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Université Dakar Bourguiba

Génie Juridique

M1 SGDA/IJBA

COURS DE DROIT PENAL DES AFFAIRES

M. Christian Ousmane CISS

Docteur en droit privé

1
Christian Ousmane CISS, DPA
INTRODUCTION GENERALE

La vision traditionnelle de la criminalité d’affaire avait associé ce phénomène


criminel aux délinquants de col blanc. Il s’agit de ce délinquant qui vit dans le
monde des affaires. Il est par conséquent un homme d’un statut économique et
social élevé avec un niveau de développement intellectuel et professionnel assez
poussé. La délinquance d’affaire semble réduite au cadre limité du monde des
affaires. Elle d’énonce pas réellement toute la société au point de se demander si
ces infractions d’une incrimination d’envergure.

La transformation de la criminalité a entrainé une évolution de ses techniques


répressives. Les instruments classiques de sanction ne suffisent plus parce que la
criminalité est devenue de plus en plus organisée. Certes, les infractions ne
changent pas fondamentalement mais elles connaissent de nouveaux modes de
commission. Les auteurs sont devenus altruites, structurés avec une intention
manifeste de rechercher encore plus de profit. Ce sont ces deux critères de
l’organisation et de la recherche de profit qui permettent de qualifier l’existence
d’une criminalité organisée. Cette criminalité organisée ignore les frontières,
elle est transnationale, elle est transfrontalière ce qui rend inefficace un système
de répression exclusivement national.

Il faut repenser le système d’incrimination, la procédure pénale et même les


sanctions applicables de la procédure pénale. Par rapport aux incriminations qui
entrent dans la répression (de droit) pénale de fond les Etats ont perdu dans le
cadre de l’UEMOA, leur capacité d’initiative. Ainsi pour les infractions relatives
au blanchiment de capitaux et de financement de tourisme l’UEMOA propose,
après une directive une loi uniforme qui doit être adoptée par les différents Etats
membres dans un délai imparti.

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Christian Ousmane CISS, DPA
Dans l’OHADA, la technique consiste à procéder aux incriminations et de
laisser aux différents Etats parties la charge souveraine de prévoir et d’appliquer
la sanction. Cette évolution existe également dans la répression pénale de forme.
La recherche d’efficacité a conduit à un aménagement des règles de recherche
de la preuve. La preuve pénale des infractions d’affaires est difficile à trouver du
fait des ruses et de la professionnalisation de la délinquance. L’instruction a été
aménagée tant sur le plan organique que matériel. L’idée est de confier la
recherche de la preuve à des spécialistes. En France, cela a conduit à la création
d’un pôle des questions économiques et financières composés de magistrat
formés à cet effet. L’aménagement a pris également sur le plan matériel des
actes des actes d’investigation une forme d’extension des pouvoirs du juge. Le
juge d’instruction peut non seulement avoir accès aux données recueillies par les
différents systèmes informatiques des délinquants mais également aux outils de
collecte c’est le cas surtout en matière d’instruction des infractions de
blanchiment de capitaux. Le juge d’instruction bénéficie également d’une
collaboration de structure spécialisé dans l’analyse et la recherche d’information
de certaines infractions complexes. La cellule nationale de traitement des
infractions financières (CENTIF) opère une analyse au préalable des différentes
déclarations de soupçon qui sont transmises au juge d’instruction par
l’intermédiaire du Procureur de la République lorsqu’elles font apparaitre une
présomption d’infraction de blanchiment de capitaux. Le droit pénal des affaires
est ainsi malgré son évolution constitué autour d’infractions de droit commun
qui ne sont pas exclusivement détaché de la vie de la société commerciale (vol,
abus de confiance, escroquerie). Cependant l’avènement de la société
commerciale a créé un cadre propice au développement d’autres infractions tant
au moment de sa constitution, de son fonctionnement que de sa dissolution.

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Chapitre I : Les Infractions d’affaires pouvant exister en dehors de la
société commerciale

Elles peuvent être divisées en deux grandes catégories. Il y a d’abord les


infractions autonomes parce que naissant d’une autre infraction de base. Cette
catégorie est constituée d’infraction de droit commun touchant la vie des affaires
; dans la deuxième catégorie il est question des infractions qui ne peuvent exister
qu’après celles préalable d’une infraction d’origine. Il s’agit principalement de
réprimer l’intention malveillante et les techniques illicites permettant de
dissimuler la première forfaiture (recel blanchiment).

Section 1 : Les Infractions d’affaires autonomes

Elles découlent d’une appropriation frauduleuse. Il s’agit du vol, de l’abus de


confiance et de l’escroquerie. Dans le vol une chose appartenant à autrui lui a
été soustraite contre son gré. L’abus de confiance et l’escroquerie se distingue
du vol. Dans les deux situations la victime a remis elle-même le bien à l’auteur
qui s’en est approprié. L’escroquerie existe lorsque la remise fait suite à des
pratiques frauduleuses qui l’ont provoqué. L’abus de confiance quant à lui est
qualifié si la fraude intervient après la remise légitime de la chose découlant
d’un contrat qui, par la suite a été détourné.

Paragraphe I : Le Vol

Il est défini de manière simple. C’est la soustraction frauduleuse de la chose


appartenant à autrui. L’art 364 CP Sénégalais dispose que « quiconque a
soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol
». De cette définition légale apparait les différents éléments constitutifs du vol
pouvant ainsi conduire à sa répression.

I. Les éléments constitutifs du vol

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Il sera distingué entre les éléments matériels et l’élément moral. A. L’élément
matériel Il est constitué au préalable d’une chose appartenant à autrui qui est
l’objet de la soustraction.

1. Une chose appartenant à autrui

L’objet du vol porte sur une chose de nature mobilière à l’exclusion des
immeubles. La justification est dans le fait que le vol nécessite le déplacement,
le transport de la chose. La chose doit aussi être de nature corporelle. Pour le vol
d’information, il est en principe impossible en l’absence du support corporel.
Cependant la soustraction du support contenant l’information même pour un
laps de temps constitue un vol. Exemple : un salarié pour photocopier un
document le soustrait un petit temps, il y a vol de documents originaux et non
d’information. Mais des arrêts ultérieurs de 1989 acceptent le vol d’information.
Il s’agit de la jurisprudence Bourguin et d’Antonioli. Une jurisprudence
confirmée par la sanction du vol de contenu informatique à travers des fichiers
des disquettes ou CD1. Dans le sens analogue, le vol d’électricité après avoir été
reconnu par le juge vient d’être légiféré en France. De même le vol d’onde
Hertzienne de radio était rejeté par la jurisprudence avant de recevoir une
acceptation législative. La valeur de la chose importe peu, il faut en outre que la
chose appartienne à autrui car on ne peut voler sa propre chose. Il faut donc au
préalable déterminer à qui appartient la chose. Les choses n’appartenant à
personne ne peuvent être volée (ex: le gibier, le poisson air non appropriée).
Mais des produits sauvages qui poussent sur un fonds appartenant à autrui sont à
ce dernier en vertu de la règle de l’accession et peuvent par conséquent être
volés.

