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NPA

COURS DE DROIT PENAL DES AFFAIRES

INTRODUCTION

Le Droit Pénal des affaires (DPA), au-delà de la controverse


doctrinale, peut-être perçu comme la branche du Droit Pénal qui a pour
objet d’étudier les infractions (comportements antisociaux) intervenant
dans le monde des affaires.
Ce droit étudie d’une part les infractions classiques commises en
dehors des activités d’une société commerciale (1ere Partie) et d’autre
part, celles commises dans le cadre des activités de cette société (2eme
Partie).

PREMIERE PARTIE
LES INFRACTIONS CLASSIQUES COMMISES EN DEHORS
DES ACTIVITES D’UNE ENTREPRISE SOCIETALE

Les infractions classiques commises en dehors des activités des sociétés


commerciales, sont en règle générale prévues par le nouveau Code pénal.
Dans le cadre du présent cours, nous étudierons les infractions suivantes :
-l’abus de confiance ;
-le vol ;
-l’escroquerie ;
Chapitre 1 : L’ABUS DE CONFIANCE

L’abus de confiance est une atteinte aux biens. Dans l’ancien Code
Pénal ivoirien, cette infraction ne pouvait être constituée que s’il y avait
un contrat de louage, de dépôt, de travail salarié ou non, de mandat, de
prêt à usage, de nantissement entre deux personnes.
Aujourd’hui, avec l’actuel Code Pénal (loi n°2019-574 du 26 Juin
2019), l’abus de confiance est constitué sans qu’il ne soit obligatoire que
les parties ne soient liées par les six (6) contrats précités. Il ressort en
effet de l’article 467 du nouveau Code que : « Constitue un abus de
confiance, le détournement, la dissipation ou la destruction par une
personne au préjudice d’autrui, de fonds, de valeurs ou de biens
quelconques qui lui ont été remis et qu’elle a accepté à charge de les
rendre, de les représenter, d’en faire un usage ou un emploi
déterminé. ».
Quels sont les éléments constitutifs de l’abus de confiance (Section
1) ? Et comment cette infraction est-elle réprimée (section 2) ?

Section 1 : Les éléments constitutifs de l’abus de confiance.


Il ressort de l’art. 467 du Code Pénal que l’abus de confiance est
constitué par trois (3) éléments cumulatifs à savoir :
- Un accord préalable entre les parties ;
- La remise d’une chose mobilière en vertu de cet accord ;
- La dissipation, la destruction ou le détournement de la chose
remise ;

Paragraphe 1 – L’accord préalable entre les parties


Contrairement à l’ancien Code Pénal ivoirien (celui de 1981) qui
exigeait six (6) contrats pour qu’il y ait abus de confiance, le nouveau
Code Pénal énonce que n’importe quel contrat peut exister entre les
parties.
Le nouveau Code, en prenant en compte tout rapport contractuel,
participe à la lutte contre l’impunité et renforce par conséquent la
protection du contrat social.

Paragraphe 2 – La remise de la chose


L’art. 467 du Code pénal parle de fonds, de valeurs et de tout bien
quelconque. Pour la jurisprudence, il doit s’agir d’une chose mobilière. A
contrario, les immeubles ne peuvent faire l’objet d’aucune remise.

Paragraphe 3 – La destruction, la dissipation ou le


détournement de la chose remise.
La chose remise en vertu du rapport contractuel doit être dissipée,
détruite ou détournée pour que l’on parle d’abus de confiance.

Section 2 : La répression de l’abus de confiance


L’auteur et le complice d’abus de confiance sont punis des mêmes
peines, lesquelles sont constituées d’un à cinq ans d’emprisonnement et
d’une amende, allant de 300 000 à 3 000 000 de franc CFA. Il en est de
même pour toute personne qui a tenté de commettre l’infraction.
NB : Avec le nouveau Code pénal, la coaction n’est plus réprimée. La
nouvelle loi ne retient que deux (2) formes de participation à
l’infraction : l’action et la complicité.
L’abus de confiance étant un délit, l’action publique se prescrit au
bout de trois (3) ans depuis la commission des faits.

CHAPITRE II : LE VOL

Le vol (vol simple et vol aggravé) est prévu et punis par les articles
457 à 462 du nouveau Code pénal.
Section I : Les éléments constitutifs du vol.
Au regard toujours de l’article 457 du Code Pénal, le vol est
constitué des éléments suivants :
- Une soustraction,
- Une intention frauduleuse,
- Une chose,
- La propriété d’autrui.

