionnées.

Activités : Répondre aux questions suivantes

1) Qu’est-ce que la filouterie ?


2) Qu’est-ce que l’extorsion ?
3) Qu’est-ce que le chantage ?
4) En quoi consiste la fraude aux enchères publiques ?
5) En quoi réside l’abus frauduleux de l’état d’ignorance et de faiblesse ?
6) En quoi réside l’intention coupable de la filouterie ? du chantage ? de l’extorsion ?

SECTION 3- LES INFRACTIONS VOISINES DE L’ESCROQUERIE

Selon le nouveau Code pénal togolais, les infractions voisines de l’escroquerie


sont les tromperies, la publicité mensongère, les filouteries, l’extorsion et le
chantage. À cette liste, il convient d’ajouter la fraude aux enchères publiques, la
mise à disposition frauduleuse d’un bien immobilier appartenant à autrui, ainsi
que l’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Seules quelques-unes de ces
infractions seront examinées ici.

§.1- Les filouteries

La première infraction de filouterie date de 1873 et visait les aliments : elle


réprimait l’individu qui se faisait servir un repas dans un restaurant en sachant
qu’il ne pourrait pas payer l’addition. Les autres infractions de droit commun
étaient inapplicables en raison du principe de légalité criminelle et de
l’interprétation stricte des dispositions pénales : le vol ne pouvait être retenu

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puisqu’il n’y avait pas soustraction frauduleuse ; l’abus de confiance devait être
écarté en raison de la liste limitative des contrats énumérés par le Code pénal ;
l’escroquerie devait être également exclue en l’absence de manœuvres
frauduleuses.

Actuellement, l’article 313-5, C. pén. fr. incrimine plus généralement « le fait par
une personne qui sait être dans l’impossibilité de payer ou qui est déterminée à ne pas
payer de se faire attribuer un bien ou un service ». Beaucoup plus expressif, l’article
461, C. pén. tg., dresse une liste non exhaustive, et considère comme étant
constitutif de filouterie « notamment le fait par une personne qui sait être dans
l’impossibilité absolue de payer ou qui est déterminée à ne pas payer de se faire servir
et de consommer des boissons ou des aliments dans un établissement servant à titre
onéreux des boissons ou des aliments ; de se faire attribuer et d’occuper effectivement
une ou plusieurs chambres dans un établissement louant des chambres ; de se faire
servir des carburants ou lubrifiants dont elle se fait remplir tout ou partie des réservoirs
d’un véhicule par des professionnels de la distribution ; de se faire transporter en taxi
ou de louer une voiture ; de se faire servir une communication téléphonique ou une
connexion internet ».
Le délit de filouteries ne concerne donc pas seulement les aliments ou les
boissons ; il peut également s’agir de filouterie hôtelière, mais l’article 313-5, 2°,
C. pén. fr., exige alors que l’occupation n’excède pas dix jours. Au-delà de ce
délai, l’infraction n’est plus constituée, même si l’hôtelier a présenté sa note dans
les dix jours. Le législateur a considéré que passé ce délai, l’hôtelier faisait preuve
d’une négligence blâmable en n’exigeant pas d’être payé.
La filouterie peut concerner un transport en taxi ou en voiture de louage, mais
aussi le carburant ou le lubrifiant si, toutefois, la personne fait remplir tout ou
partie du réservoir d’un véhicule par des professionnels de la distribution.
L’infraction n’est pas réalisée, lorsque la personne se sert elle-même en
carburant dans une station en libre-service et qu’elle part sans payer.
Les filouteries sont des infractions intentionnelles supposant que leur auteur ait
voulu se faire délivrer un bien ou un service précédemment décrit en sachant
qu’il ne paierait pas, parce que qu’il ne le veut pas ou ne le peut pas.
L’article 313-5 punit la filouterie de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros
d’amende. En droit togolais, l’article 462, nouv. C. pén., prévoit une peine
d’emprisonnement d’un à six mois et/ou une amende de 100.000 à 500.000
francs.

