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Notes des cours de l’étudiant en droit

Dépôt légal
DY 3.02206-57315
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Andy MALOBA
Gradué en droit

Notes des cours de l’étudiant en droit


Le droit constitutionnel, le droit administratif, le droit judiciaire, le droit
international public, le droit pénal général, la procédure pénale, le droit pénal
spécial, le droit des personnes, le droit des biens, le droit des obligations, la procédure
civile

Avant-propos d’Alexandre-Chancel FUNGA LUFE MOTEMA


Avocat au barreau près la cour d’appel de Kinshasa/Matete

L’Etudiant en Droit
Kinshasa, 2022

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ÉPIGRAPHE

« Loin d’épuiser une matière, on n’en doit prendre que la fleur ».

Jean DE LA FONTAINE, in Elite des bons mots, et des pensées choisies,


Jaques Desbordes éd., 1710, p. 408.

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DÉDICACE

A l’étudiant en Droit,
Pour que l’apprentissage de la Science ne soit jamais une corvée, mais un réel
moment de plaisir ; parce que « le temps passé à la lecture n’est jamais du temps
perdu ».

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REMERCIEMENTS
Mes remerciements s’adressent spécialement à Alexandre-Chancel
FUNGA LUFE MOTEMA, notre maitre, pour la semence plantée et
les soins portés continuellement à la plante de la recherche scientifique.
Ils s’adressent aussi à la Cassation Toge Noire, particulièrement aux
présidents Sylvain KAMANDA, Médard DJUMA MUPOY, Gaëtan
SHONGO LOKAMBA ; aux directeurs des techniques Etienne
KIAMBILI LESAMBO, David SEFU KAMANDJI ; aux secrétaires
généraux Célestin MBWAMULUNGU KIPOY, Andy TSHIMPAKA
MULENDA ; au Café Juridique, particulièrement au président Félicien
ILUNGA KAZADI, pour avoir mis le feu à la mèche du goût de la
science du droit.
Le travail n’aurait certainement pas pu être réalisé sans l’aide
principale à la documentation que m’ont porté mes frères Jordan-
Emmanuel MOKONZI BOSAKA, Martin FUNGA SONGE LIBEA
et Grâce BIKUKA MENGA.
Toute ma gratitude s’adresse à Olivier BOGOLI BOKELAKELA
et à Pepe LISUKA BOLOY, sans lesquels le rêve n’aurait pas pris
chaire ; et aux professeurs Jean-Marie MUTAMBA MAKOMBO,
MULUMBA KANYUKA, José-Marie TASOKI MANZELE, Jean-
Michel KUMBI ki-NGIMBI, Yvon MINGASHANG et Vincent
KANGULUMBA MBAMBI, dont l’intérêt et le soutien portés à notre
travail ont été très encourageants.
Une reconnaissance particulière à tous les amis qui ont contribué à
la finalisation de ce projet en glissant leur billet dans ma caisse ;
l’attention et la considération que vous avez portés à ce projet m’ont
profondément touché.
J’aimerais également exprimer ici mes remerciements à mes frères,
Tony, Joël, Kelly et King, pour les mégabytes volés ou les chargeurs
subtilisés ; vous avez permis, par votre patience, la réalisation d’un projet
dont l’enjeu dépasse de loin votre entendement.
Je me dois, par ailleurs, de remercier mademoiselle Merphie META
MULOMBO, dont l’oreille prêtée à mes discours m’a certainement évité
la crise de nerfs.
Je ne pourrais enfin clore ce propos, sans exprimer une
reconnaissance particulière à mes parents, Richard MBULA BOLAMBA
et Julie MBU LUBO, que je ne remercierai jamais assez, pour le rôle
indispensable qu’ils jouent dans ma vie en général, et mon cursus
académique en particulier.

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AVANT-PROPOS
Je m’acquitte d’un agréable devoir, celui de procéder à la
présentation des Notes des cours de l’étudiant en droit, lesquelles notes ont
été préparées par l’étudiant Andy MALOBA de la Faculté de Droit de
l’Université de Kinshasa, à la particulière attention de ses camarades
fréquentant le même campus, et plus généralement à l’attention de ceux
inscrits dans d’autres Facultés de Droit à travers le Pays.
Œuvre d’un étudiant exemplaire et soucieux de rendre plus fluide
l’apprentissage de la science du droit, ce travail réunit, en un seul volume,
les grandes lignes des fondamentaux de l’enseignement du droit
conformément au programme officiel à ce jour d’application en
République démocratique du Congo. Suivant une méthodologie
accessible à toutes et à tous, il subdivise ses notes en deux parties dont
une première consacrée aux matières relavant du droit public, et une
deuxième essentiellement consacrée à celles relevant du droit privé,
selon la distinction classique tirée de la summa divisio.
Dans la première, abordant l’enseignement du droit public dans sa
généralité, il expose succinctement sur le droit constitutionnel, le droit
administratif, le droit international public, ainsi que le droit pénal. Le
lecteur saura reconnaître, dans les lignes des notes présentées par Andy,
l’essentiel du contenu des cours dispensés par les grandes figures de
l’école du droit public congolais à l’instar des professeurs Félix
VUNDUAWE te PEMAKO, Jacques DJOLI ESENG’EKELI,
Dieudonné KALUBA DIBWA et, notamment, Jean-Marie MBOKO
DJ’ANDIMA.
Dans une seconde partie consacrée aux généralités de
l’enseignement du droit privé, se servant du savoir privatiste notamment
diffusé par le Doyen KALONGO MBIKAYI, les professeurs Vincent
KANGULUMBA MBAMBI et Jean-Pierre KIFWABALA
TEKILAZAYA , il expose essentiellement des notes se rapportant au
droit civil et à la procédure civile que certains membres de la doctrine –
à l’instar du Bâtonnier MATADI NENGA GAMANDA – préfèrent
plutôt designer sous l’appellation de « droit judiciaire privé »1. S’agissant
des enseignements du « droit civil », discipline à plusieurs objets

1 MATADI NENGA GAMANDA., Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve,


Academia-Bruylant, coll. « Bibliothèque de droit africain », 2006. En doctrine du
droit français, voir, notamment : CADIET L., et JEULAND E., Droit judiciaire
privé, 11e éd, Paris, LexisNexis, coll. « Manuel », 2020.

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couvrant plusieurs domaines de la connaissance, il aborde les aspects liés


aux personnes, à la famille, aux biens et aux obligations.
Les notes des cours compilées par Andy MALOBA constituent
une farde documentaire importante pour l’apprentissage des étudiants
de premier niveau en droit qui y trouveront des informations basiques
et nécessaires pour leur formation initiale en droit. Il ne me restera plus
qu’à lui formuler mes encouragements pour la suite de sa formation qui,
au stade actuel, prédit un meilleur avenir d’universitaire ; il faudra
cependant un encadrement de qualité.

Alexandre-Chancel FUNGA LUFE MOTEMA


Avocat au barreau près la cour d’appel de Kinshasa/Matete

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PRÉSENTATION ET OBSERVATIONS
MÉTHODOLOGIQUES
1. Présentation du travail

Le présent travail intitulé « Notes des cours de l'étudiant en droit » est


une compilation des principales matières étudiées dans un graduat de
Droit. Il contient, en deux parties consacrées respectivement au droit
public et au droit privé, les notions relatives aux matières ci-après : 1. droit
constitutionnel, 2. droit administratif, 3. droit judiciare, 4. droit international public,
droit pénal (5. droit pénal général, 6. procédure pénale, 7. droit pénal spécial) pour
le droit public ; et droit civil (8. les personnes, 9. les biens, 10. les obligations),
11. procédure civile pour le droit privé.
Les développements relatifs à ces matières ne sont, sauf rares
exceptions, dotées d'aucune individualité. Ce ne sont que des résumés des
cours, tels qu'ils sont enseignés par la doctrine, aux fins de facilitation de
l'apprentissage d'une matière nouvelle, et éventuellement,
d'approfondissement de notions déjà acquises. Toutes les idées exposées
dans le travail sont référenciées en infrapaginales.

2. Observations méthodologiques

La méthode de recherche utilisée dans ce travail est essentiellement


exégétique. Elle consiste en la présentation des règles de droit qui régissent
les notions étudiées, telles qu'elles tirent leur soubassement des sources
de droit. La loi — entendue au sens large — est donc la principale source
de ce travail.
Toutefois, la jurisprudence joue un rôle très important. Elle est
d'abord, supplétive. Elle permet de combler le vide lorsqu'une matière
n'est pas régie par la loi. Elle est ensuite, et surtout, interprétative, car elle
permet de donner le sens des normes juridiques de portée générale, par
leur application à des cas concrets.
Mais la doctrine fait certainement le plus grand travail. Elle explique
la loi, elle illustre ses cas d'application et facilite la compréhension.
Un intérêt particulier est voué à la méthode comparative. En effet,
compte tenu de la très forte proximité du droit congolais au droit
français, de la ressemblance des règles des deux ordres juridiques, de
l'état de développement de celui-ci par rapport à celui-là, le recours à la
doctrine française est principalement utilisé. Elle permet d'expliquer,

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d'illustrer et de comprendre certaines règles juridiques communes. La


jurisprudence française est également très utilisée. Elle a ici une valeur
illustrative. Elle permet d'illustrer les cas d'application des règles de droit
pas les juridictions. Toutefois, le recours au droit comparé s'est fait,
toujours, sous réserve des différences existantes entre les règles des deux
ordres juridiques. Par ailleurs, le choix de la doctrine et de la
jurisprudence françaises s'explique par l'accessibilité de la
documentation, ou disons plus honnêtement, sa gratuité.
Nous tenons d'emblée à signaler le caractère très incomplet du travail
(et nous profitons pour nous en excuser). Incomplet d'abord, parce
qu'un travail scientifique en droit ne peut jamais être complet. Mais
incomplet surtout, parce que certaines notions importantes n'ont pas été
abordées, soit qu'elles n'ont même pas été mentionnées, soit qu'elles ont
été mentionnées, mais marquées « contenu indisponible ». Plusieurs
facteurs — certes injustifiés — peuvent expliquer cet état des choses :
soit le manque d'informations suffisantes pour traiter de la question, soit
le manque de temps, soit encore de motivation (admettons-le, ce n'est
pas toujours amusant !). Néanmoins, au cours des prochaines éditions
— et déjà dès la suivante —, ces incorrections seront corrigées. Le travail
est incomplet également, parce que la recherche n'a pas été davantage
approfondie. Elle ne s'est limitée qu'à quelques ouvrages principaux sur
les matières traitées. Elle n'a pas exploité des articles, des travaux de fin
de cycle, des mémoires ou des thèses.
Poursuivons notre propre reproche, par la nécessité d'avouer,
quelques parts, notre malhonnêteté scientifique. En effet, les décisions de
justice citées en infrapaginales ne sont pas référenciées. Cette inconduite
méthodologique est liée au fait que, nous étions encore à nos tout
premiers jours dans la recherche scientifique, et après avoir un petit peu
grandi et compris la bourde, il était pragmatiquement très compliqué de
rattraper tout le retard.
Il y a lieu d'admettre ensuite la multitude de fautes de grammaire, de
syntaxe et d'orthographe contenues dans le travail, qui, en droit, peuvent être
déterminantes dans la compréhension correcte ou erronée d'une matière.
Nous nous en excusons sincèrement. Afin de ne pas tomber dans
l'erreur, le lecteur est prié, lorsqu'il a le moindre doute, à se référer à la
doctrine éminente en la matière.
Ainsi, pour toutes ces raisons, ajoutées au niveau scientifique de
l'auteur — un gradué en droit —, il est vivement déconseillé de citer ce travail
dans une œuvre de recherche, ou de s'y référer exclusivement pour préparer ses examens.
Il n'est pas du tout approprié à cet effet. Il est plus souhaitable de se

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référer directement à la doctrine citée en infrapaginale, et (pour préparer


ses examens), aux publications de son professeur.
Pour toutes ces raisons, également, la présente édition n'est qu'une
édition d'essai. Une édition d'essai, qui ne deviendra une première édition
qu'après avoir intégré les différentes corrections qui nous seront
parvenues de nos camarades étudiants.
Après cette présentation du travail, et après avoir reconnu tous ses
vices, nous appelons tous les étudiants lecteurs à participer au travail, en nous
faisant parvenir des corrections, des approfondissements et tous autres
développements utiles à l'amélioration du travail.

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PRINCIPAUX SIGLES, ABREVIATIONS, ET


ACCRONYMES
A.C.J.C. : Annuaire Congolais de Justice Constitutionnelle
A.I.J.C. : Annuaire International de Justice Constitutionnelle
Al. : Alinéa
Alii. : Autres
Art. : Articles
Buk. : Bukavu
C. : Contre
C.A. : Cour d’appel
C.A.A. : Cour administrative d’appel
C.C. fr. : Conseil constitutionnel de France
C.C. : Cour constitutionnelle
C.C.C. : Cahiers du Conseil Constitutionnel
C.E. fr. : Conseil d’Etat de France
C.E. fr., ass. : Conseil d’Etat de France en assemblée plénière
C.E.D.H. : Cour européenne des droits de l’homme
C.G. : Conseil de guerre
C.I.J. : Cour internationale de justice
C.P.J.I. : Cour permanente de justice internationale
C.S.J. : Cour suprême de justice
Cass. b. : Cour de cassation de Belgique
Cass. fr. Civ. 2e : Deuxième chambre civile de la Cour de cassation de
France
Cass. fr. : Cour de cassation de France
Cass. fr., ass. plén. : Cour de cassation de France en assemblée plénière
Cass. fr., Civ. 1re : Première chambre civile de la Cour de cassation de
France
Cass. fr., Civ. 3e : Troisième chambre civile de la Cour de cassation de
France
Cass. fr., Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation de
France
Cass. fr., Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation de France
Cass. fr., Req. : Chambre des requêtes de la Cour de cassation de France
Cass. fr., Soc. : Chambre du travail de la Cour de cassation de France
Cfr : Confère
Comm., Bruxelles : Tribunal du commerce de Bruxelles
Cons. Sup. : Conseil supérieur

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Coq. : Coquilhatville
Cost. : Costermansville
Décis. : Décision
Dir. : Sous la direction de
E.U.A. : Editions Universitaires Africaines
Ed. : Edition
Élis. : Elisabethville
Eq. : Equateur
ex. : Exemple
H.C.M. : Haute cour militaire
Ibidem. : Même auteur, même endroit
Idem. : Même auteur
Ie Inst. : Première instance
Jadot. : Jadotville
Kin. : Kinshasa
Kis. : Kisangani
L.G.D.J. : La Grande Librairie du Droit et de la Jurisprudence
L’shi. : Lubumbashi
Léo. : Léopoldville
loc. cit. : Article précité
N.C.C.C. : Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel
N° : Numéro
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
Op. cit. : Ouvrage cité
Ord : Ordonnance
P. : Page
P.F.D.U.C. : Publications des Facultés de Droit des Universités du
Congo
P.U.A.M. : Presses Universitaires d’Aix-Marseille
P.U.C. : Presses Universitaires du Congo
P.U.F. : Presses Universitaires Françaises
P.U.L. : Presses Universitaires de Lubumbashi
Pp : Pages
Pp. : Parquet
R. Const. : Rôle constitutionnel
R.A. : Rôle administratif
R.C. : Rôle civil
R.C.A. : Rôle civil en appel
R.F.D.C. : Revue Française de Droit constitutionnel

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R.F.S.P. : Revue Française de Sciences Politiques


R.I.D.C. : Revue Internationale de Droit Comparé
R.I.E.J. : Revue Interdisciplinaire d’Etudes Juridiques
R.P. : Rôle pénal
R.P.A. : Rôle pénal en appel
R.T.A. : Rôle du travail en appel
R.-U. : Ruanda-Urundi
Rec. : Recueil des arrêts de la Cour Internationale de Justice
S. : Suivantes
S.T.C. : Sentence du Tribunal Constitutionnel
Stan. : Stanleyville
T. Com. : Tribunal commercial
T. corr. : Tribunal correctionnel
T. : Tome
T. pol. : Tribunal de police
T.A. : Tribunal administratif
T.C. esp. : Tribunal constitutionnel espagnol
T.C. fr. : Tribunal des conflits de France
T.F.U.E. : Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne
T.G.I. : Tribunal de grande instance
T.M.G. : Tribunal militaire de garnison
T.S.R. : Toutes sections réunies
Trib. District : Tribunal de district
TRIPAIX : Tribunal de paix
UNIKIN : Université de Kinshasa
Vol. : Volume
Voy. : Voyez

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PLAN SOMMAIRE

1. Le droit constitutionnel ............................................................................ 3


2. Le droit administratif ............................................................................ 295
3. Le droit judiciaire .................................................................................. 443
4. Le droit international public ................................................................ 549
5. Le droit pénal général ........................................................................... 663
6. La procédure pénale ............................................................................. 761
7. Le droit pénal spécial ............................................................................ 871
8. Le droit des personnes ......................................................................... 983
9. Le droit des biens ................................................................................ 1057
10. Le droit des obligations .................................................................... 1221
11. La procédure civile............................................................................ 1493

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PARTIE 1
LE DROIT PUBLIC
Le droit public est défini comme la branche du droit qui étudie les
règles relatives aux rapports entre l'État et les particuliers et entre les personnes
publiques elles-mêmes1.
Seront étudiés ici, les droits constitutionnel, administratif, judiciare,
international public et pénal.

1 Cette définition ne prend pas en compte le droit international public.

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1. Le droit constitutionnel
Le droit constitutionnel est la branche du droit public qui étudie la
production normative au sein de l’Etat, les institutions régies par ces normes et les
libertés qu’elles protègent1. En clair, le droit constitutionnel étudie la
Constitution. La Constitution est un ensemble de règles relatives à
l’exercice du pouvoir et à la protection des droits et libertés
fondamentaux. Sur le plan de la normativité juridique, la Constitution
est la norme de production des normes générales et abstraites. C’est la
norme de régulation de l’ordre juridique. Elle trône au-dessus de l’ordre
juridique, et les autres normes sont produites conformément à elle. La
Constitution donne donc naissance à l’Etat, entendu comme ordre
juridique.
Par ailleurs, la Constitution est la consécration matérielle de la
philosophie du constitutionnalisme. C’est par elle que se cristallise l’idée
de séparation des pouvoirs et de garantie des droits fondamentaux.
Ainsi, elle contient les règles relatives à l’organisation, au
fonctionnement et à la transmission du pouvoir, d’une part, et à celles

1 P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, Paris, PUF, 4e éd., p.


4.

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relatives à la garantie des droits et libertés fondamentaux, d’autre part.


La Constitution permet ainsi de « saisir la politique par le droit ».

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TITRE 1
LA CONSTITUTION ET L’ORDRE
JURIDIQUE
La Constitution est la norme suprême de l’ordre juridique.

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SOUS-TITRE 1
LA CONSTITUTION
Le droit civil définit le contrat comme un accord de volontés entre
deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou
éteindre des obligations1. C'est sur un modèle similaire que les
théoriciens du contrat social2 conçoivent la naissance de l'État sur un
modèle similaire, quoi qu'avec quelques nuances au niveau des clauses.
Considérées comme être à la base du libéralisme3, seules les théories du
contrat social lockienne et rousseauéenne remporteront nos suffrages
dans le cadre de ce travail. La théorie du contrat social hobbsienne
considérée comme être à la base de l'absolutisme4, il n'en sera question
ici qu'avec beaucoup de réserve.
L'État a donc pour origine un contrat conclu entre les hommes lors
du passage de l'état de nature où la vie n'est réglée par aucune loi à la
société civile organisant les relations individuelles et les règles régissant
celles-ci5. La société légitime et juste est formée par une convention par
la volonté unanime des individus libres et égaux. L'État est la résultante
d'un accord conclu entre gouvernants et gouvernés dans lequel ces
derniers, libres et souverains, transfèrent leur souveraineté à ceux-là, en
échange d'obtenir d'eux la sécurité, le bonheur le plus complet et la
garantie des droits et de la liberté6. Le peuple, souverain, ne renonce pas
à cette souveraineté qu'il peut reprendre aux gouvernants quand ces
derniers n'accomplissent pas correctement leur devoir7. Par ces faits, les
buts du pouvoir ainsi formé sont la sécurité, la paix, le bonheur de tous8.

1 Art. 1101, Code civil français.


2 Sur le résumé de ces théories, Voy. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel,
Dalloz, Paris, 2019, p. 46 ; D. CHAGNOLLAUD, Droit constitutionnel contemporain
Tome 1 : théorie générale, Armand Colin, Paris, 2003, p. 6 ; P. ARDANT, Institutions
politiques et droit constitutionnel, LGDJ, Paris, 2004, pp. 37-39 ; J. DJOLI, Droit
constitutionnel Tome 1 : principes fondamentaux, DJES, Kinshasa, 2018, p. 97 ; W.
MAKIASHI, Histoire du droit, des idées et faits politiques, économiques et sociaux, CDU
UNIKIN, Kinshasa, 2018, pp. 124-129 ; E. BONGELI, Sociologie politique,
L'Harmattan, Paris, 2020, p. 282.
3 En ce sens, J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1…, op. cit., p. 98.
4 Idem., p. 96.
5 D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 6.
6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 8.
7 Idem., p. 47.
8 P. ARDANT, op. cit., p. 38.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le corps de ce contrat politique, c'est la Constitution1. La Constitution est


la consécration juridique du contrat social. En tant qu'elle est la norme
fondamentale de l'État, elle fait l'objet d'une protection particulière.

Chapitre 1
Notion de Constitution
Après avoir défini la Constitution et présenté ses formes, nous
étudierons les principes qui président à son élaboration et à sa révision.

Section 1
Définition de la Constitution

Le mot « constitution » est formé à partir de la combinaison de


deux éléments latins "cum" et "statuere" ayant ensemble le sens de : ce
qui est établi, décidé, d'un accord, un pacte. Constitution exprime
d’abord le fait d’établir, de former.

Paragraphe 1
Définition traditionnelle

La Constitution : mot magique et caractéristique de l'État de droit


!2.
La Constitution est traditionnellement définie comme un texte
fondamental qui comprend les règles essentielles qui encadrent le pouvoir politique au
sein de l'État3. Il s'agit en clair d'un corpus des règles relatives aux modes de
désignation de gouvernants, à l'organisation et au fonctionnement du pouvoir
politique4.
La Constitution obéit à un rythme binaire : en ce qu'elle fixe, d'une part,
le mode de désignation des gouvernants et détermine, d'autre part, les droits et libertés

1 J.-L. ESAMBO, La Constitution congolaise du 18 février 2006 à l’épreuve du


constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, Academia-Bruylant, Louvain-
la-Neuve, 2010, p. 19.
2 J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, Droit constitutionnel, L.G.D.J., Paris, 2017-

2018, p. 228.
3 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 9.
4 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel en République démocratique du Congo.

Contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle,


Thèse, Université de Kinshasa, 2010, p. 12.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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des gouvernés1. La suprématie ou l'autorité matérielle de la Constitution est,


selon la doctrine, fondée sur l'importance du contenu des règles
constitutionnelles, organisation du pouvoir, consécration des droits et
libertés fondamentales du citoyen2.
La Constitution apparaît tantôt comme un outil d'organisation de
l'Etat mais aussi celui de limitation du pouvoir du monarque et de
garantie des libertés individuelles, tantôt comme un instrument de
garantie de droits fondamentaux et de limitation des pouvoirs par leur
séparation3. C'est un instrument de proclamation de l'autonomie et des
droits4.
La Constitution est la consécration en règle du constitutionnalisme, ce
mouvement philosophique visant à limiter l'arbitraire du pouvoir
monarchique par des règles écrites et la sauvegarde des libertés
individuelles5.
On dira, avec Philipe Ardant6, que Constitution a une triple
signification symbolique, philosophique et juridique. Symboliquement,
la Constitution apparaît comme l'acte fondateur de l'État, consacrant la
naissance et l'entrée d'un nouveau membre dans la communauté
internationale. Son symbole se manifeste aussi à l'occasion d'un
changement de régime. Elle est alors l'acte fondateur d'un régime.
Philosophiquement, se donner une Constitution, c'est admettre que le
pouvoir n'est pas illimité. L'idée de limitation du pouvoir est à l'origine
de l'élaboration des constitutions. On passe d'un pouvoir arbitraire à un
État de droit. Juridiquement, la Constitution est l'acte solennel
soumettant le pouvoir étatique à des règles limitant sa liberté pour le
choix des gouvernants, l'organisation et le fonctionnement des
institutions, ainsi que dans ses relations avec les citoyens7.

1 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 150 ; en ce sens aussi, B.
CHANTEBOUT, Droit constitutionnel, Armand Colin, Paris, 2004, p. 36 ; J.
GICQUEL, op. cit., pp. 171-173.
2 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel…, op. cit., p. 32.
3 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 12.
4 M.-A. COHENDET, Droit constitutionnel, L.G.D.J., Paris, 2017, p. 71.
5 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 150.
6 P. ARDANT, op. cit., pp. 59-63.
7 Voy. B. MATHIEU, « La constitution cadre et miroir des mutations de la

société », in R.F.D.C., vol. 4, n° 100, 2014, pp. 1011-1019.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Définition normativiste

La Constitution peut être définie au sens matériel et au sens formel1.

Point 1
La Constitution au sens matériel

Au sens matériel, en prenant en considération le contenu du texte,


on définit traditionnellement la Constitution comme un ensemble de
dispositions « organisant les pouvoirs publics, le fonctionnement des institutions et les
libertés des citoyens », certains ajoutent par ailleurs « l'organisation territoriale »
; d'autres l'introduisent plus simplement en affirmant qu'il s'agit des «
règles juridiques les plus importantes de l'État »2. La Constitution établit le
statut de l'État, fixant les règles et principes destinés à encadrer la
désignation des titulaires du pouvoir ainsi que son exercice3 . C'est un
ensemble de règles écrites ou non relatives à l'accession, à l'exercice et à
la dévolution du pouvoir politique, aux libertés et droits fondamentaux
des citoyens4.
Néanmoins, nous critiquerons avec Louis Favoreu5 ces définitions
de la Constitution. Elles ont certes le mérite de résumer les idées
communément admises au sujet de la Constitution et même d'évoquer
des données que l'on trouve en effet dans un grand nombre de
constitutions, mais elles n'en présentent pas moins un triple
inconvénient : elles sont « subjectives, circulaires et juridiquement
insaisissables », dit le Doyen6.
Elles demeurent subjectives parce que chaque lecteur peut
interpréter à sa convenance ce qu'il juge important ou, plus
généralement, inclus dans la liste des objets proposés. Elles sont
circulaires parce qu'elles renvoient à des concepts qui sont à leur tour
définis grâce à la notion de constitution (par exemple : « Les pouvoirs

1 Voy .M.-A. COHENDET, op. cit., p. 71 ; D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 17


; B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 22 ; J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit.,
p. 156 ; D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 14.
2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 83.
3 D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 17.
4 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 156.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 83-84.
6 Idem. p. 83.

10
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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publics sont les organes institués par la constitution »). Elles sont
juridiquement insaisissables parce que « pouvoirs publics », « institutions
» et même « libertés des citoyens » n'ont pas fait préalablement l'objet
d'une définition juridique précise ; ce sont des notions qui renvoient à
des intuitions vagues et subjectives.
L'idée qui guide ces définitions traditionnelles, c'est que la
Constitution présente un caractère fondamental et fondateur, que sans
elle, il n'y aurait pas de droit, qu'elle est en quelque sorte ce qui
conditionne le reste du système juridique. Il convient donc de traduire
cette intuition en prenant pour point de départ la théorie de la hiérarchie
des normes.
Tout ordre juridique étant nécessairement hiérarchisé, la constitution au
sens matériel du terme peut être définie comme « l'ensemble des normes de
production de normes générales et abstraites »1.
Il s’agit bien de normes, bien que ce ne soient pas des normes
concernant directement tel ou tel comportement humain2. Les normes
constitutionnelles sont celles qui déterminent les conditions de validité
des normes générales et abstraites. Ce sont des normes d’habilitation au
sens où elles autorisent la création d’autres normes. Elles ne sont pas
assorties en tant que telles de sanctions, mais ce n’est point là une
condition nécessaire de la normativité juridique. Ce qui importe, c’est
que sans elles des normes de sanction ne pourraient pas être produites
ou considérées comme valides3. L'essence d’une Constitution réside
avant toute chose dans la régulation du processus de création des
normes4. Après avoir posé le principe même de leur création, la
Constitution détermine comment les normes d’un ordre juridique donné
vont être créées, c’est-à-dire par quels organes et selon quelles
procédures les règles de droit seront créées ou produites5.
D’une manière générale, on appelle « norme », la signification d’une
phrase par laquelle on déclare que quelque chose doit être, par exemple qu’une
certaine conduite doit avoir lieu. La norme s’oppose ainsi à la
proposition, qui est la signification d’une phrase par laquelle on indique

1 Ibidem., p. 84 ; M.-A. COHENDET, op. cit., p. 72.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 84.
3 Idem.
4 Ibidem. p. 162.
5 Ibidem.

11
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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que quelque chose est1. Les normes ont pour fonction de rendre obligatoire,
interdit ou permis un certain comportement humain2.
En tant que tels, ils ne sont pas vérifonctionnels, car aucun procédé,
aussi sophistiqué soit-il ne permet de les vérifier ou de les falsifier. Les
énoncés à l'aide desquels nous formulons de telles exigences sont appelés
« prescriptifs »3. Plusieurs énoncés prescriptifs différents peuvent exprimer
la même obligation (« Que le Premier ministre parte dans la journée ! » ;
« Il faut que le Premier ministre démissionne avant demain ! » ; « Le
Premier ministre est obligé de présenter sa démission au président de la
République dans un délai de vingt-quatre heures »). Cette même
signification de ces trois énoncés est ce que nous appellerons une « norme
». Elle doit donc toujours être distinguée de sa formulation (distinction
entre l'énoncé et la norme)4. Le texte n'est pas la norme, il ne fait que
formuler la norme. La norme, c'est le texte interprété. L'interprétation
est définie par Michel Troper comme étant « l’opération par laquelle on
attribue une signification à un texte »5.
Un ordre juridique est un ensemble de normes globalement efficaces et
sanctionnées6. L'efficacité est exigée à titre global. C'est-à-dire que, dans
leur ensemble, les normes du système devront être plutôt respectées que
non respectées. L'inclusion des sanctions dans la définition du droit ne
signifie nullement que celles-ci conditionnent l'efficacité du système ou
que toute obligation soit assortie d’une sanction répressive ou que le
droit soit conçu comme nécessairement répressif. N'est considéré
comme système juridique qu’un système qui contient, en dernier lieu,
des normes de sanction (données par conséquent distinctes de leur
éventuelle réalisation effective). Qu’elles aient un effet dissuasif ou non,
qu’elles soient la cause de l’efficacité du système ou que celle-ci réside
ailleurs n’a strictement aucune importance : un système très répressif
peut être fort peu efficace et un système très efficace peut être fort peu
répressif. Ce qui importe au regard d’une science des normes, c’est que
certains seulement parmi les systèmes normatifs globalement efficaces
comportent des normes de sanction, c’est-à-dire des normes rendant

1 F. HAMON et M. TROPER, Droit constitutionnel, LGDJ, Paris, 2014, p. 19.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 69.
3 Idem. ; F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 20.
4 Ibidem.
5 Cité par F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 58.
6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 70.

12
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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obligatoire, en dernier lieu, la réalisation d’un acte de violence physique


en réponse à la violation d’obligations imposées au départ1.
Ainsi que l'affirme Hans Kelsen, « l'ordre juridique n'est pas un système
de normes juridiques placées au même rang, mais un édifice à plusieurs étages
superposés, une pyramide ou une hiérarchie formée d'un certain nombre d'étages ou
couches de normes successives »2.
On trouve donc au sommet de la hiérarchie, la norme-mère ou
Grundnorm, celle qui commande tout le système juridique. Au-dessous
d'elle, se situent d'autres normes. A chaque degré, le nombre des normes s'accroît et
par là s'élargit la base de la pyramide3. Au sommet de la pyramide se trouve
la norme suprême, celle qui « fonde la validité de toutes les normes du système
sans que sa propre validité puisse se fonder sur une norme du système »4.
Un ordre juridique est un système de normes, dit Hans Kelsen5, «
une pluralité de normes constitue une unité, un système ou un ordre,
quand leur validité repose en dernière analyse sur une norme unique.
Cette norme fondamentale est la source commune de la validité de
toutes les normes appartenant au même ordre et elle en constitue l'unité.
L'appartenance d'une norme à un ordre déterminé résulte uniquement
de la possibilité de faire dépendre sa validité de la norme fondamentale
qui est à la base de cet ordre »6.
L'auteur renchérit en disant que « si la norme ne peut être ni vraie ni
fausse, on dit cependant qu’elle est valide. Dire d’une norme qu'elle est valide, signifie
qu’elle est en vigueur et qu’on doit se comporter conformément à ce qu’elle prescrit. Il
faut remarquer que la validité n’est pas une propriété de la norme
équivalant à la vérité de la proposition. Une proposition dépourvue de

1 Voy. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 70-71.


2 Cité par D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 32 ; Voy. B.
CHANTEBOUT, op. cit., pp. 536-538. Voy. E. MILLARD, « La hiérarchie des
normes : une critique sur un fondement empiriste », in P. BRUNET, E.
MILLARD et J. MERCIER, La fabrique de l’ordre juridique : les juristes et la hiérarchie
des normes, vol.21, 2013, pp. 163-199.
3 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 32 ; Y. OUEDRAOGO, «

La représentation architecturale du droit », in Droit et Ville, vol. 2, n° 76, 2013,


pp. 89-106.
4 E. MILLARD, « Qu'est-ce qu'une norme juridique ? », in C.C.C., n° 21 (dossier

: la normativité), 2017, p. 4.
5 H. KELSEN, Théorie pure du droit, Traduit de l'allemand par Henri Thévenaz,

Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1953, p. 113.


6 Idem.

13
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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vérité reste néanmoins une proposition, tandis qu’une norme dépourvue


de validité n’est pas une norme du tout »1.
On appelle « validité » la propriété d’appartenance à un système de normes,
le fait qu’elle soit non pas une donnée linguistique prescriptive isolée,
mais un élément d’un ensemble organisé2. Toute norme est valide dans un
système donné grâce à une autre norme qui lui confère cette qualité, c’est-à-dire que le
droit règle sa propre production. On appellera cela le principe d’autorégulation
du droit3.
On dit alors qu'une norme (soit N1) qui détermine les conditions de validité
d'une autre norme (soit N2) relève d'un statut hiérarchiquement supérieur par rapport
à celle-ci. Déterminer les conditions de validité veut dire que, selon N1 il
existera une norme N2 si et seulement si certains actes ont lieu selon certaines
modalités plus ou moins précisées. Les conditions de validité ne sont pas autre
chose que des conditions de production. N1 sera donc hiérarchiquement supérieure
à N2 « selon l’ordre de production » lorsque N1 fixe les différentes étapes permettant
de produire une norme de catégorie N24.
Comme la normativité ne peut être déduite d’une donnée factuelle,
il ne peut donc y avoir norme que s’il existe déjà une autre norme qui lui
attribue cette qualité. Comme il n’est pas non plus possible de remonter
la chaîne à l’infini, on ne peut que supposer une première norme qui permettra
de conférer cette même qualité à une autre, qui sans elle ne pourrait être considérée
comme appartenant au système. On appellera cette première norme la « Norme
fondamentale ». Elle a pour unique objet l’attribution de la normativité aux fins
de l’analyse du système qu’elle permet ainsi d’appréhender5.

Point 2
La Constitution au sens formel

Au sens formel, on privilégie le contenant et non le contenu, c'est-à-


dire, la procédure juridique d'élaboration et de révision de la loi fondamentale6.
Selon la théorie de la hiérarchie des normes, chaque procédure
spécifique définit une forme juridique ou une catégorie normative. Il
existera donc une forme constitutionnelle s’il existe une procédure

1 Cité par F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 20. Nos italiques.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 72.
3 Idem.
4 Ibidem., p. 74.
5 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 21.
6 J. GICQUEL, op. cit., p. 170.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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spécifique déterminant des normes explicitement qualifiées de «


constitutionnelles ».
Dans tout système juridique, la production des normes générales et
abstraites se fait selon une certaine ou même selon plusieurs procédures.
Pour qu’il y ait droit constitutionnel formel, il faut et il suffit qu’il existe
par ailleurs une autre procédure, renforcée par rapport à cette ou à ces procédures «
ordinaires », c’est-à-dire qu’il s’agira des normes produites selon la
procédure la plus renforcée1. Au sommet de la hiérarchie des normes se
trouvent celles dont la production exige le respect des étapes les plus
compliquées. La forme constitutionnelle n’est autre chose que la
catégorie de normes dont les conditions de validité comportent des
éléments supplémentaires par rapport à ceux qu’exige la production
d’autres normes générales et abstraites2. La Constitution est alors un ensemble
de règles juridiques élaborées et révisées selon une procédure supérieure spécifique à
celle utilisée pour la loi ordinaire3. La forme est le reflet de l'instrument de
fond4.
Il est acquis que les deux contenus des constitutions aux sens
matériel et formel ne coïncident pas toujours. Des règles
constitutionnelles matérielles peuvent être consignées dans des textes
qui ne sont pas constitutionnels. Par ailleurs, la Constitution au sens
formel recèle parfois des règles non constitutionnelles au sens matériel.
Ainsi, l'exemple désormais classique de la disposition constitutionnelle
helvétique relative au mode d'abattage du bétail. Une définition de la
constitution au sens formel devra donc nous permettre d'identifier
comme constitutionnels des textes normatifs qui ne portent pas ce nom
ou au contraire comme non- constitutionnels des documents qui le
portent5.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 87.


2 Idem.
3 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 156.
4 M.-A. COHENDET, op. cit., p. 74.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 87.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Les formes de constitutions

Les règles contenues dans la Constitution peuvent avoir un support


matériel ou se cristalliser dans la coutume. On distingue généralement la
constitution écrite et la constitution coutumière1.
La Constitution est écrite lorsque les règles fixant le statut du
pouvoir de l'Etat et les garanties accordées aux citoyens sont fixées et
coulées dans un document écrit qui se qualifie lui-même de fondamental.
Si la majorité des États modernes possède des Constitutions écrites,
il n'est pas superflu de constater que la Constitution coutumière existe
notamment en Grande Bretagne où les règles concernant le fonctionnement
politique de l'État se sont cristallisées progressivement sans être nécessairement
inscrites dans un seul texte écrit qui se dénomme Constitution. Ces règles reposent
sur la répétition, sans discontinuité véritable et pendant une certaine
durée, des précédents qui réveillent un très large consensus.
Toutefois, l'opposition entre Constitution écrite et Constitution
coutumière doit être relativisée. Ainsi, à côté d'une Constitution
coutumière existent toujours, comme pour le cas de la Grande-Bretagne,
un nombre important des règles constitutionnelles au sens matériel
consignées dans des textes écrits qui constituent ainsi « des îlots épars
dans un océan de coutumes »2. Ainsi trouve-t-on notamment la Magna
Carta de 1215, le Bill of Rights de 1628, ou l'Act of Settlment de 17013.
De même une Constitution écrite ne peut tout prévoir, ses lacunes
laissent des places vides qu'un certain nombre d'usages et de pratiques
viendront combler. C'est ce qu'on appelle la coutume constitutionnelle4.
Mais on critiquera, avec Francis Hamon5, sur le strict plan de la
normativité juridique, l'existence d'une coutume constitutionnelle. La
raison phare tient lieu à la place qu'occupe la constitution dans la
hiérarchie des normes. Un énoncé prescriptif ne pouvant devenir
juridique que s'il reçoit consécration d'une norme supérieure elle-même
déjà valide, l'existence de la coutume pourrait être admise en ce sens en

1 Voy. D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 20 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 24 ;


J. GICQUEL, op. cit., p. 169 ; J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 159
; D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 14.
2 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 14.
3 Voy. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 417.
4 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 160.
5 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., pp. 54-56.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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droit civil par exemple, parce que là, il y a généralement une disposition
légale et même constitutionnelle1 qui l'autorise. Mais une telle démarche
ne peut être admise pour justifier l'existence d'un droit constitutionnel
formel coutumier, parce que cela nécessiterait la consécration d'une
norme supérieure à la constitution, or, il n'y a pas de norme supra-
constitutionnelle. La deuxième tient au rôle de la volonté dans le droit.
Puisqu'il n'y a de droit que posé2, c'est-à-dire mis en place par un acte de
volonté, l'existence de la coutume en droit civil par exemple pourrait
s'expliquer car ici, il y a une norme supérieure, en l'occurrence la loi ou
la constitution, qui l'intègre dans l'ordre juridique. Mais une telle
démarche ne pourrait fonctionner au sujet d'une coutume
constitutionnelle, pour la même raison : il n'y a pas de norme supra-
constitutionnelle.

Section 3
Elaboration et révision de la Constitution

La Constitution accomplit le cycle biologique : elle naît, se


développe et elle meurt3. Les étapes de la vie d'une Constitution font
intervenir des acteurs différents régis par des règles différentes.

Paragraphe 1
Elaboration de la Constitution

Point 1
Modes d'élaboration

L'élaboration d'une nouvelle Constitution est l'œuvre du pouvoir


constituant originaire, chargé d'élaborer une nouvelle Constitution.
Le constituant originaire est en principe inconditionné et illimité4. Il est
en fait réfractaire à toute qualification juridique, son établissement ne
relève d'aucun ordre juridique antérieur à l'État5. Par conséquent, il ne

1 Art. 154 in fine, Constitution du 18 février 2006.


2 Voy. H. KELSEN, op. cit., pp. 113-120.
3 J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., p. 230.
4 En ce sens, J. GICQUEL, op. cit., p. 174.
5 R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution à l'étude de la théorie générale de l'État,

Dalloz, Paris, 2004, p. 66.

17
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

peut être, par hypothèse, un phénomène juridique. Si l'on établit une


Constitution en rupture avec celle qui existe jusqu'alors, on n'exerce pas
un droit, on institue un nouveau système juridique1. L'établissement
d'une Constitution ne relève pas du droit, il fonde le droit2.
On élabore une nouvelle constitution pour créer un nouvel État ou
consacrer un nouveau régime après un coup de force. « On ne se trouve
plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force. Le pouvoir
constituant tombera aux mains des plus forts », disait Carré de Malberg3.
Toutefois, cette affirmation peut être tempérée4. En effet, la
tendance moderne tend à la limitation du pouvoir constituant originaire,
notamment par les normes internationales relatives aux droits de
l'homme5. Par ailleurs, les pressions politiques provenant de la
communauté internationale peuvent également influer sur les options
dégagées par le constituant originaire. Plus sérieusement encore,
certaines constitutions sont le fruit d'accords politiques dans lesquels on
trouve des orientations générales adressées au constituant originaire. Le
cas de l'Afrique du Sud est très illustratif, le juge constitutionnel ayant
contrôlé la conformité de l'œuvre du constituant originaire à des
principes posés par ces accords politiques6. On évoquera également le
cas du Bénin, où les accords politiques ayant amené à la Constitution
font partie du bloc de constitutionnalité7.
Selon que le peuple participe ou non dans le processus
constitutionnel8, la doctrine9 distingue trois modes d'élaboration des
constitutions : les modes autoritaires, les modes démocratiques et les modes

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 117.


2 Idem.
3 J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., p. 231.
4 Voy. J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., p. 235.
5 Voy. G. CAHIN, « Limitation du pouvoir constituant : le point de vue de

l’internationaliste », in Civitas Europa, vol. 1, n° 32, 2014, pp. 55-79.


6 Voy. X. PHILIPPE « Le contrôle des lois constitutionnelles en Afrique du Sud

», in C.C.C., n° 27 (dossier : contrôle de constitutionnalité des lois


constitutionnelles), 2010.
7 Voy. H. AKEREKORO, La Cour constitutionnelle et le bloc de

constitutionnalité au Bénin, inédit.


8 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 165.
9 J. GICQUEL, op. cit., pp. 175-177 ; P. ARDANT et B. MATHIEU, op. cit., p.

80 ; J. DJOLI, Droit constitutionnel, Tome 1..., op. cit., pp. 165-166 ; J.-L. ESAMBO,
Traité de droit constitutionnel congolais, L'Harmattan, Paris, 2017, pp. 31-32.

18
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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mixtes. Le détenteur du pouvoir constituant est le premier critère pour


identifier un régime1.
Les modes autoritaires sont ceux qui tiennent à l'écart le peuple de
l'élaboration de la Constitution qui n'est que l'œuvre des gouvernants. Ce procédé
se décline en octroi, dans lequel le souverain accorde unilatéralement la
Constitution à son peuple comme un cadeau ; et en plébiscite, dans lequel
une faible participation du peuple est autorisée, aux fins uniquement
d'entérinement de l'œuvre du souverain. Les Constitutions octroyées
finissent par établir des régimes autoritaires et despotiques2.
Dans les modes démocratiques, le pouvoir constituant appartient
au peuple souverain et les gouvernants puisent leur autorité dans le
consentement des gouvernés3. Ici, le peuple est associé au processus
d'élaboration de la Constitution dans lequel il intervient soit en amont, par
l'élection d'une assemblée constituante chargée d'élaborer et d'adopter le
texte constitutionnel ; soit en aval par voie de référendum constituant,
en vue d'adopter ou non le texte précédemment élaboré par une
assemblée constituante élue ; soit encore, en amont et en aval, par sa
participation à l'élaboration via le canal de la participation à des
discussions organisées par les rédacteurs aux fins de recueillir les
opinions populaires sur les grandes options du texte constitutionnel, et
aval, pour l'adoption ou non par référendum dudit texte.
Les troisièmes techniques s’emploient à combiner les procédés
autoritaires et ceux démocratiques, la rédaction du projet constitutionnel
étant faite par le monarque qui le soumet, formellement, à l’approbation
populaire.

Point 2
Elaboration de la Constitution du 18 février 2006

La République démocratique du Congo est régie par la Constitution


du 18 février 2006. Adoptée au référendum constituant du 18 au 19
décembre 2005, cette Constitution est une Constitution démocratique.

1 M.-A. COHENDET, op. cit., p. 79.


2 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 31.
3 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 166.

19
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

A. Procédure d'élaboration de la Constitution

La Constitution de la transition du 4 avril 2003 avait chargé le


Parlement de transition composé de membres désignés par les
composantes de l'accord de Sun City et conformément à l'accord
éponyme, d'élaborer la nouvelle Constitution à soumettre au
référendum. Le Sénat était chargé d'élaborer l'avant-projet de
Constitution1, et l'Assemblée nationale le projet à soumettre au
référendum2.
On peut structurer le processus d'élaboration de la Constitution du
18 février 2006 en trois étapes, à savoir : l'étape de l'avant-projet, celle du
projet, et le référendum constituant3.
L'élaboration proprement dite de l'avant-projet de Constitution a
été précédée de l'organisation par le Sénat, en avril 2003, d'une
consultation des forces politiques et sociales en vue de recueillir leurs
avis sur certaines options à faire dans le texte de l’avant-projet de
Constitution. Ces consultations permirent à la population de se
prononcer, en amont, sur certaines options qui lui étaient proposées et
ne visaient nullement pas à escamoter le référendum4. Elles ont été
suivies de l’organisation, à intervalle d’un mois, de deux séminaires tenus
au Palais du Peuple de Kinshasa respectivement du 13 au 14 août 2004
et du 17 au 18 septembre 2004 à l’intention, d’une part, des membres de
la Commission constitutionnelle et, d’autre part, de l’ensemble de
sénateurs sur les perspectives de la future Constitution de la République
démocratique du Congo. A cela a suivi la retraite organisée à Kisangani
en faveur du comité de rédaction et qui a abouti à la rédaction de la
première monture de l’avant-projet de Constitution à soumettre aux
discussions de la Commission constitutionnelle. Un texte a été adopté et
soumis aux débats à l'Assemblée plénière. Il sera finalement adopté
comme avant-projet par le Sénat en ses séances de février et mars 2005.
Le texte sera ensuite transmis à l'Assemblée nationale.
Les discussions du projet de Constitution, par cette chambre
parlementaire, se sont déroulées pendant la session de mars 2005,

1 Art. 104, Constitution de la transition du 4 avril 2003.


2 Art. 109, Constitution de la transition du 4 avril 2003.
3 Voy. J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., pp. 63-65 ; J.

DJOLI, Droit constitutionnel Tome II., op. cit., pp. 184-186 ; A. KAMUKUNYI, Droit
constitutionnel congolais, EUA, Kinshasa, 2015, pp. 107-109.
4 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 63.

20
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d’abord, au sein de la Commission politique administrative et judiciaire


et, ensuite, à la plénière de l’Assemblée nationale. Elles ont abouti à son
adoption le 14 juin 2005.
Enfin, le référendum sera organisé du 18 au 19 décembre 2005 par
la Commission électorale indépendante. Il débouchera sur l’adoption de
la Constitution, avec 83 % des suffrages exprimés. La Constitution sera
ensuite promulguée le 18 février 2006.

B. Caractéristiques de la Constitution

La Constitution du 18 février 2006 est une constitution de


compromis1. Elle opère un compromis tant sur la séparation verticale
qu'horizontale du pouvoir.
La forme de l'État congolais est la résultante d'une controverse
entre les tenants de l'unitarisme, guidé par le besoin de maintenir l’unité
nationale du pays, par un pouvoir fort capable de réduire les velléités
séparatistes ; et les tenants du fédéralisme, conduits par une envie de
booster le développement à partir de plusieurs centres de décision2. Il
faudra toutefois tempérer avec les motifs officiels des uns et des autres
à soutenir telle ou telle forme d'Etat. Les réelles motivations, soulève A.
KAMUKUNYI3, étaient pour les fédéralistes, le refus de mettre en
commun leurs ressources qu'elles préféraient gérer toute seules.
Remarquons que les tenants de cette tendance étaient ressortissants des
provinces riches du pays, entre-autres le Katanga et le Bas-Congo. Quant
aux unitaristes, ils cherchaient plutôt à s'abriter derrière l'unité en vue de
profiter des ressources des provinces riches une fois qu'elles auraient été
déversées dans la caisse commune. Quoi qu'il en soit, l'intransigeance
des uns et des autres ont convaincu d’une solution médiane autour de
l’État régional4.
Sur le régime politique, la dispute entre les tenants du régime
présidentiel prônant un exécutif fort et le régime parlementaire visant

1 J.-L. ESAMBO, La Constitution congolaise du 18 février 2006 à l’épreuve du


constitutionnalisme., op. cit., p. 103.
2 Idem., p. 106.
3 Voy. A. KAMUKUNYI, Droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 64.
4 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 65 ; J. DJOLI,

Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 181 ; A. KAMUKUNYI, Droit constitutionnel
congolais, op. cit., p. 110 ; F. VUNDUAWE, F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité
de droit administratif, Larcier, Bruxelles, 2007, pp 120-124.

21
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

une atténuation des pouvoirs de l'exécutif ont abouti à un régime


hybride1.
Bien que venue mettre fin à la crise chronique de légitimité des
institutions et de leurs animateurs, à laquelle est confrontée la
République démocratique du Congo et donner au pays toutes les
chances de se reconstruire2, la Constitution du 18 février 2006 a été
critiquée pour son décalage avec la culture congolaise3. On la considère
comme un « greffon sur un corps étranger »4, un calquage du modèle
français, une preuve de plus du suivisme et du servilisme qui caractérise
la production constitutionnelle africaine5, très peu innovante, se
contentant de « tropicaliser les recettes qui ont fait leurs preuves sous
d'autres cieux »6. Un mimétisme constitutionnel qui lui a valu d'être
qualifiée de « petite sœur africaine de la Constitution française »7. Cela
est d'autant plus dangereux quand l'on se rappelle que la Constitution
n'est pas seulement un ensemble de règles, mais une vision du monde,
un projet de société, un projet politique, une idée de l'homme sur les
valeurs fondamentales qui structurent sa société ; elle est l'âme du corps
étatique, elle traduit l'identité d'un peuple8.

Paragraphe 2
Révision de la Constitution

Les constitutions ne sont pas des textes dressés pour le sommeil,


elles subissent l'usure du temps, comme toutes les choses humaines,
disait Royer-Collard9. Un vêtement se dresse et se coud en fonction des
formes et des mesures de celui qui devra les porter. Bien plus, celui que

1 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 65 ; J. DJOLI,


Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 201 ; A. KAMUKUNYI, Droit constitutionnel
congolais, op. cit., p. 110 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 124-126.
2 Exposé des motifs, Constitution du 18 février 2006.
3 Voy. J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 185.
4 Idem.
5 Ibidem., p. 39.
6 E. BOSHAB, cité par J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome I.op. cit., p. 39.
7 D. POLLET-PANOUSSIS, « La Constitution congolaise de 2006 : petite sœur

africaine de la Constitution française », in R.F.D.C., vol. 3, n° 75, 2008, pp. 451-


498.
8 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome I.op. cit., p. 157.
9 Cité par J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., p. 236.

22
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'on habille ne gardera pas immuablement la même taille, disait Hassan


II1.
La révision de la Constitution consiste à corriger, en vue de
l'adapter à des circonstances nouvelles, le texte constitutionnel par
suppression, adjonction ou modification2. Elle est l'œuvre du pouvoir
constituant dérivé, qui est le pouvoir chargé de modifier une constitution déjà
existante3. Il se distingue du constituant originaire, qui est chargé de l'établissement
d'une nouvelle constitution4.
Le pouvoir constituant dérivé est lui, subordonné au constituant
originaire et limité par ce dernier5. En effet, le constituant dérivé
intervient sur une Constitution déjà existante, dont il ne peut chiffonner
les acquis démocratiques. C'est la théorie de l'effet cliquet, ou effet stand still6.
Le constituant originaire établit une série de limites à l'œuvre du
constituant dérivé. Ces limites peuvent être absolues ou relatives. Ces
limites servent à assurer l'équilibre entre le souci d'adapter la
Constitution aux nouvelles réalités et de préserver son identité7.
Les limites relatives sont celles que l'on peut réviser sous une procédure
particulière, plus compliquée que celle requise pour l'adoption d'une loi ordinaire. Ces
limites peuvent concerner des délais, période pendant laquelle une
nouvelle constitution ne peut faire l'objet de révision. Elles peuvent être
circonstancielles, le constituant établissant une liste de circonstances
pendant lesquelles son œuvre ne peut être révisée. Il s'agit généralement
des situations relatives à l'état d'urgence ou de siège, l'état de guerre,
l'intérim à la présidence de la République. L'idée est d'éviter que la
constitution soit révisée pendant que le peuple n'est pas en mesure de
bien cerner la situation.
Ces limites peuvent concerner des procédures particulières plus
compliquées que celles requises pour l'adoption d'une loi ordinaire
(exigence de quorum particulier, exigence de majorité qualifiée).

1 Cité par J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., p. 236.


2 C. DEBBASCH et alii., Droit constitutionnel et institutions politiques, Economica,
Paris, 2001, p. 106.
3 Idem., p. 116.
4 Ibidem.
5 En ce sens, J. GICQUEL, op. cit., p. 179. Voy. F. MODERNE, « La notion de

révision de la Constitution », in A.I.J.C., n° 20, 2004, pp. 424-440 ; J.


MIRANDA, « Le contrôle et les limites de révision de la Constitution », in
A.I.J.C, n° 20, 2004, pp. 441-457.
6 J. DJOLI, Droit constitutionnel, Tome 1..., op. cit., p. 175.
7 J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., p. 238.

23
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

À l'opposé, les limites absolues désignent des dispositions non


susceptibles de modification. Ces dispositions sont dites intangibles ou
verrouillées1. La révision de ces limites constitue une fraude à la constitution.
Charles Debbasch, Jean Marie Pontier, Jacques Bourdon et Jean Claude
Ricci2 ont défini la fraude à la constitution comme étant le procédé par
lequel l'autorité de révision utilise ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue
duquel ils lui ont été conférés, c'est-à-dire dans le but d'établir un régime
fondamentalement différent.
L'autorité investie du pouvoir de révision constitutionnelle, le
constituant dérivé, peut détourner les pouvoirs constitutionnels lui
conférés afin d'établir un régime fondamentalement différent du
précédent3. La tactique adoptée par ladite autorité est de flouer l'opinion
publique de sorte à lui faire apercevoir que les formes constitutionnelles
sont apparemment conservées, alors qu'en réalité un objectif opposé a
été atteint par un changement radical de l'esprit des institutions4. La
banalisation de la révision finit par relativiser l'importance de la
Constitution en tant que norme suprême5.
En droit congolais, trois phases constituent la procédure de
révision constitutionnelle6 : l'initiative de la révision constitutionnelle qui
appartient concurremment au Président de la République, au
Gouvernement après délibération en Conseil des ministres, à chacune
des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres et
à une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes,
s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux Chambres. Vient
ensuite le vote du bien-fondé par chaque chambre à la majorité absolue des
membres la composant. Enfin, l'adoption définitive est faite par le peuple
en référendum sur convocation du Président de la République.
Cependant, il n'y a pas lieu d'organiser un référendum si l’Assemblée
Nationale et le Sénat réunis en Congrès approuvent l'initiative à la
majorité des trois cinquièmes des membres les composant. Il résulte
qu'en droit congolais, le pouvoir constituant dérivé sont le peuple et le
parlement selon le cas. Le choix entre la ratification populaire et la

1 J. DJOLI, Droit constitutionnel, Tome 1..., op. cit., p. 175.


2 C. DEBBASCH et alii., op. cit., p. 111.
3 A. KAMUKUNYI, Contribution à l’étude de la fraude en droit constitutionnel congolais,

Académia-l’Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2011, p. 45.


4 Idem.
5 J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., p. 236.
6 Art. 218, Constitution du 18 février 2006.

24
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ratification parlementaire est de la compétence discrétionnaire du chef


de l’État1.
Par ailleurs, aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de
guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la
présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat
se trouvent empêchés de se réunir librement2. Par ailleurs, le constituant
a verrouillé la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage
universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la
durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du
Pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical. Est en sus
formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet
ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire
les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées3.
La Constitution du 18 février 2006 sera modifiée pour sa première
et unique fois, en 2011, par la Loi n° 11-002 du 20 janvier 2011. La
révision a eu pour finalité de donner des réponses adéquates aux
problèmes posés aux institutions de la République depuis le début de la
première législature de la IIIème République afin d’assurer le
fonctionnement régulier de l’Etat et de la jeune démocratie congolaise.
Le constituant dérivé a constaté que, d'une part, certaines dispositions
s'étaient révélées handicapantes et inadaptées aux réalités politiques et
socio-économiques de la République démocratique du Congo et d'autre
part, des dysfonctionnements imprévus par le constituant originaire
étaient apparus dans la vie des institutions de la République tant au
niveau national que provincial. Il avise qu'il ne s’agit pas de procéder à
un ajustement constitutionnel qui remettrait en cause les options
fondamentales levées par le constituant originaire, notamment en
matière d’organisation du pouvoir d’Etat et de l’espace territorial de la
République démocratique du Congo4.
La révision a porté notamment sur5 le changement du mode de
scrutin pour l’élection du président de la République, l’organisation des
incompatibilités du mandat électif avec tout autre fonction publique, la
composition du pouvoir judiciaire qui en exclut le parquet et la
possibilité, pour le président de la République, de dissolution des

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 828.


2 Art. 219, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 220, Constitution du 18 février 2006.
4 Exposé des motifs, Loi n° 11-002 du 20 janvier 2011.
5 Idem.

25
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Assemblées provinciales en cas de crise grave persistante avec les


gouvernements provinciaux.
L’article 71 organise l’élection du Président de la République à la
majorité simple des suffrages exprimés et non plus à la majorité absolue
à deux tours. L’article 110 institue le droit du Député national ou du
Sénateur de retrouver son mandat après l’exercice d’une fonction
politique incompatible. A l’article 149, l’amendement introduit consiste
en la suppression du Parquet dans l’énumération des titulaires du
pouvoir judiciaire, dévolu aux seuls cours et tribunaux, remettant ainsi
en harmonie l’article 149 avec les articles 150 et 151 qui proclament
l’indépendance du seul magistrat du siège dans sa mission de dire le droit
ainsi que son inamovibilité. Les articles 197 et 198 reconnaissent au
Président de la République, sans restreindre les prérogatives des
provinces, en concertation avec les Bureaux de l’Assemblée nationale et
du Sénat, le pouvoir de dissoudre une Assemblée provinciale ou relever
de ses fonctions un Gouverneur de province en cas de crise grave et
persistante menaçant le fonctionnement régulier des institutions
provinciales.

Section 4
L'interprétation de la Constitution

Les textes étant souvent vagues et indéterminés, avant d’appliquer


un texte juridique, quel qu’il soit, il faut en déterminer la signification. La
signification d’un texte juridique, en effet, c’est ce que ce texte ordonne ou
permet, c’est la norme qu’il exprime. En d’autres termes, selon le sens qu’on
lui attribue, le texte ordonne tel comportement ou tel autre.
On appelle interprétation, selon Michel TROPER, l’opération par
laquelle on attribue une signification à un texte1.
Les règles relatives à l'interprétation de la Constitution oppose deux
théories : la théorie scientifique de l'interprétation et la théorie réaliste de
l'interprétation2. Les inconvénients de chaque théorie peuvent
cependant être tempérées par l'interprétation jurisprudentielle.

1F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 58.


2Voy. sur l'opposition des deux théories : O. PFERSMANN, « Une théorie sans
objet, une dogmatique sans théorie. En réponse à Michel Troper », in R.F.D.C.,
vol. 4, n° 52, 2002, pp. 759-788 ; contra M. TROPER, « Réplique à Otto
Pfersmann », in R.F.D.C., vol. 2, n° 50, 2002, pp. 335-353.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 1
La théorie scientifique de l'interprétation

La théorie scientifique de l'interprétation repose sur l’idée que le


texte possède un sens et un seul. Si ce sens est clair, il n’est pas nécessaire
d’interpréter, mais s’il est caché, alors il faut le retrouver et, pour cela,
appliquer certaines méthodes, que la science du droit a élaborées et
qu’elle est capable d’enseigner.
Ceci dit, le Doyen Favoreu1 soulève un malentendu implicite
concernant la fonction de l'interprétation doctrinale. Celle-ci n'a pas
pour tâche ni ne peut revendiquer comme compétence de montrer qu'un
texte indéterminé aurait en vérité une seule signification, mais d'analyser
de la manière la plus précise quel est l'ensemble des différentes
significations déterminées d'un texte présentant une signification
indéterminée (par exemple le terme « loi » signifie, dans la Constitution
un texte définitivement adopté par le Parlement mais non encore valide
parce que ni promulgué ni publié ou bien un élément d'une certaine
forme normative (la loi valide) ; mais ce terme ne peut en aucun cas
signifier « mesure nominative signée par le président de la République »,
même si un président de la République se mettait à faire des « lois »). Si
elle montre que telle disposition indéterminée comporte les
significations S1, S2, S3, elle n’affirme nullement que l’une d’elles est la
seule valable, mais que les trois le sont, alors qu’une quatrième,
éventuellement, ne l’est pas.
L'interprétation fait appel à plusieurs techniques2. La technique de
l'interprétation sémiologique, qui permet de maîtriser le langage dans lequel
est exprimé un texte. Ainsi, l'usage de l'indicatif présent du verbe être
renvoie à un impératif, tandis que l'indicatif présent du verbe pouvoir
renvoie à une faculté. De même, l'usage des conjonctions « et » et « ou
», de la virgule, du point et du point-virgule, renvoient à des sens
différents.
L'interprétation téléologique, permet d'interpréter un texte au regard de
sa raison d'être, de l'objectif poursuivi par les auteurs du texte.

1L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 104.


2Voy. J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, L'Harmattan,
Paris, 2014, p. 18 ; A. KAMUKUNYI, Droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 27 ;
R. NYABIRUNGU, Traité de Droit pénal général congolais, 2e éd., DES, Kinshasa,
2007, pp. 75-82.

27
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'interprétation génétique permet de connaître le sens du texte en se


référant à sa genèse en recherchant l'intention de ses auteurs.
L'interprétation systémique consiste en la prise en compte d'autres
articles du texte, ou d'autres dispositions juridiques pour qu'ils s'éclairent
les uns les autres.
L'interprétation fonctionnelle consiste en l'attribution au texte d'une
fonction objective qui peut être différente de celle poursuivie par son
auteur, en cherchant le sens qu'il convient de donner au texte maintenant
qu'il doit être appliqué dans une situation différente de celle dans laquelle
il est né.
L'interprétation comparatiste suggère le recours aux recettes fournies
par d'autres systèmes juridiques confrontés aux mêmes problèmes. C'est
une technique qui consiste à apprécier et le cas échéant à améliorer son
propre système normatif à l'aide de repères tirés de l'analyse d'un ou de
plusieurs autres systèmes normatifs jugés comparables.

Paragraphe 2
La théorie réaliste de l'interprétation

L'interprétation scientifique repose sur l’idée que le texte possède


un sens et un seul. Si ce sens est clair, il n’est pas nécessaire d’interpréter,
mais s’il est caché, alors il faut le retrouver et, pour cela, appliquer
certaines méthodes, que la science du droit a élaborées et qu’elle est
capable d’enseigner.
Pour Michel Troper, tenant de la théorie réaliste de l'interprétation,
cette thèse n’est pas acceptable pour plusieurs raisons1. En premier lieu,
il est impossible d’affirmer qu’un texte possède un sens clair, sans l’avoir
au préalable interprété, c'est-à-dire, avoir déterminé son sens. En
deuxième lieu, à supposer que les auteurs d’un texte aient eu une
intention claire et unique, il n’est pas possible de réduire le sens du texte
à cette intention. En troisième lieu, si chaque texte avait un sens unique,
alors l’interprétation serait susceptible d’être vraie ou fausse et l’on
devrait disposer de procédés de vérification. Or, affirmer qu’une
interprétation est vraie, c’est affirmer qu’elle a énoncé le sens véritable
du texte. Mais, pour savoir qu’il s’agit bien du sens véritable, il faut avoir
soi-même procédé à une interprétation et cette seconde interprétation
ne pourra être tenue pour vraie qu’au terme d’une troisième et ainsi de
suite.

1 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 50.

28
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

À la théorie scientifique, Michel Troper on oppose la théorie


réaliste de l'interprétation1. Elle tient à la portée de l’interprétation
lorsqu’elle émane de certaines autorités, auxquelles l’ordre juridique
attribue le pouvoir d’interpréter. L’interprétation émanant de ces
autorités est dite authentique c’est-à-dire que le texte est présumé n’avoir pour
signification que celle qui lui a été ainsi attribuée et cela quel que soit le contenu de
l’interprétation, même si elle contredit tout ce qu’on croit savoir du texte.
L’interprétation authentique se distingue de l’interprétation
scientifique ou de doctrine, celle qui émane de personnes privées, même
techniquement qualifiées, comme des avocats ou des professeurs de
droit. L’interprétation scientifique ne produit aucun effet juridique et
n’est que l’expression d’opinions, qui d’ailleurs peuvent être divergentes
et le sont fréquemment. Au contraire, l’interprétation authentique n’est
pas l’expression d’une opinion parmi d’autres. C’est le produit d’une
décision, par laquelle un débat est tranché. Elle s’incorpore au texte, en ce sens
que celui-ci ne peut désormais être compris qu’à la lumière de
l’interprétation authentique. Celle-ci est un acte de volonté, car
l’interprète peut donner au texte le sens qu’il veut lui donner. Cette
théorie est appelée réaliste parce qu’elle décrit non pas la manière dont
le droit fonctionnerait, s’il fonctionnait de manière idéale, mais celle dont
il fonctionne réellement. Elle a des conséquences très importantes.
Tout d’abord, l’interprétation ne peut être vraie ou fausse, mais seulement
valide ou non valide. Sa validité ne dépend en rien des méthodes employées,
mais seulement des conditions dans lesquelles elle a été émise.
Il est possible qu’une norme supérieure confie expressément à une
autorité le pouvoir d’interpréter. C’est le cas, par exemple, de la loi qui
remet à la Cour de cassation le pouvoir de décider en assemblée plénière.
Mais le plus souvent, ce pouvoir est attribué de manière implicite, dès lors
qu’on n’institue aucun contrôle sur l’interprétation donnée par une autorité. Ainsi,
les décisions par lesquelles un juge constitutionnel interprète la
Constitution ne sont susceptibles d’aucun contrôle et sont donc des
interprétations authentiques. Mais les autorités juridictionnelles ne sont
pas les seules à disposer de ce pouvoir. Les interprétations émanant
d’organes dont les décisions ne sont soumises à aucun contrôle sont elles
aussi authentiques. Ainsi, c’est le Président de la République qui, lorsqu’il
s’agit d’appliquer l’article 85 de la Constitution, apprécie si les
institutions sont menacées d’une manière « grave et immédiate » et qui
décide du sens qu’il convient de donner à ces mots.

1 Idem., pp. 50-51.

29
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il se peut que l’interprétation soit donnée de manière collective par


plusieurs autorités. C’est ce qui peut se produire dans l’exemple envisagé.
Le Président de la République peut être accusé par le Parlement de «
haute trahison ». Ce crime n’est pas défini par la Constitution, de sorte
que le Parlement doit interpréter les mots « haute trahison » avant
d’accuser le Président. Il lui est donc possible de considérer qu’une
interprétation abusive par le Président des termes de l’article 85 constitue
précisément ce crime. Le Président a, de son côté, nécessairement
conscience de cette possibilité. À supposer qu’il soit tenté de donner une
interprétation très large de ces termes, dans le but de se saisir des
pouvoirs que lui donne l’article 85, il doit tenir compte de l’attitude
possible du Parlement. Aussi l’interprétation définitive n’est-elle que la
résultante de toutes les interprétations que différentes autorités sont
susceptibles de donner.
À cette théorie, le Doyen Favoreu1 porte une critique importante
tenant au fait que si le droit n’était que l’ensemble des interprétations
authentiques au sens de cette théorie, il ne pourrait jamais y avoir de
système ou d’ordre juridique (sauf, selon les réalistes, à l’intérieur du
raisonnement de l’interprète authentique, mais à l’intérieur d’un
raisonnement, il n’y a pas de système normatif) puisque ces décisions ne
dépendraient pas d’autres normes et il n’y aurait donc qu’un ensemble
de faits de pouvoirs.

