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UNIVERSITE MOHAMMED V RABAT

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET


SOCIALES-SOUISSI

La lutte contre le blanchiment des


capitaux dans le secteur financier

Module : droit pénale des affaires

Elaboré par : Encadré par :


AHBALI Malak PR. OUAZZANI CHAHDI Loubna
IDRISSI BOURHIM Kenza

Année universitaire: 2022/2023

1
« La loi punit désormais sévèrement le
blanchiment d'argent sale : c'est la première
fois qu'une démarche visant à la propreté
constitue un délit. » Philippe Bouvard .

Introduction :
Le blanchiment d’argent est le processus qui consiste à dissimuler la
nature et la source de l’argent ou d’autres biens liés à une activité
criminelle, comme le trafic de stupéfiants, le terrorisme, la corruption
ou les pots-de-vin, en intégrant l’argent ou les biens illicites dans le flux
commercial afin qu’il semble légitime ou que leur véritable source ou
propriétaire ne puisse être identifié. Les personnes impliquées dans
l’activité criminelle tentent de dissimuler le produit de leurs crimes ou
de les faire paraître légitimes en les « blanchissant » par le biais
d’entreprises légitimes. De même, le terrorisme peut être financé par
des fonds légitimes, parfois appelés « noircissement d’argent » parce
qu’une entreprise légitime est utilisée pour financer une activité
criminelle.
Dans ce cadre la personne ayant commis une infraction pénale
essaie dans un premier temps de faire en sorte que ses méfaits passent
inaperçus aux yeux de l’administration fiscale, de la police et/ou des
autorités répressives. À supposer que l’intéressé soit arrêté ou imposé
sur les produits du crime, il tentera d’éviter que la procédure pénale
établisse l’origine desdits produits et aboutisse à leur confiscation.
Cela représente une menace directe pour la stabilité politique,
économique et financière des États, en ce qu’elle peut remettre en

2
cause l’état de droit, la croissance durable, la solidité des banques, la
capacité à attirer les investissements étrangers ou encore l’allocation
équitable des ressources.
On outre l'expression « blanchiment d'argent » a été utilisée pour la
première fois dans le cadre juridique en 1982 lors d'une affaire
intéressant les États-Unis et impliquant la confiscation de fonds
provenant de la cocaïne colombienne. Il est important de souligner que
le terme « blanchiment » l'a emporté sur « blanchissage » après une
longue lutte sémantique. Le processus de blanchiment d’argent se fait
généralement en trois étapes, en phases séparées ou distinctes, qui
peuvent comprendre de nombreuses transactions :
-La première étape est le placement de fonds dans l’économie. C’est un
moyen par 2 lequel les produits matériels provenant d’activités illégales
sont physiquement écoulés sur le marché.
-La deuxième étape est la superposition consiste à séparer les produits
illicites de leurs sources en créant des couches complexes d’opérations
financières conçues pour dissimuler la piste de vérification et assurer
l’anonymat.
- La troisième étape est la réintégration consiste à tenter de rendre le
produit des activités illégales tout à fait légitime.
A travers ces étapes : le délinquant recherche les ressources
suivantes : la fiabilité, par le recours au système bancaire à la fin du
processus, la rapidité, en privilégiant les circuits les plus courts
possibles, la discrétion, en choisissant les pays d'accueil des opérations
aux législations favorables. Les conséquences du blanchiment d'argent
sont très néfastes aussi bien sur le plan économique que social.
Économiquement, elles constituent une menace immédiate pour les
institutions financières et pourraient représenter une menace grave

3
pour l'ensemble de l'infrastructure financière internationale. Le
système financier reposant sur la confiance, il suffirait que cet élément
soit miné pour engendrer l'effondrement et la faillite de tout le système
économique. Socialement, Il permet à des organisations criminelles de
consolider leur pouvoir économique en pénétrant dans l'économie
légitime. Lorsque les blanchisseurs investissent dans l'économie
légitime, il est manifesté qu'ils essaieront de dominer ce marché et de
porter leurs profits au maximum.
La convention de Vienne du 20 décembre 1988, votée par les
Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes, porte à la fois sur la production et la vente de
stupéfiants, sur la confiscation des avoirs des trafiquants et leur
extradition. Elle complète la convention unique sur les stupéfiants du
30 mars 1961 et la convention sur les substances psychotropes du 21
février 1971.
Et pour définir le concept blanchiment : Selon le dictionnaire le Petit
Robert," le blanchiment est une opération qui consiste à donner une
existence légale à des fonds dont l'origine est frauduleuse ou illicite.
Dans d'autres dictionnaires, tel que le Petit Larousse, le blanchiment est
désigné comme l'action de faire disparaître toute preuve de ses
origines irrégulières ou frauduleuses ».
En outre d’après L'article 222-38 du nouveau Code Pénal Français
définit le blanchiment comme « le fait, par tout moyens frauduleux, de
faciliter la justification mensongère de l'origine des ressources ou des
biens de l'auteur de l'une des infractions de trafic établies aux articles
222-34 à 222-37 ou d'apporter sciemment son concours à toutes
opérations de placement, de dissimulation, de conversion du produit
d'une telle infraction. »