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§.2- L’extorsion
L’article 463, C. pén. tg., définit l’extorsion comme étant « le fait d’obtenir par
violence, menace de violence, physique ou morale, ou contrainte une signature ou la
remise d’un écrit, d’un acte ou pièce quelconque contenant obligation, disposition ou
décharge ; un engagement ou une renonciation ; la révélation ou la non-révélation d’un
secret ; la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque ; ou tout avantage
indu ».
Matériellement, l’extorsion se manifeste par un acte de pression psychologique
sur la personne d’autrui qui peut être physique ou morale. C’est cette pression
qui permet de distinguer l’extorsion de l’escroquerie et de l’abus de confiance,
car dans ces deux derniers délits, la remise est volontaire, ce qui n’est pas le cas
dans l’extorsion où la remise se fait sans le consentement de la victime, ce qui la
rapproche du vol, sans pour autant s’y confondre, puisque la remise est faite par
la victime elle-même à l’agent.
A- Les éléments constitutifs de l’extorsion
De la définition légale, il résulte que l’extorsion suppose la réunion de trois
éléments constitutifs.
1. L’emploi d’un moyen
La loi vise la violence, menace de violence ou contrainte. Il est impératif que la
remise ait été obtenue par l’un de ces moyens. La difficulté a porté sur la notion
de contrainte, notamment pour identifier le seuil à partir duquel une pression
psychologique peut être qualifiée de contrainte au sens du délit d’extorsion.
En l’absence de critère sûr, la jurisprudence procède au cas par cas. L’extorsion
a ainsi été retenue à la charge d’un pharmacien qui au cours de sa période de
garde exigeait un supplément de prix de 100F à ses clients pour leur délivrer les
médicaments dont ils avaient besoin1.
De façon générale, la pression s’apprécie in concreto, c’est-à-dire en fonction de
l’âge et de la condition physique et intellectuelle de la personne sur laquelle elle
s’exerce2.
Dans le cas où l’extorsion se réalise par le moyen d’une violence, il peut s’avérer
délicat de la distinguer de l’infraction de vol avec violence. Le critère de
distinction retenu est donc que, contrairement au vol, l’extorsion suppose que
la victime se dessaisisse elle-même des biens qui lui sont extorqués.

1
Paris, 27 sept. 1991, D. 1991, 635
2
Crim. 29 janv. 1949, Bull. crim., n° 23 ; 3 oct. 1991, Dr. pén., 1992, comm. 64.

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Par exemple, lors d’une agression, si l’agresseur prend une chose appartenant à
la victime, on parlera de vol ; mais si la chose lui est remise par la victime, il y a
extorsion. Le critère paraît assez faible, mais il se révèle parfois très utile. C’est
ainsi qu’on parlera d’extorsion, s’agissant des rackets opérés notamment par la
police routière.
2. Le but poursuivi
Pour qu’il y ait extorsion, il faut donc que le résultat, c’est-à-dire la remise du
bien convoité, soit atteint. Cette remise est l’élément constitutif du délit.
Le moyen de pression tend à l’obtention de la victime de l’une des nombreuses
prestations indiquées à l’article 463, C. pén. Le préjudice peut être non
seulement pécuniaire, mais aussi moral. L’extorsion peut avoir pour objet une
reconnaissance de dette, une promesse de vente, une résiliation de bail, un reçu.
De plus, l’engagement peut être aussi bien verbal qu’écrit. On notera encore qu’il
y a extorsion même si la signature est obtenue d’une personne morale, victime
de l’infraction1. Et, conformément à une tradition pénale autonomiste, il importe
peu que le titre soit nul.
S’agissant de la révélation ou la non-révélation de secret, une interprétation large
s’impose, à défaut d’une précision législative. Concrètement, il peut s’agir d’un
secret médical ou professionnel, voire d’un secret de fabrication ou sur les
négociations d’une affaire.