Paragraphe 3
Une modalité particulière de l'interprétation : la jurisprudence

Une modalité particulière de l’interprétation réaliste est la


jurisprudence2. Entendue comme un ensemble des décisions de justice
rendues sur une question de droit déterminée, la jurisprudence est
l’ensemble des règles qui résultent de l’activité des juridictions. L’un des
procédés par lesquels elles produisent ces règles est naturellement
l’interprétation.
Cependant, les juridictions se trouvent dans une situation
sensiblement différente de celle des autres interprètes. Pour différentes
raisons — notamment parce que l’efficacité de la jurisprudence en
dépend — les interprétations doivent être cohérentes : elles ne doivent

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 105.


2 Voy. F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 52.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pas se contredire et elles doivent être justifiées de la même façon, c’est-


à-dire par l’invocation de procédés d’interprétation constants.
Cette interprétation est en notre sens, la meilleure, la plus efficace
et la plus juste car, elle mêle en fait la théorie scientifique et la théorie
réaliste de l'interprétation, faisant un mélange des qualités des deux
théories et couvrant les vices de chacune. En effet, dans par la
motivation, le juge met en place les techniques élaborées par les
doctrinaires. Et par sa nécessité de concilier les faits au droit en passant
d'une norme générale à un cas particulier, elle dispose malgré tout d'une
certaine autonomie nécessaire à l'application efficiente et rentable de la
règle de droit.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La protection juridictionnelle de la Constitution
Considérée comme la norme suprême, la constitution doit faire l'objet d'une
protection spéciale1. « Une constitution est un corps de règles obligatoires, ou ce n'est
rien », affirmait Sieyès2. Evariste Boshab3 affirme en effet que « sans le
contrôle efficace et effectif de constitutionnalité, une Constitution n'est plus qu'un
simple parchemin sur lequel on peut raturer et même dénaturer le contenu sans crainte
d'une quelconque sanction. Si tel est l'entendement, il n'y a point de Constitution ».
L'importance des règles contenues dans ce texte exige que, pour éviter
le piège du formalisme qui réduirait le prescrit constitutionnel à un
simple costume à la taille des gouvernants, il soit posé la question
essentielle de la garantie de la protection de la Constitution4. Jean
Gicquel pense en effet que, « symbole de l'Etat, la Constitution mérite
aide et protection car, à défaut, elle serait une œuvre morte »5. La
suprématie de la constitution sur les autres règles juridiques implique que
des mécanismes soient mis en œuvre pour que soit assurée la conformité
de celles-ci à celle-là : on parle alors de la protection de la Constitution.

Section introductive
Modes de protection de la Constitution

La protection de la Constitution peut être non juridictionnelle ou


juridictionnelle6.
Dans le premier cas, elle peut être populaire ou institutionnelle. La
protection populaire est celle exercée par le peuple en vertu de son droit
de résistance à l'oppression7. En effet, une démocratie ne prend toute son
ampleur que lorsque les citoyens exercent leur citoyenneté, c'est-à-dire,
utilisent les différents canaux d'expression démocratique qui se trouvent

1 D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 49 ; Voy. L. FAVOREU et alii., Droit


constitutionnel, op. cit., pp. 241-411 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., pp. 42-56 ; J.
GICQUEL, op. cit., pp. 183-193 ; J. DJOLI, op. cit., pp. 173-179.
2 Cité par J. DJOLI, op. cit., p. 173.
3 Cité par J. DJOLI, op. cit., p. 173.
4 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 34.
5 Cité par D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 34.
6 D. CHAGNOLLAUD, op. cit., pp. 49-50 ; J. GICQUEL, op. cit., pp. 183-185.
7 Voy. M.-J. FALCON Y TELLA, « La désobéissance civile », in R.I.E.J., vol.

39, n°2, 1997, pp. 27-67.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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à leur disposition. Les citoyens prennent une part active dans la défense
de la Constitution. La Constitution congolaise prévoit ce type de
protection à son article 64. Ce droit, reconnu également par la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen1 doit s'exercer dans de
strictes limites, au risque de tomber sous le coup de l'infraction d'attentat
contre l'autorité de l'État2.
Les institutions politiques ont également le devoir de protéger la
Constitution. C'est le sens originel des techniques de la séparation des pouvoirs.
Par le mécanisme des checks and balances, les institutions s'amènent les
unes les autres au respect de la Constitution par la menace de la sanction
qu'elles font peser les unes sur les autres.
La protection juridictionnelle est celle qui s'exerce par le mécanisme
de la justice constitutionnelle.
Si le contrôle non-juridictionnel est jugé inefficace3, le contrôle
juridictionnel permet au contraire d'assurer effectivement la protection
de la constitution. En effet, Louis Favoreu4 constate que les gouvernés
n'acceptent plus de ne se prononcer qu'au moment des élections et de laisser les
gouvernants libres de décider entre deux élections : ils veulent pouvoir contrôler ceux-
ci dans l'intervalle et le meilleur moyen de le faire est de confier cette tâche à la
justice constitutionnelle.

1 Art. 2, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de


1789.

2 Art. 195, Code pénal.


3 D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 49 ; En ce sens aussi, B. CHANTEBOUT,
op. cit., p. 42.
4 L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 247.

34
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 1
Théorie générale de la justice constitutionnelle

Sous-section 1
Définition de la justice constitutionnelle

La justice constitutionnelle désigne l'ensemble des institutions et


techniques grâce auxquelles est assurée, sans restriction, la suprématie de la
Constitution1. Pour Hans Kelsen2, la justice constitutionnelle c’est « la
garantie juridictionnelle de la Constitution ».
Eisenmann3 donne une première définition simple, aux termes de
laquelle « la justice constitutionnelle est cette sorte de justice ou mieux
de juridiction qui porte sur les lois constitutionnelles ». Il complétera
cette première définition en distinguant « justice constitutionnelle » et «
juridiction constitutionnelle », la seconde étant l’organe par lequel
s’exerce la première, et en dégageant ensuite le « sens juridique » de la
justice constitutionnelle. Le sens juridique de la justice constitutionnelle
(…) est donc, en dernière analyse, de garantir la répartition de la
compétence entre législation ordinaire et législation constitutionnelle,
d’assurer le respect de la compétence du système des règles ou de
l’organe suprême de l’ordre étatique4. Il renchérit en ce que la justice
constitutionnelle « fait des règles constitutionnelles des normes juridiquement
obligatoires, de véritables règles de droit en y attachent une sanction ; sans elle, la
constitution n'est qu'un programme politique, à la rigueur obligatoire moralement, un
recueil de bons conseils à l'usage du législateur, mais dont il est juridiquement libre de
tenir ou de ne pas tenir compte (...) La justice constitutionnelle transforme donc en
normes véritablement juridiques ce qui seulement se voulait tel. La constitution devient
ainsi et ainsi seulement la règle de droit suprême »5.
Quant au contrôle de constitutionnalité des lois, il n’est qu’une des
techniques à la disposition de la justice constitutionnelle. C’est sans
doute la plus importante en raison de l’intérêt qu’elles présentent pour
la défense des droits et libertés et des conséquences politiques que
peuvent entraîner certaines décisions6 mais elle ne représente que l’un

1 Idem., p. 249.
2 Cité par L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 249.
3 Ibidem.
4 Ibidem.
5 Cité par D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 52.
6 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 725.

35
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

des éléments de la théorie de la justice constitutionnelle et ne s’identifie


pas à celle-ci1.

Sous-section 2
Modèles de justice constitutionnelle

La doctrine distingue aujourd'hui deux grands modèles de justice


constitutionnelle : le système américain et le système européen2.

Paragraphe 1
Le modèle américain

Le modèle américain se caractérise par l'exercice d'un contrôle «


diffus », « concret », effectué généralement a posteriori par voie d’exception, la
décision rendue bénéficiant seulement, en principe, d’une autorité relative
de chose jugée, la fonction régulatrice de la Cour suprême dans le système
américain devant être toutefois soulignée.
La qualification de contrôle « diffus » implique que le contrôle de
constitutionnalité peut être exercé par n'importe quel juge fédéral ou étatique. Les
tribunaux américains disposant d'une plénitude de juridiction, le juge
saisi en première instance est compétent pour se prononcer sur
l'ensemble des questions soulevées par un litige, qu'elles soient civiles,
pénales, administratives ou constitutionnelles.
Le contrôle est dit « concret » dans la mesure où il s'exerce à l'occasion
de « cas » concret, un litige déjà en cours et mettant aux prises des intérêts
divergents.
S'agissant de régler seulement un litige concret, le contrôle ne peut
s'exercer par principe qu'a posteriori. Il est déclenché le plus souvent par
tout justiciable qui, à l’occasion d’un procès ordinaire civil ou administratif, peut
soulever, pour sa défense, une exception d’inconstitutionnalité.
Dans le cadre du « judicial review » américain, le tribunal statuant
sur une exception d’inconstitutionnalité peut seulement rendre une
décision dotée de l’autorité relative de chose jugée. Cela signifie qu’en
principe un jugement éventuel d’inconstitutionnalité ne vaudra que pour l’affaire et

1 Voy. L. LECH GARLICKI et W. ZAKRZEWSKI, « La protection


juridictionnelle de la Constitution dans le monde contemporain », in A.I.J.C.,
vol. 1, 1985, pp. 17-37.
2 Voy. L. FAVOREU, « Modèle européen et modèle américain de justice

constitutionnelle », in A.I.J.C., vol. 4, 1998, pp. 51-66.

36
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

les parties en cause. Une telle présentation du cas américain doit être
toutefois nuancée. Il est vrai tout d'abord que l'effet relatif de la décision
d'inconstitutionnalité peut entraîner des variations d'un État à un autre,
selon que telle ou telle juridiction aura, ou non, déclaré l'incompatibilité
du texte avec la Constitution. Mais par le biais de l'appel, la Cour suprême
peut être amenée à se prononcer. Dès lors, sa décision, bien qu'ayant seulement
autorité relative de chose jugée, présentera néanmoins un effet équivalent à
une annulation, compte tenu du jeu de la règle du précédent. Si l'arrêt de la Cour
suprême ne peut annuler formellement une loi, il peut en paralyser
l'application sur l'ensemble des États américains dans la mesure où les
juridictions inférieures devront s'y conformer.

Paragraphe 2
Le modèle européen

Quant au système européen, il caractérise tout d'abord par


l'exercice d'un contrôle concentré, confié à une juridiction constitutionnelle
spécifique disposant d'un monopole d'interprétation constitutionnelle.
Il fait place par ailleurs à l'intervention d'un certain contrôle abstrait,
par voie d'action, déclenché par des autorités politiques ou publiques, la
décision rendue bénéficiant de l'autorité absolue de chose jugée. À la
différence cependant du modèle américain, la diversité des systèmes
nationaux ayant adopté le modèle européen explique la coexistence,
souvent, d'un contrôle abstrait et d'un contrôle concret, même si ce
dernier reste très spécifique, d'une part et d'un contrôle par voie d'action,
de question préjudicielle de constitutionnalité ou encore d'exception
d'autre part.
La nature juridictionnelle des cours constitutionnelles a pu, en
raison de leur composition ou de leur caractère de « co-législateurs », être
parfois mise en doute. L'indépendance des cours et leur fonction de dire
le droit et non de statuer en opportunité politique, autant que l'autorité
de chose jugée attachée à ses décisions, attestent toutefois pleinement de
leur nature de juridiction.
Ces cours spécialisées disposent d'un monopole d'appréciation de
la constitutionnalité des lois. C'est en ce sens que le contrôle est dit «
concentré » et non « diffus », les juges ordinaires ne pouvant connaître
de ce contentieux, à l'exception du Portugal qui présente la particularité
d'organiser en parallèle un contrôle de constitutionnalité par les
tribunaux ordinaires. Si le contentieux attribué à la Cour peut varier selon

37
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

les transpositions, il inclut toujours un contrôle de la constitutionnalité


des lois, premier signe distinctif de la justice constitutionnelle.
Il y a contrôle abstrait des normes dans la mesure où les litiges soumis
aux cours constitutionnelles ne présentent pas une confrontation classique entre deux
parties et ne supposent pas la résolution d'un litige particulier antérieur. Le contrôle
de constitutionnalité selon le modèle kelsénien, implique en effet une
confrontation entre deux normes générales, l'une constitutionnelle, l'autre
législative, le juge statuant sur la loi en elle-même et non sur son
application dans un litige particulier. Même dans les cas de renvoi
préjudiciel, par les tribunaux ordinaires à la Cour constitutionnelle,
comme en Allemagne ou en Italie, par exemple, le contrôle mené
consiste avant tout en une vérification de conformité de la loi à
la Constitution.
Ces hypothèses illustrent toutefois la possibilité de coexistence,
dans des transpositions s'éloignant dès lors du schéma kelsénien originel,
d'un contrôle concret des normes avec le contrôle abstrait. Ainsi, les
Cours allemande, autrichienne, italienne ou espagnole sont compétentes
pour contrôler la constitutionnalité de lois, sur renvoi des tribunaux
ordinaires, à l'occasion d'un litige concret. Ce mécanisme apparaît, au
demeurant, surtout fréquemment utilisé en Italie. On peut aussi
considérer comme contrôle concret les procédures de recours directs
pour violation des droits fondamentaux dirigés soit contre des actes
législatifs (Allemagne, Autriche, Belgique), soit contre des actes
administratifs ou juridictionnels (Allemagne, Espagne). Ce sont en
réalité les recours directs contre les actes juridictionnels qui nourrissent
la quasi-totalité du contentieux constitutionnel en Allemagne et en
Espagne (recours d’amparo).
S'agissant du contrôle abstrait, il peut être organisé d'abord par voie
d'action, a priori, c’est-à-dire avant la promulgation de la loi ou la
ratification d’un traité. Un tel contrôle préalable est en particulier,
institué en France et au Portugal. La saisine est alors réservée, en général,
à des autorités politiques qui vont porter directement la loi ou le traité,
notamment, devant le juge constitutionnel, afin d’en faire vérifier la
conformité à la norme supérieure.
Le contrôle abstrait peut être également souvent exercé, a posteriori,
par voie d’action devant la Cour constitutionnelle (Autriche, Allemagne,
Italie, Portugal, Espagne, Belgique). Il s’agit d’un contrôle déclenché par
des responsables de l’Exécutif, des parlementaires ou les organes de
diverses collectivités autonomes. Dans certains pays, ce contrôle doit
être exercé dans un délai assez bref (trente jours en Italie, trois mois en

38
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Espagne, par ex.) ce qui tend à le rapprocher du contrôle de type


préventif (a priori). Au-delà de la diversité des mécanismes nationaux,
l’existence dans ces différents systèmes d’un contrôle abstrait par voie
d’action, déclenché notamment par des autorités politiques, avant ou
après promulgation de la loi, demeure un élément important
d’identification du modèle européen par rapport au modèle américain.
Conformément au schéma kelsénien, chaque fois que la Cour
constitutionnelle statue sur une loi de manière abstraite, la logique du
système veut que sa décision soit revêtue d'une autorité absolue de chose
jugée. Une fois opérée la comparaison de normes, la décision de conformité
ou de non-conformité de la loi et du traité, notamment, vaut à l'égard de tous (effet
erga omnes). La solution dégagée s’applique ainsi, ensuite, à tous les
litiges concrets soumis aux juridictions ordinaires. Le contentieux
constitutionnel dans le modèle européen reste en définitive un
contentieux « objectif », quels que soient les modes de déclenchement
du contrôle. Même dans les hypothèses où la Cour intervient sur renvoi
du juge ordinaire et où des intérêts individuels sont en jeu, l’éventuelle
déclaration d’inconstitutionnalité de la loi applicable, dans un litige
donné, aura une portée générale garantissant la cohérence de
l’ordonnancement juridique (Allemagne, Italie…).
Ceci dit, il n'existe guère de différences, en termes de résultats, entre
les systèmes américain et européen de justice constitutionnelle. Ces
systèmes procèdent déjà d’éléments communs de mise en œuvre :
parenté dans la composition et l’organisation des juridictions,
attributions comparables en vue notamment de la protection des droits
individuels, techniques de contrôle similaires (mise en œuvre fréquente,
par exemple, d’un contrôle de proportionnalité), exigences communes
de légitimité institutionnelle et sociale.
Au niveau justement, des attributions de la juridiction
constitutionnelle, cette dernière peut être chargée de régler quatre
contentieux principaux (mais qui ne sont pas nécessairement réunis dans
chaque cas) qui la conduisent à : veiller à l'authenticité des manifestations
de volonté du peuple souverain (contrôle des élections ou du
référendum) ; vérifier le respect des perceptions constitutionnelles
relatives aux répartitions horizontale et verticale les pouvoirs ; enfin
assurer la protection des droits et libertés fondamentaux. La juridiction
constitutionnelle peut aussi, dans une moindre mesure, être chargée de
contentieux quasi-répressifs tenant à l'exercice de la justice politique ou
au contrôle des partis politiques.

39
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 2
La justice constitutionnelle en République démocratique du
Congo

La République démocratique du Congo semble avoir fait allégeance


au système européen1. En effet, le contrôle y est concentré dans les
mains d'une seule juridiction à savoir : la Cour constitutionnelle, laquelle
a reçu compétence de contrôler la constitutionnalité des lois2 tant par
voie d'action que par voie d'exception.

Paragraphe 1
La juridiction constitutionnelle

Point 1
Organisation de la Cour constitutionnelle

A. La Cour

La Cour Constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le


Président de la République, dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par
le Parlement réuni en Congrès et trois autres par le Conseil Supérieur de la
Magistrature3. Six des neuf membres de la Cour doivent être des juristes
issus de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire4.
Le Président de la Cour est élu par ses pairs pour une durée de trois ans
renouvelables une seule fois, dans les conditions déterminées dans le
Règlement Intérieur. Il est investi par Ordonnance du Président de la
République5.

1 En ce sens, D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 62.


2 Art. 162, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 2, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Voy. M. WETSH'OKONDA, «


Profil des membres de la première composition de la Cour constitutionnelle de
la République démocratique du Congo », in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 123-134.
4 Art. 5 Al. 1, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation

et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


5 Art. 9, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

40
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Le parquet

Il est institué un Parquet Général près la Cour Constitutionnelle


placé sous l’autorité du Procureur Général près la Cour
Constitutionnelle1. En matière pénale, il recherche et constate les
infractions relevant de la compétence de la Cour, soutient l’accusation et
requiert les peines. Dans les autres matières de la compétence de la Cour,
il émet des avis motivés2.

C. Le greffe

La Cour est dotée d’un greffe dirigé par un Greffier en Chef3. Le


greffe est appelé à coordonner l’ensemble des services administratifs et techniques
ainsi que la gestion financière de la juridiction. En son sein sont, notamment,
organisés le greffe, le secrétariat de plénières et la direction
administrative et financière.

D. Le corps des conseillers référendaires

Il est créé au sein de la Cour un corps de conseillers référendaires


placé sous l’autorité du Président. Leur nombre ne peut dépasser
soixante4. Les Conseillers référendaires assistent la Cour dans l’étude et la
préparation technique des dossiers dont elle est saisie5.

1 Art. 12, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et


fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Voy. G-P DJUMA, « Parquet
général près la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo
», in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 89-110.
2 Art. 14, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


3 Art. 19, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Voy. M. WETSH'OKONDA, «


Greffe de la Cour constitutionnelle : attributions, organisation et
fonctionnement », in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 111-122.
4 Art. 20, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Voy. M. WETSH'OKONDA, «


Conseillers référendaires de la Cour constitutionnelle : des gens de justice
uniques en leur genre ? », in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 69-89.
5 Art. 21, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

41
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Indépendance de la juridiction constitutionnelle

Conformément à la théorie générale de la justice constitutionnelle,


la Cour constitutionnelle voit son indépendance assurée tant au regard
de son statut, qu'au regard de celui de ses membres. En effet, quant au
statut, la doctrine1 enseigne qu'une triple autonomie est nécessaire pour
que soit assurée l'indépendance de la juridiction constitutionnelle :
réglementaire, administrative et financière. Pour la première, la Cour est régie,
en plus de la Constitution et de sa loi organique, par son propre
règlement intérieur élaboré par elle-même, contenant notamment les
règles relatives à son fonctionnement2. Sur le plan administratif, la Cour
dispose de sa propre administration distincte de celle contrôlée par le
gouvernement, et présidée par son Président3. Ce dernier est d'ailleurs
l'ordonnateur du budget4 de la Cour, dont l'avant-projet est transmis au
Bureau du Conseil Supérieur de la Magistrature en vue de son intégration
au budget du pouvoir judiciaire, ce qui assure son autonomie financière.
Quant au statut de ses membres, ces derniers, dotés d'un statut
particulier distinct du statut des magistrats5, disposent d'un mandat long
de neuf ans non renouvelable6. Les fonctions de membre de la Cour ou
du Parquet Général et celles de Conseiller référendaire sont du reste
incompatibles avec une certaine catégorie de fonctions susceptibles de
lettre à mal l'indépendance de la Cour7.

1 Voy. notamment, L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 279.


2 Art. 41, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
3 Art. 38 Al. 1, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation

et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


4 Art. 38 Al. 2, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation

et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


5 Art. 11, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


6 Art. 6, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


7 Art. 31, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle. : 1. la qualité de membre du


Gouvernement ; 2. l’exercice de tout mandat électif ; 3. l’exercice de tout emploi
public ; 4. la qualité de mandataire public ; 5. l’appartenance à un parti politique,
un regroupement politique ou un syndicat. Toutefois, l’exercice de ces fonctions

42
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Les actes soumis au contrôle de constitutionnalité et la
hiérarchie des normes

Les compétences de la Cour constitutionnelle sont diverses et


variées. Toutefois, ainsi que le soulèvent Francis Hamon et Michel
Troper1 à propos du Conseil constitutionnel français, ce serait une erreur
de croire que la Cour peut connaître de n’importe quel litige portant sur
l’application ou l’interprétation de la Constitution. Pour nombreuses
qu’elles soient, les attributions de la Cour sont énumérées de façon
limitative, et la plupart d’entre elles correspondent à des hypothèses très
spécifiques. En clair, la Cour, sur le modèle général de la compétence en
droit public, n’a qu’une compétence d’attribution.
La doctrine2 classe les compétences de la Cour constitutionnelle en
compétences contentieuses et non-contentieuses. En matière non-
contentieuse, le juge est appelé, non pas à trancher un litige né entre
parties, mais plutôt à constater ou confirmer une situation juridique
déterminée, ou encore à faire naître un droit en dehors de toute
contestation3. Parmi ces compétences figurent la réception du serment
présidentiel, le constat de la vacance au poste de Président de la
République, la proclamation des résultats électoraux et référendaires, le
dépôt de la déclaration du patrimoine familial du Président de la
République et des membres du gouvernement ainsi que la déclaration de
conformité des ordonnances de l'article 145 de la Constitution du 18
février 2006.
En revanche, la juridiction contentieuse a pour objet principal de
trancher une question de droit soumise à sa connaissance. Ici, le juge
n'est plus appelé à faire des constats ou à émettre des avis, mais plutôt à
dire le droit4. Sont concernés, le contrôle de constitutionnalité, le recours
en interprétation de la constitution, les conflits d'attribution entre les
pouvoirs exécutif et législatif, entre l'État et les provinces, et entre les
ordres de juridiction, et les infractions à la constitution.

n’est pas incompatible avec la qualité d’enseignant dans un établissement


d’enseignement supérieur ou universitaire.
1 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 724.
2 MABANGA MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, EUA,

Kinshasa, 1999, p. 23 ; D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 196.


3 MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., p. 23.
4 Idem., p. 32.

43
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Nous nous appesantirons sur le contrôle de constitutionnalité,


essentiellement le contrôle de constitutionnalité de certains actes.
La Cour connaît de la constitutionnalité des traités et accords
internationaux, des Lois, des actes ayant force de Loi, des édits, des
Règlements Intérieurs des Chambres parlementaires, du Congrès et des
Institutions d’Appui à la Démocratie ainsi que des actes règlementaires
des autorités administratives1.

Point 1
Les lois constitutionnelles

Une loi constitutionnelle est celle qui porte modification de la


constitution. Elle se distingue de la loi ordinaire par le vote renforcé dont
elle fait l'objet ainsi que par la procédure spéciale de révision
constitutionnelle prévue2.
La loi de révision constitutionnelle ne doit pas être confondue avec
la loi référendaire. En effet, cette dernière est celle adoptée par le peuple au
référendum. Mais le référendum n'est pas toujours constituant, il peut encore
être législatif. En France, la Constitution prévoit une matière générale dans
laquelle le peuple peut intervenir pour l'adoption d'une loi. En effet, le
Président de la République, peut soumettre au référendum tout projet
de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes
relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la
nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la
ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des
incidences sur le fonctionnement des institutions3.
Par contre, la Constitution congolais ne prévoit l'intervention du
peuple par voie de référendum législatif que dans quelques hypothèses bien
déterminées : en cas d'autorisation de ratification d'un traité portant
cession, échange ou adjonction du territoire congolais4. Le juge
constitutionnel français a déjà eu à se déclarer incompétent pour contrôler
les lois référendaires à la Constitution au motif qu'il ne pouvait contrôler

1 Art. 43, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et


fonctionnement de la Cour constitutionnelle. S. KAPINGA, « Cour
constitutionnelle et contrôle de constitutionnalité en République démocratique
du Congo », in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 3-28.
2 En ce sens, L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 232.
3 Art. 11, Constitution du 4 octobre 1958.
4 Art. 214 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

44
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'expression de la souveraineté du peuple1. Le juge congolais lui, n'a


encore jamais eu à se prononcer sur cette catégorie de lois.
En France, le Conseil constitutionnel avait semblé faire entendre
qu'un contrôle des lois de révision constitutionnelle était possible. En
effet, après avoir affirmé2 que « le pouvoir constituant est souverain » et
donc « qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter les
dispositions de valeur constitutionnelle », le Conseil constitutionnel
admettait qu’il est cependant soumis à des « limites », ce qui pouvait sous-
entendre qu’une saisine du Conseil débouchant sur un contrôle
était possible. Ceci dit, se prononçant pour la première fois directement
sur une loi constitutionnelle votée par le Parlement, saisi par un groupe
de sénateurs, le Conseil a démenti toutes les hypothèses d'un contrôle
des lois constitutionnelles. En effet, dans un considérant de principe très
lapidaire, il a rejeté le recours au motif que « le Conseil constitutionnel n’a pas
compétence pour se prononcer sur la demande susvisée »3.
En droit congolais, le juge constitutionnel n'a jamais eu à se
prononcer sur la conformité à la Constitution d'une loi constitutionnelle.
Mais la doctrine4 faisant une interprétation large de la notion « d'acte législatif »
pense que ces lois sont susceptibles de contrôle par le juge. Dieudonné
Kaluba5 pense que dans la mesure où le constituant a établi des limites au pouvoir
de révision, ce dernier reste soumis au contrôle du juge. C'est aussi la position de
Louis Favoreu6 pour qui tant une modification des principes résumant
fondamentalement l’ordre constitutionnel (démocratique, républicain, État de droit,
libéral, séparation des pouvoirs) qu’une modification substantielle de la pondération
entre eux par une révision constitutionnelle partielle constitue « une violation de l’ordre
constitutionnel fondamental » et serait dès lors annulable par la Cour. Le pouvoir
constituant originaire ayant établi des limites matérielles et temporelles à
celui dérivé, le contrôle de constitutionnalité d’une loi référendaire ou celle de révision
constitutionnelle reste possible lorsque, exerçant ses attributions, le pouvoir institué
dépasse les frontières qui lui sont imposées, notamment, lorsqu’il s’autorise à violer la

1 C.C. fr., Décis. n° 62-20 DC, 6 nov. 1962, Loi référendaire.


2 C.C. fr., Décis. n° 92-312 DC, Maastricht II.
3 C.C. fr., Décis. n° 2003-469 DC, 26 mars 2003.
4 MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., p. 34 ; D. KALUBA, Du

contentieux constitutionnel., op. cit., p. 214 ; J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel
congolais, op. cit., p. 110.
5 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 214. Voy. aussi « Le

constitutionnalisme africain : de la domestication du pouvoir constituant dérivé


en Droit constitutionnel congolais », in A.C.J.C., vol. 2, 2017, pp. 256-299.
6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 126.

45
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

procédure prévue par la Constitution ou porte atteinte aux droits et libertés


fondamentales auxquels la Constitution accorde une protection particulière1.
Dans la pratique en effet, la loi référendaire ou celle de révision
constitutionnelle n’est pas toujours ce que les électeurs pensent ou
veulent, mais plutôt, ce que les gouvernants et, notamment, le président
de la République a décidé. Abusant parfois du mandat obtenu à la suite
d’une victoire électorale, cette autorité peut s’autoriser de modifier, à
souhait, la Constitution, prétextant répondre à la demande des électeurs,
alors que l’entreprise ne vise que le renforcement de son pouvoir2.
Sous d'autres cieux, la pratique de contrôle des lois
constitutionnelles est de plus en plus répandue, les juges allemand,
tchèque, béninois, malien, sud-africain et même indien ont déjà eu à
affirmer leur compétence à contrôler ce type des lois3.
La Constitution congolaise du 18 février 2006 n'a été révisée qu'une
seule fois, par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011. La Cour
constitutionnelle n'a pas eu à se prononcer sur la conformité à la
Constitution de cette loi, ce qui ne signifie pas qu'elle n'en est pas
compétente. C'est probablement parce qu'elle n'eût pas été saisie. Une
telle situation peut paraître décevante alors même que d'aucuns4 lui
reprochent d'avoir violé l'article 220 en réduisant les prérogatives des
provinces, et en portant atteinte à l'indépendance de la magistrature. Les
nouveaux articles 197 et 198 reconnaissent au Président de la République
en effet, « sans restreindre les prérogatives des provinces », prévient le
législateur, en concertation avec les Bureaux de l’Assemblée nationale et
du Sénat, le pouvoir de dissoudre une Assemblée provinciale ou relever
de ses fonctions un Gouverneur de province en cas de crise grave et
persistante menaçant le fonctionnement régulier des institutions
provinciales5. Quant à l’article 149, l'amendement introduit a consisté en
la suppression du Parquet dans l’énumération des titulaires du pouvoir

1 J-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 110.


2 Idem.
3 Voy. C. MBWAMULUNGU, Contrôle de constitutionnalité des lois de révision

constitutionnelle. Approche comparative et prospective, Mémoire de licence, UNIKIN,


2020. Voy. aussi Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n°27, Dossier : Contrôle
de constitutionnalité des lois constitutionnelles, 2010.
4 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 239.
5 Exposé des motifs, Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de

certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du


18 février 2006.

46
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

judiciaire qui n'est dévolu qu'aux seuls cours et tribunaux1. Sans


préjudice de ces critiques doctrinales, le fait demeure tout de même
qu'on n'est pas à l'abri d'une fraude à la constitution masquée sous une
pseudo-volonté d'apporter au peuple des solutions miracles à leurs
problèmes.
Par ailleurs, le contrôle des lois constitutionnelles peut permettre
de stopper les partisans de la technique de la double révision. La thèse de
double révision énonce, selon ses défenseurs, l’inexistence, au sein de la
Constitution, des dispositions plus importantes que d’autres et le
caractère relatif des limitations imposées au pouvoir de révision2. Elle
consiste pour le pouvoir de révision à opérer, d’un seul coup, le
changement de la Constitution en vigueur et son remplacement par une
autre. Il supprime, dans un premier temps, l’interdiction de révision pour aboutir,
dans un second, à la modification de la norme protégée ou interdite de révision. Le
verrou constitutionnel sauté, il est ainsi aisé de procéder, dans l’ordre
constitutionnel en vigueur, aux adaptations jugées nécessaires3. Le
pouvoir de révision utilise frauduleusement la procédure prévue par la
Constitution pour atteindre un objectif inconstitutionnel ; il commet un
détournement des compétences, crée une rupture entre la Constitution
existante et la nouvelle produite par la révision4. Cette technique est
dénoncée par la doctrine5. Louis Favoreu la juge erronée car elle débouche
sur une régression à l’infini. « S’il était licite de réviser d’abord
l’article 89 (5), le constituant pourrait directement interdire de le
modifier. S’il était alors licite de réviser cette interdiction, on pourrait
interdire de réviser cette interdiction de réviser etc. ». La double révision
détruit l’unité de la Constitution et sa suprématie sur les autres normes
de conduite sociale, elle est déconseillée. Souvent au service de la fraude
à la Constitution, la pratique doit être combattue et le juge
constitutionnel alerté pour lui barrer la route6. La double révision
encourage la fraude à la constitution7.

1 Exposé des motifs, Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de


certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du
18 février 2006.
2 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 77.
3 Idem.
4 Ibidem.
5 Ibidem., p. 78 ; L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 128.
6 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 78.
7 Idem., p. 77.

47
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Dans son plaidoyer modéré en faveur d'un contrôle de


constitutionnalité des lois constitutionnelles, Olivier Beaud1 opine que
si le contrôle peut être refusé sur une loi constitutionnelle adoptée au
référendum, il pourrait cependant plus aisément se concevoir pour les
lois de révision adoptées par le Parlement. Il en va de la distinction-
même entre constituant originaire et dérivé, laquelle distinction perdrait
tout son sens sans un contrôle des limites. Cela est rendu nécessaire
également par le désir de contrôler l'œuvre des représentants face aux
risques de détournement de la volonté de la population. Dans ce sens,
un contrôle a priori serait plus acceptable, la loi n'étant pas arrivée au
bout de son processus de formation et n'ayant donc pas acquis la validité
nécessaire pour obtenir la qualité constitutionnelle.

Point 2
Les lois organiques

La Constitution donne un critère purement formel aux lois


organiques. Celles-ci présentent la particularité d’être adoptées selon une
procédure plus rigoureuse que celle applicable aux lois ordinaires, nécessitant la
majorité absolue des membres composant chaque chambre2. Elles sont par ailleurs,
et à la différence des lois ordinaires, obligatoirement contrôlées par la Cour
constitutionnelle3.
Ce critère formel peut être joint d'un critère matériel, faisant des lois
organiques des textes qui, sur la base de renvois exprès limitativement

1 O. BEAUD, « Un plaidoyer modéré en faveur d'un tel contrôle », in C.C.C., n°


27, (dossier : contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelle), 2010. En
ce sens également, O. GOHIN, Droit constitutionnel, 4e éd., Lexis Nevis, Paris,
2019, p. 252.
2 Art. 124, Constitution du 18 février 2006. : « Les lois auxquelles la Constitution

confère le caractère de loi organique, sont votées et modifiées à la majorité


absolue des membres composant chaque Chambre dans les conditions suivantes
: 1. la proposition de loi n’est soumise à la délibération et au vote de la première
Chambre saisie qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt au
Gouvernement ; 2. la procédure de l’article 132 est applicable. Toutefois, faute
d’accord entre les deux Chambres, le texte ne peut être adopté par l’Assemblée
nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses membres ; 3. les lois
organiques ne peuvent être promulguées qu’après déclaration par la Cour
constitutionnelle obligatoirement saisie par le Président de la République, de leur
conformité à la Constitution dans un délai de quinze jours ».
3 Art. 124 point 4 et 162 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

énumérés par la Constitution précisent les modalités d’application de normes


constitutionnelles dans un domaine ou une matière déterminés1. La loi organique
ne porte plus seulement sur l’organisation et le fonctionnement d’une
institution politique ou des pouvoirs publics2. La Cour suprême a eu en
effet à préciser que la Constitution du 18 février 2006 ignore ce critère,
en prévoyant expressément que certaines matières importantes, sans
rapport avec l’organisation et le fonctionnement d’un service public,
seront fixées par une loi organique. Il en est ainsi de l’article 10 lequel
prescrit les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de
recouvrement de la nationalité congolaise, de l’article 49 sur les droits de
la personne vivant avec handicap ou l’article 150, alinéa 3 relatif au statut
des magistrats3. Le domaine d’intervention de la loi organique porte
notamment sur l’organisation de la justice, des provinces et des entités
territoriales décentralisées ; l’organisation et le fonctionnement de la
banque centrale, de la Cour des comptes, de la Caisse nationale de
péréquation, de la police nationale et des forces armées ; l’organisation
et le fonctionnement du Conseil économique et social, de la Commission
électorale nationale indépendante, du Conseil supérieur de l’audiovisuel
et de la communication ainsi que d’autres institutions d’appui à la
démocratie ; la détermination du statut de l’opposition politique ; le
recouvrement, l’acquisition et la perte de la nationalité congolaise ainsi
que la promotion, par l’État, de la présence des personnes vivant avec
handicap au sein des institutions nationales, provinciales et locales.
En contrôlant les lois organiques, le juge constitutionnel vérifie le
respect des règles définissant la compétence du législateur organique, entre autres la
majorité absolue des membres composant les deux chambres. Il vérifie
ensuite la conformité de ces lois aux règles de fond contenues dans la constitution,
notamment les règles protégeant les droits et libertés fondamentaux4.
L'on pourrait être amené à se demander si, du point de vue de la
hiérarchie des normes, une loi ordinaire peut être invalidée pour
violation d'une loi organique. En réponse à cette question, il faudra poser
que les lois organiques ne sont pas incluses dans le bloc de constitutionnalité5, elles
n'ont pas valeur constitutionnelle, et une loi ordinaire ne peut être invalidée pour

1 L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 232 ; F. HAMON et M.


TROPER, op. cit., p. 525.
2 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 113.
3 C.S.J., R. Const. 067/T.S.R., 6 juin 2009.
4 En ce sens, L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 358.
5 Idem., p. 145.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

violation d'une loi organique. Lorsque le juge constitutionnel invalide une loi
ordinaire pour avoir modifié une loi organique, le motif d’invalidation
n’est pas la violation de la loi organique, mais la violation de la Constitution
qui définit les compétences du législateur ordinaire et du législateur organique1. La
véritable cause de censure d'une disposition législative en pareille
occurrence n'est pas la méconnaissance de la loi organique par le texte
censuré, mais bien plutôt la méconnaissance par celui-ci des dispositions
de l'article 124 de la Constitution. C'est ainsi que s'est prononcé le
Conseil constitutionnel français en invalidant une loi ordinaire au motif
qu’en la prenant le législateur « a empiété sur le domaine réservé à la loi organique
par l’article 13 al. 4 de la Constitution »2.
Il faudra néanmoins tempérer cette affirmation, s'agissant de la Loi
organique relative aux finances publiques. Dans pareille occurrence, la
méconnaissance des règles de procédure ou des principes qu’elles contiennent motive
directement l’invalidation de la loi3. Il en est ainsi parce que, la loi organique
contient des règles de procédure ou des principes qui s’adressent et
s’imposent au législateur ordinaire, et dont la transgression constitue une
violation directe de la loi organique, et non de la Constitution. Ainsi,
lorsqu'une loi de finances viole les règles de procédures ou les principes
régissant les finances publiques, elle peut faire l'objet d'une annulation
par le juge constitutionnel.

Point 3
Les lois ordinaires

Dans sa conception traditionnelle, la Loi était définie comme toute


décision émanant de l'organe législatif exprimée dans la forme législative4. Les textes
constitutionnels faisaient usage d'une conception purement formelle de la
loi. La loi ne se caractérisait, au fond, ni par sa matière, ni par la nature
intrinsèque de ses dispositions5. C'est la conception illimitée de la loi,
dite aussi du légicentrisme6. La loi pouvant légiférer sur tout, sans limite, l'on ne
pouvait concevoir un quelconque contrôle de constitutionnalité.

1 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 215 ; L. FAVOREU et alii.


Droit constitutionnel, op. cit., p. 145.
2 C.C. fr., Décis. n° 86-217 DC, 28 septembre 1986, Liberté de communication.
3 Voy. L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 145.
4 R. CARRE DE MALBERG, op. cit., p. 327.
5 Idem.
6 L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 130.

50
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Mais cette conception est aujourd'hui dépassée par l'institution


d'une limite au domaine de la loi1. La loi ne peut donc plus régir que les
matières lui reconnues par la Constitution, considérant que les autres
reviennent soit, à l'exécutif ou au domaine réglementaire, soit, au
constituant dérivé lui-même ou au domaine de la constitution. C'est
l'avènement du principe de constitutionnalité, qui affirme la suprématie de la
Constitution sur l'ordre juridique et partant, la garantie de cette suprématie par le
biais du contrôle de constitutionnalité2.
La définition de la loi, même si elle demeure formelle, est adjointe
d'une certaine conception matérielle. La réunion de ces deux conceptions
n'est pas sans importance, car à côté de la loi, on peut distinguer les actes
législatifs non parlementaires — le domaine est celui de la loi, mais l'organe
est autre que le Parlement (il peut s'agir du peuple, on parle de loi
référendaire, ou du gouvernement, on parle d'actes ayant force de loi, plus
précisément, d'ordonnances-lois) —, des actes non-législatifs parlementaires
— émanant de l'organe Parlement, cependant, non dans la procédure
législative, mais dans la procédure de contrôle parlementaire —3.
« La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des
lois et des actes ayant force de loi »4. La loi ordinaire est la catégorie privilégiée
du contrôle de constitutionnalité5.
Le contrôle de constitutionnalité a essentiellement une vertu
procédurale6. Le juge n'exerce pas un examen sur l'opportunité des
matières contenues dans la loi, de telle ou telle réforme, il se borne à
démontrer au législateur que telle ou telle mesure ne peut pas être prise
dans la forme législative ordinaire, elle relève soit de la forme législative
organique, soit de la forme constitutionnelle. Le juge ne fait qu'indiquer
au législateur la procédure adéquate pour prendre la mesure concernée.
C'est un contrôle de procédure, mieux, un contrôle de compétence, le
juge intervenant comme un aiguilleur7.
Et justement, le législateur ordinaire a aujourd'hui une compétence
d'attribution8, elle ne peut s'exercer que dans les matières qui lui sont

1 Voy. F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 661 ; P. AVRIL, op. cit., p. 87.
2 L. FAVOREU et alii. Droit constitutionnel, op. cit., p. 133.
3 Idem., p. 231.
4 Art. 160 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
5 D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., p. 217.
6 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 64.
7 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 358.
8 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 661.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

dévolues par le constituant, au cas contraire, il serait incompétent pour


prendre la mesure : c'est la notion du domaine de la loi1.
Le domaine de la loi renvoie à un champ délimité de matières dans lesquels
le pouvoir législatif va exercer son pouvoir normatif2.
Saisi en inconstitutionnalité d'une loi, le juge constitutionnel vérifie
donc si le législateur a respecté les limites des compétences attribuées
par le constituant au législateur ordinaire. Il vérifie s'il n'y a pas eu
incompétence positive, par l'intrusion de celui-ci dans le domaine du
constituant, du législateur organique ou même du règlement.
Contrairement au juge français, en effet, le juge considère
inconstitutionnelle une loi entrant dans le domaine du règlement3.
Bien plus, le juge constitutionnel sanctionne également l'incompétence
négative du législateur. D'après J. Trémeau4, la loi est entachée
d’incompétence négative lorsque le législateur a méconnu l’étendue
constitutionnelle de ses attributions, en déléguant une compétence à une autre autorité
(exécutive ou judiciaire) alors que c’est lui qui aurait dû l’exercer. La loi, pour être
conforme à la Constitution, doit donc être suffisamment précise et
complète pour écarter tout arbitraire lors de son application (et le
législateur exercer la plénitude de ses compétences. Il ne peut
abandonner au décret gouvernemental la fixation de certaines règles)5.
Le contrôle de la loi est également un contrôle de procédure6. Le juge
vérifie que la loi a été adoptée en conformité avec les règles de procédure
d'adoption de la loi prévues par la Constitution : limitation des initiatives de lois
parlementaires, priorité à l'assemblée nationale en cas de projet de loi de
finance, navette, commission mixte paritaire. Toutefois, les règles
contenues dans les règlements intérieurs des chambres ne peuvent servir
à l'invalidation de la loi. Ces règlements n'ont pas valeur constitutionnelle7.
Par ailleurs, par son contrôle, le juge vérifie également que le
législateur respecte les dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux.
En effet, la réserve de la loi est une des garanties des droits et libertés

1 Voy. B. MATHIEU, « La part de la loi, la part du règlement. De la limitation


de la compétence réglementaire à la limitation de la compétence législative », in
Pouvoirs, vol. 3, n° 114, 2005, pp. 73-87.
2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, Droit constitutionnel, op. cit., p. 843.
3 C.C., R. Const. 739, 12 oct. 2018.
4 Cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 860.
5 Voy. C.C. fr., Décis. n° 75-56 DC, 23 juill. 1975, Juge unique.
6 D. CHAMUSSY, « La procédure parlementaire et le Conseil constitutionnel »,

in N.C.C.C., vol. 1, n° 38, pp. 37-68.


7 C.C. fr., Décis. n° 78-97 DC, 27 juil. 1978, Réforme de la procédure pénale.

52
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

fondamentaux. Elle signifie que le législateur a compétence pour prendre


les mesures qui concernent les droits et libertés fondamentaux1. Elle se
trouve chez nous affirmée à l'article 122 point 1 de la Constitution qui
dispose que « (...) la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».
Cette réserve fait de lui le seul capable de fixer des limites aux droits
et libertés fondamentaux qui, rappelons-le, sont des droits limitables2. Ces
limites sont de deux types : elles tiennent d'abord à la conciliation entre droits
et libertés fondamentaux manifestement incompatibles, on parle de « collision des
droits et libertés fondamentaux » (par exemple, droit à la vie du fœtus et
liberté de posséder de soi de la mère en matière d'avortement) ; elles
tiennent ensuite à la conciliation entre droits et libertés fondamentaux et objectifs
à valeur constitutionnelle, qui sont des objectifs assignés par le constituant
aux pouvoirs publics, pouvant permettre, en vue de leur réalisation, la
limite à certains droits et libertés fondamentaux (par exemple,
conciliation entre liberté et ordre public ou nécessité d'arrestation des
coupables d'une infraction en matière de garde à vue).
Dans cet exercice, le législateur doit respecter la « garantie de non-
dénaturation », dite aussi du « respect du contenu essentiel ». « En aucun cas il ne
doit être porté atteinte à la substance d'un droit fondamental », dispose la
Constitution allemande3.
Dans son rôle de protection des droits et libertés fondamentaux, le
juge doit opérer un jonglage subtil entre des droits et libertés
manifestement incompatibles, sans faire prévaloir certains sur d'autres.
De même, il doit opérer un jonglage entre droits et libertés et objectifs à
valeur constitutionnelle. Ainsi, le Conseil constitutionnel français a-t-il
concilié droit de grève et continuité des services publics4, la liberté de
communication avec les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la
sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la
préservation du caractère pluraliste des courants d’expression
socioculturels5, ou encore le droit à la protection de la santé avec la
liberté d’entreprendre et le droit de propriété6.

1 Voy. en ce sens, L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 946.


2 Voy. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 940.
3 Art. 19 Al. 2, Loi fondamentale allemande du 8 mai 1949.
4 C.C. fr., Décis. 25 juill. 1979, Droit de grève à la radio.
5 C.C. fr., Décis. 27 juill. 1982, Communication audiovisuelle.
6 C.C. fr., Décis. n° 90-283 DC, 8 janv. 1991, Lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.

53
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Somme toutes, c'est un contrôle de procédure qu'opère le juge


constitutionnel. Conformément à la théorie de la hiérarchie des normes,
seule une norme constitutionnelle peut modifier une norme
constitutionnelle. Le législateur n'a donc pas compétence pour prendre
une disposition contraire à la Constitution, encore moins en matière de
droits et libertés fondamentaux. Cette réforme ne peut se faire que dans
la procédure constitutionnelle, c'est-à-dire, dans la procédure utilisable
en matière de révision constitutionnelle — encore qu'ici, il faudrait tenir
compte des dispositions intangibles —. La procédure législative
ordinaire ne le lui permet pas.

Point 4
Les actes réglementaires

La Cour contrôle la conformité des règlements à la Constitution1.


Les actes réglementaires sont des règles de portée générale, impersonnelle
et abstraite prises par l'autorité administrative2. Ils ne désignent pas
nommément les personnes concernées par la décision3 — même si elle
peut désigner leur qualité —. Ils ont pour destinataires, toutes les
personnes présentes et à venir qui se trouvent concernées par le contenu
de l'acte. Son contenu peut concerner une matière donnée, une
institution donnée ou une catégorie de personnes (statut des
professeurs).
Les actes réglementaires trouvent leur source à l'article 128 al. 1 de
la Constitution qui dispose que « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». De cette disposition découle
la distinction entre les règlements autonomes et les règlements subordonnés4. Les
premiers sont ceux qui sont directement concernés par cette disposition.
Ils ont un domaine réservé pour toutes les matières dans lesquelles le constituant n'a
pas spécialement reconnu la compétence au législateur, notamment aux articles
122 et 123 de la Constitution.
À côté, les règlements subordonnés sont ceux qui interviennent dans
le sillage de la loi, sur pied des articles 122 et 123 de la Constitution, en vue d'en
préciser les modalités d'application.

1 Art. 162 al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 J. WALINE, Droit administratif, Dalloz, Paris, 2018, p. 463.
3 L. YUMA, Manuel de droit administratif général, CEDI, Kinshasa, 2015, p. 113.
4 Voy. F. VUNDUAWE, op. cit., p. 675.

54
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La doctrine opine que seuls les règlements autonomes sont


susceptibles de contrôle de constitutionnalité, les règlements
subordonnés relevant du juge administratif1.
A contrario, les actes non-réglementaires concernent une ou plusieurs personnes
nommément désignées dans l'acte. Ils ont une portée limitée, des destinataires
déterminés ou concernent des situations concrètes2. Ce sont des actes individuels,
car ils concernent soit une personne nommément désignée, soit un
groupe de personnes nommément désignées ou identifiées. Dans ce
dernier cas, il s'agit de plusieurs personnes dont la situation est réglée par
une même décision. Ce sont des actes individuels collectifs, qui sont en
fait un « entassement d'actes individuels », pour reprendre l'expression
de Cry Cambier3.
Les actes non-réglementaires sont subjectifs, lorsque les effets
portent sur une situation juridique nouvelle au profit ou à l'encontre
d'une personne donnée. Ils créent, modifient ou suppriment une
obligation ou un droit subjectif de manière individuelle ou personnelle.
À côté, les actes-condition sont ceux qui confèrent ou retirent à une
personne la qualité de se prévaloir d'un statut prévu à l'avance par un
texte à caractère général et dont l'octroi ou le retrait suppose la réalisation
préalable des conditions fixées par le texte de référence. Ils modifient
ainsi le statut d'une personne et généralement une personne physique
(cas des actes de nomination, de révocation, ou de mise à la retraite).
La distinction est d'un intérêt majeur. En effet, les actes
administratifs, individuels ou réglementaires, relèvent tous de la
compétence du juge administratif pour ce qui est de leur annulation. En
revanche, seuls les actes administratifs réglementaires relèvent de la
compétence de la Cour constitutionnelle. Ainsi par exemple, saisie d'une
requête en inconstitutionnalité d'un arrêté ministériel portant création de
la commission chargée de préparer et convoquer l'assemblée générale
extraordinaire et ordinaire de la SOCODA, la Cour a dit que cet arrêté,
pris par le Ministre de la Culture et Arts, est un acte individuel, subjectif,
non-réglementaire. En effet, « l'acte individuel ou subjectif est celui qui
est destiné à créer, à constater ou à modifier la situation juridique d'un
individu. Il ne concerne et n'intéresse que l'individu visé par l'auteur de
l'acte et pas un autre, même si cet autre se trouve objectivement dans la
même situation que le premier, telle que la nomination d'une personne

1 Voy. D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel., op. cit., pp. 340 et s.


2 Voy. J. WALINE, op. cit., p. 464.
3 Cité par F. VUNDUAWE, op. cit., p. 667.

55
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

à un poste ou sa révocation (...) les actes réglementaires, qui définissent


une situation générale, se distinguent des actes non-réglementaires qui
se composent en majorité des décisions individuelles caractérisant une
situation individuelle ; des décisions collectives concernant plusieurs
personnes dont la situation est solidaire ; et des décisions particulières
pour une situation individualisée qui a des effets à un nombre
indéterminé de personnes (...) ». Eu égard à ce qui précède, la Cour a
considéré que l'arrêté déféré devant elle manquait de la généralité, de
l'abstraction et de l'impersonnalité qui caractérisent l'acte réglementaire
et qui s'appliquent à tous ceux qui objectivement se trouveraient dans la
situation visée par l'acte. Il remplit tous les critères de l'acte individuel et
concerne une personne privée, la SOCODA. Il ne concerne que cette
personne privée dans son organisation et sa gestion. En tant que tel,
l'arrêté attaqué échappe au champ de compétence de la Cour
constitutionnelle qui se déclarera, par conséquent, incompétente à
connaître de la requête1.
Saisie en inconstitutionnalité d'un acte réglementaire, la Cour opère
le même contrôle ci-dessus décrit à propos des lois ordinaires et des lois
organiques.

Paragraphe 3
Procédure en matière de contrôle de constitutionnalité2

Point 1
La saisine de la Cour

A. La saisine par voie d’action

Les conditions principales de saisine par voie d’action sont fixées à


l'article 88 de la loi sur la Cour. Aux termes de celle-ci, « la Cour est saisie
par requête des parties ou du Procureur Général déposée contre récépissé au greffe.
Sauf lorsqu’elle émane du Procureur Général, la requête mentionne, sous peine
d’irrecevabilité, les noms, qualité et adresse du requérant ainsi que l’objet et les moyens
de la demande. Le Greffier inscrit la requête dans un rôle », en l'espèce le rôle
constitutionnel ou R. Const.

1C. C., R. Const. 0019. Voy. aussi C.C., R. Const. 0010/074/T.S.R./filtrage.


2Voy. J. CIHUNDA, « Procédure devant la Cour constitutionnelle », in A.C.J.C.,
vol. 1, 2016, pp. 135-157.

56
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La Cour, pour statuer sur la recevabilité de la requête, se fonde non


seulement sur cette loi, mais aussi l'article 27 de son Règlement Intérieur1.
Par ailleurs, la Cour adjoint souvent ces dispositions à d'autres
dispositions constitutionnelles ou légales qui tiennent par exemple à la
qualité du requérant. Ainsi par exemple, saisi d'un recours contre un acte
législatif en chantier, la Cour vérifie si le requérant a, conformément à
l'article 160 alinéa 2 de la Constitution, la qualité officielle requise. Il en est
de même quand elle est saisie à l'égard de l'ordonnance portant mesure
prises à l'occasion de l'état d'urgence, conformément à l'article 145 de la
Constitution2 ; d'un recours en interprétation de la Constitution,
conformément à l'article 161 alinéa 1 de la Constitution3 ; du contrôle a
priori obligatoire d'un règlement intérieur d'une chambre parlementaire,
conformément à l'article 112 de la Constitution4. Les dispositions
peuvent aussi tenir au délai de recours. Ainsi par exemple, saisi d'un recours
a posteriori en inconstitutionnalité d'un acte législatif, la Cour vérifie si
le recours a respecté le délai de six mois prévu par l'article 50 de la loi
sur la Cour.
Le Greffier assure la signification de la requête à toutes les parties concernées
pour les conclusions à déposer dans les huit jours de la réception. Passé ce délai, le
dossier est communiqué au Procureur Général pour son avis à intervenir dans
le même délai5.
Pendant ce délai, le requérant peut toujours déposer une requête
additive. Une requête additive est une requête complémentaire à la
requête initiale, tendant à corriger une irrégularité, ou à adjoindre un
moyen nouveau non compris dans la requête principale. La Cour a
ouvert une porte à ce type de requête dans sa jurisprudence, à la
condition de respecter un délai de huit jours6.

1 C.C., R. Const. 569/599.


2 C.C., R. Const. 1.200.
3 C.C., R. Const. 262.
4 C.C., R. Const. 122.
5 Art. 89, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


6 Voy. par ex. C.C., R. Const. 569/599. A.-C. FUNGA, « Distinction entre

recours en annulation et recours en inconstitutionnalité, recevabilité des requêtes


additionnelles. Observations sous l’arrêt R.Const. 569/599 du 29 décembre 2017
», in Les analyses juridiques, n° 40, 2018, pp. 67-70.

57
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. La saisine par voie d’exception

Aux termes de la Constitution, « la Cour constitutionnelle est juge de


l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction. Toute
personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte
législatif ou réglementaire. Elle peut en outre, saisir la Cour constitutionnelle par la
procédure de l’exception de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la
concerne devant une juridiction. Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes affaires
cessantes, la Cour constitutionnelle »1. La Constitution a institué cette
procédure d'exception d'inconstitutionnalité pour la protection des droits et
libertés fondamentaux des citoyens, en permettant à toute personne
partie à un litige, qui craint se voir appliquer une loi qu'elle estime être
contraire à la Constitution, de soulever l'exception d'inconstitutionnalité
de cette loi pour que le juge constitutionnel se prononce sur sa
conformité à la Constitution, dans l'espoir de l'écarter de l'instance en
cours.
Dans son arrêt de principe rendu sous R. Const. 1272 du 4
décembre 2020, la Cour constitutionnelle a précisé le régime juridique
de cette exception. Le juge constitutionnel, interprétant l'article 162 de
la Constitution, tablait que « la saisine par voie d'exception d'inconstitutionnalité
n'est possible et réalisée que sur production d'un arrêt ou jugement avant dire droit
rendu par la juridiction saisie de la cause lors de l'examen de laquelle cette question
prioritaire préjudicielle est invoquée non pas in limine litis mais à toute hauteur de la
procédure, ce moyen étant d'ordre public »2.
L’exception n’existe juridiquement et le juge a quo ne peut surseoir
que lorsque la partie qui l’invoque précise les dispositions législatives et
réglementaires querellées ainsi que la disposition constitutionnelle dont la
violation est vantée. En l’absence de cette indication, ou lorsque les actes
visés sont des actes de procédure judiciaires ou juridictionnels,
l’exception manque en droit et est sans objet. Dans ce cas, le juge ne peut
surseoir ni renvoyer devant la Cour. Il s’agit donc d’un mécanisme de
préfiltrage reconnu au juge de fond. La saisine directe de la Cour est
irrecevable et ne peut produire d’effet sur la procédure en cours.
La Cour venait ainsi résoudre une controverse au sujet de la nature
d’ordre public ou privée de cette exception. La circulaire du Premier
Président de la Cour de cassation du 7 mars 2017 dispose en effet
que, « s’agissant des exceptions à répétition en cette matière, la Cour Suprême de

1 Art. 162, Constitution du 18 février 2006.


2 C.C., R. Const. 1272, 4 déc. 2020, 5e feuillet. C'est nous qui soulignons.

58
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Justice a, sous R. Const. 310/311 TSR, préconisé que cette exception est à soulever
une seule fois devant le juge de fond et in limine litis (...) pour que la saisine de la
Cour Constitutionnelle soit dépouillée de tout dilatoire »1. La circulaire se fonde
d'ailleurs, comme elle l'indique, sur un arrêt de la Cour Suprême de
Justice rendu sous R. Const. 310/311 TSR. Les juges judiciaires ont donc
reçu instruction de ne recevoir les exceptions d'inconstitutionnalité
qu'avant toute instruction au fond, pour éviter les manœuvres dilatoires.
Cette circulaire a de quoi faire grincer des dents, dans la mesure où
l'exception d'inconstitutionnalité, instituée par le constituant lui-même a
une portée absolue, erga omnes, et vise la garantie de l'ordre public. Dans
ces conditions, elle s'affiche plus comme une exception d'ordre public.
Celles-ci peuvent être soulevées à n'importe quelle étape de l'instruction
à l'audience — y compris au fond —, et d'office par le juge2.
Dans ce contexte de contradiction, la position de la Cour semble
s’imposer. En effet, c’est elle qui est l’interprète officielle de la
Constitution. Le système congolais de justice constitutionnelle étant un
système concentré, dans lequel les fonctions de justice constitutionnelle
sont assurées par une seule juridiction constitutionnelle, il en découle
que la Cour constitutionnelle est la gardienne de la légalité constitutionnelle3.
L’interprétation que rend la Cour dans ses arrêts bénéficient d’une
autorité de la chose interprétée4, au nom d laquelle l'interprétation du juge
constitutionnel s'impose valablement à tout destinataire. Elle exige de la
part des pouvoirs publics et des autorités juridictionnelles un
comportement déterminé5.
L'interprétation donnée par la Cour constitutionnelle sur le sens et
la portée de l'article 162 de la Constitution est donc celle qui s'impose
aux juridictions judiciaires et administratives. Elles sont tenues
d'appliquer la Constitution telle qu'elle a été interprétée par son juge6.
En l'espèce, elles doivent reconnaître à l'exception d'inconstitutionnalité
une portée d'ordre public et l'admettre à toute étape des débats. En tant
qu'elle restreint la portée d'un droit fondamental, la circulaire du Premier

1 Circulaire n° 001 du Premier Président de la Cour de cassation du 7/03/2017


portant transmission des dossiers à la Cour Constitutionnelle pour examen de
l’exception d’inconstitutionnalité après surséance.
2 Voy. par ex. C.S.J., R.P. 194, 17 mai 1978.
3 J.-L. ESAMBO, La Constitution du 18 février 2006., op. cit., p. 291.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 389.
5 M. DISANT, « L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel

», in C.C.C., n° 28, 2010, p. 3.


6 Art. 153 al. 4, Constitution du 18 février 2006.

59
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Président de la Cour de cassation est contraire à la Constitution et ne


doit pas être appliquée par les juges judiciaires. C'est une exigence
élémentaire de la hiérarchie des normes.

Point 2
L'instruction

La procédure en matière de contrôle de constitutionnalité est écrite.


Elle est en outre contradictoire en cas du contentieux
d’inconstitutionnalité. Elle est gratuite1.
Saisie conformément à l’article 139, alinéa 1er de la Constitution, la
Cour transmet, pour information, copie du recours au Président de la
République, au Premier Ministre, au Président de l’Assemblée Nationale
et au Président du Sénat. Les recours contre les actes des autorités d’une
Province sont transmis, pour information, au Gouverneur de la Province
et au Président de l’Assemblée Provinciale. Les autorités visées à l’alinéa
précédent peuvent transmettre par écrit leurs observations à la Cour2.
Après avis du Procureur Général, le dossier est confié à un
Rapporteur désigné par le Président de la Cour. Le Rapporteur établit un
rapport écrit à soumettre à la Cour dans les sept jours. Le Rapport ainsi
que l’avis du Procureur Général sont lus à l’audience3.
La Cour peut toujours soulever d'office un moyen d'ordre public. Dans son
arrêt rendu sous R. Const. 569/599, la Cour soulevait d'office le moyen
de sa compétence implicite fondée sur sa jurisprudence, corrigeant
l'argument erroné de la demande qui, pour asseoir la compétence de la
Cour à contrôler les actes d'assemblée — en l'espèce, une motion de
défiance adoptée contre le président de l'Assemblée provinciale de
Kinshasa —, assimilait celle-ci à un acte administratif réglementaire
rentrant dans le champ de compétence de la Cour. À ce moyen, la
défenderesse réagissait en estimant que « la requête en
inconstitutionnalité de la résolution attaquée pose prima facie un sérieux
problème juridique pour justifier la compétence de la Cour
constitutionnelle dans la mesure où une résolution d'une chambre

1 Art. 96, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et


fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
2 Art. 97, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


3 Art. 98, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

60
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

parlementaire ne saurait être un acte administratif, ni individuel, encore


moins réglementaire, l'assemblée n'agissant pas en l'espèce comme une
autorité administrative, mais plutôt comme institution politique ». La
Cour, faisant corps avec la réplique de la défense, affirmait toutefois sa
compétence en soulevant d'office ce moyen1.
La Cour statue dans le délai de trente jours à compter du dépôt du
recours. Toutefois, à la demande du Gouvernement de la République, ce
délai est ramené à huit jours en cas d’urgence2.

Point 3
L'arrêt de la Cour

La Cour ne peut valablement siéger et délibérer qu’en présence de tous


ses membres, sauf empêchement temporaire de deux d’entre eux au plus dûment
constaté par les autres membres3.
Les audiences de la Cour sont publiques, à moins que cette publicité
ne soit dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs. Dans ce
cas, la Cour ordonne le huis-clos. Les parties peuvent être représentées ou
assistées de leurs avocats4.
Les délibérés sont secrets. Le Juge le moins ancien donne son avis le
premier ; le Président le dernier. En cas de partage des voix, celle du
Président est prépondérante. Les décisions sont prises à la majorité des
voix. Toute opinion dissidente ou individuelle est intégralement reproduite en
fin de l’Arrêt. Elle comporte le nom de son auteur5.
La Cour statue par voie d’Arrêt. Les Arrêts de la Cour sont écrits
et motivés. Ils sont signés par tous les membres de la composition et par
le Greffier du siège. Ils ne sont susceptibles d’aucun recours, sauf
interprétation ou rectification d’erreur matérielle6.

1 C.C., R. Const 569/599.


2 Art. 99, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
3 Art. 90, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


4 Art. 91, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


5 Art. 92, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


6 Art. 93, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

61
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les Arrêts de la Cour sont publiés au Journal Officiel. Ils sont


immédiatement exécutoires.
Le Procureur Général en poursuit l’exécution1.
Les Arrêts de la Cour sont notifiés, selon le cas, aux parties
concernées, au Président de la République, au Premier Ministre, au
Président de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat, au
Gouverneur de Province ainsi qu’au Président de l’Assemblée
Provinciale. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à
toutes les autorités administratives, juridictionnelles, civiles, militaires
ainsi qu’à tous les particuliers2.

Paragraphe 4
La décision de constitutionnalité

Point 1
Typologie des décisions de constitutionnalité

Saisi d'une requête en inconstitutionnalité, le juge constitutionnel


rend une typologie de décisions sur le plan de la forme et du fond3.
Statuant sur la forme de la requête, la Cour vérifie d'abord sa
compétence avant la recevabilité de la requête. Elle rend alors une
décision de compétence ou d'incompétence, de recevabilité ou d'irrecevabilité.
Statuant sur le fond, lorsque le juge constate la non-conformité
d'une ou plusieurs dispositions de la loi à la Constitution, la Cour rend
une décision d'invalidation. Cette invalidation peut être totale ou partielle4.
Quand elle est totale, la loi et rejetée en bloc et ne peut tout simplement pas être
promulguée par le Président de la République. En revanche, l'invalidation
partielle permet à la loi d'être promulguée sans la disposition non-conforme, à
condition que celle-ci soit jugée « détachable » du reste du texte. Une
disposition est détachable si son amputation n'ôte pas le texte de son sens et de
son objet. Le texte peut vire sans cette disposition. Cependant, si elle est

1 Art. 94, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et


fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
2 Art. 95, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


3 Voy. L. FAVOREU, « La décision de constitutionnalité », in R.I.D.C., vol. 38,

n° 2, 1986, pp. 611-633.


4 Voy. Art. 113, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant

organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

62
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

jugée non-détachable, c'est-à-dire, si son amputation prive le texte de son


sens et de son objet, celui-ci ne pourra pas être promulgué par le
Président de la République.
Le juge peut aussi conditionner la constitutionnalité de la loi à des
réserves d'interprétation. Ce sont les décisions de conformité sous réserve. Le juge
déclare la loi conforme à la Constitution, à condition qu'elle soit
interprétée d'une manière ou d'une autre qu'il fixe. Cette interprétation
peut être constructive, neutralisante ou directive.
Dans les décisions de conformité sous réserve d’interprétation
constructive, le juge constitutionnel ajoute au texte ce qui lui manque pour être
conforme, sous couleur de l’interpréter. Le juge va plus loin qu'une simple
mission d'aiguilleur, il est quasiment législateur. Les décisions de
conformité sous réserve d’interprétation neutralisante ont pour effet de
gommer le caractère nocif de certaines dispositions en affirmant qu’elles n’ont pas
la signification qui semble découler du texte ou qu’elles sont dépourvues
d’effet juridique. Les décisions de conformité sous réserve
d’interprétation directive ont pour objet de tracer une ligne de conduite à ceux
qui auront à appliquer la loi déclarée conforme sous réserve, et notamment
aux tribunaux. Une variante de la réserve constructive est la réserve
substitutive. Elle consiste pour le juge à supprimer une disposition
inconstitutionnelle en lui substituant une autre, plus conforme. Le juge
opère en deux temps en retranchant et en ajoutant, bref, en remplaçant1.
Une décision particulièrement illustrative des réserves
d'interprétation est l'arrêt rendu sous R. Const. 789, en conformité à la
Constitution de la loi relative à la Cour des comptes. La loi prévoyait en
effet que le siège de cette institution se trouve à Kinshasa, et mais qu'en
cas de nécessité, le siège pourrait être transféré à un autre endroit du pays
par la loi. La Cour considérait qu'en opérant ainsi, le législateur s'était
arrogé une compétence que ne lui avait pas attribué le constituant, et
qu'il était sorti du cadre de son domaine. Cependant, il n'a pas pour
autant déclaré la loi contraire à la Constitution. Il l'a déclarée conforme,
à condition que la disposition querellée soit lue comme laissant à
l'autorité réglementaire le pouvoir de changer le siège de la Cour des
comptes.

1 Voy. T. DI-MANNO, Le juge constitutionnel et la technique des décisions ‘interprétatives’


en France et en Italie, Economica-PUAM, Aix-Paris, 1997.

63
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Autorité des décisions de la Cour

« Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et


sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs
publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires
ainsi qu’aux particuliers. Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de
plein droit »1.
Les seuls recours possibles sont ceux en interprétation ou en
rectification d’erreur matérielle2. L’erreur matérielle dans une décision
judiciaire est une inexactitude au niveau du support extérieur que
constitue son écriture, c’est-à-dire au niveau de sa dimension qui tombe
sous les sens, par opposition à sa dimension intérieure constituée par le
processus même du raisonnement judiciaire3.
Toutefois, cette autorité absolue ne fait pas obstacle aux
infléchissements et aux revirements de jurisprudence4. Elle doit aussi
être relativisée en matière d'exception d'inconstitutionnalité. Par ailleurs,
le Procureur Général près la Cour constitutionnelle poursuit l’exécution
de ses décisions5.
L'autorité de la chose jugée ne s'attache d'ailleurs pas qu'au
dispositif de la décision. Le Conseil constitutionnel français considère en
effet depuis longtemps que l'autorité de chose jugée des décisions «
s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien
nécessaire et en constituent le fondement même »6.
L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel est donc aussi
une autorité de « chose interprétée »7. L'interprétation qui est énoncée par

1 Art. 168, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 93 Al. 4, Art. 113, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
3 C.S.J., R.P.R. 001/2027/2028 du 23 avril 1999. Voy. BALINGENE

KAHOMBO, « La Cour constitutionnelle et la rectification d’erreurs matérielles


contenues dans ses arrêts relatifs au contentieux des résultats des élections
législatives du 30 décembre 2018 », in A.C.J.C., vol. 4, 2019, pp. 182-207.
4 Voy. T. DI MANNO, « Les revirements de jurisprudence du Conseil

constitutionnel français », in C.C.C., n° 20, 2006.