Il en est aussi des biens qui appartiennent au domaine public ou national. Quant
aux choses abandonnées ou perdues plus la chose a de la valeur la qualification
de vol a des chances d’être retenue.
1
Voir Crim. 04 Mars 2008 Dalloz 2008 Page 2213 note Détraz.

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2. La soustraction de la chose

On distingue aujourd’hui la soustraction juridique de la soustraction matérielle.

Pour soustraire matériellement, il faut prendre, enlever ravir une chose à l’insu
et contre le gré du propriétaire (jurisprudence 1927). Il faut donc un
déplacement de la chose des mains du propriétaire légitime à celle de l’auteur du
délit. Il n’est pas obligatoire que la restitution soit justifiée par un emprunt non
autorisé. Ce comportement n’exonère pas l’auteur du vol car le juge sanctionne
le vol d’usage. Cependant il n’y a pas vol si une personne profite d’un ensemble
d’erreurs de leur auteur (le surplus de monnaie) une personne qui profite d’un
surplus de monnaie rendu par erreur (erreur non provoquée). Encore faudrait-il
que l’erreur ne soit pas provoquée.

Quant à la soustraction juridique elle existe en cas de remise d’une chose à une
tierce personne sans intention. Le juge distingue la simple détention précaire de
la possession. En cas de détention précaire, il peut y avoir vol s’il y a
soustraction. Cette qualification est moins évidente pour la possession réputée
octroyer la présomption de propriété.

B. L’élément intentionnel

Il faut que l’auteur du vol ait la conscience que le bien appartient à autrui et ait
aussi la volonté de se le procurer à titre de propriété. Dans la conception
matérielle, le dol spécial n’est pas nécessaire car il est logique que l’intention de
celui qui vol est de s’approprier la chose. Or dans la conception juridique de la
soustraction c’est l’animus qui est pris par un auteur qui n’avait pas le corpus. Il
faut le dol spécial.

II. La Répression du vol

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Le vol est un délit soumis à des peines dont la sévérité dépend des circonstances
de sa commission. Cependant, la répression du vol peut être limitée par certains
obstacles.

A- Les obstacles à la répression du vol

Ces obstacles sont constitués des faits justificatifs notamment de l’Etat de


nécessité et des immunités familiales.

1. Les faits justificatifs

Ils sont nombreux mais il sera question sommairement ici que de l’état de
nécessité. Il y a état de nécessité lorsque face à un danger actuel et imminent qui
menace une personne autrui un individu est obligé d’accomplir un acte
nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien. Il faut toutefois qu’il n’y
ait pas de disproportionnalité entre les moyens utilisés et la gravité de la menace.

2. Les immunités familiales

Le vol commis dans une famille ne peut conduire à des sanctions pénales
l’auteur bénéficie d’une exemption légale de toute poursuite pénale lorsque la
victime est un parent par naissance ou par alliance. Les bénéficiaires de
l’immunité sont par conséquent les enfants qui volent leur parent, les parents qui
volent leur enfant ou l’époux qui vole son conjoint jadis justifié par une idée de
copropriété familiale, l’individualisme de la propriété a poussé à chercher un
autre fondement aux immunités familiales. Il est aujourd’hui dans la recherche
de la paix et de la stabilité des familles qui ne peuvent être troublées par des
poursuites et des sanctions pénales pour des affaires délictuelles familiales.
Cette immunité à des limites. Elle n’existe pas pour les vols commis à résider
séparément. En France, certains objets sont exclus de l’immunité familiale. Il
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s’agit des documents indispensables à la vie quotidienne (carte d’identité, titre
de séjour, moyen de paiement comme le chéquier) dans ce cas le vol sera
punissable.

B- Les peines applicables au vol

Il faut distinguer selon que le vol est simple ou aggravé. Le vol simple est puni
d’un emprisonnement de 1an au moins à 5ans au plus. L’amende est de 20.000 à
200.000F.

Quant au vol aggravé, il existe lorsqu’il est commis avec une ou plusieurs
circonstances aggravantes. Le vol commis en réunion avec deux ou plusieurs
personnes avec port arme véritable ou parties, menace ou avec véhicule est puni
de travaux forcés de 10ans. Les travaux forcés seront à perpétuité lorsque le vol
est commis avec une violence ayant entrainé une infirmité de plus de 15 jours ou
permanentes. Il en est ainsi lorsqu’il a entrainé la mort ou avait été fait avec
usage d’armes. L’emprisonnement de 5 à 10 ans et l’amende de 50.000 à
500.000Fen cas de vol avec escalade (passer par-dessus) effraction art. 365 et
Suivants.

Paragraphe 2 : L’abus de confiance

Dans l’abus de confiance, la confiance, la victime émet d’abord un bien


généralement suite à un contrat et le délinquant en profite pour s’en emparer.
L’article 380 CP vise principalement deux types de contrat. Il s’agit du contrat
de prêt, de dépôt, de mandat qui sortent en filigrane du texte. Avant de
déterminer les éléments constitutifs de l’abus de confiance, il convient
d’analyser la condition préalable relative à la remise de la chose.

A- La condition préalable: la remise d’une chose

L’infraction d’abus de confiance lorsqu’une chose a été préalablement remise à


l’agent pénal. Pour beaucoup d’auteurs cette remise n’est pas un élément

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constitutif de l’infraction mais une condition préalable à sa commission. La
remise est donc nécessaire. Il n’y aura donc pas abus de confiance, lorsque les
salariés détournent des documents auxquels ils ont accès dans le cadre de leur
travail, ici il n’y a pas remise. C’est pourquoi il est fait distinction entre la
remise et la simple remise à disposition. Cette dernière renvoie au vol alors que
la remise appelle l’abus de confiance2.

La tendance est que le juge remet en cause la notion de remise comme condition
préalable à l’abus de confiance. Aujourd’hui, il prend de plus en plus compte le
seul détournement quelles que soit les conditions d’existence du bien.

La remise matérielle doit être distinguée de la remise juridique. Elle est


matérielle car du fait de la tradition manuelle. Elle consiste à un déplacement de
la chose.