3. L’intention coupable
L’extorsion est une infraction intentionnelle. L’intention ici c’est « la conscience
d’obtenir par la force, la violence ou la contrainte, ce qui n’aurait pas pu être obtenu
par un accord librement consenti »2. L’auteur doit donc avoir conscience d’avoir
exercé une pression sur autrui et doit l’avoir fait pour extorquer quelque chose
à la victime.
B- La répression de l’extorsion
Aux termes de l’article 464, C. pén., toute personne coupable d’extorsion est
punie d’une peine d’emprisonnement d'un (01) à cinq (05) ans et d’une amende
d'un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA. L’article 465
prévoit un certain nombre de circonstances aggravantes. C’est ainsi que la peine
est portée de cinq (05) à dix (10) ans de réclusion criminelle, notamment si, pour
exercer la pression, le coupable abuse des renseignements ou de la situation que
lui fournit sa profession ou sa fonction ; s’il exerce son activité délictueuse au
1
TGI Paris, 16 déc. 1986, Gaz. Pal. 1987, 2, 537
2
Crim. 9 janv. 1991, Bull. crim., n° 17

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détriment d'une personne particulièrement vulnérable, en raison notamment de


sa minorité, son âge avancé, un état de grossesse, une maladie, une infirmité ou
d'une déficience physique ou psychique ; ou encore, si le coupable conduit sa
victime, par ces procédés ou leur répétition à la ruine et/ou au suicide.

§.3- L’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse


« Constitue un abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse », dispose l’article
194, C. pén. tg., « le fait pour une personne, d’exercer des pressions graves ou réitérées
sur autrui ou d’user de techniques propres à altérer son jugement en vue de le conduire
à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».
Matériellement, l’auteur de l’infraction doit avoir abusé de l’état d’ignorance ou
de faiblesse de la victime pour en tirer profit. La tromperie peut donc
caractériser un tel abus, mais pas seulement : la victime peut être parfaitement
consciente que son acte, ou son abstention, lui est gravement préjudiciable mais
céder quand même à l’auteur de l’infraction par crainte.
Selon la jurisprudence française, si l’acte de la victime doit être de nature à lui
causer un grave préjudice, il n’est pas nécessaire que cet acte soit valable ni que
le dommage se soit réalisé (Crim. 12 janvier 2000, Bull. crim., n° 15) ; ce qui
revient à considérer qu’il s’agit d’une infraction formelle.
L’infraction d’abus frauduleux de l’état d’ignorance et de faiblesse est
intentionnelle. L’intention réside dans la volonté et la conscience de profiter de
cette situation de faiblesse ou de dépendance (dol général) pour obtenir de la
victime un acte ou une abstention qui lui est gravement préjudiciable (dol
spécial).
Les peines encourues sont de six mois à deux ans d’emprisonnement et d’une
amende de cinq cent mille (500.000) à deux millions (2.000.000) de francs CFA
ou de l’une de ces deux peines, mais elles sont portées de trois à cinq ans et
d’une amende de trois millions (3.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs
CFA, si l'infraction prévue à l'article précédent est commise par le dirigeant de
fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou
pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou
physique des personnes qui participent à ces activités, ce qui vise clairement les
groupements sectaires.
Les mêmes peines sont applicables lorsque la victime est soit une personne en
état de sujétion psychologique ou physique, soit une personne dont la
particulière vulnérabilité, due notamment à sa minorité, son âge avancé, un état

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de grossesse, une maladie, une infirmité ou une déficience physique ou psychique,


est apparente ou connue de son auteur (art. 195 et 196, C. pén. tg.).

L’article 197, al. 1, prévoit un certain nombre de peines complémentaires :


interdiction des droits civiques, civils et de famille ; interdiction d’exercer une
fonction publique ou l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à
l’occasion de laquelle l’infraction a été commise pour une durée de cinq ans au
plus, etc.
S’agissant des personnes morales, leur responsabilité pénale est expressément
prévue par l’alinéa 2 du même texte et, selon l’alinéa 3 du texte, la juridiction
saisie peut en outre, si elle l’estime nécessaire interdire l'activité dans l'exercice
ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