5 Art. 94 Al. 3, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation

et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


6 C.C. fr., Décis. n° 62-18 L, 16 janv. 1962, Loi d'orientation agricole. Voy. aussi C.C.

fr., Décis. n° 89-258 DC, 8 juill. 1989 ; no 92-312 DC, 2 sept. 1992.
7 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 389.

64
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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voie de doctrine dans les décisions du juge constitutionnel est dotée


d'une autorité privilégiée. Au nom de l'autorité de chose interprétée,
l'interprétation du juge constitutionnel s'impose valablement à tout
destinataire. Elle exige de la part des pouvoirs publics et des autorités
juridictionnelles un comportement déterminé1.

Paragraphe 5
Effets des décisions de la Cour

Sommes toutes, la justice constitutionnelle apparaît comme le


mécanisme le plus efficace de protection de la Constitution. Elle produit un double
effet sur l'ordre politique et sur l'ordre juridique2.

Point 1
Sur l'ordre politique

Sur l'ordre politique, la justice constitutionnelle en vient à mettre


en place un véritable pouvoir constitutionnel. La juridiction constitutionnelle
n'est plus considérée comme une simple juridiction, ni même comme un
ordre de juridiction à elle seule, mais bien plus, comme un véritable pouvoir
constitutionnel, un pouvoir dont le rôle sacré est de garantir la séparation des pouvoirs
entre les autres pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), par la vérification
de la conformité des actes de chaque pouvoir à la Constitution. On peut
même aller plus loin, en le considérant comme le plus haut de tous les
pouvoirs, en ce qu'il veille à la séparation entre tous les autres. C'est ce qu'a
voulu exprimer l'auteur de cette pensée, Vezio Crisafulli3, pour qui « il
est certain (...) que la Cour ne rentre pas, non seulement dans l’ordre
judiciaire, mais même pas dans l’organisation juridictionnelle au sens le
plus large du terme, c’est-à-dire dans l’ensemble des organes exerçant
des fonctions juridictionnelles (...) La Cour constitutionnelle (...) reste en
dehors des pouvoirs étatiques traditionnellement connus : elle forme un
pouvoir indépendant dont le rôle consiste à assurer le respect de la
Constitution dans tous les domaines ». Il s'ensuit que la séparation des
pouvoirs prend tout son relief et sa signification lorsqu’il existe une Cour

1 M. DISANT, « L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel


», in C.C.C., n° 28, 2010, p. 3.
2 Voy. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 297-302 ; D.

KALUBA, Du contentieux constitutionnel…op. cit., pp. 103-143.


3 Cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 297.

65
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

constitutionnelle chargée de faire observer par chacun d’entre eux les limites de ses
compétences1.
L'effet le plus frappant de la justice constitutionnelle sur l'ordre
politique est celui de la juridicisation de vie politique2. Le jeu politique est
dorénavant soumis à la règle de droit. On a plus « juridiquement tort
parce qu'on est politiquement minoritaire », tel qu'opinait André Laignel,
parce que la Constitution « ne saurait dispenser le législateur, dans l’exercice de sa
compétence, du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle qui
s’imposent à tous les organes de l’État »3. Dans ce sens, « la loi votée n’exprime
[plus] la volonté générale que dans le respect de la Constitution »4. Cela produit
une pacification de la vie politique et facilite l'alternance au pouvoir, car la
minorité n'aura plus à craindre que la nouvelle majorité soit oppressive,
étant donné que le juge constitutionnel veillera à lui faire respecter les
garde-fous.

Point 2
Sur l'ordre juridique

La justice constitutionnelle produit également des effets sur l'ordre


juridique. On parle de constitutionnalisation de l'ordre juridique pour désigner,
avec Bristol5, ce mouvement « d'intégration, d'irrigation ou d'irradiation » des
diverses branches du droit par les normes constitutionnelles. Toutes les branches
du droit sont régies par des principes fondamentaux de valeur
constitutionnelle, à telle enseigne que Jean Pradel en vient à voir en la
procédure pénale par exemple, « une colonie du droit constitutionnel »6. Le
droit au mariage en droit des personnes, le droit de propriété en droit
des biens, le principe de l'autonomie de la volonté en droit des
obligations, et de manière plus riche, les principes du procès équitable et
des droits de la défense, de la non-rétroactivité, de légalité, de la
responsabilité pénale individuelle en droit pénal, les objectifs d'intérêt
général, d'ordre public, les principes de continuité et d'égalité en droit

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 297.


2 Voy. L. ODIMULA, La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en
droit positif congolais, L'Harmattan, Kinshasa, 2013.
3 C.C. fr., Décis. 16 janvier 1982 Nationalisations I.
4 C.C. fr., Décis. n° 85-196 DC, 8 août 1985, Évolution de la Nouvelle-Calédonie.
5 Cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 302.
6 Cité par J.-M. TASOKI, Procédure pénale congolaise, L'Harmattan, Paris, 2017, p.

17.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

administratif, ou d'établissement de l'impôt par la loi… ce sont autant de


règles constitutionnelles dont la justice constitutionnelle permet
l'activation, qui régulent, à titres de principes fondamentaux, les
différentes branches du droit.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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SOUS-TITRE 2
L'ÉTAT
L'établissement d'une Constitution donne naissance à l'État. En effet, dit
R. CARRÉ DE MALBERG1, « l'État doit avant tout son existence au
fait qu'il possède une constitution (...) la naissance de l'État coïncide avec
l'établissement de sa première constitution, écrite ou non, c'est-à-dire,
l'apparition du statut qui pour la première fois a donné à la collectivité
des organes assurant l'unité de sa volonté et faisant d'elle une personne
étatique. L'existence d'une Constitution forme la condition absolue et la
base même de l'État, en ce sens que l'État ne peut exister que grâce à un
état de choses organiques réalisant l'union de tous ses membres sous la
puissance de sa volonté suprême. C'est pourquoi il est permis de dire
que la naissance de l'État se place au moment où il se dote d'une
Constitution ».

Chapitre 1
Théorie générale de l'État

Section 1
Définition de l'État

Paragraphe 1
Définitions traditionnelles

Il existe plusieurs définitions de l'État. Étymologiquement, le mot «


État » provient du terme latin status, qui avait le sens de statut, de situation.
Au Moyen-Âge, ce mot s’employait pour désigner la condition juridique
d’une personne, d’une institution2. À partir du XVIe siècle, sous
l’influence italienne, notamment celle de Machiavel, le mot État va
acquérir deux significations nouvelles. Il va désigner parfois l’organisation
politique d’un pays (on utilise encore ce sens, lorsqu’on dit, par exemple,
qu’il faut adapter l’État aux changements économiques ou sociaux). Il va
désigner parfois le pays lui-même, l’entité territoriale qui est ainsi

1 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 66.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 2.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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gouvernée. Ce sens va devenir primordial : c’est lui qui est sous-entendu


chaque fois qu’on dit que le Congo est un État1.
Dans une définition géographique, l'État désigne la localisation d'une
population déterminée. Entité artificielle qui se superpose aux régions
naturelles2.
De manière générique, l'État peut faire l'objet d'une triple définition
large, étroite et très étroite3. De manière générique, l'État désigne au sens
large, l'organisation globale de la société, une collectivité organisée, ayant comme
support sociologique une nation. Dans un sens restreint, l'État désigne les
pouvoirs publics, c'est-à-dire, les gouvernants, les organes qui exercent les fonctions de
l'État par rapport aux gouvernés. Dans un sens étroit, l'État désigne au sein
des pouvoirs publics, l'élément central par rapport aux collectivités territoriales.
Les politiques, notamment Max Weber, définissent l'État comme
une entreprise politico-institutionnelle qui, dans les limites d'un territoire déterminé,
revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence, physique
légitime4. Les sociologues, notamment Raymond Guillien et Jean Vincent,
voient en l'État une espèce particulière de la société politique résultant de la
fixation sur un territoire d'une collectivité humaine relativement homogène régie par
un pouvoir institutionnalisé comportant le monopole de la force armée5.

Paragraphe 2
Définition juridique

En droit, l'État est défini par R. CARRÉ DE MALBERG comme


une personne morale de droit public, souveraine et soumise au droit qu'elle crée6.
L''État est une représentation de l'esprit, une idée ou un concept, un être
de droit en qui se résume abstraitement la collectivité nationale7. Un être
de droit et non de chair et de sang, porte le nom de personne morale. Une
personne morale est une construction désignée à prendre en charge de façon
permanente les intérêts d'une population ou d'un peuple, indépendamment des
personnes physiques qui agissent au nom de l'Etat8. « Je n'ai jamais déjeuné avec

1 Idem.
2 J. GICQUEL, op. cit., p. 49.
3 Idem.
4 Cité par J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1…, op. cit., p. 93.
5 Cité par J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1…, op. cit., p. 93.
6 Cité par J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1…, op. cit., p. 93.
7 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 48.
8 J. GICQUEL, op. cit.,p. 49.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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une personne morale », opine Léon Duguit1. Ce concept de personne


morale permet d'expliquer la pérennité de l'État et de ses engagements. Elle permet
également de doter l'État d'un patrimoine propre.
Hans Kelsen définit l'État comme un ordre réglant la conduite des
hommes ; l'État est un ordre juridique, mais tout ordre juridique n'est pas un
État. Il ne le devient qu'au moment où il établit certains organes
spécialisés dans la création et l'application des normes qui le constituent2.
L'État ne se distingue pas de l'ordre juridique : c'est un système normatif
globalement efficace et sanctionné. Globalement efficace : les règles édictées
ne sont pas appliquées de manière aléatoire mais, considérées dans leur
ensemble, elles sont plutôt respectées que transgressées et leurs
violations plutôt sanctionnées dans des formes elles-
mêmes juridiquement déterminées3. L'État est en effet un système
juridique relativement centralisé, car toutes les règles générales, toutes
les normes concernant l’application des normes générales aux cas
particuliers ainsi que tous les actes d’application peuvent en dernier lieu
être reconstruits comme émanant d’un principe unique. Le droit
constitutionnel moderne désigne par le terme « État » soit le système
juridique dans son ensemble, soit une collectivité territoriale, celle-là justement qui
englobe le territoire dans sa totalité4.

Section 2
Éléments constitutifs de l'État

En suivant la théorie des trois éléments de Georges Jelinek, la doctrine5


attribue généralement à l'État trois éléments constitutifs, conditions
nécessaires, cumulatives et non alternatives de l'existence d'un État, auxquels
d'aucuns6 ajoutent un quatrième élément décisif. Ainsi l'État peut être
défini comme une entité souveraine dotée d'une population permanente, d'un

1 Cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 49.


2 H. KELSEN, op. cit., pp. 155-156.
3 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 48-49.
4 Idem., p. 55.
5 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 7 ; J. GICQUEL, op. cit., p. 50 ; D.

CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 8 ; P. PACTET, Institutions politiques et droit


constitutionnel, Masson, Paris, 1992, p. 44 ; P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, Droit
international public, Dalloz, Paris, 2018, p. 82.
6 S. BESSON, Droit international public, Stämpfli éditions, Berne, 2016, p. 37 ; J.

DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 103.

71
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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territoire déterminé et d'un gouvernement effectif1 jouissant d'une indépendance sur le


plan international. Il en découle que les éléments constitutifs de l'État sont
: la population, le territoire, le gouvernement et la souveraineté.

Paragraphe 1
La population

Dans un sens très large, la population désigne tous les individus qui
vivent sur le territoire de l'État. Elle comprend ainsi les nationaux, individus
qui sont unis à l'État par un lien de rattachement appelé « nationalité »,
et les étrangers qui sont les nationaux d'autres États. La communauté
nationale consiste d'abord en ce que malgré la pluralité de ses membres
et malgré les différents qui s'opèrent parmi eux, elle se trouve ramenée à
l'unité par le fait de son organisation : en effet, la communauté nationale
est organisée de telle façon que les nationaux forment à eux tous un sujet
juridique unique et invariable, comme aussi ils n'ont à eux tous qu'une
volonté unique, celle exprimée par les organes réguliers de la nation2.

Paragraphe 2
Le territoire

Le territoire, marqueur de souveraineté, constitue la base matérielle sur


laquelle le gouvernement peut exercer son autorité. Il est également directement
lié à la population, qu'il stabilise à l'intérieur de ses limites3. Le territoire
est l'espace géographique à l'intérieur duquel s'exercent les compétences propres à
l'État souverain4.
Le territoire comprend le territoire terrestre, constitué du sol et du
sous-sol ainsi que des eaux intérieures (rivières, fleuves, lacs) ; il
comprend le territoire aérien consistant en la couche d'air atmosphérique
surplombant les territoires terrestre et maritime ; il peut aussi
comprendre, pour les États côtiers, la mer territoriale, zone maritime
adjacente à la bande côtière sur laquelle s'étend la souveraineté de l'État,

1 Georges Jelinek, cité par S. BESSON, op. cit., p. 37.


2 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 9.
3 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 105.
4 S. BESSON, op. cit., p. 41.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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équivalent à 12.000 miles1. Le point commun à tous ces territoires, c'est


qu'ils sont tous intégralement soumis à la compétence de l'État2.
Le territoire peut encore s'étendre sur les ambassades, les aéronefs
immatriculés et les navires battant pavillon de l'État.
On ne saurait accréditer, avec Pierre-Marie Dupuy3, la théorie du «
territoire sujet » qui désigne comme le « corps de l'État ». En effet, la pratique
prouve en effet que l'État peut connaître des mutations dans la
configuration de son territoire sans pour autant que disparaisse son
identité. On ne saurait davantage accréditer la théorie du « territoire objet »
d'après laquelle celui-ci est purement et simplement perçu comme la
propriété de l'État. Cette conception, héritée d'une vision patrimoniale de
l'État issue de la période monarchique ne correspond plus aujourd'hui à
la réalité du pouvoir qu'il exerce sur les activités et sur les hommes à
l'intérieur de ses frontières. Le territoire n'est rien de plus, mais c'est
fondamental, que l'espace à l'intérieur duquel s'exercent les compétences propres à
l'État souverain.

Paragraphe 3
Le gouvernement

Le gouvernement désigne toute autorité de contrôle et d'exécution sur le


territoire de l'État qui engage la responsabilité internationale de l'État. Cette
autorité peut être exécutive, législative ou judiciaire4.
Le gouvernement doit avoir la capacité réelle d'exprimer sa volonté,
de représenter et d'assurer le bien commun, c'est-à-dire d'exercer les
fonctions étatiques essentielles : justice, sécurité, exécution des
engagements internationaux5.

1 Idem., p. 42.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 106.
3 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 106.
4 S. BESSON, op. cit., p. 52.
5 En ce sens, J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 115 ; S. BESSON,

op. cit., p. 52.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
La souveraineté

La souveraineté est le fait pour l'État en tant que système juridique


considéré globalement, de ne pas directement être soumis à un autre État1. La
souveraineté s'exprime sur le plan interne et externe. La souveraineté interne
consiste à affirmer le caractère irréductible, unique du pouvoir de l'Etat. Cette
supériorité absolue lui confère la compétence des compétences, dont celle
d'imposer sa volonté à l'intérieur de son territoire non seulement aux
hommes mais aussi à tous les groupements publics et privés2. A l'externe,
elle se traduit par l'indépendance absolue de l'État.
L'indépendance est à la fois la condition et le critère de la souveraineté ;
une fois celle-ci reconnue à une collectivité possédant par ailleurs les
attributs de l'entité étatique, la souveraineté jouera à son tour comme le
garant de l'indépendance3. L'indépendance est le critère de la
souveraineté. En effet, ce qui permet de dire qu'un département, une
province, même un État fédéré, ou, de façon plus générale encore, toute
autorité décentralisée ne possède pas la souveraineté, c'est précisément
que, les unes et les autres, ces entités demeurent dans un lien de
dépendance juridique par rapport à une autorité centrale pour la
conduite de leurs relations internationales. Une fois acquise, la
souveraineté devient le garant de l'indépendance parce que lorsqu'elle est
reconnue à une entité étatique, elle emporte du même coup obligation
pour les États tiers de se comporter à son égard comme ils souhaitent
que leurs pairs agissent à leur propre égard. Ils doivent en particulier
s'abstenir de s'immiscer aussi bien dans la conduite des relations
internationales que dans celles des affaires intérieures de ce nouveau
souverain.
L'État souverain est alors sujet de droit international, en ce sens qu'il
est le destinataire direct et immédiat de droits et d'obligations internationales. Étant
le seul sujet doté de souveraineté, il se distingue des autres sujets — les
organisations internationales — par sa pleine capacité d'agir en vertu des
normes définies par le droit international4.
Il lui est alors attaché notamment la capacité de produire des actes
juridiques internationaux, qu'ils soient conventionnels ou unilatéraux ; la

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 52.


2 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 118.
3 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 81.
4 Idem., p. 135.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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capacité de se voir imputer des faits illicites internationaux et par là, d'engager
sa responsabilité internationale de même que celle de demander réparation
d'un dommage qu'il subit par suite d'un fait illicite international d'un autre
État ; la capacité de devenir membre d'organisations internationales ; la capacité
d'établir des relations diplomatiques et consulaires avec les autres États1.
La souveraineté de l'État emporte une double compétence territoriale et
personnelle de ce dernier2. La compétence territoriale est le fait pour l'État
de détenir l’exclusivité et la plénitude de ses compétences sur son territoire puisqu’il y
est souverain.
Cette compétence a un double caractère général et exclusif. Général
parce qu'à l'intérieur de son territoire, l'État souverain exerce l'ensemble des
pouvoirs qui s'attachent à sa qualité d'autorité publique. Il assume ainsi
toutes les fonctions nécessaires à l'organisation de la vie propre à la
collectivité humaine sise sur ce territoire : organisation constitutionnelle,
administration publique, pouvoir de police, défense nationale,
normalisation des activités entreprises par les personnes privées sur le
territoire national, etc. Exclusif, car il est le seul à exercer sa souveraineté
sur son étendue territoriale. Aucun autre sujet de droit international ne
peut exercer les attributs de la souveraineté sur le territoire d'un État sans
l'autorisation de ce dernier. C'est le principe de non-ingérence dans les affaires
internes d'un État.
La compétence personnelle est celle qu'exerce sur les personnes physiques
et morales ou entités (navires, aéronefs) ayant sa nationalité. Elle s’exprime
notamment pour les nationaux se trouvant à l’étranger par la protection
diplomatique, mais peut aussi prendre la forme d’obligations fiscales ou autres.

Section 3
Les formes d'État

L'État peut prendre des formes différentes, selon que son élément
constitutif « gouvernement » est détenu par une seule autorité centrale, où est partagé
entre le centre et les périphéries. L'État prendra ainsi respectivement une
forme simple ou unitaire, ou une forme composée ou fédérale. Le
constituant peut toutefois décider de réunir certaines caractéristiques
principales de l'une et l'autre forme, donnant ainsi naissance à une forme
hybride dite « régionale ».

1 Ibidem.
2 Ibidem., p. 137 ; S. BESSON, op. cit., p. 72.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
L'État unitaire

Point 1
Définition

L'État unitaire est celui qui ne comporte qu'une seule organisation juridique
et politique dotée des attributs de la souveraineté1. Il n’y a donc qu’un seul centre
de pouvoir et c’est en définitive la même autorité nationale, qui établit
directement les normes nationales et indirectement les normes locales2.

Point 2
Types d'aménagement

L'État unitaire peut faire l'objet de deux types d'aménagements : il


peut être déconcentré, ou décentralisé, ou encore les deux à la fois.

A. La déconcentration

La déconcentration consiste pour l’État à déléguer des pouvoirs de


décision des autorités centrales à des autorités locales. Elle se caractérise par la
nomination des autorités locales par le pouvoir central. Par conséquent,
ces autorités restent soumises au pouvoir hiérarchique ministériel3, en ce
sens qu'elles sont étroitement surveillées par les mécanismes de contrôle
de légalité et d'opportunité qui s'exercent sur leurs actes et par le pouvoir
d'instruction qui oriente leur comportement4.

B. La décentralisation

La décentralisation en revanche, consiste à transférer des pouvoirs de


décision de l’État vers d’autres personnes morales de droit public.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 523 ; Lire aussi J.


GICQUEL, op. cit., p. 63 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 56 ; P. PACTET, op.
cit., p. 48 ; D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 153 ; F. HAMON et M. TROPER,
op. cit., p. 80.
2 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 80.
3 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 523 ; Lire aussi F. HAMON

et M. TROPER, op. cit., p. 80.


4 L. YUMA, op. cit., pp. 70-71.

76
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Elle se caractérise donc par l'existence de collectivités locales dotées


de la personnalité juridique. Ces collectivités sont administrées par des
autorités élues. Puisqu'elles existent en droit, les collectivités disposent
d'un budget propre financé par des ressources propres. Enfin, les entités
décentralisées bénéficient d'une certaine autonomie administrative, et ne
sont donc soumises qu'à un simple contrôle de légalité1. Cela dit, la
décentralisation ne conduit pas à une véritable division du pouvoir
normatif au sein de l’État. L’autonomie des collectivités locales est de
nature administrative, et non politique2. Toutefois, cette autonomie,
perçue comme une liberté fondamentale, est garantie par le juge
constitutionnel, qui la place ainsi non seulement à l'abri du règlement,
mais même à l'abri de la loi3.

Point 3
Avantages et inconvénients de la forme unitaire

La forme unitaire présente les avantages tenant à la simplicité de


l'organisation administrative, le nombre réduit des fonctionnaires,
l'absence des conflits de compétences et de zone d'incertitude et enfin,
une certaine liberté de décision et d'action rapide en cas d'urgence4. Par
ailleurs, la décentralisation est liée à l’idée démocratique. Pour les États
formés de plusieurs groupes ethniques homogènes, elle permettra à ce
groupe de faire lui-même ses propres règles, qui tiendront mieux compte
de ses particularités5.
Par contre, la forme unitaire présente les inconvénients de
concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul décideur et
d'absence de véritable contrôle par le peuple de celui qui détient ces
pouvoirs, l'étouffement de l'esprit d'initiative et d'émulation, le
surgissement de l'État, la tentation presque irrésistible de centralisation

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 523 ; J. DJOLI, Droit


constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 123 ; L. YUMA, op. cit., p. 74.
2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 523.
3 Voy. L. FAVOREU et A. ROUX, « La libre administration des collectivités

territoriales est-elle une liberté fondamentale ? », in C.C.C., n° 12 (Dossier : Droit


constitutionnel des collectivités territoriales), 2002 ; M. VERPEAUX, « Le droit
constitutionnel des collectivités territoriales, avant-propos », in C.C.C., n° 12
(Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités territoriales), 2002.
4 D. KALUBA, Démocratie et développement., op. cit., p. 122.
5 En ce sens, F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 80.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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à outrance, la surcharge de travail dans les organes du pouvoir central, la


lenteur dans les solutions à apporter aux problèmes locaux, et enfin la
nomination fréquente des personnes de qualification douteuse et peu au
fait des réalités propres des entités locales décentralisées1.

Paragraphe 2
L'État fédéral

Point 1
Définition

L'État fédéral est défini traditionnellement comme un État composé


d'autres États (les États fédérés). Il superpose des collectivités étatiques
distinctes et réalise ainsi une véritable division verticale du pouvoir : à
l'étage supérieur se situe l'État fédéral (le super-État), le seul qui, à
l’exclusion des États membres, peut normalement entretenir des
relations internationales et à l'étage inférieur les États fédérés2.
Au-delà de la grande variété des fédéralismes, il existe des principes
d'organisation communs à tous les États fédéraux. Toute construction
fédérale combine trois principes organisateurs : superposition des ordres
juridiques, autonomie des États fédérés, participation de ces derniers au
pouvoir fédéral3.

Point 2
Principes d'organisation

A. La superposition

La création de l'État fédéral, par la volonté des États composants


telle qu'elle est exprimée par la Constitution, débouche sur un nouvel
ordre politique et juridique distinct des États fédérés : le super-État qui,
du point de vue du droit international, est le seul à exprimer la

1 D. KALUBA, Démocratie et développement., op. cit., p. 122.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 469 ; lire aussi J. GICQUEL,
op. cit., p. 65 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 63 ; D. CHAGNOLLAUD, op. cit.,
p. 129 ; P. PACTET, op. cit., p. 54.
3 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 476 ; F. HAMON et M.

TROPER, op. cit., p. 81 ; J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 127.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

souveraineté. L’État fédéré n’a pas comme l’État fédéral le pouvoir de


déterminer les matières de sa propre compétence, ce qu’on appelle la «
compétence de la compétence ». Il n’est pas souverain1.
L'État fédéral conduit à superposer deux ordres constitutionnels distincts,
car les collectivités fédérées, qui disposent de certains attributs de souveraineté,
peuvent se doter de leur propre Constitution et disposer ainsi d'un pouvoir
politique autonome, voire de leur propre système juridictionnel. Ceci dit,
l'ordre constitutionnel des États fédérés doit généralement respecter
certains principes prévus par la Constitution fédérale2.
Il y a encore superposition de deux ordres législatifs, les autorités des États
fédérés disposant d'un pouvoir normatif très large qui trouve un
fondement à la fois dans la Constitution de l'État fédéral et dans les
constitutions de chaque État fédéré. Le droit élaboré par les organes de
l’État fédéral bénéficie en principe de la primauté sur le droit des États
fédérés, ainsi que l'exprime l'adage allemand « Bundesrecht bricht
Landersrecht » (la loi de l’État fédéral brise la loi de l’État fédéré).

B. L'autonomie

L'autonomie des États fédérés signifie que ces derniers disposent


d'une sphère de compétences propres dans laquelle l'État fédéral ne peut s'immiscer3.
Chaque ordre de gouvernement est autonome dans son domaine
respectif. En principe aucun pouvoir hiérarchique, aucune tutelle, ne peut s’exercer
du niveau supérieur vers le niveau inférieur. Seul un pouvoir judiciaire indépendant
peut contrôler la constitutionnalité ou la légalité, mais en aucun cas l’opportunité, des
décisions prises par les autorités fédérées4.
Cette autonomie peut se décliner au plan constitutionnel et législatif.
L'autonomie constitutionnelle se caractérise par le fait pour les États
fédérés de disposer de leur propre Constitution et, symboliquement, de
leur propre drapeau et d'un hymne distinct de celui de l'État fédéral, ce
qui leur confère un pouvoir d'auto-organisation5.

1 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 82.


2 Lire Art. 28, Loi fondamentale allemande du 8 mai 1949 du 8 mai 1949 : « Les
länder doivent respecter les principes d’un État de droit républicain,
démocratique et social. » ; ou Art. 4, Constitution américaine du 4 juillet 1789.
3 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 480.
4 Idem ; F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 82.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 480 ; F. HAMON et M.

TROPER, op. cit., p. 82.

79
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sur le plan législatif, l'autonomie des États fédérés est la résultante


d'un partage constitutionnel de compétences entre la fédération et les États fédérés1.
Le domaine de compétence des États fédérés est garanti par la Constitution,
avec comme conséquence que ni le Gouvernement ni le Parlement
fédéral ne peuvent y porter atteinte2.
La répartition des compétences entre l'État fédéral et les États
fédérés concerne souvent trois séries de compétences : celles exclusives à
l'un ou l'autre étatique, celles concurrentes aux deux ordres étatiques, et les
compétences complémentaires des États fédérés à l'État fédéral. Pour les
premières, la répartition des compétences entre l'État fédéral et les États
fédérés peut emprunter plusieurs techniques3. Le plus souvent la
Constitution énumère les matières qui relèvent de la compétence du
législateur fédéral, lequel bénéficie ainsi d’une compétence d’attribution.
Par opposition (et par déduction) les matières non énumérées dans la
liste relèvent de la compétence des États fédérés, laquelle s’avère alors
être certes une compétence de principe, mais plus ou moins résiduelle
selon l’étendue et le nombre des compétences énoncées expressément
au profit du Parlement fédéral4.
Quant à elles, les compétences concurrentes sont celles qui peuvent
être exercées concurremment par l'État fédéral et l'État fédéré.
Enfin, les compétences complémentaires sont qui sont exercées par
les États fédérés en application des lois fédérales5.
Notons que juge constitutionnel est garant de l’équilibre fédéral qui
découle du partage de compétences réalisé par la Constitution entre les
deux niveaux étatiques6.

1 Voy. O. BEAUD, « La répartition des compétences dans une Fédération », in


Jus Politicum, vol. 16, 2016, pp. 179-206.
2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 482 ; Lire en ce sens, J.

DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 128.


3 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 482.
4 Lire l'Art. 1e sec. 8 de la Constitution américaine du 4 juillet 1789 qui énumère

les grandes questions qui relèvent de la Fédération (politique étrangère et défense


nationale, pouvoir d’imposition, émission de monnaie, commerce,
naturalisation, justice fédérale, Postes), alors que le Xe amendement déclare que
« les pouvoirs qui ne sont pas délégués au Congrès par la Constitution, ni
interdits par elle aux États sont réservés respectivement à ceux-ci et au peuple ».
5 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 483-484.
6 Idem., p. 489.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C. La participation

Les États fédérés doivent pouvoir participer au pouvoir fédéral. En


effet, la volonté fédérale ne pourra se former que si les États fédérés
peuvent intervenir dans les rouages essentiels du pouvoir fédéral, qu'il
s'agisse du pouvoir constituant ou du pouvoir législatif1.
Au pouvoir constituant, les États fédérés participent à la formation du
pouvoir constituant dérivé. Aux États-Unis, il existe deux procédures de
révision qui font toutes intervenir les États fédérés. Soit les 2/3 des
membres des deux chambres du Congrès proposent des amendements
qui doivent être ratifiés par les corps législatifs ou les conventions dans
3/4 des États. Soit les corps législatifs des 2/3 des États demandent la
tenue d'une convention pour proposer des amendements qui doivent
être ratifiés par les conventions formées par les 3/4 d'entre eux2.
La participation au pouvoir législatif se fait par l'intermédiaire de la
deuxième chambre législative. En effet, dans un État fédéral, il y a toujours
un bicamérisme : l'une des chambres représente l'ensemble de la
population, et l'autre les États fédérés3.
Au sein de la deuxième chambre, cette représentation peut être
égalitaire, chaque État fédéré, quelle que soit sa population disposant du
même nombre de représentants, comme aux États-Unis où chaque État
dispose de deux représentants ; ou inégalitaire, pondérée par exemple, par
la population de chaque État4.
La pondération entre les deux Chambres peut théoriquement aller
du bicamérisme strict, cas où les deux chambres ont les mêmes attributions,
et par ce fait, l'accord de la deuxième chambre est primordiale pour
l'adoption d'un texte ; à un bicamérisme bancal, dans le cas où la deuxième
Chambre dispose d'attributions globalement moins importantes que la
première et ne pourra s'opposer qu'à l'adoption de certains textes alors

1 Ibidem., p. 485 ; F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 81 ; J. DJOLI, Droit


constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 128.
2 Art. 5, Constitution américaine du 4 juillet 1789.
3 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 485 ; F. HAMON et M.

TROPER, op. cit., p. 82 ; J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1., op. cit., p. 128.
4 Ainsi, en Allemagne, aux termes de l'article 51 de la Loi fondamentale

allemande du 8 mai 1949, le Bundesrat qui représente les seize Länder comprend
68 membres. Chaque Land dispose d’au moins trois voix mais les Länder qui
comptent plus de deux millions d’habitants en ont quatre, ceux qui comptent
plus de six millions en ont cinq, ceux qui comptent plus de sept millions en ont
six.

81
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

qu'en règle générale la première Chambre bénéficie du dernier mot tout


en ayant la faculté de prendre en considération des amendements
proposés par la deuxième1. Au regard des compétences que détient le
Sénat américain en matière de contrôle de l'exécutif (notamment,
désignation des hauts fonctionnaires fédéraux), le bicamérisme
américain est parfois considéré comme penchant au profit du Sénat2.

Point 3
Avantages et inconvénients de la forme fédérale

Sur les avantages de la fédération, James Madison3 nous dit que «


parmi les nombreux avantages que nous promet l'Union bien construite,
il n'en est aucun qui mérite d'être plus soigneusement développé que sa
tendance à amortir et arrêter la violence des factions ».
Cependant, elle présente l'inconvénient de n'être pas très éloigné de
l'éclatement de l'État, les entités fédérées revendiquant sans cesse
davantage d'autonomie.

Paragraphe 3
L'État régional

Point 1
Définition

L'État régional ou autonomique se situe dans une position


intermédiaire entre l'État unitaire classique et l'État fédéral4. Il se caractérise par
la reconnaissance d'une réelle autonomie politique reconnue au profit des
entités régionales et notamment d'un pouvoir normatif autonome. À cet
égard, il correspond à la prise en compte de certaines spécificités, qu'elles soient
ethniques, culturelles, linguistiques, religieuses, et il se rapproche de

1 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 767.


2 Idem., p. 412.
3 Cité par, D. KALUBA, Démocratie et développement., op. cit., p. 119.
4 Voy. M.-P. ÉLIE, « L'Italie, un État fédéral. ? À propos des lois

constitutionnelles n˚ 1 du 22 novembre 1999 et n˚ 3 du 18 octobre 2001 »,


R.F.D.C., vol. 4, n° 52, 2002, pp. 749-757 ; G. CARCASSONNE, « Les
“nationalités” dans la Constitution », Pouvoirs, nº 8, L’Espagne, 1984 pp. 117-122
; P. SUBRA DE BIEUSSES, « Un État unitaire ultra-fédéral. », in Pouvoirs, vol.
1, n° 124, 2008, pp. 19-34.

82
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'État fédéral. Mais, à la différence de ce dernier, la structure étatique


reste unitaire même si elle peut être appelée à évoluer1.

Point 2
Principes d'organisation

A. Reconnaissance de l'autonomie

Dans l'État régional, l'autonomie accordée aux régions va plus loin


qu'une simple décentralisation de l'administration. La régionalisation
politique débouche sur une dualité de sources normatives, sur la reconnaissance
d'un pouvoir législatif régional. Cette autonomie régionale se trouve en outre
garantie par la Constitution2.
La mise en œuvre de cette autonomie se caractérise par la mise en
place d'institutions politiques et d'un pouvoir législatif local. Les institutions
politiques sont composées notamment d'un organe législatif,
généralement élu au suffrage universel direct, et d'un organe exécutif, qui
peut être lui aussi élu au suffrage universel direct, ou qui peut émaner de
l'organe législatif au suffrage indirect3.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 504 ; F. HAMON et M.


TROPER, op. cit., p. 80
2 Lire Art. 2, Constitution espagnole du 29 décembre 1978 : « reconnaît et

garantit le droit à l'autonomie des nationalités et des régions » ; Art. 5,


Constitution italienne du 27 décembre 1947 : « La République, une et indivisible,
reconnaît et favorise les autonomies locales ; elle effectue dans les services qui
dépendent de l'État la plus large décentralisation administrative, elle harmonise
les principes et les méthodes de sa législation avec les exigences de l'autonomie
et de la décentralisation ». En Espagne, le constituant a fait le choix d'une «
régionalisation à géométrie variable dans l'espace » prévoyant plusieurs degrés
d'autonomie, attachés chacun à des champs de capacités particuliers. Par ailleurs,
à l'exception des trois régions qui avaient déjà acquis le statut de région
autonomique de premier rang avant son adoption (La Catalogne, les Pays
basques et la Galice), le constituant a mis en place un principe dit du « dispositif
», prévoyant la liberté pour chaque entité réunissant certaines caractéristiques
fixées, d'acquérir tel ou tel degré d'autonomie en remplissant certaines conditions
de procédure. Voy. G. CARCASSONNE, loc. cit., p. 119 ; P. SUBRA DE
BIEUSSES, loc. cit.
3 Lire Art. 152-1 de la Constitution espagnole du 29 décembre 1978 qui prévoit

pour les communautés de premier rang, l'existence d'une Assemblée législative


élue au suffrage universel direct, ainsi que d'un Conseil de gouvernement
responsable devant l'Assemblée, et un Président de la communauté élu par

83
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le pouvoir législatif local est la résultante reconnaissance


constitutionnelle d'un domaine législatif local distinct du domaine
législatif national. La Constitution opère, sur le modèle de l'Etat fédéral, un
partage de compétences entre le domaine de la loi nationale et le domaine de la loi
locale. Ce partage de compétences peut s'organiser en compétences
exclusives, en compétences concurrentes, ou en compétences
complémentaires1. En tout état de cause, les collectivités locales sont,
sur le modèle des États fédéraux, garantis que le pouvoir national ne
pourra modifier selon son gré cette répartition des compétences, à la
différence de la décentralisation. Au demeurant, le juge constitutionnel
est garant de cet équilibre prévu par la Constitution, sur le modèle de
l'Etat fédéral.

B. Maintien de l'unité

En dépit de cette reconnaissance d'une assez large autonomie aux


collectivités locales, la structure de l'État régionale demeure une2. Les collectivités
locales ne sont pas dotées de leur propre Constitution, c'est-à-dire, d'un ordre
juridique distinct de l'ordre juridique national. Il n'y a donc qu'un seul
État, et c'est là les limites de l'autonomie régionale. Si les collectivités
locales des États espagnol et italien sont dotées d'un statut, Louis

l'Assemblée parmi ses membres et nommé par le Roi, responsable aussi devant
cette Assemblée ; Art. 121 de la Constitution italienne du 27 décembre 1947 qui
prévoit pour chaque région, l'existence d'un Conseil régional élu pour cinq ans
au suffrage universel direct, et d'une junte (exécutif) dont le Président est élu au
suffrage universel direct.
1 Lire Art. 149-1, Constitution espagnole du 29 décembre 1978, qui énumère les

matières relevant de la compétence exclusive de l'État, et 148-1 qui énumère les


compétences exclusives des communautés. Lire aussi Art. 118, Constitution
italienne du 27 décembre 1947 qui consacre un principe de subsidiarité à la
compétence de l'État : la compétence des régions est de principe, tandis que
l'Etat n'a qu'une compétence d'attribution.
2 Lire Art. 2, Constitution espagnole du 29 décembre 1978 : « La Constitution

est fondée sur l'unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et


indivisible de tous les Espagnols… ». Art. 5, Constitution italienne du 27
décembre 1947 : « La République, une et indivisible, reconnaît et favorise les
autonomies locales ».

84
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Favoreu1 enseigne que ce statut n'a qu'une valeur législative2. En effet, ils
sont soit adoptés par la Loi nationale comme en Espagne, soit adoptés
par la Loi locale et ratifiés par la loi nationale, cas de l'Italie3. Au
demeurant, ce statut est contrôlé par le juge constitutionnel qui exige une
harmonie avec la lettre et l'esprit de la Constitution4.
De surcroît, bien que les parlements nationaux soient bicaméraux,
les deuxièmes chambres ne représentent pas en fait les régions autonomiques, comme
c'est le cas dans un État fédéral5.
Enfin, l'autonomie des collectivités locales fait l'objet de plusieurs
contrôles. En plus d'un contrôle de constitutionnalité et de l'égalité exercé sur

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 515.


2 Cependant, en Espagne, les régions ont pris l'habitude d'augmenter leur degré
de compétence par leurs statuts, au travers de la technique du « blindage des
compétences », par laquelle les régions définissent avec précision des matières
de plus en plus nombreuses, les mettant à l'abri de l'intervention du pouvoir
central. Cette technique rapproche davantage l'État espagnol à un État fédéral.
Voy. B. PIERRE-VANTOL, « Autonomie politique et réforme statutaire en
Espagne : regards sur le « blindage des compétences » autonomes dans le
nouveau statut de la Catalogne », in R.F.D.C., vol. 1, n° 81, 2010, pp. 67-103.
3 Lire Art. 123, Constitution italienne du 27 décembre 1947.
4 Ce qui la conduit par exemple à invalider l’appellation « Parlement » donnée

par le statut de la région des Marches à son conseil régional dans la sentence no
306, 3 juill. 2002 et celle de « députés » à ses conseillers dans la sentence no 106,
12 avr. 2002. Voir aussi notamment les sentences no 304, 3 juill. 2002 ; no 196,
5 juin 2003 ; no 2, 13 janv. 2004 ; no 372, 2 déc. 2004.
5 En Espagne, les membres du Sénat sont élus principalement dans le cadre des

provinces, et non des régions autonomes qui ne se contentent que de désigner


un sénateur chacune, ainsi qu'un sénateur par million d'habitants, ce qui ne
représente pas plus de 20% des membres de la chambre. Lire les Art. 69-2 et 69-
5 de la Constitution espagnole du 29 décembre 1978.

85
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

les actes des autorités locales, ces collectivités peuvent faire l'objet de
mesure de suspension en Espagne1, ou de dissolution en Italie2.
La jurisprudence du tribunal constitutionnel espagnol considère
ainsi que, « parce qu’elle n’est pas égale à la souveraineté, l’autonomie s’analyse en
un pouvoir limité, de sorte que, chaque organisation territoriale dotée d’autonomie ne
constituant qu’une partie du tout, le principe d’autonomie ne peut en aucun cas
s’opposer à celui d’unité »3.

1 En Espagne, la mise sous tutelle est prévue par l'Art. 155, Constitution
espagnole du 29 décembre 1978 : « 1. Si une Communauté autonome ne remplit
pas les obligations que la Constitution ou d’autres lois lui imposent ou si elle agit
de façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le
gouvernement, après avoir préalablement mis en demeure le président de la
Communauté autonome et si cette mise en demeure n’aboutit pas, pourra, avec
l’approbation de la majorité absolue du Sénat, prendre les mesures nécessaires
pour la contraindre à respecter ses obligations ou pour protéger l’intérêt général
mentionné. 2. Pour mener à bien les mesures prévues au paragraphe précédent,
le gouvernement pourra donner des instructions à toutes les autorités des
communautés autonomes ».
2 Aux termes de l'Art. 126 de la Constitution italienne du 27 décembre 1947, le

Président de la République peut dissoudre un Conseil régional dans quatre cas :


si le conseil régional accomplit des actes contraires à la Constitution ou
gravement illégaux ; s'il refuse de remplacer l'exécutif régional à la demande du
Gouvernement quand cet exécutif s'est lui-même livré à des actes contraires à la
Constitution ou gravement illégaux ; lorsque le conseil régional est dans
l'impossibilité de fonctionner par suite de démissions ou d'absence de majorité ;
et, enfin, pour des raisons de sécurité nationale.
3 S.T.C., T.C. esp., 4/1981, 2 fév. 1981.

86
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 2
Organisation territoriale de l'État congolais
En raison des velléités séparatistes qu’on prête au fédéralisme et,
pour combattre les avatars d’un État consacrant l’omnipotence du
pouvoir central1, le régionalisme constitutionnel s'est imposé comme forme
médiane au constituant congolais. C'est ce qui ressort notamment de
l'esprit de la loi relative à la libre administration des provinces2, et des
dispositions pertinentes de la Constitution, notamment les articles 1, 3,
195 à 198, 201 à 205.

Section 1
Les provinces

Paragraphe 1
Présentation

La province est une composante politique et administrative du territoire de


la République3. La République démocratique du Congo est composée de
la ville de Kinshasa et de 25 provinces dotées de la personnalité juridique. Ces
provinces sont : Bas-Uélé, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga,
Haut-Uélé, Ituri, Kasaï, Kasaï Oriental, Kongo Central, Kwango, Kwilu,
Lomami, Lualaba, Kasaï Central, Mai-Ndombe, Maniema, Mongala,
Nord-Kivu, Nord-Ubangi, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-Ubangi,
Tanganyika, Tshopo, Tshuapa. Kinshasa est la capitale du pays et le siège
des institutions nationales. Elle a le statut de Province4.
La province est subdivisée en villes et territoires. À l'intérieur de la
province, la ville est subdivisée en communes ; la commune en quartiers
et/ou en groupements incorporés ; le territoire en communes, secteurs
et/ou chefferies ; le secteur ou chefferie en groupements ; le groupement
en villages5. La ville, la commune, le secteur et la chefferie sont des

1 J-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 367.


2 Exposé des motifs, Loi n°08/012 portant principes fondamentaux relatifs à la
libre administration des provinces.
3 Art. 2 Al. 1, Loi n°08/012 portant principes fondamentaux relatifs à la libre

administration des provinces.


4 Art. 2, Constitution du 18 février 2006.
5 Lire Art. 4, Loi n°08/012 portant principes fondamentaux relatifs à la libre

administration des provinces.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

entités territoriales décentralisées dotées de la personnalité juridique,


tandis que le territoire, le quartier, le groupement et le village sont des
entités territoriales déconcentrées dépourvues de la personnalité
juridique1.

Paragraphe 2
Reconnaissance de l'autonomie

Point 1
Des institutions politiques

L'autonomie des provinces est plus qu'administrative, elle est


politique. En effet, ces dernières sont dotées de véritables institutions
politiques, qui sont l’Assemblée provinciale et le Gouvernement provincial2.
L’Assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province. Elle
délibère dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le
Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux3.
Le Gouvernement provincial est composé d’un Gouverneur, d’un
Vice-Gouverneur et des ministres provinciaux. Les ministres provinciaux sont
désignés par le Gouverneur au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale4.
Avant d’entrer en fonction, le Gouverneur présente à l’Assemblée provinciale
le programme de son Gouvernement. Lorsque ce programme est approuvé à la
majorité absolue des membres qui composent l’Assemblée provinciale, celle-ci investit
les ministres.
Les membres du Gouvernement provincial peuvent être,
collectivement ou individuellement, relevés de leurs fonctions par le vote
d’une motion de censure ou de défiance de l’Assemblée provinciale.
Il y a lieu de distinguer ici l'investiture des gouverneurs, de celle du
gouvernement provincial. Si le gouverneur et son adjoint sont investis, après
élection, par le Président de la République, le gouvernement provincial lui,
doit encore attendre l'investiture de l'Assemblée provinciale.
En outre, les institutions provinciales sont, sur les modèles
classiques des États espagnol et italien, calquées sur celles du pouvoir central.
La Constitution dispose, en effet, dans la rubrique relative aux

1 Art. 5, Loi n°08/012 portant principes fondamentaux relatifs à la libre


administration des provinces.
2 Art. 195, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 197 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 198, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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institutions provinciales, que les dispositions des articles 100, 101, 102,
103, 107, 108, 109 et 110 sont applicables, mutatis mutandis, aux
Assemblées provinciales et à leurs membres1, de même que dispositions
des articles 146 et 147 s’appliquent, mutatis mutandis, aux membres du
Gouvernement provincial2. En remontant la Constitution, on découvre
que le premier renvoie ramène à la rubrique relative au pouvoir législatif,
qui est dévolu au parlement, plus particulièrement à l'Assemblée
nationale que copient les assemblées provinciales. Celle-là vote les lois
et contrôle le gouvernement. Ses membres sont dotés d'une immunité
pour les positions qu'ils prennent en tribune, et leurs fonctions sont
incompatibles avec une série d'autres fonctions, notamment celle de
membre du gouvernement. Quant au second renvoi, il ramène à la
rubrique relative aux relations entre le parlement et le gouvernement,
notamment à la question de la déchéance du gouvernement ou d'un de
ses membres par une motion de censure ou de défiance selon le cas.

Point 2
Un pouvoir législatif

L'autonomie politique dont disposent les provinces débouche


ensuite sur une dualité d'ordres législatifs : celui du pouvoir central et ceux
des provinces. En effet, celles-ci légifèrent par voie d'édit3 dont les articles
203 et 204 déterminent le domaine.
Sous la rubrique relative à la répartition des compétences entre le
pouvoir central et les provinces, on constate4 que les matières sont, soit
de la compétence exclusive du pouvoir central5, soit de la compétence
concurrente du pouvoir central6 et des provinces, soit de la compétence

1 Art. 197 Al. 6, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 198 Al. 9, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 197 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 201 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
5 Il s'agit entre autres, des affaires étrangères comprenant les relations

diplomatiques ainsi que les traités et accords internationaux ; de la


réglementation du commerce extérieur ; la nationalité, le statut et la police des
étrangers ; l’extradition, l’immigration, l’émigration et la délivrance des
passeports et des visas ; la sûreté extérieure ; la défense nationale ; la police
nationale ; la fonction publique nationale ; les finances publiques de la
République.
6 Il s'agit entre autres, de la mise en œuvre des mécanismes de promotion et de

sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales consacrés dans la

89
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

exclusive des provinces1. Dans les matières relevant de la compétence


concurrente du Pouvoir Central et des provinces, tout édit provincial
incompatible avec les lois et règlements d’exécution nationaux est nul et
abrogé de plein droit, dans la mesure où il y a incompatibilité2. La
législation nationale prime sur l’édit provincial3.
Comme on le voit, la répartition des compétences est assurée,
mieux garantie par la Constitution. Elles sont ainsi à l'abri des
modifications du législateur national, elles sont même à l'abri du pouvoir
de révision. En effet, est formellement interdite toute révision constitutionnelle
ayant pour objet de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales
décentralisées4. Au demeurant, le juge constitutionnel est garant de cet équilibre, car
il connaît des conflits de compétences entre l’Etat et les Provinces5. Cela veut dire,
en clair, que si une loi nationale empiète dans une matière réservée aux
provinces, ou si un édit provincial empiète dans une matière réservée à
la loi nationale, où est contraire à cette dernière dans une matière
concurrente aux deux6, la Cour peut, à la requête de certaines autorités

Constitution ; des droits civils et coutumiers ; des statistiques et les recensements


; de la sûreté intérieure ; de l’administration des cours et tribunaux, des maisons
d’arrêt et de correction et des prisons ; la vie culturelle et sportive ;
l’établissement des impôts, y compris les droits d’accise et de consommation, à
l’exclusion des impôts visés à l’article 174 ; l’exécution des mesures sur la police
des étrangers ; la recherche scientifique et technologique ainsi que les bourses
d’études, de perfectionnement et d’encouragement à la recherche.
1 Il s'agit entre autres, du plan d’aménagement de la Province ; de la coopération

inter provinciale ; la fonction publique provinciale et locale ; l’application des


normes régissant l’état civil ; les finances publiques provinciales ; la dette
publique provinciale ; les emprunts intérieurs pour les besoins des provinces ; la
délivrance et la conservation des titres immobiliers dans le respect de la
législation nationale ; l’organisation du petit commerce frontalier.
2 Art. 205 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 205 in fine, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 220 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 161 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
6 Lire Art. 62, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation

et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Voy. D. KALUBA, Du


contentieux constitutionnel., op. cit., p. 261.

90
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

centrales ou provinciales1, se prononcer sur celle de l'autorité centrale où


provinciale compétente2.

Paragraphe 2
Maintien de l'unité

Ceci dit, en dépit d'une large autonomie concédée aux provinces, la


structure étatique demeure une. La Constitution fait de la République
démocratique du Congo un État « (...) uni et indivisible (...) »3 quand bien
même elle reconnait les spécificités culturelles de ses composantes
sociales, en inscrivant comme langues nationales le kikongo, le lingala, le
swahili et le tshiluba4. La Constitution ne reconnaît pas aux provinces, le
droit de se doter de leurs propres constitutions, faisant ainsi de la
structure de l'Etat une structure unique et non double comme sur le
modèle de l'Etat fédéral. Au demeurant, si aucun contrôle administratif
ne peut s'exercer sur les actes des autorités provinciales, le pouvoir
central a tout de même la capacité, lorsqu’une crise politique grave et
persistante menace d’interrompre le fonctionnement régulier des
institutions provinciales, de dissoudre l'Assemblée provinciale5 d'une part, et
de relever de ses fonctions le gouverneur de province, d'autre part6. Par ailleurs, la
structure unitaire de l'Etat se manifeste par la mise en place, en dessous
de l'échelon provincial, d'un échelon d'entités décentralisées et d'entités
déconcentrées.

1 Ces autorités sont, sur pied des articles 63 Al. 1 et 52 de la Loi organique n°
13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, le Président de la République, le Gouvernement, le Président
du Sénat, le Président de l’Assemblée Nationale, un dixième des membres de
chacune des Chambres parlementaires, les Gouverneurs de Province et les
Présidents des Assemblées Provinciales.
2 Lire Art. 63 Al. 2, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant

organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


3 Art. 1e Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 1e Al. 8, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 197 Al. 7, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 198 in fine, Constitution du 18 février 2006.

91
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Les entités territoriales décentralisées

Nous l'avons dit, les entités décentralisées sont dotées de la personnalité


juridique. La personnalité juridique entraîne une autonomie organique,
matérielle, patrimoniale. L''autonomie organique veut que l'entité dispose
d'organes propres distincts de ceux de la personne morale de l'État.
L'autonomie matérielle postule que l'entité dispose de compétences propres
lui reconnues par les textes, et n'agissent pas que par délégation des
pouvoirs. Enfin, l'autonomie patrimoniale veut que l'entité dispose d'un
patrimoine propre, de ressources propres en vue de satisfaire à leurs besoins et
d'exercer les compétences lui attribuées.
Il est exercé sur l'entité décentralisée un contrôle de tutelle. Ce contrôle
s'exerce a priori par l'autorité de tutelle sur certains actes de l'organe
contrôlé avant leur entrée en vigueur, ou a posteriori dans un délai court
sur certains autres après leur entrée en vigueur1.
La ville, la commune, le secteur et la chefferie sont des entités
territoriales décentralisées.

Paragraphe 1
La ville

Point 1
Présentation

Il faut entendre par ville : tout chef-lieu de province ; ou toute agglomération


d'au moins 100.000 habitants disposant des équipements collectifs et des
infrastructures économiques et sociales à laquelle un décret du Premier ministre aura
conféré le statut de ville2.

1 Voy. L. YUMA, op. cit., pp. 75-82.


2 Art. 6, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Organes

Les organes de la ville sont le Conseil urbain et le Collège exécutif urbain1.


Le Conseil urbain est l'organe délibérant de la ville. Elle est composée
de membres appelés conseillers urbains2, élus par les conseillers municipaux au
scrutin proportionnel des listes ouvertes à une seule voix préférentielle,
avec application de la règle du fort reste, leur mandat étant de cinq ans
renouvelables3.
Le Conseil dispose d'un certain nombre d'attributions lui
reconnues par la loi4, entre autres, la Loi organique n° 08/016 du 07
octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des
Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les
Provinces.
Le Conseil urbain élit le Maire et le Maire-adjoint et approuve le programme
élaboré par le Collège exécutif urbain. Il adopte le projet de budget de la ville.

1 Art. 7, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,


organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 8, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 175, Loi électorale.
4 Sur pied de l'article 11 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008

portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales


Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces : le Conseil urbain
délibère sur les matières d'intérêt urbain, notamment : la construction et
l'aménagement de la voirie située dans l'agglomération urbaine ; la construction
et l'aménagement des collecteurs de drainage et d'égouts urbains ; l'éclairage
urbain ; la délivrance d'autorisation d'exploitation d'un service d'autobus et de
taxis ; l'autorisation de stationnement sur la voie publique ; la fixation et
l'approbation des tarifs ainsi que la perception des redevances y relatives ; le plan
d'aménagement de la ville ; l'aménagement, l'entretien et la gestion des marchés
d'intérêt urbain ; la construction, l'aménagement, l'entretien et la gestion des
parcs publics, des complexes sportifs et des aires de jeux ; la construction et
l'entretien des bâtiments publics appartenant à la ville ; l'organisation des
décharges publiques et du service de collecte des déchets, du traitement des
ordures ménagères ; l'organisation et la gestion d'un service anti-incendie ;
l'organisation et la gestion des pompes funèbres et des cimetières ; la police des
spectacles et manifestations publiques.

93
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le Conseil urbain statue par voie de décision. Ses décisions sont des
actes administratifs, et non législatifs1.
Le Maire peut, après décision du Collège exécutif urbain, engager la
responsabilité du Collège exécutif sur son programme, sur une déclaration de politique
générale ou sur le vote d'un texte. Le Conseil urbain met en cause la
responsabilité du Collège exécutif ou d'un de ses membres par le vote
d'une motion de censure ou de défiance. Le programme, la déclaration de
politique générale ou le texte visé à l'alinéa 1 er est considéré comme
adopté sauf si une motion de censure est votée2. Lorsque la motion de
censure est adoptée, le Collège exécutif urbain est réputé démissionnaire. Il
en est de même de la motion de défiance à l'encontre du Maire. Dans ce
cas, celui-ci remet la démission du Collège exécutif urbain au
Gouverneur de province3.
Le Collège exécutif urbain est l'organe de gestion de la Ville et d'exécution
des décisions du Conseil urbain4. Il est composé du Maire, du Maire-adjoint et
de trois Echevins urbains5.
Le Maire et le Maire-adjoint sont élus au sein ou en dehors du Conseil
urbain sur une même liste, au suffrage universel indirect et au scrutin
majoritaire à deux tours par les conseillers urbains, au sein ou en dehors, du
conseil urbain, pour un mandat de cinq ans renouvelable6. Ils sont investis par
le Ministre de la République ayant les affaires intérieures dans ses attributions

1 Art. 12, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,


organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 36, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 37, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
4 Art. 28, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
5 Art. 29, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
6 Art. 183, Loi électorale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

dans les quinze jours de la proclamation des résultats. Passé ce délai,


l'investiture est acquise de droit1.
Les Echevins urbains sont désignés par le Maire au sein ou en dehors
du Conseil urbain en tenant compte des critères de compétence, de
crédibilité et de représentativité communautaire. Cette désignation est
soumise à l'approbation du Conseil2.
Le Collège exécutif urbain exécute les lois, les édits, les règlements et les
décisions de l'autorité supérieure ainsi que les décisions du Conseil urbain ; il assure
l'accomplissement des tâches d'intérêt général dans le ressort de la ville3.
Le Maire est l'autorité de la ville. Il est le chef du Collège exécutif urbain. A
ce titre, il assure la responsabilité de la bonne marche de l'administration
de sa juridiction ; il est officier de police judiciaire à compétence générale
; il est officier de l'état civil ; il est l'ordonnateur principal du budget de
la ville ; il représente la ville en justice et vis-à-vis des tiers4. Le Maire
statue par voie d'arrêté urbain5.

Point 3
La Ville de Kinshasa

Disons à présent un mot sur la ville de Kinshasa. La Constitution


dispose qu'elle a statut de province6. Si la définition de la ville lui correspond
sur le plan géographique, en ce qu'elle est une agglomération de plus de
100.000 habitants, elle a, par fiction du droit, un statut de province. Cela
veut dire que ce ne sont pas les règles contenues dans la rubrique titrée « de la ville

1 Art. 30, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,


organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 31, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 39, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
4 Art. 41, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
5 Art. 43, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
6 Art. 2 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

» de la Loi relative aux entités territoriales décentralisées qui sont appliquées à elle,
mais par contre, toutes les règles contenues dans la Loi relative à la libre
administration des provinces. Elle n'est pas dotée d'un conseil urbain et d'un
collège exécutif urbain, mais d'une assemblée provinciale et d'un gouvernement
provincial. Elle ne prend pas des décisions, mais des édits. Bref, c'est une
ville sur le plan géographique, mais une province sur le plan juridique. On dit
donc que la Ville de Kinshasa a un statut de province.

Paragraphe 2
La Commune

Point 1
Présentation

Il faut entendre par commune : tout chef-lieu de territoire ; toute


subdivision de la ville ou toute agglomération ayant une population d'au moins
20.000 habitants à laquelle un décret du Premier ministre aura conféré le statut de
commune. Ce décret est pris sur proposition du Ministre de la République
ayant les affaires intérieures dans ses attributions, après avis conforme
de l'Assemblée provinciale.
La commune est subdivisée en quartiers et/ou en groupements
incorporés1.

Point 2
Organes

Les organes de la commune sont le Conseil communal et le Collège


exécutif communal2.
Le Conseil communal est l'organe délibérant de la commune. Ses
membres sont appelés Conseillers communaux3. Ils sont élus au suffrage

1 Art. 46, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,


organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 47, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 48, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

universel au scrutin proportionnel de listes ouvertes à une seule voix


préférentielle avec application de la règle du plus fort reste1. Le Conseil
communal délibère dans un certain nombre de matières2.
Le Collège exécutif communal est l'organe de gestion de la commune et
d'exécution des décisions du Conseil communal3. Il est composé du Bourgmestre,
du Bourgmestre-adjoint et de deux autres membres appelés Echevins communaux4.
Le Bourgmestre et le Bourgmestre-adjoint sont élus au sein ou en
dehors du Conseil communal par les conseillers communaux. Ils sont investis par
arrêté du Gouverneur de province dans les quinze jours de la proclamation des
résultats5. Les Echevins communaux sont désignés par le Bourgmestre au sein
ou en dehors du Conseil communal en tenant compte des critères de
compétence, de crédibilité et de représentativité communautaire. Cette
désignation est soumise à l'approbation du Conseil communal6.
Le Collège exécutif communal assure l'accomplissement des tâches
d'intérêt communal notamment : exécuter les lois, les édits, les règlements
et les décisions de l'autorité supérieure ainsi que les décisions du Conseil
communal ; préparer et proposer au Conseil communal le projet du
budget de la commune, le projet des crédits supplémentaires et de

1 Art. 192, Loi électorale.


2 Sur pied de l'article 50 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008
portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales
Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces, le Conseil communal
délibère notamment sur l'entretien des voies, l'aménagement, l'organisation et la
gestion des parkings ; l'entretien des collecteurs de drainage et d'égouts ;
l'éclairage public communal ; les mesures de police relatives à la commodité de
passage sur les voies communales et sur les routes d'intérêt général ; le plan
d'aménagement de la commune ; les actes de disposition des biens du domaine
privé de la commune ; l'aménagement, entretien et gestion des marchés publics
d'intérêt communal…
3 Art. 54, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
4 Art. 55, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
5 Art. 56, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
6 Art. 57, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.

97
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

virement des crédits ; élaborer, présenter et exécuter le programme de


développement économique, social, culturel et environnemental de la
commune1.
Le Bourgmestre est l'autorité de la commune. Il est le Chef du Collège
exécutif communal. A ce titre : il assure la responsabilité de la bonne
marche de l'administration de sa juridiction ; il est officier de police
judiciaire à compétence générale ; il est officier de l'état civil ; il est
ordonnateur principal du budget de la commune ; il représente la
commune en justice et vis-à-vis des tiers ; il exécute et fait exécuter les
lois, les édits et les règlements nationaux et provinciaux ainsi que les
décisions et les règlements urbains et communaux ; il assure le maintien
de l'ordre public dans sa juridiction. A cette fin, il dispose des unités de
la Police nationale y affectées2.

Paragraphe 3
Le secteur et la chefferie

Point 1
Présentation

Le secteur est un ensemble généralement hétérogène de communautés


traditionnelles indépendantes, organisées sur base de la coutume. Il a à sa tête un
Chef élu et investi par les pouvoirs publics. Il est administré conformément à
la loi. Toutefois, les groupements coutumiers qui le composent conservent leur
organisation coutumière dans les limites et conditions prévues par la loi,
entre autres la loi relative aux entités territoriales décentralisées, et celle
portant statut des chefs coutumiers3.
La chefferie est un ensemble généralement homogène de communautés
traditionnelles organisées sur base de la coutume et ayant à sa tête un Chef désigné
par la coutume, reconnu et investi par les pouvoirs publics. Elle est administrée

1 Lire Art. 59, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 60, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Lire Art. 66, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.

98
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

conformément aux dispositions de la loi, notamment celle relative aux entités


territoriales décentralisées et à la coutume pour autant que celle-ci ne soit
contraire ni aux lois, ni aux édits, ni à l'ordre public et aux bonnes
mœurs1.

Point 2
Organes

Les organes du secteur ou de chefferie sont le Conseil de secteur ou de


chefferie et le Collège exécutif de secteur ou de chefferie2.
Le Conseil de secteur ou de chefferie est l'organe délibérant du secteur
ou de la chefferie. Ses membres sont appelés conseillers de secteur ou de chefferie3.
Ils sont élus au suffrage universel direct et au scrutin proportionnel de listes
ouvertes à une seule voix préférentielle avec application de la règle du
plus fort reste4. Le Conseil de secteur ou de chefferie exerce un certain
nombre d'attributions lui dévolues par la loi5.
Le chef de secteur et le chef de secteur adjoint sont élus au suffrage
universel indirect par les conseillers de secteur ; leur mandat étant de cinq ans

1 Lire Art. 67, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 69, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 70, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
4 Art. 202, Loi électorale.
5 Sur pied de l'article 73 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008

portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales


Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces, il délibère
notamment sur la construction, l'aménagement et l'entretien des voies d'intérêt
local; l'organisation des péages au profit de l'entité conformément à la législation
nationale ; l'aménagement, l'organisation et la gestion des parkings de l'entité ;
l'organisation du service de canton nage ; les mesures de police relatives à la
commodité de passage sur les voies d'intérêt local et sur les routes d'intérêt
général ; la police des spectacles et manifestations publiques ; l'organisation et la
gestion d'un service d'hygiène de l'entité.

99
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

renouvelables1. Par contre, le Chef de chefferie est désigné selon la coutume. Il


est secondé par trois Echevins de chefferie2.
Le Collège exécutif du secteur ou de chefferie est l'organe de gestion
du secteur ou de chefferie et d'exécution des décisions de son conseil3.
Le Collège exécutif du secteur est composé du Chef de secteur, du Chef
de secteur adjoint et de deux Echevins désignés par le Chef de secteur. Le Collège
exécutif de chefferie est composé du Chef de chefferie désigné selon la coutume
et de trois Echevins désignés par le Chef de chefferie. La désignation des Echevins
tient compte des critères de compétence, de crédibilité et de
représentativité communautaire et est soumise à l'approbation du Conseil de
secteur ou de chefferie4.
Le Chef de secteur et le Chef de secteur adjoint sont élus au sein
ou en dehors du Conseil de secteur. Le Gouverneur de province investit par
arrêté le Chef de secteur et son adjoint, dans les quinze jours de leur élection.
Passé ce délai, l'investiture est de droit. Il investit également par arrêté le
Chef de chefferie désigné selon la coutume locale dans le respect de la loi sur le statut
des Chefs coutumiers5.
Le Chef de chefferie ne répond pas de ses actes devant le Conseil de chefferie.
Aucun de ses actes ne peut produire d'effet s'il n'est contresigné par un
Echevin qui, par cela, s'en rend seul responsable devant le Conseil de
chefferie6.
Le Collège exécutif de secteur ou de chefferie a notamment pour
tâche d'assurer l'encadrement des populations en vue de la réalisation du
programme agricole et économique de l'entité ; l'exécution des tâches

1 Art. 215, Loi électorale.


2 Art. 74, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 78, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
4 Art. 79, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
5 Art. 80, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
6 Art. 82, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.

100
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'intérêt général lorsqu'il en est requis spécialement par l'autorité


supérieure ou lorsque l'urgence s'impose ; de veiller à l'amélioration de
l'habitat, la sauvegarde du patrimoine et spécialement entre autres
l'entretien du réseau routier, la gestion du domaine, la faune et la flore1.
Le Chef de secteur est l'autorité du secteur. A ce titre : il assure la
responsabilité de la bonne marche de l'Administration de sa juridiction ;
il est officier de police judiciaire à compétence générale ; il est officier de
l'état civil ; il est ordonnateur principal du budget du secteur ; il
représente le secteur en justice et vis-à-vis des tiers ; il exécute les lois,
les édits, les règlements nationaux et provinciaux, les décisions et les
règlements du secteur ; il assure le maintien de l'ordre public dans sa
juridiction. A cette fin, il dispose des unités de police nationale y
affectées ; il supervise la collecte de l'impôt personnel minimum et veille
à la bonne tenue des registres de l'état civil2.
Quant au Chef de chefferie, il est l'autorité de la chefferie. Il exerce
l'autorité coutumière et définit les orientations relatives à la bonne marche de sa
juridiction. Il est officier de police judiciaire à compétence générale. Il est
officier de l'état civil. Il représente la chefferie en justice et vis-à-vis des
tiers ; il supervise la collecte de l'impôt personnel minimum et veille à la
bonne tenue des registres de l'état civil.
Cela dit, c'est le premier Echevin qui assure la responsabilité du bon
fonctionnement de l'Administration. À ce titre, il est responsable devant le Conseil.
Il est officier de police judiciaire à compétence générale et de l'état civil
par délégation. Il exécute les lois, les édits, les règlements nationaux et
provinciaux, les décisions et les règlements de la chefferie. Il assure le
maintien de l'ordre public dans sa juridiction. A cette fin, il dispose des
unités de la Police nationale y affectées3.

1 Lire Art. 84, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 85, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Lire Art. 86, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.

101
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le Chef de secteur ou le Chef de chefferie est le Chef du Collège


exécutif du secteur ou de chefferie1.

Paragraphe 4
Règles communes aux entités territoriales décentralisées

Point 1
Représentation locale du pouvoir central

Le Maire, le Bourgmestre, le Chef de secteur et le Chef de chefferie


sont des autorités exécutives locales et représentent l'Etat et la province dans
leurs juridictions respectives. Ils assument, à ce titre, la responsabilité du bon
fonctionnement des services de l'Etat et des services provinciaux dans
leurs entités et assurent la bonne marche de leurs administrations
respectives2.

Point 2
Contrôle administratif

Le Gouverneur de province exerce, dans les conditions prescrites


dans la loi relative à la libre administration des provinces, la tutelle sur les
actes des entités territoriales décentralisées. Il peut déléguer cette compétence à
l'Administrateur du territoire3.
La tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisées s'exerce
par un contrôle a priori et un contrôle a posteriori4. Certains actes énumérés par
la loi seulement sont soumis au contrôle a priori5. Les actes soumis au

1 Art. 87, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,


organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 93, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 95, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
4 Art. 96, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
5 Il s'agit des actes énumérés par l'article 97 de la Loi organique n° 08/016 du 07

octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités

102
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contrôle a priori sont transmis au Gouverneur de province avant d'être soumis à


délibération ou à exécution. Le gouverneur dispose de vingt jours à compter
de la réception du projet d'acte concerné pour faire connaître ses avis.
Passé ce délai, le projet d'acte est soumis à délibération ou à exécution1.
La décision négative du Gouverneur est motivée et est susceptible de
recours administratif et/ou juridictionnel2.
Tous les autres actes sont soumis à un contrôle a posteriori3. Le silence de
l'autorité de tutelle endéans trente jours constitue une décision implicite de rejet. Dans
ce cas, l'entité territoriale décentralisée peut former un recours devant la
Cour administrative d'appel de son ressort4.
Les entités territoriales décentralisées sont organisées sur base de
règles très techniques de droit administratif, constitutionnel et électoral,
alors qu'elles sont, pour le cas particulier des secteurs et des chefferies,
et même parfois dans les communes, gérées par des personnes dont on
peut douter de la maîtrise de ces règles.