Elle peut être juridique et constituée l’abus de confiance lorsqu’elle existe


indépendamment de tout déplacement physique. Il en est ainsi du vendeur qui
conserve après la vente de la chose au titre d’un mandat et la détourne (abus de
confiance existe ici). La chose peut être remise par la victime de l’abus de
confiance par un tiers. La remise doit être précaire pour une durée déterminée
(contrat de dépôt) en contrepartie d’une restitution. En droit français, il n’est
plus nécessaire que la remise ait lieu au titre d’un contrat depuis la réforme de
1994 (code pénal).

2
Crim. 09 Juin 2009.

9
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B- Les éléments constitutifs de l’abus de confiance

1) L’élément matériel

Il y a d’abord le détournement. Il peut résulter de plusieurs situations. Il s’agit


par conséquent d’un usage abusif, d’un retard dans la restitution ou de la non
restitution.

Mais ces situations ne conduisent pas systématiquement au détournement en


l’absence d’intention. Dans ce cas il s’agit simplement d’une mauvaise
exécution d’un contrat. Il faut par conséquent pour constituer l’infraction d’abus
de confiance une malveillance.

En outre le détournement, la victime doit subir un préjudice. Cette condition


apparait dans l’esprit de l’art 381 alinéa 1du code pénal et même de l’art 382 qui
vise la compromission d’une personne ou de sa fortune. Le préjudice est dans la
perte subie par le patrimoine.

2) L’élément intentionnel

Il faut que l’auteur de l’abus de confiance ait la volonté de se comporter comme


un possesseur de la chose même momentanément. L’agent pénal doit avoir
l’intention coupable de détourner alors que sa détention précaire ne le lui permet
pas. Le juge se suffit pour caractériser l’intention d’une simple présomption de
connaissance en disant que l’agent ne pouvait pas ignorer. Pour démontrer
l’intention les juges se suffisent de la constatation matérielle du détournement
pour caractériser l’intention. On se suffit par conséquent du dol éventuel dans le
fait que l’agent pénal sait qu’il aurait pu causer un préjudice à la victime.

B - La Répression de l’infraction

10
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La répression peut connaitre des obstacles constitués des causes d’exonérations
(force majeure, fait d’un tiers, faute de la victime) et des immunités familiales.
Ces dernières sont celles appliquées au vol. Les peines prévues sont
l’emprisonnement de 6mois au moins et 4ans au plus. Quant à l’amende, elle est
de 20.000F au moins à 3.000.000 au plus. L’abus de confiance peut connaitre
des circonstances aggravantes. Il en est ainsi lorsque l’auteur a fait un appel
public à l’épargne. Dans cette hypothèse, l’art 388 alinéa 3 CP dispose que
l’emprisonnement peut atteindre 10 ans et l’amende 12.000.000F.

Paragraphe 3 : L’escroquerie

L’escroc utilise au préalable divers moyens et techniques de fraude destinés à


tromper l’autre à fin d’obtenir de lui la remise d’un bien. Les moyens utilisés
permettent la remise. A la base de l’escroquerie il y a le dol, les tromperies.

I- Les éléments de l’infraction

A- L’élément matériel

Il se compose de trois aspects constitués d’abord de l’utilisation de moyens


frauduleux, de la remise de la chose et du préjudice.

1- L’utilisation de moyens frauduleux

Les moyens frauduleux prennent la forme d’un mensonge, de ruse qui passent
par un usage d’un faux nom, d’une fausse qualité ou d’un abus d’une qualité
vraie. Ces moyens peuvent également constitués de manœuvre frauduleuse.

a)- L’usage de faux nom

L’usage d’un faux nom (dans l’escroquerie) consiste à s’attribuer un nom


fantaisiste imaginaire ou un nom appartenant à autrui en vue de tromper la

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victime et de se faire remettre par elle un bien. C’est une tromperie sur l’identité.
L’usage d’un nom peut porter sur un faux nom patronymique ou un faux prénom
à fin de créer la confusion dans la tête de la victime. Il n’y a donc pas
d’escroquerie à faire usage d’un faux pseudonyme ou sobriquet (faux) parce que
la personne n’est pas habituellement connue sous ce nom. Le prénom doit
pouvoir influer sur l’identification de la personne avec laquelle la victime
croyait traiter. Le porteur du nom (vrai) qui sait qu’il est utilisé aux fins
d’escroquerie est un complice par fourniture de moyens.

L’usage du vrai nom ne peut par conséquent constituer l’escroquerie car il ne


s’agit pas d’user d’un faux nom. Cependant, l’escroc peut chercher à créer la
confusion avec l’identité de son homonyme qui est plus renommé. Dans ce cas,
son comportement entre dans la qualification de manœuvre frauduleuse3.

b)- L’usage d’une fausse qualité

Quant à l’usage d’une fausse qualité sa qualification dépend du sens donné à la


notion de qualité. Le juge de manière large considère qu’il y a escroquerie à
chaque fois qu’une personne essayait de se prévaloir d’une qualité ou d’une
activité qui n’est pas la sienne. La qualité est donc l’état d’une personne
résultant de sa nationalité, de son âge, de son sexe, de sa situation matrimoniale,
de sa profession etc.…..

En tout état de cause, le faux nom et la fausse qualité demande que l’agent pénal
ait pris un acte positif actif, le simple silence ou la réticence passive dans le fait
de se faire attribuer un nom qui n’est pas le sien n’est pas qualifiable
d’escroquerie même s’il a entrainé une remise d’une chose.

Sur l’abus de la vraie qualité. De plus en plus le juge accepte l’existence d’une
infraction d’escroquerie fondée sur l’abus d’une qualité vraie. Il faut que cette

3
Crim. 05 sept. 1901 Dalloz, p. 1903.

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qualité vraie entraine une vraie confiance. L’infraction est ainsi si une personne
abuse de la confiance de sa fonction pour se faire remettre un bien.

c)- Les manœuvres frauduleuses

L’escroquerie peut résulter de manœuvres frauduleuses. Ces manœuvres sont


des mises en scène des techniques de ruse visant à tromper un tiers (autrui). Le
professeur Mascala estime que les manœuvres consistent à présenter les faits de
manière particulière à arranger des stratagèmes ou à organiser des ruses dans le
but de tromper l’autre. A l’image de l’abus de confiance l’escroquerie oblige des
actes posés actifs de l’escroc. Le silence ne saurait par saurait par sa passivité
constitués des manœuvres frauduleuses. Il faut donc une fraude. Les manœuvres
doivent être effectuées avant la remise ou momentanément à celles-ci. Elles ne
peuvent en aucun cas être postérieures sauf si elles visent des manœuvres à
obtenir des remises successives dans le temps. De simples mensonges sont
insuffisants à caractériser l’escroquerie. Le juge a décidé que le fait pour une
personne de prétendre avoir oublié son portefeuille afin de se faire prêter de
l’argent ne constitue pas une infraction d’escroquerie4. Cependant si le
mensonge est confronté par un autre élément de l’escroquerie l’infraction peut
exister. Il en est ainsi d’un document mensonger qui est par la suite passé par la
comptabilité ce qui lui donne une certaine crédibilité pour constituer
l’escroquerie5. En tout état de cause, l’escroquerie n’existe que si les manœuvres
frauduleuses et la remise entretiennent des liens de causes à effet. Le but des
manœuvres est de provoquer la remise.