§.4- Les fraudes aux enchères publiques


Cette forme de délinquance n’est pas connue du droit togolais. En droit français,
l’article 313-6 du Code pénal incrimine plusieurs comportements et protège la
liberté des enchères, ainsi que l’intérêt du débiteur et de ses créanciers en
permettant que les biens saisis soient vendus à leur juste valeur. Le texte vise
plusieurs comportements :
1°) le fait, dans une adjudication publique, par dons, promesses, ententes ou tout
autre moyen frauduleux, d’écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères ou
les soumissions, ainsi que le fait d’accepter de tels dons ou promesses ;
2°) le fait, dans une adjudication publique, d’entraver ou de troubler la liberté
des enchères ou des soumissions par violences, voies de fait ou menaces ;
3°) le fait de procéder ou de participer, après une adjudication publique, à une
remise aux enchères sans le concours de l’officier ministériel compétent ou
d’une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques agréée.
La jurisprudence admet de longue date que toutes les adjudications, volontaires
ou forcées, sont concernées (Crim. 29 décembre 1893, Bull. crim., n° 376), de
même que l’exercice du droit de surenchère après l’adjudication d’un immeuble
(Crim. 18 mars 1848, Bull. crim., n° 72).
Le délit d’entrave à la liberté des enchères peut consister en une entente
résultant d’une convention par laquelle un surenchérisseur s’engage à porter les
enchères à un niveau plus élevé en contrepartie de la renonciation par le
bénéficiaire d’un bail commercial de toute indemnité d’éviction. Cette situation
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interdit à l’enchérisseur initial d’être déclaré adjudicateur, sauf à payer un prix


excessif compte tenu de la nécessité dans laquelle il se trouve d’ajouter au prix
d’adjudication le montant de l’indemnité d’éviction (Crim. 18 octobre 1982, Bull.
crim., n° 220).
L’infraction est intentionnelle, puisque l’article 313-6 exige un « moyen
frauduleux ». Le but poursuivi par l’auteur de l’infraction, caractéristique d’un
dol spécial, devant être soit d’écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères
ou soumissions, soit d’entraver ou de troubler la liberté des enchères ou
soumissions, soit de procéder ou de faire procéder à une remise aux enchères,
après adjudication publique, sans le concours de la personne compétente.
Les peines prévues sont de six mois d’emprisonnement et de 22 500 euros
d’amende. Les peines complémentaires de l’article 313-7 et 313-8 du Code pénal,
identiques à celles de l’escroquerie, sont applicables à ces fraudes aux enchères
publiques, dont la tentative est punissable en vertu de l’article 313-6, dernier
alinéa.

§.5- Le chantage
Selon l’article 466, C. pén. tg., « le chantage est le fait d’obtenir en menaçant de
révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la
considération une signature ou la remise d’un écrit, d’un acte ou pièce quelconque
contenant obligation, disposition ou décharge ; un engagement ou une renonciation ; la
révélation ou la non-révélation d’un secret ; la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien
quelconque ; ou tout avantage indu ».
Comme dans l’extorsion, la remise est contrainte et a lieu de façon consciente
en sorte que le chantage permet d’atteindre des comportements non couverts
par le vol ou l’escroquerie. Cependant, il y a une différence entre extorsion et
chantage, malgré l’identité du but poursuivi et cette différence tient au moyen
utilisé : alors que dans l’extorsion, la pression exercée par l’agent consiste en
une violence ou menace de violence, dans le chantage, elle consiste dans une
menace de révéler certains faits. Au-delà, on retrouve encore, à côté du moyen,
un but et une intention coupable.

A- Les éléments constitutifs du chantage


De l’article 466, il ressort que la réalisation de l’infraction de chantage nécessite
la réunion de trois éléments : l’emploi d’un moyen, la poursuite d’un résultat et
l’intention coupable.