Point 3
Dispositions transitoires

Quoi qu'il en soit, la loi prévoit qu'en attendant l'organisation des


élections urbaines, communales et locales par la Commission électorale

Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces., entre


autres l'élaboration de l'avant-projet de budget afin de valider la compatibilité
avec les hypothèses macroéconomiques retenues dans les prévisions du budget
national, les projections de recettes et la prise en compte des dépenses
obligatoires ; la création des taxes et l'émission d'emprunt conformément à la loi
sur la nomenclature des taxes et la loi financière ; la création d'entreprises
industrielles et commerciales, la prise de participation dans les entreprises.
1 Art. 98, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Art. 99, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.
3 Art. 97 in fine, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant

composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales


Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces.
4 Art. 100, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,

organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs


rapports avec l'Etat et les Provinces.

103
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

nationale indépendante instituée par la Constitution, les autorités des


différentes entités territoriales décentralisées actuellement en poste sont gérées
conformément aux dispositions du Décret-loi n0082 du 02 juillet 1998 portant
statut des autorités chargées de l'administration des circonscriptions
territoriales1. Ce décret pris sous le régime de déconcentration des pouvoirs
de Laurent Désiré Kabila, inscrit ces entités (excepté la ville) dans un
régime de déconcentration : ils ne sont pas dotés de la personnalité juridique,
leurs organes sont nommés par le pouvoir central qui exerce sur eux un
contrôle hiérarchique2. Depuis 2008, ces élections n'ont jamais encore
été organisées. Par conséquent, toutes ces dispositions qui peuvent
paraître alléchantes n'ont encore jamais fait l'objet d'application.

Section 3
Les entités territoriales déconcentrées

Le Territoire, le Quartier, le Groupement et le Village sont des


entités territoriales déconcentrées. Ils constituent des circonscriptions
administratives dépourvues de la personnalité juridique3.

Paragraphe 1
Le Territoire

Le Territoire est un échelon d'impulsion, de coordination, d'appui conseil et


d'inspection de l'action de l'Etat et de la Province4. Il est dirigé pas un
Administrateur de Territoire, assisté par deux Administrateurs de Territoire
Assistants. L'Administrateur de Territoire et les Administrateurs de
Territoires Assistants sont nommés et, le cas échéant, relevés de leurs fonctions
par le Président de la République, sur proposition du Ministre de la
République ayant les affaires intérieures dans ses attributions5.

1 Art. 126, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition,


organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les Provinces.
2 Voy. Exposé des motifs, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant

fixation des subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.


3 Art. 3, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.


4 Art. 4, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.


5 Art. 6, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.

104
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'Administrateur de Territoire et les Administrateurs de Territoire


Assistants sont placés sous l'autorité du Gouverneur de Province1.
L'Administrateur de Territoire est le représentant de l'Etat et de la
Province dans la juridiction. A ce titre, il veille au bon fonctionnement des services
publics placés sous son autorité. Il statue par voie de décision2.
Pour être nommé administrateur du territoire, il faut être de
nationalité congolaise, être âgé de 25 ans révolus, être porteur d'un
diplôme d'études supérieures ou universitaire, justifier d'une expérience
de 5 ans dans l'administration publique, et être de bonne vie et mœurs3.
L'administrateur du territoire est chargé d'un certain nombre
d'attributions importantes, notamment veiller à l'exécution des Lois et
règlements de la République ainsi que des édits et des règlements
provinciaux ; il veille au maintien de l'ordre public sur toute l'étendue de
sa juridiction — à cette fin, il dispose des services spécialisés de
renseignement, de la police nationale et peut, le cas échéant, requérir les
forces armées, après autorisation du Gouverneur de Province — ;
dresser un rapport sur le comportement des éléments des services
spécialisés de renseignement, de la police nationale et des forces armées
cantonnés dans sa juridiction ; aviser le Gouverneur de Province de tout
événement important survenu dans le Territoire et de tout différend de
nature à troubler l'ordre public ; veiller à l'application de la législation et
de la politique du Gouvernement en matière des finances et budget ainsi
qu'en matière de planification et d'élaboration des projets, des soins de
santé primaires, de l'éducation, de l'agriculture, de la promotion et de la
protection de l'environnement, de transport et communication ainsi que
de l'administration de la population ; veiller à l'entretien des réseaux
routiers d'intérêt national et local et à l'implantation des poteaux de
signalisation des ponts et rivières ainsi que des agglomérations ; assurer
la sauvegarde du patrimoine de l'Etat et spécialement de la protection de
la faune, de la flore, des ouvrages d'art, des sites classés, des cours d'eau
et des rives ; inspecter au moins deux fois l'an les services publics de
l'Etat et de la Province fonctionnant dans les Communes, les Secteurs et
les Chefferies qui composent sa juridiction et adresser un rapport au

1 Art. 7, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des


subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
2 Art. 8, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.


3 Art. 9, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.

105
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Gouverneur de Province ; veiller à l'exécution des programmes


économiques et sociaux de l'Etat et de la Province1.
L'Administrateur de Territoire peut, par délégation du Gouverneur de
Province, exercer la tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisées de son
ressort. De même, il peut les appuyer dans la mise en œuvre de leurs
compétences en disposant des services publics de l'Etat et de la
Province2. L'Administrateur de Territoire et les Administrateurs de
Territoire Assistants sont officiers de police judiciaire à compétence
générale3.

Paragraphe 2
Le Quartier

Le Quartier est un échelon administratif de base de la Commune4. Il


comprend des avenues et / ou rues5. Les dénominations des avenues
et/ou rues d'intérêt communal sont déterminées par Arrêté du
Gouverneur de Province, sur proposition du Bourgmestre et après avis
conforme du Conseil communal6.
Le Quartier est dirigé par un Chef de Quartier, assisté d'un Chef de
Quartier Adjoint, placés tous les deux sous l'autorité du Bourgmestre7. Le Chef de
Quartier et le Chef de Quartier Adjoint sont nommés par Arrêté du
Bourgmestre délibéré en Collège Exécutif communal, parmi les agents de
la fonction publique8. Pour être nommé chef du quartier, il faut être de
nationalité congolaise, être âgé de 25 ans révolus, titulaire d'un diplôme

1 Art. 10, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
2 Art. 11, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
3 Art. 12, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
4 Art. 16, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
5 Art. 18, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
6 Art. 19, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
7 Art. 20, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
8 Art. 21, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'études secondaires et justifier d'une expérience professionnelle d'au


moins 3 ans, et être de bonne vie et mœurs1.
Le Chef de Quartier est responsable de l'encadrement administratif de la
population, de l'hygiène et de la salubrité publique dans le Quartier. A cet effet, il
veille, conformément aux directives et ordres du Bourgmestre, à la
bonne marche du Quartier. II assure le recensement administratif de la
population. Il assume toute tâche administrative lui confiée par le
Bourgmestre2.

Paragraphe 3
Le Groupement

Le Groupement est toute communauté traditionnelle organisée sur base de


la coutume et érigée en circonscription administrative, sous l'autorité d'un chef
désigné conformément à la coutume, reconnu par le pouvoir public. II est
subdivisé en Villages. Le Groupement est dit incorporé lorsqu'il se
retrouve dans les limites d'une Commune. Il conserve son organisation
coutumière et a statut de Quartier3.
Le Groupement est dirigé par un Chef de Groupement placé sous
l'autorité administrative du Chef de Secteur, du Chef de Chefferie ou du Bourgmestre,
selon le cas4. Le Chef de Groupement est reconnu par Arrêté du Ministre de
la République ayant les affaires intérieures dans ses attributions et installé par
l'Administrateur de Territoire ou le Bourgmestre en présence du Chef
de Secteur ou du Chef de Chefferie, le cas échéant5.
Le Chef de Groupement est, à l'instar de chef de quartier, responsable
de l'encadrement administratif de la population, de l'hygiène et de la salubrité publique
dans le Groupement. A cet effet, il veille, conformément aux directives et

1 Art. 22, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
2 Art. 23, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
3 Art. 25, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
4 Art. 27, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
5 Art. 28, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.

107
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ordres du Bourgmestre, à la bonne marche du Groupement. II assure le


recensement administratif de la population1.

Paragraphe 4
Le Village

Le Village est toute communauté traditionnelle organisée sur base de la


coutume ou des usages locaux et dont l'unité et la cohésion interne sont fondées
principalement sur les liens de parenté et de solidarité2.
Le Village est dirigé par un Chef désigné conformément à la coutume ou
aux usages locaux. Le Chef de Village est reconnu par décision de
l'Administrateur de Territoire et installé par le Chef de Groupement en
présence du Chef de Secteur ou du Chef de Chefferie. Dans le
Groupement incorporé, le Chef de Village est reconnu par le
Bourgmestre et installé par le Chef de Groupement3.
Le Chef de Village est responsable du recensement administratif de la
population ainsi que de l'hygiène et de la salubrité publique de son Village. II veille
aux déclarations de naissances et de décès ainsi qu'à l'enregistrement des
mariages célébrés en famille. Il est placé sous l'autorité administrative du
Chef de Groupement4. Cela veut dire que si le Chef de Village prend un
acte, un villageois peut, après recours gracieux introduit auprès de ladite
autorité, introduire un recours hiérarchique auprès du Chef de
Groupement qui pourra annuler cet acte pour illégalité.

Paragraphe 5
Règles communes aux entités territoriales déconcentrées

Les entités territoriales déconcentrées sont gérées par des agents


nommés par le pouvoir central. Elles agissent sur base d'une délégation des
compétences. Un pouvoir hiérarchique est exercé sur elles.

1 Lire Art. 29 et 23, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation
des subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
2 Art. 30, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.


3 Art. 31, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.


4 Art. 32, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le pouvoir hiérarchique est celui que dispose une autorité


administrative hiérarchiquement supérieure à l'égard d'une autre qui lui
est subordonnée, et qui confère à son détenteur des prérogatives sur la
personne et sur les actes de l'autorité subordonnée. Sur la personne, il s'agit
des prérogatives de donner des instructions à l'autorité et de sanctionner
disciplinairement cette autorité en cas de manquement.
Sur les actes, il s'agit du pouvoir de contrôle administratif sur les décisions
du subordonné. Le supérieur hiérarchique contrôle la légalité de l'acte, et
son opportunité. Ce contrôle intervient après un contrôle gracieux exercé
auprès de l'autorité subordonnée auteur de l'acte, et précède le contrôle
juridictionnel exercé auprès de la juridiction administrative, tendant à
obtenir l'annulation de l'acte dont question pour illégalité.
Le pouvoir hiérarchique est inconditionné, car il découle de la fonction
de l'autorité hiérarchique, et n'exige pas d'être préalablement prévu par un texte.
Toute autorité hiérarchique dispose automatiquement du pouvoir
hiérarchique.
Les procédés du contrôle hiérarchique sont le pouvoir d'instruction,
qui constitue un ordre ou une directive donnée par une autorité
hiérarchiquement supérieure à une autre lui étant subordonnée, elle
permet d'influencer l'auteur de la décision en appréciant les éléments
concrets devant conditionner l'opportunité de la décision prise. Par
ailleurs, le pouvoir de reformation est celui qui permet au supérieur de
réformer l'acte du subordonné. Le pouvoir de substitution permet à l'autorité
supérieure de se substituer à l'autorité inférieure en agissant en lieu et
place de celle-ci, il s'exerce de plein droit lorsque l'autorité subordonnée
refuse ou néglige d'accomplir un acte qui lui est prescrit par la loi. Enfin,
le pouvoir d'annulation est quant à lui celui qui permet au supérieur de
supprimer les effets de la décision prise en violation de la légalité1.
Les entités territoriales déconcentrées fonctionnent sous la
coordination et la supervision du Gouverneur de Province2. Les décisions des
autorités administratives déconcentrées sont soumises à un contrôle
administratif. Leurs actes sont susceptibles de recours juridictionnel3.

1 Lire L. YUMA, op. cit., pp. 71-73.


2 Art. 33, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
3 Art. 34, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Les dépenses de fonctionnement et d'investissement du Territoire ainsi que la


rémunération de son personnel émargent au budget de l'Etat1. N'ayant pas de
personnalité juridique sur le modèle des entités territoriales
décentralisées, elles ne sont pas dotées d'une autonomie financière. Elles
n'ont pas la capacité d'avoir un budget propre, financé par des ressources
propres, collectées conformément à une décision budgétaire adoptée par
l'organe délibérant de l'entité décentralisée. C'est l'Etat qui transfère au
budget du secteur ou de la chefferie pour le Groupement et le Village, et de la
Commune pour le Quartier, les ressources nécessaires sous forme de dotation de
fonctionnement2. En effet, les dépenses de fonctionnement et
d'investissement du Groupement et du Village sont à charge du Secteur
ou de la Chefferie ; celles du Quartier ou du Groupement incorporé sont
à charge de la Commune. La rémunération du Chef de Groupement est
prise en charge par la Province ; celle du Chef de Quartier par la
Commune et celle du Chef de Village par le Secteur, la Chefferie ou la
Commune, selon le cas3.

1 Art. 35, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des
subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
2 Art. 37, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.


3 Art. 36, Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des

subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
LES INSTITUTIONS
Les clauses du contrat social constituent le contenu même d'une
Constitution dans le cadre de la philosophie du constitutionnalisme.
Elles portent sur l'organisation du pouvoir, d'une part, et la garantie des droits
et libertés fondamentaux, d'autre part1.
La Constitution est la consécration matérielle de la philosophie du
constitutionnalisme. Le constitutionnalisme est un mouvement
philosophique visant à limiter l'arbitraire du pouvoir monarchique par des règles
écrites et la sauvegarde des libertés individuelles2.
Né avec les constitutions écrites révolutionnaires, il est lié au
mouvement de production constitutionnelle3. Il s'agit en fait de
l'impératif politique de fixer les règles les plus importantes par écrit, de
déterminer les obligations et les droits des gouvernants et des citoyens,
donc de proclamer les droits de l'homme et du citoyen4. Le
constitutionnalisme est une « technique consistant à établir et à maintenir

1 Voy. B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 36.


2 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1.op. cit., p. 179 ; Lire J.-L. ESAMBO, La
Constitution du 18 février 2006., op. cit., pp. 20-21.
3 J.-L. ESAMBO, La Constitution du 18 février 2006., op. cit., pp. 21.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 95.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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des freins effectifs à l'action politique et étatique (...) Il prône la


promotion d'un gouvernement limité et la substitution d'un
gouvernement des hommes par celui de la loi (...) C'est un moyen de
limitation du pouvoir dans un État moderne »1.
L'organisation des pouvoirs est donc le premier versant du
constitutionnalisme. Il se caractérise par la théorie de la séparation des
pouvoirs. Les pouvoirs, ou les différentes fonctions du pouvoir, sont
confiés à des institutions distinctes se contrôlant mutuellement. Après
une brève introduction sur la séparation des pouvoirs et les régimes
politiques, nous étudierons l'organisation des institutions de l'État en
droit congolais.

1Olivier Beau, cité par J.-L. ESAMBO, La Constitution du 18 février 2006., op. cit.,
p. 20.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre introductif
La séparation des pouvoirs et les régimes politiques
L'organisation des institutions est régie par le principe de la
séparation des pouvoirs. Les rapports entre lesdits pouvoirs débouchent
sur la notion de régime politique.

Section 1
La séparation des pouvoirs

Paragraphe 1
Présentation

L'organisation et le fonctionnement du pouvoir est régi par le


principe de séparation des pouvoirs1, dont Montesquieu, un des plus
grands théoriciens, fait un principe général d'organisation étatique2.
« Il est une expérience éternelle que toute personne qui a du pouvoir est portée
à en abuser. Elle va jusqu'à ce qu'elle trouve des limites. Pour que l'on ne puisse pas
abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir
»3.
Le principe de séparation des pouvoirs est un principe sacro-saint
du droit public, qui vise la limitation du pouvoir par une technique consistant à
en donner l'exercice à différents organes distincts de l'État — exécutif, législatif et
judiciaire —, se contrôlant mutuellement, et pouvant éventuellement se sanctionner.
Elle permet ainsi d'empêcher à un organe d'abuser de son pouvoir, par la menace,
ou l'utilisation de la sanction4.
La séparation ainsi opérée a pour fonction de garantir la liberté5. Pour
éviter l'arbitraire, il faut qu'à la base de toute organisation qui partage
entre les autorités publiques les attributs de la souveraineté avec pour

1 Voy. J.-P. FELDMAN, « La séparation des pouvoirs et le constitutionnalisme.


Mythes et réalités d'une doctrine et de ses critiques », in R.F.D.C., vol. 3, n° 83,
2010, pp. 483-496 ; M. BARBERIS, « Le futur passé de la séparation des
pouvoirs », in Pouvoirs, vol. 4, n° 143, 2021, pp. 5-15.
2 P. ARDANT, op. cit., p. 40.
3 Montesquieu, cité par R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 5.
4 Lire R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 5 ; D. CHAGNOLLAUD, op. cit.,

p. 96 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 90 ; P. PACTET, op. cit., p. 112 ; P.


ARDANT, op. cit., p. 40.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 418.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

effet de limiter la puissance de chacune d'elles par la puissance des


autorités voisines, de sorte qu'aucune autorité ne puisse parvenir à une
puissance excessive1.
Le contenu du principe de séparation des pouvoirs est la règle négative
de l'interdiction du cumul2. Elle refuse la remise de tous les pouvoirs à un
même individu ou un même groupe d'individus. C'est ce qu'énonce
Montesquieu3 : « lorsque dans la même personne ou le même corps de magistrature,
la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté,
parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois
tyranniques pour les exécuter tyranniquement ».

Paragraphe 2
Les différents organes du pouvoir

Ces organes auxquels le pouvoir doit être réparti sont au nombre


de trois : exécutif, législatif et judiciaire. Ils correspondent aux trois fonctions de
l'État.
Les fonctions de l'État sont diverses activités de l'État en tant que celles-
ci constituent des manifestations différentes de la puissance étatique4. En effet, de
même qu’on distingue chez l’Homme la tête et les bras ou la volonté et
l’action, de même on distingue dans l’État le pouvoir législatif, qui est la
volonté et le pouvoir exécutif, qui est l’action5.
Montesquieu6 écrit qu' « il y a dans chaque État trois sortes de
pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui
dépendent du droit des gens et la puissance des choses qui dépendent
du droit civil. Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour
un temps ou pour toujours et corrige ou abroge celles qui sont faites.
Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des
ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il
punit les crimes ou juge les différends des particuliers. On appellera cette
dernière la puissance de juger et l’autre simplement la puissance
exécutrice de l’État ».

1 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 2.


2 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 93.
3 Idem.
4 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 259.
5 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 92.
6 Cité par F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 92.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Si plusieurs auteurs ont élaboré leurs propres théories sur les


fonctions de l'État1, il faut considérer, avec R. CARRÉ DE
MALBERG2, que ces fonctions doivent être analysées du point de vue du droit
positif, d'après leur teneur interne et leurs effets de droit tels qu'ils sont fixés par la
Constitution. Or, les constitutions font souvent dépendre ces fonctions
d'une question de forme et d'organe.

Point 1
La fonction exécutive

Ainsi, la fonction exécutive consiste en l'exécution des lois. Cette exécution


était d'abord purement matérielle et consistait en la gestion de
l'administration. Elle est devenue ensuite réglementaire. L'exécutif
exécute les lois en prenant des mesures d'exécution par le canal des actes
réglementaires.
Aujourd'hui, dans un sens très large, l'exécutif renvoie à l’ensemble des
activités exercées par l’organe chargé par la Constitution de la fonction exécutive. La
Constitution stipule que « le Gouvernement définit, en concertation avec
le Président de la République (...) [et] conduit la politique de la Nation
»3. Par ce fait, les rôles de l'exécutif sont variés. Elles vont des affaires
intérieures aux affaires extérieures, en passant par la défense, la justice,
l'éducation… L'exécutif apparaît désormais comme le véritable centre
d'impulsion et de décision, en matière politique, économique ou sociale
comme en matière diplomatique ou militaire4.

Point 2
La fonction législative

La fonction législative renvoie à celle de la production législative. Il faut


dépasser ce postulat, pour considérer, dans une définition organique,
qu'il faille parler ici d'une double fonction de production législative et de

1 Voy. Jelinek distingue les fonctions de l'État suivant les buts de ce dernier
correspondant à la création et à la conservation du droit, Laband les distingue
selon qu'elles sont intellectuelles et agissantes ; Lire R. CARRÉ DE MALBERG,
op. cit., pp. 263-268.
2 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 268.
3 Lire Art. 91, Constitution du 18 février 2006.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 691.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contrôle gouvernemental. En effet, le rôle du Parlement est de « vote(r) les


lois (et) contrôle(r) le Gouvernement »1.
Dans le premier volet, le parlement n'est plus en réalité aujourd'hui
qu'un organe législatif partiel. Un organe législatif partiel est un homme ou
un groupe d’hommes, dont le consentement est nécessaire à l’édiction
de la loi et dont l’opposition l’empêche2. À ce titre, les constitutions
peuvent en distinguer plusieurs : le peuple, dans l'hypothèse des lois
référendaires, l'exécutif, dans ceux des systèmes prévoyant un droit de
véto aux organes exécutifs, mais aussi le juge constitutionnel, en ce sens
que, consulté avant la promulgation de la loi, le juge intervient ici comme
organe placé à l'aboutissement de la fonction législative3. Cela dit,
l'intervention du parlement dans la procédure législative demeure tout
de même indispensable. Ce dernier intervient dans le « noyau de la
compétence législative »4. Ce noyau renvoie aux phases cruciales
d'examen en commission des textes, mais surtout, au vote.
Dans un second volet, le parlement est un organe de contrôle. On
entendra ici par contrôle au sens large trois compétences bien distinctes
mais étroitement liées : celle de désigner les titulaires de fonctions d'organe et
celle, symétrique, de demander à de tels titulaires des justifications de leur action
et, éventuellement, de les révoquer, mais aussi de demander des justifications aux
titulaires de fonctions d'organe pour leur action, et aussi, celles d'assumer des
fonctions juridictionnelles5.
Le Parlement peut être amené à désigner les titulaires d'un organe.
Il s'agit souvent du Gouvernement dont le dirigeant peut être désigné
par le parlement. Parfois, son intervention peut être nécessaire à
l'investiture du Gouvernement. Le Parlement peut encore être amené,
dans le régime parlementaire surtout, à désigner le Chef de l'État. Aussi,
il peut être amené à désigner les membres de juridiction
constitutionnelle.
Symétriquement, le Parlement peut être amené à demander des
justifications à ces titulaires. Si les Chefs d'États et les juges
Constitutionnels sont indépendants des parlements, les membres du
gouvernement eux, dans le cadre d'un régime parlementaire, n'échappent

1 Lire Art. 100, Constitution du 18 février 2006.


2 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 113.
3 Lire F. HAMON et M. TROPER, op. cit., pp. 113-123.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 767.
5 Idem., pp. 768-772.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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nullement à cette prérogative du Parlement. En effet, ils peuvent être


renversés par une motion de censure ou de défiance selon le cas.
Le Parlement peut être amené à demander des justifications aux
titulaires d'un organe. Ici encore, il s'agit des membres du
Gouvernement. Cela se fait par un certain nombre de mécanismes de
contrôle de l'action gouvernementale, pouvant être des questions écrites
ou orales avec ou sans débat, des interpellations, des enquêtes ou des
auditions1.
Enfin, le Parlement peut être amené à exercer des fonctions
juridictionnelles. Il en est le cas lorsqu'il est amené à déférer et2/ou3 à
juger de hauts fonctionnaires publics. Il peut s'agir du Chef de l'État,
d'un membre du Gouvernement, ou d'un Haut magistrat.

Point 3
La fonction juridictionnelle

La fonction juridictionnelle consiste à résoudre les litiges4.


La doctrine moderne5 n'admet plus l'inclusion de cette fonction
dans la fonction exécutive, la considérant comme une façon particulière
d'exécuter les lois, consistant à les ramener des cas généraux au cas
concrets. C'est la théorie du juge syllogisme. Ici, la fonction du juge ne se
limite qu'à partir d'une majeure représentant la loi, et d'une mineure
représentant le cas concret, pour poser une conclusion. Le juge est en
quelques sortes la « bouche de la loi ».
Mais il faut plutôt considérer que le juge est en fait créateur de droit.
En effet, la loi est trop générale, il faut l'appliquer à un cas concret. Pour
cela, il faut l'interpréter, et l'interprétation organique est un véritable acte
créateur de droit. Par ailleurs, la loi n'est pas toujours complète, il arrive
qu'elle soit muette, or le juge est obligé de rendre une décision, ce qui
peut le pousser à créer du droit.

1 Lire Art. 138, Constitution du 18 février 2006.


2 Lire Art. 2 section 4, Constitution américaine du 4 juillet 1789.
3 Lire Art. 68, Constitution française du 4 octobre 1958.
4 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 138.
5 Lire R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 262 ; F. HAMON et M. TROPER,

op. cit., p. 138 ; L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 423.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Si la première conception a donné naissance à une « autorité judiciaire


», la seconde elle, a donné naissance à un véritable « pouvoir judiciaire » au
même titre que les deux autres, et capable ainsi, de les contrôler1.
Les relations entre ces différentes fonctions de l'État débouchent
sur la notion de régime politique.

Section 2
Les régimes politiques

Les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif nous mène à la


notion de régime politique. Victor-Olivier Djelo Epenge2 définit le
régime politique comme un ensemble des rapports qu'entretiennent les pouvoirs
publics entre eux, plus spécialement entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif3.
À côté du régime de concentration des pouvoirs, qui se caractérise par la
réunion dans le chef d'un seul organe, de la totalité du pouvoir d'un autre (on parle
de concentration au profit de l'exécutif, ou de dictature, quand l'exécutif
concentre en même temps la totalité du pouvoir législatif ; on parle de
régime d'assemblée4, quand le parlement concentre en même temps le
pouvoir exécutif), et qui constitue en fait une négation de l'État de droit5,
on distingue le régime parlementaire, caractérisé par une interdépendance
des fonctions et des moyens d'action réciproque, du régime présidentiel,
caractérisé par une indépendance des fonctions.

Paragraphe 1
Le régime parlementaire

Si en pratique, on peut distinguer autant de régimes parlementaires


qu'il y en a des transpositions nationales, les régimes parlementaires sont

1 Voy. I. BOUCOBZA, « Un concept erroné, celui de l'existence d'un pouvoir


judiciaire », in Pouvoirs, vol. 4, n° 143, 2012, pp. 73-87 ; P. JOXE, « La justice,
troisième pouvoir ? », in Après-demain, vol. 4, n° 20, pp. 16-18.
2 Cité par J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1.op. cit., p. 191.
3 Voy. C. SÄGESSER, « Législatif, exécutif et judiciaire. Les relations entre les

trois pouvoirs », in Dossiers du CRISP, vol. 2, n° 87, 2016, pp. 9-71.


4 Voy. A. LE PILLOUER, « La notion de “régime d’assemblée” et les origines

de la classification des régimes politiques », in R.F.D.C., n° 58, 2004, p. 305-333.


5 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 530-531 ; F. HAMON

et M. TROPER, op. cit., pp. 98-9.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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en fait basés sur un même principe initial, celui de la séparation des


pouvoirs, aménagé de manière dite « souple »1.

Point 1
Caractéristiques

Le caractère « souple » opposé au qualificatif de « rigide » implique


avant tout une collaboration des pouvoirs législatif et exécutif
s’accompagnant de moyens d’action réciproque, permettant à chacun
de remettre en cause l’existence de l’autre. C'est là aujourd'hui le seul véritable
critère de distinction entre séparation « souple » (modèle parlementaire
européen) et séparation « rigide » (modèle présidentiel américain) des
pouvoirs.
Dans les deux cas, en effet, se manifestent des exigences de
collaboration des pouvoirs et l’existence de certains moyens d’action
réciproque. Mais c’est seulement dans le cadre d’une séparation souple
que l’on retrouvera la possibilité de dissolution d’une Assemblée ou de
censure d’un gouvernement. C’est cette capacité de destruction réciproque qui
caractérise, en quelque sorte, le modèle de séparation souple.

A. Interdépendance fonctionnelle

Le régime parlementaire apparaît ainsi marqué par une


interdépendance des fonctions. Si législatif et exécutif se voient dotés de
fonctions spécifiques, chacun peut être amené à participer à la fonction
exercée par l'autre. Le gouvernement peut disposer, notamment, de
l'initiative des lois et le Parlement contrôler l'action gouvernementale.

B. Moyens d'action réciproques

Sur le plan institutionnel, le système parlementaire suppose la


consécration de la dualité de l'exécutif, c'est-à-dire la division de ce pouvoir entre
un chef d'État et un chef de gouvernement. Une telle division est indispensable
au jeu des mécanismes d'action réciproque. Si le chef de l'État est
politiquement irresponsable, il n'en va pas de même du gouvernement qui assume

1 Voy. B. MIRKINE-GUETZEVITCH, « Le régime parlementaire dans les


récentes Constitutions européennes », in R.I.D.C., vol. 2, n° 4, 1950, pp. 605-
638.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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devant le Parlement par le biais notamment du contreseing ministériel, la


responsabilité des actes de l'exécutif.
En contrepartie de cette menace de sanction, l'exécutif dispose d'un
droit de dissolution, caractéristique essentielle du parlementarisme1. C’est
toutefois davantage la possibilité d’usage que l’usage effectif de ces
moyens de destruction réciproque qui permet au système parlementaire
de fonctionner. Il s’agit en effet surtout de moyens de pression, obligeant
à une collaboration bien comprise entre les pouvoirs2.

Point 2
Formes

A. Le régime parlementaire moniste ou dualiste

Le régime parlementaire peut prendre une forme moniste ou dualiste.


Dans le premier cas, le chef de l'État ne détient pas de pouvoir autonome lui
permettant de jouer un rôle politique. Le gouvernement n'est donc responsable que
devant le Parlement. Dans ce second cas, le gouvernement apparaît
doublement responsable : non seulement devant l'organe représentatif, mais également
devant le chef de l'État, quelle que soit sa nature, démocratique ou non, qui
est donc amené à jouer un rôle politique effectif3.

B. Le régime parlementaire rationalisé

Le régime parlementaire peut ensuite être rationalisé. Il s'agit de


dispositifs tendant soit à permettre au gouvernement, lors de sa formation, de s'assurer
du soutien d'une majorité parlementaire (mécanismes d'investiture, vote de
confiance) soit à limiter les possibilités de mise en jeu de la responsabilité du
gouvernement (encadrement strict des initiatives et votes de censure). La
rationalisation consiste en quelque sorte à limiter le jeu naturel des principaux
éléments du parlementarisme pour éviter les dérives du système et l’instabilité

1 P. PACTET, op. cit., pp. 141 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 133 ; D.


CHAGNOLLAUD , op. cit., p. 113 ; F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 100-
103.
2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 426.
3 Idem ; D. CHAGNOLLAUD, op. cit., pp. 123-115 ; F. HAMON et M.

TROPER, op. cit., p. 103 ; J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1.op. cit., p. 202.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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gouvernementale. Elle implique donc une réglementation souvent complexe


ou sophistiquée des rapports entre Gouvernement et Parlement1.
On prend souvent l'exemple de la motion de censure constructive
en Allemagne. Elle consiste pour le Bundestag à être contraint, quand il
veut présenter l'initiative d'une motion de défiance contre le chef du
gouvernement, à lui substituer un autre élu à la majorité absolue2. Cela
étant, il ne faut pas exagérer les vertus de cette pratique. La stabilité
politique allemande tient davantage à l’homogénéité de l’opinion et à la
discipline du personnel politique qu’à un artifice de procédure. De
surcroît, il n'a que très peu été utilisé, aussi bien en Allemagne qu'en
Espagne3.

Paragraphe 2
Le régime présidentiel

Point 1
Séparation stricte des pouvoirs

Le régime présidentiel, dit régime de séparation « rigide »4, se


caractérise d’abord une spécialisation claire des compétences de chaque organe
de pouvoir. Le législateur a l’initiative des lois et les vote5, l’exécutif
s’occupe de leur exécution6 et le pouvoir juridictionnel juge7, en
interprétant, le cas échéant, la Constitution. À la différence du régime
parlementaire, le système présidentiel ne prévoit pas d’imbrication
des compétences.
La qualification de séparation « rigide » s’explique surtout par
l’absence de moyens d’action réciproques susceptibles de remettre en cause
l’existence de tel ou tel organe législatif ou exécutif. Il n’y a pas de place
pour des mécanismes de dissolution d’une chambre ou de mise en jeu

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 426 ; F. HAMON et M.


TROPER, op. cit., p. 198 ; J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1.op. cit., p. 202.
2 Lire Art. 67, Constitution allemande. Cette pratique a été adoptée par plusieurs

constitutions d'Europe : Lire notamment Art. 112, Constitution espagnole.


3 Lire F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 213.
4 Voy. J. BOUDON, « Le mauvais usage des spectres. La séparation “rigide” des

pouvoirs », in R.F.D.C., n° 78, 2009, p. 247-267.


5 Art. 1 section 1, Constitution américaine du 4 juillet 1789.
6 Art. 2 section 1, Constitution américaine du 4 juillet 1789.
7 Art. 3 section 1, Constitution américaine du 4 juillet 1789.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de la responsabilité politique d’un organe exécutif en régime présidentiel.


En conséquence, l’exécutif apparaît monocéphale puisqu’il n’est pas
nécessaire d’en détacher un organe responsable devant le Parlement1.
Aux États-Unis, la Constitution confie ainsi au Président, la totalité du
pouvoir exécutif2.

Point 2
Collaboration des pouvoirs

En pratique, il y a peu de différences entre régimes de séparation


souple et de séparation rigide puisque tous deux conduisent à une forme
de collaboration des pouvoirs. Si la collaboration est évidente en régime
parlementaire, en ce que le gouvernement dispose de l'initiative
législative et le parlement de la prérogative de contrôle du gouvernement
; en régime présidentiel, elle se manifeste par la nécessité pour le Président et
le Congrès d'entretenir des liens étroits, au regard des moyens de pression qu'ils
disposent chacun à l'égard de l'autre3. C'est avec justesse que le président
Lyndon Johnson, disait qu'il n'y a qu'une manière pour le chef de
l'Exécutif de travailler avec le Congrès, c'est « constamment,
continuellement et sans interruption »4.
En effet, d'une part, le Président peut user du droit de véto lui
reconnu par la Constitution pour s’opposer à l’entrée en vigueur d’une
loi adoptée par le Congrès. Si ce véto n'est en principe que suspensif, car
pouvant être surmonté par un nouveau vote du Congrès à la majorité
des deux tiers dans un délai de 10 jours très compliqué à réunir d'ailleurs,
l'utilisation de ce véto peut le rendre quasiment définitif s'il est posé
avant que le Congrès n'aille en congé, car il n'aura plus la possibilité de
voter à nouveau la loi qu'à la prochaine session. En outre, le Président
peut encore faire pression sur le Congrès en s'appuyant sur l'opinion
publique, notamment grâce aux messages qu'il adresse chaque fin d'année
devant l'état de l'Union.
Par ailleurs, le Congrès dispose également de moyens de pression
solides à l'égard du Président. Fort de son pouvoir d'encadrement en matière

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 428 ; P. PACTET, op. cit., p.
151 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 97 ; D. CHAGNOLLAUD, op. cit., p. 115.
2 Art. 2 section 1, Constitution américaine du 4 juillet 1789.
3 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 433-446 ; Lire Art. 2,

Constitution américaine du 4 juillet 1789.


4 Cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 438.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

budgétaire, qui lui vaut d'être doté d'une véritable administration en


matière de contrôle budgétaire, étant l'organe du budget, fort aussi de
son pouvoir d'investigation à l'égard des membres de l'exécutif, mais surtout de
son pouvoir exceptionnel de sanction communément appelé « impeachment
»1 .
Par le premier pouvoir, le congrès étant l'autorité budgétaire, il met
en place toute une administration chargée d'étudier les questions
relatives au budget avant le vote de celui-ci. C'est à lui qu'il revient
d'allouer les crédits nécessaires à l'exécution de son programme par le
Président.
Par le deuxième pouvoir, le congrès intervient dans la désignation
des fonctionnaires de l'administration. Il a donc la capacité de bloquer
une désignation qui ne lui correspond pas.
Par le troisième, le congrès se transforme en un organe judiciaire
chargé de juger le Président et les autres fonctionnaires fédéraux. La
Constitution prévoit que ceux-ci peuvent être mis en accusation par la
chambre des représentants pour « haute trahison et autres crime et droits
majeurs ». Le sénat prononce la condamnation à destitution à la majorité
des 2/3 de ses membres. Ce conflit judiciaire se transforme vite en
conflit politique au regard de l'élargissement que peut subir la liste des
faits susceptibles d'engager la responsabilité pénale du Président, et de la
pression partisane.

1 Voy. F. VERGNIOLLE DE CHANTAL, « L'analyse constitutionnelle de l'


impeachment aux États-Unis », in R.F.S.P., vol. 1, n° 50, 2000, pp. 147-154. Voy.
récemment le cas du Président Trump : T.-L. EDZODZOMO NKOUMOU, «
Le procès en destitution de Trump », in Civitas Europa, vol. 1, n° 44, 2020, pp.
207-215. Ce cas est inédit, puisqu'il fera l'objet, quelques mois plus tard, d'une
seconde destitution, alors qu'il était deja à la fin de son mandat et n'attendait plus
que l'investiture du nouveau Président élu. Ce qui donnera lieu à une véritable
bataille juridique, entre les républicains et les démocrates. Pour les premiers, ce
procès était illégal, car aux termes de la Constitution américaine, la sanction de
destitution ne peut s'appliquer qu'à un officier en poste. Les seconds par contre,
brandissent une jurisprudence tirée de l’affaire William Belknap, ancien
secrétaire de guerre américain mis en accusation par le congrès après ses
fonctions. Voy. T.-L. EDZODZOMO NKOUMOU, « Le second procès en
destitution de Trump », in Civitas Europa, vol. 1, n° 46, 2021, pp. 413-417.

123
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Le régime mixte

Les tentatives de concilier régime parlementaire et régime


présidentiel ont donné des naissances à un régime mixte dit « semi-
présidentiel », que Maurice Duverger1 définit comme un régime dans lequel
le Président de la République est élu au suffrage universel direct et qu'il possède
certains pouvoirs propres qui excédent ceux d'un Chef d'État parlementaire normal.
Cependant, le Gouvernement reste confié à un cabinet formé d'un Premier Ministre
et de Ministres qui peuvent être renversés par un vote du Parlement2.
En clair, ce régime grappille aux régime présidentiel et
parlementaire certaines de leurs caractéristiques. Au régime présidentiel,
il emprunte l'élection du Président au suffrage universel direct. Ce mode
d'élection entraîne en conséquence que l'élu ne soit responsable qu'à l'égard
de ses électeurs, en l'occurrence, le peuple, et non à l'égard du parlement :
on parle de l'irresponsabilité politique du Président de la République ; il
entraîne encore l'existence de pouvoirs forts, c'est-à-dire, de pouvoirs
dispensés du contreseing, qui est obligatoire dans un régime
parlementaire classique.
À ce dernier régime, il emprunte, comme vous l'avez certainement
remarqué, le caractère bicéphale de l'exécutif. Ce dernier est formé d'un Chef
de l'État élu par le peuple et responsable uniquement envers lui, et d'un
Gouvernement responsable devant le Parlement. Il contresigne certains
actes — mais la plupart — du Chef de l'État qui du reste, est son autorité
de nomination, le Parlement pouvant être amené à l'investir. Le
Gouvernement a ici besoin de la double confiance du Chef de l'État et
du Parlement pour subsister, car « hors le soutien Président, point de
salut pour le Premier Ministre »3 ! Le Parlement peut renverser le Gouvernement
par une motion de censure. En retour, le gouvernement peut dissoudre le
Parlement.
Le régime semi-présidentiel a l'avantage d'instituer un double
contrôle du Gouvernement : par le Chef de l'État d'une part, et le
Parlement d'une autre. Il permet d'éviter les déviations néfastes du
régime parlementaire vers le régime d'assemblée, et du régime
présidentiel vers le présidentialisme — dénaturation du régime

1 Cité par F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 104.


2 Voy. M. ROSARIA DONNARUMMA, « Le régime semi-présidentiel. Une
anomalie française », in R.F.D.C., vol. 1, n° 93, 2013, pp. 37-66.
3 J. GICQUEL, op. cit., p. 593.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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présidentiel caractérisé par le fait que le Président dispose en droit ou en


fait de pouvoirs plus importants encore qu’aux États-Unis — , qui
constituent en fait l'un et l'autre des négations de la démocratie1. C'est le
régime semi-présidentiel que le constituant congolais a mis en place2.

1 D. KALUBA, Démocratie et développement., op. cit., p. 128.


2 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 201.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les institutions de la République démocratique du
Congo
Aux termes de l'article 68 de la Constitution du 18 février 2006, «
les institutions de la République sont : 1. le Président de la République ; 2. le
Parlement ; 3. le Gouvernement ; 4. les Cours et Tribunaux ». La primauté du
Chef de l'État est le trait distinctif de l'organisation des institutions
exécutives1.

Section 1
L'exécutif

Le Président de la République, qui occupe le paragraphe premier,


et le Gouvernement qui occupe le deuxième, partagent ensemble le
pouvoir exécutif et son font l'objet de la section première relative au
pouvoir exécutif. Par conséquent, la vie de l'exécutif implique « une
solidarité, mieux une unité de conception et de dessein »2 entre le
Président de la République et le Gouvernement.

Paragraphe 1
Le Président de la République

Point 1
Mandat et statut

A. Accession au pouvoir et interruption du mandat

1. Élection

Élu par la nation toute entière, sa représentativité conditionne son


autorité. Tel se présente le monarque électif qui brille au firmament. Par
conséquent, le Chef de l'État est devenu un représentant authentique de la
nation, un délégataire ou un dépositaire de la souveraineté populaire3.

1 J. GICQUEL, op. cit., p. 558 ; F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 521.


2 Idem.
3 Ibidem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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« Le Président de la République est élu à la majorité simple des suffrages


exprimés », s'exprime le nouvel article 71 qui modifie en 2011, la
Constitution qui consacrait une élection à deux tours la majorité absolue
des suffrages exprimés1. Cette révision a eu pour effet de réduire la
légitimité du Président. Nombreuses sont les propositions en vue de sa
réforme2.
Le mandat du Président est représentatif, personnel et entier, et temporel3.
Il est limité à cinq ans renouvelable une seule fois, à la fin duquel il reste en
fonction jusqu'à l'installation effective du nouveau Président élu4.
Limitant le mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une seule
fois, l'esprit de cette disposition permet de la distinguer de celle de la
Constitution française qui veut que « nul ne [pût] exercer plus de deux
mandats consécutifs »5, similaire d'ailleurs à la Constitution russe6.
L’adjectif est important car il implique que, après avoir accompli deux
mandats, la même personne, peut, après une interruption, se présenter à
nouveau7. Le sens de l'article 70 est plutôt à assimiler à la Constitution
américaine, beaucoup plus explicite à ce sujet, en ce qu'elle pose que «
nul ne peut être Président plus de deux fois »8.

2. Interruption du mandat du Président de la


République

Bien que ce ne soit encore jamais arrivé sous l'empire de la


Constitution actuelle, le mandat présidentiel peut être interrompu. Cette
interruption peut être causée par la vacance.
La vacance résulte soit du décès ou de la démission du Président de la
République, soit de toute autre cause d’empêchement définitif.

1 Art. 71, Constitution du 18 février 2006. (avant modification).


2 Lire Discours du Président de la République à l'issue des consultations de
novembre 2020.
3 J. GICQUEL, op. cit., p. 559.
4 Art. 70, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 6 Al. 2, Constitution française du 4 octobre 1958.
6 Art. 81 point 3, Constitution russe du 12 décembre 1993.
7 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 274.
8 22e amendement à la Constitution américaine du 14 juillet 1789.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Il y a empêchement définitif lorsque le Président de la République se


trouve dans l’impossibilité absolue d’exercer personnellement les fonctions qui lui sont
dévolues par la Constitution et par les Lois de la République1.
La vacance est déclarée par la Cour constitutionnelle2 saisie par le
Gouvernement réuni de toute urgence en Conseil des Ministres dès la
survenance de l’une des causes prévues à l’article 843.
L’arrêt de déclaration de vacance a pour effet d’ouvrir la période de
l’intérim à la présidence et de faire courir le délai de l’organisation d’une nouvelle
élection présidentielle4.
En cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute
autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la
République, à quelques exceptions près sont provisoirement exercées
par le Président du Sénat5.
Le Président du Sénat exerce les attributions du Président de la
République, en vue de garantir la continuité de l'État. Cependant, la
Constitution6 exclut de son champ de compétence un certain nombre
d'attributions importantes, notamment la nomination du Premier
Ministre, des hauts fonctionnaires — entre autres les ambassadeurs, les
officiers généraux des forces armées et de la police nationale, les hauts
fonctionnaires de l'administration publique, les mandataires de l'État —
et des magistrats. Il n'a pas la possibilité de dissoudre l'Assemblée
nationale7, ni de lancer une révision constitutionnelle8. L'intérim n'étant
qu'une « simple parenthèse à la vie constitutionnelle, (...) une trêve entre
les pouvoirs constitués »9, toute mesure tendant à mettre en œuvre une

1 Lire Art. 84, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation
et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
2 Art. 84 Al. 1, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation

et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


3 Art. 85, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


4 Art. 86 Al. 3, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation

et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


5 Lire Art. 75, Constitution du 18 février 2006.
6 Idem.
7 Art. 148 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 219, Constitution du 18 février 2006.
9 J. GICQUEL, op. cit., p. 589.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

politique personnelle est bannie1. Il aboutit ainsi à geler les situations acquises à
l'ouverture de la vacance2.
La mission du Président intérimaire est de veiller à l'organisation
rapide de nouvelles élections3. Il prête serment en ce sens devant la Cour
constitutionnelle4.

B. Statut

1. Irresponsabilité politique

Le Chef de l'État est politiquement irresponsable. Sa responsabilité ne


peut être engagée que sur le plan pénal5. L'irresponsabilité politique du
Président de la République signifie qu'il n'existe aucune procédure
constitutionnelle susceptible de le contraindre à démissionner pour des
motifs politiques6. Il n'est pas concerné par la motion de censure ou de
défiance7, ni par un quelconque mécanisme de contrôle du
Gouvernement — qu'il s'agisse d'une question, d'une interpellation,
d'une audition en commission —8. Au demeurant, ni ses
communications avec les chambres, ni son discours devant l'état de la
nation ne peuvent faire l'objet de débat9.
Cela étant, élu au suffrage universel direct, il demeure tout de même
responsable devant le peuple10 qui ne le réélira que qu'autant qu'il aura agi
conformément à ses vues11.

1 Idem.
2 Ibidem.
3 Lire Art. 76 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 87, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 725 ; J. DJOLI, Droit

constitutionnel Tome II., op. cit., p. 206.


6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 725.
7 Lire Art. 146, Constitution du 18 février 2006.
8 Lire Art. 136, Constitution du 18 février 2006.
9 Lire Art. 77, Constitution du 18 février 2006.
10 En ce sens, J. DJOLI, Droit constitutionne Tome II.op. cit., p. 206.
11 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 219.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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2. Responsabilité pénale

La Constitution pose le principe de la responsabilité pénale du Président


de la République1. Il faut distinguer selon que les actes sont accomplis
dans l'exercice de ses fonctions, ou hors de l'exercice de ses fonctions2. S’agissant des
actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions le Président n'est
responsable que pour les infractions politiques de haute trahison
d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié3.
Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé
intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier ministre
sont reconnus auteurs, coauteurs ou complices de violations graves et
caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une partie du
territoire national4. Il y a également haute trahison lorsque le Président
institue ou tente d’instituer un parti unique sous quelque forme que ce
soit ; manque à son devoir de sauvegarder l’unité de la République et
l’intégrité de son territoire ; détourne les forces armées de la République
à ses fins propres ; organise des formations militaires, paramilitaires ou
des milices privées ou entretient une jeunesse armée5. Il y a atteinte à
l’honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement
personnel du Président de la République ou du Premier ministre est
contraire aux bonnes mœurs ou qu’ils sont reconnus auteurs, co-auteurs
ou complices de malversations, de corruption ou d’enrichissement
illicite. Il y a délit d’initié dans le chef du Président de la République ou
du Premier ministre lorsqu’il effectue des opérations sur valeurs
immobilières ou sur marchandises à l’égard desquelles il possède des
informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces informations
soient connues du public. Le délit d’initié englobe l’achat ou la vente
d’actions fondée sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués
aux actionnaires6. En dehors de ces cas, le Président de la République
est irresponsable7.

1 Lire Art. 163, Constitution du 18 février 2006.


2 C.C. fr., Décis. no 98-408 DC, 22 janv. 1999.
3 Lire Art. 164, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 165, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 74, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


6 Art. 165, Constitution du 18 février 2006.
7 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 727.

131
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Disons un mot sur la violation intentionnelle de la Constitution.


Elle est un des éléments matériels non cumulatifs de l'infraction de haute trahison.
Son contenu est tiré de l'article 71 de la Constitution de Luluabourg du
1e août 1964, qui qualifiait de violation intentionnelle de la Constitution
« tout acte contraire à la Constitution nationale, par lequel le Président de la
République porte atteinte à l'indépendance nationale ou à l'intégrité du territoire ou
par lequel il se substitue ou tente de se substituer aux chambres, à la Cour
constitutionnelle, aux cours et tribunaux, à un gouvernement provincial ou à une
assemblée provinciale, ou par lequel il les empêche ou tente de les empêcher d'exercer
les attributions qui leur sont dévolues par la Constitution ». Cette définition est
reprise de manière similaire par l'article 143 de la Constitution de la
Transition du 4 avril 2003.
Il s'agit en clair d'une violation du principe de séparation des pouvoirs, tant
dans son volet vertical qu'horizontal. C'est une situation de fraude
constitutionnelle dans le chef d'un pouvoir institué1, c'est-à-dire, un mécanisme
par lequel ce dernier, en l'occurrence le Président de la République,
utilise ses pouvoirs en l'encontre des prescrits constitutionnels en vue
d'établir un régime fondamentalement différent2, de chambouler l'architecture
des institutions.
Par ailleurs, la violation intentionnelle de la Constitution nécessite
le dol plus spécial. C'est-à-dire, le mobile est ici pris en compte3. Le
Président doit avoir violé la Constitution dans le but d'établir un régime
fondamentalement différent. En clair, il doit agir avec la volonté de frauder à
la Constitution.
Le Président de la République jouit des privilège de poursuites, les
poursuites à son égard sont subordonnées à l'autorisation d'une autorité
supérieure4. En effet, la décision de poursuites ainsi que la mise en
accusation du Président de la République sont votées à la majorité des
deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès5.
Le Procureur Général assure l’exercice de l’action publique dans les
actes d’instruction et de poursuites contre le Président de la République.
A cette fin, il reçoit les plaintes et les dénonciations et rassemble les
preuves. Il entend toute personne susceptible de contribuer à la

1 A. KAMUKUNYI, La fraude…op. cit., p. 49.


2 C. DEBBASCH et alii., op. cit., p. 111.
3 Idem., p. 230.
4 Lire E.-J. LUZOLO BAMBI et N.-A. BAYONA Ba MEYA, Manuel de procédure

pénale, PUC, Kinshasa, 2011, pp. 165-169.


5 Art. 166, Constitution du 18 février 2006.

132
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

manifestation de la vérité1. Si le Procureur Général estime devoir


poursuivre le Président de la République, il adresse au Président de
l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat une requête aux fins d’autorisation
des poursuites2. L’autorisation est votée à la majorité des deux tiers des
membres du Parlement composant le Congrès3.
Lorsque le Congrès autorise les poursuites, l’instruction
préparatoire est menée par le Procureur Général. Les règles ordinaires
de la procédure pénale sont applicables à l’instruction préparatoire4. Cela
implique qu'à l'issue de l'instruction, le Procureur évalue souverainement
s'il y a opportunité à poursuivre. Ainsi, en cas de réponse négative, il
peut classer l'affaire sans suite5.
A la clôture de l’instruction préjuridictionnelle, le Procureur
Général adresse un rapport au Président de l’Assemblée Nationale et au
Président du Sénat, « éventuellement » accompagné d’une requête aux fins
de solliciter du Congrès la mise en accusation du Président de la République ou du
Premier Ministre6. La mise en accusation est votée à la majorité des deux
tiers des membres du Parlement composant le Congrès7.
Dans le cas où le Congrès adopte la résolution de mise en
accusation, le Procureur Général transmet le dossier au Président de la
Cour par une requête aux fins de fixation d’audience8. Jugé par la Cour
constitutionnelle éventuellement avec ses coauteurs et/ou ses
complices9, la Cour prononce en cas de condamnation, la déchéance du
Président de la République10. Le Président reste donc en fonction tout

1 Art. 100, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et


fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
2 Art. 101, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


3 Art. 166, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 102, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


5 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 379.
6 Art. 103 Al. 1, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant

organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


7 Art. 166, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 103 Al. 2, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant

organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


9 Art. 164, Constitution du 18 février 2006.
10 Art. 105, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

133
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

le long de la procédure, et l'intérim ne s'ouvre qu'avec le prononcé de la


condamnation par la Cour constitutionnelle.
Pour les infractions commises en dehors de l’exercice de leurs
fonctions, les poursuites contre le Président de la République sont suspendues
jusqu’à l’expiration de son mandat. Pendant ce temps, la prescription est
suspendue1. En clair, pour les actes accomplis par le Président en tant
que citoyen classique, n'ayant aucun rapport avec l'exercice de la
fonction présidentielle, que ce soient pendant, ou avant son mandat,
l'action publique ne peut être ouverte qu'après le mandat.
On l'a vu, le Président de la République jouit d'une forte protection
juridique pendant son mandat. D'ailleurs, cette protection s'étend même
après son mandat. En effet, les anciens présidents de la République élus
sont de droit sénateurs à vie2. En plus d'avantages alléchants sur le plan
économique3, tout ancien Président de la République élu jouit de
l’immunité des poursuites pénales pour les actes posés dans l’exercice de ses fonctions
de sénateur4. Pour les actes posés en dehors de l’exercice de ses fonctions,
les poursuites contre tout ancien Président de la République élu sont
soumises au vote à la majorité des deux tiers des membres des deux Chambres du
Parlement réunies en Congrès5.

1 Art. 167 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 104 Al. 7, Constitution du 18 février 2006.
3 Pension spéciale, allocation annuelle pour services rendus, soins de santé, rente

de survie et rente d’orphelin, avantages complémentaires : habitation décente


fournie par l’Etat ou une indemnité de logement, passeport diplomatique pour
lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs, titre de voyage en business class
pour lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs, cinq véhicules pour la
fonction et pour usage domestique, après cinq ans deux fois renouvelables,
service de sécurité doté de moyens logistiques conséquents comprenant au
moins deux gardes du corps, trois éléments de sa suite et une section chargée de
la garde de sa résidence, personnel domestique dont le nombre ne peut dépasser
dix personnes, locaux faisant office de bureaux pour lui-même et pour son
secrétariat dont le nombre ne peut dépasser six personnes, dotation mensuelle
en carburant… Lire Art. 10 et s., Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut
des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux
anciens chefs de corps constitués.
4 Art. 7, Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de

la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps
constitués.
5 Art. 8, Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de

la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps
constitués.

134
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En sa qualité de sénateur à vie, tout ancien Président de la


République élu est soumis à toutes les incompatibilités prévues par
l’article 108 de la Constitution1. Cette fonction est incompatible
notamment avec tout autre mandat électif2, et ne peut se perdre, comme
cela est possible pour un mandat classique de sénateur, par acceptation
d’une fonction incompatible avec le mandat de député ou de sénateur3,
pour la simple raison qu'il est un statut viager, il ne meurt qu'avec la
personne de son détenteur. Ce dernier ne peut de ce fait exercer d'autres
fonctions politiques d'envergure, à l'exception peut-être de celle de chefs
de collectivité-chefferie et de groupement4.
En plus du rôle classique d'un sénateur, il doit remplir son rôle à
titre de « Président de la République honoraire »5, qui lui impose, en sus des
devoirs ordinaires d'un citoyen, un quadruple devoir de réserve, de
dignité, de patriotisme et de loyauté envers l’Etat6.
Constatant que l'alternance démocratique est souvent entravée par
des crises politiques et rébellions à répétition, crises qui tirent leur origine
dans l’insécurité éprouvée par des anciens animateurs des institutions et
de corps constitués de la République, l'idée derrière cette loi est de
consolider la démocratie7, en l’occurrence par le mécanisme de l’alternance
démocratique en assurant aux anciens présidents élus une protection
adéquate et des avantages dignes susceptibles d'atténuer sa crainte à une
éventuelle politique.

1 Art. 6, Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de
la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps
constitués.
2 Art. 108 point 9, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 110 point 9, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 198 point 6, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 3, Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de

la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps
constitués.
6 Art. 5, Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de

la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps
constitués.
7 Exposé des motifs, Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens

présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens


chefs de corps constitués.

135
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Cette Loi détermine également les droits et devoirs reconnus aux


anciens chefs de Corps constitués1, compte tenu de l’importance du rôle
qu’ils jouent au sein de l’appareil de l’Etat et de leur grande influence sur
la vie politique nationale. En effet, dit-elle, la République est un Tout
composé de plusieurs institutions fonctionnant en synergie. Par
conséquent, toute démarche tendant à marginaliser certaines institutions
ne saurait contribuer à atteindre l’idéal démocratique auquel le peuple
congolais aspire tant depuis l’accession de la République démocratique
du Congo à la souveraineté internationale2.
Si ces motivations peuvent paraître louables, le coût de ces
avantages à un trésor public déjà moribond font se questionner plus d'un
au sujet de son opportunité3.

Point 2
Les attributions du Président de la République

Le Président de la République est la « clé de voûte des institutions ».


Cette formule employée par Michel Debré dans son discours du 27
août 1958 s'explique sur deux plans : sur le plan exécutif, le Président est
par son élection, le détenteur initial du pouvoir et il sert donc de support et de

1 Aux termes de l'Art. 2 de la loi susdite, les Chefs de corps constitués désignent
les anciens Présidents de l’Assemblée nationale, anciens Présidents du Sénat,
anciens Premiers Ministres, anciens Présidents du Conseil Supérieur de la
Magistrature, anciens Procureurs généraux près la Cour Constitutionnelle,
anciens Premiers Présidents de la Cour Suprême de Justice, de la Cour de
Cassation, du Conseil d’Etat, de la Haute Cour Militaire, anciens Procureurs
généraux de la République, Procureurs généraux et Auditeurs généraux près ces
juridictions, anciens Présidents du Conseil Economique et social, de la
Commission Électorale Nationale Indépendante, du Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel et de la Communication, de la Commission Nationale des Droits
de l’Homme, anciens Chefs d’Etat-major général des Forces Armées et des
anciens Commissaires généraux de la Police Nationale Congolaise, anciens
Administrateurs généraux de l’Agence Nationale de Renseignements et Anciens
Directeurs généraux de Migration et aux anciens Chefs d’Etat-major des Forces
terrestre, aérienne et navale.
2 Exposé des motifs, Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens

présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens


chefs de corps constitués.
3 Lire Rapport de mission du G13, septembre 2020.

136
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

soutien aux autres organes exécutifs et notamment au Premier Ministre et au


Gouvernement qui procèdent de lui et par conséquent dépendent de lui.
Sur le plan large des institutions, le Président de la République est le
recours dont l'intervention remettrait en principe les mécanismes en marche s'ils se
bloquaient. C'est pourquoi il dispose de pouvoirs propres qui lui
permettent soit de faire procéder à de nouvelles élections, soit
d'organiser une consultation référendaire, soit même de se saisir de tous
les pouvoirs en cas de crise nationale1.
Le constituant lui attribue cette mission à l'article 69 de la
Constitution2 : « le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il représente
la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution.
Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des
Institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance
nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des
traités et accords internationaux ».
La mission de Président-gardien de la Constitution se manifeste entre
autres par sa participation à l'organisation et au fonctionnement de la
justice constitutionnelle (nomination des membres de la Cour
constitutionnelle, saisine de ladite Cour pour les lois organiques et
ordinaires). En outre, le Président peut être amené à interpréter lui-
même la Constitution.
Le rôle de Président-arbitre peut être pris dans un sens faible ou dans
un sens fort. Au sens faible, arbitrer, c’est veiller à la régularité d’une
compétition sans y participer soi-même, comme le fait par exemple un
arbitre sportif. Dans ce sens, le chef de l’État doit s’abstenir de participer
lui-même à la décision politique, de même que l’arbitre sportif se tient
en dehors de la compétition ; il doit seulement veiller à ce que le
Parlement et le gouvernement respectent bien la lettre et l’esprit de la
Constitution.
Au sens fort, arbitrer c’est user de son autorité pour concilier des
intérêts opposés ou même décider souverainement de quelque chose.
L’idée d’arbitrage peut donc servir à justifier des conceptions différentes
et même opposées du rôle du Président de la République. Dans ce sens,

1 P. PACTET, op. cit., p. 388. Cette considération doit toutefois être relativisée
dans le contexte congolais, car comme on le verra, les attributions du Président
congolais dispensées de contreseing ne sont pas aussi importantes que celles du
Président français.
2 Voy. F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 534. Lire P. ARDANT, « L’article

5 et la fonction présidentielle », in Pouvoirs, n° 41, 1987, pp. 37-62.

137
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

le Président ne se borne pas à faire respecter la règle du jeu, il fixe lui-


même les grandes orientations de la politique nationale et tranche en
dernier ressort les affaires importantes.
Enfin, son rôle de garant des grands intérêts nationaux renvoie aux
responsabilités particulières du Président en matière de défense nationale
et de politique étrangère parce que, dans ces deux domaines, les intérêts
supérieurs de la Nation sont en jeu. Il ne s’efface donc jamais
complètement derrière le Premier ministre, même en période de
cohabitation.
L'article 69 ne donne qu'une idée générale et un peu vague des
attributions du Président de la République, lesquelles doivent être
précisées par d'autres dispositions de la Constitution. Les attributions du
Président de la République sont susceptibles d'une double lecture
présidentialiste et parlementariste, selon que l'on est en période de concordance des
majorités ou de discordance de majorités1.
Les périodes de concordance des majorités sont celles où la majorité
qui soutient le président de la République et qui s'est fixée dès l'élection présidentielle
(majorité présidentielle) et la majorité des députés à l'Assemblée nationale (majorité
parlementaire) sont à l'unisson2. Dans un tel contexte, la position du Chef de
l'État est dominante. Doté d'une légitimité démocratique très forte et sans
concurrence et relativement libre du choix de la personne du Premier
Ministre, le Président de la République peut s’imposer sans grande
difficulté au sein du couple exécutif et donner l’impulsion déterminante
aux décisions gouvernementales y compris lorsque celles-ci sont mises
en œuvre par des lois votées par le Parlement. Est mise en œuvre ici la
théorie du domaine privilégié, défendue notamment par Valéry Giscard
d'Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac, qui veut, qu'en plus
des matières lui spécialement reconnues par l'article 69 que sont les
affaires étrangères et la défense nationale, le Chef de l’État puisse
évoquer n’importe quelle affaire, étant entendu que la Défense et les
Affaires étrangères restent ses domaines « privilégiés », débouchant sur
une sorte d’unité d’un pouvoir exécutif hiérarchisé, dont le sommet
s’incarne dans le Chef de l’État, élu au suffrage universel direct.
Les choses ne sont pas tout à fait les mêmes en période de
cohabitation. Terme inventé par Édouard Balladur, la cohabitation
s'applique aux périodes où la majorité présidentielle et la majorité parlementaire sont

1Voy. J. GICQUEL, op. cit., p. 590.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 748. Voy. M.-A.
COHENDET, « Cohabitation et constitution », in Pouvoirs, n° 91, 1999, p.33-57.

138
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de tendance politique opposée. Cette situation conduit le Président de la


République à nommer un Premier Ministre sans le choisir parmi la
majorité qui lui est hostile1. Ici, le rôle du Président est amoindri. Il n'est plus
cloîtré qu'à un domaine « réservé ». Cette théorie exposée par Jacques
Chaban-Delmas, veut que le Chef de l'État puisse limiter son champ
d'intervention à un domaine réservé constitué des affaires étrangères, de
la Défense nationale, le reste étant alors, sauf exception ponctuelle, de la
compétence du Premier ministre. Le Premier ministre joue un rôle
extrêmement actif surtout dans le domaine de la politique intérieure.
À ce titre, il est parfaitement en mesure de mettre en œuvre le
programme de la coalition politique qui l'a porté au pouvoir aussi bien
par la loi que par le règlement.
Cette double lecture présidentialiste et parlementariste servira de fil
d'Ariane dans l'étude des attributions aussi bien du Président de la
République que du Gouvernement.
La Constitution opère une distinction au sein des attributions du
Président de la République, entre celles qu'il exerce seul, car dispensées du
contreseing ministériel, et celles qu'il partage avec le Gouvernement, car
nécessitant le contreseing ministériel. Ce contreseing remplit, d’abord, la
fonction d’authentification et d’exécution d’une décision, ensuite, de
transfert de responsabilité et, enfin, de protection du domaine visé2. Les
actes soumis au contreseing requièrent le consentement des deux
organes du pouvoir exécutif. En période de concordance des majorités,
ce contreseing n’est qu’une simple formalité. En période de cohabitation, il
permet au gouvernement d’exercer la réalité du pouvoir, parce qu’il n’accordera
son contreseing qu’aux actes qu’il approuve3.
Que la Constitution le dise expressément — ce qu'elle n'a d'ailleurs
pas besoin de faire —, ou pas, l'article 79 in fine a posé le principe, que les
ordonnances du Président de la République sont contresignées par le Premier
ministre4. L'usage de l'article défini au pluriel exprime la généralité, la
globalité. Cette formule est employée par le constituant en vue d'atténuer
la grande puissance présidentielle et d'éviter les dérives présidentialistes
qui ont jalonné l'histoire du Congo.
Ceci dit, pour assurer une plus grande autonomie du Président de
la République vis-à-vis du Premier Ministre et du Gouvernement, le

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 752.


2 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 197.
3 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 539.
4 Art. 79 in fine, Constitution du 18 février 2006.

139
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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même alinéa, utilisant l'expression « autres que », dispense certains pouvoirs


présidentiels du contreseing ministériel. Ces exceptions limitativement
énumérées concernent les ordonnances prévues aux articles 78 alinéa
premier, 80, 84 et 143 de la Constitution. La première concerne la
nomination du Premier Ministre, après vient celle relative à l'investiture
des Gouverneurs et Vice-Gouverneurs des provinces élus, puis celle par
laquelle le Président confère les grades dans les ordres nationaux et les
décorations, et vient enfin, celle par laquelle il déclare la guerre.

A. Les pouvoirs propres

1. La nomination du Premier ministre

La Constitution dispose que « le Président de la République nomme le


Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci »1.
Cette disposition est susceptible d'une double lecture présidentialiste et
parlementariste, selon que l'on est en période de concordance de
majorités, ou de cohabitation.
En période de concordance de majorités, le Président de la
République qui est en même temps président de la majorité
parlementaire, est libre de la personne du Premier Ministre. Si la
Constitution dispose qu'il le nomme « au sein de la majorité
parlementaire après consultation de celle-ci », la pratique veut que le Premier
Ministre n'ait pas forcément à être député. En fait, cette disposition tire son
origine de la coutume anglaise, où le Premier Ministre est en même
temps un député, chef du parti majoritaire. En droit congolais, sous
l'empire de la Constitution actuelle, le Président de la République a
toujours fait une interprétation réaliste de cette disposition
constitutionnelle, faisant de cette exigence une simple formalité liée à la
condition d'investiture du Gouvernement qui requiert la majorité
absolue des membres composant l'Assemblée nationale2. Par
conséquent, le Premier ministre doit obligatoirement être choisi, soit au
sein de la majorité parlementaire, soit, s’il n’y appartient pas, avec
l’accord de cette dernière, quitte au Président de se voir refuser
l'investiture. Ainsi, d'Antoine Gizenga à Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le
Premier Ministre n'a encore jamais été un parlementaire.

1 Art. 78 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 90 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En période de cohabitation en revanche, le pouvoir de nomination


du Président de la République est entièrement lié par la volonté de la majorité
parlementaire qui lui est, par hypothèse, hostile.
Si le Président nomme le Premier Ministre, la Constitution dispose
qu' « il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du
Gouvernement »1. Par conséquent, le Président de la République ne peut révoquer
le Premier Ministre2. Cette précision avait été apportée par le Général de
Gaulle lui-même devant le comité consultatif constitutionnel, lors de
l'élaboration de la Constitution française du 4 octobre 19583. Les
fonctions de Premier Ministre ne prennent fin que par démission, décès,
déchéance prononcée par la Cour constitutionnelle, ou motion de
censure adoptée par l'Assemblée nationale.
En période de concordance de majorités, la démission du Premier Ministre
peut être facile à obtenir pour le Président de la République. En effet, le Premier
Ministre a besoin d'une double confiance du Président et de l'Assemblée nationale
pour subsister. Le Président de la République étant en même temps
président de la majorité parlementaire et cette dernière étant sa « chose
»4, le Premier Ministre qui tiendrait tête ne serait qu'un « triste sire », pour
reprendre l'expression de Jacques Chaban-Delmas5. Le Premier Ministre
n'aura d'autre choix que de démissionner, une démission provoquée par
le Président de la République. On parle alors de « démission-révocation »6.
Par contre, en période de cohabitation, le Président de la République
qui n'est déjà pas libre du choix du Premier Ministre, a encore moins la
possibilité de le pousser à démissionner. Selon une formule acquise, « le Premier
Ministre de la coalition est indéboulonnable ! »7. L'ordonnance de nomination
du Premier Ministre étant un acte individuel, elle ne peut être ni abrogée,
ni retirée, en vertu du principe de l'intangibilité des droits acquis8. Brandir la

1 Art. 78 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 J. GICQUEL, op. cit., p. 593 ; L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit.,
p. 729 ; F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 553 ; J.-L. ESAMBO, Traité de
droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 191 ; D. KALUBA, Démocratie et développement
au Congo-Kinshasa., op. cit., p. 130.
3 Voy. F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 406.
4 J. GICQUEL, op. cit., p. 593.
5 Cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 593.
6 Voy. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 730.
7 Jacques Chaban-Delmas, cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 594.
8 Voy. L. YUMA, op. cit., p. 137.