2)- La remise de la chose

4
Crim. 27 juin 1983 bulletin crim. n° 161.
5
Crim. 20 juin 2007, revue de science crim. 2008 page 591observation Mascala.

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Les moyens frauduleux doivent entrainer la remise d’une chose par la victime.
La consommation de l’infraction d’escroquerie a lieu au moment de la remise.
Cependant, l’objet de la remise doit entrer dans les prévisions légales. Elle doit
porter sur des fonds, valeur ou bien les biens sont de nature corporelle ou
incorporelle. La remise peut donc porter sur une somme d’argent par moyen de
chèque, en espèce ou par virement. Les choses corporelles objet de la remise
sont des biens meules quelle que soit leur valeur. Les choses immobilières
restent en principes en dehors de l’escroquerie car l’immeuble ne peut être remis
matériellement. Mais le juge accepte de plus en plus la qualification criminelle
si l’escroc parvient à se faire remettre le prix de l’immeuble les titres et actes de
propriété6. La remise porte aujourd’hui également sur les services. La
jurisprudence l’a déjà consacré à propos de l’affaire de rondelle parc. Dans cette
affaire les automobilistes introduisaient des rondelles sous forme de pièce
d’argent dans la machine afin déclencher l’appareil en vue d’obtenir
illégalement du temps de stationnement7. Cette solution consacrée par le code
pénal français est aujourd’hui étendue à l’internet8. La remise peut aussi prendre
la forme soit d’une obligation de décharge. L’acte vise à faire profiter à l’escroc
au détriment de la victime un droit soit en le créant soit en l’éteignant. Il s’agit
de fausses promesses de vente et même des jugements obtenus de manière
frauduleuse. La remise est traditionnellement matérielle. Elle se fait donc par
tradition (transmission de main à main). Elle peut également exceptionnellement
être faite par équivalence.

3- Le préjudice

La nécessaire démonstration d’un préjudice pour caractériser l’escroquerie est


une question controversée. La jurisprudence avait rejeté cette condition en
acceptant l’existence de l’escroquerie en l’absence de préjudice. Elle se suffisait

6
Crim. 23janv. 1997 revue de science criminelle 1998 page 553 observation Ottenhof.
7
Crim. 10 déc. 1970 Dalloz note JouJou Boudé.
8
Tribunal de G.I de Paris 06 déc.1997 gazette du Palais 1998 P. 433 Rojinsky.

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de la seule remise de la chose pour qualifier l’infraction9. Cette décision connait
un revirement jurisprudentiel qui exigeait un préjudice de la victime 10. Un an
après cette solution intervient un nouveau revirement pour revenir à la
jurisprudence antérieure consistant à ne pas exiger un préjudice11. La réforme du
code pénal français de 1994 exigea cependant l’existence d’un préjudice et le
juge finit lui aussi par demander l’établissement d’un préjudice12.

B- L’élément moral

Comme toute autre infraction intentionnelle, l’escroquerie suppose que l’agent


pénal agisse en connaissance de cause avec la volonté d’obtenir la remise par
fraude.

II- La Répression de l’escroquerie

Il y a les peines principales qui peuvent être accompagnée de peines


complémentaires facultatives les peines principales sont en cas d’escroquerie
simple constituée d’un emprisonnement d’un au moins et de 5ans au plus.
L’amende est de 100.000 à 1.000.000. En cas de circonstances aggravantes ces
peines sont doublées.

La circonstance aggravante est principalement l’appel public à l’épargne. Les


peines complémentaires facultatives prévues à l’art. 379 al. 3 consistent à des
interdictions de séjour de 10 ans, de vote d’éligibilité, de port d’arme. Les
immunités familiales peuvent exempter de la répression de l’escroquerie dans
les mêmes conditions que l’infraction de vol.

9
Crim. 07 mai 1974JCP 1976. II 18285 note Faujoux.
10
Crim. 03Avril 1991 revue de science criminelle 1992 P. 579 obs. Bouzat.
11
Crim. 15 Juin 1992 revue de science 1993 P. 783 obs. Bouzat
12
Crim. 26 oct. 1994 revue de science crim. 1995 P. 583 obs. Ottenhof.

15
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Section 2 : Les infractions de conséquence

L’infraction est de conséquence lorsqu’il y a au préalable une infraction


d’origine ou de base qui consiste un élément déterminant de sa répression de sa
répression. Il en existe deux : il s’agit du recel et du blanchiment de capitaux.

Paragraphe I : Le recel

Le receleur d’aujourd’hui est le complice d’hier pour acte postérieur


d’assistance, d’aide à la commission d’une infraction. Le recel consiste à
détenir, à dissimuler ou transmettre ou servir d’intermédiaire pour la
transmission d’une chose qu’on sait provenir d’un crime ou d’un délit. Le
receleur est aussi le bénéficiaire en connaissance de cause; c’est-à-dire de
mauvaise foi du produit du crime ou d’un délit. Il faut par conséquence d’une
infraction d’origine. Il faut l’analyser avant l’étude des éléments constitutifs et
de la répression du recel.

A- Condition préalable: une infraction d’origine de nature


criminelle ou délictuelle

Il faut d’abord une chose ou un produit provenant d’un crime ou d’un délit. La
loi semble se référer aux seules infractions classiques de vol, d’abus de
confiance, d’escroquerie en visant les choses enlevées détournées ou obtenues
illégalement13. Mais le juge a depuis longtemps estimé que la nature de
l’infraction importe peu pourvu seulement que la chose provienne d’un crime ou
d’un délit14. Le domaine du recel s’est alors étendu et est aujourd’hui loin de la

13
Art. 430 CP du Sénégal
14
Crim. 30 déc. 1875 bulletin crim. n°366 confirmé par crim. 09 juillet1970, Dalloz. III note M- J Litman.

16
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trilogie, vol, escroquerie, abus de confiance. Il concerne aujourd’hui par
exemple l’abus de biens sociaux15, le détournement de fonds publics16, prise
illégale d’intérêt17.