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1. L’emploi d’un moyen


Le moyen du chantage consiste à menacer de révéler ou d’imputer des faits
portant atteinte à l’honneur ou à la considération. Dès lors, le moyen, premier
élément constitutif du délit, se subdivise lui-même en trois sous-éléments.
a) Une menace
Trois caractères principaux ont été dégagés par la jurisprudence. D’abord, la
menace peut être écrite ou verbale. Mais, dans les deux cas, le message est
souvent anonyme, ce qui rend difficile la détermination du maître chanteur.
La menace peut, ensuite, être adressée à la victime ou à un tiers. Cette seconde
situation, plus rare, s’est trouvée réalisée dans le cas d’un individu qui, par écrit,
avait menacé une mère, si elle ne remettait pas une somme d’argent, de révéler
un crime de faux commis par son fils1.
Enfin, comme le chantage consiste dans la menace d’une révélation, il n’y a pas
menace si l’agent a déjà révélé les imputations diffamatoires et exige de l’argent
pour retirer une plainte qu’il a déjà déposée2. La menace doit, ainsi, être
antérieure à la révélation.
b) Une révélation ou une imputation
La révélation (ou l’imputation) porte, en principe, sur des faits encore inconnus,
les faits déjà connus excluant le délit de chantage. Cependant, le délit existe
lorsque les faits sont un peu connus ou, lorsque tombés dans l’oubli, la révélation
les ravive à la mémoire3. La jurisprudence raisonne comme en matière de secret
professionnel, où la révélation peut consister à confirmer un fait encore peu
connu ou redouté, en transformant « en fait avéré et certain ce qui n’était jusqu’alors
qu’une rumeur sujette à controverse »4.
En outre, la révélation doit porter sur des faits assez précis, de nature à
caractériser la malice de l’agent. Mais, on sait qu’en fait, les maîtres chanteurs
procèdent souvent par insinuation, voulant ne pas trop se démasquer pour
parvenir à leurs fins, sans pour autant risquer des poursuites pour chantage.
Aussi, les juges considèrent-ils qu’il y a encore chantage même si le coupable
procède par allusion, à condition bien sûr qu’il n’y ait pas de doute chez la victime.
Cependant, la Cour de cassation exercer son contrôle sur la qualification opérée
par les juges du fond. Elle juge ainsi que l’existence des menaces est une condition

1
Crim. 25 avr. 1896, D. 1898, 1, 92
2
Crim. 12 mars 1964, Bull. crim., n° 91 ; 22 avr. 1975, Bull. crim., n° 101, JCP 1976, II, 18417, note D. Mayer
3
Crim. 21 juill. 1993, S. 1935, 1, 36 ; 8 févr. 1994, Dr. pén., 1994, comm. 135
4
Crim. 25 janv. 1968, D. 153, note Costa

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essentielle de l’infraction et elle doit être formellement constatée par les juges
du fond1.
c) Un fait de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération
En droit français, l’ancien 400 du Code pénal parlait de « révélations ou
d’imputations diffamatoires », termes que la jurisprudence avait rapproché de
l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, relatif à la diffamation, qui visait « toute
allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération
de la personne ». La jurisprudence en déduisait que « le chantage consistait à
menacer quelqu’un de faire connaître à des tiers… des faits portant atteinte à l’honneur
ou à la considération de la personne menacée »2.
En somme, les imputations doivent, soit attaquer la probité de la victime
(honneur), soit troubler la position sociale de la victime (considération). Et il
importe peu que le fait imputé soit exact ou non3.
Les exemples sont très nombreux. On peut citer la menace de dénoncer des
irrégularités de nature à fonder des poursuites disciplinaires4, la menace
d’impliquer une personne dans un procès de mœurs, de vol et d’assassinat5, etc.
En revanche, si une personne, notamment une personne connue, reçoit une
lettre ou des appels téléphoniques l’informant qu’à défaut de remise de telle
somme d’argent à telle personne, des violences seront exercées sur elle, il n’y a
pas chantage dans ce cas. En effet, il manque ici l’élément qui menace de révéler
un fait diffamatoire. Mais, il peut y avoir, selon les circonstances, tentative
d’extorsion de fonds ou menaces de violences.
2. Le but poursuivi
Ce but est l’obtention d’une signature, d’un engagement ou d’une renonciation,
la révélation ou la non-révélation d’un secret, ou encore la remise de fonds, de
valeurs et d’un bien quelconque. Il importe peu, décide la jurisprudence française,
que le montant des fonds n’ait pas été précisé6. Et il n’est pas nécessaire que la
chose extorquée appartienne à la personne menacée7.
Cependant, le domaine du chantage est, et a toujours été, limité au domaine
patrimonial, soit directement, soit indirectement (en matière de révélation d’un
secret). En conséquence, l’agent qui voudrait seulement satisfaire un désir de

1
Crim. 12 mars 1964, Bull. crim., n° 91 ; 22 avr. 1975, Bull. crim., n° 101
2
Paris, 24 mars 1953, Gaz. Pal. 1953, 2, 14.
3
Crim. 19 juill. 1985, D. 1985, 1, 567.
4
Crim. 4 juill. 1874, D. 1875, 1, 288
5
Crim. 4 déc. 1900, Bull. crim., n° 362 ; D. 1901, 1, 512
6
Crim. 17 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, 1, Somm. 21 ; Rev. Sc. Crim. 1994, 564, obs. P. Bouzat.
7
Crim. 3 déc. 1896, D. 1898, 1, 149