141
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

théorie de l'acte contraire1 serait manifestement contraire à l'esprit de la


Constitution.
Quoi qu'il en soit, on peut toujours craindre que la brutalité
politique fasse usage de cette pratique sans que le juge ne soit capable la
saisir par le droit, l'ordonnance de nomination étant un acte de
gouvernement2.

2. L'investiture des gouverneurs et vice-


gouverneurs

Le Président de la République investit par ordonnance les Gouverneurs et les


Vice-Gouverneurs de province élus, dans un délai de quinze jours3. Le
Président de la République est dans une compétence liée. Une fois que le
Gouverneur et le Vice-Gouverneur sont élus par les députés
provinciaux, le Président de la République est tenu de les investir. Investis,
les Gouverneurs et Vice-Gouverneurs disposent pleinement de leurs attributions et
sont compétents pour agir. En effet, leur investiture est distincte de celle des
ministres du Gouvernement provincial qui nécessite l'approbation du
programme du Gouvernement provincial à la majorité absolue des
membres composant l'Assemblée provinciale4.

3. La compétence dans les ordres nationaux et les


décorations

« Le Président de la République confère les grades dans les ordres nationaux et


les décorations »5.
Il est créé en République démocratique du Congo, l'ordre national
« Héros nationaux », en mémoire des héros nationaux, le Président de la
République Laurent-Désiré Kabila et le premier Ministre Patrice-Emery
Lumumba, assassinés respectivement les 16 janvier 2001 et 17 janvier
19616.

1 Idem., p. 141.
2 Ibidem., p. 115.
3 Art. 80, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 198 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 84, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 1, Loi n°009-2002 du 5 août 2002 portant création de l’ordre national «

Héros nationaux ».

142
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'ordre national « Héros nationaux » est destiné à honorer et à


reconnaître les mérites et loyaux services rendus à la nation par les personnes physiques
nationales ou étrangères1. La décoration est remise par le Président de la
République ou son délégué. Elle peut l'être également à titre posthume2.
L'ordre national comprend les grades de : a. Grand cordon Kabila-
Lumumba ; b. Grand officier ; c. Commandeur ; d. Officier ; e.
Chevalier3.
Le Président de la République est grand chancelier de l'ordre
national « Héros nationaux ». L'administration de cet ordre est confiée
au chancelier de l'ordre nommé par le Président de la République.
À titre informatif, il existe également une distinction honorifique
appelée « médaille du mérite conjugal »4 destinée à récompenser ou honorer
les conjoints qui, unis de longues années, continuent résolument à
partager une vie commune au sein d'une famille5 depuis au moins 15
ans6. Il existe aussi une distinction appelée « médaille du mérite maternel »7,
pour les mères d'enfants nombreux qui se sont particulièrement
signalées en élevant dignement leurs enfants8. Ceux-ci doivent être au
moins au nombre de 7 en vie9. Les deux médailles peuvent être
décernées à titre posthume10. Elles ont été créés par le président Mobutu
en 1983.

1 Art. 2, Loi n°009-2002 du 5 août 2002 portant création de l’ordre national «


Héros nationaux ».
2 Art. 3, Loi n°009-2002 du 5 août 2002 portant création de l’ordre national «

Héros nationaux ».
3 Art. 8, Loi n°009-2002 du 5 août 2002 portant création de l’ordre national «

Héros nationaux ».
4 Art. 1, Ordonnance 83-204 du 16 novembre 1983 portant création de la

médaille du mérite conjugal.


5 Art. 2, Ordonnance 83-204 du 16 novembre 1983 portant création de la

médaille du mérite conjugal.


6 Art. 5, Ordonnance 83-204 du 16 novembre 1983 portant création de la

médaille du mérite conjugal.


7 Art. 1, Ordonnance 83-205 du 16 novembre 1983 portant création de la

médaille du mérite maternel.


8 Art. 2, Ordonnance 83-205 du 16 novembre 1983 portant création de la

médaille du mérite maternel.


9 Art. 5, Ordonnance 83-205 du 16 novembre 1983 portant création de la

médaille du mérite maternel.


10 Art. 7, Ordonnance 83-204 du 16 novembre 1983 portant création de la

médaille du mérite conjugal ; et Art. 7, Ordonnance 83-205 du 16 novembre


1983 portant création de la médaille du mérite maternel.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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4. La déclaration de la guerre

« Le Président de la République déclare la guerre sur décision du Conseil des


ministres après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation de deux
Chambres. Il en informe la Nation par un message »1. Bien que ne nécessitant
pas de contreseing, l'ordonnance de déclaration de guerre doit remplir
certaines conditions de procédure à peine de nullité. Elle doit être
décidée en conseil des ministres. Le Conseil supérieure de la défense
donne son avis. C'est un avis obligatoire mais non conforme, car le
Président peut passer outre2. Ce qui est surtout indispensable, c'est
l'autorisation des deux Chambres réunies en congrès3.
La déclaration de guerre est une manifestation du formalisme qui a
caractérisé le droit de la guerre au 20e siècle. Ce formalisme se
manifestait en particulier dans les conditions de manifestations de
l'intention de guerre, s'affirmant comme une procédure formelle de création,
par voie unilatérale, d'une nouvelle situation juridique : l'état de guerre. Ainsi cette
intention devait-elle s'exprimer, par un « avertissement préalable et non
équivoque »4 (déclaration de guerre). De même, la guerre devait en principe
se conclure par un traité de paix.
Aujourd'hui, notamment sous l'effet de l'évolution des techniques
de combat, ces distinctions ont été pour beaucoup d'entre elles
profondément altérées5. D'ailleurs, si hier, la guerre constituait l'objet
même du droit international — ainsi que l'atteste l'œuvre célèbre d'Hugo
Grotius « De Jure Belli Ac Pacis » de1625 —, aujourd’hui, la guerre est
fortement interdite en droit international contemporain. Le droit
international contemporain est régi par les principes de règlement pacifique des
différends et l'éviction du recours à la force6.

B. Les pouvoirs partagés

Les actes du Président de la République sont, à l'exception de ceux


qui viennent d'être présentés, soumis au contreseing du Premier ministre

1 Art. 143, Constitution du 18 février 2006.


2 Voy. L. YUMA, op. cit., p. 126.
3 Art. 119 point 2, Constitution du 18 février 2006.
4 Convention III de La Haye du 18 octobre 1907.
5 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 748.
6 Art. 2 § 3 et 4, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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et, le cas échéant, des ministres responsables1. Le Conseil d'État français


dit qu'il s’agit des « ministres auxquels incombent, à titre principal, la préparation
et l’exécution des (actes) dont s’agit »2.
Par le contreseing, le Gouvernement endosse la responsabilité politique
des actes du Chef de l’État et peut donc être mis en cause sur ce
fondement par le Parlement.
Ici aussi, dans une double interprétation présidentialiste ou
parlementariste, il peut s'agir de pouvoirs concédés ou de pouvoirs
revendiqués3. Pouvoir concédé dans l'hypothèse où le Président de la
République, chef de la majorité parlementaire, peut avoir le
gouvernement à sa disposition. Pouvoirs revendiqués quand le
gouvernement, fort de sa majorité parlementaire, veut exercer pour son
compte les compétences du Président de la République, et par ce fait,
prend le devant et réclame à ce dernier la signature des actes.
Les pouvoirs du Président de la République tiennent en fait à des
relations : à l'interne, avec le Gouvernement, avec le Parlement, avec le
pouvoir judiciaire, avec le peuple ; et avec l'étranger ; on lui ajoute les
pouvoirs de crise4.

1. Le Président de la République et le
Gouvernement

a. La nomination des autres membres du


Gouvernement

« Le Président de la République nomme les autres membres du Gouvernement


et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier ministre »5.
On constate avec évidence, comme disait Michel Rocard6, que « la
constitution d'un gouvernement on la fait à deux ». Mais ici également, la
situation peut varier selon les circonstances7. En période de concordance de

1 Art. 79 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.


2 C.E. fr., 10 juin 1976, Pelon.
3 J. GICQUEL, op. cit., p. 610.
4 Lire B. CHANTEBOUT, op. cit., p. 441 ; P. PACTET, op. cit., p. 387 ; J.-L.

ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 187.


5 Art. 78 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
6 Cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 612.
7 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 737 ; J. GICQUEL, op. cit.,

pp. 612-613.

145
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

majorités, le Président de la République pèse dans le choix des membres


du Gouvernement. Il constitue ce dernier par rapport au poids des partis
qui forment sa majorité parlementaire. Par conséquent, il y a une totale
subordination des ministres à l'égard du Président de la République.
Dans ces conditions, « un ministre ça ferme sa gueule. S'il ouvre, il quitte
le gouvernement », dit Jean-Pierre Chevènement1.
Par contre, en période de cohabitation, c'est le Premier ministre qui
devient fort du choix des ministres, sans toutefois pour autant réduire à
néant la volonté du Président de la République peut garder des secteurs
clés correspondant à son domaine réservé (affaires étrangères, défense).
La cessation des fonctions des membres du gouvernement se fait
sur une procédure parallèle : proposition du Premier ministre, signature
du Président de la République. Ici mêmement, les choses peuvent varier
selon les circonstances. L'impulsion peut venir du Président de la
République en période de concordance de majorités, de même elle peut
venir du Premier ministre et ne pas rencontrer l'assentiment du Président
en période de cohabitation.

b. La présidence du Conseil des ministres

« Le Président de la République convoque et préside le Conseil des ministres.


En cas d’empêchement, il délègue ce pouvoir au Premier ministre »2.
Le Conseil des ministres est l’instance de discussion, de concertation et de
décision du gouvernement3 sous l'égide du Président de la République. Ce
dernier le convoque, en fixe l'ordre du jour, organise son déroulement,
détermine ses choix et y manifeste ses préférences, ou ses réticences.
Symbole de l'exécutif, le Conseil des ministres apparaît comme « la
plaque tournante »4 de l'activité de l'État : certaines ordonnances
importantes y sont délibérées, les projets de lois y sont délibérées, les
nominations aux emplois supérieurs.

1 Cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 612.


2 Art. 79 Al. 1, Constitution du 18 février 2006. Nos italiques.
3 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 192.
4 J. GICQUEL, op. cit., p. 619.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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3. Le Président de la République et le Parlement

a. La promulgation de la loi

« Le Président de la République promulgue les lois »1 adoptées par le


Parlement.
La promulgation de la loi est l'acte par lequel la loi votée par le Parlement (ou
directement par le peuple) est rendue exécutoire2. Par la promulgation, le
Président de la République « atteste l'existence de la loi et donne ordre aux
autorités publiques de l'observer et de la faire observer »3.
L'intervention du Président de la République se limite à un contrôle
de régularité formelle : savoir si la loi a été régulièrement adoptée4. Le
Président de la République dispose ici d'une compétence liée5. Il
promulgue la loi dans les quinze jours de sa transmission, à défaut de quoi la
promulgation est de droit6.
Toutefois, ce délai peut être suspendu en cas de saisine de la Cour
constitutionnelle7, ou en cas de demande par le Président de la République d'une
nouvelle délibération. Dans un délai de quinze jours de la transmission, le
Président de la République peut demander à l’Assemblée nationale ou
au Sénat une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.
Cette nouvelle délibération ne peut être refusée8. La nouvelle
délibération peut avoir pour but de rectifier une erreur rédactionnelle ou
assurer la régularité de la loi à la Constitution par suite d'une décision de
non-conformité partielle9. Le texte soumis à une seconde délibération
est adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat soit sous la forme
initiale, soit après modification à la majorité absolue des membres qui
les composent10.

1 Art. 79 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 737.
3 C.E. fr., 8 février 1974, Commune de Montory.
4 J. GICQUEL, op. cit., p. 615.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 737.
6 Art. 140, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 139, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 137 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
9 J. GICQUEL, op. cit., p. 615.
10 Art. 137 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

147
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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b. Les communications avec les chambres

i. Le message aux chambres

Le Président de la République « communique avec les Chambres du Parlement


par des messages qu’il lit ou fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat »1.
Du fait de son irresponsabilité politique, le Président ne peut en principe
avoir accès aux chambres. Ses communications avec ces dernières sont lues
par les présidents des deux chambres, et les parlementaires les suivent debout,
par courtoisie.
Le contenu de ce message est variable en fonction des
circonstances du moment. Ainsi, il est admis qu'il peut être utilisé
notamment pour annoncer des décisions importantes.

ii. Le discours devant l'état de la Nation


Également, le Président de la République « prononce, une fois l’an, devant
l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès, un discours sur l’état de la
Nation »2.
Ce discours s'inspire de celui du Président américain sur l'état de
l'Union3. Destiné au-delà du Congrès à l'ensemble de la nation
américaine, le Président y exalte les actions accomplies et définit surtout
les priorités et objectifs à atteindre dans le cadre de l'année à venir. Cette
communication donne aujourd'hui au Président l'occasion de mobiliser
le soutien du Congrès et de l'opinion4.

c. La dissolution de l'Assemblée nationale

« (...) Le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale (...)


»5.
La dissolution est l'acte par lequel le Président de la République met fin
prématurément à la durée de la législature et provoque des élections anticipées6.
En principe en effet, la législature dure cinq ans. Elle part de la
validation des pouvoirs par l'Assemblée nationale — sorte de contrôle

1 Art. 77 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 77 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 2 section 3, Constitution américaine du 14 juillet 1789.
4 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 433.
5 Art. 148 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
6 P. AVRIL et J. GICQUEL, op. cit., p. 151.

148
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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politique de constitutionnalité par lequel une chambre vérifie que le


mandat de ses membres a été acquis de manière régulière1 — à
l'installation de la nouvelle assemblée2.
La dissolution est la manifestation du rôle d'arbitre du Président de
la République3. Elle vise à tempérer les ardeurs des députés, souvent,
portés vers le renversement des équipes gouvernementales qu’ils ont,
pourtant, investies4. Elle a été souvent utilisée comme une arme contre
une majorité parlementaire hostile au Président de la République5.
L'usage de la prérogative de dissolution fait l'objet d'importantes
restrictions par le constituant. D'abord, il doit y avoir une « crise persistante
entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale »6.
La notion de crise est persistante est vague. Le constituant ne la
définit pas. Mais, le droit comparé en fait généralement une condition à
l'usage, par le Chef de l'État, de son pouvoir d'arbitre. En effet, dans un
régime parlementaire, le Chef de l'État, protecteur de l'unité nationale et
des valeurs premières de la communauté, peut apparaître en période de
crise comme l'arbitre permettant de résoudre certains conflits. En cas de
carence dans le fonctionnement normal des organes constitutionnels de
direction, il peut être alors amené à jouer un rôle plus actif que
d'habitude7. Il dispose alors du pouvoir de dissolution, en cas de crise
institutionnelle. Cette crise peut être liée, comme au Royaume-Uni ou en
Italie, à une insuffisance de majorité à la chambre de représentation nationale
permettant au gouvernement de fonctionner de manière stable ; elle peut être liée à
un vote de défiance contre le gouvernement comme au Royaume-Uni, en
Allemagne, en France sous la 4e République, ou en Russie ; elle peut être
liée à une absence de confiance à un Premier ministre nouvellement nommé, comme
en Allemagne ou en Espagne8.
Bien que la Constitution de 2006 ne définit pas la crise persistante,
on peut cependant s'en faire une idée en recourant à la Loi de 2008 sur
la libre administration des provinces. En effet, aux termes de cette
dernière, l'Assemblée provinciale est dissoute de plein droit en cas de

1 Lire J. GICQUEL, op. cit., p. 184 ; J. DJOLI, op. cit., p. 174.


2 Lire Art. 103, Constitution du 18 février 2006.
3 En ce sens, J. GICQUEL, op. cit., p. 597.
4 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 213.
5 Idem.
6 Art. 148 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
7 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 713.
8 Lire Fixed-term Parliement Act, 1976 ; Art. 63&68, Loi fondamentale

allemande du 8 mai 1949.

149
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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crise institutionnelle persistante. Il y a crise institutionnelle persistante,


lorsque soit, pendant six mois successifs, l'Assemblée provinciale n'arrive pas à
dégager une majorité ; soit, elle ne peut se réunir pendant une session faute de quorum
; soit, au cours de deux sessions d'une même année, le Gouvernement provincial est
renversé à deux reprises1. Le cas échéant, le Président de l'Assemblée
nationale et le Président du Sénat constatent la dissolution de plein droit
et en font rapport au Président de la République qui en prend acte par
une ordonnance contresignée par le Premier ministre2.
Toutefois, sans préjudice de la pertinence de ces considérations
doctrinales, il sied de garder à l'esprit que, dans le cadre de la théorie de
l'interprétation réaliste, c'est au Président de la République qu'il revient
de juger de la présence et de la persistance d'une crise, et de de
l'opportunité de dissoudre, tout en gardant à l'esprit qu'une
interprétation abusive peut être constitutive de haute trahison.
On l'a certainement compris, cette prérogative présidentielle est
très importante, et son usage abusif peut transformer le Président en un
monarque injuste. C'est donc avec raison que le constituant, nécessite,
en plus de la consultation des Premier Ministre, Président de l'Assemblée nationale
et du Sénat (simple consultation dont le contenu ne lie pas le Président)3
— l'idée étant de rechercher une solution plus pacifique à la crise — le
contreseing du Premier Ministre. Cette dose de parlementarisme peut
permettre d'atténuer la haute puissance présidentielle.
Par ailleurs, aucune dissolution ne peut intervenir dans l’année qui suit les
élections, ni pendant les périodes de l’état d’urgence ou de siège ou de guerre, ni pendant
que la République est dirigée par un président intérimaire4.
A la suite d’une dissolution de l’Assemblée nationale, la
Commission électorale nationale indépendante convoque les électeurs

1 Art. 19, Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux


relatifs à la libre administration des provinces.
2 Art. 20, Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux

relatifs à la libre administration des provinces. Au demeurant, depuis la révision


de 2011, le constituant ayant constaté l'instabilité des institutions provinciales, a
permis au président de la République de prendre lui-même l'initiative de la
dissolution par une ordonnance délibérée en conseil des ministres et après
concertation avec les bureaux de l'Assemblée nationale et du sénat, de dissoudre
l'Assemblée provinciale en cas de crise politique grave et persistante menaçant
d'interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales ; Lire Art.
197 Al. 7, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 148 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 148 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

150
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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en vue de l’élection, dans le délai de soixante jours suivant la date de


publication de l’ordonnance de dissolution, d’une nouvelle Assemblée
nationale1.

4. Le Président de la République et le pouvoir


judiciaire

a. Le droit de grâce

« Le Président de la République exerce le droit de grâce. Il peut remettre,


commuer ou réduire les peines »2.
La grâce est une faveur en vertu de laquelle un individu reconnu coupable et
définitivement condamné se trouve soustrait, en tout ou en partie, à l’application de la
sanction3. C'est une sorte d'exception — et c'est un des motifs de sa
critique — au principe de séparation des pouvoirs, car le chef du pouvoir
exécutif contredit ainsi une décision de justice4.
La grâce constitue une soupape de sûreté techniquement
indispensable au fonctionnement des institutions répressives pour
remédier à la trop grande rigidité du régime légal5. Elle permet de
corriger certaines rigidités du système pénal, en tenant compte de
considérations politiques ou humanitaires en faveur des condamnés6. À
ce titre, la grâce vaut au Président de la République l’appellation de
Magistrat Suprême7.
L'effet premier de la grâce est de dispenser de l'exécution de la peine
prononcée par le juge, soit totalement par la remise de la peine ou la commutation
de celle-ci en une peine d'une nature plus douce, soit partiellement en cas de simple
réduction8. Elle peut être individuelle ou collective ; pure ou conditionnelle —
conditionnée par exemple par le paiement des dommages-intérêts — ;
porter aussi bien sur les peines principales que sur les peines complémentaires ;

1 Art. 148 in fine, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 87, Constitution du 18 février 2006.
3 B. BOULOC, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2017, p. 690 ; Lire aussi X. PIN,

Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2018, p. 544 ; NGOTO NGOIE NGALINGI,
L'essentiel du Droit pénal congolais, Presses Universitaires du Congo, Kinshasa, 2018,
p. 95.
4 B. BOULOC op. cit., p. 693.
5 Idem., p. 690.
6 X. PIN, op. cit., p. 544.
7 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 95.
8 B. BOULOC, op. cit., p. 693 ; X. PIN, op. cit., p. 544.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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politiques ou de droit commun, graves (peine perpétuelle) ou bénignes


(amende)1.
La grâce peut bénéficier à tous les délinquants, majeurs ou mineurs,
délinquants primaires ou récidivistes, congolais ou étrangers, etc. Elle
peut même bénéficier aux personnes morales lorsque celles-ci peuvent être
frappées d’une peine2.
La grâce ne doit pas s’appliquer aux sanctions qui ne sont pas
proprement pénales3 : sanctions disciplinaires, sanctions administratives,
amendes fiscales, frais de justice, indemnités civiles, etc.
Cependant, pour qu’une peine puisse être graciée, il faut que la
condamnation qui la prononce soit définitive, c’est-à-dire qu’aucune voie
de recours ne puisse plus être intentée. Il faut en outre que la
condamnation soit exécutoire, car l’effet de la grâce est précisément de
dispenser en tout ou en partie de cette exécution ; la grâce n’est donc pas
possible, en principe, si la peine a déjà été subie, ou si elle a été prescrite4
— la prescription ici est celle de la peine —.
La grâce peut être utilisée aussi bien pour mettre obstacle à l'exécution
de la peine que pour en modifier la nature ou la durée. La grâce totale, ou remise
complète de la peine, dispense de l’exécution de celle-ci. La sanction
prononcée est éteinte et si la peine était déjà en cours, elle prend fin
immédiatement. Même quand la grâce prend la forme d’une commutation
de la peine, c'est-à-dire, d'un changement de la peine en une autre moins
grave, elle éteint la peine primitive pour la remplacer par une peine moins
forte. Quant à la simple réduction de la durée de la peine, elle réalise une
extinction partielle5.
Un autre effet caractéristique de la grâce, c'est qu'elle laisse subsister
la condamnation. Seule la peine s’en trouve modifiée, éteinte totalement ou
partiellement, et remplacée au besoin par une autre. Par conséquent, la
condamnation primitive, avec la peine prononcée, continue à figurer au
casier judiciaire6.
Cette dernière caractéristique permet de distinguer la grâce de
l'amnistie. L'amnistie entraîne l'extinction de la sanction prononcée, de

1 B. BOULOC, op. cit., p. 691.


2 Idem.
3 Ibidem.
4 Ibidem.
5 Ibidem., p. 695.
6 Ibidem., p. 694 ; X. PIN, op. cit., p. 544 ; NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit.,

p. 96.

152
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

manière indirecte. Elle a pour effet fondamental de dépouiller


rétroactivement certains faits de leur caractère délictueux. Sans doute, les faits ont
bien eu lieu, mais ils sont censés, par une fiction, n’avoir jamais été
incriminés par la loi. Si donc ils ont fait l’objet de poursuites et si leur
auteur a été condamné, cette condamnation devient automatiquement
caduque, et par suite les sanctions qu’elle contenait cessent de pouvoir
recevoir application. L’amnistie va donc faire disparaître après coup
l’élément légal de l’infraction et effacer la condamnation prononcée. En cas
d'amnistie, la fiche contenant la condamnation doit être retirée du casier judiciaire1.
Puisque le caractère délictueux des faits leur avait été conféré par la loi,
il est logique d’admettre que l’amnistie ne puisse être décidée que par le
législateur2.
Cette nuance est importante et même déterminante sur le plan
politique. Car certaines personnalités politiques qui se sont rendues
coupables d'infractions graves dont la sanction entraîne notamment
comme peine complémentaire, l'inéligibilité ou l'interdiction d'accès aux
fonctions publiques3, se retrouvent pénalisées en cas de condamnation.
Elles ont donc tout intérêt à demander, non la grâce, parce qu'en ce cas
la condamnation comptera dans le casier judiciaire, mais l'amnistie, afin
de sauver leur carrière politique. On remarque que l'amnistie est souvent
utilisée après des situations de guerres4.
La grâce est accordée par le Président de la République5 après avis
du Conseil supérieur de la magistrature6 par ordonnance contresignée
par le Premier Ministre et par le Ministre de la justice, qui est celui à qui
incombe, à titre principal, la préparation et l’exécution de ladite
ordonnance7.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 700 ; X. PIN, op. cit., p. 545 ; NGOTO NGOIE
NGALINGI, op. cit., p. 96.
2 Art. 122 point 9, Constitution du 18 février 2006.
3 Lire Art. 149, Code pénal ; Art. 10, Loi électorale.
4 Lire Art. 199, Constitution de la Transition du 4 avril 2003.
5 Art. 87, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 152 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.
7 C.E. fr., 10 juin 1976, Pelon.

153
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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b. La saisine de la Cour constitutionnelle

Le Président de la République exerce la prérogative de saisir la Cour


constitutionnelle notamment avant la promulgation d'une loi ordinaire1,
d'une loi organique2 en inconstitutionnalité de ces dernières ; en
interprétation de la Constitution3 ; en cas de conflit de compétences
entre l'exécutif et le législatif4, entre l'État et les provinces5 ; ou encore,
après l'adoption des mesures prises pour faire face à l'état d'urgence ou
de siège6. Notons que la saisine dans cette dernière situation, à l'instar du
cas des lois organiques d'ailleurs, est plus qu'une prérogative, c'est une
obligation.

5. Le Président de la République et le peuple

a. Le message à la Nation

Le Président de la République commune avec la Nation par des messages qu'il


lui adresse directement7, ou indirectement par le canal de ses élus à l'occasion du
discours sur l'état de la Nation8. Il peut le faire en toute circonstance, ou en
des circonstances particulières, telle après avoir proclamé l'état
d'urgence9, ou déclaré la guerre10.
Le contenu de ces messages est très variable selon les circonstances.
Cette prérogative fait l'objet d'une forte médiatisation dans un contexte
de personnalisation du pouvoir. Un des facteurs de la montée en
puissance des organes exécutifs face aux organes législatifs, le
phénomène de personnalisation du pouvoir repose en particulier sur la
médiatisation de la prise des décisions politiques aujourd’hui. L’organe

1 Art. 139, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 123, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 54, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


4 Art. 59, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


5 Art. 63, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


6 Art. 145, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 77 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 77 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
9 Art. 85 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
10 Art. 143 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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exécutif incarne ainsi le pouvoir au quotidien, utilisant les moyens de


communication ultramodernes et notamment la télévision pour
conforter son emprise sur le milieu politique1.
Globalement, ces messages sont utilisés à des fins de propagande.
La propagande est toute action organisée en vue de répandre une
opinion, une religion, une doctrine2. Il s'agit, pour Maurice Duverger3,
de l'effort fait par un gouvernement pour persuader les gouvernés qu'ils
doivent lui obéir. Ce mécanisme obéit aux principes de simplification,
de grossissement, d'orchestration, de transfusion et d'unanimité4. La
simplification consiste à focaliser l'attention de la masse sur un fait, un
évènement, une situation où une personne comme responsable, comme
le messie ou le bouc-émissaire. C'est la règle de « l'ennemi unique ». Le
grossissement consiste à exagérer les faits, à les amplifier, les défigurer,
les déformer à son avantage. L'orchestration vise à répéter les mêmes
faits à longueur de journée pour faciliter la fixation en prévision de leur
mémorisation. La transfusion veut que l'on feigne d'adopter les mêmes
convictions que la population pour ensuite exploiter ces convictions en
les détournant vers d'autres objectifs. L'unanimité crée l'illusion de
consensus autour d'une opinion, d'un fait, d'une attitude, d'un homme.
La mise en œuvre de ces cinq principes nous amène à ce qu'on appelle «
le viol des foules », comme titre Tchakhotine son ouvrage de 1939.
Cette activité de communication politique implique un travail
constant sur l'image d'un leader. Il importe de construire autour de lui
un ensemble de connotations positives qui puissent, de manière
plausible, être rattachées à son style de personnalité, tel qu'il se manifeste
en public5. Ainsi parle-t-on familièrement des « plans com' », c'est-à-dire
des enchaînements programmés d'interventions dans les médias, avec
mention des contenus et des formes de communication à valoriser6.
De plus en plus, les politiques de communication visent à
développer des tactiques sophistiquées d'interventions auprès des
médias, de manière à compenser l'impossibilité, en démocratie, d'un

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 691 ; J. DJOLI, Droit


constitutionnel Tome I.op. cit., p. 187 ; P. BRAUD, Sociologie politique, L.G.D.J., Paris,
2017, p. 606.
2 J. DJOLI, op. cit., p. 70 ; En ce sens P. AVRIL et J. GICQUEL, op. cit., p. 114.
3 Cité par J. DJOLI, op. cit., p. 70.
4 Lire J. DJOLI, op. cit., p. 70.
5 P. BRAUD, op. cit., p. 606.
6 Idem., p. 622.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contrôle brutal et direct. L'ensemble de ces tactiques forme ce l'on


appelle le « spin control », qui vise à orienter l'information fournie aux
citoyens de façon à présenter l'action gouvernementale sous le jour le
plus favorable et désamorcer autant que faire se peut les critiques
adverses1.
La propagande varie d'un pays à l'autre en fonction du niveau
d'instruction de la population, du niveau de développement
socioéconomique.

b. La convocation du peuple au référendum

Le peuple peut être convoqué au référendum pour adopter une loi de


révision constitutionnelle. Après l'initiative et le vote de son bien-fondé, la
révision constitutionnelle n'est définitive que si elle est adoptée par le
peuple au référendum, sur convocation du Président de la République2.
Le Président prend une ordonnance portant convocation du peuple au
référendum, lequel sera organisé par la commission électorale nationale
indépendante3. Le peuple pourrait également appelé au référendum
changement de capitale, ou pour la ratification d'un traité portant cession ou
adjonction du territoire.

1 Ibidem.
2 Art. 218 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 211, Constitution du 18 février 2006.

156
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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6. Le Président de la République et l'étranger

a. La ratification des traités internationaux

Le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords


internationaux1. Cette ratification peut être discrétionnaire, ou
conditionnée par l'approbation du Parlement2, ou du peuple3.
La négociation et la ratification forment, de bout en bout,
respectivement la première et la dernière étape de la procédure de
conclusion d'un traité4. En intervenant ici, le Président de la République
participe à la formation de l'ordre juridique international et de celles de
ces normes qui seront obligatoires à l'égard de l'État congolais sur le plan
international.
Mais l'ordre juridique international doit être distingué de l'ordre
juridique interne.
Cette distinction peut être étanche, ou non étanche, selon qu'il y a
ou non interpénétration entre les deux ordres juridiques5. Dans le premier
cas, on parle de dualisme juridique, dans le second, de monisme.
Le dualisme est le système selon lesquels les règles de droit international ont
une existence propre uniquement dans l'ordre juridique international et n'ont aucun
effet à l'interne. Pour faire effet, elles nécessitent une transposition par le
canal d'une loi ou d'un acte réglementaire. Ainsi pour être appliquées par
les juridictions internes, ou pour qu'un sujet de droit interne, un citoyen
par exemple, puisse s'en prévaloir, il faut que la règle ait été transposée à
l'interne. Cette opération d’incorporation-reproduction a pour effet d’opérer la
transformation de la règle internationale en règle interne, en la
nationalisant en quelque sorte. C’est alors que le juge interne sera fondé

1 Art. 213 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 214 Al. 1, Constitution du 18 février 2006 dispose : « Les traités de paix,
les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations
internationales et au règlement des conflits internationaux, ceux qui engagent les
finances publiques, ceux qui modifient les dispositions législatives, ceux qui sont
relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent échange et adjonction de
territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi ».
3 Art. 214, Constitution du 18 février 2006, dispose : « Nulle cession, nul échange,

nulle adjonction de territoire n’est valable sans l’accord du peuple congolais


consulté par voie de référendum ».
4 D. RUZÉ et G. TEBOUL, Droit international public, Dalloz, Paris, 2013, p. 17.
5 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 500-501 ; L. FAVOREU et

alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 156-157.

157
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

à utiliser non pas la règle internationale elle-même directement (comme


dans le système moniste) mais la règle interne qui l’a réceptionnée et ainsi
l’appliquer au litige dont il est saisi.
Par contre, le monisme postule l'unité d'ordres juridiques interne et
international. Les règles de droit international forment une unité avec
celles de droit interne, et bénéficient d'une applicabilité directe sans
nécessité de transposition, les tribunaux des États pouvant ainsi
directement les appliquer. Ce monisme peut être avec primauté du droit
international ou du droit interne, selon que la règle internationale a une
supériorité ou non au droit interne.
Cette habilitation dont dispose règle internationale de produire
directement des effets à l'interne lui est donnée par la Constitution de
l'Etat. C'est cette dernière qui, sans préjudice de l'effet de la règle au sein
de l'ordre juridique international, lui autorise à faire effet sur le plan
interne. La règle internationale existe donc sur le plan interne de par la Constitution,
et c'est en cela que celle-ci est supérieure à celle-là1.
L'applicabilité de la règle à l'interne dépend bien entendu de son
objet, c'est-à-dire, si elle a été élaborée spécialement pour concerner
directement les sujets de droit interne (cas des traités-lois), et de la
volonté des parties.
En droit congolais, la Constitution adoptant le système moniste,
reconnaît aux traités une applicabilité directe à l'interne, sous réserve de
leur conformité à la constitution, au cas contraire cette dernière sera
modifiée2. Ce monisme est avec supériorité du droit international, car le traité
est supérieur aux lois (il s'agit évidemment des lois, à l'exclusion de la
constitution).
Le fait que ce soit la Constitution qui soit modifiée ne fait pas pour
autant d'elle une règle inférieure au traité, sur le plan interne, bien-sûr,
faut-il insister. Car à l'interne, la hiérarchie des normes dépend de leur
système de production. Une norme est supérieure à une autre lorsqu'elle
lui permet de produire des effets, en en délimitant les conditions de
validité. Ainsi, la Constitution consacrant la productivité des effets des
traités à l'interne, est indéniablement supérieure à ces derniers3. Encore,
le fait que certains traités n'aient pas besoin de ratification pour produire
des effets, entrant en vigueur de par la simple signature, et étant par
conséquent susceptible d'être contraire à la Constitution, ne fait pas pour

1 Lire en ce sens, L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 176.


2 Art. 215 et 216, Constitution du 18 février 2006.
3 Lire H. KELSEN, op. cit., p. 77.

158
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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autant de cette dernière une norme inférieure à ceux-là. La hiérarchie des


normes ne consacre pas une annulation automatique des règles infra
constitutionnelles. Celles-ci bénéficient d'une présomption de validité
jusqu'à leur annulation par le juge1. Ainsi une loi ordinaire qui n'a pas été
contestée devant le juge constitutionnel peut être contraire à la
Constitution, mais produire des effets. Cela ne fait pas pour autant de la
Constitution une norme inférieure à la loi. Elle lui demeure supérieure
parce qu'elle en prévoit les conditions de production, de validité. De
même la Constitution, en prévoyant les conditions de production des
effets des traités sur le plan interne, est supérieure à ceux-là. Sans elle,
les effets des traités se cantonneraient uniquement dans l'ordre juridique
international2.
Il est inopportun d'avancer la règle du pacta sunt servanda pour
contester cette supériorité. Car cette règle ne fait foi que sur le plan
international, entre les sujets de droit international. En effet, entre ces
derniers, on ne peut arguer une règle de droit interne, constitutionnelle
soit-elle, pour justifier de l'inexécution de ses engagements
internationaux. Cette exception sera impertinente devant le juge
international. Ce dont il s'agit ici, c'est de l'effet des traités au sein de
l'ordre juridique interne, et il est indubitable qu'ils sont inférieurs à la
Constitution. C'est aussi ce qu'a rappelé le Conseil constitutionnel
français dans sa décision de 2004 : « les normes constitutionnelles ne peuvent
être renversées par les normes internationales (...) sans qu’il y ait décision prise par le
pouvoir constituant, c’est-à-dire au plus haut niveau de l’ordre juridique : les normes
constitutionnelles sont supérieures aux normes internationales »3.

b. Le droit de légation

« Le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas


échéant, révoque, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres,
les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires (...) »4. Le Président de la
République exerce par cela le droit de légation.
Le droit de légation est un attribut de la souveraineté d'un État, qui lui
permet de participer aux relations au sein de la communauté internationale, en
envoyant des représentants auprès d'un État ou d'une organisation internationale, ou

1 Idem., p. 66.
2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 177.
3 C.C. fr., Décis. no 2004-505 DC, 19 nov. 2004.
4 Art. 81 point 1, Constitution du 18 février 2006.

159
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

en en recevant1. Il exerce ainsi la diplomatie dans une société internationale


très souverainiste, très conflictuelle, mais en même temps, très
délibérante2.
En effet, les États sont très attachés à leur souveraineté sont très
réfractaires à en déléguer des parties. La divergence d'intérêts entre États
fait naître chaque année de plus en plus de conflits que le droit
international peine à réfréner. Et pourtant, c'est dans ce même contexte
que les États sont de plus en plus appelés à coopérer dans des domaines
d'intérêts stratégiques pour la société internationale. On constate ainsi la
prolifération du nombre d'organisations internationales, de rencontres
diplomatiques, de coups de téléphone interétatiques, conséquence de
l'interdépendance qu'il y a entre États. La diplomatie tient donc, et cela
depuis des années, une place de choix au sein de la société internationale.
La diplomatie est un ensemble de moyens par lesquels les États établissent
et maintiennent des relations mutuelles au sein de la société internationale3. C’est «
un instrument essentiel de coopération efficace dans la Communauté
internationale, qui permet aux États nonobstant les différences de leurs
systèmes constitutionnels et sociaux, de parvenir à la compréhension
mutuelle et de résoudre leurs divergences par des moyens pacifiques »4.
Les relations diplomatiques s'établissent par consentement mutuel5
entre l'État accréditant — État d'envoi — et l'État accréditaire — État
qui reçoit —. Aussi bien la décision d'établir que celle de rompre les
relations diplomatiques relèvent de considérations purement politiques6.
La mission diplomatique est l’ensemble du personnel nommé par l’État
accréditant pour exercer, sous l’autorité d’un chef de mission, des fonctions de caractère
diplomatique, sur le territoire de l’État accréditaire7. C'est l'ambassadeur qui est à
la tête de la mission diplomatique8. Il entre en fonction avec l'agrément de
l'État accréditaire9, après avoir présenté ses lettres de créances au Chef d'État de ce
dernier10.

1 Lire en ce sens, C. ROCHE, L’essentiel du droit international public, Gualino, Paris,


2019-2020, p. 68.
2 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 53-56.
3 C. ROCHE, op. cit., p. 68.
4 C.I.J., Ord. du 15 déc. 1979.
5 Art. 2, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
6 C. ROCHE, op. cit., p. 68.
7 Idem.
8 Art. 14, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
9 Art. 4, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
10 Art. 13, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'État accréditaire n'a pas à motivée son refus d'agrément. Au


demeurant, il peut, à tout moment et sans avoir à motiver de décision,
informer l'État accréditant que le Chef ou tout autre membre du
personnel diplomatique de la mission est persona non grata ou personne
non acceptable. L'État accréditant rappellera alors la personne en cause
ou mettra fin à ses fonctions auprès de la mission. Une personne peut
même être déclarée non grata avant d'arriver sur le territoire de l'État
accréditaire1.
La Convention de Vienne établit une liste non exhaustive des
fonctions exercées par une mission diplomatique2 : représenter l’État
accréditant, protéger les intérêts de l’État accréditant et de ses
ressortissants se trouvant sur le territoire de l’État accréditaire (c’est la
protection diplomatique), négocier avec l’État accréditaire, informer
l’État accréditant de la situation de l’État accréditaire (mais il ne s’agit
pas d’espionnage), entretenir et développer les relations entre les deux
États (dans les domaines culturel, économique.).

7. Les pouvoirs de crise

« Lorsque des circonstances graves menacent d’une manière immédiate


l’indépendance ou l’intégrité du territoire national ou qu’elles provoquent
l’interruption du fonctionnement régulier des institutions, le Président de la
République proclame l’état d’urgence ou l’état de siège après concertation avec le
Premier ministre et les Présidents des deux Chambres (...) »3.
Cette disposition institue, pour reprendre les termes de Jean
Gicquel4, une « dictature de salut public au service de la démocratie » en faisant
du Président de la République un « cavalier de l'apocalypse ». En effet, une
démocratie menacée dans ses œuvres vives ne peut, sous peine de perdre
son identité, que répliquer avec l'autorité attachée à l'État de droit. Car
une démocratie s'épanouit dans l'adversité en respectant la légalité.
Raison pour laquelle il existe, en vue d'assurer la légitime défense de la
République, un droit de l'anomalie, caractérisé par le double souci de la
prévisibilité des crises et de la juridicité des ripostes5. Cela est justifié, car

1 Art. 9, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.


2 Art. 4, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
3 Art. 85, Constitution du 18 février 2006.
4 J. GICQUEL, op. cit., p. 605.
5 Idem.

161
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

« il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté, comme l'on
cache les statues des dieux », disait Montesquieu1.
Il faut distinguer de cette disposition, deux régimes distincts : l'état
d'urgence et l'état de siège.
L'état d'urgence a pour effet d'opérer une extension des pouvoirs de police
au profit des autorités civiles2. En revanche, l'état de siège a pour effet un
transfert de l'autorité civile à l'autorité militaire de ceux des pouvoirs de police que
celle-ci juge nécessaire d'exercer elle-même 3.
Deux conditions alternatives — le constituant congolais utilise la
conjonction exclusive « ou » — sous-tendent dans le fond ces régimes
d'exceptions : la première, subjective, consiste en des « circonstances graves qui
menacent d'une manière imminente l’indépendance ou l’intégrité du territoire national
». Le constituant s'exprime ici en des termes très généraux, en vue de
laisser une large marge de manœuvre au Président de la République4.
L'autre, objective cette fois, consiste pour ces circonstances à « provoque(r)
l’interruption du fonctionnement régulier des institutions ».
Dans la forme, le Président de la République doit se concerter avec les
Premiers ministres et les présidents des chambres.
L’état d’urgence ou l’état de siège peut être proclamé sur tout ou
partie du territoire de la République. Sa durée est de trente jours. Au-delà de ces
trente jours, l'ordonnance cesse de plein droit de produire ses effets, sauf si
l'Assemblée nationale et le Sénat en autorisent la prorogation pour des
périodes successives de quinze jours. Par ailleurs, l’Assemblée nationale et le
Sénat peuvent, par une loi, mettre fin à tout moment à l’état d’urgence ou à
l’état de siège5.
L'application des régimes d'exception a pour effet de mettre une «
parenthèse à la vie publique en suspendant la Constitution »6. Le Président de la
République cumule pour un temps les pouvoirs du Parlement et du gouvernement.
C'est un régime de concentration des pouvoirs prévus au sein de la
Constitution, « une Constitution dans la Constitution »7.

1 Cité par J. WALINE, Droit administratif, Dalloz, Paris, 2018, p. 375.


2 J. WALINE, op. cit., p. 378.
3 J. WALINE, op. cit., p. 377.
4 En ce sens, F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 59 ; J. GICQUEL, op. cit.,

p. 606.
5 Lire Art. 144, Constitution du 18 février 2006.
6 J. GICQUEL, op. cit., p. 607.
7 Idem., p. 605.

162
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le Président de la République est autorisé à prendre toutes « les


mesures nécessaires pour faire face à la situation »1. Ici encore, il évalue
souverainement quelles doivent être ces mesures.
Cela étant, « la fin ne justifie pas tous les moyens et la force des évènements ne
cède en rien à celle du droit »2. Cette superpuissance est limitée. D'abord par
sa finalité, qui est de « briser la crise, remettre les institutions sur la voie »3. Ce
qui explique que l'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant
cette période4, ni une révision constitutionnelle intervenir5. Qui plus est,
si ce régime entraîne une forte restriction, mieux une suspension aux
droits et libertés fondamentaux6, le constituant met tout de même
certains droits et libertés fondamentaux hors d'atteinte du Président de
la République. Ce sont ceux proclamés à l'article 617 de la Constitution,
que l'on qualifie de « noyau dur des droits de l'homme ». L'idée ici c'est
que leur suspension est sans rapport avec le contrôle légitime de l'état
d'urgence national8.
Une autre limite a trait à la durée de l'utilisation de ces pouvoirs, qui
est de trente jours.
La dernière limite, mais aussi la plus importante, est d'ordre
juridictionnel. En effet, « ces ordonnances sont, dès leur signature, soumises à la
Cour constitutionnelle qui, toutes affaires cessantes, déclare si elles dérogent ou non à
la (...) Constitution »9. La Cour contrôle ainsi si les mesures prises poursuivent
la finalité prévue par le constituant et qu'il n'y a pas de détournement de pouvoirs,

1 Art. 145, Constitution du 18 février 2006.


2 J. GICQUEL, op. cit., p. 607.
3 C.C. fr., Décis., 2 septembre 1992, Traité sur l'Union Européenne.
4 Art. 148, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 219, Constitution du 18 février 2006.
6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 946.
7 Art. 61, Constitution du 18 février 2006. : « En aucun cas, et même lorsque

l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé conformément aux articles
85 et 86 de la présente Constitution, il ne peut être dérogé aux droits et principes
fondamentaux énumérés ci-après : 1. le droit à la vie ; 2. l’interdiction de la
torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; 3.
l’interdiction de l’esclavage et de la servitude ; 4. le principe de la légalité des
infractions et des peines ; 5. les droits de la défense et le droit de recours ; 6.
l’interdiction de l’emprisonnement pour dettes ; 7. la liberté de pensée, de
conscience et de religion ».
8 M. AFROUKH, « Une hiérarchie entre droits fondamentaux ? Le point de vue

du droit européen », inédit


9 Art. 145 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

163
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

elle contrôle ensuite si les règles formant le noyau dur des droits de l'homme n'ont
pas l'objet d'aucune atteinte.
Le régime juridique des actes pris en période d'état d'urgence a été
posé par le Conseil d'État français dans un Arrêt Rubin de Servens1. Il
faut distinguer l'ordonnance par laquelle le Président de la République proclame
l'état d'urgence, qui est un acte de gouvernement ; de celle dans laquelle il prend les
mesures en vue de faire face à la situation. Dans cette dernière ordonnance, il
faut mettre à part celles de ces mesures qui rentrent dans le domaine de la
loi, de celles qui rentrent dans celui du règlement — le Président cumule
en effet les pouvoirs exécutif et législatif —.
L'état d'urgence ou l'état de siège proclamé, le Président de la
République en informe la Nation par un message2.
Les autres pouvoirs sont subordonnés à la mission de sauvegarde de l'État
du Président de la République3. Ainsi le gouvernement est appelé à
traduire dans les faits la volonté du Président4. Aucune motion contre le
gouvernement n'est en principe recevable5.

8. Autres attributions du Président de la


République

Les attributions ci-dessus étudiées ne sont pas exhaustives. Bien


d'autres pouvoirs sont conférérés au Président de la République par la
Constitution et les lois de la République, entre autres, la nomination et
le cas échéant la révocation des officiers généraux et supérieurs des
forces armées et de la police nationale, du chef d’état-major général, les
chefs d’état-major et les commandants des grandes unités des forces
armées, le Conseil supérieur de la défense entendu ; des hauts
fonctionnaires de l’administration publique ; des responsables des
services et établissements publics ; des mandataires de l’Etat dans les
entreprises et organismes publics, excepté les commissaires aux
comptes6.

1 C.E. fr., 2 mars 1962, Rubin de Servens.


2 Art. 85 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
3 J. GICQUEL, op. cit., p. 605.
4 Idem., p. 608.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 734.
6 Lire Art. 81, Constitution du 18 février 2006.

164
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Le Gouvernement

Le Gouvernement désigne l'ensemble dirigé par le Premier ministre et


formé par les ministres à l'exclusion du Chef de l'État1. S'occupant de la conduite
de la politique de la Nation qu'il détermine en concertation avec le Président
de la République2, le Gouvernement est l'institution de l’État chargée de la
gestion courante des affaires publiques3, d'intendance4. Il occupe une place
éminente dans la vie nationale au point d'être qualifié de « lieu de
confluence des problèmes du pays »5.
En période de concordance de majorités, le Gouvernement est
réduit à un rôle instrumental. Il devient l'instrument de réalisation des projets du
Président de la République, de la politique de la Nation qu'il détermine. « Je
le fais souffrir », disait le Général de Gaulle de Michel Debré6.
En période de cohabitation, cette fonction constitutionnelle de
détermination et de conduite de la politique de la Nation reprend tout son sens, à
telle enseigne qu'on en vient à parler de « pouvoir gouvernemental »7,
dirigé par le Premier ministre accordé à sa majorité parlementaire. Le
régime de « duo » ou de collaboration mis en place par le constituant, se
transforme en régime « duel » ou de concurrence entre le Président de la
République et le Gouvernement8. Jacques Chirac qui démissionnait au
motif qu'il « ne disposait pas de moyens suffisants pour mener sa
politique »9 en 1976, déclarait être un « Chef de Gouvernement heureux
»10 en 1986.

1 J. GICQUEL, op. cit., p. 620.


2 Lire Art. 91, Constitution du 18 février 2006.
3 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 199.
4 J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 210.
5 J. GICQUEL, op. cit., p. 621.
6 Cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 620.
7 J. GICQUEL, op. cit., p. 620.
8 Lire J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 211.
9 Cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 620.
10 Cité par J. GICQUEL, op. cit., p. 620.

165
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Composition et statut

A. Composition

Le Gouvernement est composé du Premier Ministre, de Ministres, de


Vice-ministres et, le cas échéant, de Vice-premier Ministres, de Ministres d’Etat et
de Ministres délégués1.
La Constitution, ni aucune Loi, ne détermine le nombre ou la limite
des portefeuilles ministériels. Cela est laissé à la libre appréciation du
Président de la République et du Premier Ministre. Ils les fixent en tenant
compte de considérations purement politiques, entre autres le poids des
partis au Parlement. La Constitution précise seulement que « la
composition du Gouvernement tient compte de la représentativité nationale »2.
Il faut dire que le passage du libéralisme au dirigisme a amené à la croissance
du nombre de portefeuilles ministériels3. L'État doit de plus en plus intervenir
dans des matières traditionnellement réservées aux privées, en vue de la
satisfaction de l'intérêt général.
En outre, la composition du Gouvernement peut tenir compte de
la nécessité de satisfaire une promesse de campagne.
Par ailleurs, le caractère composite d'une majorité peut aussi expliquer la
taille du Gouvernement, au vu de la nécessité d'en satisfaire toutes les
composantes.
À titre informatif, le premier Gouvernement de Félix-Antoine
Tshisekedi dans le cadre de la coalition FCC-CACH intervenu en août
2019 comptait 5 vice-Premiers Ministres, 10 Ministres d'État, 31
Ministres, 3 Ministres délégués et 17 vice-Ministres4, soit un total de 66
ministres, contre 46 pour le Gouvernement de Bruno Tshibala de juillet
2017 sous la présidence de Joseph Kabila5. On constate d'ailleurs dans
les différents gouvernements du pays la présence forte d'un phénomène

1 Art. 90 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 90 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
3 En ce sens, J. GICQUEL, op. cit., p. 622 ; F. HAMON et M. TROPER op. cit.,

p. 555 ; J. WALINE, op. cit., p. 53.


4 Cfr Ordonnance n°17/077 du 26 sur 2019 pourtant nomination des vices-

Premiers Ministres, Ministres d'État, Ministres, Ministres délégués, vice-


Ministres.
5 Voy. Ordonnance n°17/025 du 10 juillet 2017 portant les attributions des

ministères.

166
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de clonage ministériels, caractérisé par une bipartition, et parfois même une


tripartition de certains ministères et de leurs attributions. L'on se retrouve ainsi
avec deux, voire trois ministères exerçant des attributions très similaires,
ou même quasi-parallèles. Il y a par exemple un ministère pour
l'agriculture, et un autre pour la pêche et l'élevage ; un ministère pour
l'enseignement supérieur et universitaire, un autre pour la formation
professionnelle, arts et métiers, et un autre pour la recherche scientifique,
le tout en plus du ministère de l'enseignement primaire, secondaire et
technique ; un ministère de l'intérieur et un autre pour la décentralisation
; et encore, un ministère des affaires étrangères et un autre pour la
coopération internationale, intégration régionale et francophonie.
La composition du Gouvernement est hiérarchisée. Cette hiérarchie
n'est fixée ni par la Constitution — qui ne donne que le sommet de la
hiérarchie qui est le Premier Ministre —, ni par une Loi, mais par l'ordre
établit par l'ordonnance de nomination1.
La hiérarchie suit souvent l'ordre suivant : les Vice-premiers
ministres, les Ministres d'Etat, les Ministres, les Ministres délégués, les
Vice-ministres2.
Les Vice-premiers ministres assistent le Premier ministre dans la
coordination des activités gouvernementales3.
Le Ministre d’État est un titre honorifique conféré à des personnalités qui
incarnent une composante importante de la majorité parlementaire. Ils figurent en
tête de la liste des membres du Gouvernement, jouissent d'une préséance
protocolaire, d'une autorité renforcée et d'une indemnité plus élevée4.

1 Art. 25 Al. 2, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et


fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le
Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
2 Lire Art. 13, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
3 Art. 15, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
4 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 556 ; J. GICQUEL, op. cit., p. 623 ; L.

FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 742.

167
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le Ministre ordinaire est un membre du Gouvernement placé à la tête d’un


département ministériel autonome1.
Le Ministre délégué (ou ministre auprès de) est un ministre assigné
auprès d’un autre membre du Gouvernement, parfois auprès du Premier ministre lui-
même, et dont le rôle consiste à mettre en œuvre dans un secteur particulier la politique
décidée par ce membre du Gouvernement2.
Quant au vice-ministre, il seconde une de ces catégories ministérielles ci-
dessus — c'est-à-dire, le Vice-premier ministre, le Ministre d'Etat et le
Ministre ou le Ministre délégué —, dans l'accomplissement de ses différentes
tâches et assure son intérim en cas d'absence ou d'empêchement3.

B. Statut

Les membres du Gouvernement nommés par le Président de la


République entrent en fonction à la date de leur investiture par l'Assemblée
nationale4. Cette investiture est précédée par la présentation par le
Gouvernement de son programme devant l'Assemblée nationale5.
Avant cette investiture, le Gouvernement nommé ne dispose pas
de ses pleins pouvoirs. Il est temporellement incompétent6. L'ancien
Gouvernement reste en place en vue d'expédier les affaires courantes.
Incompétent lui aussi certes, il peut tout de même poser des actes
d'administration en vertu du principe de continuité des services publics7.
Par voie de conséquence, le Gouvernement est responsable devant
l'Assemblée nationale8 qui peut mettre en cause sa responsabilité ou celle
d'un de ses membres par une motion de censure ou de défiance selon le
cas, à la majorité absolue de ses membres9.
Le statut pénal du Premier ministre est similaire à celui du Président
de la République dont on a parlé ci-haut. En ce qui est des autres

1 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 556.


2 Idem.
3 Art. 23, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
4 Art. 90 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 90 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
6 Lire J. WALINE, op. cit., p. 466.
7 Lire L. YUMA, op. cit., pp. 123-124.
8 Art. 91 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.
9 Art. 146, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

membres du Gouvernement, ils sont justiciables de la Cour de Cassation1. Ils


bénéficient des privilèges des poursuites, en ce que les poursuites à leur
égard requièrent l'autorisation du procureur près la Cour de Cassation2
et de l'Assemblée nationale à la majorité absolue de ses membres3.
Les fonctions de ministre prennent fin par décès, par démission,
empêchement définitif, condamnation pénale devenue irrévocable ou
par révocation prononcée par le Président de la République sur
proposition du Premier Ministre4, ou par déchéance prononcée par
l'Assemblée nationale en cas de motion de censure ou de défiance5, ou
de mise en accusation6.

Point 2
Attributions du Gouvernement et des membres du
Gouvernement

A. Attributions du Gouvernement

« Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République,


la politique de la Nation (et) conduit la politique de la Nation »7.
Déterminer la politique nationale, c'est fixer les priorités8, les principales
articulations, les finalités et les moyens de réalisation9 ; l’exercice consiste, pour
le Gouvernement, à concevoir une vision de la gouvernance, qu’il se propose de
réaliser, pendant la législature ; il lui permet de préparer, pour la durée de la
législature ou toute autre arrêtée d’avance, une offre politique, qu’il
soumet à l’approbation de la représentation nationale, avant sa mise en

1 Art. 153 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 82, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.
3 Art. 80, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


4 Art. 14, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
5 Art. 146 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 80, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


7 Lire Art. 91, Constitution du 18 février 2006.
8 J. GICQUEL, op. cit., p. 639
9 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 206.

169
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

œuvre1. Cette politique est contenue dans une déclaration faite devant le
parlement ; elle doit être chiffrée, budgétisée et comporter un
chronogramme précis d’activités à réaliser dans la durée2.
La politique nationale est déterminée en concertation avec le Président de la
République. Une collaboration a été imposée entre le président de la
République et le Gouvernement dans la détermination de la politique
nationale, le Président de la République est, donc, tenu de se concerter
avec le Gouvernement, dans la détermination de la politique nationale3.
La collaboration est d'autant plus exigée dans des domaines dits de «
collaboration » que sont la défense, la sécurité et les affaires étrangères4.
Cela étant, la pratique de cette disposition peut varier selon les
circonstances politiques5. En période de concordance de majorités, le
Président de la République fort de sa légitimité populaire, pèsera dans la
détermination de la politique nationale qui pourrait d'ailleurs être sa seule
émanation. En période discordance de majorités, la détermination de la
politique nationale reste l'œuvre du seul Gouvernement, sans exclure
toutefois l'influence notable que le Président de la République peut y
avoir. Ainsi, le programme du Gouvernement Ilunkamba de 2019 avait
largement intégré le programme 100 jours initié par le Président de la
République avant la mise en place de ce Gouvernement.
Une fois déterminée, la politique nationale est conduite par le
Gouvernement. La conduite de la politique nationale consiste en une
programmation, par le Gouvernement, des actions à réaliser dans la durée et dont il
répond devant l’Assemblée nationale6. À cet effet, il dispose de
l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de
sécurité7.
La conduite de la politique nationale peut se faire par le
Gouvernement de manière collégiale, par le Premier Ministre et chaque
ministre de manière individuelle.

1 Idem.
2 Ibidem.
3 Ibidem.
4 Art. 90 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
5 En ce sens, L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 746 ; J. DJOLI,

Droit constitutionnel Tome II., op. cit., p. 211.


6 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 206.
7 Art. 90 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.

170
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Attributions des membres du Gouvernement

1. Attributions collégiales : le Conseil des


ministres

Les attributions collégiales sont celles qu'exerce le Gouvernement réuni


en conseil des ministres. Le conseil de ministres est la réunion formée par le
Président de la République et les membres du Gouvernement, en vue de délibérer sur
les affaires de l'État relevant de la compétence du Gouvernement1. Le Conseil des
Ministres est l'instance de discussion, de concertation et de décision du
Gouvernement. Il a compétence pour délibérer sur toutes les questions relevant de
la compétence du Gouvernement2.
Le Conseil se réunit une fois le mois et chaque fois que les
circonstances l'exigent3, sur un ordre du jour fixé par le Président de la

1 Art. 43, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et


fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le
Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
2 Lire Art. 45, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement. Il délibère notamment sur la détermination et la conduite de la
politique de la Nation ; l'exécution du programme du Gouvernement présenté
et approuvé à l'Assemblée Nationale ; la création, l'organisation et le
fonctionnement des Services, Organismes, Etablissements publics, Entreprises
du portefeuille ; l'exécution des lois et des ordonnances du Président de la
République ; l'examen de toutes les situations ou circonstances exceptionnelles
de nature à entraîner la déclaration de guerre ; les projets des lois, d'ordonnances-
lois, d'ordonnances, de décrets et arrêtés sujets à délibération en Conseil des
Ministres ; les projets de traités ou d'accords internationaux et des conventions
de droit privé dont l'importance requiert l'autorisation du Gouvernement,
notamment ceux en matière d'emprunts, de prêts, de garanties, de subventions,
ou de prise de participation ; les actes qui intéressent les rapports entre les
institutions de la République ; les décisions ou mesures qui, par leur nature ou
leurs répercussions possibles, peuvent entraîner des décisions de politique
générale et la responsabilité collective du Gouvernement ; les décisions ou tous
autres actes sur les matières qui ne sont pas du ressort d'un seul Ministère ou qui,
par leur nature ou leur importance, requièrent une délibération commune de tous
les membres du Gouvernement.
3 Art. 45 Al. 2, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le

171
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

République en concertation avec le Premier Ministre, sur proposition


dûment motivée du Secrétaire général du Gouvernement1. Les réunions
se déroulent sous la gestion du Secrétariat général du Gouvernement.
Le Secrétariat général du Gouvernement est une administration
assurée par un Secrétaire général, assisté de trois secrétaires généraux
adjoints, chargée notamment de préparer les réunions du Conseil des
Ministres et des Commissions interministérielles ; élaborer les procès-
verbaux et rédiger les comptes rendus analytiques du Conseil des
Ministres ; élaborer les procès-verbaux et les comptes rendus des
Commissions interministérielles ; tenir l'agenda, organiser le travail du
Gouvernement et veiller au respect des procédures ; assurer la logistique
et la correction rédactionnelle des textes ; faire le suivi des ordonnances
et des décrets d'exécution des lois2.
Le Président de la République convoque et préside le Conseil des Ministres. En
cas d'empêchement, il délègue ce pouvoir au Premier ministre sur un
ordre du jour précis et fixé à l'avance3.
Les membres du Gouvernement délibèrent librement sur toutes les
questions inscrites à l'ordre du jour. La police des débats est assurée par le
Président de la République ou par le Premier ministre en cas de
délégation de pouvoir4. Le Directeur de Cabinet du Président de la
République, le Secrétaire général du Gouvernement assistent également
aux réunions du Conseil des Ministres sans voix délibérative. Ils sont

Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du


Gouvernement.
1 Art. 47, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
2 Lire Art. 42, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
3 Art. 48, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
4 Art. 49, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.

172
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

tenus au secret des délibérations du Conseil des Ministres. Les


délibérations du Conseil des Ministres sont consignées dans un procès-
verbal signé par le Secrétaire général du Gouvernement1. A titre
exceptionnel, le Président de la République ou le Premier ministre,
quand il préside le Conseil des Ministres, peut autoriser une personnalité
qui n'est pas membre du Gouvernement à assister, sans voix délibérative,
aux réunions du Conseil des Ministres afin d'éclairer ce dernier sur un
point précis de l'ordre du jour. La personne ainsi invitée ne peut assister
qu'aux débats relatifs audit point2.
Le Gouvernement fonctionne d'une manière collégiale et solidaire. Les
décisions du Conseil des Ministres lient solidairement tous les membres du
Gouvernement3. Les membres du Gouvernement sont tenus d'exécuter les
décisions du Conseil des Ministres, de conformer leurs actions à la politique du
Gouvernement et de s'abstenir de toute déclaration publique contraire à cette politique.
Ils doivent respecter la collégialité et la solidarité Gouvernementales4. Ils
ont en outre l'obligation de garder le secret des délibérations du Conseil
des Ministres. Seul le Ministre désigné comme porte-parole du Gouvernement est
autorisé à faire des communications en rapport avec les affaires soumises aux
délibérations du Conseil des Ministres. Aucune déclaration publique ne
peut être faite au nom du Gouvernement sans l'autorisation du Premier
ministre5.

1 Art. 50, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et


fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le
Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
2 Art. 51, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
3 Art. 44, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
4 Art. 26, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
5 Art. 27, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.

173
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La Constitution et les Lois de la République prévoient la


délibération en conseil des ministres de plusieurs actes de haute
importance, entre autres les ordonnances des nominations des agents de
l'État par le Président de la République, prévus à l'article 81 de la
Constitution1, ordonnance de déclaration de guerre2, ordonnance
portant mesures relatives à l'état d'urgence3, ordonnance de dissolution
d'une assemblée provinciale4 ou de déchéance d'un gouverneur5, décrets
de nominations aux emplois civils et militaires autres que ceux réservés
au Président de la République6, inscription à l'ordre du jour d'un projet
de loi7, engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le une
déclaration de politique générale, sur son programme ou sur le vote d'un
texte8, la conclusion d'accords internationaux non soumis à la
ratification9, projet de révision constitutionnelle10.

1 Art. 81, Constitution du 18 février 2006. : « Sans préjudice des autres


dispositions de la Constitution, le Président de la République nomme, relève de
leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, sur proposition du Gouvernement
délibérée en Conseil des ministres : 1. les ambassadeurs et les envoyés
extraordinaires ; 2. les officiers généraux et supérieurs des forces armées et de la
police nationale, le Conseil supérieur de la défense entendu ; 3. le chef d’état
major général, les chefs d’état-major et les commandants des grandes unités des
forces armées, le Conseil supérieur de la défense entendu ; 4. les hauts
fonctionnaires de l’administration publique ; 5. les responsables des services et
établissements publics ; 6. les mandataires de l’Etat dans les entreprises et
organismes publics, excepté les commissaires aux comptes ».
2 Art. 86, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 145, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 197, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 198, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 92, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 117, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 146, Constitution du 18 février 2006.
9 Art. 213, Constitution du 18 février 2006.
10 Art. 218, Constitution du 18 février 2006.

174
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

2. Attributions propres au Premier ministre

Le Premier Ministre dirige le Gouvernement. Il en est le Chef1. Son


hégémonie dépend des circonstances politiques2. Selon le cas, il peut
passer d'un rôle « d'administrateur à responsable national (...), de
collaborateur à compétiteur »3.
Le Premier Ministre assure les fonctions d'entrepreneur politique et
d'entrepreneur juridique4. Il est un entrepreneur politique, en ce que c'est
l'animateur du Gouvernement et son existence conditionne celle du
Gouvernement. C'est lui qui présente à l'Assemblée nationale le
programme du Gouvernement nécessaire à son investiture5. C'est aussi
lui qui peut, après délibération du Conseil des ministres, engager devant
l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son
programme, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d’un
texte6. Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement et en assure
la cohérence et l'unité. A ce titre, il trace les orientations à suivre par les
autres membres du Gouvernement et exerce l'arbitrage entre eux. Il
encadre, surveille et coordonne leurs initiatives. Le Premier ministre
exerce la fonction générale de représentation du Gouvernement auprès
des autres Institutions de la République7. Il dispose par ailleurs du
pouvoir disciplinaire à l'égard des membres du Gouvernement. Il peut
prononcer l'avertissement verbal ; la mise en garde par écrit ; la
suspension ne dépassant pas une durée de trente jours avec privation
d'émoluments ; ou proposer au Président de la République la révocation,
à l'égard d'un membre du Gouvernement reconnu coupable d'un
manquement à· l'une de ses obligations8.

1 Art. 90 Al. 2, Constitution du 18 février 2006. Voy. J. PINI, « Le Premier


ministre, clé de voûte de l'exécutif ? », in R.F.D.C., vol. 5, n° 2, 2008, pp. 73-96.
2 J. GICQUEL, op. cit., p. 646 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., 477 ; L. FAVOREU

et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 748-753.


3 J. GICQUEL, op. cit., p. 646.
4 Lire J. GICQUEL, op. cit., pp. 647-649 ; B. CHANTEBOUT, op. cit., 474.
5 Art. 90 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 146, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 10, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
8 Art. 37 et 38, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le

175
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il est ensuite un entrepreneur juridique. En effet, le Premier


ministre assure l'exécution des lois et dispose du pouvoir réglementaire
sous réserve des prérogatives dévolues au Président de la République par
la Constitution. Il statue par voie de Décret. Il nomme, par Décret,
délibéré en Conseil des Ministres, aux emplois civils et militaires autres
que ceux pourvus par le Président de la République. Ses décrets sont
contresignés, le cas échéant, par les Ministres chargés de leur exécution1.

3. Attributions propres aux autres membres du


Gouvernement

En vertu du principe du dédoublement fonctionnel2, le ministre est un


véritable « Janus à double visage »3. Il assume la double fonction politique et
administrative4. Les ministres ont tout d'abord, une fonction politique,
inhérente à leur qualité et marquée par leur participation à la définition
et à la mise en œuvre de la politique Gouvernementale. À ce titre, ils
participent aux délibérations du conseil des ministres et sont tenus à une
obligations de solidarité gouvernementale.
Ils ont également une fonction administrative, car étant à la tête
d’un département ministériel doté d’une administration, dont ils sont les
supérieurs hiérarchiques.
Le ministre est responsable de son département. Il applique le
programme Gouvernemental dans son ministère, sous la direction et la
coordination du Premier ministre. Il statue par voie d’arrêté5.

Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du


Gouvernement.
1 Lire Art. 92, Constitution du 18 février 2006.
2 L. YUMA, op. cit., p. 113.
3 J. WALINE, op. cit., p. 104.
4 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., 748 ; J. WALINE, op. cit.,

p. 104.
5 Art. 93, Constitution du 18 février 2006.

176
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Attributions communes à tous les membres du


Gouvernement1

Conception, élaboration et Gestion des relations avec


mise en œuvre de la politique du les organisations nationales
Gouvernement dans les secteurs s'occupant des matières de leurs
qui leur sont confiés ; préparation Ministères respectifs ; gestion du
des projets de Traités, secteur d'activités en
Conventions et Accords collaboration avec les autres
Internationaux, de Lois, Ministères ; gestion des agents de
d'Ordonnances-Lois, carrière des services publics de
d'Ordonnances, de Décrets et l'Etat en collaboration avec le
d'Arrêtés d'exécution en rapport Ministère de la Fonction
avec leurs attributions ; tutelle Publique ; mise en œuvre de la
des établissements publics et politique du Gouvernement pour
contrôle des services de leurs la bonne gouvernance et la lutte
secteurs respectifs ; approbation contre la corruption et les
des marchés conclus par les antivaleurs ; mobilisation des
entreprises et établissements recettes assignées à leur service ;
publics à l'issue des appels engagement de dépenses prévues
d'offres nationaux ; gestion des au budget de l'Etat suivant le
relations avec les organisations crédit alloué à leurs Ministères.
internationales s'occupant des
matières de leurs secteurs
respectifs ; Représentation de
l'Etat dans les rencontres
nationales et internationales en
rapport avec les matières relevant
de leurs secteurs d'activités ;

1Art. 1, Ordonnance n° 17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des


Ministères.