Il faut en outre que l’infraction d’origine conserve son caractère frauduleux. Si


ce caractère frauduleux disparait, la répression du recel devient inopérante. Il en
est ainsi de l’amnistie réelle qui dans le passé fait disparaitre l’infraction. Elle
supprime donc le caractère délictueux de l’incrimination contrairement à
l’amnistie personnelle qui n’est bénéfique qu’à l’auteur.

En revanche, le recel existe même si les conditions ayant procuré la chose ne


sont pas déterminées ou que l’auteur de l’infraction de base est inconnue18
décédé ou en fuite. Il en est de même lorsqu’il est relaxé pour démence ou
minorité (mineur). Il n’est donc pas requis que l’auteur de l’infraction d’origine
soit puni effectivement peu importe alors qu’elle soit présente ou que l’auteur
bénéficie d’une immunité familiale (infraction de base).

B- Les éléments constitutifs de l’infraction de recel


Il s’agit de l’élément matériel et de l’élément moral.
1. L’élément matériel

La rédaction de l’art. 430 CP sénégalais n’apporte que quelques éléments dans


la détermination de l’élément matériel. Le recel consiste à détenir, à dissimuler,
à transmettre l’objet du recel. Ce sont ces éléments qui en constituent l’aspect
matériel. Il s’agit d’élément alternatifs car permettant de constituer la matérialité
de l’infraction dès l’instant qu’un seul existe. Le problème à ce niveau est de se
demander comment une simple dissimulation peut constituer l’élément matériel.
En réalité une dissimulation implique toujours une détention préalable. On ne

15
Crim. 20 août 1996 revue Droit des Sociétés 1996.
16
Crim. 30 mai 2002 observation M. Segonds.
17
Crim. 1998 revue Droit Pénal 1999 observation M. Verron.
18
Crim. 24Nov. 1964 JCP 1964 IV170.

17
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peut dissimuler une chose qu’on ne détient pas même si la chose est chez un
tiers.

La notion de détention est d’abord entendue au sens matériel comme le fait


d’avoir la chose entre ses mains ; elle a par la suite été comprise comme la
maitrise de celle-ci et cela indépendamment de l’emploi que compte en faire le
receleur et la durée de la détention. La détention est dématérialisée car
l’infraction de recel existe maintenant sans détention physique. C’est finalement
le recel qui est dématérialisé. C’est la consécration jurisprudentielle du recel de
profit. Le juge a décidé que « constitue également un recel, le fait en
connaissance de cause de bénéficier par tout moyen du produit d’un crime ou
d’un délit » 19. Ici le délinquant profite d’une chose qu’il sait issu d’un crime ou
d’un délit. Dans cette qualification entre également le recel d’usage. Le juge
vient de consacrer que la vision ou la consultation de site internet
pédopornographique ne suffit pas à caractériser le recel20. La constitution du
recel nécessite en outre dans ce cas le téléchargement et la conservation des
images pédopornographiques dans un fichier sur le disque dur d’un ordinateur 21.

2. L’élément moral

Le recel est une infraction intentionnelle. Le receleur doit donc savoir que le
bien est issu d’une infraction. Il doit être de mauvaise foi. Il doit avoir la
conscience de l’origine frauduleux de la chose objet du recel peu importe les
conditions et les modalités de l’infraction primaire. Il revient par conséquent au
juge du fond d’apprécier souverainement l’élément moral22. Il peut le déduire de
l’élément matériel.

19
Crim. 14 oct. 1969 bulletin crim. n° 248.
20
Crim. 5 Janv. 2005 Revue de sciences criminelles 2005, p. 304.
21
Crim. 28 Sept. 2005 Dalloz 2005 panorama, observation Royou De boudée, crim. 11Sept. 2007 inédit.
22
Crim. 17 fév. 2016.

18
Christian Ousmane CISS, DPA
C- La répression du recel

L’emprisonnement est de 1 an au moins à 5 ans au plus. L’amende est de


20.000F à 200.000F. Toutefois l’amende pourra être élevée au-delà de 200.000F
et atteindre la moitié de la valeur des biens objets du recel.

Paragraphe II : Le blanchiment de capitaux

Le blanchiment de capitaux est un phénomène criminel ancien qui consiste à


injecter dans l’économie légale des fonds obtenus illicitement. Il s’agit d’un
phénomène criminel complexe dans la mesure où le blanchiment est une
criminalité organisée. Il utilise des moyens financiers et techniques, humains,
assez importants. Il emprunte également des circuits ambigus. C’est ce degré
d’organisation qui en fait une criminalité organisée. L’autre aspect est relatif à la
recherche du profit que vise le blanchisseur de capitaux. Le blanchiment de
capitaux est en outre un phénomène criminel dangereux qui déstabilise les
valeurs politiques économiques et sociales d’un état. Le pouvoir financier de ces
délinquants est de nature à zapper l’organisation républicaine et à pousser par la
corruption le jeu démocratique. Ce même pouvoir financier leur permet (aux
blanchisseurs) de fausser la concurrence, de ternir la réputation des organismes
financiers troublant ainsi l’économie d’un pays. La lutte contre le
blanchissement de capitaux a une origine internationale à travers les résolutions
et les conventions des nations unies (convention de vienne de 1988 et Palerme
de 2000). Au niveau sous régional, il y a dans l’UEMOA une réponse normative
à travers la directive du 09 Sept. 2002 relative à la lutte contre le blanchiment de
capitaux. Elle sera à l’origine de la loi uniforme nationale contre le blanchiment
de capitaux. A côté de ces normes contraignantes existent d’autres non
contraignants. Il s’agit des recommandations du GAFI (Groupe d’Action
Financiers International) de la déclaration de principe des règles et pratiques de

19
Christian Ousmane CISS, DPA
contrôle des opérations bancaires du comité de bale en Israël. Quant aux
dispositifs institutionnels, il existe au sein de la CEDEAO à travers la création
du Groupe Intergouvernemental d’Actions contre le Blanchiment d’Argent et de
financement du Terrorisme (GIABA).

I. La prévention du Blanchiment de capitaux

La prévention consiste à faire peser sur des professions assujetties des


obligations préventives qui constituent son champ matériel.

A. Le champ matériel de la prévention

Le dispositif préventif matériel comporte deux obligations principales. Il s’agit


de l’obligation de vigilance et de celle de déclaration de soupçon.

1. L’obligation de vigilance

L’obligation de vigilance est la traduction d’un devoir classique de prudence


imposée à certaines professions notamment bancaire. Elle prend la forme d’une
obligation d’identification appelée également vigilance générale, d’une
obligation d’examen particulier appelée obligation de surveillance et d’une
obligation de conservation. L’application de ces obligations dépend de
l’approche adoptée. Il y a une approche classique qui demande au professionnel
assujetti d’appliquer systématiquement les trois obligations quel que soit le
niveau du risque. A cette approche classique à succéder une autre qualifiée de
moderne parce qu’elle fait dépendre la vigilance au niveau du risque.

a)- L’approche préventive classique de type systématique

Dans cette approche, le professionnel assujetti applique systématiquement toutes


les obligations préventives de vigilance à toutes les opérations de leurs clients.