4
La lutte contre le blanchiment des capitaux au niveau du marché
des capitaux marocain est régie par les textes législatifs et les textes
d’application suivants :
• Loi N° 43.05 relative au blanchiment des capitaux telle que modifiée
et complétée qui prévoit les mesures qui doivent être observées par les
personnes assujetties dans le cadre de la LBC/FT1 notamment : les
obligations de vigilance et de veille interne, la déclaration à l’UTRF
d’opérations suspectes, l’exécution des décisions d’opposition de
l’UTRF ainsi que le gel des avoirs ;
• Loi N° 12.18 modifiant et complétant le code pénal et la loi 43.05
relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, et approuvée en
unanimité le 20 Avril 2021 en conseil du gouvernement.
Le Maroc, a vite adopté cette nouvelle loi en raison de ses
engagements internationaux, et pour lui éviter la liste grise ou noire du
groupe d’action financière (GAFI16).
• Code pénal notamment les articles 218-4, 218-4-1 et 218-4-2 portant
définition et répression des actes constituant l’infraction du
financement du terrorisme et les articles 574-1 à 574-7 pour la
définition de l’infraction du blanchiment des capitaux et les peines
prévues à cet égard ;
• Code de la procédure pénale notamment les articles 595-1 à 595-5
relatifs aux dispositions spécifiques au financement du terrorisme ;
• Circulaire de l’autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) N°
01/18 du 08 Mars 2018, relative aux obligations de vigilance et de veille
interne incombant aux organismes et personnes soumis au contrôle de
l’autorité marocaine du marché des capitaux ;

1
15 LBC/FT : Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

5
• Décision n°D.4/11 de l’UTRF2 relative à la déclaration de soupçon et à
la communication d’informations à l’Unité ;
• Décision n°D.6/13 de l’UTRF relative au gel des biens pour infraction
de terrorisme
Le blanchiment d’argent se caractérise par le fait qu’il est un crime de
conséquence c’est à dire que c’est une infraction issue d’une infraction
primaire, et transnationale qui ne concerne pas seulement les
frontières, mais utilise également les frontières pour brouiller la
trajectoire des activités financières continues dans le monde, puis c’est
une criminalité organisée car c’est une opération complexe et les
auteurs de cette infraction sont de grandes structures.
La loi 43-05 à un volet préventif et un autre répressif ,alors on pose la
problématique suivante : Quels sont les mesures prises par la loi pour la
prévention et la répression de cette infraction ?
Pour répondre à cette question on va subdivisez le sujet en deux
parties :
Dans une première partie : Le volet préventif du blanchiment d’argent,
et dans une deuxième partie la répression du blanchiment d’argent.

2
UTRF : Unité de traitement du renseignement financier

6
Plan

Partie I : Le volet préventif du blanchiment de


capitaux
Chapitre 1 : Les attributions de l’autorité
nationale
Chapitre 2 : Les personnes assujettis et leurs
obligations