Paragraphe 1 – La soustraction
Soustraire une chose signifie s’emparer de cette chose.

Paragraphe 2 – L’intention frauduleuse


Elle suppose que le délinquant à l’intention de s’approprier la chose
soustraite, de déposséder la victime de son bien ou d’appauvrir son
patrimoine.

Paragraphe 3 – La chose (objet du vol)


Il doit s’agir d’une chose susceptible d’être soustraite : une chose
mobilière et le plus souvent corporelle. Il s’en suit que les immeubles ne
peuvent faire l’objet de vol. Il convient de noter cependant que dans
certains cas, une chose incorporelle peut faire l’objet d’un vol (exemple :
les énergies comme l’électricité).

Paragraphe 4 – La chose doit être la propriété d’autrui.


La chose qui peut faire l’objet de vol, doit avoir un propriétaire. Il
s’en suit que les res nullius et les res communis ne peuvent faire l’objet
de vol. Par res nullius il faut entendre « choses qui n’appartiennent à
personne » (exemple : animaux sauvages). Quant aux res communis, elles
concernent les choses communes (exemple : l’eau de mer, l’air etc.).
Section II : La répression du vol
Pour réprimer le vol, le juge doit tenir compte des éléments
suivants :
- L’immunité familiale,
- La nature du vol.

Paragraphe 1 – L’immunité familiale


Il ressort de l’art. 103 du Code Pénal que ne peuvent donner lieu
qu’à des réparations civiles les vols commis :
- Par un conjoint au préjudice de l’autre ;
- Par un enfant au préjudice des pères et mères ;
- Autres hypothèses prévues par l’article.

Paragraphe 2 – La nature du vol


Le vol peut être simple ou aggravé.

A- Le vol simple.
Le vol est qualifié de simple lorsqu’il n’est accompagné d’aucune
circonstance aggravante. Cette infraction est punie d’un
emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 300 000 à 3
000 000 de francs selon l’article 458 du Code pénal.

B- Le vol aggravé
Le vol aggravé est celui qui est commis avec l’une des circonstances
prévues à l’article 459 du Code pénal. Il s’agit d’une infraction
commise dans les circonstances ci-après :
- Des violences n’ayant pas entrainé des blessures ;
- Effraction extérieure, escalade ou usage de fausses clés ;
- En réunion par au moins deux personnes ;
- L’usage frauduleux, soit de l’uniforme ou du costume d’un agent
public, civil ou militaire, soit du titre d’un tel agent public, soit
d’un faux ordre de l’autorité civile ou militaire ;
- Dans une maison habitée ou servant à l’habitation ;
- Bris de scellés ;
- L’usage d’un masque ;
- La nuit ;
- Lorsque l’auteur est porteur d’une arme ;
- Lorsque l’auteur exerce sur la victime, des violences sexuelles.
En cas de vol aggravé, l’auteur des faits est puni d’une peine pouvant
aller jusqu’à l’emprisonnement à vie (article 459 et suivants du Code
pénal).
Notons toutefois qu’en dépit de la sévérité des peines pour les vols
aggravés (peines supérieures à 10 ans), ceux-ci ont une nature
correctionnelle ou sont des délits, (art. 461 Code Pénal).

CHAPITRE III : l’ESCROQUERIE


Tout comme l’abus de confiance et le vol, l’escroquerie est également
prévue par le nouveau Code pénal, en son article 471.

Section I : Les éléments constitutifs du l’escroquerie.


La lecture de l’article 471 du Code pénal, fait apparaitre les éléments
constitutifs suivants :
-un acte frauduleux ;
-la tromperie de la victime  en vue de la déposséder ;

Paragraphe 1 : L’acte frauduleux


Il peut s’agir soit de l’usage d’un faux nom, soit d’une fausse qualité, soit
de l’usage d’une qualité vraie ou encore de l’emploi de manœuvres
frauduleuses.
NB : lorsque l’escroquerie est commise avec utilisation de faux
documents, cette infraction absorbe le faux, puisque le faux devient un
élément constitutif de l’escroquerie.
A- L’usage d’un faux nom.
En vue de convaincre la victime, l’auteur de l’escroquerie utilise en
règle générale, un faux nom.

B- L’usage d’une fausse qualité.


