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Séance n° 4
puisqu’il n’y avait pas soustraction frauduleuse ; l’abus de confiance devait être
écarté en raison de la liste limitative des contrats énumérés par le Code pénal ;
l’escroquerie devait être également exclue en l’absence de manœuvres
frauduleuses.
Actuellement, l’article 313-5, C. pén. fr. incrimine plus généralement « le fait par
une personne qui sait être dans l’impossibilité de payer ou qui est déterminée à ne pas
payer de se faire attribuer un bien ou un service ». Beaucoup plus expressif, l’article
461, C. pén. tg., dresse une liste non exhaustive, et considère comme étant
constitutif de filouterie « notamment le fait par une personne qui sait être dans
l’impossibilité absolue de payer ou qui est déterminée à ne pas payer de se faire servir
et de consommer des boissons ou des aliments dans un établissement servant à titre
onéreux des boissons ou des aliments ; de se faire attribuer et d’occuper effectivement
une ou plusieurs chambres dans un établissement louant des chambres ; de se faire
servir des carburants ou lubrifiants dont elle se fait remplir tout ou partie des réservoirs
d’un véhicule par des professionnels de la distribution ; de se faire transporter en taxi
ou de louer une voiture ; de se faire servir une communication téléphonique ou une
connexion internet ».
Le délit de filouteries ne concerne donc pas seulement les aliments ou les
boissons ; il peut également s’agir de filouterie hôtelière, mais l’article 313-5, 2°,
C. pén. fr., exige alors que l’occupation n’excède pas dix jours. Au-delà de ce
délai, l’infraction n’est plus constituée, même si l’hôtelier a présenté sa note dans
les dix jours. Le législateur a considéré que passé ce délai, l’hôtelier faisait preuve
d’une négligence blâmable en n’exigeant pas d’être payé.
La filouterie peut concerner un transport en taxi ou en voiture de louage, mais
aussi le carburant ou le lubrifiant si, toutefois, la personne fait remplir tout ou
partie du réservoir d’un véhicule par des professionnels de la distribution.
L’infraction n’est pas réalisée, lorsque la personne se sert elle-même en
carburant dans une station en libre-service et qu’elle part sans payer.
Les filouteries sont des infractions intentionnelles supposant que leur auteur ait
voulu se faire délivrer un bien ou un service précédemment décrit en sachant
qu’il ne paierait pas, parce que qu’il ne le veut pas ou ne le peut pas.
L’article 313-5 punit la filouterie de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros
d’amende. En droit togolais, l’article 462, nouv. C. pén., prévoit une peine
d’emprisonnement d’un à six mois et/ou une amende de 100.000 à 500.000
francs.
§.2- L’extorsion
L’article 463, C. pén. tg., définit l’extorsion comme étant « le fait d’obtenir par
violence, menace de violence, physique ou morale, ou contrainte une signature ou la
remise d’un écrit, d’un acte ou pièce quelconque contenant obligation, disposition ou
décharge ; un engagement ou une renonciation ; la révélation ou la non-révélation d’un
secret ; la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque ; ou tout avantage
indu ».
Matériellement, l’extorsion se manifeste par un acte de pression psychologique
sur la personne d’autrui qui peut être physique ou morale. C’est cette pression
qui permet de distinguer l’extorsion de l’escroquerie et de l’abus de confiance,
car dans ces deux derniers délits, la remise est volontaire, ce qui n’est pas le cas
dans l’extorsion où la remise se fait sans le consentement de la victime, ce qui la
rapproche du vol, sans pour autant s’y confondre, puisque la remise est faite par
la victime elle-même à l’agent.
A- Les éléments constitutifs de l’extorsion
De la définition légale, il résulte que l’extorsion suppose la réunion de trois
éléments constitutifs.
1. L’emploi d’un moyen
La loi vise la violence, menace de violence ou contrainte. Il est impératif que la
remise ait été obtenue par l’un de ces moyens. La difficulté a porté sur la notion
de contrainte, notamment pour identifier le seuil à partir duquel une pression
psychologique peut être qualifiée de contrainte au sens du délit d’extorsion.
En l’absence de critère sûr, la jurisprudence procède au cas par cas. L’extorsion
a ainsi été retenue à la charge d’un pharmacien qui au cours de sa période de
garde exigeait un supplément de prix de 100F à ses clients pour leur délivrer les
médicaments dont ils avaient besoin1.