Partie II : Le volet répressif du blanchiment de


capitaux

Chapitre 1 : Etude d’infraction

Chapitre 2 : Sanctions à l’encontre des


blanchisseurs , les personnes assujetties et la
compétence juridictionnelle

7
Partie I : Le volet préventif du blanchiment de
capitaux
Chapitre 1 : Les attributions de l’autorité nationale
Le décret organisant l’Autorité nationale de renseignement financier
(ANRF) a été publié au Bulletin officiel du 30 septembre, en application
des dispositions de la loi 12.18 relative à la lutte contre le blanchiment
d’argent et le financement du terrorisme.
L’ANRF est "une nouvelle entité qui remplace, de manière définitive,
l'Unité de traitement du renseignement financier (UTRF). Il ne s'agit pas
d'un simple changement de dénomination", nous précise une source
bien informée au sein de l'ANRF.
"Conscient de son rôle central dans le dispositif national de lutte contre
le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (...) le
législateur marocain a, via la loi 12-18, créé l'ANRF et l'a dotée du statut
d'instance nationale, en lui conférant de larges pouvoirs conformément
aux exigences des normes internationales", poursuit la même source.
L’objectif étant de parfaire l’arsenal juridique et institutionnel du
Royaume en la matière, afin de s’aligner avec les recommandations
d’institutions internationales.
En effet, selon la même source, "la création de l'ANRF vient en
interaction avec les observations soulevées par les experts du Groupe
d'action financier pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord
(GAFIMOAN), dans le cadre de l'évaluation mutuelle, dont le rapport a
été publié en avril 2019 (...). Elle répond également au souci
d'accompagner la tendance internationale, selon laquelle les unités de
renseignement financier jouent un rôle de plus en plus important en
8
tant que centre national d'information financière dans les pays et en
tant que coordonnateur national en matière de lutte contre le
blanchiment d'argent et le financement du terrorisme".
Outre les missions octroyées à l'UTRF, l'Autorité nationale du
renseignement financier a été dotée de nouvelles attributions, tant
stratégiques qu'opérationnelles.
La nouvelle législation "confère à l'ANRF le rôle de coordonnateur
national du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme, ainsi que de l'évaluation nationale des
risques", nous explique-t-on.3
A noter que "l'approche basée sur le risque demeure la colonne
vertébrale des recommandations du GAFI", précise la même source.
En effet, outre les attributions qui consistent à recueillir les
renseignements financiers sur les infractions de blanchiment d’argent
et de financement du terrorisme, l’ANRF est également chargée de les
analyser et de les transmettre aux autorités judiciaires et
administratives compétentes, soit à la demande de celles-ci, soit de sa
propre initiative.
L’Autorité nationale doit également veiller au respect des dispositions
légales en matière de blanchiment d’argent et de financement du
terrorisme, par les personnes assujetties. Elle doit leur adresser des
recommandations ou orientations générales, dont la bonne application
sera examinée par leurs autorités de contrôle.
A noter qu'en vertu de l'article 13-1 de la loi 12-18, "l'ANRF est
désignée en tant qu'autorité de contrôle et de supervision pour les
secteurs qui ne disposent pas d'autorité de contrôle définie par la loi en

3
HENNANI, R. (2016). L’évolution des Accords de Bâle : d’une approche microprudentielle à un cadre
macroprudentiel. L'Actualité économique, 92(3), 595–617. https://doi.org/10.7202/1040003a

9
matière de lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme",
souligne la même source.
L'Autorité nationale du renseignement financier doit également publier
des guides explicatifs, tout en assurant une coordination nationale
entre les secteurs ministériels, les administrations, les institutions
publiques, ainsi que les personnes morales soumises au droit public ou
privé en matière de lutte anti-blanchiment et financement du
terrorisme.
Les membres du conseil seront chargés d’approuver la feuille de route
stratégique de l’Autorité, d’étudier les mesures nécessaires pour
adapter le dispositif national aux normes internationales, et d’examiner
les rapports d’évaluation mutuelle du Maroc, ainsi que les rapports de
suivi, à la lumière desquels il faudra proposer les mesures adéquates à
mettre en place.
Le Royaume, qui a lancé le chantier visant l'amélioration de sa
législation anti-blanchiment d'argent et financement du terrorisme via
l'adoption de la loi 12.18, ne devrait plus tarder à récolter les fruits de
ses efforts. Et ce, notamment grâce aux récents décrets d'application
dont les publications au Bulletin officiel s'enchaînent.
Outre le décret organisant l’ANRF, il convient de citer celui, publié au
Bulletin officiel du 23 septembre 2021. Il fixe les modalités et la tenue
du registre public pour contrer le blanchiment de capitaux.
Ce registre devra accueillir, centraliser et stocker les informations
concernant les personnes morales exerçant des activités
commerciales dans le Royaume, ainsi que leurs bénéficiaires
effectifs qui sont soumis à la déclaration obligatoire.