177
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Quelques attributions propres à certains membres du


Gouvernement1

Ministère des Affaires Ministère de l'Intérieur et


Etrangères et Intégration Régionale Sécurité
Animation et suivi de la Politique d'administration
politique étrangère de la du territoire ; Coordination des
République démocratique du rapports entre les membres du
Congo et de sa diplomatie ; Gouvernement et les
Exécution des formalités Gouverneurs de Province en
protocolaires de rédaction, de collaboration avec le Ministère en
signature, d'autorisation charge de la Décentralisation ;
législative internationale ; Organisation, fonctionnement et
Défense des intérêts de l'Etat agrément des partis et
auprès des Puissances étrangères regroupements Politiques ;
; Assistance aux autres Ministères Identification, encadrement et
dans leurs rapports avec recensement administratif des
l'extérieur ; Défense d'une populations ; Politique de la
politique de formation et de sûreté nationale, intérieure et
placement des cadres congolais extérieure ; Maintien de l'ordre
dans les organisations sous- public, de la sécurité publique et
régionales, régionales et protection des personnes et de
internationales ; Mise en place leurs biens ; Pouvoir hiérarchique
des mécanismes de prévention, sur la Police Nationale et les
de gestion et de résolution services de sécurité ; politique de
pacifique des conflits dans la lutte contre le terrorisme.
Région et la Sous-région ;
Promotion des organisations
communautaires destinées à la
coopération économique et/ou
politique régionale et sous-
régionale.

Ministère des Transports et Ministère de la Justice, Garde


Communications des Sceaux

1Lire Art. 2, Ordonnance n° 17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des
Ministères.

178
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Organisation et gestion des Administration de la Justice


Transports (transport aérien, : Suivi de l'exécution de la
terrestre, fluvial, lacustre et politique judiciaire du
maritime) ; Aéronautique civile ; Gouvernement par les cours et
Météorologie ; Marine tribunaux et les parquets y
marchande ; Exploitation des rattachés ; Contrôle des activités
Infrastructures routières, judiciaires ; Surveillance générale
ferroviaires, maritimes, fluviales, sur le personnel judiciaire ; Suivi
lacustres, aéroportuaires et de des réformes institutionnelles.
météorologie ; Equipements des
transports routier, ferroviaire,
maritime, fluvial et lacustre et de
l'aviation civile

Ministère du Plan Ministère de l'Economie


Planification et Nationale
programmation de la politique de Politique économique
développement économique et nationale sous ses divers aspects,
social de la République notamment la politique générale
démocratique du Congo, à de la production, ainsi que la
travers notamment : Préparation politique et la réglementation du
du Plan de développement marché intérieur par le contrôle
économique et social, et le suivi a priori des prix des
programmation de son exécution produits locaux de base et par le
et suivi de sa réalisation ; contrôle a posteriori pour les
Coordination des travaux de produits importés, et des tarifs de
toutes les commissions créées prestation des services ; Mise en
pour la discussion des documents valeur de l'ensemble de l'espace
du plan ; Préparation du budget productif national en
des dépenses en capital, collaboration avec les Ministères
programmation et suivi de son ayant l'industrie et les Petites et
exécution. Moyennes Entreprises dans leurs
attributions ; Evaluation des
besoins de l'Economie nationale
; Identification nationale,
confirmation et recensement des
agents économiques.

179
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Ministère du Budget Ministère de la Fonction


Elaboration, suivi et Publique
contrôle de l'exécution du budget Application de la législation
de l'Etat ; Règlement définitif du sur les agents de carrière des
budget de l'Etat, en collaboration services publics de l'Etat ;
avec le Ministère ayant les Conduite de la réforme et de la
Finances dans ses attributions ; modernisation de
Elaboration de l'état des plafonds l'Administration publique ;
d'autorisation des emplois Gestion administrative des
rémunérés par le pouvoir central agents de l'Etat ; Collecte et
ainsi que de création d'emplois ; planification des besoins
Avis préalable aux sectoriels de recrutement des
Etablissements publics, aux agents de l'Etat en collaboration
Entités Territoriales avec le Ministère ayant en charge
Décentralisées et autres Services le Budget dans ses attributions ;
publics pour emprunter à Suivi des relations avec les
l'extérieur lorsqu'il y a garantie de syndicats et organismes
l'Etat ; Etudes et programmation professionnels de la Fonction
budgétaires ; Contrôle des publique.
marchés publics ; Approbation
des marchés conclus à l'issue des
appels d'offres nationaux ;
Encadrement de toutes les
dépenses publiques ; Liquidation
de toutes dépenses sur ressources
propres et ressources extérieures
inscrites au budget de l'Etat.

Ministère des Finances Ministère de la Communication


Politique monétaire, et Médias
douanière, fiscale, parafiscale, Exécution de la politique
comptable et des assurances de nationale en matière de Presse et
l'Etat ; Questions monétaires, Information ; Application de la «
banques, organismes de crédit et Loi fixant les modalités
microfinance ; Suivi de la gestion d'exercice de la liberté de Presse »
de la Banque Centrale du Congo ; Organisation et gestion de
et particulièrement la situation du l'espace informationnel et
compte général du Trésor ; communicationnel ;
Contrôle du marché des Réglementation de la publicité

180
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

assurances ; Mobilisation des dans les médias ; Promotion de


ressources propres de l'Etat et l'image de la publicité dans les
des ressources extérieures ; médias ; Mission de porte-parole
Gestion des ressources propres du Gouvernement.
et extérieures de l'Etat et
encadrement des dépenses
publiques ; Politique et gestion de
la dette publique directe et
indirecte, intérieure ou extérieure
de l'Etat ; Tenue, arrêt et
consolidation des comptes de
l'Etat et tenue de la comptabilité
publique ; Règlement définitif du
budget, en collaboration avec le
Ministère ayant le Budget dans
ses attributions ;
Ordonnancement des dépenses
de l'Etat.

Ministère du Portefeuille Ministère des Mines


Création et transformation Application de la législation
des entreprises publiques ; minière ; Elaboration des cartes
Administration, gestion et géologiques et minières ; Gestion
rentabilisation du portefeuille de du domaine minier et
l'Etat ; Acquisition et gestion des informations y relatives ;
participations de l'Etat dans les Promotion de la mise en valeur
entreprises d'économie mixte ; des ressources minérales ; Octroi
Création et participation à la des droits et titres pour les
création des entreprises à gisements miniers ; Suivi et
caractère industriel ou contrôle technique des activités
commercial ; Gestion des de prospection, de recherche et
mandataires publics dans les d'exploitation des ressources
entreprises du portefeuille de minérales ; Suivi et contrôle de
l'Etat (entreprises publiques commercialisation des produits
transformées en sociétés miniers ; Police des exploitations
commerciales et sociétés des ressources minérales en
d'économie mixte). matière d'hygiène, de salubrité et
de sécurité ; Etablissement de la

181
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

politique de transformation
locale des produits miniers.

Ministère de l'Enseignement Ministère de l'Enseignement


Primaire, Secondaire et Professionnel Supérieur et Universitaire
Organisation de Organisation de l'
l'enseignement maternel, Enseignement Supérieur et
primaire, secondaire et Universitaire ; Création et tutelle
professionnel ; Création et des Etablissements publics
gestion des Etablissements d'enseignement supérieur et
publics d'enseignement ; universitaires ; Reconnaissance et
Agrément et supervision des validation des diplômes
Etablissements privés étrangers; Agrément des
d'enseignement ; Définition, établissements privés
conduite et exécution de la d'enseignement supérieur et
politique générale du universitaire et homologation des
Gouvernement dans le domaine diplômes y décernés ; Création,
de l'enseignement ; Conception, tutelle et gestion de services de
émission et diffusion du l'enseignement supérieur et
calendrier scolaire dans tous les universitaire fonctionnant à
établissements d'enseignement ; l'étranger ; Suivi de la scolarité
Contrôle de la qualité de des étudiants et de la carrière des
l'enseignement ; Organisation et enseignants.
supervision des épreuves et
publication des résultats des
examens certificatifs et tests.

Ministère de la Santé Ministère du Développement


Organisation, création et Rural
contrôle des Services publics Elaboration et suivi des
médicaux et pharmaceutiques ; projets de développement dans
Organisation de l'enseignement les campagnes, milieux ruraux et
technique médical du niveau péri urbains ; Organisation et
secondaire ; Agrément et encadrement des paysans dans
contrôle technique des des coopératives et associations
établissements prives médico- en milieu rural, en collaboration
sanitaires, pharmaceutiques, avec le Ministère ayant

182
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

laboratoires et d'enseignement l'Agriculture dans ses attributions


médical technique ; Hygiène et ; Elaboration et conduite des
santé publiques ; Inspection et politiques et stratégies de
prévention sanitaires et médicales développement rural ;
et actions médicales humanitaires Organisation et encadrement de
; police sanitaire aux frontières la population rurale pour
(quarantaine humaine l'accroissement de la production
internationale). agricole, en collaboration avec le
Ministère ayant !'Agriculture dans
ses attributions ; Aménagement
et équipement de l'espace rural.

183
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 2
Le Parlement

Le Parlement est le miroir de la démocratie. C'est par lui que s'exprime le


peuple, quand il ne peut pas le faire directement1. Hans Kelsen2 y voyait
à juste titre l'incarnation du « destin de la démocratie » Le Parlement est
le dépositaire de la volonté générale. Bien qu'il ait perdu de sa puissance face à
la montée en flèche du pouvoir et du rôle de l'exécutif3, il n'en est pas
moins resté l'élément charnière des institutions : en effet, c'est lui qui «
fait les lois » que l'exécutif et le juge sont chargés d'appliquer ; c'est aussi
lui qui en « contrôle l'exécution »4.
En fait, le Parlement, et globalement tout le système démocratique,
n'est pas étranger de notre culture. C'est d'ailleurs ce que faisait savoir
Léopold Sédar Senghor5 : « (...) à la vérité, la démocratie, c’est
l’application à l’échelle nationale, de la méthode de la palabre, du
dialogue qui guide la vie de nos villages. Je veux dire une libre, loyale et
franche discussion, qui permet de dégager, à la majorité, une ligne de
conduite applicable à tous. Celui qui a mission d’appliquer la ligne de
conduite ainsi définie détient sa mission de l’ensemble des habitants du
village, qui peuvent au moment où il a failli, lui retirer leur confiance (...)
seules, les appellations diffèrent quand elles s’appliquent à l’ensemble de
la nation. C’est ainsi que le chef de village devenait le Président de la
République, que la réunion des notables portait le nom d’Assemblée
nationale, que le Diaraf ou Diawrin, à qui le chef de village confiait les
tâches d’administration directe, prenait le titre de Président du Conseil,
les sociétés d’âge, elles, constituaient les Partis ».
La composition et le statut des composantes du Parlement sont
donc supposés être la plus représentative possible de la Nation. Quant à
ses attributions de législation et de contrôle, elles doivent être
résolument tournées vers l'intérêt supérieur de cette Nation.

1 Lire Art. 5, Constitution du 18 février 2006.


2 Cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 782.
3 Voy. X. VANDENDRIESSCHE, « Le parlement entre déclin et modernité »,

in Pouvoirs, vol. 4, n° 99, 2001, pp. 59-70.


4 Lire Art. 100, Constitution du 18 février 2006.
5 Cité par B. SOUMANA, Le Parlement au Niger, Thèse, Université de Lyon, 2016.

184
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 1
Composition du parlement et statut des parlementaires

Point 1
Composition du parlement

Le Parlement congolais est bicaméral. Le bicamérisme ou


bicaméralisme fait du Parlement un organe composé et construit ainsi les
fonctions normatives auxquelles il participe comme une résultante pondérée
entre plusieurs formes de représentation1. La deuxième chambre est souvent
représentatrice des composantes territoriales de l'État (le Sénat américain et
le Bundesrat allemand représentent les États fédérés, les sénats espagnol
et italien représentent les régions, le sénat français représente les
collectivités territoriales). Leurs membres sont généralement désignés au
suffrage indirect (sauf cas exceptionnels, tel qu'aux États-Unis). Selon que
ses pouvoirs sont identiques ou non à la première, le bicamérisme peut
être égalitaire (comme aux États-Unis ou en Italie) ou inégalitaire
(généralement)2. Les pouvoirs de la seconde chambre peuvent consister
en la capacité à s'opposer à l'adoption de la loi, ou uniquement à certains textes,
et dans ce cas, la première chambre dispose du dernier mot en cas de
désaccord. Parfois, la deuxième chambre peut même être simplement
consultative. Le bicamérisme a longtemps été considéré soit comme un
recours contre les excès des assemblées uniques, soit comme un facteur
d’affermissement de l’Exécutif par le fractionnement du pouvoir
législatif3. L'idée réside aussi dans la nécessité d'amélioration de la production
législative.
La Constitution dispose que : « le pouvoir législatif est exercé par un
Parlement composé de deux Chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat »4. Le
Parlement est donc composé d'une chambre basse, l'Assemblée
nationale et d'une chambre haute, le Sénat, qui exercent a priori des
attributions communes : celle de vote(r) les lois (et) contrôle(r) le
Gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 764 ; F. HAMON et M.


TROPER, op. cit., p. 114.
2 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 773 ; F. HAMON et

M. TROPER, op. cit., p. 114.


3 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 33.
4 Art. 100 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.

185
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

les services publics »1. Le Sénat représente les provinces2. Le bicamérisme


congolais a été institué en vue de jongler entre unitarisme et fédéralisme,
pour satisfaire les fédéralistes tout en réfrénant les velléités séparatistes.
Toutefois, il faut souligner qu'il s'agit, sur le modèle français, d'un
bicamérisme inégalitaire3. En effet, l'Assemblée nationale dispose, en cas de
désaccord, du dernier mot dans le processus d'adoption de la loi. Par
ailleurs, elle seule peut mettre en cause la responsabilité du
Gouvernement, en dépit du fait qu'elles disposent toutes des
mécanismes de contrôle de l'action gouvernementale. Cela peut
notamment s'expliquer par le caractère indirect du pouvoir de la
deuxième chambre4, alors que l'on considère que la représentation
directe entraîne souvent des attributions importantes. Quoi qu'il en soit,
en échange, le Sénat ne peut être dissout5.

Point 2
Statut, droits et devoirs des parlementaires

A. Statut des parlementaires

Les membres de l’Assemblée nationale portent le titre de député


national. Ils sont élus au suffrage universel direct et secret et représentent la nation
toute entière (et non leurs seuls électeurs, doit-on préciser)6. Le nombre
de députés est de 5007. Le député national est élu pour un mandat de
cinq ans et est rééligible8.
Quant au Sénat, ses membres portent le titre de sénateur. Ils
représentent leurs provinces mais leur mandat est national. Les sénateurs sont élus
au second degré par les Assemblées provinciales9. Le Sénat comprend quatre

1 Art. 100 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Lire Art. 104 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
3 Assemblée nationale, L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, Fiches de

synthèse, Paris, 2012, p. 33.


4 Lire Art. 104 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.
5 Lire Art. 148, Constitution du 18 février 2006.
6 Lire Art. 101, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 115 Al. 2, Loi n° 06/006 du 9 Mars 2006 portant organisation des élections

présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que


modifiée à ce jour.
8 Lire Art. 103, Constitution du 18 février 2006.
9 Lire Art. 104, Constitution du 18 février 2006.

186
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

sénateurs par province et huit sénateurs pour la Ville de Kinshasa1.


Rappelons que les anciens présidents de la République élus sont de droit
sénateurs à vie2. Le Sénateur est élu pour un mandat de cinq ans. Il est
rééligible3.
Les mandats des députés et sénateurs commencent à la validation des
pouvoirs par chacune des deux chambres et expire à l'installation de la nouvelle
chambre élue4. Le mandat de député ou de sénateur peut aussi prendre fin
par5 décès, démission, empêchement définitif, incapacité permanente,
absence non justifiée et non autorisée à plus d’un quart des séances d’une
session, exclusion prévue par la loi électorale, condamnation irrévocable
à une peine de servitude pénale principale pour infraction intentionnelle,
acceptation d’une fonction incompatible avec le mandat de député ou
de sénateur. Aussi, toute cause d’inéligibilité, à la date des élections,
constatée ultérieurement par l’autorité judiciaire compétente entraîne la
perte du mandat de député national ou de sénateur6. Dans les cas
énumérés ci-dessus, le député national ou le sénateur est remplacé par le
premier suppléant, ou à défaut, par le second suppléant. En cas de
carence de suppléant, une élection partielle est organisée dans la
circonscription électorale concernée7. Soulignons que le député national,
le sénateur ou le suppléant qui quitte délibérément son parti politique
durant la législature est réputé avoir renoncé à son mandat parlementaire
ou à la suppléance obtenus dans le cadre dudit parti politique8.
La Constitution réitère que les mandats des députés et sénateurs
sont représentatifs. A contrario, tout mandat impératif est nul9. En gros, les
élus exercent leurs attributions librement, dans le seul intérêt de la
Nation, et aucune force extérieure ne peut les forcer à agir dans un sens
ou un autre. Mais cela est sans compter sur la réalité, car en vérité, les
parlementaires représentent des partis, des lobbies, des structures
locales, de multiples groupes d'intérêts qui déterminent largement leur

1 Art. 129 Al. 3, Loi n° 06/006 du 9 Mars 2006 portant organisation des élections
présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que
modifiée à ce jour.
2 Art. 104 Al. 7, Constitution du 18 février 2006.
3 Lire Art. 105, Constitution du 18 février 2006.
4 Lire Art. 103 & 105, Constitution du 18 février 2006.
5 Lire Art. 110, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 110 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 110 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 110 in fine, Constitution du 18 février 2006.
9 Lire Art. 101 & 104, Constitution du 18 février 2006.

187
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

vote comme leur survie politique1. La pratique des lettres de démission


d'office en est la manifestation la plus criante.
Les sièges de l’Assemblée nationale et du Sénat sont établis à
Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo,
précisément au Palais du Peuple dans la commune de Lingwala.
Toutefois, en cas de circonstances exceptionnelles les empêchant de se
réunir à leurs sièges habituels, leurs bureaux peuvent décider du lieu qui
abritera provisoirement leurs travaux2.

B. Droits des parlementaires

1. Les immunités

Les parlementaires bénéficient d’un statut protecteur, conçu non


comme un privilège mais comme un moyen destiné à lui assurer l’indépendance
et la liberté d’expression nécessaires à l’exercice de son mandat3. Il a pour but de
protéger les parlementaires contre les poursuites judiciaires abusives et de leur
accorder une totale liberté de pensée et d'action4.
On qualifie d’immunité parlementaire l’ensemble des dispositions qui
assurent aux parlementaires un régime juridique dérogatoire au droit commun dans
leurs rapports avec la justice afin de préserver leur indépendance5. Dans un souci
de conciliation entre protection de l’exercice du mandat parlementaire et
le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, deux catégories
d'immunités sont distinguées : l’irresponsabilité et l’inviolabilité.

a. L'irresponsabilité

La Constitution dispose qu' « aucun parlementaire ne peut être poursuivi,


recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans
l’exercice de ses fonctions »6.

1 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 760.


2 Art. 5, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale, Novembre 2006 ; Art. 5,
Règlement intérieur du Sénat., 2019.
3 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 104 ; L.

FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 788.


4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 789.
5 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 104.
6 Lire Art. 107, Constitution du 18 février 2006.

188
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'irresponsabilité soustrait les parlementaires à toute poursuite pour les actes


liés à l’exercice de leur mandat1. Elle couvre tous les actes de la fonction parlementaire
: interventions et votes, propositions de loi, amendements, rapports ou
avis, questions, actes accomplis dans le cadre d’une mission confiée par
les instances parlementaires. Concrètement, elle protège les
parlementaires contre toute action judiciaire, pénale ou civile, motivée
par des actes qui, accomplis hors du cadre d’un mandat parlementaire,
seraient pénalement sanctionnables ou susceptibles d’engager la
responsabilité civile de leur auteur (diffamation ou injure par exemple).
Cela dit, elles ne couvrent pas les activités politiques habituelles (discours
dans les réunions publiques, articles de presse…). Ainsi, il a été jugé que
« des propos tenus par le président de la commission des lois (...) au
cours d’une émission de radio n’entraient pas dans le cadre de la fonction
parlementaire »2.
L'irresponsabilité a un caractère absolu, permanent et perpétuel3.
Absolue, car il n'existe pas de procédure pour la lever. Elle est
permanente, car elle s’applique toute l’année y compris pendant
l’intersession. Elle est perpétuelle et s’oppose aux poursuites motivées
par les actes accomplis durant le mandat, même après la fin de celui-ci.

b. L'inviolabilité

En dehors de session, les parlementaires bénéficient de l'inviolabilité.


L’inviolabilité tend à éviter que l’exercice du mandat parlementaire ne soit entravé
par certaines actions pénales visant des actes accomplis par les députés en tant que
simples citoyens4. Elle réglemente les conditions dans lesquelles s’exerce
l’action pénale pour les actes étrangers à sa fonction.
La Constitution dispose qu' « aucun parlementaire ne peut, en cours de
sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation
de l’Assemblée nationale ou du Sénat selon le cas. En dehors de sessions, aucun
parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée
nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées
ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un parlementaire est

1 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 104.


2 Cass. fr., 7 mars 1988.
3 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 104.
4 Idem.

189
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

suspendue si la Chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder


la durée de la session en cours »1.
Ainsi, la responsabilité du parlementaire peut toujours être engagée
sur autorisation de l'Assemblée nationale ou du sénat (en cours de session), ou
du bureau de chaque chambre (en dehors des sessions).
En cas de flagrance, il n'y a pas besoin d'autorisation. Cette conciliation
empêche le parlementaire d'être au-dessus des lois et d'échapper à toutes
poursuites pour les actes sordides qu'il pourrait commettre en dehors de
l'exercice de ses fonctions2. Au demeurant, l’inviolabilité a une portée
réduite à la durée du mandat3.

2. Les avantages matériels et financiers

Ces avantages sont un facteur essentiel de la démocratisation des


régimes politiques. L’indemnité parlementaire est destinée à compenser les
frais inhérents à l’exercice du mandat. Elle permet à tout citoyen de pouvoir prétendre
entrer au Parlement et garantit aux élus les moyens de se consacrer, en toute
indépendance, aux fonctions dont ils sont investis4. C'est aussi une garantie relative
contre la corruption5.
Ainsi, les députés nationaux et les sénateurs ont le droit de circuler
sans restriction ni entrave à l’intérieur du territoire national et d’en sortir.
Ils ont droit à une indemnité équitable qui assure leur indépendance et
leur dignité. Ils ont droit à une indemnité de sortie égale à six mois de
leurs émoluments6. Lorsqu'ils sont appelés à participer aux séances de
leurs chambres, les frais et les titres de voyage aller-retour pour eux-
mêmes et pour leurs conjoints sont à charge de leurs chambres. Les
avantages sociaux leur accordés sont notamment : les frais d’installation,
les soins de santé, l’indemnité de logement, de transport et les frais
funéraires. Les soins de santé et les frais funéraires sont également
accordés pour les conjoints et les enfants à charge. En cas de décès, le
conjoint survivant et les orphelins bénéficient, pendant les six premiers
mois qui suivent le décès du parlementaire, de l’entièreté de l’indemnité
parlementaire et de deux tiers de cette indemnité pendant le temps qui

1 Lire Art. 107, Constitution du 18 février 2006.


2 En ce sens, F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 588.
3 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 104.
4 Idem.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 790.
6 Art. 109, Constitution du 18 février 2006.

190
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

reste jusqu’à la fin de la législature. Les parlementaires, leurs conjoints et


leurs enfants à charge ont droit au passeport diplomatique1.

C. Devoirs des parlementaires

Tout parlementaire est tenu de participer activement aux séances de


l’Assemblée plénière et aux réunions des commissions et des sous-
commissions. Il a l’obligation de sauvegarder, à tout moment, l’honneur et la
dignité de ses fonctions ainsi que l’image de marque de sa chambre. Les
parlementaires se doivent respect mutuel, courtoisie et solidarité2. Ils sont tenus
de respecter les lois de la République et d’observer le code de conduite de l’agent public
de l’Etat3.
En cas de méconnaissance de ses obligations, le parlementaire
encourt des sanctions disciplinaires, entre autres : le rappel à l’ordre
nominatif ; le retrait de la parole ; l’audition sur procès-verbal ;
l’exclusion temporaire de l’enceinte de l’Assemblée nationale ; la
privation de tout ou partie de l’indemnité parlementaire, ou même la
perte de son mandat4.

D. Incompatibilités

L'incompatibilité est l'interdiction de cumuler certains emplois ou certaines


fonctions avec un mandat parlementaire5. Ce régime, intimement lié au principe
constitutionnel de séparation des pouvoirs6, trouve son fondement dans
la nécessité de protéger l’indépendance des parlementaires aussi bien à l’égard des
autorités publiques que des intérêts privés7. À la différence de l'inéligibilité elle
n'interdit pas d'être élu. Elle oblige seulement l'élu à choisir entre son mandat et
la fonction incompatible8.

1 Art. 92, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; sur le Sénat, voir Art.
212-224, Règlement intérieur du Sénat.
2 Lire Art. 96, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 225-226,

Règlement intérieur du Sénat.


3 Lire par ex. Art. 12-23 du Décret-loi n° 017-2002 du 03 mars 2002 portant

code de conduite de l’agent public de l’État.


4 Lire Art. 98 et suivants, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 227

et suivants, Règlement intérieur du Sénat.


5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 783.
6 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 107.
7 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 783.
8 Idem.

191
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le mandat de député national est incompatible avec le mandat de


sénateur et vice-versa. Le mandat de député ou de sénateur est en plus
incompatible avec les fonctions ou mandats de : membre du
Gouvernement ; membre d’une institution d’appui à la démocratie ;
membre des Forces armées, de la police nationale et des services de
sécurité ; magistrat ; agent de carrière des services publics de l’Etat ; cadre
politico-administratif de la territoriale, à l’exception des chefs de
collectivité-chefferie et de groupement ; mandataire public actif ;
membre des cabinets du Président de la République, du Premier
ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat,
des membres du gouvernement, et généralement d’une autorité politique
ou administrative de l’Etat, employé dans une entreprise publique ou
dans une société d’économie mixte ; ou tout autre mandat électif. Il est
aussi incompatible avec l’exercice des fonctions rémunérées conférées
par un Etat étranger ou un organisme international1.
Toutefois, lorsqu’un député national ou un sénateur est nommé à
une fonction politique incompatible avec l’exercice de son mandat
parlementaire, celui-ci est suspendu. Il reprend de plein droit son mandat
parlementaire après la cessation de cette fonction politique incompatible. En
attendant, il est remplacé par son suppléant2.

Paragraphe 2
Organisation et fonctionnement des chambres

Les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement des


chambres parlementaires sont largement déterminées par leurs règlements
intérieurs3, la Constitution ne se borne qu'à fixer les principes fondamentaux
y relatifs. Il s'agit d'une autonomie en profondeur4 des chambres, en ce
qu'elles déterminent seules, sous réserve de quelques dispositions —
mais phares — de la Constitution, les règles qui président à leur
organisation et leur fonctionnement. Au demeurant, sur le plan de la
catégorie normative, les règlements intérieurs peuvent être assimilés aux
lois organiques, en ce qu'elles sont adoptées à la majorité absolue des

1 Art. 108, Constitution du 18 février 2006.


2 Lire Art. 110, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 112, Constitution du 18 février 2006.
4 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 765.

192
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

membres composant chaque chambre1, et sont soumises à un contrôle


de constitutionnalité obligatoire conditionnant leur entrée en vigueur2.

Point 1
Les organes des deux chambres

En plus de l'Assemblée plénière, organe suprême de chacune des


chambres, comprenant l'ensemble des députés ou sénateurs, et compétente pour
délibérer sur toutes les matières relevant des pouvoirs et attributions de l’Assemblée
nationale ou du Sénat, principalement en matière de vote de la loi et de
contrôle du Gouvernement3 ; l'Assemblée nationale et le sénat
comprennent chacune les organes ci-après4 : les organes de direction —
la présidence de la chambre, le bureau, la conférence des présidents —
et les organes de travail — les commissions et les groupes parlementaires
—. Chacune des deux chambres comprend les organes ci-dessus, le
Sénat comprenant en outre comme organes : les Groupes provinciaux
et le Comité de conciliation et d’arbitrage5.

A. Le bureau

L'Assemblée nationale et le Sénat connaissent au cours d'une


législature, deux catégories de bureaux : le bureau d'âge et le bureau
définitif.

1. Le bureau d'âge

Le « bureau d'âge » désigne le bureau provisoire de chaque chambre, mis en


place pour un temps limité, à la première séance de la chambre après l'élection de ses
composantes, et doté d'attributions particulières.
La séance d’ouverture de la législature est présidée par le Secrétaire
général de l’Administration de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat. Au

1 Art. 230, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 206, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 160, Constitution du 18 février 2006.
3 Lire Art. 8, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 8, Règlement

intérieur du Sénat.
4 Lire Art. 7, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 7, Règlement

intérieur du Sénat.
5 Art. 7, Règlement intérieur du Sénat.

193
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

cours de cette séance, le Secrétaire général de chaque chambre annonce


à l’Assemblée ou au Sénat le nom du député ou du sénateur le plus âgé ou doyen
d’âge et les noms des deux députés ou sénateurs les moins âgés1.
Le Bureau provisoire comprend : un président, le doyen d’âge et deux
Secrétaires, les deux députés ou sénateurs les moins âgés, qui assistent le Président
du Bureau provisoire dans la direction des travaux de l’Assemblée
Nationale ou du Sénat2.
Le Bureau provisoire a une mission bien précise : celle de faire procéder
à la vérification et à la validation des pouvoirs des membres de l’Assemblée
nationale ou du Sénat ; à l’adoption du Règlement intérieur et à sa transmission
à la Cour constitutionnelle ; et surtout, à l’élection et à l’installation du Bureau
définitif de l’Assemblée nationale ou du Sénat3.
Aussitôt après la constitution du Bureau provisoire, chaque
chambre procède à la vérification et à la validation des pouvoirs de ses membres.
A cet effet, elle constitue une ou plusieurs commissions de vérification des
pouvoirs4 dont les rapports seront transmis à l'Assemblée plénière5.
L’Assemblée plénière se prononce sur la validité des pouvoirs de ses
membres à la majorité absolue des suffrages exprimés. Le Président du
Bureau provisoire proclame députés ou sénateurs ceux dont les pouvoirs
ont été validés6.
C'est dans cette période que le député ou sénateur qui fait l’objet
de l’une des incompatibilités prévues par la Constitution opte, dans les huit
jours de la validation des pouvoirs, entre son mandat de député ou sénateur, et les
autres fonctions qu’il exerce. S’il opte pour le mandat, il en avise, par lettre,
dans le même délai, le Président de sa chambre. A défaut de se prononcer
dans le délai fixé, il est présumé avoir renoncé à son mandat7.

1 Art. 11, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 10, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 10, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 11, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 13, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 11, Règlement
intérieur du Sénat.
4 Art. 14, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 12, Règlement
intérieur du Sénat.
5 Art. 15, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 13, Règlement
intérieur du Sénat.
6 Art. 16, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 14, Règlement
intérieur du Sénat.
7 Art. 17, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 15, Règlement
intérieur du Sénat.

194
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Aussitôt après la validation des pouvoirs de ses membres,


l’Assemblée nationale procède à l’adoption de son Règlement intérieur. Elle
crée à cet effet une commission spéciale chargée de l’élaboration du projet du
Règlement intérieur à soumettre à la plénière pour adoption. Une fois
adopté, le Règlement intérieur est transmis à la Cour constitutionnelle
qui se prononce sur sa constitutionnalité dans un délai de 15 jours. Passé
ce délai, le Règlement intérieur est réputé conforme à la Constitution et
mis en application1.
Le Bureau provisoire cesse d’office ses fonctions après l’élection et
l’installation du Bureau définitif2.
Notons cependant que le bureau d'âge peut encore être mis en
place en cas d'absence totale du bureau définitif résultant par exemple de la
déchéance de chacun de ses membres. Dans ce cas, la Cour constitutionnelle a
jugé que le bureau d'âge assure l'intérim du bureau définitif, et qu'à ce titre, il dirige
la chambre qui du reste, conserve la totalité de ses attributions de vote de la loi et de
contrôle du gouvernement. Par ailleurs, il ne peut aucunement être déchu3.

2. Le bureau définitif

L’Assemblée nationale et le Sénat sont dirigés chacun par un


Bureau de sept membres comprenant : un Président ; un Premier Vice-
président ; un Deuxième Vice-président ; un Rapporteur ; un Rapporteur
Adjoint ; un Questeur ; un Questeur Adjoint4.
Dans les cinq jours — sept au Sénat — qui suivent la mise en
application du Règlement intérieur, chaque chambre procède à la constitution
de son Bureau définitif en tenant compte de la représentation de la femme
— et de la représentation des provinces, pour le cas du Sénat —. Les
Présidents des bureaux doivent être de nationalité congolaise d'origine5.
Les Membres du bureau sont élus pour la durée de la législature.
Toutefois, en cas de faute grave ou d’incompétence constatée par la
plénière dans l’exercice de ses fonctions, un membre du Bureau peut être
relevé par celle-ci suivant une procédure contradictoire. Dans ce cas, le

1 Art. 20, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 17, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 19, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 18, Règlement

intérieur du Sénat.
3 C.-C., R. Const. 1438, 15 déc. 2020.
4 Art. 111, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 111 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

195
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

remplaçant est élu pour le reste de la durée du mandat du membre


déchu1.
Le Président de l’Assemblée nationale et les autres membres du
Bureau sont élus par ordre de préséance (c'est-à-dire qu'on part du
Président au questeur adjoint) en séance publique, au scrutin uninominal
et secret, à la majorité absolue des suffrages exprimés. A défaut de la
majorité absolue au premier tour, il est procédé à un second tour pour
lequel la majorité relative suffit. Au Sénat, seuls les deux candidats qui
ont obtenu le plus grand nombre de voix au premier tour peuvent se
présenter au second tour. À l'Assemblée nationale, en cas d’égalité des
suffrages, la voix du Président du Bureau provisoire est prépondérante.
Au Sénat, lorsqu’il y a égalité des voix au second tour du scrutin, le
candidat le plus âgé est proclamé élu. En cas de candidature unique, le
Président du Bureau provisoire proclame élu l’unique candidat en
présence2.
Le Bureau de l'Assemblée nationale est constitué en s’efforçant de
reproduire en son sein la configuration politique de la chambre3.
Le bureau définitif détient des attributions collégiales, en plus des
attributions propres à chaque membre.

a. Les attributions collégiales

Le Bureau de chaque chambre est chargé notamment d'assurer la


direction et le fonctionnement de la chambre, sa gestion quotidienne, élaborer le
programme de travail de la chambre, établir le projet d'ordre du jour des sessions de
la chambre, préparer et assurer l'exécution de son budget4.
Le bureau se réunit, à la majorité absolue de ses membres, au moins
une fois par semaine et chaque fois que de besoin, sous la direction de
son Président. Il statue par voie de décision. Ses décisions sont prises à
la majorité absolue des membres présents5.

1 Art. 21, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 19, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 23, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 20, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 22, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
4 Art. 22, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 24, Règlement
intérieur du Sénat.
5 Art. 25, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 25, Règlement
intérieur du Sénat.

196
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

b. Les attributions propres à chaque membre du


bureau

i. Le Président du bureau

Lieux par excellence du débat politique, de l'expression et de la


confrontation des opinions et des affrontements partisans des élus de la
nation, les assemblées parlementaires nationales ne pourraient délibérer
utilement, de manière ordonnée, en respectant tout à la fois le droit
légitime de l'opposition à s'exprimer et celui de la majorité, par-delà des
manœuvres d'obstruction, de faire adopter son programme, si une
autorité régulatrice n'en assurait pas, par son arbitrage, le
fonctionnement régulier1.
Les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat assurent une
mission générale de direction et de représentation de l’Assemblée nationale. A ce titre,
ils sont notamment chargés de veiller au bon fonctionnement de
l’Assemblée nationale et en rendre régulièrement compte à la plénière ;
d'assurer la coordination des activités de l’Assemblée nationale ; de
maintenir la discipline au sein de l’Assemblée nationale2.
Ils assurent également d'importantes attributions à l'extérieur de leurs
chambres. Ils sont obligatoirement consultés par le président de la
République avant la dissolution de l'Assemblée nationale3 et la
proclamation de l'état d'urgence4. Par ailleurs, ils disposent du pouvoir
de saisine de la Cour constitutionnelle aux fins d'examen de
l'inconstitutionnalité d'une loi ordinaire et des règlements intérieurs de
leurs chambres5. Rappelons d'ailleurs que le Président du Sénat assure
l'intérim du Président de la République6.

1 G. BERGOUGNOUS, La présidence des assemblées parlementaire nationales. Étude


comparative mondiale, Union parlementaire, Genève, 1997, p. 1.
2 Lire Art. 29, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 27, Règlement

intérieur du Sénat.
3 Art. 148, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 85, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 160, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 70, Constitution du 18 février 2006.

197
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ii. Le Premier Vice-président est chargé des questions législatives,


des relations avec les groupes parlementaires et des relations extérieures. Il
remplace le Président en cas d’absence ou d’empêchement1.

iii. Le Deuxième Vice-président est chargé du contrôle


parlementaire, des relations avec la Cour des Comptes, de la sécurité sociale des
parlementaires et de leurs problèmes. Il remplace le Premier Vice-président en
cas d’absence ou d’empêchement2.

iv. Le Rapporteur est chargé de l’organisation technique des travaux des


séances plénières et des commissions avec le concours du service du greffe. A
cet effet, il tient le registre des présences, procède à l’appel nominal en séance plénière,
supervise la rédaction des procès-verbaux, des comptes rendus analytiques et des
annales parlementaires. Il signe les procès-verbaux des séances plénières
avec le Président de la chambre. Il est le porte-parole de la chambre et supervise
le service de presse3.

v. Le Rapporteur Adjoint assiste le Rapporteur dans l’exercice de


ses attributions et le remplace en cas d’absence ou d’empêchement. Il
assure l’exploitation et le suivi des rapports des vacances parlementaires4.

vi. Le Questeur assiste le Président dans l’élaboration et l’exécution du


budget de la chambre. Sous la direction du Président, il supervise les services
financiers et administratifs de la chambre5.

vii. Le Questeur adjoint est chargé du matériel et de la logistique. Il


remplace le Questeur en cas d’absence ou d’empêchement6.

1 Art. 30, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 28, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 31, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 29, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 32, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 30, Règlement
intérieur du Sénat.
4 Art. 33, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 31, Règlement
intérieur du Sénat.
5 Art. 34, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 32, Règlement
intérieur du Sénat.
6 Art. 35, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 33, Règlement
intérieur du Sénat.

198
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Les commissions

Rouages essentiels du travail parlementaire1, les commissions sont des


groupes techniques de travail de l’Assemblée Nationale ou du Sénat
chargés d’examiner les questions soumises à leur délibération par la plénière ou par le
Bureau. Elles font rapport des conclusions de leurs délibérations à la
plénière2.
Les commissions parlementaires peuvent être soit permanentes, soit
spéciales et temporaires3.
Il est créé au sein de l’Assemblée Nationale et du Sénat les
commissions permanentes ci-après : commission politique,
administrative et judiciaire ; commission économique et financière ;
commission sociale et culturelle ; commission des relations extérieures ;
commission défense et sécurité ; commission environnement et
ressources naturelles ; commission aménagement du territoire et
infrastructures ; auxquelles il faut ajouter, au Sénat, la commission des
relations avec les institutions provinciales et les entités décentralisées.
D'autres commissions permanentes peuvent être créées, sur proposition
du bureau, en cas de nécessité et d'opportunité. Chaque commission est
subdivisée en sous-commissions correspondant chacune à un ou
plusieurs ministères du Gouvernement4.
La répartition des membres au sein des commissions est établie par le bureau
de la chambre et soumise à l'approbation de l'Assemblée plénière. Chaque député
ou sénateur est de droit membre d'une commission et sous-commission, et d'une
seule, à l'exception du Président de la chambre qui est de droit membre
de toutes les commissions et sous-commissions. Toutefois, chaque
député ou sénateur peut participer, sans voix délibérative, aux travaux
d'une commission ou sous-commission dont il n'est pas membre.
Cependant, un parlementaire peut changer de commission en cours de
législature, sur autorisation du bureau5.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 793.


2 Art. 36, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 35, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 36, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
4 Art. 36, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 37, Règlement

intérieur du Sénat.
5 Lire Art. 38-40, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 37-39,

Règlement intérieur du Sénat.

199
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les commissions et sous-commissions élisent un bureau composé


d'un Président, un vice-Président, un rapporteur et un rapporteur
adjoint, dont les attributions sont similaires à ceux des membres du
bureau de la chambre1.
A l’initiative de la plénière, du Bureau de la chambre, d’un Groupe
parlementaire, d’un Député ou d'un sénateur selon le cas, ou du
Gouvernement, la chambre peut créer des commissions spéciales et
temporaires pour examiner des questions spécifiques et ponctuelles ne
relevant ni des commissions permanentes ni du contrôle parlementaire.
Ces peuvent constituer des sous-commissions. Leurs missions prennent
fin par le dépôt de leur rapport, selon le cas, au Bureau de la chambre ou
de la commission2.

C. Les groupes parlementaires

Le groupe parlementaire est défini comme tout groupe politique formé


des membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat partageant les mêmes opinions
politiques3.
Ce sont des organes consultatifs au sein de chaque chambre dans des
matières prévues par les Règlements intérieurs. Ils sont consultés
notamment dans la fixation de l'ordre du jour, ou dans l'établissement des listes
des députés ou sénateurs à inscrire dans telle ou telle commission.
Le groupe parlementaire comprend vingt-cinq députés au moins à
l'Assemblée nationale, et six sénateurs au moins au Sénat. Un parlementaire
ne peut faire partie que d’un seul Groupe parlementaire. Celui qui
n’appartient à aucun groupe parlementaire est appelé non inscrit. Chaque
député ou sénateur est membre du groupe parlementaire auquel appartient le parti
politique dans le cadre duquel il a été élu. Les groupes parlementaires sont
constitués pour la durée de la législature4.

1 Art. 43, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 40, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 41, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 43-46, Règlement

intérieur du Sénat.
3 Art. 46, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 50, Règlement

intérieur du Sénat.
4 Art. 46, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 51, Règlement

intérieur du Sénat.

200
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La constitution des Groupes parlementaires de défense des intérêts


particuliers, locaux, claniques, tribaux, ethniques, provinciaux,
professionnels ou contraires à l’ordre public est interdite1.
Le Président du Groupe parlementaire en est le porte-parole. Il
assure la représentation du groupe auprès du Bureau de l’Assemblée
nationale. A ce titre, il participe à la conférence des Présidents et peut
être associé, à titre consultatif, aux réunions du Bureau chaque fois que
de besoin2.

D. La conférence des présidents

La Conférence des Présidents est, au sein de chaque chambre, une


instance de concertation entre ses différents responsables. Elle est constituée des
membres du Bureau de chaque chambre, des Présidents des commissions, du Président
du Comité des sages, des Présidents des Groupes parlementaires, et le cas échéant, de
membres du Gouvernement ; et est présidée par le Président de l’Assemblée
nationale ou du Sénat3.
Son rôle est d'établir le projet de calendrier de la session ordinaire sur
proposition du Bureau, du Gouvernement, des Présidents des
Commissions ou des Présidents des Groupes parlementaires. Le projet
de calendrier des travaux établi par la Conférence des présidents est
soumis, par le président de la chambre, à l'adoption de la plénière4.
L’inscription, par priorité, au calendrier de la session, d’un projet de loi, d’une
proposition de loi ou d’une déclaration de politique générale est de droit si le
Gouvernement, après délibération en Conseil des ministres, en fait la demande. Dans
ce cas, le texte y afférent est examiné en priorité par la plénière. Par
ailleurs, la Conférence des Présidents est juge de la recevabilité des propositions
de loi5.

1 Art. 48, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 52, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 50, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 55, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 51, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 65, Règlement
intérieur du Sénat.
4 Art. 51, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 66, Règlement
intérieur du Sénat.
5 Art. 52, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.

201
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

E. Les groupes provinciaux

Le Groupe provincial est constitué de l’ensemble des Sénateurs élus


d’une même province1. Les Groupes provinciaux sont des organes chargés de
soulever et de traiter les questions particulières liées aux intérêts de leurs provinces2.

Point 2
Le fonctionnement des chambres

A. Les sessions des chambres parlementaires

Le Parlement ne siège pas en permanence, il tient des sessions. La


session désigne la période de l’année pendant laquelle le Parlement se réunit pour
délibérer en séance plénière3. On distingue les sessions ordinaires, les sessions
extraordinaires.

1. Les sessions ordinaires

L’Assemblée nationale et le Sénat tiennent de plein droit, chaque


année, deux sessions ordinaires : la première s’ouvre le 15 mars et se clôture
le 15 juin ; la deuxième s’ouvre le 15 septembre et se clôture le 15
décembre. Si le 15 du mois de mars ou du mois de septembre est férié
ou tombe un dimanche, l’ouverture de la session a lieu le premier jour
ouvrable qui suit. La durée de chaque session ordinaire ne peut excéder
trois mois4.

2. Les sessions extraordinaires

Chaque Chambre du Parlement se réunit de plein droit en session


extraordinaire le quinzième jour suivant la proclamation des résultats des
élections législatives par la Commission électorale nationale
indépendante en vue de l’installation du Bureau provisoire dirigé par le
doyen d’âge assisté des deux les moins âgés ; la validation des pouvoirs ;

1 Art. 59, Règlement intérieur du Sénat.


2 Art. 60, Règlement intérieur du Sénat.
3 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 169.
4 Art. 115, Constitution du 18 février 2006.

202
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l’élection et l’installation du Bureau définitif ; l’élaboration et l’adoption


du Règlement intérieur1.
Chaque Chambre du Parlement peut être convoquée en session
extraordinaire par son Président sur un ordre du jour déterminé, à la demande soit
de son Bureau, soit de la moitié de ses membres, soit du Président de la
République, soit du Gouvernement. La clôture intervient dès que la
Chambre a épuisé l’ordre du jour pour lequel elle a été convoquée et, au plus
tard, trente jours à compter de la date du début de la session2.

B. Les séances de travail

1. Le déroulement des séances

La séance est l'aboutissement, en matière législative, d'un long


travail effectué au sein des commissions. C'est aussi le lieu des débats
politiques, des questions au Gouvernement, autrement dit de l'exercice du
contrôle parlementaire3.
Les séances de l’Assemblée nationale et du Sénat sont publiques sauf
si, exceptionnellement, le huis clos est prononcé4. Les débats ainsi que
les décisions de la chambre sont publiés dans le procès-verbal, le compte
rendu analytique et les annales parlementaires5.
Le Président de la chambre déclare l’ouverture, la suspension ou la
clôture des séances. Il indique, à la fin de chacune d’elles, le jour de la
séance suivante dont il annonce, le cas échéant, le projet de l’ordre du
jour. A moins que le Bureau n’en décide autrement, le début des séances
publiques est fixé à 10 heures précises6. Les documents à soumettre aux
délibérations des membres de l’Assemblée plénière, sont distribués
quarante-huit heures au moins avant les séances, sauf cas d’urgence7.

1 Art. 114, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 116, Constitution du 18 février 2006.
3 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 800.
4 Art. 60, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 80, Règlement
intérieur du Sénat.
5 Art. 60, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 84, Règlement
intérieur du Sénat.
6 Art. 59, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 81, Règlement
intérieur du Sénat.
7 Art. 61, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 78, Règlement
intérieur du Sénat.

203
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les chambres ne siègent valablement qu’à la majorité absolue des membres qui
les composent. La présence des parlementaires est constatée par les
signatures apposées par chacun au regard de son nom sur les listes y
afférentes, au début et à la fin de la séance1. Une chambre ne prend ses
décisions que si les deux tiers de ses membres sont présents. Toutefois, si à la
première séance, le quorum des deux tiers n’est pas atteint, le président
suspend le vote ; à la séance subséquente portant sur la même matière, les décisions
sont valablement prises à la majorité relative2.
Dans la salle des séances, les députés se mettent selon leurs
convenances personnelles. Par contre, les Sénateurs sont disposés selon
l’ordre alphabétique3. Les parlementaires s’installent dans la salle au plus
tard dix minutes avant l’heure prévue pour le début de la séance. A
l’heure prévue pour l’ouverture ou la reprise de chaque séance (soit 10
heures précises, en principe), le protocole annonce l’arrivée du Président
accompagné des autres membres du Bureau. Les parlementaires
l’accueillent débout. Les membres du bureau prennent place à la
tribune4.
Pendant les séances plénières, la tenue de ville est de rigueur. À titre
de tenue de ville, les hommes portent le costume assorti d'une cravate
— ou d'un nœud papillon au Sénat —, et les femmes portent soit le
pagne cousu à la congolaise, soit la jupe avec blouse ou veste. Le membre
qui ne se conforme pas à cette mesure est privé de parole5.

2. La parole à la tribune

Nul ne peut prendre la parole sans s’être fait inscrire ou avoir demandé et
obtenu la parole de la part du Président. Le Président accorde la parole en veillant à
ce que, le cas échéant, les interventions pour et contre alternent. L’orateur ne peut
s’adresser qu’au Président ou à la plénière. Il parle de la tribune et
debout, sauf en cas de handicap. Toute imputation, toute attaque

1 Art. 60, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 79, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 64, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 79, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 58, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 81, Règlement
intérieur du Sénat.
4 Art. 63, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 82, Règlement
intérieur du Sénat.
5 Art. 62, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 83, Règlement
intérieur du Sénat.

204
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

personnelle, toute manifestation ou intervention troublant l’ordre dans


la salle est interdite1.
Pour les séances de l’Assemblée nationale ou au Sénat, la langue
d’usage est le français. Toutefois, lorsqu’un parlementaire estime
pouvoir mieux s’exprimer dans une des quatre langues nationales, il le
fait préalablement savoir au Président de séance. Dans ce cas, le service
administratif compétent en assure la traduction en français2.
Aucun intervenant ne peut être interrompu, si ce n’est par le
Président pour un rappel à l’ordre. Si un orateur continue de s’écarter du
sujet sous examen après avoir été rappelé à l’ordre deux fois au cours
d’une même intervention, la parole lui est retirée pour le reste de la
séance, pour autant que le sujet demeure le même. Il en est de même de
l’orateur qui, après avoir reçu un avertissement, persiste à répéter ses
propres arguments ou ceux produits par un membre dans le débat3.
Tout parlementaire peut, avant ou au cours d’un débat, demander
la parole par motion d’ordre, motion de procédure, motion d’information, motion
préjudicielle ou par motion incidentielle. La motion d’ordre est celle qui
concerne l’ordre à établir dans la série des questions à discuter, la clôture des débats
sur un point en discussion, la suspension ou la levée de la séance. Elle ne peut porter
sur le fond de la matière débattue. La motion de procédure concerne un point
du Règlement intérieur ou la manière dont la réunion est conduite. La motion
d’information concerne un complément d’information essentielle pour
l’orientation des débats. La motion préjudicielle est celle qui est soulevée à
l’occasion de l’examen d’une matière et dont la solution relève d’un organe extérieur
à la chambre. La motion incidentielle est celle qui intervient au début ou au
cours des débats et sur laquelle la chambre doit se prononcer avant de commencer ou
de poursuivre les débats sur une question principale. L’orateur qui obtient la
parole par motion ne peut être interrompu jusqu’à la fin de son exposé,
sauf par une motion d’ordre4.
La motion a priorité sur la question principale. Elle en suspend la discussion.
La parole est retirée à l’initiateur d’une motion si celle-ci est

1 Art. 66, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 85, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 67, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 89, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 68, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 91, Règlement
intérieur du Sénat.
4 Art. 69, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 92, Règlement
intérieur du Sénat.

205
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

manifestement étrangère à la nature d’une motion. La motion est mise


aux voix, soit immédiatement soit après sa discussion suivant le mode de
votation prévu par le règlement. Dans le cas où une motion suscite des
débats, le Président de séance demande à deux intervenants de l’appuyer
et à deux autres de la contredire avant de la mettre aux voix. Le Président
veille à ce que les interventions pour et contre alternent1.
En vertu de son pouvoir de police de séance, le Président de la
chambre détermine le temps de parole à accorder à chaque intervenant2.
Aucune intervention, même par motion, ne sera reçue lorsque le
Président de séance fait la synthèse pour clore le débat ou lorsque la
procédure de vote est déjà engagée3. Lorsqu’un parlementaire est mis en
cause par un intervenant au cours du débat, il a un droit de réponse4.

3. Le vote

Les votes sont émis, soit par appel nominal et à haute voix, soit à main
levée, soit par assis et levé, soit par bulletin secret, soit par procédé électronique5.
Sur l’ensemble d’un texte de loi, le vote intervient par appel
nominal et à haute voix. Les votes peuvent également être émis par un
procédé technique donnant plus de garantie.
La chambre peut décider le secret du vote pour l’adoption d’une
matière déterminée. En cas des délibérations portant sur des personnes,
le vote s’effectue par bulletin secret.
Au Sénat, le vote est obligatoire. Le fait pour un Sénateur de refuser
de participer au vote est assimilé à une absence à la séance au cours de
laquelle le vote a eu lieu6.

1 Art. 70, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 93, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 72, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 95, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 73, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 96, Règlement
intérieur du Sénat.
4 Art. 74, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 96, Règlement
intérieur du Sénat.
5 Art. 83, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 97, Règlement
intérieur du Sénat.
6 Art. 97, Règlement intérieur du Sénat.

206
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 3
Attributions du Parlement

« (...) Le Parlement vote les lois (et) contrôle le Gouvernement, les entreprises
publiques ainsi que les établissements et les services publics »1.

Point 1
Attributions législatives

Le Parlement vote les lois. C'est là sa principale attribution2.


« La loi est un commandement, (...) elle permet où elle défend, elle
ordonne, elle établit, elle corrige, elle punit ou elle récompense », disait
Portalis3. Elle apparaît ainsi comme la principale source du droit, en ce
qu’il appartient au législateur de fixer les plus importantes de ces
normes4. Ce qui va de soi, quand on sait que « la Loi est l'expression de
la volonté générale »5.
Dans sa conception traditionnelle, la Loi était définie comme toute
décision émanant de l'organe exécutif exprimée dans la forme législative6. Les textes
constitutionnels faisaient usage d'une conception purement formelle de la loi.
La loi ne se caractérisait, au fond, ni par sa matière, ni par la nature
intrinsèque de ses dispositions7. C'est la conception illimitée de la loi, dite
aussi du légicentrisme8. La loi pouvant légiférer sur tout, sans limite, l'on
ne pouvait concevoir un quelconque contrôle de constitutionnalité.
Mais cette conception est aujourd'hui dépassée par l'institution
d'une limite au domaine de la loi9. La loi ne peut donc plus régir que les matières
lui reconnues par la Constitution, considérant que les autres reviennent soit,
à l'exécutif ou au domaine réglementaire, soit, au constituant dérivé lui-
même ou au domaine de la constitution. C'est l'avènement du principe de
constitutionnalité, qui affirme la suprématie de la Constitution sur l'ordre

1 Art. 100 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 841.
3 Cité par F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 657.
4 Idem.
5 Art. 6, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
6 R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., p. 327.
7 Idem.
8 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 130.
9 Lire F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 661 ; P. AVRIL, op. cit., p. 87.

207
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

juridique et partant, la garantie de cette suprématie par le biais du


contrôle de constitutionnalité1.
La définition de la loi, même si elle demeure formelle, est adjointe
d'une certaine conception matérielle. La réunion de ces deux conceptions
n'est pas sans importance, car à côté de la loi, on peut distinguer les actes
législatifs non parlementaires — le domaine est celui de la loi, mais l'organe
est autre que le Parlement (il peut s'agir du peuple, on parle de loi
référendaire, ou du gouvernement, on parle d'actes ayant force de loi,
plus précisément, d'ordonnances-lois) —, des actes non-législatifs
parlementaires — émanant de l'organe Parlement, cependant, non dans la
procédure législative, mais dans la procédure de contrôle parlementaire
—2.

A. Le domaine de la loi

Le législateur ordinaire a aujourd'hui une compétence d'attribution3, elle


ne peut s'exercer que dans les matières qui lui sont dévolues par le constituant,
au cas contraire, il serait incompétent pour prendre la mesure : c'est la
notion du domaine de la loi.
Le domaine de la loi renvoie à un champs délimité de matières dans
lesquels le pouvoir législatif va exercer son pouvoir normatif4. Ce domaine est
caractérisé par son extension, son unité, et une absence de séparation
tranchée avec le domaine du règlement5.

1. Extension du domaine de la loi

Le domaine de la loi, bien que limité, demeure tout de même très


étendu. Un total de 31 matières sont dévolues au législateur par les articles
122 et 123 de la Constitution.
Cette liste n'est d'ailleurs pas exhaustive, car il faut lui adjoindre les
compétences qui peuvent découler d'autres dispositions de la
Constitution, ce qui explique que le législateur s'exprime en disant « sans
préjudice des autres dispositions de la présente Constitution ».

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 133.


2 Idem., p. 231.
3 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 661.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 843.
5 Idem., pp. 857-866.

208
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Par ailleurs, à cela doit-on également ajouter les matières dévolues


à la loi organique par la même Constitution.
De toute évidence, bien qu'étant limité, il s'agit tout de même des
questions les plus importantes, qui sont dévolues au législateur, réservant à
l'autorité réglementaire des questions relevant davantage de
l’administration et de la gestion courante des affaires publiques1.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel français a eu à considérer que
les lois organiques elles-mêmes pouvaient être source de la compétence
législative, au même titre que la Constitution2. C'est le cas de la loi
organique relative aux finances publiques, qui détermine assez largement
le contenu des lois de finances.
L'extension du domaine de la loi résulte encore de la sanction des
incompétences négatives. Pour J. Trémeau3, la loi est entachée
d’incompétence négative lorsque le législateur a méconnu l’étendue
constitutionnelle de ses attributions, en déléguant une compétence à une
autre autorité (exécutive ou judiciaire) alors que c’est lui qui aurait dû
l’exercer. La loi, pour être conforme à la Constitution, doit donc être
suffisamment précise et complète pour écarter tout arbitraire lors de son
application (et le législateur exercer la plénitude de ses compétences. Il
ne peut abandonner au décret gouvernemental la fixation de certaines
règles)4.

2. Unité du domaine de la loi

Le domaine de la loi est en principe scindé en deux catégories, selon


que le législateur fixe les règles5 et selon qu'il détermine les principes

1 L'Assemblée nationale dans les institutions françaises, op. cit., p. 203.


2 C.C. fr., Décis. no 62-19 L, 3 avr. 1962.
3 Cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 860.
4 Voir par ex. C.C. fr., Décis. no 75-56 DC, 23 juill. 1975, juge unique.
5 Art. 122, Constitution du 18 février 2006. : « Sans préjudice des autres

dispositions de la présente Constitution, la loi fixe les règles concernant : 1. les


droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l’exercice des libertés publiques ; 2. le régime électoral ; 3. les finances publiques
; 4. les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne
et en leurs biens ; 5. la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes
matrimoniaux, les successions et les libéralités ; 6. la détermination des
infractions et des peines qui leur sont applicables, la procédure pénale,
l’organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire, la création de
nouveaux ordres de juridictions, le statut des magistrats, le régime juridique du

209
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

fondamentaux1. Dans le premier cas, le législateur peut descendre en profondeur,


laissant au règlement la compétence de prendre des mesures
d'application, dans le second cas, il se borne à fixer une ligne de conduite.
Cependant, cette distinction tant à s'estomper. On en vient à
considérer que même quand il n'a compétence que pour poser les
principes, le législateur peut très bien descendre jusqu'aux détails,
relativisant ainsi la distinction entre règles et principes.

3. Absence de séparation tranchée avec le


domaine du règlement

La séparation entre les deux domaines est devenue poreuse2.


Premièrement, l'autorité réglementaire accepte souvent les
empiétements du législateur dans son domaine. Une loi peut bien
contenir des dispositions de nature réglementaire (c'est-à-dire,
détaillées), sans que le législateur ne s'y oppose par le canal d'un recours

Conseil supérieur de la magistrature ; 7. l’organisation du Barreau, l’assistance


judiciaire et la représentation en justice ; 8. le commerce, le régime de la propriété
des droits et des obligations civiles et commerciales ; 9. l’amnistie et l’extradition
; 10. l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute
nature, le régime d’émission de la monnaie ; 11. les emprunts et engagements
financiers de l’Etat ; 12. les statuts des agents de carrière des services publics de
l’Etat, du personnel de l’enseignement supérieur, universitaire et de la recherche
scientifique ; 13. les Forces armées, la Police et les services de sécurité ; 14. le
droit du travail et de la sécurité sociale ; 15. l’organisation générale de la défense
et de la Police nationale, le mode de recrutement des membres des Forces armées
et de la Police nationale, l’avancement, les droits et obligations des militaires et
des personnels de police ».
1 Art. 123, Constitution du 18 février 2006. : « Sans préjudice des autres

dispositions de la présente Constitution, la loi détermine les principes


fondamentaux concernant : 1. la libre administration des provinces et des entités
territoriales décentralisées, de leurs compétences et de leurs ressources ; 2. la
création des entreprises, établissements et organismes publics ; 3. le régime
foncier, minier, forestier et immobilier ; 4. la mutualité et l’épargne ; 5.
l’enseignement et la santé ; 6. le régime pénitentiaire ; 7. le pluralisme politique
et syndical ; 8. le droit de grève ; 9. l’organisation des médias ; 10. la recherche
scientifique et technologique; 11. la coopérative ; 12. la culture et les arts ; 13. les
sports et les loisirs ; 14. l’agriculture, l’élevage, la pêche et l’aquaculture ; 15. la
protection de l’environnement et le tourisme ; 16. la protection des groupes
vulnérables ».
2 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 670.

210
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

en délégalisation devant la Cour constitutionnelle, visant à faire déclarer


qu'une disposition légale a une nature réglementaire afin de pouvoir la
réviser (la disposition seulement, et non la loi) par un simple règlement1,
alors que c'est là même la sanction du domaine de la loi. Parfois même,
c'est le gouvernement qui, à travers ses projets de loi, amène des
dispositions réglementaires dans la loi.
Rappelons toutefois que le juge constitutionnel congolais
sanctionne bien pour incompétence les intrusions de la loi dans le
domaine du règlement.

B. La procédure législative ordinaire

C'est au regard de sa procédure que la loi se définit. Cette procédure


peut être scindée en deux étapes : l'élaboration de la loi, et son adoption,
sanctionnées par sa promulgation.

1. Élaboration de la loi

a. L'initiative de la loi

« L’initiative des lois appartient concurremment au Gouvernement, à chaque


député et à chaque sénateur »2. On parle de projet de loi, quand elle émane du
Gouvernement, et de proposition de la loi, quand elle émane d'un
parlementaire.
Les projets de loi sont soumis à l'une ou l'autre chambre par le
Premier Ministre, ou, le cas échéant, conformément à ses instructions,
par le Vice-Premier Ministre concerné3, après leur adoption en conseil
des ministres4. Cette exigence traduit la solidarité gouvernementale, en
ce que tous les membres du gouvernement sont censés accepter le texte

1 Lire Art. 60, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation
et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
2 Art. 130 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 32, Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et

fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le


Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du
Gouvernement.
4 Art. 130 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

211
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

du projet. Par après, le Conseil d'État peut être consulté en vue de


donner son avis1.
Les propositions de loi sont déposées par les parlementaires devant
la chambre à laquelle ils appartiennent : les députés au bureau de
l'Assemblée nationale et les Sénateurs au bureau du Sénat2. Les
propositions de loi sont, avant délibération et adoption, notifiées pour
information au Gouvernement qui adresse, dans les quinze jours suivant
leur transmission, ses observations éventuelles au Bureau de l’une ou
l’autre Chambre. Passé ce délai, ces propositions de loi sont mises en
délibération3.
Les propositions de loi sont soumises à un double examen de
recevabilité4 : on vérifie, d'abord, si elles ne sont pas contraires au domaine de
la loi tel que fixé principalement par les articles 122 et 123 de la
Constitution ; on vérifie, ensuite, si l'adoption de la proposition n'aurait
pas pour conséquence soit la diminution des ressources publiques, soit la
création ou l’aggravation d’une charge publique, à moins qu’elles ne soient
assorties de propositions dégageant les recettes ou les économies correspondantes. Cette
restriction au droit d’initiative, qui est inspirée par la crainte que les
parlementaires ne cèdent aux tentations de la démagogie électorale5, vise
à empêcher les propositions démagogiques6 (baisses d’impôts, avantages
financiers accordés à telle ou telle catégorie d’électeurs…). De telles
propositions sont déclarées irrecevables lors de leur examen par la
conférence des présidents, à moins que le parlement ne les assortisse de
mécanismes pouvant pallier la diminution des ressources publiques, ou
la création ou l’aggravation d’une charge publique.
Les projets et propositions de loi sont formulés par écrit, précédés
d’un titre et d’un exposé des motifs. Le texte législatif est rédigé en
articles. Lorsqu’une même matière fait l’objet de plusieurs initiatives, le
Bureau donne priorité soit au texte antérieur en date soit au texte le
mieux élaboré. Le Bureau peut, après avoir pris l’avis de leurs auteurs,

1 Art. 82, Loi organique du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence


et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif.
2 Voir par ex., Art. 124 Al. 3, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
3 Art. 130 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
4 Lire par ex. Art. 115, Règlement intérieur du Sénat.
5 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 674.
6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 886.

212
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

compléter ou corriger une proposition incomplète ou mal formulée ou


fusionner plusieurs propositions de même nature1.
Les propositions de lois déclarées recevables et les projets de loi
sont inscrits au calendrier des travaux de la session par la Conférence
des Présidents2.

b. L'examen en commission

A moins que l’Assemblée plénière n’en décide autrement, une fois


inscrits au calendrier, les projets ou les propositions de loi sont envoyés, pour
examen, à la Commission ou Sous-commission compétente3.
La commission désigne un rapporteur. Elle examine l'initiative, elle
peut organiser des auditions. Des amendements peuvent y être proposés.
Après quoi, la commission pourra conclure ou non au rejet du texte. Il faut
souligner que la commission n’a qu’un pouvoir de proposition4.

c. Le droit d'amendement

Un amendement est une proposition de modification du texte soumis à la


délibération d’une assemblée5.
Tout parlementaire peut présenter ses amendements ou sous-
amendements aux textes en discussion. Les membres du Gouvernement ont le
droit de proposer des amendements aux propositions de loi en discussion, mais ils ne
participent pas au vote.
Les amendements et les sous-amendements sont formulés par écrit,
signés et déposés, selon le cas, au Bureau de l’Assemblée nationale, de la
commission ou de la sous-commission, au moins 24 heures avant la
discussion générale, sauf cas d’urgence6.

1 Art. 123, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 113, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 127, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 116, Règlement

intérieur du Sénat.
3 Art. 128, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 118, Règlement

intérieur du Sénat.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 886.
5 P. AVRIL et J. GICQUEL, op. cit., p. 7.
6 Art. 133, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 124, Règlement

intérieur du Sénat.

213
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les amendements des parlementaires sont soumis au même examen


de recevabilité que celui des propositions de loi, sur le point de leur impact
financier. En effet, de même que les propositions de lois, les
amendements formulés par les membres de l’Assemblée nationale ou du
Sénat ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour
conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la
création ou l’aggravation d’une charge publique, à moins qu’ils ne soient
assortis de propositions dégageant les recettes ou les économies
correspondantes1.

2. Adoption de la loi

Lorsque l’Assemblée nationale ou le Sénat est saisie par le


Gouvernement, la discussion des projets de loi porte sur les textes déposés par ce
dernier. Lorsqu'une chambre est saisie d'un texte déjà voté par l'autre
chambre, elle ne délibère que sur le texte qui lui est transmis par cette dernière2.
La discussion des projets et propositions de loi comporte un débat
général et une discussion article par article3.

a. La discussion générale

La discussion générale est la phase politique du débat. Elle doit


permettre aux parlementaires et au Gouvernement de faire connaître
leurs opinions sur le texte.
Le débat général s’engage après la présentation de l’exposé des motifs par
le Gouvernement ou par l’auteur de la proposition et/ou du rapport de la Commission
compétente. Il se termine soit par l’adoption de principe de l’ensemble du texte
proposé, soit par le renvoi de la proposition à son auteur, soit par une résolution
de renvoi à une Commission saisie du fond, soit par la non adoption4.
Lorsqu’une Commission saisie d’un projet ou d’une proposition de
loi conclut à la non adoption de celui-ci, le Président de la chambre invite

1 Art. 134, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 128, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 121, Règlement
intérieur du Sénat.
3 Art. 129 Al. 1, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 122 Al. 1,

Règlement intérieur du Sénat.


4 Art. 129, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 122, Règlement

intérieur du Sénat.

214
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l’Assemblée plénière aussitôt après la clôture du débat général à se


prononcer par vote, sur le rejet du texte ou son renvoi en commission1.

b. La discussion article par article

L’examen des articles porte successivement sur chacun d’eux. Chaque article
est mis aux voix séparément.
Si un article fait l’objet d’un ou de plusieurs amendements, il est
procédé de la manière suivante : le Rapporteur donne lecture des ou de
l’amendement ou du sous-amendement ; le Président de la Commission
donne la suite réservée à l’amendement ; si l’auteur de l’amendement
n’est pas satisfait, il défend le bien-fondé de sa proposition ; si nécessaire
la Commission donne encore des précisions ; l’amendement ou le sous-
amendement est mis aux voix. Cependant, le Président apprécie
l’opportunité d’ouvrir un débat avant de mettre l’amendement ou le sous
amendement aux voix2.

c. La recherche de l'accord entre les deux chambres

Rappelons que la Constitution congolaise a mis en place un


bicamérisme. Le parlement est composé de deux chambres aux
attributions en principe identiques. Elles délibèrent communément et
successivement sur les initiatives législatives, ce qui peut permettre une
amélioration de la qualité de la loi. Une procédure de conciliation est
mise en place en cas de désaccord entre les deux chambres. Cela dit, le
bicamérisme est inégalitaire, car le désaccord peut être surmonté par
l'Assemblée nationale.
La navette renvoie au va-et-vient d’un texte législatif entre les deux assemblées
jusqu’à l’adoption conforme de toutes ses dispositions3. La Constitution dispose
que « tout projet ou toute proposition de loi est examiné successivement par les deux
chambres en vue de l’adoption d’un texte identique »4.
Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux Chambres, un
projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après une lecture par

1 Art. 130, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 123, Règlement


intérieur du Sénat.
2 Art. 131, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art. 124, Règlement

intérieur du Sénat.
3 P. AVRIL et J. GICQUEL, op. cit., p. 99.
4 Art. 135 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.