De façon générale, la pression s’apprécie in concreto, c’est-à-dire en fonction de
l’âge et de la condition physique et intellectuelle de la personne sur laquelle elle
s’exerce2.
Dans le cas où l’extorsion se réalise par le moyen d’une violence, il peut s’avérer
délicat de la distinguer de l’infraction de vol avec violence. Le critère de
distinction retenu est donc que, contrairement au vol, l’extorsion suppose que
la victime se dessaisisse elle-même des biens qui lui sont extorqués.
1
Paris, 27 sept. 1991, D. 1991, 635
2
Crim. 29 janv. 1949, Bull. crim., n° 23 ; 3 oct. 1991, Dr. pén., 1992, comm. 64.
Par exemple, lors d’une agression, si l’agresseur prend une chose appartenant à
la victime, on parlera de vol ; mais si la chose lui est remise par la victime, il y a
extorsion. Le critère paraît assez faible, mais il se révèle parfois très utile. C’est
ainsi qu’on parlera d’extorsion, s’agissant des rackets opérés notamment par la
police routière.
2. Le but poursuivi
Pour qu’il y ait extorsion, il faut donc que le résultat, c’est-à-dire la remise du
bien convoité, soit atteint. Cette remise est l’élément constitutif du délit.
Le moyen de pression tend à l’obtention de la victime de l’une des nombreuses
prestations indiquées à l’article 463, C. pén. Le préjudice peut être non
seulement pécuniaire, mais aussi moral. L’extorsion peut avoir pour objet une
reconnaissance de dette, une promesse de vente, une résiliation de bail, un reçu.
De plus, l’engagement peut être aussi bien verbal qu’écrit. On notera encore qu’il
y a extorsion même si la signature est obtenue d’une personne morale, victime
de l’infraction1. Et, conformément à une tradition pénale autonomiste, il importe
peu que le titre soit nul.
S’agissant de la révélation ou la non-révélation de secret, une interprétation large
s’impose, à défaut d’une précision législative. Concrètement, il peut s’agir d’un
secret médical ou professionnel, voire d’un secret de fabrication ou sur les
négociations d’une affaire.
3. L’intention coupable
L’extorsion est une infraction intentionnelle. L’intention ici c’est « la conscience
d’obtenir par la force, la violence ou la contrainte, ce qui n’aurait pas pu être obtenu
par un accord librement consenti »2. L’auteur doit donc avoir conscience d’avoir
exercé une pression sur autrui et doit l’avoir fait pour extorquer quelque chose
à la victime.
B- La répression de l’extorsion
Aux termes de l’article 464, C. pén., toute personne coupable d’extorsion est
punie d’une peine d’emprisonnement d'un (01) à cinq (05) ans et d’une amende
d'un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA. L’article 465
prévoit un certain nombre de circonstances aggravantes. C’est ainsi que la peine
est portée de cinq (05) à dix (10) ans de réclusion criminelle, notamment si, pour
exercer la pression, le coupable abuse des renseignements ou de la situation que
lui fournit sa profession ou sa fonction ; s’il exerce son activité délictueuse au
1
TGI Paris, 16 déc. 1986, Gaz. Pal. 1987, 2, 537
2
Crim. 9 janv. 1991, Bull. crim., n° 17
§.5- Le chantage
Selon l’article 466, C. pén. tg., « le chantage est le fait d’obtenir en menaçant de
révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la
considération une signature ou la remise d’un écrit, d’un acte ou pièce quelconque
contenant obligation, disposition ou décharge ; un engagement ou une renonciation ; la
révélation ou la non-révélation d’un secret ; la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien
quelconque ; ou tout avantage indu ».
Comme dans l’extorsion, la remise est contrainte et a lieu de façon consciente
en sorte que le chantage permet d’atteindre des comportements non couverts
par le vol ou l’escroquerie. Cependant, il y a une différence entre extorsion et
chantage, malgré l’identité du but poursuivi et cette différence tient au moyen
utilisé : alors que dans l’extorsion, la pression exercée par l’agent consiste en
une violence ou menace de violence, dans le chantage, elle consiste dans une
menace de révéler certains faits. Au-delà, on retrouve encore, à côté du moyen,
un but et une intention coupable.