10
Un autre décret, publié au Bulletin officiel du 20 septembre, détermine,
quant à lui, les circonscriptions des juridictions spécialisées en matière
d’infractions de blanchiment d’argent.
Le texte, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, est venu étendre la
compétence judiciaire en la matière à trois nouvelles juridictions du
Royaume, en plus du TPI de Rabat, permettant ainsi de rapprocher la
justice du citoyen et d’alléger la pression qui pèse sur le tribunal de
première instance de la capitale.
Chapitre 2 : Les personnes assujettis et leurs obligations
1-Les personnes assujettis :
Il ressort de l’article 2 de la loi 43.05 que, sont assujetties aux
dispositions de LBC les personnes physiques et les personnes morales
de droit public ou de droit privé, désignées ci-après :
• Bank Al-Maghrib;
• Les établissements de crédit et organismes assimilés;
• Les banques et les sociétés holding offshore;
• Les compagnies financières;
• Les sociétés d'intermédiation en matière de transfert de fonds;
• Les bureaux de change;
• Les entreprises d'assurances et de réassurances et les intermédiaires
en matière d'assurance et de réassurance;
• Les sociétés gestionnaires d'actifs financiers;
• Les sociétés de bourse;
• Les contrôleurs des comptes, comptables externes et conseillers
fiscaux;
11
• Les personnes membres d'une profession juridique indépendante,
lorsqu'elles participent, au nom de leur client et pour le compte de
celui-ci, à une transaction financière ou immobilière ou lorsqu'elles
assistent leur client dans la préparation ou l'exécution d'opérations
relatives à :
a) l'achat et la vente de biens immeubles ou entreprises commerciales ;
b) la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs appartenant au client
c) l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires, d'épargne ou de
titres ;
d) l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion
ou à l'exploitation de sociétés ou de structures similaires ;
e) la constitution, la gestion ou la direction de fiduciaires, de sociétés
ou de structures similaires ;
• Les personnes exploitant ou gérant des casinos ou des établissements
de jeux de hasard, y compris les casinos et établissements de jeux de
hasard sur internet ;
• Les agents et intermédiaires immobiliers, lorsqu’ils effectuent des
transactions pour leurs clients concernant l’achat ou la vente de biens
immobiliers ;
• Les négociants en pierres et métaux précieux lorsque l’opération est
effectuée en espèce et dont le montant est supérieur à 150.000 dhs,
ainsi que les personnes se livrant habituellement au commerce
d’antiquités et d’œuvres d’art ;
• Les prestataires de services intervenant dans la création,
l’organisation et la domiciliation des entreprises.
La loi n°12.18 a élargi la liste des personnes soumises à la loi anti-
blanchiment et au devoir de vigilance. Il s’agit notamment de la

12
Trésorerie générale du Royaume (TGR), des casinos à bord des navires
de plaisance, des conseillers en investissement financier, des experts
comptables, des avocats, des Adouls, des marchands de pierres
précieuses sur les transactions dépassant 100.000 dirhams en liquide
(au lieu de 150.000 dirhams). Les agents immobiliers sont également
tenus de déclarer toute suspicion relative aux transactions immobilière.
2-les obligations des personnes assujettis :
L’article 2 de la loi 43-05 cite une longue liste des personnes censées
intervenir dans la prévention de blanchiment de capitaux.4 Leur
nombre exact est de 15, éparpillées dans différents domaines d’activité.
On peut citer entre autre : la Bank Al Maghrib qui est l’autorité bancaire
supérieure du royaume, les établissements de crédit et organismes
assimilés, les entreprises d’assurances et de réassurances, les
personnes membres d’une profession libérale etc. Ces personnes,
constituent la première chaîne de la lutte contre le blanchiment de
capitaux et sont tenues de certaines obligations : obligation de
vigilance, de veille interne et faire une déclaration de soupçon en cas
suspicion ;
a)l’obligation de vigilance :
Avant d’entrer en relation d’affaires5 avec son client ou de l’assister, le
professionnel doit déterminer son identité, de même que celle du
bénéficiaire effectif. Le bénéficiaire effectif correspond à « la personne
physique qui contrôle, directement ou indirectement, le client » ou «
pour laquelle une transaction est exécutée ou une activité réalisée ».
Cela va de soit avec le principe d’affaires « Know your Customer6 ». En
réalité, le professionnel doit vérifier l’identité de chaque extrémité de

5
https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2011-1-page-43.htm?contenu=articl
6
« Connaitre son client »