215
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

chaque Chambre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte


sur les dispositions restant en discussion est mise en place par les deux Bureaux1. La
mise en place de cette commission est une obligation à l'égard des
bureaux des chambres. Elle se fait après une lecture.
Le texte élaboré par la Commission mixte paritaire est soumis pour
adoption aux deux Chambres. Si la Commission mixte paritaire ne parvient
pas à l’adoption d’un texte unique ou si ce texte n’est pas approuvé par
les deux chambres, l’Assemblée nationale statue définitivement2. Il s'agit ici plus
d'une obligation que d'une prérogative.
Lorsqu'elle statue définitivement, l’Assemblée nationale peut
reprendre soit le texte élaboré par la Commission mixte paritaire — qui a été rejeté
—, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou
plusieurs des amendements adoptés par le Sénat3.

3. Promulgation de la loi

La promulgation est l'acte par lequel le chef de l’État atteste l’existence de


la loi et donne l’ordre aux autorités publiques de l’observer et de la faire observer, la
rendant ainsi exécutoire4. En signant l'ordonnance de promulgation
(contresignée par le Premier Ministre), le Président de la République
atteste par là même que la loi a été adoptée conformément aux
procédures constitutionnelles requises à cette fin et qu'elle peut être
publiée et donc entrer en vigueur et être appliquée5.
Dans les six jours de son adoption, la loi est transmise au Président
de la République pour sa promulgation. Le Premier ministre en reçoit
ampliation6. Cette transmission peut émaner, soit du Président de la
dernière Chambre qui a adopté le texte en des termes identiques, soit,
des Présidents des deux Chambres lorsque le texte élaboré par la
commission mixte paritaire a été voté par les deux Chambres, soit
encore, par le Président de l’Assemblée nationale si celle-ci a statué
définitivement7.

1 Art. 135 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 135 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 135 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
4 P. AVRIL et J. GICQUEL, op. cit., p. 114.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 902.
6 Art. 136, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 135, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.

216
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La promulgation de la loi peut être différée dans deux hypothèses : la


première concerne la saisine de la Cour constitutionnelle par le Président de
la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale,
le Président du Sénat ou le dixième des députés ou des sénateurs aux fins
de vérifier sa conformité à la Constitution1. Dans ce cas, la Cour
constitutionnelle statue dans le délai de trente jours. Toutefois, ce délai
est ramené à huit jours, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence2.
Une décision de non-conformité rendue par la Cour empêche
définitivement la promulgation de la loi par le Président de la
République. En cas de conformité partielle, et à condition que les
dispositions non-conformes soient jugées séparables, le Président peut,
soit, demander une seconde délibération de la loi, soit, promulguer la loi
sans la disposition inconstitutionnelle. Par contre, si elles sont jugées
inséparables, le Président ne peut promulguer la loi.
La seconde hypothèse renvoie à la possibilité pour le Président de
la République, dans un délai de quinze jours après la transmission, de
demander à l'Assemblée nationale ou au Sénat une nouvelle délibération de
la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être
refusée3. La nouvelle délibération peut être demandée pour assurer la
mise en conformité d’une loi préalablement déclarée partiellement
contraire à la Constitution4.
La demande est faite par ordonnance du Président de la
République. Le cas échéant, le Président de la chambre en informe
l’Assemblée plénière. Celle-ci décide de son examen directement en
plénière ou de son envoi en commission. Le texte soumis à une seconde
délibération est adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat soit sous la
forme initiale, soit après modification à la majorité absolue des membres
qui les composent5.
Cette prérogative ne doit pas être assimilée au droit de véto du
Président américain qui lui, nécessite une majorité des deux tiers pour
être surmonté, ce qui peut s'avérer très difficile à réunir, s'apparentant
ainsi à un véritable pouvoir de blocage.
Quinze jours après sa transmission, s'il ne demande pas de nouvelle
délibération, ou, quinze jours après l'adoption de cette nouvelle

1 Art. 160 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 160 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 137 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
4 C.C. fr., Décis. no 85-197 DC, 23 août 1985, Évolution de la Nouvelle-Calédonie II.
5 Art. 137 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

217
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

délibération, le Président promulgue la loi1. Le Président est ici dans une


compétence liée. Quoi qu'il en soit, à défaut de promulgation de la loi
par le Président de la République dans les délais constitutionnels, la
promulgation est de droit2.
Dans ce cas, le Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat ou
encore les deux — selon que le texte a été adopté à l'issue d'une
procédure mixte paritaire — transmettent au Journal officiel pour
publication, le texte adopté par les deux chambres législatives. Le
Président de la République et le Premier ministre en sont informés3.
Les lois sont revêtues du sceau de l’Etat et publiées au Journal
officiel4.

Point 2
Le contrôle parlementaire

« Le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale »5.


La responsabilité est un ensemble de mécanismes permettant de vérifier la
confiance dont jouit le Gouvernement auprès du Parlement6. Cette confiance, le
Parlement la lui accorde d'abord, par le canal de l'investiture7, qui permet
de doter le gouvernement de ses pleins pouvoirs. Cette confiance doit
être permanente et, pour la maintenir, le Parlement doit préalablement
s'informer auprès du Gouvernement, par un ensemble de moyens
d'information8. En cas de résultat négatif, le Parlement peut mettre en jeu la
responsabilité du Gouvernement ou d'un de ses membres, de sa propre initiative, par

1 Lire Art. 140 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 140 Al. 2, Constitution du 18 février 206
3 Art. 135, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
4 Art. 141, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 91 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.
6 P. AVRIL et J. GICQUEL, op. cit., p. 129. Voy. P. NORTON, « La nature du

contrôle parlementaire », in Pouvoirs, vol. 3, n° 134, 2010, pp. 5-22 ; A. LE


DIVELLEC, « Des effets du contrôle parlementaire », in Pouvoirs, n° 134, 2010,
pp. 123-129 ; P. MAIR, « Gouvernement représentatif v. gouvernement
responsable », in R.I.P.C., vol. 18, n° 2, 2011, pp. 149-164 ; E. THIERS, « Le
contrôle parlementaire et ses limites juridiques : un pouvoir presque sans
entraves », in Pouvoirs, vol. 3, n° 134, 2010, pp. 71-81 ; B. NABLI, « L'opposition
parlementaire : un contre-pouvoir politique saisi par le droit », in Pouvoirs, vol. 1,
n° 133, 2010, pp. 125-141.
7 Lire Art. 90, Constitution du 18 février 2006.
8 Lire Art. 138, Constitution du 18 février 2006.

218
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

une motion de censure ou de défiance selon le cas, ou même, de l'initiative


gouvernementale, le Gouvernement désirant vérifier la confiance de
l'organe parlementaire1. Le bicamérisme congolais, inégalitaire, fait de
l'Assemblée nationale le seul organe capable de mettre en jeu la responsabilité du
Gouvernement. Toutefois, le Sénat participe également au contrôle de
l'action gouvernementale2. Dans le contrôle de l'action
gouvernementale, on distingue les moyens d'information ou contrôle-
information, et la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale
proprement dite ou contrôle-sanction.

A. Le contrôle-information

Le contrôle-information désigne l’ensemble des procédures de contrôle qui


n’entraînent par elles-mêmes aucune sanction à l’égard du gouvernement ou d’un
ministre3. Les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée
nationale ou du Sénat, sur le Gouvernement, les entreprises publiques,
les établissements et services publics sont : la question orale ou écrite
avec ou sans débat non suivie de vote ; la question d’actualité ;
l’interpellation ; la commission d’enquête ; l’audition par les
Commissions. Ces moyens de contrôle peuvent donner lieu donnent lieu, le cas
échéant, à une motion de censure ou de défiance.

1. Les questions

La question parlementaire est l’acte par lequel un député ou un sénateur


requiert les informations d’un membre du Gouvernement ou d’un gestionnaire d’une
entreprise publique, d’un établissement ou service public. Les questions
parlementaires comprennent : la question orale, la question écrite et la
question d’actualité4.
La question parlementaire ne peut être posée que par un seul député
ou sénateur, et à un seul responsable compétent. Aucun député ou sénateur ne
peut adresser à la fois plusieurs questions à plusieurs Ministres ou
mandataires publics attitrés. Lorsque la question orale ou écrite porte sur

1 Lire Art. 146 & 147, Constitution du 18 février 2006.


2 Lire Art. 100, Constitution du 18 février 2006.
3 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 613.
4 Lire Art. 153 et suivants, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art.

149 et suivants, Règlement intérieur du Sénat.

219
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

la politique générale du gouvernement, elle est adressée au Premier


Ministre.
La question doit être libellée clairement et avec concision, signée, et ne
doit contenir aucune imputation d’ordre personnel à l’égard des tiers
nommément désignés. Elle ne doit pas être de nature à porter préjudice
à l’intérêt général. Ces différents motifs, ajoutés à cela les problèmes
personnels, ou les questions au contenu dont l'objet est le même que
celui d’un débat en cours ou qui va avoir lieu, constituent des causes
d'irrecevabilité de la question.
Le bureau juge la recevabilité d'une question. La question est déposée
auprès du bureau de la chambre qui, après l'avoir jugée recevable, la
transmet à qui de droit dans le délai de sept jours à compter de son dépôt.
En cas d’irrecevabilité, les causes en sont immédiatement notifiées à
l’auteur de la question. Le Bureau de la chambre peut décider de la fusion
des questions orales ou écrites portant sur des sujets identiques ou
connexes. Dans ce cas, le Bureau retient comme auteur, celui du texte
antérieur ou du texte le mieux élaboré. Le Bureau peut, en outre,
demander à l’auteur d’une question orale ou écrite de la retirer si elle a
déjà fait antérieurement l’objet d’une réponse orale ou écrite.
Nul ne peut se soustraire à l’obligation de répondre à la question orale ou écrite
posée par le député ou sénateur, quitte à s'exposer à une motion de censure
ou de défiance. L’auteur d’une question orale ou écrite qui n’est pas
satisfait de la réponse donnée peut la transformer en interpellation.

a. La question écrite

La question écrite peut être posée pendant ou en dehors des sessions. Le


membre du Gouvernement, le représentant de l’entreprise publique, de
l’établissement ou du service public saisi de la question écrite envoie sa
réponse au Bureau de la chambre endéans quinze jours à dater de la
réception de la question. Si la réponse ne parvient pas au Bureau dans ce
délai, la question écrite fait l’objet d’une interpellation.

b. La question orale avec ou sans débat

Par contre, la question orale ne peut être posée qu’en session ordinaire, ce
qui nécessite son inscription à l'ordre du jour par la conférence des
présidents. Elle peut ou non donner lieu à un débat, selon la volonté de son
auteur, exprimée dans sa lettre transmise au concerné.

220
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La question orale sans débat permet un dialogue entre un parlementaire


et le concerné sans intervention extérieure. Le membre du Gouvernement ou le
gestionnaire de l’entreprise publique, de l’établissement ou du service
public répond oralement à la question posée en séance plénière à la date
fixée par le Bureau et, dans tous les cas, au plus tard dans les quinze jours
qui suivent la réception du texte par le destinataire. Le débat n’est suivi
d’aucun vote.
Pour le cas d'une question orale sans débat, l'auteur de la question
expose celle-ci en plénière pendant une durée qui ne peut dépasser dix
minutes. Le membre du Gouvernement ou le gestionnaire de l’entreprise
publique, de l’établissement ou du service public dispose de vingt
minutes au maximum pour donner sa réponse. Après celle-ci, le
Président donne la parole à l’auteur de la question pour conclure pendant
vingt minutes.
Lorsque la question orale donne lieu à un débat, le Président de
séance, après l’exposé de l’auteur de la question et la réponse du membre
du Gouvernement ou du gestionnaire de l’entreprise publique, de
l’établissement ou du service public, organise le débat au vu de la liste des
orateurs inscrits et donne la parole à chacun d’eux pour le temps de parole
qu’il impartit et qui ne peut dépasser cinq minutes.
L’auteur de la question ouvre le débat. Après la réplique du membre
du Gouvernement ou du gestionnaire de l’entreprise publique, de
l’établissement ou du service public, le Président redonne la parole à
l’auteur de la question pour conclure pendant vingt minutes.

c. La question d'actualité

La question d’actualité désigne toute demande d’information sur un


problème de l’heure qui touche à l’intérêt national ou qui appelle des éclaircissements.
Tout parlementaire peut la poser pendant la session ordinaire ou extraordinaire,
il doit aussi faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour.

2. L'interpellation

L’interpellation est une demande d’explication adressée au


Gouvernement ou à ses membres, aux gestionnaires des entreprises
publiques, des établissements et des services publics les invitant à se

221
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

justifier, selon le cas, sur l’exercice de leur autorité ou sur la gestion d’une
entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public1.
Elle peut être initiée à tout moment de la session ordinaire. En session
extraordinaire, l’interpellation ne peut avoir lieu que si elle est
préalablement inscrite à l’ordre du jour fixé dans l’acte de convocation.
Le député ou sénateur qui se propose d’interpeller fait connaître au
Bureau de sa chambre l’objet de son interpellation par une déclaration
écrite. Le Bureau de l’Assemblée nationale inscrit l’interpellation à
l’ordre du jour de la séance la plus proche, au cours de laquelle son auteur
est invité à en exposer le contenu et les motifs à l’Assemblée plénière. Si
l’objet de l’interpellation est approuvé, elle est inscrite en priorité au
calendrier des travaux.
L’interpellé se présente devant l’Assemblée nationale ou le Sénat
dans le délai de huit jours francs à dater de la notification de l’interpellation.
Si l’objet de l’interpellation concerne la politique générale du
Gouvernement, le Premier Ministre est chargé d’y répondre.
A la plénière programmée à cet effet, l’interpellé donne ses
explications après l’exposé de l’interpellateur. Le Président ouvre le débat
en invitant les parlementaires inscrits à faire leurs interventions. Ces
interventions sont suivies par la réponse en réplique de l’interpellé. Le
débat est clos par la dernière réplique de l’interpellateur.
Les conclusions du débat comportant, le cas échéant, les recommandations ou
les motions, font l’objet d’un rapport approuvé par la plénière et transmis,
selon le cas, au Président de la République, au Premier ministre, au
Ministre de tutelle par le Bureau de l’Assemblée nationale dans les
soixante-douze heures suivant la clôture du débat.

3. La commission d'enquête

La commission d’enquête est une commission spéciale ayant pour objet


de recueillir les éléments d’information les plus complets sur des faits déterminés dont
l’Assemblée nationale ou le Sénat n’est pas ou est insuffisamment éclairée et de
soumettre ses conclusions à la plénière. Elle peut aussi être chargée d’examiner
la gestion administrative, financière et technique du Gouvernement, d’une
entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public2.

1 Lire Art. 171 et suivants, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art.


167 et suivants, Règlement intérieur du Sénat.
2 Lire Art. 178 et suivants, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art.

174 et suivants, Règlement intérieur du Sénat.

222
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La proposition ou la demande de création de la commission


d’enquête détermine avec précision les faits qui donnent lieu à l’enquête
et le ministère, l’entreprise publique, l’établissement ou le service public
dont la gestion est à examiner. Elle est déposée au Bureau de la chambre
qui en saisit la plénière au plus tard dans les sept jours du dépôt.
La commission d’enquête est créée par une résolution de l’Assemblée
plénière sur proposition d’un parlementaire, d’un groupe parlementaire, d’une
commission permanente, du Bureau de la chambre, ou à la demande du Premier
ministre. Elle peut être créée en toute session de l’Assemblée nationale ou
du Sénat. En dehors des sessions et en cas d’urgence, le Bureau de la
chambre exerce cette prérogative, à charge d’en informer l’Assemblée
plénière à sa prochaine session.
L’Assemblée plénière détermine l’objet de la mission, le nombre de
membres de la commission d’enquête et la durée de la mission au regard
du volume de travail à effectuer et de l’urgence de l’enquête demandée.
Cette durée ne peut excéder deux mois, sauf dérogation expresse de
l’Assemblée plénière.
Le Président de la chambre nomme les membres de la commission
d’enquête sur proposition des Groupes parlementaires et des non-
inscrits dans le délai de soixante-douze heures à compter de la création
de la commission. Leur nombre ne peut dépasser quinze membres.
Toutefois, nul ne peut faire partie d’une commission d’enquête dont
l’objet concerne, son groupe parlementaire, son parti politique, son
association, sa propre personne, ses intérêts ou ceux d’un parent ou allié.
Le député ou sénateur qui cesse d’appartenir au Groupe parlementaire
dont il était membre au moment de sa nomination, cesse d’être membre
de la commission d’enquête. Le Groupe parlementaire qui l’a désigné
pourvoit à son remplacement.
La commission est régie par le principe du secret. Toutes ses
réunions ainsi que les séances de l’Assemblée plénière y relatives se
tiennent à huis clos. Les membres de la commission d’enquête ainsi que
ceux qui, à quelque titre que ce soit, assistent ou participent aux travaux
de ladite commission, sont tenus au secret des délibérations. Cette
obligation s’étend également à tous documents et informations auxquels
ils ont accédé au cours de l’enquête.
La commission d’enquête dispose des pouvoirs les plus larges pour
entendre toute personne dont elle juge l’audition utile. La personne
invitée a l’obligation de déférer à l’invitation qui lui est adressée sous
peine des poursuites judiciaires. A cet effet, le Président de la
commission d’enquête ou son remplaçant introduit une requête auprès

223
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de l’autorité judiciaire compétente. La commission d’enquête ou


l’Assemblée plénière peut déférer en justice les auteurs des faits
répréhensibles constatés lors de l’enquête. A cet effet, le Président de la
commission d’enquête ou le Président de la chambre saisit l’autorité
judiciaire compétente conformément à la loi.
Sauf reconduction ou prorogation par l’Assemblée plénière, la
mission de la commission d’enquête prend fin à l’expiration de la durée lui impartie.
La commission dépose son rapport au Bureau de la chambre dans les
dix jours suivant la fin de sa mission. Le rapport est soumis pour
délibération à l’Assemblée plénière. Toutefois, lorsque la commission est
créée en dehors de session, le Bureau de l’Assemblée nationale délibère
sur le rapport de la commission d’enquête.
Le rapport de la commission d’enquête assorti de recommandations ou de
résolutions de l’Assemblée plénière ou du Bureau, est transmis, selon le cas, au
Président de la République, au Premier ministre ou au Ministre de tutelle. Au cas
où les recommandations contiennent des propositions de sanctions et
que dans les trente jours qui suivent la transmission du rapport au
Président de la République, au Premier ministre ou au Ministre de tutelle,
ces sanctions ne sont pas prises, le Président de l’Assemblée nationale
ou du Sénat saisit l’autorité judiciaire compétente.

4. L'audition par les commissions permanentes

En sus de leurs attributions législatives, les Commissions


permanentes assurent, dans les limites de leurs spécialités respectives,
l’information de la chambre aux fins de l’exercice de son contrôle sur la politique
du Gouvernement et la gestion des entreprises publiques, des
établissements et des services publics, par l’audition des membres du
Gouvernement et des gestionnaires de ces entreprises, établissements et services publics1.
La demande d’audition est introduite par le Président de la
commission concernée auprès du Bureau de la chambre qui la transmet
au concerné. L’objet de l’audition est purement informatif.
La chambre peut demander à une de ses Commissions
permanentes de procéder à l’audition des membres du Gouvernement
ou des gestionnaires des entreprises, des Etablissements ou services
publics dans le cadre d’une pétition dont elle est saisie en vertu de l’article
27 de la Constitution.

1Lire Art. 189 et suivants, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ; Art.


183 et suivants, Règlement intérieur du Sénat.

224
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Dans le cadre de leur rôle d’information de l’Assemblée nationale,


les Commissions permanentes peuvent confier à certains de leurs
membres, une mission d’information au pays ou à l’étranger pour une
durée qui ne peut dépasser quinze jours. La mission d’information au
pays ne peut comprendre plus de cinq membres. Ce nombre est réduit à
trois pour une mission d’information à l’étranger. Si la mission est
commune à plusieurs Commissions permanentes, les nombres ci-dessus
peuvent être augmentés sans qu’ils n’excèdent le double dans chaque cas.
Le Président de la Commission introduit la demande auprès du Bureau
de la chambre en indiquant l’objet, les membres, le lieu et la durée de la
mission.
Les auditions en Commissions et les missions d’information
donnent lieu aux rapports d’information qui sont distribués aux députés.
Toutefois, le rapport, par suite d’une pétition peut donner lieu à un débat
sur décision de la Conférence des Présidents. Dans ce cas, le débat se
déroule selon la procédure prévue pour les questions orales, le Président
de commission faisant office de l’auteur de la question.
L'usage de chacun de ces moyens d'information est rendu public
par l'Assemblée nationale ou le Sénat. Ces moyens peuvent aboutir à la
mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement.

B. La mise en jeu de la responsabilité


gouvernementale

L'Assemblée nationale peut mettre en jeu la responsabilité du


Gouvernement, soit de sa propre initiative, soit de celle des députés
nationaux, à travers trois mécanismes : l'engagement de la responsabilité
sur son programme ou sur une déclaration de politique générale,
l'engagement de responsabilité sur un texte, la motion de censure. Bien
que faisant l'objet de procédures différentes, ces mécanismes, s'ils sont
utilisés avec réussite par l'Assemblée nationale, aboutissent à une même
fin : la déchéance du gouvernement.

1. L'engagement de la responsabilité du
gouvernement sur son programme ou sur une
déclaration de politique générale

L'engagement de la responsabilité du gouvernement sur son


programme ou sur une déclaration de politique générale.

225
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

« Le Premier ministre peut (...) engager devant l’Assemblée nationale la


responsabilité du Gouvernement sur son programme (ou) sur une déclaration de
politique générale (...) »1. La manœuvre dite aussi « question de confiance », est
précédée d'une délibération du Conseil des ministres.
Le programme est un exposé de la politique, des intentions et des projets
d’un gouvernement2. La déclaration de politique générale est un acte par lequel
le chef du Gouvernement énonce des vues et des projets dont il demande l’approbation
à une assemblée parlementaire3.
Les sens sont très similaires, ce qui a poussé le conseil
constitutionnel français à considérer que la Constitution française « tend
à conférer une acception analogue » aux deux expressions4. On peut
toutefois dire que le programme se situerait lors de la formation du
Gouvernement et la déclaration de politique générale après une certaine
durée dans l'exercice des fonctions du Gouvernement5.
Bien que l'écriture constitutionnelle puit prêter à confusion à cause
de l'usage du verbe « pouvoir », pouvant laisser conclure au caractère
facultatif de la manœuvre, il faut toutefois faire la part des choses. En ce
qui concerne l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur
son programme, l'article 146 alinéa 1 doit être lié à l'article 90 alinéas 4
et 5. Dans ce dernier, on peut lire qu' « avant d’entrer en fonction, le Premier
ministre présente à l’Assemblée nationale le programme du Gouvernement, (et)
lorsque ce programme est approuvé, à la majorité absolue des membres qui composent
l’Assemblée nationale, celle-ci investit le Gouvernement »6. Là, la Constitution fait
ostensiblement usage du présent.
Il s'agit donc d'une obligation qui pèse sur le Premier Ministre, en
tout cas, d'une nécessité qui conditionne son investiture et partant, sa compétence
temporelle.
Cependant, quant à l'engagement de la responsabilité sur une
déclaration de politique générale, ce mécanisme lui, est facultatif.
La procédure veut que la Conférence des Présidents fixe le temps
global attribué aux groupes parlementaires7. Ce temps est reparti par le

1 Art. 146, Constitution du 18 février 2006.


2 G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, Paris, 2018, p. 1728.
3 Idem., p. 668.
4 C.C. fr., Décis. du 12 janvier 1977.
5 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 812 ; en ce sens, F. HAMON

et M. TROPER, op. cit., p. 626.


6 Art. 90 Al. 4 & 5, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 151 Al. 2-5, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.

226
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Président de l'Assemblée nationale entre les groupes parlementaires


proportionnellement à leur importance numérique. Sauf décision de la
Conférence des Présidents, l’orateur désigné par chaque groupe dispose
d’un temps de parole de trente minutes ; s’il y a lieu, le temps
supplémentaire est reparti par le groupe entre deux orateurs au plus,
disposant chacun d’un temps de cinq minutes au moins. Un temps de
parole de dix minutes est attribué à un seul député n’appartenant à aucun
groupe et qui s’est fait inscrire le premier dans le débat. Le Premier
ministre ou un membre du Gouvernement prend la parole le dernier
pour répondre aux orateurs qui sont intervenus.
Après le débat, si le programme est approuvé à la majorité absolue des
membres qui composent l'Assemblée nationale, le Gouvernement est investi. Au cas
contraire, il est d'office démissionnaire, et le Président de la République doit
en constituer un autre. Par contre, la déclaration de politique générale est
considéré comme adoptée, sauf si une motion de censure est votée1.

2. L'engagement de la responsabilité sur un texte

« Le Premier ministre peut engager devant l’Assemblée nationale la


responsabilité du Gouvernement (...) sur le vote d’un texte »2. La manœuvre
nécessite également une délibération en conseil des ministres.
Cette procédure combine question de confiance et motion de censure. Elle
est critiquée dans la mesure où elle conduit à priver l’Assemblée
nationale du pouvoir de discuter et d’amender, voire de voter la loi3.
L’annonce de l’engagement de responsabilité déclenche un engrenage
qui ne laisse que peu de liberté à l’Assemblée nationale4.
Le Premier Ministre le fait au cours du débat sur un projet de loi à
l’Assemblée nationale. Le débat est immédiatement suspendu pendant
24 heures. Si une motion de censure n’est pas déposée dans ce délai, le
texte est considéré comme adopté. Au cas où une motion de censure est
déposée dans le délai de 24 heures, elle suit la procédure normale. Si elle
est adoptée, le texte est rejeté. Mais si elle échoue, alors le texte est
considéré comme adopté5.

1 Art. 146 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 146 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
3 Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 815.
4 F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 628.
5 Lire Art. 146 Al. 4, Constitution du 18 février 2006 ; Art. 195, Règlement

intérieur de l'Assemblée nationale.

227
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En clair, il s'agit d'une prérogative du gouvernement pendant la


procédure législative, de suspendre les débats et de faire adopter le texte
sans que l'Assemblée nationale ne l'ait voté, ni même n'en ait discuté.
Pendant cette suspension de 24 heures, les députés ont deux choix : soit,
ne rien faire, et accepter tacitement le texte qui sera alors adopté ; soit,
déposer, avant l'expiration du délai de 24 heures, une motion de censure
contre le gouvernement. Dans ce cas, si cette motion réussit, alors le
texte est rejeté. Mais si elle échoue, et que l'Assemblée nationale ne
parvient pas à faire tomber le gouvernement, alors le texte est adopté et
le gouvernement maintenu. Dans tous les cas, quand elle choisit de
déposer une motion, l'Assemblée n'est pas à l'abri d'une dissolution.
C'est donc un couteau à double tranchant !
Cette procédure, très réductrice des droits du Parlement, mais
favorable à la stabilité gouvernementale, est inspirée de l'histoire
parlementaire française. Les pères fondateurs de la 5e République l'ont
mise en place en vue de lutter contre l’instabilité gouvernementale qui
sévissait avant la mise en place de la Constitution de 1958 et de son
parlementarisme rationnalisé.
En effet, il arrivait fréquemment sous la IVe République que, sans
mettre le gouvernement en minorité, l’Assemblée refusait d’adopter les
textes qu’il estimait nécessaires à sa politique. Sans doute, le
gouvernement n’était pas constitutionnellement renversé mais, ne
pouvant obtenir les moyens (la loi) de sa politique, il se retirait
spontanément1. Avec la règle dite du « quarante-neuf-trois »2, la situation
est différente : ou bien l’Assemblée prendra ouvertement l’initiative de
contraindre le gouvernement à démissionner et ce sera le vote de
censure, ou bien cette offensive n’aura pu réunir la majorité requise pour
être efficace et alors, non seulement le gouvernement restera en place,
mais encore le texte qu’il estimait nécessaire sera présumé adopté, alors
même qu’une majorité relative de députés y serait hostile.

3. La motion de censure ou de défiance

C'est l'hypothèse de la mise en jeu de la responsabilité du


gouvernement d'initiative parlementaire.
« L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement ou
d’un membre du Gouvernement par le vote d’une motion de censure ou de défiance

1 Lire F. HAMON et M. TROPER, op. cit., p. 629.


2 Voir Art. 49 Al. 3, Constitution française du 4 octobre 1958.

228
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

(...) »1. La motion de censure est l’acte par lequel l’Assemblée nationale met en
cause la responsabilité du Gouvernement tout entier ; tandis que la motion de
défiance est l’acte par lequel l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité
d’un membre du Gouvernement2. Précisions ici que ce membre du
Gouvernement est autre que le Premier ministre.
Le dépôt d’une motion de censure ou de défiance est constaté par
la remise, par ses signataires, au Président de l'Assemblée d’un document
intitulé « motion de censure » ou « motion de défiance»3. Il s'agit d'un
texte indiquant les raisons pour lesquelles les députés souhaitent la
démission du Gouvernement ou d'un de ses membres4.
La motion de censure contre le Gouvernement n’est recevable que si
elle est signée par un quart des membres de l’Assemblée nationale5, soit
125 députés. La motion de défiance contre un membre du
Gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un dixième des
membres de l’Assemblée nationale, soit 50 députés.
Pour permettre aux députés de voter en toute sérénité (et non sous
le coup de l'émotion, à l'issue d'un débat passionné) et pour permettre,
le cas échéant, au Gouvernement de convaincre quelques députés de sa
majorité réticents et d'organiser sa défense6, le débat et le vote ne
peuvent avoir lieu que quarante-huit heures après le dépôt de la motion7.
Le débat est organisé dans la même procédure que celle prévue
pour l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur son
programme ou une déclaration de politique générale8.
La motion de censure ou de défiance est adoptée à la majorité absolue
des membres composant l'Assemblée nationale9, soit un minimum de
251 députés. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de
censure ou de défiance. Cela induit qu'il faut réunir au moins 251
bulletins favorables au départ du gouvernement, attendu que les
bulletins défavorables, aussi bien que les bulletins blancs, ou nuls, sont
en fait présumés être favorables au gouvernement.

1 Art. 146 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 9, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
3 Art. 196, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 813.
5 Art. 146 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 813.
7 Art. 146 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 198, Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
9 Art. 146 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

229
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Si la motion de censure ou de défiance est rejetée, ses signataires ne


peuvent en proposer une nouvelle au cours de la même session (à
l'exclusion de celle liée à la procédure de l'engagement de la
responsabilité du gouvernement sur un texte).
Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure, le
Gouvernement tout entier est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Premier
ministre remet la démission du Gouvernement au Président de la
République dans les vingt-quatre heures. Lorsqu’une motion de défiance
contre un membre du Gouvernement est adoptée, celui-ci est réputé
démissionnaire1.

4. L'approbation par le Sénat d'une déclaration de


politique générale

Disons par ailleurs que « le Premier ministre a la faculté de demander au


Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale »2. En plus d'être
facultatif, cette procédure est sans conséquence majeure sur la vie du
Gouvernement qui, dans tous les cas, ne peut être déchu par le Sénat.

Point 3
Une catégorie particulière d'attributions législatives : les
attributions financières

Le Parlement est l'autorité budgétaire. Il vote le budget et contrôle son


exécution.
Le budget est un document contenant les prévisions des recettes et des dépenses
de l'État3. Il est inclus dans la loi des finances.
La loi de finances est l'acte par lequel sont prévues et autorisées, par le
Parlement, les ressources et les charges du pouvoir central pour un exercice budgétaire
donné4. Par elle sont recouvrées les recettes et assurées les dépenses,
nécessaires à la conduite de la politique budgétaire — ensemble de
mesures prises par les pouvoirs publics, relatives aux dépenses et aux
recettes de l'Etat, visant à atteindre certains équilibres et objectifs

1 Art. 147, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 146 Al. 5, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 3 point 4, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 Art. 3 point 30, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

230
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

macroéconomiques1 — qu'il a précédemment approuvée en investissant


le Gouvernement.
Une fois votée, la loi de finances est exécutée par le Gouvernement
sous le contrôle du Parlement. Fort est donc de constater, avec Jean
Jaurès2, que le budget « tient une terrible place dans la soupe
parlementaire et on n’en vient jamais à bout. Que fait la Chambre
aujourd’hui ? Elle discute le budget. Que faisait-elle hier ? Elle discutait
le budget. Que fera-t-elle demain ? Elle discutera le budget ».
La loi de finances comporte en réalité plusieurs types de lois,
obéissant à des principes particuliers tournés vers la poursuite d'une
meilleure gestion des finances publiques. Elle est votée par le Parlement
dans une procédure particulière. Elle contient les ressources et charges
publiques. Le Gouvernement l'exécute sous un triple contrôle
administratif, parlementaire et juridictionnel.

A. Définition et catégories des lois de finances

1. Définition de la loi de finances

« Les Lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat »3.
Elles déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation
des ressources et des charges de l'Etat compte tenu d'un équilibre
économique et financier qu'elles définissent. Elles tiennent compte des
priorités du Gouvernement inscrites dans son programme de
développement économique et social4. Elles sont en fait la forme législative
de l’acte budgétaire5.

1 Art. 3 point 31, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Cité par H. MESSAGE et alii., Lois de finances et lois de financement à l’Assemblée
nationale, Assemblée nationale, Paris, 2013, p. 7.
3 Art. 126, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 17, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
5 M. HOUSER, Les finances publiques aux concours, La documentation française,

Paris, 2016, p. 76.

231
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

2. Catégories des lois de finances

On distingue quatre catégories de lois de finances : la loi de finances


de l'année ; les lois de finances rectificatives ; la loi portant reddition des
comptes ; la loi portant ouverture de crédits provisoires1.

a. La loi de finances de l'année

La loi de finances de l’année ouvre un cycle budgétaire2 qui se complète


par des lois de finances rectificatives et s’achève par une loi de règlement.
La loi de finances de l'année contient, pour une année civile, toutes les
ressources et toutes les charges du pouvoir central qui traduisent, à travers
un document unique appelé budget du pouvoir central, le plan d'actions
du Gouvernement, ainsi que son évaluation en termes d'objectifs et de
résultats attendus3. Cette loi de finances est nécessairement prévisionnelle
et donc aléatoire4. Elle peut être modifiée en cours d’exercice budgétaire,
par une ou plusieurs lois de finances rectificatives.

b. La loi de finances rectificative

Le loi de finances rectificative est la seule qui peut, en cours


d'année, modifier certaines dispositions de la loi de finances de l'année5.
Une loi de finances rectificative intervient obligatoirement si les
grandes lignes de l’équilibre économique et financier défini par la loi de finances initiale
sont modifiées6.
La loi de finances rectificative contient les modifications des
dispositions de la loi initiale présentée en partie ou en totalité dans les
mêmes formes que la loi de finances de l'année7.

1 Art. 18, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques, Gualino, Paris, 2018, p. 31.
3 Art. 20, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques, op. cit., p. 31.
5 Art. 26, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
6 C-C. fr., Décis., 24 juill. 1991, Loi portant diverses dispositions d’ordre économique et

financier.
7 Art. 27, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

232
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

c. La loi portant reddition des comptes

La loi portant reddition des comptes constate les résultats définitifs de


l'exécution de la loi de finances de l'année à laquelle elle se rapporte et approuve les
différences entre les résultats et les prévisions de ladite loi complétée, le cas
échéant, par les lois de finances rectificatives1. Chaque année, elle arrête
le compte général du pouvoir central et règle définitivement le budget de
l'exercice précédent. Elle constate le montant des encaissements des recettes et des
dépenses payées se rapportant à une même année2.
Appelée autrement « loi de bilan »3, la loi portant reddition des
comptes constitue une catégorie à part dans le domaine des lois de
finances car, ce n’est pas une loi de prévision ni d’autorisation. Elle
permet de clore un exercice budgétaire en établissant tous les résultats
connus, aussi bien en recettes qu’en dépenses.
Son rôle est de permettre le contrôle par le Parlement de l’exécution du budget
par le pouvoir exécutif4.
La loi de règlement de l’année n est votée en n + 1, avant le débat
de la loi de finances de l’année n + 2.

d. La loi portant ouverture de crédits provisoires

La loi portant ouverture de crédits provisoires autorise le recouvrement


des recettes et l'engagement des dépenses nécessaires au fonctionnement minimum
des services publics, lorsque le Gouvernement n'a pas déposé le projet de loi de
finances de l'année en temps utile pour être promulgué avant le début de l'exercice ;
ou lorsque le projet de loi de finances voté en temps utile par le Parlement et transmis
pour promulgation avant l'ouverture du nouvel exercice budgétaire fait l'objet d'un
renvoi au Parlement par le Président de la République5.
Nous devons souligner ici que la loi de finances est une catégorie très
particulière de lois. Elle se distingue de la loi classique à plusieurs égards.
Notamment, la loi budgétaire ne peut être invoquée à l'appui d'un recours
en excès de pouvoir. Si le particulier peut demander au juge administratif
l'annulation d'un acte administratif à raison de son illégalité par rapport
à une loi classique, ce n'est pas le cas de la loi de finances.

1 Art. 28, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Art. 29, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 Lire M. HOUSER, op. cit., p. 68.
4 C-C. fr., Décis., 16 janv. 1986, Loi portant règlement définitif du budget de 1983.
5 Art. 31, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

233
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En effet, celle-ci ne fait qu'autoriser le Gouvernement à percevoir


les recettes et assurer les dépenses. Il ne s'agit nullement d'obligations,
mais plutôt d'habilitation1. C'est ce qu'explique Georges Vedel2 en disant
que « si la légalité budgétaire ne peut être invoquée par l’administration
et les administrés dans leurs relations mutuelles, c’est parce que le budget
régit les rapports internes de l’administration mais il ne s’applique pas
directement aux rapports de l’administration et des particuliers. La
régularité budgétaire est une affaire en quelque sorte intérieure à la vie
de l’administration. Ce qu’elle met en cause, c’est le respect par
l’administration des autorisations données par le Parlement ».
Il a par exemple été jugé qu’un fonctionnaire ne peut se prévaloir
contre l’administration d’un droit au maintien de son emploi en alléguant
que les crédits correspondants ont été prévus par la loi de finances3. De
même, une inscription budgétaire affectée à une compagnie déterminée,
ne lui confère aucun droit de créance envers l’État4. Ou encore, à
l'inverse, l’administration ne saurait se prévaloir d’une réduction ou
d’une suppression de crédits pour justifier une suppression d’emplois5

B. Les principes budgétaires

Six principes forment le soubassement du budget de l'État :


principe de l'annualité ; principe de l'unité ; principe de l'universalité ;
principe de la spécialité ; principe de la légalité des recettes et des
dépenses ; principe de la sincérité6.

1. L'annualité budgétaire

a. Le principe

Le principe d'annualité trouve sa source à l'article 172 de la


Constitution qui dispose que « l’exercice budgétaire commence le premier janvier

1 En ce sens, S. DAMAREY, Finances publiques, Gualino, Paris, 2008, p. 294.


2 Cité par S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 294.
3 C.E. fr., 26 juillet 1946, Valent Falendry.
4 C.E. fr., 31 janvier 1936, Compagnie générale aéropostale.
5 C.E. fr., 26 novembre 1954, Lota.
6 Art. 4, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

234
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

et se termine le 31 décembre »1. Il suppose que l’autorisation budgétaire


accordée par le Parlement le soit chaque année pour une année2.
Le principe suppose d'abord la règle de l'antériorité budgétaire. Le
consentement et l’autorisation du budget sont donnés avant le début de
l’exercice. Le budget de l’État est adopté au mois de décembre de l’année
précédant l’exercice3. Le projet de loi de finances de l’année, qui comprend
notamment le budget, est déposé par le Gouvernement au Bureau de
l’Assemblée Nationale au plus tard le quinze septembre de chaque
année4.
Il suppose ensuite que l’autorisation budgétaire accordée par le
Parlement le soit chaque année pour une année5. Elle induit une annualité de
l’autorisation budgétaire accordée par le Parlement et une annualité de
l’exécution comptable6. Les lois de finances sont votées avant l’année
sur laquelle elles portent et, d’autre part, elles ne valent autorisation que
pour une année7. En dépenses, il est, en principe, impossible d’opérer
une dépense sans crédit inscrit au budget ou dès lors que ces crédits sont
épuisés8.

b. Les aménagements

Cependant, le principe d’annualité subit des remises en cause de


deux ordres : une remise en cause infra-annuelle et une remise en cause
supra-annuelle.

i. La remise en cause infra-annuelle


Premièrement, si le contenu de la loi de finances a en principe une
validité annuelle, il n'est pas exclu que leur validité soit abrégée par une loi
de finances rectificative, dont nous avons parlé ci-dessus. Il s'agit là d'une
remise en cause infra-annuelle, car le contenu de la loi de finances initiale

1 Art. 172, Constitution du 18 février 2006 ; Art. 5, Loi n° 11/011 du 13 juillet


2011 relative aux finances publiques.
2 S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques, op. cit., p. 37.
3 D. CATTEAU, Droit budgétaire. Comptabilité publique, Hachette, Paris, 2016, p.

34.
4 Art. 126 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
5 S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques, op. cit., p. 37.
6 S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 400.
7 M. HOUSER, op. cit., p. 72.
8 D. CATTEAU, op. cit., p. 34.

235
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

seront annulés, pour un autre contenu apporté par une loi de finances
rectificative. La durée de la loi de finances initiale est abrégée.

ii. La remise en cause supra-annuelle


Par ailleurs, la remise en cause peut également être supra-annuelle.
Le contenu de la loi de finances, les recettes et les dépenses prévues
auront une validité dépassant la durée d'une année civile. Le premier cas
de figure est celui de la budgétisation pluriannuelle, consistant à prévoir les
recettes, les dépenses et le financement des opérations du pouvoir
central, des provinces et des entités territoriales décentralisées sur un
horizon de trois années. Ce cadrage budgétaire pluriannuel inclut le cadre
des dépenses à moyen terme1.
L'autre cas de figure concerne l'hypothèse de report de certains crédits
non utilisés. Les crédits de paiement non consommés à la fin de l'exercice
sur un programme et un titre déterminés sont reportés sur l'exercice
suivant sur le même programme et le même titre. Les arrêtés de report,
pris conjointement par le ministre ayant le budget dans ses attributions
et le ministre ou le responsable de l'institution intéressé interviennent au
plus tard le 31 mars de l'année suivant celle à la fin de laquelle la
disponibilité des autorisations des crédits de paiement a été constatée2.

2. L'unité et l'universalité budgétaires

Ces principes qui peuvent être considérés comme les deux faces de
la même pièce3, impliquent de présenter le budget de l’État de façon globale4.

a. Les principes

L'unité budgétaire suppose la présentation dans un document unique


du budget de l’État5, et non dans plusieurs documents éparpillés.
« Le pouvoir central, la province ou l'entité territoriale décentralisée
présente, chacun en ce qui le concerne et dans un document unique,
toutes les ressources et toutes les charges afférentes à une année. Le
budget de l'entité territoriale décentralisée est intégré en recettes et en

1 Art. 5, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.


2 Art. 53, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 M. HOUSER, op. cit., p. 77.
4 Idem.
5 S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques, op. cit., p. 42.

236
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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dépenses dans le budget de la province pour constituer le budget


provincial. Les budgets provinciaux sont consolidés avec le budget du
pouvoir central pour constituer le Budget de l'Etat »1.
En clair, il n'y a qu'un seul document contenant les recettes et les
dépenses de la collectivité. S'il s'agit de la province, ce document englobe
le budget des entités territoriales décentralisées en son sein. Et s'il s'agit
du pouvoir central, il englobe les budgets des provinces. Mais dans tous
les cas, ils ne sont présentés que dans un seul document contenant les
recettes et les dépenses de l'entité territoriale.
À côté, l'universalité budgétaire suppose la présentation intégrale des
recettes et des dépenses du budget de l’État2.
« Le montant intégral des produits est enregistré sans contraction
entre les recettes et les dépenses et, par conséquent, entre les dettes et
les créances. L'ensemble de recettes assure l'exécution de l'ensemble de
dépenses sans aucune affectation de leur produit à des dépenses
particulières »3. En clair, il n'y a pas de solde ou de la différence entre les
recettes et les dépenses.
Les principes d’unité et d’universalité budgétaires sont l’expression
d’objectifs similaires : éviter les gaspillages de deniers publics, assurer la mise en
commun des ressources de l’État, garantir la fiabilité et l’entièreté des informations
adressées aux parlementaires en vue du vote de la loi de finances4. Ils
répondent au double souci d’assurer la clarté des comptes de l’État et de
permettre par là même un contrôle efficace du Parlement5.

b. Le contenu

Le principe d'universalité induit deux sous-principes : la non-


affectation et la non-compensation.
La non-affectation interdit l’utilisation d’une recette déterminée pour
financer une dépense déterminée6. Toutes les dépenses d’un budget doivent
être couvertes par la masse commune des recettes7. Ainsi par exemple,

1 Art. 6, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.


2 S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques, op. cit., p. 42.
3 Art. 7, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 410.
5 C.C. fr., Décis., 29 déc. 1982, Loi de finances pour 1983.
6 M. HOUSER, op. cit., p. 78.
7 D. CATTEAU, op. cit., p. 34.

237
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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les recettes perçues des activités de la Gécamines ne sont pas


directement affectées aux dépenses du Grand Katanga.
Quant à elle, la non-compensation interdit la contraction entre une
dépense et une recette, aboutissant à diminuer le montant en volume des
dépenses et des recettes. Toutes les dépenses d’un budget doivent être
couvertes par la masse commune des recettes1. Toutes les recettes
doivent être fondues dans une caisse commune et on décide des
dépenses sans distinction d’origine des fonds.
La principale justification est un impératif de solidarité2 : nul ne doit
pouvoir prétendre assurer ou recevoir un financement particulier. On
reconnaît là le fondement traditionnel de l’impôt, défini comme un
prélèvement effectué « sans contrepartie » (individualisable). Une des
conséquences en est que le contribuable ne peut contester son
imposition en arguant du fait qu’il ne profite pas des dépenses.

c. Les aménagements

Les principes d'unité et d'universalité font l'objet d'aménagements.


Bien que la loi réitère qu' « aucune recette ne peut être affectée à une
dépense particulière, l'ensemble des recettes sert à la couverture de
l'ensemble des dépenses du budget du pouvoir central », elle relativise en
reconnaissant à la loi de finances la possibilité de « prévoir expressément
l'affectation de certaines recettes à certaines dépenses. Ces affectations prennent la
forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables
particulières au sein du budget général du pouvoir central »3. Les budgets annexes,
les comptes spéciaux, ainsi que d'autres procédures comptables
particuliers, constituent ainsi les exceptions aux principes d'unité et
d'universalité.

i. Les budgets annexes


Un budget annexe est un document reprenant les prévisions des
recettes et des dépenses d'un service auxiliaire de l'Etat dont l'activité tend
essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu à un paiement
sous forme de redevances4.

1 M. HOUSER, op. cit., p. 78.


2 Lire D. CATTEAU, op. cit., p. 38.
3 Art. 54, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 Art. 3 point 3, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Les budgets annexes retracent les seules opérations de certains


services du pouvoir central non dotés de la personnalité juridique s'adonnant
à titre principal à une activité de production de biens ou de prestations de services
rémunérés sous forme de redevances1.
Il s'agit de services publics du pouvoir central gérés en régie
indirecte, dont l'activité consiste en la production de biens ou de
prestations de services rémunérés sous forme de redevances.

ii. Les comptes spéciaux


Un compte spécial constitue un programme2. Un programme
regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un
ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère ou institution
et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction des
finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet
d'une évaluation au moyen d'indicateurs de performance3.
Les comptes spéciaux sont constitués des comptes d'affectation spéciale
et des comptes de concours financiers4.
Les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations budgétaires
financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe
avec les dépenses concernées5.
Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances
consentis par le pouvoir central à une personne physique ou morale. Un compte
distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs6.

iv. Procédures comptables particulières


Peuvent faire l'objet de procédures particulières permettant
d'assurer une affectation au sein du budget général, d'un budget annexe
ou d'un compte spécial : les fonds de concours ; les attributions de
produits ; le rétablissement de crédits7.
Les fonds de concours sont constitués de ressources mises à disposition de
l’État et dont la particularité réside dans le fait qu’elles doivent être utilisées

1 Art. 56, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Art. 59, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 Art. 43, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 Art. 60, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
5 Art. 62, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
6 Art. 66, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
7 Art. 69, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

239
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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conformément à l’intention de la partie versante1. Les fonds de concours sont


constitués, d'une part, par des fonds à caractère non fiscal versés par des
personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d'intérêt
public et, d'autre part, par les produits de legs et donations attribués au
pouvoir central. Ils sont directement portés en recettes au budget
général, au budget annexe ou au compte spécial considéré2. La loi
souligne que « l'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante
»3.
Les attributions de produits permettent d’affecter à un service de l’État, les
recettes tirées des prestations qu’il fournit4. Les attributions de produits peuvent
concerner les recettes tirées de la rémunération des prestations
régulièrement fournies par un service du pouvoir central5.
La technique des rétablissements de crédits permet de rétablir la situation
comptable telle qu’elle figurait initialement6. Elle s'applique aux recettes
provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à
titre provisoire sur crédits budgétaires et aux recettes provenant de
cessions de biens et services réalisées conformément à la législation en
vigueur7.

3. La spécialité budgétaire

Le principe de spécialité suppose une présentation des crédits


budgétaires à un niveau de détail qui s’imposera en termes d’exécution8.
Les crédits sont spécialisés par grande nature de dépenses ou titres9.
Les dépenses courantes sont groupées sous six titres ou grandes natures
à savoir : la dette publique en capital ; les frais financiers ; les dépenses
de personnel ; les biens et matériels ; les dépenses de prestations ; les
transferts et interventions10.

1 S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 412.


2 Art. 70, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 Art. 71, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 421.
5 Art. 72, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
6 S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 421.
7 Art. 73, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
8 S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 442.
9 Art. 8, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
10 Art. 37, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

240
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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On dira avec Didier Migaud1, que « le principe de spécialité des


crédits (est une) garantie fondamentale de l’information du Parlement et
de la rigueur de la gestion ».
Cependant, virements et transferts peuvent être opérée d'un programme à un
autre en cours d'exercice. En effet, des virements et transferts de crédits
peuvent intervenir en cours d'exercice pour modifier la répartition
initiale des crédits ouverts pour les programmes dûment créés.
Toutefois, aucun virement ni transfert de crédit ne peut être opéré entre
budgets annexes, comptes spéciaux, procédures comptables particulières
entre eux, en leur sein, ou entre eux et le budget principal2.
Des transferts de crédits peuvent être opérés entre les programmes
d'un même ministère ou d'une même Institution. Ils concernent les titres
de même nature repris dans chacun des programmes3. Des transferts de
crédits peuvent être effectués entre programmes de différents ministères
ou institutions. Ces transferts concernent les crédits destinés à financer
certaines actions d'un programme4.
Par contre, les crédits ouverts au titre des dépenses de personnel
d'un programme constituent le plafond des dépenses de cette nature
pour lesquelles le montant des autorisations d'engagement annuelles
ouvertes est égal au montant des crédits de paiement ouverts. Ils sont
assortis de plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par le pouvoir
central. Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit du
titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre5.

4. La légalité des recettes et des dépenses

Il ne peut être établi d'impôts que par la loi6. De même, il ne peut être
établi d'exemption ou d'allégement fiscal qu'en vertu de la loi. Les règles
relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des
impositions de toute nature sont fixées par la loi7.
Par ailleurs, aucune dépense ne peut être exécutée : si elle ne rentre
pas dans les compétences du pouvoir central, des provinces ou des

1 Cité par S. DAMAREY, Finances publiques, op. cit., p. 442.


2 Art. 54-66, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 Art. 48, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 Art. 49, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
5 Art. 51, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
6 Art. 9 Al. 1, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
7 Art. 9 Al. 2, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

241
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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entités territoriales décentralisées telles que définies dans la Constitution


et la loi ; si elle n'a pas été définie par un texte régulièrement adopté et
publié par l'autorité compétente ; si les crédits nécessaires ne sont pas
disponibles au budget ; si elle correspond à des opérations financées en
tout ou partie sur ressources extérieures pour lesquelles la mobilisation
des fonds y relatifs n'est pas effective1.

5. La sincérité budgétaire

Le principe de sincérité implique l’exhaustivité, la cohérence et


l’exactitude des informations financières fournies par l’État2. Le budget du
pouvoir central, de la province ou de l'entité territoriale décentralisée
présente « de façon sincère » l'ensemble de leurs ressources et de leurs
charges.
Cette sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des
prévisions qui en découlent3.
En clair, il ne doit pas y avoir de surévaluation, ni de sous-
évaluation des recettes ou des dépenses. Ce principe de sincérité permet
d’envisager qu’une loi de finances puisse être censurée dès lors que peut
être établie l’intention du Gouvernement de fausser les grandes lignes de
l’équilibre budgétaire4.

C. Le contenu des lois de finances : les recettes et


les dépenses publiques

« Les ressources et les charges budgétaires sont retracées dans le budget sous
forme de recettes et de dépenses »5.

1. Les recettes publiques6

Les ressources budgétaires sont regroupées sous un même titre.


Elles comprennent des ressources internes et des ressources extérieures.

1 Art. 10, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 F. WASERMAN, Les finances publiques, La documentation française, Paris, 2016,
p. 27.
3 Art. 11, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 D. CATTEAU, op. cit., p. 58.
5 Art. 33, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
6 Lire Art. 34, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Les ressources internes sont composées de recettes courantes, de


recettes en capital et de recettes exceptionnelles.
Les recettes courantes sont le produit des impôts et taxes relevant
de la fiscalité directe et indirecte ; le revenu du domaine et des
participations financières et de ses autres actifs et droits, notamment la
part du pouvoir central dans le bénéfice des entreprises publiques ; le
produit des recettes administratives et judiciaires, des redevances et des
taxes rémunératoires des services rendus ; le produit des amendes ; les
produits divers.
Les recettes en capital sont le produit des cessions du domaine ; le
produit des cessions de ses participations financières ainsi que de ses
autres actifs et droits.
Les recettes exceptionnelles sont les dons et legs intérieurs courants
pour les dépenses courantes ; les dons et legs intérieurs projets pour les
dépenses d'investissement ; le remboursement des prêts et avances ; le
produit des emprunts intérieurs.
Les ressources extérieures sont composées de recettes
exceptionnelles qui sont les dons et legs extérieurs courants pour les
dépenses courantes ; les dons et legs extérieurs projets pour les dépenses
d'investissement ; les tirages sur emprunts extérieurs.
À titre exemplatif, le budget du pouvoir central de l’exercice 2020
était présenté en équilibre, en recettes et en dépenses, à 16.895,8 milliards
de FC, représentant un taux d’accroissement de 63,2% par rapport aux
prévisions budgétaires de l’exercice 2019 arrêtées à 10.352,3 milliards de
FC1.
Les recettes de l’ordre de 16.895,8 milliards de FC étaient
constituées des recettes du budget général de 15.584,8 milliards de FC,
des recettes des budgets annexes de 305,4 milliards de FC et des recettes
des comptes spéciaux de 1.005,5 milliards de FC.
Les recettes du budget général comprenaient les recettes internes
de 13.205,8 milliards de FC et les recettes extérieures de 2.378,9 milliards
de FC, représentant respectivement 84,7% et 15,3% du budget général.
Les recettes internes accusaient un taux d’accroissement de 56,4% par
rapport à leur niveau de l’exercice 2019 arrêté à 8.443,9 milliards de FC.
Elles étaient constituées des recettes courantes d’un import de 13.025,8
milliards de FC et des recettes exceptionnelles de 180,0 milliards de FC.
Les recettes courantes étaient réparties de la manière suivante : 4.506,5
milliards de FC pour les recettes des douanes et accises ; 6.046,9 milliards

1 Lire exposé des motifs, projet de loi de finances de l’exercice 2020.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de FC pour les recettes des impôts ; 2.040,4 milliards de FC pour les


recettes non fiscales ; 432,0 milliards de FC pour les recettes des
pétroliers producteurs. Les recettes exceptionnelles étaient évaluées à
180,0 milliards de FC.
Les recettes extérieures se chiffraient à 2.378,9 milliards de FC.
Elles étaient constituées des recettes d’appuis budgétaires de 843,7
milliards de FC et des recettes de financement des investissements de
1.535,3 milliards de FC. Les recettes d’appuis budgétaires se chiffraient
à 843,7 milliards de FC au titre de dons budgétaires attendus
essentiellement de la Banque Mondiale. Les recettes de financement des
investissements s’élevaient à 1.535,3 milliards de FC dont 1.181,2
milliards de FC au titre des dons projets et 354,1 milliards de FC au titre
d’emprunts projets. Elles seraient financées par les différents partenaires
bilatéraux et multilatéraux de la RDC.
Les recettes des budgets annexes se chiffraient à 305,4 milliards de
FC contre 169,7 milliards de FC en 2019, soit un taux d’accroissement
de 80,0%. Elles renfermaient essentiellement les actes générateurs des
opérations des établissements publics d’enseignement supérieur et
universitaire ainsi que ceux des hôpitaux généraux de référence.
Les recettes des comptes spéciaux étaient évaluées à 1.005,5
milliards de FC contre 577,8 milliards de FC en 2019, soit un taux
d’accroissement de 74,0%, justifié essentiellement par l’inscription du
Fonds Minier des Générations Futures au budget à la suite de la mise en
œuvre du nouveau Code minier.

2. Les dépenses publiques1

Les charges budgétaires classées par programme, administration,


nature économique, comprennent les dépenses courantes, les dépenses
en capital ainsi que les prêts et avances.
Les dépenses courantes sont groupées sous six titres ou grandes
natures à savoir : dette publique en capital ; frais financiers ; dépenses de
personnel ; biens et matériels ; dépenses de prestations ; transferts et
interventions.
Les dépenses en capital sont groupées sous deux titres ou grandes
natures, à savoir : équipements ; construction, réfection, réhabilitation,
addition d'ouvrage et édifice, acquisition immobilière.

1 Lire Art. 36-37, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Les dépenses des prêts et avances forment un titre ou grande nature


à savoir : les prêts et avances.
Il s'agit ici de la technique de la budgétisation par programme1, axée sur
la finalité des dépenses. Les dépenses sont classées selon leur utilité, au
regard des politiques publiques qu'elles servent à financer, des actions
concrètes à mener et objectifs bien déterminés à atteindre.
L’intérêt d’une telle présentation est double : elle permet de connaître
la finalité de la dépense (à quoi sert l’argent) mais également elle permet
d’appréhender le coût de chaque politique publique : que coûte notre système
d’éducation ?
Dans le budget 2020, les dépenses projetées se chiffraient à
16.895,8 milliards de FC contre 10.352,3 milliards de FC de l’exercice
2019, soit un taux d’accroissement de 63,2%. Elles étaient réparties en
budget général, budgets annexes et comptes spéciaux, en équilibre avec
les recettes correspondantes.
Les dépenses du budget général étaient ventilées, selon leur nature
économique, de la manière suivante : 626,0 milliards de FC représentant
4,0% des dépenses du budget général, pour la dette publique en capital.
Ce montant servirait au remboursement de la dette intérieure et du
principal de la dette extérieure ; 179,5 milliards de FC pour les frais
financiers, représentant 1,2% des dépenses du budget général. Ils
seraient destinés au paiement des intérêts sur la dette intérieure et
extérieure, de la créance titrisée de la BCC et des intérêts moratoires ;
5.152,4 milliards de FC pour les dépenses de personnel représentant
33,1% du budget général. Hormis les dépenses de personnels liées au
fonctionnement, cette enveloppe intégrait les salaires, notamment
l’impact de la gratuité de l’enseignement de base et de la deuxième
tranche du barème issu du Protocole d’accord signé entre le
Gouvernement et l’Intersyndicale de l’Administration Publique (INAP)
; 299,0 milliards de FC pour les biens matériels, soit 1,9% des dépenses
du budget général. Ces dépenses se rapportaient au fonctionnement
courant des services, y compris celui des écoles et bureaux gestionnaires
dans le cadre de la gratuité de l’enseignement de base ; 860,6 milliards de
FC pour les dépenses de prestations, soit 5,5% des dépenses du budget
général. Elles se rapportaient aux charges liées au fonctionnement
courant des services ; 3.234,8 milliards de FC pour les transferts et
interventions de l'État, soit 20,8% des dépenses du budget général. Ces

1Lire D. CATTEAU, op. cit., p. 52 ; S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques,


op. cit., p. 67.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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dépenses contenaient notamment les interventions de l’Etat en faveur


de certains services et permettraient d’assurer le fonctionnement des
provinces et des administrations financières, la quote-part patronale
pour la Caisse Nationale de Sécurité Sociale des Agents Publics de l’Etat,
ainsi que la mise en place des cantines scolaires ; 2.473,9 milliards de FC
pour les équipements, soit 15,9% des dépenses du budget général ;
2.758,5 milliards de FC pour la construction, la réfection, la
réhabilitation, l'addition d’ouvrage et d’édifice, l'acquisition immobilière,
soit 17,7% des dépenses du budget général. Outre la construction et la
réhabilitation des écoles, les principaux projets envisagés concernaient
notamment les infrastructures de base et l’aménagement du territoire, la
desserte en eau et électricité en milieu rural et péri-urbain, le
développement du site d’Inga, la couverture santé universelle, la
mécanisation agricole ainsi que l’entreprenariat des jeunes dans
l’agriculture et l’agrobusiness.
Pour cet exercice 2020, bien que les données aient été légèrement
modifiées par la loi de finances rectificative, le Gouvernement a pu
mobiliser 7.008,2 milliards de FC des recettes, soit un taux d'exécution
de près de 80%, en même temps qu’il a engagé des dépenses de 7.573
milliards de FC, soit un taux d'exécution d'un peu plus de 40%.

D. L'élaboration et l'adoption des lois de finances

La préparation du projet de loi de finances relève exclusivement de la


compétence gouvernementale1. Un député français2 déclarait : « la véritable
discussion (...) échappe au Parlement. Elle a lieu entre le ministre des
finances et les autres ministères avant la présentation du budget ». Entre
le vote définitif d’une loi de finances et le dépôt du projet de loi de
finances initiale suivant, députés et sénateurs ont longtemps eu
l’impression d’être mis entre parenthèses et, en quelque sorte, placés
hors-jeu3.
Sous l'autorité du Premier ministre, le ministre ayant le budget dans ses
attributions prépare le projet de loi de finances de l'année qui est présenté au
Gouvernement pour approbation avant sa transmission à l'Assemblée
nationale. Il élabore, le cas échéant, en début d'année ou en cours

1 M. HOUSER, op. cit., p. 83.


2 Jean-Paul Palewski, cité par H. MESSAGE et alii., op. cit., p. 24.
3 H. MESSAGE et alii., op. cit., p. 24.

246
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'année, le projet de loi portant ouverture des crédits provisoires et le


projet de loi de finances rectificative.
A la clôture de l'exercice, le ministre ayant les finances dans ses
attributions élabore et soumet au Conseil des ministres le projet de loi portant
reddition des comptes du pouvoir central1.
Le ministre ayant le budget dans ses attributions tient compte, dans
son travail, du cadre budgétaire à moyen terme élaboré chaque année par
le Gouvernement, duquel découlent les prévisions budgétaires et les
projections des dépenses des institutions et ministères, y compris celles
de leurs budgets annexes et comptes spéciaux. Le cadre des dépenses à
moyen terme, portant sur une période de trois années qui en découle
comprend la détermination des objectifs budgétaires pluriannuels en
matière de dépenses ; l'allocation des ressources aux différents secteurs
en fonction des priorités des stratégies sectorielles et sur la base d'un
cadre macroéconomique et la mise en place d'indicateurs de
performance permettant le suivi et le contrôle de l'exécution du budget2.
Le projet de loi de finances de l’année, qui comprend notamment le
budget, est déposé par le Gouvernement au Bureau de l’Assemblée
Nationale au plus tard le quinze septembre de chaque année3, c'est-à-dire,
à l'ouverture de deuxième session parlementaire, généralement
consacrée à l'examen du budget. Il ne peut y avoir de proposition de loi de
finances. Il en va d'une logique de rationalisation du parlementarisme4.
Les parlementaires ne peuvent que proposer des amendements aux
projets du Gouvernement, lesquels amendements sont du reste, soumis
aux mêmes conditions de recevabilité financière qu'en ce qui concerne
la loi ordinaire.
Il ressort de la lecture de l'article 126 de la Constitution, que le
dépôt du projet de loi de finances se fait en premier lieu à l'Assemblée
nationale. Sans être explicite sur la question, la Constitution dit que «
l'Assemblée Nationale dispose de 40 jours à compter de la date du dépôt
pour adopter le projet de loi de finances de l'année. Si le projet de loi de
finances de l'année déposé dans le délai constitutionnel (c'est-à-dire, au
plus tard le quinze septembre) n'est pas voté dans les 40 jours suivant

1 Art. 77, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Art. 76, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 Lire Art. 126, Constitution du 18 février 2006 ; Art. 83-84, Loi n° 11/011 du

13 juillet 2011 relative aux finances publiques.


4 M. HOUSER, op. cit., p. 83.

247
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l'ouverture de la session budgétaire, ledit projet est transmis au Senat


pour être adopté dans le 20 jours ».
L'examen de la loi de finances est encadrée par de strictes délais,
nécessaires au respect du principe d'annualité1. La nécessité est telle que
« lorsque le projet de loi de finances n'est pas voté avant l'ouverture du
nouvel exercice (c'est-à-dire, le premier janvier), les dispositions dudit
projet sont mises en vigueur par ordonnance-loi du Président de la
République délibérée en Conseil des ministres, en tenant compte des
amendements votés par chacune des deux chambres ».
La contrainte pèse même sur le Gouvernement. Il en va de sa
survie, car « si quinze jours avant la fin de la session budgétaire, soit le 1er décembre,
le Gouvernement n'a pas déposé son projet de loi de finances de l'année suivante, il est
réputé démissionnaire ».
Dans ce cas, le Gouvernement demande à l'Assemblée Nationale
et au Sénat l'ouverture de crédits provisoires. A cet effet, le
Gouvernement dépose à l'Assemblée nationale avant le 15 décembre de
l'année qui précède le début de l'exercice, un projet de loi portant
ouverture de crédits provisoires. A défaut de vote, dans les quinze jours
du dépôt, c'est-à-dire, jusqu'au plus tard le 15 janvier, quand l'exercice
budgétaire est censé avoir commencé, le projet de loi portant ouverture
crédits provisoires est mis en vigueur le premier jour de l'exercice
budgétaire par ordonnance-loi du Président de la République délibérée en
Conseil des ministres.
De même, si le projet de loi de finances de l'année n'a pas été
déposé en temps utile pour être promulgué avant le début de l'exercice,
le Gouvernement demande à l'Assemblée Nationale et au Sénat
l'ouverture des crédits provisoires.
La loi portant ouverture de crédits provisoires est mise en
exécution jusqu'au 31 janvier de l'année concernée si le dépôt du projet
de loi de finances de l'année a eu lieu avant le 1 er décembre. Si le
Gouvernement est réputé démissionnaire, la loi portant ouverture de
crédits provisoires est mise en exécution jusqu'au vote de la loi de
finances de l'année, par le nouveau Gouvernement.
Quant à lui, le projet de loi portant reddition des comptes du
dernier exercice clos est déposé à l'Assemblée nationale, au plus tard le
15 mai de l'année suivant celle de l'exécution du budget auquel il se
rapporte. Dans l'impossibilité de respecter ce délai, le projet de loi

1En ce sens, S. DAMAREY, L’essentiel des finances publiques, op. cit., p. 60 ; M.


HOUSER, op. cit., p. 83.

248
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

portant reddition des comptes, ainsi que le rapport de la Cour des


comptes sont déposés avant la fin de la session ordinaire de mars.
Les évaluations de recettes font l'objet d'un vote d'ensemble pour
le titre sous lequel elles sont regroupées dans le budget général et d'un
vote par budget annexe et par compte spécial. Les dépenses du budget
du pouvoir central sont votées par ministère ou institution et par
programme1.
Le projet de loi portant reddition des comptes du dernier exercice
clos doit être examiné par le Parlement préalablement au vote du projet
de la loi de finances de l'année. Au regard des observations formulées
par la Cour des comptes, l'approbation des comptes par cette loi vaut
quitus de la gestion du Gouvernement pour l'exercice concerné2.

E. L'exécution des lois de finances

L'exécution des opérations budgétaires sur les recettes et les


dépenses appellent deux acteurs : en effet, « sont compétents en matière
d'exécution du budget, l'ordonnateur et le comptable public »3.
Les ordonnateurs remplissent une fonction de décideurs financiers ; ils
sont seuls habilités à apprécier l’opportunité d’une dépense ou à constater
l’existence d’une recette4. L'ordonnateur a le pouvoir d'engager, de liquider et
d'ordonnancer les dépenses nécessaires au fonctionnement de son
institution ou ministère, ou service déconcentré, ou budget annexe
rattaché5. Cela, dans la limite des crédits budgétaires qui lui sont accordés
par les lois de finances.
Du fait de l’enjeu tout particulièrement en matière de dépenses, la
qualité d’ordonnateur est réservée uniquement à de hautes autorités
administratives et politiques6. Ainsi, est ordonnateur, le responsable
d'institution, le ministre, le responsable de budget annexe ou la personne
déléguée par lui au niveau central et au niveau déconcentré7. Le ministre
ayant les finances dans ses attributions est, en sus de sa qualité

1 Art. 86, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Art. 87, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 Art. 102, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
4 F. WASERMAN, op. cit., p. 49.
5 Art. 103 Al. 2, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
6 F. WASERMAN, op. cit., p. 49.
7 Art. 103 Al. 1, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

249
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'ordonnateur du budget de son ministère, ordonnateur général de


toutes les recettes du pouvoir central1.
À côté, le comptable public est un agent nommé et responsable
devant le ministre ayant les finances dans ses attributions, « ayant qualité
pour exécuter, au nom et pour compte du pouvoir central, des opérations de recettes et
de dépenses, de maniement de fonds et de valeurs qu'il détient ainsi que les opérations
se rapportant aux biens publics »2.
En tant que caissier, le comptable public a le monopole de la manutention
des deniers publics, en tant que payeur lui revient la charge de faire les
vérifications sur la régularité des opérations décidées par l’ordonnateur
(correcte imputation des crédits, existence de pièces justificatives…)3.
En raison de la nature particulière de ses fonctions, le comptable n’est
pas placé sous l’autorité de l’ordonnateur et le pouvoir hiérarchique de
son ministre de tutelle est limité4.
« Les crédits (...) ouverts par les lois de finances (...) sont mis à
disposition par arrêté du ministre ayant le Budget dans ses attributions
»5 .