Un deuxième moyen utilisé par les délinquants, est l’usage d’une
fausse qualité pour tromper leurs victimes. Exemple : une personne
qui se fait passer pour le Procureur de la République ou un
propriétaire terrien pour escroquer d’honnêtes citoyens.

C- L’usage d’une qualité vraie.


Il s’agit de l’hypothèse d’une personne qui brandit sa vraie
qualité pour tromper ses victimes dans le processus de
l’escroquerie.
Dans l’ancien Code pénal (celui de 1981), ce moyen frauduleux
n’était pas un élément constitutif du délit d’escroquerie. Cet
élément est une grande innovation introduite par le nouveau
Code pénal pour une lutte plus efficace contre les nouvelles
formes de criminalité économique.

D- L’emploi de manœuvres frauduleuses


Les manœuvres frauduleuses sont des manœuvres dont l’unique
objectif est de faciliter ou de déterminer la remise d’une chose au
délinquant au préjudice de la victime. Il bien de préciser également
que la jurisprudence retient que l’utilisation d’un faux document
est considérée comme une manœuvre frauduleuse.

Paragraphe 2 : La tromperie


L’escroc est une personne très rusée. Il trompe sa victime afin que cette
dernière remette elle-même, librement et sans aucune contrainte, le bien
convoité. Il s’agit d’une véritable intention frauduleuse.

Section II : La répression des faits d’escroquerie.


L’escroquerie est punie d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une
amende de 300 000 à 3 000 000 de francs.
Si cette infraction est commise par une personne ayant fait appel au
public en vue de l’émission d’actions, obligations, bons, parts ou titres
quelconques, soit d’une société, soit d’une entreprise commerciale ou
industrielle, l’emprisonnement peut être porté à 10 ans et l’amende à
10 000 000 de francs.
La tentative d’escroquerie est punissable. Par ailleurs, tout comme de
nombreuses atteintes contre les biens, le juge peut désormais ordonner le
sursis en cas d’escroquerie. Il s’agit là encore d’une autre innovation
apportée par le nouveau Code pénal.
DEUXIEME PARTIE : LES INFRACTIONS COMMISES
DANS LE CADRE DES ACTIVITES DES SOCIETES
COMMERCIALES

Les infractions commises dans le cadre des activités des sociétés


commerciales sont principalement prévues par la loi uniforme numéro
2017-727 du 09 novembre 2017 portant répression des infractions prévues
les actes uniformes du traité de l’OHADA (Organisation pour
l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires).
Ces infractions sont nombreuses et de nature variée car chaque Acte
Uniforme, prévoit des comportements antisociaux qui sont nuisibles au
monde des affaires. Cependant, dans le cadre du présent cours, nous
n’étudierons que quelques unes d’elles, en raison du volume horaire très
réduit (20 Heures pour le Droit Pénal des Affaires).
Il s’agit des infractions relatives à la constitution des sociétés (Chapitre
1), de celles relatives à la gérance, à l’administration et à la direction
desdites sociétés (chapitre 2), des infractions relatives à la disparition de
ces entreprises (chapitre 3). L’étude des infractions relatives aux
procédures collectives d’apurement du passif et plus particulièrement, la
banqueroute (chapitre 4), compléteront le champ des comportements
antisociaux, au niveau du Droit des affaires dans l’espace OHADA.

CHAPITRE I : LES INFRACTIONS RELATIVES A LA CONSTITUTION DES


SOCIETES

Trois infractions relatives à la constitution des sociétés, seront


examinées. Il s’agit successivement de l’émission frauduleuse d’actions,
de la simulation de souscriptions et de versements et enfin, la
surévaluation des apports.
Section I : L’émission frauduleuse d’actions.
Cette infraction était déjà prévue par l’article 886 de l’AUDSCGIE. Elle est
aujourd’hui réprimée par la loi de 2017 susmentionnée.
Il ressort de l’article 6 de la loi du 09 novembre 2017 que : « Est puni d'un
emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 500.000 à
5.000,000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement, le
fondateur, le Président directeur général, le directeur général,
l'administrateur général ou l'administrateur général adjoint d'une société
anonyme, qui émet des actions avant l'immatriculation ou à n'importe
quelle époque, lorsque II immatriculation est obtenue par fraude ou que
la société est irrégulièrement constituée ».

Ce texte énonce les éléments constitutifs de l’infraction ainsi que les


peines qui lui sont applicables.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs de l’infraction.