13
la chaîne des opérations financières projetées. Suivant la même logique
de vigilance, les professionnels doivent recueillir les informations
relatives à l’objet et à la nature de la relation d’affaires. Tout élément
d’information pertinent sur le client doit être recueilli. Par ailleurs,
cette obligation de vigilance par la détention d’informations
transparentes sur le client et les opérations financières doit être
constante et permanente : tant que la relation d’affaires dure,
l’obligation de vigilance tenant au recueil d’informations sur le client et
toutes les opérations perdure (article 3 de la loi 43-05 sur LBC22). La loi
43-05 ne fait pas qu’étendre les obligations de vigilance dans le
contenu de l’information : ce nouveau dispositif impose également un
comportement de réaction que le professionnel est tenu de respecter
et d’accomplir si les informations recueillies sont insuffisantes. En effet,
c’est sur ce point que l’on réalise l’extension de l’action préventive : le
professionnel doit faire échec à l’opération projetée. Soit il fait échec à
l’entrée en relation d’affaires en amont en formulant le refus de
l’opération sollicitée parce que toutes les informations recueillies ne
présentent pas toutes les garanties de transparence. Dès lors, lorsqu’un
des professionnels assujettis n’est pas en mesure d’identifier son client
ou d’obtenir des informations sur l’objet et la nature de la relation
d’affaires, il n’exécute aucune opération, quelles qu’en soient les
modalités, et n’établit, ni ne poursuit aucune relation d’affaires. Soit le
professionnel rompt la relation d’affaires parce que l’exercice
permanent de son obligation de vigilance révèle un défaut de régularité
et de transparence sur les informations recueillies. Ainsi, lorsque le
professionnel n’a pas été en mesure d’obtenir les informations sur
l’objet et la nature de la relation d’affaires et que celle-ci a néanmoins
été établie, il doit y mettre un terme.
Toutefois, l’obligation de vigilance édictée par la loi comme un
impératif aux personnes assujetties, va en contradiction avec le droit à

14
la vie privée et les garanties contre toute ingérence ou immixtion dans
la vie privée du client. En étendant de cette manière les obligations de
vigilance7 jusqu’à l’objet et la nature des opérations, le principe de non-
ingérence est vidé de tout son sens. De plus, si l’on se réfère à la
pratique, les juges n’admettent pas le refus des opérations sur la base
du soupçon, ce qui renforce le paradoxe. Car ce sont les mêmes juges
qui admettent la caractérisation des infractions de blanchiment d’une
manière large, et qui n’admettent pas le refus des opérations
financières sur la base du soupçon. Cette attitude pour les personnes
assujetties de se comporter comme étant des vraies polices judiciaires,
a été condamnée par les juges.
« C’est pourquoi dans une affaire opposant la SA Optima Conseil à la
Société Axa Conseil Vie sur le paiement de deux contrats de
capitalisation au porteur. AXA Conseil Vie avait refusé de rembourser la
somme parce que la société SA Optima n’a pas respecter les
dispositions en vigueur et le risque de fraude fiscal était imminent. En
appliquant le dispositif préventif, le refus de l’opération était cohérent :
il s’agissait de faire la police bancaire. Or, c’est justement ce refus que
la cour de cassation condamne, la seule circonstance du défaut
d’information sur l’identité des clients par la société ne justifie pas un
tel refus d’opération. » Dans une autre affaire, une banque avait refusé
un virement parce que ses obligations de vigilance n’étaient pas
vérifiées. On était en présence d’un refus d’opération bancaire pour
non-conformité au principe de vigilance. Mais la Cour d’appel de Paris a
considéré que les dispositions relatives à la prévention du blanchiment
ne pouvaient prévoir et ne prévoyaient pas que l’établissement
bancaire puisse de sa propre initiative refuser l’opération.8

7
www.cairn.info
8
KEUFFI Daniel : « La régulation des marchés financiers dans l'espace OHADA », études africaines, édition
l’Harmattan, paris 2010

15
On pourrait se demander si ces nouvelles dispositions relatives à
l’élargissement du volet préventif de lutte contre le blanchiment ne
vident pas le principe de non-ingérence, celui du secret des affaires et
plus largement celui de la liberté de commerce de tout leur sens. Par
ailleurs, les mesures de refus d’ouverture de compte ou de non-
autorisation d’opération bancaire, portant atteinte aux libertés
individuelles, ne peuvent en principe relever des professionnels que
d’une manière circonscrite : la détection des soupçons pouvant
entraîner des sanctions pénales relève, en réalité, de l’autorité
judiciaire. On assiste donc à un glissement du rôle et des fonctions des
professionnels assujettis vers les prérogatives de police judiciaire. C’est
en ce sens que l’on doit comprendre le principe de non-ingérence des
banquiers parce que la qualité de l’autorité refusant un droit ne peut
pas être un établissement bancaire sur la base d’un soupçon fondé sur
l’incertitude, mais une autorité judiciaire dotée des moyens de
vérifications.
b) obligation de veille :
Les personnes assujetties doivent mettre en place un dispositif interne
de vigilance, de détection, de surveillance et de gestion des risques liés
au blanchiment de capitaux. À cet effet, ces personnes sont tenues de
respecter certaines mesures en cas de risque:
• centraliser les informations recueillies sur les opérations présentant
un caractère inhabituel ou complexe ;
• tenir leurs dirigeants régulièrement informés, par écrit, sur les
opérations effectuées par les clients présentant un profil de risque
élevé. Les personnes assujetties9 sont tenues de communiquer en cas
de demande les informations nécessaires aux autorités de supervision