- L’obligation d’identification

20
Christian Ousmane CISS, DPA
Elle consiste pour l’assujetti à exiger du client la production d’un document
probant permettant de déterminer son identité. C’est une obligation qui incombe
personnellement à l’assujetti. L’identification porte sur la personne du client. Il
est distingué entre les clients habituels et clients occasionnels. Une distinction
fondée sur le critère de la dualité de la relation d’affaires. Le client habituel est
dans une relation durable et constante alors que le client occasionnel effectue
une opération ponctuelle. Pour le client habituel, l’identification est l’obligation
sans condition liée notamment au montant de l’opération. Pour les clients
occasionnels, l’identification n’est exigée que si l’opération porte sur une
somme d’argent en espèce ou contre-valeur (chèque titre) d’un montant égal ou
supérieur à 5.000.000. L’identification est faite par la production d’un document
permettant de déterminer l’identité de la personne mais également son adresse
domiciliaire et professionnelle. La nature de ce document diffère selon que le
client est une personne physique ou morale. S’il est une personne physique
l’identification exige la production d’une pièce d’identité nationale comportant
une photo du client. Pour les personnes morales, l’identification se fait à travers
un extrait du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM). Mais toutes
les professions assujetties ne sont pas des commerçants. Par conséquent, leur
identification se fera à travers la production d’autres documents pour les
organismes à but non lucratif l’identification se fait par la production d’un
récépissé. Il arrive exceptionnellement que la tâche d’identification soit confiée
à une tierce personne. C’est la tierce introduction ou la tierce intervention elle
consiste à confier à un tiers sans engager sa responsabilité l’identification à un
tiers à la relation.

- L’obligation d’examen particulier

Appelée également vigilance particulière ou obligation de surveillance l’examen


particulier consiste à détecter les situations douteuses dans les opérations
effectuées par les clients. A l’origine du doute, il y a une anomalie qui peut être

21
Christian Ousmane CISS, DPA
matérielle ou intellectuelle. Elle est matérielle lorsqu’il existe des signes
matériels ou physiques permettant de douter de l’opération (des ratures,
différence signature avec le spécimen). Elles sont intellectuelles (anomalies)
lorsqu’elles découlent d’indice se déduisant de comportement inhabituel du
client dans la tenue de sa relation d’affaire ou d’absence de concordance entre
son opération et sa situation économique et financière. Lorsque l’opération
s’effectue dans ces conditions normales une vigilance particulière est demandée,
lorsque le montant unitaire ou total est égal ou supérieur à 50.000.000.
Cependant lorsque l’opération est effectuée dans des conditions inhabituelles de
complicité ou sans justification économique ou d’objet licite l’examen
particulier est requis lorsque le montant est supérieur ou égal à 10.000.000.

- L’obligation de Conservation

L’assujetti doit conserver les documents d’identification du client pendant dix


(10) ans. La conservation concerne également l’examen particulier à travers
l’obligation de consignation. Cette dernière existe lorsque l’examen particulier
n’a pas permis de découvrir un soupçon à déclarer le point de départ pour le
calcul du délai est fixé au moment de la rupture de la relation d’affaires. Les
documents conservés numériquement sont des données à caractère personnel
dont la collecte et l’exploitation nécessite une autorisation de la commission de
protection des données à caractère personnel.

b)- La nouvelle approche fondée sur le risque

Dans cette approche moderne le degré de la vigilance est modulé en fonction de


l’importance du Risque. Au risque faible va correspondre une vigilance allégée.
Les domaines à faibles risque sont d’abord personnels. Il s’agit des institutions
financières qui ont leur siège dans l’UMOA ou dans un pays de l’UEMOA ou
même dans un pays tiers qui applique des obligations préventives équivalentes.
Il en est ainsi également des sociétés cotées en bourse, des autorités publiques et

22
Christian Ousmane CISS, DPA
des organismes publics. Il s’agit également des opérations qui portent sur des
monnaies électroniques, des contrats d’assurances etc.…

Comment alléger la vigilance? Au niveau de l’identification l’allégement


consiste à la retarder jadis, placé avant la formation de la relation d’affaires
l’identification sera maintenant effectuée qu’au moment de sa formation parfois
même postérieurement après le premier acte d’exécution. En tout état de cause
l’allégement disparait lorsqu’apparait un soupçon de blanchiment d’argent. Au
risque élevé va correspondre une vigilance renforcée. Le risque de blanchiment
est élevé dans les opérations à distance parce que la partie cliente n’étant pas sur
place à fin de permettre l’identification. Il est également élevé le risque pour les
personnes politiquement exposées et les opérations anonymes. Le renforcement
de la vigilance consiste à aggraver l’intensité des obligations d’identification et
d’examen particulier. L’identification a lieu avant toute opération d’affaire.
L’examen particulier est anticipé pour se placer au même moment que
l’identification.

2. L’obligation de déclaration de soupçon

Le professionnel assujetti n’a qu’une vision limitée de l’infraction mais il peut


avoir des soupçons d’illicéité de blanchiment de capitaux. Il doit dans ce cas les
déclarer à la Cellule National de Traitement des Infractions Financières
(CENTIF). Aux termes de l’art. 26 de la loi uniforme relative au blanchiment de
capitaux, l’obligation déclaration de soupçon porte sur les sommes d’argent
détenues par les assujettis qui pourraient provenir du blanchiment de capitaux,
sur les opérations relatives aux biens qui pourraient s’inscrire dans ce processus.
La déclaration de soupçon concerne également les sommes d’argent qui
pourraient servir de financer le terrorisme. Le soupçon est une doute conforté et
insusceptible de clarification malgré un examen particulier. La déclaration de
soupçon a lieu avant l’exécution de l’opération. Il arrive exceptionnellement que
la déclaration se passe après l’exécution de l’opération. Il en est ainsi lorsque le
23
Christian Ousmane CISS, DPA
soupçon apparait après l’exécution ou lorsqu’il a été impossible de surseoir à
l’opération. La déclaration doit être faite par tout moyen laissant trace écrite
exceptionnellement elle peut être faite oralement, par téléphone en cas
d’urgence. Dans ce cas, une confirmation écrite sur papier ou électronique devra
être faite dans un délai de 48 heures. La CENTIF dispose d’un droit
d’opposition le déclarant de soupçon doit patienter pendant 48 heures qui
correspondent au délai laissé au service financier pour procéder à l’opposition.