A- Une émission d’actions


En Droit des sociétés commerciales, l’action peut être définie
comme une part d’associé dans les sociétés de capitaux. L’action
est caractérisée par sa libre cessibilité de principe et se présente
comme une fraction du capital social servant d’unité aux droits et
obligations des associés.

B- L’usage de moyen frauduleux


Ces moyens frauduleux sont caractérisés par une émission d’actions
avant l’immatriculation de la société, une émission après une
immatriculation obtenue frauduleusement ou encore une émission
d’actions alors que la société est irrégulièrement constituée.

C- La qualité de la personne pouvant être le délinquant


-Le fondateur de la société ;
-Le Président Directeur Général ;
-Le Directeur Général ;
-L’Administrateur Général ;
-L’Administrateur Général adjoint.
D- La nature de la société
Il doit s’agir d’une société anonyme.

Paragraphe 2 : La répression


L’infraction d’émission frauduleuse d’actions est punie d'un
emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de
500.000 à 5.000,000 de francs ou de l'une de ces deux peines
seulement.
Le quantum de la peine montre clairement que cette infraction est
un délit.

SECTION II : La simulation de souscriptions ou de versements

Ce comportement anti social est prévu par l’article 887 alinéa 3 et 4 de


l’AUDSCGIE et réprimé par 7 de la loi de 2017.
Il ressort en effet du dernier article que : Sont punis d'un emprisonnement
de trois mois à trois ans et d'une amende de 500.000 à 5.000.000 de
francs ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui: sciemment,
par l’établissement de la déclaration notariée de souscription et de
versement ou du certificat du dépositaire, affirment sincères et
véritables, des souscriptions qu’ 'ils savaient fictives ou déclarent que les
fonds qui n'ont pas été mis entièrement à la disposition de la société ont
été effectivement versés.

Paragraphe 1 : Eléments constitutifs de l’infraction

A- L’élément matériel

-affirmation sincères et véritables de souscriptions fictives ;


-déclaration de fonds fictifs ;
-le moyen utilisé : par l’établissement de la déclaration notariée de
souscription et de versement ou du certificat du dépositaire.

B-L’élément moral
L’élément moral est caractérisé par le mot « sciemment », utilisé
pour montrer que le délinquant agit en connaissance de cause : une
volonté criminelle renforcée et non équivoque.

Paragraphe 2 : La répression de l’infraction.

La peine est d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une


amende de 500.000 à 5.000.000 de francs ou de l’une de ces deux peines
seulement.
Comme la précédente infraction, la simulation de souscriptions ou de
versements qui est en réalité une fausse déclaration de souscriptions,
constitue un délit.

SECTION III : La surévaluation des apports

L’un des grands risques dans la constitution des sociétés commerciales,


est de voir les apports en nature surévalués ; toute chose qui est
préjudiciable à l’égalité des associés.
La surévaluation des apports est prévue par l’article 887-4 de l’Acte
Uniforme sur le Droit des Sociétés commerciales et du GIE et l’article 7
infine de la loi du 09 novembre 2017.

Ce texte dispose in fine que : Sont punis d'un emprisonnement de trois


mois à trois ans et d'une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs ou de
l’une de ces deux peines seulement, ceux qui frauduleusement, font
attribuer à un apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur
réelle.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

A- L’attribution ou la participation à l’attribution d’une valeur à un


apport ;

B- La nature de l’apport : un apport en nature. Seuls les apports en


nature peuvent être surévalués contrairement aux apports en
numéraires.
C- Le caractère frauduleux de la valeur attribuée : une évaluation
supérieure à la valeur réelle de l’apport.
Il convient de noter sur ce point qu’en dépit de l’intervention d’un
Commissaire aux comptes dans la détermination de la valeur des
apports en nature, celui qui fait cet apport, reste le principal maitre
de la détermination de sa valeur. Ainsi pour éviter que certains
associés augmentent frauduleusement le capital de la société, il
était nécessaire de réprimer une telle pratique dans le milieu des
affaires.

Paragraphe 2 : La répression du délit de surévaluation des apports

Les auteurs ou complices de cette infraction sont punis d'un


emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 500.000 à
5.000.000 de francs ou de l’une de ces deux peines seulement.

CHAPITRE II : Les infractions relatives à la gérance, à l’administration


et à la direction des sociétés Commerciales.

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