9
Art 13 de la loi 43-05 sur la LBC

16
et de contrôle10 sans s’opposer en aucun cas pour motif de secret
professionnel.
c) obligation de faire une déclaration soupçon :
Les personnes assujetties sont tenues de faire une déclaration de
soupçon concernant toutes sommes, Operations, tentative ou
réalisation d’opération soupçonnées d’être liées à l’une ou plusieurs
infractions prévues aux articles 574- 1 et 574-2. Elles sont également
tenues de faire une déclaration de soupçon lorsque l’identité du
donneur d’ordre ou bénéficiaire est douteuse. La déclaration de
soupçon, doit être faite par écrit. Toutefois, en cas d'urgence, elle peut
être faite verbalement, sous réserve de confirmation par écrit. Pour
qu’elles puissent exercer ses missions dans les meilleures conditions et
dans le strict respect de la loi, les personnes assujetties doivent
bénéficier de quelque protection qui les épargne de certains risques.

Partie II : Le volet répressif du blanchiment de


capitaux
Chapitre 1 : Etude d’infraction
La définition juridique du blanchiment ; tel qui a été avancé par le
législateur Marocain ; c’est une infraction de nature particulière parce
qu’ il est directement lié à l’exécution d’une infraction préalable dite
infraction principale.
A -Les éléments constitutifs de l’infraction :

10
L’autorité gouvernementale chargée de la justice; - Bank Al-Maghrib; - L’autorité chargée du contrôle des
assurances et de la prévoyance sociale; - l’autorité chargée du contrôle des marchés de capitaux; - l’Office des
changes;

17
L’élément intentionnel :
L'imposition de la volonté aux contrevenants est aujourd'hui le pilier de
toute politique pénale moderne.
En droit marocain, il est important de préciser le caractère volontaire
du délit de blanchiment d'argent qui émerge du tissu des dispositions
incriminant ce délit.
L'intention criminelle est un élément nécessaire mais clairement
insuffisant pour décrire le délit de blanchiment d'argent, facteurs
matériels qui méritent une attention particulière11.
L’élément materiel :
La convention de Vienne qualifie l'opération de blanchiment de la
conversion ou le transfert de biens dans le but de dissimiler l'origine et
la nature de la propriété de ces biens. Le législateur marocain a inspiré
cette définition pour forcer les processus qui constituent une forme de
base de blanchiment d'argent. En outre, il semble que les documents
qui représentent l’importance du blanchiment d’argent sont
généralement aidés à faire une fausse représentation des
marchandises. En d'autres termes, le législateur marocain consacre
deux types de documents à l'infraction, qui est une notion stricte et
large. En effet, l'article 574-1 définit le blanchiment d'argent comme la
pratique consistant à fournir une aide à la garde, à l'investissement, à la
dissimulation, à la conversion ou au produit d'un crime. Le législateur
vise ici à sanctionner l'activité d'ingénierie financière qui permet de
dissimuler l'origine des produits contrefaits. L'article 574-1 du code
pénal met en évidence une conception différente du blanchiment
d'argent. Selon cet article, cette infraction est définie comme le fait qui
facilite, par quelque moyen que ce soit, la justification de l'origine des
11
Hafid EZZAIDI, «moyens et mécanismes de lutte contre le blanchiment de capitaux» ; édition DAR ESSALAM,
Rabat, 2009

18
biens ou produits de l'auteur l'une des infractions citées dans l'article
574-2. Cette approche consiste à faciliter la fausse justification de
l'origine des marchandises, ce qui signifie travailler au profit de
l'infraction pour réduire la difficulté. Ainsi, la loi marocaine intègre les
éléments de base du concept juridique du blanchiment d'argent dans
les instruments internationaux, à savoir dans le but de dissimuler
l'origine frauduleuse des fonds12.