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vengeance échapperait à une condamnation pour chantage, mais pourrait, en


revanche, être poursuivi pour menaces.
3. L’intention coupable
L’intention est la volonté ou la conscience d’utiliser des menaces illégitimes pour
obtenir une remise indue. Cela dit, il se pose une question, assez complexe : celle
du chantage à la plainte ou menace de révéler à la justice un fait, par exemple
une infraction, en cas de non-versement d’une indemnité. Dans le principe, la
victime peut parfaitement exiger le versement d’une somme d’argent contre
renonciation à sa plainte. Ainsi, le veut la logique de la transaction qui est
d’application courante, et que réaffirme le nouveau Code pénal togolais en ces
articles 58 et suivants, qu’il qualifie « d’alternatives aux poursuites pénales ». Et
la jurisprudence ne manque pas de rappeler que la menace de recourir aux voies
légales pour obtenir le paiement d’une dette ne constitue pas un chantage1.
Mais, il ne s’agit là que d’un principe, car il peut intervenir la notion d’abus de
droit de la part de celui qui use de menace, en profitant de la situation. Il en est
ainsi dans deux cas. Le premier est relatif au créancier qui, pour recouvrer sa
créance, menace le débiteur de révéler les dessous de l’affaire, c’est-à-dire des
circonstances étrangères à la créance. Tel est le cas de l’individu qui, désireux
d’obtenir une transaction, menace de dénoncer une infraction fiscale, « laquelle,
par sa nature même, est étrangère à un litige entre particuliers »2. Le second cas est
celui dans lequel le créancier réclame davantage que ce à quoi il a droit. Cette
question se pose, par exemple, dans les magasins de vente en « libre-service » et
les juges s’attachent aux circonstances particulières pour retenir ou exclure le
chantage.
C’est ainsi que l’exploitant d’un grand magasin, qui certes demandait aux clients
voleurs le versement immédiat d’une somme hors de proportion avec la valeur
des objets volés, a été sauvé par le fait qu’il y avait dans son établissement un
grand nombre de larcins, qu’il avait dû organiser une surveillance spéciale et qu’il
éprouvait un trouble commercial3. Dans une autre affaire, un gérant de magasin
a également obtenu la relaxe, alors qu’il demandait des sommes allant jusqu’à
cinq fois la valeur des objets volés, les juges indiquant que demander une somme
égale à la valeur des objets volés donnerait à certains la tentation de voler dans
l’espoir de n’être pas découverts4. A été, en revanche, condamné, le directeur
qui réclamait 200 000 F pour 1 350 F de marchandises volés5.

1
Crim. 12 mars 1985 précité ; 13 mars 1990 précité.
2
Crim. 13 mars 1990 précité ; 5 mars 1975, Bull. crim., n° 72.
3
Crim. 20 févr. 1963, D. 1963, Somm. 103.
4
Poitiers, 7 févr. 1974, D. 1974, 693
5
Crim. 27 janv. 1960, D. 1960, 247.

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B- La répression du chantage
La répression du chantage est, normalement, moins lourde que celle de
l’extorsion. Les sanctions, d’après l’article 467, C. pén., sont une peine
d’emprisonnement d'un (01) à trois (03) an(s) et une amende de cinq cent mille
(500.000) à trois millions (3.000.000) de francs CFA ou l’une de ces deux peines.
Mais, des circonstances aggravantes existent, et il s’agit des mêmes circonstances
prévues au titre de l’infraction d’extorsion, à savoir la mise à exécution de la
menace, ou encore, le fait pour le coupable de conduire sa victime, par ces
procédés ou leur répétition à la ruine et/ou au suicide, etc. Dans ce cas, la peine
est portée d'un (01) à cinq (05) ans d'emprisonnement, et peut aller jusqu’à cinq
(05) à dix (10) ans de réclusion criminelle en cas de chantage assorti de violences
physiques ou morales, selon l’article 468, al. 1 et 2.

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