B. Le champ personnel de l’assujettissement

Il sera question de déterminer les différentes professions soumises au dispositif


préventif matériel de lutte contre le blanchiment de capitaux. Il est distingué
entre assujetti du secteur financier et assujetti du secteur non financier.

1. L’assujettissement du secteur financier

Les organismes financiers ont été les premiers à être assujettis à la prévention
contre le blanchiment de capitaux. Cette préséance est justifiée par leur
vulnérabilité et leur place essentielle dans l’économie d’un pays. Il faut donc les
protéger de la mauvaise réputation et de l’instabilité. Le secteur financier est
composé des banques et des structures non bancaires. Les structures non
bancaires recouvrent notamment le secteur des assurances, des changes
manuelles, des transferts d’argent etc.….

2. L’assujettissement du secteur non financier

Les assujettis qui composent ce secteur sont nombreux. Il s’agit des organismes
caritatifs à travers l’assujettissement des ONG et des organismes à but non
lucratif. Il y a également le secteur de l’immobilier, les agences de voyages les
établissements de jeux (casino, loterie). Mais l’accent sera mis sur
l’assujettissement des professions des chiffres et du droit.

24
Christian Ousmane CISS, DPA
- L’assujettissement des professions des chiffres : le commissaire au
compte

Les professions de chiffres sont composées principalement des experts


comptables. Mais la loi uniforme ne vise que les commissaires aux comptes. Ces
derniers qui sont d’abord des experts comptables ont pour mission de certifier la
régularité et la sincérité des états financiers et des documents comptables dans
les sociétés. Le commissaire est tenu d’une obligation classique de déclarer au
Procureur de la République tout fait susceptible de constituer une infraction. Il
est tenu également dans le cadre spécifique de la lutte contre le blanchiment et
de financement de terrorisme de déclarer les soupçons à la CENTIF. La loi
uniforme dispose qu’une autre déclaration ne saurait empêcher une déclaration
de soupçon.

- L’assujettissement des professions juridiques indépendantes

Il s’agit de l’assujettissement des avocats, des notaires, des huissiers de justice,


des commissaires-priseurs, des mandataires judiciaires etc.… Si les autres ont
docilement accepté l’assujettissement les avocats l’ont fortement contesté. Le
fait est que les avocats sont régulièrement consultés par les blanchisseurs qui les
considère comme des ouvreurs de porte capables par des techniques juridiques
de masquer l’origine illicite des fonds. Les avocats voient dans leur
assujettissement une violation de leurs droits fondamentaux notamment du
secret professionnel, de l’indépendance et de garder le silence qui est un droit de
ne pas s’auto incriminer. Ils ont à cet effet saisi le juge qui a maintenu leur
assujettissement mais partiellement. Par conséquent, les avocats sont soumis à
déclaration indirecte de soupçon de blanchiment de capitaux. Ils ne saisissent
pas directement la CENTIF car la déclaration est faite d’abord au niveau du
bâtonnat. C’est au bâtonnier de juger de l’opportunité de saisir la CENTIF. En
outre, un pont entier de leurs activités reste en dehors de l’assujettissement : la
consultation juridique et la défense y sont également exclues.
25
Christian Ousmane CISS, DPA
II. La Répression du blanchiment de capitaux

Il convient de distinguer la répression de la violation du dispositif préventif de


celle de l’infraction pénale proprement dite.

A. La Répression de la violation du dispositif préventif

Le principe est que les sanctions résultant d’une mauvaise application par les
professionnels des règles préventives sont disciplinaires. Les sanctions civiles et
pénales étant exclues.

1. Le principe de la répression disciplinaire du dispositif préventif

Aux termes de l’article 35 de la loi uniforme contre le blanchiment de capitaux.


Lorsque par suite soit d’un grave défaut de vigilance soit d’une carence dans
l’organisation de ces procédures internes de contrôle un assujetti méconnait les
obligations préventives l’autorité ayant pouvoir disciplinaire peut agir d’office
dans les conditions prévues par des textes. Le fondement de cette disposition est
dans le sens déontologique des obligations préventives. Or une règle
déontologique ne peut connaitre qu’une sanction interne à la profession. C’est la
sanction disciplinaire. Les éléments du manquement disciplinaire sont composés
d’un aspect préalable et d’une véritable violation de l’une des obligations
préventives. L’élément préalable est constitué d’une alternative il s’agit soit
d’un grave défaut de vigilance soit d’une carence dans l’organisation interne qui
vulnérabilise la profession l’exposant ainsi à tous les actes de blanchiment de
capitaux. En outre, le professionnel doit violer une des obligations préventives
spécifiques au dispositif anti blanchiment. Les sanctions disciplinaires sont
prononcées par une autorité disciplinaire interne. Dans les professions
organisées, il s’agit notamment pour les professions financières de la
commission bancaire. Dans les professions organisées en ordre, il s’agit de
l’autorité ordinale par exemple bâtonnier chez les avocats. Mais certaines

26
Christian Ousmane CISS, DPA
professions ne sont pas structurées il s’agit notamment du secteur immobilier,
caritatif et de jeux.

2. Le Rejet des sanctions civiles et pénales

Le rejet se manifeste par une exemption de toute responsabilité civile et pénale


du professionnel assujetti qui n’a pas procédé à la déclaration de soupçon. En
l’absence de déclaration de soupçon le risque est l’exécution de l’opération alors
que finalement elle va s’avérer constituer l’infraction. Pour l’obligation de
vigilance, la cour de cassation française a décidé que l’obligation de vigilance
imposée aux professions n’a pour seule finalité que la détection du blanchiment
de capitaux. Par conséquent, une victime d’agissement frauduleuse ne saurait
s’en prévaloir pour réclamer des dommages et indemnités au professionnel qui
par le non-respect du dispositif préventif lui a causé un préjudice23. Pour la
déclaration de soupçon c’est la loi elle-même qui exempte les professionnels
assujettis des conséquences pénales et civiles susceptibles de résulter de
l’accomplissement de la déclaration de soupçon. Ainsi, lorsqu’elle est faite de
bonne foi elle exonère l’assujetti de toute responsabilité civile article 23 alinéa 1
,2 de la loi uniforme contre le blanchiment de capitaux ; contre le financement
de terrorisme. Sur le plan pénal, l’inexécution même fautive de la déclaration de
soupçon n’est pas constitutive d’une infraction pénale sauf en cas de
concertation frauduleuse. Quelques infractions pénales spéciales sont tout de
même prévues notamment en cas de divulgation d’une déclaration de soupçon
effectuée contre un client. Il est donc interdit à l’assujetti déclarant un soupçon
d’informer le client qu’une déclaration a été faite en son encontre. Dans ce cas la
sanction est un emprisonnement de 06 mois à 2 ans et / ou une amende de
100.000 à 1.500.000.