1
Crim. 25 avr. 1896, D. 1898, 1, 92
2
Crim. 12 mars 1964, Bull. crim., n° 91 ; 22 avr. 1975, Bull. crim., n° 101, JCP 1976, II, 18417, note D. Mayer
3
Crim. 21 juill. 1993, S. 1935, 1, 36 ; 8 févr. 1994, Dr. pén., 1994, comm. 135
4
Crim. 25 janv. 1968, D. 153, note Costa
essentielle de l’infraction et elle doit être formellement constatée par les juges
du fond1.
c) Un fait de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération
En droit français, l’ancien 400 du Code pénal parlait de « révélations ou
d’imputations diffamatoires », termes que la jurisprudence avait rapproché de
l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, relatif à la diffamation, qui visait « toute
allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération
de la personne ». La jurisprudence en déduisait que « le chantage consistait à
menacer quelqu’un de faire connaître à des tiers… des faits portant atteinte à l’honneur
ou à la considération de la personne menacée »2.
En somme, les imputations doivent, soit attaquer la probité de la victime
(honneur), soit troubler la position sociale de la victime (considération). Et il
importe peu que le fait imputé soit exact ou non3.
Les exemples sont très nombreux. On peut citer la menace de dénoncer des
irrégularités de nature à fonder des poursuites disciplinaires4, la menace
d’impliquer une personne dans un procès de mœurs, de vol et d’assassinat5, etc.
En revanche, si une personne, notamment une personne connue, reçoit une
lettre ou des appels téléphoniques l’informant qu’à défaut de remise de telle
somme d’argent à telle personne, des violences seront exercées sur elle, il n’y a
pas chantage dans ce cas. En effet, il manque ici l’élément qui menace de révéler
un fait diffamatoire. Mais, il peut y avoir, selon les circonstances, tentative
d’extorsion de fonds ou menaces de violences.
2. Le but poursuivi
Ce but est l’obtention d’une signature, d’un engagement ou d’une renonciation,
la révélation ou la non-révélation d’un secret, ou encore la remise de fonds, de
valeurs et d’un bien quelconque. Il importe peu, décide la jurisprudence française,
que le montant des fonds n’ait pas été précisé6. Et il n’est pas nécessaire que la
chose extorquée appartienne à la personne menacée7.
Cependant, le domaine du chantage est, et a toujours été, limité au domaine
patrimonial, soit directement, soit indirectement (en matière de révélation d’un
secret). En conséquence, l’agent qui voudrait seulement satisfaire un désir de
1
Crim. 12 mars 1964, Bull. crim., n° 91 ; 22 avr. 1975, Bull. crim., n° 101
2
Paris, 24 mars 1953, Gaz. Pal. 1953, 2, 14.
3
Crim. 19 juill. 1985, D. 1985, 1, 567.
4
Crim. 4 juill. 1874, D. 1875, 1, 288
5
Crim. 4 déc. 1900, Bull. crim., n° 362 ; D. 1901, 1, 512
6
Crim. 17 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, 1, Somm. 21 ; Rev. Sc. Crim. 1994, 564, obs. P. Bouzat.
7
Crim. 3 déc. 1896, D. 1898, 1, 149
1
Crim. 12 mars 1985 précité ; 13 mars 1990 précité.
2
Crim. 13 mars 1990 précité ; 5 mars 1975, Bull. crim., n° 72.
3
Crim. 20 févr. 1963, D. 1963, Somm. 103.
4
Poitiers, 7 févr. 1974, D. 1974, 693
5
Crim. 27 janv. 1960, D. 1960, 247.
B- La répression du chantage
La répression du chantage est, normalement, moins lourde que celle de
l’extorsion. Les sanctions, d’après l’article 467, C. pén., sont une peine
d’emprisonnement d'un (01) à trois (03) an(s) et une amende de cinq cent mille
(500.000) à trois millions (3.000.000) de francs CFA ou l’une de ces deux peines.
Mais, des circonstances aggravantes existent, et il s’agit des mêmes circonstances
prévues au titre de l’infraction d’extorsion, à savoir la mise à exécution de la
menace, ou encore, le fait pour le coupable de conduire sa victime, par ces
procédés ou leur répétition à la ruine et/ou au suicide, etc. Dans ce cas, la peine
est portée d'un (01) à cinq (05) ans d'emprisonnement, et peut aller jusqu’à cinq
(05) à dix (10) ans de réclusion criminelle en cas de chantage assorti de violences
physiques ou morales, selon l’article 468, al. 1 et 2.