Chapitre 2 : Sanctions à l’encontre des Blanchisseurs et


les personnes assujetties et la compétence
juridictionnelle :
 A - Les sanctions à l’encontre des blanchisseurs :

1 : L’infraction de Blanchiment
L’article 574-12 du code pénal dispose – Constituent un blanchiment de
capitaux, les actes ci-après, lorsqu’ils sont commis intentionnellement
et en connaissance de cause: « – le fait d’acquérir, de détenir ou
d’utiliser des biens « ou leurs produits dans l’intérêt de l’auteur ou
d’autrui, « sachant qu’ils sont le produit de l’une des infractions «
prévues à l’article 574-2 ci-dessous ; « – le fait de convertir, de
transférer ou de transporter « des biens ou leurs produits dans l’intérêt
de l’auteur « ou d’autrui sachant qu’ils sont les produits de l’une « des
infractions prévues à l’article 574-2 ci-dessous ; « – le fait de dissimuler
ou de déguiser la nature véritable, « l’origine, l’emplacement, la
disposition, le mouvement « ou la propriété des biens ou des droits y
relatifs dans « l’intérêt de l’auteur ou d’autrui, sachant qu’ils sont les «
produits de l’une des infractions prévues à l’article 574-2 « ci dessous ;
12
L’article 574-3 du code pénal marocain

19
« – le fait d’aider toute personne impliquée dans la « commission l'une
des infractions prévues à l'article 574-2 ci-dessous à échapper aux
conséquences juridiques de ses actes »
Les actes de blanchiment de capitaux sont applicables aux
infractions prévues par l’article 574-2 qui dispose « le trafic
illicite de stupéfiants et de substances psychotropes le trafic
d'êtres humains ; le trafic d'immigrants; le trafic illicite d'armes
et de munitions; la contrebande ; les infractions de terrorisme;
la contrefaçon ou la falsification des monnaies ou effets de
crédit public ou d'autres moyens de paiement;
2 : Les sanctions envisagées
Le législateur marocain fait une distinction entre l’auteur
personne physique et l’auteur personne morale selon l’article
574-3 «pour les personnes physiques, d'un emprisonnement de
deux à cinq ans et d'une amende de 50.000 à 500.000 dirhams;
pour les personnes morales, d'une amende de 500.000 à
3.000.000 de dirhams, sans préjudice des peines qui pourraient
être prononcées à l'encontre de leurs dirigeants et agents
impliqués dans les infractions. »

 Les sanctions à l’encontre des personnes assujetties :


1-Les personnes assujetties :
Les personnes assujetties doivent veiller aux respects des
impositions et des obligations qui leurs sont impliqués par le

20
code pénal et plus précisément par la loi 43.05, article 2 de la
présente loi définit et énumère les différents personnes
assujetties qui sont soumis à travers l’article à une série des
obligations( l’obligation de vigilance et veille interne,
déclaration de soupçon) le cas échéant, la loi prévoit à
l’encontre des personnes assujetties qui ne veillent pas aux
leurs obligations, des peines pécuniaires.
2 : la sanction envisagée
Le législateur marocain a instauré pour les personnes
assujetties une mesure de répression différente de celle des
blanchisseurs, avancé par l’article 28 de la loi 43 .05 qui dispose
« Sans préjudice des sanctions pénales plus graves et des
sanctions prévues par les législations qui leur sont appliquées,
les personnes assujetties et, le cas échéant, leurs dirigeants et
agents, qui manquent à leurs obligations prévues aux articles 3,
4, et suivant du présent chapitre, peuvent être condamnées à
une sanction pécuniaire allant de 20.000 à 1.000.000 de
dirhams qui leur est infligée par l'organe sous le contrôle
duquel elles sont placées et selon la procédure qui leur est pour
manquement à leurs devoirs ou aux règles et à la déontologie
professionnelles. Lorsque la personne assujettie n'a pas
d'autorité de supervision et de contrôle, la sanction pécuniaire
est prononcée par l'Unité… »
B- La compétence juridictionnelle
1 -La compétence :
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Dès que les renseignements sont recueillis par l’unité de
traitement et de renseignement financier, et que ce dernier
constate que l’infraction de blanchiment de capitaux est
constituée et comme la loi 43.05 dispose plus précisément son
article 18 qui prévoit « Dès que les renseignements recueillis
par l’Unité mettent en évidence des faits susceptibles de
constituer une infraction de blanchiment de capitaux ou de
financement du terrorisme, celle-ci en réfère au ministère
public près le tribunal de première instance compétent ou à la
Cour « d’appel de Rabat, pour prendre les mesures appropriées
prévues par la loi, et en précisant, le cas échéant, les
administrations, les établissements publics.