B. La répression de l’infraction de Blanchiment de capitaux

23
Cass. Com. 28 Avril 2004 crédit lyonnais contre SAS, RTD. Com 2004 obs. michel A. p. 577.

27
Christian Ousmane CISS, DPA
Avant de s’appesantir sur les différentes sanctions. Il convient au préalable de
déterminer l’étendue de l’incrimination.

1. L’incrimination du blanchiment de capitaux

- L’élément préalable : l’infraction d’origine

A l’instar du recel le blanchiment de capitaux est une infraction d’origine de


nature criminelle ou délictuelle ayant procuré des produits des biens ou des
fonds illicites. Comme pour le recel toujours les modalités touchant à la
répression de l’infraction d’origine sont indifférentes à celles de l’infraction
principale du blanchiment de capitaux. Cependant depuis 2004 le juge a
consacré la notion l’auto blanchiment. Il a décidé que le blanchiment existe à
l’égard de l’auteur de blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même
commise24.

- L’élément matériel

Il est constitué des techniques de blanchiment de capitaux. Il s’agit du placement


qui consiste à injecter dans le secteur formel des fonds acquis illicitement. Il y a
ensuite la dissimulation qui consiste à différentes opérations à brouiller les pistes
afin de cacher l’origine illicite des fonds. La dernière étape est constituée par la
conversion ou intégration. Dans cette étape, l’argent est injecté dans le secteur
formel parce qu’il est apparu maintenant licite. Il revient au blanchisseur lavé de
toute illégalité.

- L’élément intentionnel

24
Crim. 14 janv. RSC 2004 P.350 obs. Hottenoff.

28
Christian Ousmane CISS, DPA
Le blanchiment de capitaux est une infraction intentionnelle. Il consiste
intentionnellement à accomplir les faits interdits de blanchiment, à avoir la
conscience de rechercher le résultat de l’infraction ou la connaissance de
l’origine illicite des fonds et malgré tout à accomplir l’opération interdite.

2. Les sanctions applicables

Il convient de distinguer les peines principales des peines complémentaires.

a. Les peines principales

Elles diffèrent selon que le blanchiment est simple ou aggravé.

- Le blanchiment simple

A ce niveau, les peines applicables aux personnes physiques constituent une


règle classique. La nouveauté est de vouloir sanctionner pénalement les
personnes morales. Pour les personnes physiques la peine est un
emprisonnement de 3 à 7 ans et d’une amende égale au triple de la valeur des
biens ou fonds objet du blanchiment.

Pour les personnes morales, la fictivité empiété tout emprisonnement. Outre


l’Etat, les personnes morales pour le compte desquelles un blanchiment de
capitaux est commis par l’un de ses organes ou représentants sont passibles
d’une amende d’un taux égal au quintuple des sanctions encourues par les
personnes physiques cela ne préjudicie pas les sanctions applicables aux
personnes physiques qui ont agi.

- Le blanchiment aggravé

29
Christian Ousmane CISS, DPA
Les circonstances aggravantes sont l’habitude, l’utilisation des facilités
professionnelles, des bandes organisées et la récidive. Dans ce cas, les peines
sont doublées.

Toutefois le délit ou le crime constituant l’infraction d’origine et qui a produit


ou procurer les fonds objet du blanchiment d’argent peut être puni d’une peine
privative de liberté d’une durée supérieure à celle encourue pour l’infraction de
blanchiment de capitaux proprement dit. Dans ce cas l’infraction de blanchiment
de capitaux est punie de la peine de cette infraction d’origine plus sévère même
lorsqu’elle est accompagnée de circonstances aggravantes. La peine appliquée à
l’infraction aggravée est appliquée. C’est le sens de l’article 115 al. 2 de la loi
uniforme unifiée de 2018.

b. Les peines complémentaires

Ils sont prévues et applicables pour des raisons de suretés. Il y a des peines
complémentaires facultatives et les peines complémentaires obligatoires.

- Les peines complémentaires facultatives

Pour les personnes physiques, il s’agit principalement de peines d’interdiction. Il


y a d’abord l’interdiction du territoire définitive pour une durée d’un an à 5ans
des étrangers. L’interdiction porte en outre sur le séjour dans une circonscription
administrative pour une durée de 1 à 5 ans. Elle est aussi une interdiction de
quitter le territoire national avec le retrait de passeport pour une durée de 6 mois
à 3 ans. L’interdiction peut également être faite de conduire des engins terrestres
maritimes ou aériens pour une durée de 6 mois à 6 ans etc.…

Pour les personnes morales, les peines complémentaires facultatives sont


l’exclusion définitive ou de 5 ans au plus des marchés publics. Il y a le
placement sous surveillance judiciaire. L’interdiction d’activité professionnelle

30
Christian Ousmane CISS, DPA
dans les domaines où l’infraction a été commise, de la dissolution de la personne
morale créée que pour commettre le blanchiment de capitaux.

- La peine complémentaire obligatoire: la confiscation

Aux termes de l’art. 45 de la loi uniforme relative contre le blanchiment une


peine complémentaire de confiscation au profit du trésor public doit toujours
être prononcée. Elle porte sur les produits de l’infraction, sur les biens meubles
ou immeubles dans lesquels les fonds ont été investis ou acquis par ces fonds
sauf ignorance de leurs origines frauduleuses.

3. L’exemption de la sanction pénale

La lutte contre le blanchiment de capitaux utilise un système classique de


coopération que constitue le mécanisme des repentis. Selon l’importance de leur
collaboration leur exemption sera totale ou partielle.

- L’exemption totale

Les bénéficiaires sont les personnes concernées de participation à une


association ou une entente de blanchiment de capitaux. Sont ainsi exemptées de
la responsabilité pénale les personnes qui ont révélé l’existence d’une entente,
association, aide conseil à l’autorité judiciaire et qui ont permis d’identifier les
personnes en cause et d’éviter la réalisation de l’opération. Elles bénéficient
d’une exemption totale de toute responsabilité pénale.

- L’exemption partielle

Les auteurs ou complices de blanchiment de capitaux qui avant toute poursuite


permet ou facilite l’identification des autres coupables ou qui après
l’engagement permettent ou facilitent l’arrestation de celles-ci verront leur
31
Christian Ousmane CISS, DPA
sanction réduite en moitié. En outre, elles se verront pas appliquer l’amende ni
une peine complémentaire.

32
Christian Ousmane CISS, DPA

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