Vous êtes sur la page 1sur 4

Chapitre II 

: La pénalisation de l’abus de faiblesse :


L’analyse de l’infraction dite abus de faiblesse dépasse le point de vue strictement
juridique : la morale et la psychologie s’y mêlent nous invitant à réfléchir aux notions
de consentement et de soumission, de liberté et de dignité.

Revenant à la notion du mot « consentement » ce dernier peut être explicite, qui il


soit écrit ou exprimé verbalement devant témoin, comme il arrive également qu’ il
soit forcé par la violence ou la menace, dont la plupart des abuseurs utilisent le
terme « il/elle était consent(e) » lorsqu’ une personne laisse faire ou est tenté de
croire qu’elle consent à ce qui est proposé mais est-ce si sûr ?

Là où se situe la difficulté pour le juge, d’évaluer la valeur d’un oui ou non.

Par ailleurs, toute personne devrait savoir à quoi elle consent et mesure les
conséquences ou bien les risques qui en découlent. Cela implique un acte réfléchi et
intentionnel, distincte donc d’une passion ou d’un désire éphémère. C’est ainsi que
la loi impose un délai de réflexion pour des actes aussi important pour éviter toute
sensation émotionnelle soudaine qui pourra engendrer par la suite un regret. 1

Primitivement, le délit d’abus de faiblesse a été conçu comme une infraction contre
les biens, et sanctionné par le code de la consommation. Il tendait à réprimer le
consentement imposé par des méthodes de vente abusives visant des personnes
vulnérables, en abusant de leur situation de faiblesse ou d’ignorance : âge avancé,
état de santé fragile, etc.

Section 1 : Les éléments constitutifs de l’abus de faiblesse :

Le délit d'abus de faiblesse suppose chez son auteur l'intention de commettre un


délit, c'est-à-dire :

 La conscience de la faiblesse ou de l'ignorance de la victime ;


 Et la volonté d'exploiter cette situation.

Il suffit que l'acte obtenu de la victime soit de nature à lui causer un préjudice pour
être condamnable, même s'il n'y a pas un résultat.

On entamera dans ce chapitre la pénalisation de cette infraction frauduleuse dite


abus de faiblesse, dont on va démontrée les différents éléments constitutifs de cette
dernière (section 1), ainsi que sa répression (section 2).

1
Marie-France HIRIGAYEN, Abus de faiblesse et autres manipulation, Ed-Jean-Claude LATTES. 1ere éd,
mars 2012. pp.51.54
A – L’élément légal :
L’élément légal de l’abus de faiblesse, relève du principe de légalité des délits et des
peines que l’on appelle aussi le principe de légalité criminelle 2. D’une part c’est le
fait, que l’infraction soit prévue par la loi, et d’autre part, que cette dernière
comporte certaines qualités, à défaut desquelles les poursuites peuvent ne pas
aboutir, que sont : la clarté, la précision, l’accessibilité, la prévisibilité et
l’intelligibilité.

Parlant du droit comparé , précisément l’article 223-15-2 du code pénal français ainsi
que l’article L 122- 8 du code de la consommation puni de trois ans
d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état
d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne
dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une
déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou
connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou
physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques
propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un
acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.3

Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement
qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou
d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces
activités, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros
d'amende.

Quant au Maroc la notion d’abus de faiblesse ou d’ignorance est apparue avec le


Dahir formant code des obligations et des contrats du 12 août 1913 qui, en vertu de
l’article 878, sanctionnait déjà celui qui, abusant des besoins, de la faiblesse d’esprit
ou de l’inexpérience d’une autre personne, se fait promettre, pour consentir un prêt
ou le renouveler à l’échéance, des intérêts ou autres avantages qui excèdent
notablement le taux normal de l’intérêt et la valeur du service rendu.

La même notion est reprise par le code pénal, notamment l’article 552 qui
sanctionne l’abus des besoins, des passions ou de l’inexpérience d’un mineur pour
lui faire souscrire à son préjudice, des obligations, décharges ou autres actes
engageant son patrimoine. Dont c’est la première fois dans l’histoire marocaine que
le législateur consacre avec la loi 31/08 un principe général de sanction de
l’exploitation de la faiblesse ou de l’ignorance du consommateur Le législateur n’a
cependant pas précisé les conditions d’application de ce principe, laissant un large
pouvoir d’appréciation aux tribunaux.

2
8 Thibault Campagne "L’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse" Le
Petit Juriste 1 juillet 2017
3
Avi Bitton LE DÉLIT PÉNAL D’ABUS DE FAIBLESSE. Village de la Justice 11 avril 2019.
B– L’élément matériel :
Le délit d’abus de faiblesse vise d’une part trois situations de vulnérabilité de la
victime :

 La minorité
 La vulnérabilité résultant de l’âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une
déficience physique ou psychique ou encore d’un état de grossesse  ;
 Le fait d’être en état de sujétion psychologique ou physique résultant
de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres
à altérer son jugement : cette situation a été intégrée dans le Code
pénal afin de réprimer les mouvements sectaires.

Il revient aussi à la victime d’établir la réalité de sa vulnérabilité, exploitée par


une tierce personne.

Pour ce faire, la victime peut produire au soutien de sa plainte pénale les


éléments de preuve suivants : des certificats médicaux (médecin-traitant,
psychologue, psychiatre, etc.), des attestations de témoins (proches, amis,
voisins, etc.) ou encore les jugements du Juge des tutelles ayant prononcé une
mesure de protection (curatelle ou tutelle).

Les Juges du fond ne peuvent pas présumer la situation d’ignorance ou de


faiblesse de la victime du seul fait de l’âge avancé ou de la maladie grave de
cette dernière. D’autre part, il est indispensable que l’état d’ignorance ou de
faiblesse de la victime ait réellement altéré son jugement.

Dans ces conditions, la victime ne doit pas avoir pu déceler les


manœuvres/stratèges utilisés par l’auteur des faits.

Enfin, le délit d’abus de faiblesse nécessite l’existence d’un préjudice grave,


dont ce dernier doit conduire la victime mineure ou majeure à accomplir un
acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. A ce propos la
Jurisprudence a indiqué que l’acte auquel a été conduite la personne
vulnérable, au sens de l’article 223-15-3 du Code pénal, peut être tant
matériel que juridique. Par ailleurs, il n’est pas exigé que le dommage se soit
effectivement réalisé.

C– L’élément moral :
En vertu de l’art. 121-3 du Code pénal, l’infraction est intentionnelle.
L’agent doit d’abord avoir eu connaissance de l’état d’ignorance ou de la situation
de la victime.
L’abus de faiblesse est une infraction intentionnelle, de sorte que les Juges du
fond doivent caractériser expressément cet élément.
L’élément intentionnel suppose que soit établis la volonté de l’infracteur de
commettre des abus frauduleux ainsi que sa connaissance de l’état
d’ignorance ou de la situation de faiblesse de la victime.

En effet, les situations de minorité et de vulnérabilité résultant de l’âge, d’une


maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou encore
d’un état de grossesse doivent être apparentes ou connues de l’auteur des
faits.

Dans l’hypothèse où la victime présentait une particulière vulnérabilité, le


texte allège la charge de la preuve en imposant qu’une telle vulnérabilité ait été
sinon connue de l’auteur, du moins « apparente ». De la même façon, l’infracteur
doit avoir exercer des pressions graves ou réitérées ou alors des techniques
propres à altérer le jugement de la personne en état de sujétion
psychologique ou physique.

Vous aimerez peut-être aussi