2 -Le volet procédurale


 La phase d’enquête :
Article 19 de la loi 12.18 a élargie les attributions de
ministère public dans la phase d’enquête l’article sur
mentionné au-dessus dispose que « Le ministère public
près le tribunal de première instance compétent, ou la
Cour d’appel de Rabat peut ordonner au cours de la phase
d’enquête …une seule fois, ce qui suit, le gel des biens, ou
la désignation d’une institution ou d'un organisme privé
aux fins d'assurer temporairement la garde ou le contrôle
des biens. Le contrôle des biens. Le ministère public près le
tribunal de première instance compétent ou la Cour
d’appel de Rabat peut, à titre exceptionnel, ordonner par
22
écrit, en cas d’extrême urgence, la prorogation du délai
visé au premier alinéa ci-dessus, pour une période
n’excédant pas un mois, si les nécessités « de l’enquête
l’exigent, par crainte de la disparition des moyen de
preuve ou de la disposition des biens. Le ministère public
compétent doit aviser immédiatement le Président du
tribunal de première instance de Rabat ou le premier
président de la Cour d’appel de Rabat de l’ordonnance
qu’il a rendue ; Le Procureur du Roi près le tribunal de
première instance compétent, le procureur général près la
Cour d’appel de Rabat ou le Juge d’instruction peuvent
également ordonner la saisie des biens appartenant à des
personnes physiques ou morales suspectées d'être
impliquées avec des personnes, des organisations ou
activités en rapport avec les infractions de blanchiment de
capitaux, même si celles-ci ne sont pas commises sur le
territoire du Royaume .

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Conclusion :
Force est de constater le grand effort déployé par le Maroc
dans la lutte contre le blanchiment des capitaux. De tels efforts
qui avaient le mérite de faire retirer le Maroc de la liste des
pays dont les institutions judiciaires représentent un grand
risque et doivent être surveillées. Néanmoins, le système anti-
blanchiment marocain demeure très récent. C'est ce qui
explique en grande partie, l'existence d'un grand nombre de
problèmes qui, s'ils ne sont pas traités rapidement, risquent de
fragiliser le système et d'atténuer la portée des efforts
entrepris par les autorités marocaines. Sous leur apparence
strictes et exhaustives, les lois et les réglementations en
vigueur sont en réalité incapables de réduire la délinquance
financière, notamment, le blanchiment d'argent et la
corruption dans les sphères politiques. Par ailleurs, la
collaboration limitée de tous les assujettis est un obstacle
majeur. Seules les banques et les établissements financiers
déclarent leur soupçons à la l'unité de traitement du
renseignement financier. De ce fait une formation et une
assistance technique en matière de mesures anti-blanchiment
doivent être fournies, une surveillance particulière doit être
faite et des sanctions sévères doivent être appliquées dans le
cas du non-respect des obligations de vigilance et de
déclaration.

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Bibliographie

Ouvrages :
-HafidEzzaidi « Moyens et mécanismes de lutte contre le blanchiment de
capitaux », Dar Assalam, Edition 2009
- Khalid Ennashi criminalité numérique en droit marocain /imprimrie onna
edition 2020 laibrerie arrachad/settat .
- Capdeville jérôme lasserre : « la lutte contre le blanchiment d’argent »,
édition l’harmattan, paris, 2006

Thèses et mémoire :
-These fin d’etudes ; Le blanchiment des capitaux Université Hassan II, Ain
chok
- Djazira Mehdi, les instruments de lute contre le blanchiment d’argent en
algérie, Thèse de Doctorat en droit , Université Nice Sophia Antipolis .
- Tafsir Hane, "L'intelligence économique au service de la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme", Thèse de Doctorat,
Université de Strasbourg, 2015, P 15.

Les Textes de loi :


- Dahir n° 1-07-79 du 28 rabii 1 1428 (17 avril 2007) portant promulgation de
la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux

-La Loi n° 12-18 modifiant et complétant la loi n° 43-05.


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- Code penal marocain

Webographie :
- https://www.fatf-gafi.org/fr/foireauxquestionsfaq/blanchimentdecapitaux/#d.fr.11223

- https://electrodes.files.wordpress.com/2012/10/blanchiment_dargent_wikipedia.pdf
- https://www.medias24.com/2019/11/20/blanchiment-dargent-forte-hausse-des declarations
de soupçon
- https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/01/16/31/Fight-AgainstMoney-
Laundering-the-Financing-of-Terrorist.

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