1. Le recouvrement des recettes

Lors du recouvrement de la ressource, le pouvoir d’appréciation de


l’administration est faible, elle ne peut percevoir une ressource sans texte et elle
doit en principe percevoir toutes les recettes prévues6. Tout ce qu'il faut c'est «
collecter les recettes auxquelles les personnes publiques peuvent prétendre, ni plus ni
moins »7.
La procédure de recouvrement de recettes passe par trois étapes :
la constatation, la liquidation et l'ordonnancement8. La constatation a pour
objet d'identifier et d'évaluer la matière imposable. La liquidation consiste à
déterminer le montant de la créance sur le redevable en indiquant les bases,
taux et tarifs appliqués. L'ordonnancement consiste à établir un titre de
perception destiné à la prise en charge de la recette et permettant au comptable public

1 Art. 106, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Art. 108, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
3 F. WASERMAN, op. cit., p. 50.
4 C.E. fr., 6 avril 1962, Sté technique des appareils centrifuges industriels.
5 Art. 88, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
6 M. HOUSER, op. cit., p. 108.
7 F. WASERMAN, op. cit., p. 62.
8 Art. 89, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

250
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'en assurer le recouvrement. Par exemple, le ministre des finances ordonne


la retenue à la source de 15% de la rémunération d'un fonctionnaire.

2. L'exécution des dépenses

Plus stricte que la première, cette procédure réunit trois étapes


administratives : l’engagement, la liquidation suivie de l’ordonnancement de la
dépense par l’ordonnateur compétent ; et une étape comptable : le paiement1.
L'engagement est l'acte par lequel le pouvoir central crée ou constate à son
encontre une obligation de laquelle résultera une charge. Il peut la créer par un
acte juridique contractuel (cas d'un contrat administratif), ou par un fait
matériel extracontractuel engageant la responsabilité de l'Administration
(accident de circulation causé par un véhicule de l'administration). Le
constat concerne les obligations déjà existante, mise en place par la loi
par exemple (rémunération des fonctionnaires).
La liquidation a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d'arrêter le
montant exact de la dépense. Cette étape suppose deux opérations : la
vérification du service fait et le calcul du montant de la dépense2. La
vérification du service fait est la traduction de l'adage suivant lequel «
l’administration ne paie jamais d’avance ». Elle ne peut donc, en principe,
liquider puis payer qu’après avoir constaté et vérifié la dette. Pour que la
constatation d’une dette soit légale, il faut que soient réunies deux
conditions : il faut, d’abord, et en principe, qu’un service ait été
effectivement et préalablement rendu et ensuite, qu’il ait été accompli
conformément à l’acte d’engagement et, de manière plus générale,
conformément aux textes applicables. Par après intervient le calcul du
montant de la dépense, qui consiste, une fois la réalité de la dette établie,
à chiffrer le montant exact des sommes à payer.
L'ordonnancement est l'acte administratif par lequel,
conformément aux résultats des calculs de la liquidation, l'ordre est donné
au caissier concerné de payer la dette du pouvoir central.
Le paiement est la phase comptable de la procédure. Il désigne
l'acte par lequel le pouvoir central se libère de sa dette.
Tout ordonnancement de dépense ne peut être transféré au
comptable public qu'après avoir été revêtu du visa du contrôleur budgétaire.
Le comptable public procède à un contrôle de régularité avant
paiement sur toute dépense. A cet effet, il contrôle exclusivement la

1 Art. 90, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Lire D. CATTEAU, op. cit., p. 153.

251
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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qualité de l'ordonnateur ou de son délégué, l'assignation de la dépense,


la validité de la créance au regard de la production des pièces
justificatives produites par l'ordonnateur , l'existence de l'intervention
des contrôles préalables, l'existence d'oppositions, les éléments
garantissant le caractère libératoire du règlement de la dépense et
l'observance des règles de prescription1.

Section 3
Les cours et tribunaux

Les cours et tribunaux sont la quatrième institution de l'État


énumérée par la Constitution2, sans évidemment que l'on ne puisse y
voir une hiérarchie. La Constitution dispose en son article 1e que « la
République démocratique du Congo est (...) un État de droit (...) »3.
L'État de droit suppose notamment la séparation entre les
différents pouvoirs de l'État en vue de garantir la liberté4. Il suppose
également l'idée que chacun doit pouvoir s'adresser à un juge, et ce, à un juge
indépendant, pour faire valoir ses prétentions, y compris contre l'Etat lui-
même5.
En face de l'évolution de la théorie de séparation des pouvoirs et
au vu des différents mécanismes de collaboration des pouvoirs que
mettent en place les constitutions sans égard au régime politique — qu'il
soit parlementaire ou présidentiel —, au regard de la dépendance
souvent, du jeu de contrepoids, à des données d'ordre politique, le pouvoir
judiciaire apparaît comme le seul, au final, contrepoids aux pouvoirs exécutif et
législatif et partant, l'ultime garant de la séparation des pouvoirs et des droits et
libertés fondamentaux, s'avère être l'indépendance du pouvoir judiciaire6.
C'est donc non sans raison que la Constitution souligne que « le
pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif »7. Le
pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de
sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la
justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice, et le pouvoir

1 Art. 119, Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.
2 Art. 169 point 4, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 1 point 4, Constitution du 18 février 2006.
4 A. KAMUKUNYI, La fraude…op. cit., p. 65.
5 Idem.
6 Ibidem., p. 62.
7 Art. 149 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.

252
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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législatif ne peut ni statuer sur des différends juridictionnels, ni modifier


une décision de justice, ni s’opposer à son exécution. Au demeurant,
toute loi dont l’objectif est manifestement de fournir une solution à un
procès en cours est nulle et de nul effet1. Les juges ne sont soumis dans
l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi.
Les magistrats font l'objet d'un statut particulier fixé par une loi
organique et par ce fait, à l'abri des caprices des exécutif et législatif. Le
juge est « inamovible » et ne peut être déplacé que par une nomination
nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée par le Conseil
supérieur de la magistrature2.
Le pouvoir judiciaire est géré par un organe particulier et
indépendant des autres pouvoirs : le Conseil supérieur de la magistrature.
Composé uniquement de magistrats, c'est lui qui, à ce titre, élabore les
propositions de nomination, de promotion et de révocation des
magistrats et exerce sur ces derniers le pouvoir disciplinaire3. C'est aussi
lui qui élabore le budget du pouvoir judiciaire qu'il transmet au
Gouvernement pour son inscription dans le budget général de l’Etat. Le
Premier Président de la Cour de cassation est l’ordonnateur du budget
du pouvoir judiciaire4. L'indépendance du pouvoir judiciaire est
tellement importante aux yeux du constituant qu'il interdit toute révision
constitutionnelle y portant atteinte5.
Ces dispositions montrent ostensiblement que le pouvoir judiciaire
est la dernière garantie de la séparation des pouvoirs et des droits et
libertés fondamentaux. Le constituant va même plus loin, en en faisant
sa principale attribution : « le pouvoir judiciaire est le garant des libertés
individuelles et des droits fondamentaux des citoyens »6.
Le pouvoir judiciaire est dévolu aux cours et tribunaux qui sont : la
Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Haute
Cour militaire ainsi que les cours et tribunaux civils et militaires7. Cela
dit, aux acteurs de l'administration de la justice, il faut ajouter les parquets
et la police judiciaire, régis (ensemble avec le juge), par le principe de
séparation des fonctions judiciaires ; mais aussi le barreau et corps de

1 Art. 151, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 150, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 152, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 149 in fine, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 220, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 150 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 149 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

253
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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défenseurs judiciaires, et les greffes1. Les magistrats, sont régis par un


statut particulier justifié par leur indépendance, dans l'exercice de leurs
attributions de garantie des libertés individuelles et des droits
fondamentaux des citoyens.

Paragraphe 1
Organisation et fonctionnement du pouvoir judiciaire

L'organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire tourne


autour du principe de séparation ou de répartition des fonctions judiciaires2 qui
s'exprime par le fait que chaque organe judiciaire remplit une fonction propre dans
ses attributions spécifiquement définies par la loi. Le cumul de fonctions
est donc interdit.
Ce principe permet d’éviter la concentration sur une seule et même autorité
des prérogatives dont la réunion pourrait être attentatoire aux libertés individuelles et
ainsi, assure et protège l’impartialité des autorités judiciaires. Il vise également à
permettre une plus grande spécialisation des autorités judiciaires, tout en
organisant une meilleure répartition des tâches dans une perspective
d’efficacité procédurale.
Ainsi, les cours et tribunaux sont chargés de dire le droit et de
résoudre un litige. Le parquet poursuit la mission de faire respecter la loi,
soit en intervenant par voie d'avis, au civil, en encore, en exerçant l'action
publique, au pénal. Il est secondé de la police judiciaire qui intervient
pour mener l'enquête pour réunir les éléments de preuve nécessaires à la
découverte de la vérité. Les avocats et défenseurs judiciaires défendent
les intérêts de leurs clients tout le long de la procédure. Quant aux
greffes, ils sont chargés de l'administration des juridictions.
Cela étant, le principe contient quelques exceptions. En effet, le
parquet d'une part, exerce toutes les attributions de la police judiciaire,
et d'autre part, peut jouer le rôle du juge, et prononcer une sanction, à
l'égard d'un témoin récalcitrant ou en cas d'amende transactionnelle. Par
ailleurs, le juge peut dans certains cas, se saisir d'office en cas de délit
d'audience.

1 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 85.


2 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 85 ; J.-M. TASOKI, op. cit.,
p. 11 ; voir Art. 49 point 8 et 59, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire.

254
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Attributions du pouvoir judiciaire

« Le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits


fondamentaux des citoyens »1. Par cette disposition, le constituant assigne au
pouvoir judiciaire la mission de garantie des droits et libertés fondamentaux.
Il s'agit des droits et libertés qui font l'objet du « Titre II : des droits
humains, des libertés fondamentales et des devoirs du citoyen et de l’État
», mais aussi entre autres, de ceux protégés par la déclaration universelle
des droits de l'homme de 1945, les pactes internationaux de droits civils
et politiques, et de droits économiques et socio-culturels de 1966, la
charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, etc.
Le constituant, confiant en l'indépendance dont il jouit2, confie au
pouvoir judiciaire la mission de la garantie des droits et libertés
fondamentaux. Par ce fait, chaque ordre de juridiction, chacun dans les
limites de ses compétences, contribue à assurer cette garantie.
Ainsi, le juge judiciaire, par le fait qu'il est consulté en matière de
droit de propriété, de liberté de commerce ou de liberté d'entreprise, de
liberté contractuelle ou de responsabilité quasi-délictuelle, contribue à
cette garantie. Mais c'est surtout au travers du contentieux pénal que se
manifeste véritablement cette garantie. En effet, le juge judiciaire est
consulté en phase pré-juridictionnelle pour statuer sur les détentions
préventives des accusés. En phase juridictionnelle, c'est à lui que revient
la mission de statuer sur la privation ou non de la liberté du prévenu. Il
constitue ainsi le tandem entre les droits des victimes attentés — droit à
la vie en cas de meurtre, à l'intégrité physique en cas de coups et blessures
volontaires, ou à la propriété en cas de vol… — et ceux du prévenu —
droit à l'honneur, liberté individuelle… —.
Le juge administratif joue également ce rôle. En tant que gardien
de la légalité administrative, il veille au respect par l'Administration du
bloc de légalité — constitution comprise —, et par là, des droits et
libertés fondamentaux. En statuant en recours pour excès de pouvoir ou
en référé-liberté, il assure le respect par l'Administration des droits et
libertés fondamentaux.
Le rôle du juge constitutionnel en cette matière n'est plus à
rappeler. Comme on l'a vu, la garantie des droits et libertés
fondamentaux est d'ailleurs la mission ultime de la justice

1 Art. 151 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 149 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.

255
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

constitutionnelle. Le juge constitutionnel se constitue en rempart contre


les lois liberticides.
Dans la pratique, la mission de garantie des droits et libertés
fondamentaux ne se cantonne pas qu'aux cours et tribunaux. En effet,
le parquet ne manque pas de donner sa contribution à cet exercice. Au
travers de l'avis qu'il donne au contentieux civil, constitutionnel ou
administratif, en encourageant le juge à statuer dans un sens ou dans un
autre, il s'affiche comme un véritable gardien des droits et libertés
fondamentaux. Mais sa mission est d'autant plus forte au contentieux
pénal. En effet, agissant par voie d'action pour protéger les intérêts de la
société et les droits de ses membres, il lui revient de défendre les droits
de la société dont il est avocat.
Et les avocats, justement, n'ont pas un rôle de moindre mesure dans
cet exercice. Chargés notamment d'assister et représenter leurs clients,
tant devant qu'en dehors des juridictions, c'est leurs droits qu'ils
défendent, notamment leurs droits fondamentaux.
En somme, ce sont toutes les composantes du pouvoir judiciaire qui portent
la charge de protéger les droits et libertés fondamentaux contre les atteintes
pouvant émaner du législateur, de l'Administration, ou même des
particuliers. Il s'agit là d'une interprétation très extensive de cette
disposition constitutionnelle qui n'est pas sans justification, car il faut
croire que la pratique des choses est allée au-delà de la volonté du
constituant.

256
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 3
LES DROITS ET LIBERTÉS
FONDAMENTAUX
Nous avons dit tantôt que le constitutionnalisme a deux versants :
l'organisation du pouvoir et la garantie des droits et libertés
fondamentaux. Dans son premier versant, l'organisation du pouvoir
tourne autour du principe de séparation des pouvoirs. Ce principe
suppose que l'exercice du pouvoir est partagé par des institutions
indépendantes se contrôlant mutuellement, empêchant ainsi les abus les
uns des autres. Ces institutions exercent le pouvoir exécutif — le
Président de la République et le Gouvernement —, législatif — le
Parlement composé de l'Assemblée nationale et du Sénat — et judiciaire
— les cours et tribunaux organisés en trois ordres de juridiction —.
Toute cette ingénierie constitutionnelle a une finalité unique : la
garantie des droits et libertés fondamentaux. C'est la contrepartie-même du
contrat social. Les gouvernés, ont aliéné leur souveraineté en vue
d'obtenir en retour la garantie de leurs droits fondamentaux.
Ainsi, les droits et libertés fondamentaux sont inscrits dans le
corps-même du contrat social : la Constitution. Celle-ci a sacralisé des
droits et libertés qu'elle a classés en trois catégories : les droits-libertés,

257
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

les droits économiques et socioculturels et les droits collectifs. La


garantie constitutionnelle emporte alors plusieurs conséquences à l'égard
des pouvoirs publics d'une part, et des particuliers d'autre part.

258
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Définition des droits et libertés fondamentaux

Section 1
Notion des droits et libertés fondamentaux

Paragraphe 1
Définition formelle et matérielle

Les droits et libertés fondamentaux désignent « les droits et libertés


protégés par des normes constitutionnelles ou (et) internationales. Ni plus ni moins
»1. Tous les droits et libertés bénéficiant d’une protection
constitutionnelle ou (et) internationale sont des droits fondamentaux
quel que soit leur degré de « fondamentalité ». Et tous les droits et libertés
qui ne sont pas reconnus au plan constitutionnel ou international ne sont
pas des droits fondamentaux2.
La définition ainsi donnée par le doyen serait une définition
uniquement formelle de la notion de droits fondamentaux, réfutant toute
définition matérielle de cette notion. En effet, la fondamentalité
matérielle découle du caractère substantiel à l'Être des droits fondamentaux.
Il s'agit de valeurs supra constitutionnelles auxquelles on ne peut déroger. Ils
sont fondés sur la valeur éminente de l'homme comme finalité du pouvoir
politique3.
Par l’approche matérielle, c’est-à-dire en considérant que la
fondamentalité résulte de l’importance substantielle qui est reconnue à
ce droit, les droits fondamentaux sont pour É. Picard4 « des droits assez
essentiels pour fonder et déterminer, plus ou moins directement, les grandes structures
de l’ordre juridique tout entier en ses catégories, dans lequel et par lesquels ils cherchent
à se donner ainsi les moyens multiples de leurs garanties et de leur réalisation ».
Aussi, la fondamentalité d’un droit peut se déduire de son rapport à l’Homme
sans pour autant que ce rapport n’apparaisse dans une norme à valeur
constitutionnelle ou de droit international5.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 930.


2 Idem.
3 J. DJOLI, op. cit., p. 85.
4 Cité par A. REMEDEM, La protection des droits fondamentaux par la Cour de Justice

de l’Union Européenne, Thèse, Université d’Auvergne Clermont 1, 2013, p. 6.


5 A. REMEDEM, op. cit., p. 6.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Droits fondamentaux et notions voisines

Point 1
Droits fondamentaux et droits de l'homme

La notion se distingue ainsi de celle de droits de l'homme, d'une part,


et de libertés publiques, d'autre part, qui en sont voisines1. Les droits de
l'homme sont des droits naturels, attachés à l'existence même de l'homme et
supérieures au droit positif. Ils existent indépendamment de toute
consécration positive — constitutionnelle ou légale —2. Alexander

1 L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales, Dalloz, Paris 2012, p. 75.
2 Ainsi remarquera-t-on par exemple que les ONG de défense des droits de
l'homme militent pour l'épanouissement des droits de l'homme dans quasi tous
les pays du monde, même ceux n'ayant pas ratifié la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme. D'ailleurs, le nom-même de ce texte est révélateur : c'est
une « déclaration », ce qui revient à dire qu'on porte haut et fort des
considérations déjà préexistantes. Revenant à nos ONG de défense des droits
de l'homme, on constatera par exemple que Amnesty International milite pour
la défense de droits de l'homme — droit à l'égalité, à la liberté d'opinion et de
religion — en Arabie Saoudite, alors que cet État n'est pas signataire de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. On estime ainsi que les citoyens
saoudiens jouissent de ces droits bien qu'ils ne fassent pas partie de leur ordre
juridique. À l'opposé, puisque tous les droits et libertés qui ne sont pas reconnus
au plan constitutionnel ou international ne sont pas des droits fondamentaux, le
droit à la liberté de religion par exemple, n'est pas un droit fondamental en
Arabie Saoudite. L'Art. 1e de la Constitution saoudienne du 1e mars 1992
dispose en effet que « le royaume d'Arabie Saoudite est un État islamique arabe
souverain. Sa religion est l'Islam ». De même, alors que l'Art. 21 point 3 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dispose que « la volonté du
peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit
s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au
suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente
assurant la liberté du vote », la Constitution saoudienne elle, consacre en son Art.
5 la forme monarchique du gouvernement, en disposant que « le régime de
l'Arabie Saoudite est la monarchie. Les droits dynastiques appartiennent aux fils
du fondateur, le roi Abdul Aziz bin Abdulrahman Al Faisal Al Saud [Ibn Séoud]
et à leurs descendants. Le plus digne d'entre eux est reconnu comme roi pour
gouverner conformément au Saint Coran et à la Tradition du prophète. Le roi
nomme le prince héritier et le relève de ses fonctions par décret royal. Le prince
héritier se consacre à plein temps à sa fonction et aux missions que le roi lui
confie. Le prince héritier exerce les pouvoirs royaux à la mort du roi jusqu'à ce

260
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Hamilton1 disait que « les droits sacrés de l'humanité ne sont pas à chercher dans
de vieux parchemins ni dans les documents moisis. Ils sont gravés, comme avec un
rayon de soleil, dans l'édifice même de la nature humaine, par la main de l'être divin
». Ainsi « les droits de l'homme constituent un ensemble cohérent des
principes juridiques et philosophiques fondamentaux qui s'appliquent
partout dans le monde tant aux individus qu'aux peuples, qui ont pour
but de protéger ces prérogatives inhérentes à tout homme et à tous les
hommes pris collectivement, en raison de l'existence d'une dignité
attachée à leur personne et justifiée par leur condition humaine »2.
Cependant, sans véritable consécration positive, les droits de
l'homme demeurent un simple chapelet d'intentions sans conséquence
juridique. Le citoyen ne pourra s'en prévaloir devant les juridictions de jugement.

Point 2
Droits fondamentaux et libertés publiques

Relativement aux libertés publiques, les droits fondamentaux sont


une notion plus large. Elles englobent celle de libertés publiques qui du
reste a disparu avec l'avènement du principe de constitutionnalité. Les
libertés publiques étaient essentiellement protégées contre le pouvoir exécutif
alors que les libertés fondamentales doivent être protégées contre les
pouvoirs exécutif, législatif et même judiciaire ; la protection des libertés
publiques s’appuyait sur la loi et les principes généraux du droit alors que celle
des libertés fondamentales requiert l’application des normes
constitutionnelles ou (et) internationales ; les juges administratif et judiciaire
pouvaient assurer cette protection dès lors qu’elle était dirigée contre les
actes administratifs et s’appuyaient sur la loi et les principes généraux du
droit ; mais la protection des libertés fondamentales requiert désormais
aussi l’intervention du juge constitutionnel ; les libertés publiques
n’étaient garanties que dans les rapports verticaux entre la puissance publique
et les individus ; en revanche, les normes supra-législatives protégeant les
droits et libertés fondamentaux peuvent également produire effet dans
les relations horizontales entre les individus ; les bénéficiaires ou

que le serment d'allégeance ait eu lieu ». Ainsi, si le droit au suffrage est un droit
fondamental en RDC par exemple (Art. 5 de la Constitution), il n'en est pas
autant en Arabie Saoudite. Cette situation illustre bien la différence entre droits
de l'homme et droits fondamentaux.
1 Cité par J. DJOLI, op. cit., p. 84.
2 Keba Mbaye, cité par J. DJOLI, Droit constitutionnel Tome 1…op. cit., p. 84.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

titulaires des libertés publiques étaient les individus, alors que les droits et
libertés fondamentaux peuvent être invoqués également par les
personnes morales de droit privé ou de droit public ; enfin, la liste des
libertés publiques est plus courte que celle des droits fondamentaux : les
libertés publiques ne correspondant qu'aux deux premières catégories de
droits, les « droits-libertés » et les « droits-participation », alors que les
trois autres catégories (« droits-créances », « droits garanties » et « droit
à l’égalité ») ne sont pas concernées ou le sont faiblement.

Section 2
Nature des droits et libertés fondamentaux

Les droits et libertés fondamentaux sont dans leur nature des droits
justiciables, des droits subjectifs aux garanties objectives, des droits aux
statuts défensifs, actifs et positifs, enfin, des droits limitables1.

Paragraphe 1
Droits justiciables

« La caractéristique primordiale d'un droit fondamental est d'être


justiciable » c'est-à-dire « susceptible d'être mis en œuvre par un juge » car, sinon,
ce n'est pas un droit fondamental « mais au mieux une finalité assignée à
l'action de l'État »2.
C'est ce qui distingue les droits fondamentaux des objectifs à valeur
constitutionnelle qui sont une finalité assignée au législateur, et non une
prérogative dont on peut se prévaloir devant le juge. Il en est ainsi en
France de la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement
décent3, de l'accessibilité et l’intelligibilité de la loi4 ou de la bonne
administration de la justice5.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 935-940 ; Primido, « Les
caractères généraux des droits et libertés fondamentaux », in
[https://www.pimido.com/droit-public-et-prive/libertes-
publiques/dissertation/caracteres-generaux-droits-libertes-fondamentaux-
142445.html].
2 Autexier, cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 936.
3 C.C. fr., Décis. no 95-359 DC, 19 janv. 1995.
4 C.C. fr., Décis. no 99-421 DC, 16 déc. 1999.
5 C.C. fr., Décis. no 2006-545 DC, 28 déc. 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Droits subjectifs aux garanties objectives

Les droits fondamentaux comme droits subjectifs signifie que ces


droits sont destinés à protéger des intérêts individuels et qu’ils sont donc
invocables devant un juge.

Paragraphe 3
Droits aux statuts défensifs, actifs et positifs ou la trilogie de
Jelinek

Certains droits ont un caractère défensif en ce qu’ils servent à l’individu


à protéger une sphère de liberté contre l’État. Ainsi a-t-on affirmé que les droits
fondamentaux sont d’abord « des droits de défense du citoyen contre l’État ».
C'est ce qu'on appelle couramment la première génération des droits et
libertés fondamentaux. Ces droits limitent l’activité gouvernementale de
l'État (libertés-limites) et offrent la possibilité de s’opposer à lui et à
l’autoritarisme de son pouvoir (libertés-opposition)1. Participent à cette
trajectoire, le droit à la vie, l’interdiction de la torture, de l’esclavage ou
de toute discrimination fondée sur des considérations raciales,
politiques, ethniques ou culturelles, le refus d’exécuter un ordre
manifestement illégal.
D’autres droits appellent une action positive de l’État et s’analysent en
droits à prestation. Ce sont les droits de la deuxième génération. Constitués des
prestations matérielles fournies par la communauté publique, les droits
économiques, sociaux et culturels garantissent aux citoyens un cadre de
vie propice à leur épanouissement2.
Enfin, une troisième série de droits et libertés se rattachent au status
activus, en ce sens qu’ils donnent aux individus le droit de participer à la
formation de la volonté de l’État, et de manière globale aux activités politiques
: on y range les droits civiques mais aussi l’accès aux fonctions publiques
et plus largement tous les droits fondamentaux de nature politique
(libertés de réunion et de manifestation, liberté d’expression).
Cependant, il faut ajouter à cette classification la catégorie des droits
de nature processuelle, qui ont la particularité de s'appliquer lors d'un litige.
Il s'agit des droits à un procès équitable, à la présomption d'innocence,

1 J.-L. ESAMBO, Traité de droit constitutionnel congolais, op. cit., p. 324.


2 Idem., p. 325.

263
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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des droits de la défense, au recours. On ajoutera encore une catégorie


toute particulière : le droit à l'égalité.

Paragraphe 4
Droits limitables

Les droits fondamentaux ne sont pas absolus. Leur exercice fait l'objet
de certaines limitations par le législateur. Ces limitations peuvent tenir
d'une part, à la conciliation avec d'autres droits fondamentaux — c'est la
problématique de la collision des droits et libertés fondamentaux —, et
d'autre part, en la conciliation entre droits fondamentaux et objectifs à valeur
constitutionnelle.
La compétence pour fixer les limites revient au législateur qui le fait
en respectant les limites aux limites, c'est-à-dire, un certain seuil en vue de
garantir la substance essentielle du droit concerné, sous le contrôle du juge
constitutionnel.

Section 3
La définition constitutionnelle des droits et libertés
fondamentaux

Les droits et libertés sont fondamentaux parce qu'ils sont consacrés


dans la Constitution. Cette consécration se fait dans le texte même de la
Constitution, et non plus uniquement dans des préambules ou exposés des
motifs sans véritable valeur juridique.
Les droits et libertés fondamentaux occupent aujourd'hui une place
centrale dans les textes constitutionnels. On constate d'ailleurs que dans
la plupart, le titre qui traite des droits fondamentaux viennent avant ceux
relatifs à l'organisation et à l'exercice du pouvoir.
La Constitution congolaise du 18 février 2006 consacre, juste après
son Titre 1e des dispositions générales, son deuxième titre aux droits
humains, libertés fondamentales et devoirs du citoyen et de l’État, avant le titre 3
de l'organisation et de l'exercice du pouvoir. Tandis que le 4e chapitre
est dédié aux devoirs du citoyen, les trois premiers chapitres de ce titre
traitent respectivement des droits civils et politiques, des droits
économiques, sociaux et culturels et des droits collectifs1. Cela s'explique
par le fait que « le constituant tient à réaffirmer l’attachement de la

1Voy. H. LUDOVIC, « Typologies et hiérarchie(s) des droits de l'Homme », in


A.I.J.C., vol. 26, 2010, pp. 423-435.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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République démocratique du Congo aux Droits humains et aux libertés


fondamentales tels que proclamés par les instruments juridiques
internationaux auxquels elle a adhéré. Aussi, a-t-il intégré ces droits et
libertés dans le corps même de la Constitution »1.
Le statut des droits et libertés fondamentaux est d'ailleurs renforcé
par rapport aux autres dispositions constitutionnelles. En effet, « est
formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de
réduire les droits et libertés de la personne »2.
Au sujet de l'énumération des droits et libertés fondamentaux dans
le texte constitutionnel, on distingue le système de la liste fermée, dans lequel
l'énumération des droits figurant dans la Constitution est exhaustive, du
système de la liste ouverte dans lequel peuvent y être ajoutés d'autres droits
non formellement inscrits dans le texte fondamental3.
Un exemple de la liste ouverte est fourni par la Constitution des
États-Unis qui dispose que « l’énumération, dans la Constitution, de certains
droits ne sera pas interprétée comme déniant ou restreignant d’autres droits consacrés
par le peuple »4. Sur ce modèle, la Constitution portugaise dispose que « les
droits fondamentaux énoncés dans la Constitution n’excluent pas les autres droits
découlant des lois et des règles applicables du droit international »5.
Par ailleurs, le juge constitutionnel peut toujours rallonger la liste et
reconnaître des droits non-écrits par le biais d'une interprétation
extensive de certains articles de la Constitution, comme le font les juges
allemand et suisse6.

1 Exposé des motifs, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 220 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
3 L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 120.
4 9e Amendement à la Constitution des États-Unis du 17 septembre 1787.
5 Art. 16-1, Constitution portugaise du 2 avril 1976.
6 Voir L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 120.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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266
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Garanties des droits et libertés fondamentaux

Section 1
Garanties de fond

Paragraphe 1
Effet immédiat des droits fondamentaux

La doctrine enseigne que « rien ne sert de proclamer des droits et


libertés avec un luxe de détails si, dans le même temps, le constituant
renvoie au législateur le soin de mettre en œuvre ces droits ou bien si
l'opinion dominante est que ces droits ne sont pas d'application
immédiate »1. Le problème de l'applicabilité directe des droits
fondamentaux conditionne l'effectivité de ces normes. C'est seulement
dans la mesure où l'ensemble des droits constitutionnellement garantis pourront
être mis en œuvre par les organes juridictionnels que la proclamation
constitutionnelle sera pleinement efficace2.
Ainsi par exemple, traitant de la force juridique des droits et libertés
fondamentaux consacrés dans son texte, la Constitution portugaise
dispose que « les préceptes constitutionnels relatifs aux droits, libertés et garanties
fondamentales sont directement applicables et opposables aux personnes de droit public
et de droit privé »3.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 943.


2 L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 122.
3 Art. 18-1, Constitution portugaise du 2 avril 1976. De même, la Constitution

espagnole du 27 décembre 1978 prévoit en son article 53-1 un régime similaire


pour les droits et libertés fondamentaux de premier et deuxième rang des droits
et libertés, en disposant que « les droits et les libertés reconnus au chapitre deux du présent
titre [des droits libertés] sont contraignants pour tous les pouvoirs publics ».
Par contre, au sujet de certains droits socioéconomiques et culturels, la
Constitution dispose que « la reconnaissance, le respect et la protection des
principes reconnus au chapitre trois [des principes directeurs de la politique
sociale et économique relatifs aux plein emploi, redistribution des revenus,
famille et enfant, logement, environnement, etc.] inspireront la législation positive, la
pratique judiciaire et l’action des pouvoirs publics. Ils ne pourront être allégués devant
la juridiction ordinaire que conformément aux dispositions des lois qui les
développeront » [Art. 53-3. Nos italiques]. Il s'agit donc de principes directeurs
qui doivent orienter la politique économique et sociale des pouvoirs publics et
qui sont contenus dans les articles 39-52 de la Constitution. Contrairement aux

267
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En droit français, c'est de la jurisprudence du Conseil


constitutionnel qu'est née l'application directe des normes relatives aux
droits fondamentaux contenus dans le bloc de constitutionnalité, et
notamment dans le Préambule de la Constitution de 1949. En effet, on
disait de cette dernière que, rédigée de manière imprécise, ses
dispositions apparaissaient plutôt comme des mandats adressés au
législateur.
Depuis 1975 et la décision Interruption volontaire de grossesse1,
l'on considère que le préambule a valeur constitutionnelle sans qu'il n'y
ait besoin de distinguer entre eux : les dispositions du préambule ont
valeur positive, même ceux qui ont été rédigés en termes assez généraux.
Le Conseil constitutionnel considère donc que l’ensemble des droits
fondamentaux inscrits sont d’application immédiate lorsqu’il exerce son contrôle. La
doctrine2 enseigne que dans plusieurs décisions, le juge constitutionnel
va au-delà en laissant clairement entendre que tant les autorités
administratives que juridictionnelles doivent appliquer directement les normes
constitutionnelles. Et effectivement les autorités appliquent désormais
directement la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le
Préambule de la Constitution de 1946 et les principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République sans passer par l’intermédiaire de
la loi.
En droit congolais, la Constitution dispose que « les Cours et
Tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités internationaux
dûment ratifiés, les lois, les actes réglementaires pour autant qu’ils soient

droits qui soit d'application immédiate, eux nécessitent un développement


législatif. On est en présence de principes qui encadrent ou orientent l'action des
pouvoirs publics afin que ceux-ci agissent en vue de satisfaire un intérêt
déterminé. Ils ne constituent pas de normes d'efficacité immédiate, car étant
conditionnés à la survenance de loi de développement, au biais desquelles ces droits
deviennent invocables devant le juge ordinaire. Toutefois, ces principes ne sont
pas pour autant dépourvus d'effets juridiques, ils ne sont pas de simples déclarations
d'intention. La Cour constitutionnelle italienne a jugé, sur des droits similaires
en Italie, que « la distinction entre les normes ayant valeur de prescription et les normes ayant
valeur de programme n'est pas décisive et l'inconstitutionnalité d'une loi peut bien résulter […]
de ce qu'elle est incompatible avec une norme qualifiée de programmatique » [Arrêt n°1 de
1956]. La jurisprudence italienne est donc dans le sens de reconnaître pleine
efficacité à l'ensemble des normes constitutionnelles quelles qu'elles soient [Lire
L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 122].
1 C.C. fr., Décis. no 74-75 DC, 15 janv. 1975, Interruption volontaire de grossesse.
2 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 944.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit
pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs »1. Cette disposition
consacre l'applicabilité directe des normes constitutionnelles. En effet,
consacrant pour les juridictions une hiérarchie des sources de droit, la Constitution,
qui trône sur cette hiérarchie, n'avait pas à se citer elle-même. Il en découle que,
même implicitement, les juges tant judiciaire qu'administratif appliquent
directement les normes constitutionnelles relatives aux droits et libertés
fondamentaux2. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle va dans le
même sens, quand elle astreint les autorités publiques au respect des
droits de la défense dans sa jurisprudence de contrôle de
constitutionnalité des actes d'assemblée.

Paragraphe 2
La réserve de la loi en matière de droits fondamentaux

La réserve de la loi en matière de droits fondamentaux est une


technique de garantie de ceux-ci. Elle signifie que la matière de droits
fondamentaux est du domaine de la loi. Le législateur — et lui seul — a reçu
compétence pour prendre des mesures relatives à l'exercice des droits
fondamentaux. L'intervention du parlement a été justifiée par la
nécessité de permettre aux représentants de contrôler les actes portant
atteinte aux droits de l'individu3.
Ceci découle des idées de Locke, qui postulent que l'objet de la
réunion des individus en société réside dans la nécessité de protéger la
liberté et la propriété, et qu'en conséquence, toute loi affectant ces
matières nécessite le consentement des acteurs du contrat social4. Il en
résulte pour le législateur l'obligation de définir lui-même les règles
applicables en matière de droits et libertés, sans laisser cette tâche au
règlement.
C'est ce qu'affirme la Constitution espagnole en disposant que «
seule une loi qui, dans tous les cas, devra respecter leur contenu essentiel, pourra

1 Art. 153 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.


2 Lire en ce sens, N. BOTAKILE, Précis de contentieux administratif, T. 2, Académia-
L'Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2017, p. 40.
3 L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 129.
4 Idem.

269
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

réglementer l’exercice de ces droits et de ces libertés qui seront protégés »1. Il a été
jugé par le Tribunal constitutionnel espagnol que « cette réserve apparaît
comme une garantie essentielle de l'État de droit »2.
En France, la réserve de loi en matière de droits fondamentaux
prend sa source — principalement, car d'autres dispositions du bloc de
constitutionnalité relatives aux droits fondamentaux renvoient à la loi —
à l'article 34-1 de la Constitution française du 4 octobre 1958 qui dispose
que « la loi fixe les règles concernant (...) les droits civiques et les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Le
Conseil constitutionnel s'est maintes fois référé à cette disposition pour
sanctionner les incompétences négatives du législateur qui restait
superficiel dans ses dispositions relatives aux droits fondamentaux et
laissait au règlement le soin de régler des matières qui touchent aux droits
fondamentaux et relèvent de la compétence de la loi3.
En droit congolais, la Constitution consacre également la réserve
de la loi en matière de droits fondamentaux. Elle dispose en effet que «
la loi fixe les règles concernant (...) les droits civiques et les garanties fondamentales
accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques »4. Les réformes qui
impactent donc directement les droits fondamentaux ne peuvent être
prises que par une loi. Cette disposition n'est d'ailleurs pas exhaustive en
la matière, car d'autres dispositions éparses relatives aux droits
fondamentaux renvoient aussi à la loi, telles que celles relatives à la parité
homme femme5, au droit au recours6, la liberté de pensée, de conscience
et de religion7, au droit à l’information8, à la liberté de manifestation9,
etc.

1 Art. 53-1, Constitution espagnole du 27 décembre 1978. Voir aussi Art. 18-2,
Constitution portugaise du 2 avril 1976 ; Art. 19, Loi fondamentale allemande
du 8 mai 1949.
2 C.C. fr., Décis. 83/1984, 24 juillet 1984.
3 Voir par ex. C.C. fr., Décis. 173 DC, 26 juillet 1984, Réseaux câblés ; C.C. fr.,

Décis. 86-217 DC, 18 sept. 1986, Liberté de communication ; C.C. fr., Décis. 304
DC, 15 janvier 1992, Liberté de communication. Lire L. FAVOREU et alii., Droit des
libertés fondamentales, op. cit., pp. 122-123.
4 Art. 122-1, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 14, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 21, Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 22, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 24, Constitution du 18 février 2006.
9 Art. 26, Constitution du 18 février 2006.

270
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 3
La garantie de la substance, la non dénaturation ou le respect du
contenu essentiel

La garantie de la substance, la non dénaturation ou le respect du


contenu essentiel renvoient toutes à la même notion : le législateur, en
prenant des mesures relatives à l'exercice des droits fondamentaux, leur
apportant des limites pour les concilier avec d'autres droits
fondamentaux ou avec des objectifs à valeur constitutionnelle, doit
respecter le contenu substantiel dudit droit.
C'est ce qu'exige la Constitution allemande en disposant que «
lorsqu'un droit fondamental peut être restreint par une loi ou en vertu d’une loi (...)
il ne doit en aucun cas être porté atteinte à la substance d’un droit fondamental »1.
Dans le même sens, la Constitution espagnole dispose que « seule une loi,
qui dans tous les cas devra respecter leur contenu essentiel, pourra réglementer l'exercice
de ces droits et libertés… »2. Et la Constitution portugaise : « (les lois) ne peuvent
(...) restreindre l'étendue et la portée de l'exercice des préceptes constitutionnels »3.
En France, la question de la non dénaturation du droit fondamental
est née de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a eu à y
recourir au moment de la conciliation entre droits fondamentaux entre
eux, ou droits fondamentaux et objectifs à valeur constitutionnelle. En
effet, il a jugé qu’une « limitation (au droit de propriété), alors même
qu’elle répond à un objectif de valeur constitutionnelle, ne saurait revêtir
un caractère de gravité tel qu’elle dénature le sens et la portée du droit de
propriété »4. La formule est utilisée également pour la liberté
d’entreprendre dont il a jugé à plusieurs reprises qu’« en dépit des
contraintes qu’elles comportent (les dispositions critiquées) ne
restreignent pas la liberté d’entreprendre des agents économiques au
point d’en dénaturer la portée »5.
La protection du contenu essentiel de chaque droit fondamental
incombe au juge constitutionnel. C'est donc à lui qu'il revient de
déterminer la notion même de contenu essentiel.

1 Art. 19-1&2, Loi fondamentale allemande du 8 mai 1949.


2 Art. 53, Constitution espagnole du 27 décembre 1978.
3 Art. 18-3, Constitution portugaise du 2 avril 1976.
4 C.C. fr., Décis. no 98-403 DC, 29 juillet 1998, Lutte contre l’exclusion. Nos

italiques.
5 C.C. fr., Décis. no 93-316 DC, 20 janv. 1993, Prévention de la corruption.

271
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La doctrine enseigne que la notion de contenu essentiel aboutit à la


protection d'un noyau constitutionnel et irréductible pour chaque droit fondamental1.
En fait, en dehors d'un noyau d'éléments communs, chaque droit à un
contenu spécifique.
Le Tribunal constitutionnel espagnol a eu à définir la notion de
contenu essentiel dans une décision 11/1981 du 8 avril 19812. Il lui a
attaché deux acceptions possibles et complémentaires. La première
correspond à la nature juridique de chaque droit. La configuration,
l'amplitude et le champ d'application d'un droit, tels que définis par la doctrine
et les juges sont des caractéristiques préexistantes à la régulation
législative. Il y a atteinte au contenu essentiel du droit lorsque le
législateur méconnaît les caractéristiques ainsi définies. Toute restriction
de celles-ci qui aboutit à empêcher de considérer que l'on est bien en présence du
droit en cause, induit une dénaturation inconstitutionnelle.
La seconde conception prend en compte les intérêts juridiquement
protégés en tant que noyau dur du droit. Il y a alors atteinte au contenu
essentiel lorsque le droit est soumis à des restrictions qui le rendent vide de contenu,
ou empêchent son exercice effectif, ou le rendent très difficile.
En somme, le tribunal considère comme faisant partie du contenu
essentiel, « la partie du contenu d'un droit sans laquelle celui-ci perd sa spécificité,
ou, dit d'une autre façon, ce qui fait que ce droit peut être rattaché à une catégorie de
droit d'un type défini. Il s'agit aussi de la partie du droit qui est invariablement
nécessaire pour que le droit permette à son titulaire la satisfaction des intérêts pour la
poursuite desquels le droit est octroyé ».

Paragraphe 4
Le caractère exceptionnel et conditionné des suspensions
de garantie ou de dérogations aux droits fondamentaux

Les constitutions ont réglementé de manière précise comment


pourrait-on déroger aux fondamentaux, comment l'exercice des droits
fondamentaux pourrait être suspendu en situation de crise. Ces
situations sont relatives à l'état d'urgence, état de siège, état de guerre, état

1 Fernandez Segado, cité par L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales,
op. cit., p. 136.
2 Lire L. FAVOREU et alii., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 135.

272
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'exception, état d'alerte, état de défense… selon différents États, mais


emportent toutes globalement les mêmes conséquences quant au fond1.
En effet, pendant les périodes de crise, l'exercice des droits
fondamentaux est suspendu. Cette suspension doit être distinguée de la
simple restriction, où l'on peut bien exercer son droit, avec de manière
relativement limitée. Ici, on ne peut tout simplement pas exercer son
droit. On ne peut par exemple pas se déplacer librement.
Les dérogations aux droits fondamentaux se distinguent des
restrictions ou limites. Elles constituent des limitations suspensives et
temporaires liées à certaines circonstances extérieures et touchant une
catégorie des droits de l'homme2.
Ces dérogations sont exceptionnelles et d'une durée limitée. Elles
doivent souvent être autorisées, ou sinon, elles ne peuvent être
prorogées qu'avec l'assentiment de la représentation nationale.
La crise nécessitant le régime d'exception tient souvent à une
origine civile ou naturelle (calamités publiques, santé publique) ou
militaire, qui cause un trouble à l'ordre constitutionnel ou démocratique.
Les dérogations apportées aux différents droits fondamentaux
doivent être proportionnels à l'objectif poursuivi, c'est-à-dire, le retour à la situation
normale.
Dans tous les cas, certains droits sont toujours déclarés hors
d'atteinte, indérogeables. Même s'il n'y a pas à proprement parler une
hiérarchie des droits de l'homme, il existe cependant au sein des droits
de l'homme des droits qui bénéficient du statut des droits indérogeables.
Ce sont des droits dont l'application intégrale s'impose en tout temps et en tout lieu,
quel que soit le contexte et quel que soit le cadre pouvant justifier
légalement les dérogations aux droits de l'homme. Ces droits ne peuvent
d'aucune manière être violée bafoués au nom du principe de la primauté des
intérêts de l'homme sur ceux de l'État Ces droits constituent le noyau dur des
droits de l'homme3.
Le droit congolais prévoit connait trois régimes de crise : l'état
d'urgence, l'état de siège et l'état de guerre. Seuls les deux premiers seront
concernés ici, le troisième n'ayant plus beaucoup d'intérêt étant donné

1 Voy. G. LEBRETON, « Les atteintes aux droits fondamentaux par l’état de


siège et l’état d’urgence », in Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, vol. 6,
2008, pp. 81-92.
2 P.-G. NGONDANKOY, Droit congolais des droits de l'homme, Academia-Bruylant,

Louvain-la-Neuve, 2004, p. 166.


3 Idem., p. 173.

273
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'état du droit et des relations internationales en matière des conflits


armés.
La Constitution dispose que « lorsque des circonstances graves
menacent d’une manière immédiate l’indépendance ou l’intégrité du
territoire national ou qu’elles provoquent l’interruption du
fonctionnement régulier des institutions, le Président de la République
proclame l’état d’urgence ou l’état de siège après concertation avec le
Premier ministre et les Présidents des deux Chambres conformément
aux articles 144 et 145 de la présente Constitution »1.
Ces régimes juridiques obéissent à des conditions et à une
procédure, et emportent des conséquences juridiques sur les droits des
particuliers.

Point 1
Les conditions de fond

La première condition est l'existence des circonstances graves. Il s'agit


là d'une condition relative laissée à l'appréciation du Président de la
République.
Cette condition de fond est suivie de deux autres conditions liées
aux effets de ces circonstances. Ces deux conditions sont alternatives.
La première, d'appréciation libre, consiste en le fait que ces
circonstances doivent menacer d’une manière immédiate l’indépendance ou
l’intégrité du territoire national. Là encore, le Président observe.
Mais la deuxième, d'appréciation objective, consiste en le fait que
ces circonstances doivent provoquer l’interruption du fonctionnement régulier des
institutions.
En gros, ces circonstances graves peuvent être par exemple une
épidémie meurtrière ou d'une invasion du territoire par des milices
armées.
En déclarant l'état d'urgence en 2020 pour faire face à l'épidémie
de Covid 19 par exemple, le Président de la République constatait « la
propagation actuelle, inédite, imprévisible et rapide du coronavirus à
travers le monde et particulièrement dans notre pays depuis début mars
2020, laquelle propagation a provoqué l'interruption du fonctionnement
régulier des institutions de la République et est susceptible de causer une

1 Art. 85, Constitution du 18 février 2006.

274
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé


de la population »1.
De même, il proclamait l'état de siège, « considérant que la situation
qui sévit dans la province de l'Ituri et dans la province du Nord-Kivu est
de plus en plus préoccupante de par sa nature et sa gravité et qu'elle
constitue, d'une manière immédiate, une menace contre l'intégrité du
territoire national affectant ainsi le fonctionnement régulier des
institutions2.

Point 2
La procédure

La Constitution institue deux procédures pour la proclamation de l'état


d'urgence et de siège. Il a été jugé que le Président peut opter pour le
régime de concertation avec les Premier ministre et les Présidents des
chambres prévu par l'article 85, ou d'autorisation par le Congrès prévu par
l'article 119 point 23. Une fois proclamé, le Président en informe la
Nation par message4.

Point 3
Les conséquences juridiques des régimes de crise

L'état d'urgence et l'état de guerre aboutissent à faire du Président


de la République un dictateur constitutionnel. Le Président cumule en
effet les pouvoirs législatif et réglementaire. Il peut prendre toutes les
mesures nécessaires pour faire face à la situation, dans le respect des
droits indérogeables. Les dispositions de la Constitution dont mises en
veilleuse pour la circonstance, même si la Constitution n'est pas
totalement écartée, car tout se faisant dans le cadre et les limites fixées
par la Constitution.
En pratique, l'état d'urgence aboutit à hausser le pouvoir de police des
autorités civiles et l'état de siège, à transférer le pouvoir des autorités civiles aux

1 Exposé des motifs, Ordonnance n°20/14 du mars 2020 portant proclamation


de l'état d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
2 Exposé des motifs, Ordonnance n° 21/016 du 3 mai portant mesures

d'application de l'état de siège sur une partie du territoire de la République


démocratique du Congo.
3 C.C., R. Const. 1.200, 13 avr. 2020.
4 Art. 85 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

275
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

autorités militaires. L'ordonnance portant mesures d'application de l'état de


siège dispose que « les gouvernements provinciaux de l'Ituri et du Nord-
Kivu sont composés respectivement d'un gouverneur militaire et d'un
vice-gouverneur policier (...) les gouvernements provinciaux ainsi que les
assemblées provinciales sont suspendus et leurs prérogatives sont
transférées aux autorités provinciales militaires (...) le gouverneur
militaire (...) a les pleins pouvoirs de gestion, de police et de maintien de
l'ordre dans la province »1.
Pendant les situations de crise, le Président de la République prend « les
mesures nécessaires pour faire face à la situation ». Ces mesures sont dérogatoires
aux libertés fondamentales.
Ainsi, lors de l'état d'urgence sanitaire, il était décrété des
restrictions de certaines libertés, dont celle d'aller et venir, de réunion et
d'entreprendre, par le confinement, l'interdiction de réunions et
rassemblements de plus de 20 personnes, la fermeture des écoles,
universités et instituts, des bars, discothèques, cafés, terrasses,
restaurants, des cultes religieux et des activités sportives2. L'ordonnance
portant mesures d'application de l'état de siège dispose également que «
dans l'accomplissement de leur mission, les autorités militaires sont
investies de prérogatives exorbitantes de la légalité normale, dans les
limites du respect de la dignité humaine [notamment] faire des
perquisitions de jour et de nuit (...) interdire la circulation des personnes
et des véhicules dans les lieux et heures fixées (...) »3.
Les ordonnances portant mesures nécessaires pour faire face à la
situation sont, toutes affaires cessantes déférées à la Cour. La cour vérifie
si les atteintes portées aux droits fondamentaux sont nécessaires à la poursuite de
l'objectif de rétablissement du fonctionnement normal des institutions. Mais son
contrôle est assez superficiel, le juge n'ayant pas un pouvoir général
d'appréciation de l'opportunité des décisions.
La Cour vérifie surtout si les mesures prises ne portent pas atteinte aux
droits indérogeables prévus à l'article 61.

1 Art. 1 & 4, Ordonnance n° 21/016 du 03 mai 2021 portant mesures


d'application de l'état de siège sur une partie du territoire de la République
démocratique du Congo.
2 Art. 3, ordonnance de proclamation de l'état d'urgence.
3 Art. 4, Ordonnance n° 21/016 du 03 mai 2021 portant mesures d'application

de l'état de siège sur une partie du territoire de la République démocratique du


Congo.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 4
Le régime juridique des actes pris pendant les régimes de crise

L'arrêt Rubin de Servens rendu par le Conseil d'État français en


1961 établit le régime juridique des actes pris pendant les périodes de
crise. Il considère que l'acte de proclamation de l'état d'urgence ou de siège est un
acte de gouvernement qui échappe à tout contrôle juridictionnel. Le juge ne
peut donc vérifier si les conditions de fond exigées pour la proclamation
de ces régimes sont réunies.
Par ailleurs, quant aux actes par lesquels le Président de la
République prend les mesures nécessaires pour faire face à la situation,
il faut distinguer selon que ces mesures reviennent au domaine de la loi ou du
règlement, auquel cas ces actes seront du domaine de la loi ou du règlement. Seules
celles relevant du domaine du règlement sont contrôlables par le juge
administratif, les autres échappant au contrôle du juge constitutionnel,
celui-ci n'ayant pas reçu compétence pour les contrôler.
Cela étant, les considérations de cet arrêt ne sont pas entièrement
importables en droit congolais. En effet, quant à l'ordonnance de
proclamation de l'état d'urgence, le juge constitutionnel congolais a
considéré qu'elle est un acte réglementaire qui relève de sa compétence, aux
termes de l'article 162 alinéa 2 de la Constitution. Le juge constitutionnel
a donc refusé d'y voir un acte de gouvernement pour le faire échapper
de sa compétence, constituant par là une avancée dans la démarche de
protection de l'état de droit1.
Quant aux ordonnances portant mesures nécessaires pour faire
face aux circonstances, la Constitution dispose qu'elles sont soumises à la
Cour qui se prononce sur leur conformité à la Constitution. Ici encore, la
distinction établie par l'arrêt Rubin de Servens n'a pas d'intérêt, car dans
l'un ou l'autre cas, le juge constitutionnel procédera au contrôle de ces
mesures, alors que la distinction établie par le juge administratif français
visait justement à ne retenir dans son champ de compétence que celles
de ces mesures qui ne relèvent pas du domaine de la loi.
Par ailleurs, l’état d’urgence ou l’état de siège peut être proclamé sur
tout ou partie du territoire de la République pour une durée de trente jours.
L’ordonnance proclamant l’état d’urgence ou l’état de siège cesse
de plein droit de produire ses effets après l’expiration de ce délai de 30
jours, à moins que l’Assemblée nationale et le Sénat, saisis par le

1A.-C. FUNGA, « La justiciabilité des actes dits de gouvernement en droit


positif congolais », inédit.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Président de la République sur décision du Conseil des ministres, n’en


aient autorisé la prorogation pour des périodes successives de quinze
jours1.

Paragraphe 5
L’aménagement de la procédure de révision de la Constitution

La procédure en matière de révision constitutionnelle peut être


aménagée en vue de la protection des droits et libertés fondamentaux.
En Espagne, la procédure de révision est plus stricte quand elle
touche aux matières relatives au titre 1e des droits fondamentaux,
chapitre 2e des droits libertés, section 1e des droits fondamentaux et des
libertés publiques. Alors qu'en principe, le projet de révision est adopté
par les deux chambres parlementaires à la majorité des trois cinquièmes
et approuvé par référendum2 ; la Constitution dispose que « toute
proposition [de révision] visant (...) à une révision partielle (...) du
chapitre deux, section première du titre I (...) sera approuvée, quant au
principe, à la majorité des deux tiers de chaque Chambre et l’on
procédera à la dissolution immédiate des Cortès [les chambres]. Les
Chambres élues devront ratifier la décision et procéder à l’étude du
nouveau texte constitutionnel qui devra être approuvé par les deux
Chambres à la majorité des deux tiers. Après avoir été approuvée par les
Cortès générales, la révision sera soumise à ratification, par voie de
référendum »3.
Par ailleurs, il est admis, en droit comparé, que la Constitution ne peut
être révisée pendant les situations de crise suspensives des droits et libertés
fondamentaux4.
Plus loin encore, certaines constitutions excluent carrément de leur
champs de révision les matières relatives aux droits fondamentaux5.

1 Art. 144 Al. 4 & 5, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 167, Constitution espagnole du 27 décembre 1978.
3 Art. 168, Constitution espagnole du 27 décembre 1978.
4 Art. 169, Constitution espagnole du 27 décembre 1978 ; Art. 289, Constitution

portugaise du 2 avril 1976 ; Art. 89, Constitution française du 4 octobre 1958 ;


Art. 219, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 288, Constitution portugaise du 2 avril 1976 ; Art. 79, Loi fondamentale

allemande du 8 mai 1949 ; Art. 220 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Les garanties de forme

Paragraphe 1
Garanties assurées par la justice constitutionnelle

La garantie des droits fondamentaux est assurée par la justice


constitutionnelle d'abord de façon générale au travers du contrôle de
constitutionnalité. En contrôlant la conformité d'une loi à la Constitution
et notamment aux dispositions relatives aux droits fondamentaux, la
justice constitutionnelle contribue ainsi à la garantie de ceux-ci.
Mais la justice constitutionnelle prévoit souvent des procédures
instituées spécifiquement pour la garantie des droits fondamentaux. Ainsi,
les constitutions des pays de tradition romaniste ont institué des
procédures de recours directs contre des actes des autorités publiques —
cas de l'amparo constitutionnel espagnol ou du recours direct allemand
— attentatoires aux droits fondamentaux des citoyens. On retrouve
également les procédures de recours préjudiciels devant la juridiction
constitutionnelle intentés au cours d'un procès classique. Il appartient
parfois à une autorité publique de saisir directement le juge constitutionnel pour la
protection de droits fondamentaux contre des actes des autorités publiques.
Ces procédures existent également en droit congolais. Le particulier
peut saisir directement la Cour constitutionnelle en inconstitutionnalité
de tout acte législatif ou réglementaire attentatoire à ses droits
fondamentaux1. La compétence est également reconnue au procureur
général près la Cour constitutionnelle2. Par ailleurs, il est également
institué la procédure d'exception d'inconstitutionnalité3.

1 Art. 48, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et


fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
2 Art. 49, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.


3 Art. 52, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Garanties assurées par la justice ordinaire

L'activité générale de la justice ordinaire contribue également à la


protection des droits fondamentaux, le juge congolais ayant pour
principale attribution la garantie des libertés individuelles et droits fondamentaux.
Par ailleurs, les juridictions ordinaires peuvent très efficacement
contribuer à assurer les garanties aux droits fondamentaux en appliquant
les normes constitutionnelles protégeant ces droits telles que les a interprétées ou
dégagées la Cour constitutionnelle. Elles peuvent aussi faire application
directement de normes constitutionnelles existantes, non encore interprétées,
par la Cour constitutionnelle.
Des procédures spécifiques sont également prévues pour la garantie des
droits fondamentaux par le juge ordinaire. C'est le cas de la procédure
de référé-liberté. Aux termes de la loi, « lorsqu'une décision administrative
porte gravement atteinte et de manière manifestement illégale à une
liberté publique et/ou fondamentale, le juge des référés saisi par une
demande en référé-liberté peut ordonner toute mesure nécessaire à la
sauvegarde de la liberté. Le juge des référés se prononce dans les
quarante-huit heures lorsqu’il statue sur une demande en référé-liberté
»1 .

1 Art. 283, Loi organique n° 16-027 du 15 octobre 2016 portant organisation,


compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 3
L’exercice des droits et libertés fondamentaux

Section 1
Titulaires et bénéficiaires des droits et libertés fondamentaux

Paragraphe 1
Les personnes physiques et morales

En plus des personnes physiques, les personnes morales peuvent


également être bénéficiaires des droits fondamentaux, et dans une
certaine mesure, les personnes morales de droit public.
En droit comparé, la Loi fondamentale allemande prévoit que « les
droits fondamentaux s’appliquent aussi aux personnes morales nationales dans la
mesure où ils leur sont applicables en raison de leur nature »1. De même, la
Constitution portugaise dispose que « toutes les personnes morales jouissent des
droits et sont astreintes aux devoirs qui sont compatibles avec leur nature »2.
Le Conseil constitutionnel français a admis que bénéficient des
droits fondamentaux, les personnes morales de droit privé, notamment les
syndicats3, les sociétés4, les établissements privés d'enseignement5, et des
personnes morales de droit public, notamment les établissements publics6 et
les collectivités territoriales7.

Paragraphe 2
Les nationaux et les étrangers

Les situations varient selon les États. Cependant, il est


généralement reconnu aux étrangers les droits-libertés et les droits de nature
processuelle. Mais ils sont généralement privés des droits politiques8. La
Constitution prévoit ainsi que « tous les êtres humains naissent libres et

1 Art. 10-3, Loi fondamentale allemande du 8 mai 1949.


2 Art. 12-2, Constitution portugaise du 2 avril 1976.
3 C.C. fr., Décis. no 80-119 DC, 22 juill. 1980.
4 C.C. fr., Décis. no 81-132 DC, 16 janv. 1982.
5 C.C. fr., Décis. no 93-329 DC, 13 janv. 1994.
6 C.C. fr., Décis. no 79-112 DC, 9 janv. 1980.
7 C.C. fr., Décis. no 82-138 DC, 25 févr. 1982.
8 P.-G. NGONDANKOY, Droit congolais des droits de l'homme, op. cit., p. 142.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

égaux en dignité et en droits. Toutefois, la jouissance des droits politiques est


reconnue aux seuls Congolais, sauf exceptions établies par la loi »1.

Section 2
Les débiteurs des droits et libertés fondamentaux

Les droits fondamentaux sont opposables aux pouvoirs publics,


mais aussi aux particuliers2.
Les trois pouvoirs sont considérés comme débiteurs des droits
fondamentaux. La Loi fondamentale allemande dispose que « les droits
fondamentaux énoncés ci-dessus lient le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le
pouvoir judiciaire à titre de droit directement applicable »3.
Ce respect des droits fondamentaux par les trois pouvoirs est
effectif dans la mesure, et parce que, sont organisées des voies de recours
permettant d’obtenir cette soumission des pouvoirs aux normes
constitutionnelles, et particulièrement à celles relatives aux
droits fondamentaux4. Ainsi l'institution du contrôle de
constitutionnalité, du recours pour excès de pouvoir et des recours en
appel et en cassation attestent de la soumission respectivement des
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire aux droits fondamentaux.
Les particuliers sont aussi débiteurs des droits fondamentaux. La
Constitution dispose que « le respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales consacrés dans la Constitution s’impose aux pouvoirs publics et à toute
personne »5. De même renchérit-elle, « nul n’est censé ignorer la loi. Toute
personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux
lois de la République »6.

Section 3
Les limites aux droits fondamentaux

Le droits fondamentaux ne sont pas d'exercice absolue7. Ils sont


limitables.

1 Art. 11, Constitution du 18 février 2006. Nos italiques.


2 P.-G. NGONDANKOY, Droit congolais des droits de l'homme, op. cit., pp. 147-154.
3 Art. 1-III, Loi fondamentale allemande du 8 mai 1949.
4 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 956.
5 Art. 60, Constitution du 18 février 2006.
6 Art. 62, Constitution du 18 février 2006.
7 P.-G. NGONDANKOY, Droit congolais des droits de l'homme, op. cit., p. 156.

282
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Ces limites sont de deux types : elles tiennent d'abord à la conciliation


entre droits et libertés fondamentaux manifestement incompatibles, on parle de «
collision des droits et libertés fondamentaux » (par exemple, droit à la
vie du fœtus et liberté de posséder de soi de la mère en matière
d'avortement).
Les limites tiennent ensuite à la conciliation entre droits et libertés
fondamentaux et objectifs à valeur constitutionnelle1. Les objectifs à valeur
constitutionnelle sont des objectifs assignés par le constituant aux pouvoirs
publics, pouvant permettre, en vue de leur réalisation, la limite à certains
droits et libertés fondamentaux (par exemple, conciliation entre liberté
et ordre public ou nécessité d'arrestation des coupables d'une infraction
en matière de garde à vue).
L'autorité compétente pour fixer les limites est le législateur. C'est
l'application de la réserve de la loi en matière de droits fondamentaux.
C'est ce qu'a affirmé le Conseil constitutionnel français, « considérant
(…) qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une
part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des
auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et
de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des
libertés constitutionnellement garanties »2.
Dans cet exercice, le législateur doit respecter la « garantie de non-
dénaturation », dite aussi du « respect du contenu essentiel ». « En aucun cas il
ne doit être porté atteinte à la substance d'un droit fondamental », dispose
la Constitution allemande3.
Dans son rôle de protection des droits et libertés fondamentaux, le
juge doit opérer un jonglage subtil entre des droits et libertés
manifestement incompatibles, sans faire prévaloir certains sur d'autres ;
de même, il doit opérer un jonglage entre droits et libertés et objectifs à
valeur constitutionnelle. Ainsi, le Conseil constitutionnel a-t-il concilié
droit de grève et continuité des services publics4, la liberté de
communication avec les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la
sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la
préservation du caractère pluraliste des courants d’expression

1 P. GERVIER, « La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par


l'ordre public », in N.C.C.C., vol. 4, n° 45, 2014, pp. 105-112.
2 C.C. fr., Décis., 2 mars 2004, Évolution de la criminalité.
3 Art. 19 Al. 2, Loi fondamentale allemande du 8 mai 1949. Nos italiques.
4 C.C. fr., Décis., 25 juill. 1979, Droit de grève à la radio.

283
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

socioculturels1, ou encore le droit à la protection de la santé avec la


liberté d’entreprendre et le droit de propriété2.

1 C.C. fr., Décis., 27 juill. 1982, Communication audiovisuelle.


2 C.C. fr., Décis., no 90-283 DC, 8 janv. 1991, Lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.

284
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

- Textes étrangers
1. Constitution américaine du 4 juillet 1789.
2. Constitution espagnole du 29 décembre 1978.
3. Constitution française du 4 octobre 1958.
4. Constitution italienne du 27 décembre 1947.
5. Constitution portugaise du 2 avril 1976.
6. Constitution russe du 12 décembre 1993.
7. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789.
8. Loi fondamentale allemande du 8 mai 1949.

- Textes internationaux
1. Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
2. Convention de Vienne sur les relations diplomatiques
du 18 avril 1961.

- Textes nationaux
1. Constitution de Luluabourg du 1e août 1964.
2. Constitution de la transition du 4 avril 2003.
3. Constitution du 18 février 2006.
4. Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
5. Loi n°08/012 portant principes fondamentaux
relatifs à la libre administration des provinces.
6. Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant
composition, organisation et fonctionnement des Entités
Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les
Provinces.
7. Loi organique n° 10/011 du 18 mai 2010 portant
fixation des subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces.
8. Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
9. Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation.

285
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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10. Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions
de l'ordre judiciaire.
11. Règlement intérieur de l'Assemblée nationale, 2006.
12. Règlement intérieur du Sénat, 2019.
13. Loi n°/006 du 9 mars 2006 portant organisation des
élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines,
municipales et locales.
14. Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des
anciens présidents de la République élus et fixant les avantages
accordés aux anciens chefs de corps constitués.
15. Ordonnance n°17/077 du 26 sur 2019 pourtant
nomination des vices-Premiers Ministres, Ministres d'État,
Ministres, Ministres délégués, vice-Ministres
16. Ordonnance n°20/14 du mars 2020 portant
proclamation de l'état d'urgence sanitaire pour faire face à
l'épidémie de Covid-19.
17. Ordonnance n° 21/016 du 3 mai portant mesures
d'application de l'état de siège sur une partie du territoire de la
République démocratique du Congo.

B. DOCTRINE

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3. P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit
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4. G. BERGOUGNOUS, La présidence des assemblées
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5. S. BESSON, Droit international public, Stämpfli
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41. C. ROCHE, L’essentiel du Droit international public,
Gualino, Paris, 2019.
42. D. RUZÉ et G. TEBOUL, Droit international public,
Dalloz, Paris, 2013.

288
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

43. J.-M. TASOKI, Procédure pénale congolaise,


L'Harmattan, Paris, 2017.
44. J. WALINE, Droit administratif, Dalloz, Paris, 2018.
45. P. WIGNY, Droit constitutionnel : principes et droit positif,
T1, Bruylant, Bruxelles, 1952.
46. F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité de droit
administratif, Larcier, Bruxelles, 2007.
47. F. WASERMAN, Les finances publiques, La
documentation française, Paris, 2016.
48. L. YUMA, Manuel de droit administratif général, CEDI,
Kinshasa, 2015.

- Thèses, mémoires, travaux de fin de cycle


1. D. KALUBA, Du contentieux constitutionnel en République
démocratique du Congo. Contribution à l'étude des fondements et des
modalités d'exercice de la justice constitutionnelle, Thèse, Université de
Kinshasa, 2010.
2. D. MBAU, Contribution à la construction d'un cadre de
protection pénale de la Constitution, Thèse de doctorat, Université
de Kinshasa, 2020.
3. C. MWAMULUNGU, Contrôle de constitutionnalité des
lois de révision constitutionnelle. Approche comparative et prospective,
Mémoire de licence, UNIKIN, 2020.
4. A. REMEDEM, La protection des droits fondamentaux par
la Cour de Justice de l’Union Européenne, Thèse de doctorat,
Université d’Auvergne Clermont 1, 2013.
5. B. SOUMANA, Le Parlement au Niger, Thèse de
doctorat, Lyon, 2016.

- Articles
1. M. AFROUKH, « Une hiérarchie entre droits
fondamentaux ? Le point de vue du droit européen », inédit.
2. H. AKEREKORO, « La Cour constitutionnelle et le
bloc de constitutionnalité au Bénin », inédit.
3. P. ARDANT, « L’article 5 et la fonction
présidentielle », in Pouvoirs, n° 41, 1987, pp. 37-62.
4. BALINGENE KAHOMBO, « La Cour
constitutionnelle et la rectification d’erreurs matérielles
contenues dans ses arrêts relatifs au contentieux des résultats

289
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

des élections législatives du 30 décembre 2018 », in A.C.J.C.,


vol. 4, 2019, pp. 182-207.
5. M. BARBERIS, « Le futur passé de la séparation des
pouvoirs », in Pouvoirs, vol. 4, n° 143, 2021, pp. 5-15.
6. O. BEAUD, « Un plaidoyer modéré en faveur d'un
tel contrôle », in C.C.C., n° 27, (dossier : contrôle de
constitutionnalité des lois constitutionnelle), 2010 ; « La
répartition des compétences dans une Fédération », in Jus
Politicum, vol. 16, 2016, pp. 179-206.
7. I. BOUCOBZA, « Un concept erroné, celui de
l'existence d'un pouvoir judiciaire », in Pouvoirs, vol. 4, n° 143,
2012, pp. 73-87.
8. J. BOUDON, « Le mauvais usage des spectres. La
séparation “rigide” des pouvoirs », in R.F.D.C., n° 78, 2009, p.
247-267.
9. Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n°27, Dossier
: Contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles,
2010.
10. G. CAHIN, « Limitation du pouvoir constituant : le
point de vue de l’internationaliste », in Civitas Europa, vol. 1, n°
32, 2014, pp. 55-79.
11. G. CARCASSONNE, « Les “nationalités” dans la
Constitution », Pouvoirs, nº 8, L’Espagne, 1984 pp. 117-122.
12. D. CHAMUSSY, « La procédure parlementaire et le
Conseil constitutionnel », in N.C.C.C., vol. 1, n° 38, pp. 37-68.
13. J. CIHUNDA, « Procédure devant la Cour
constitutionnelle », in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 135-157.
14. M.-A. COHENDET, « Cohabitation et
constitution », in Pouvoirs, n° 91, 1999, p.33-57.
15. T. DI MANNO, « Les revirements de jurisprudence
du Conseil constitutionnel français », in C.C.C., n° 20, 2006.
16. M. DISANT, « L'autorité de la chose interprétée par
le Conseil constitutionnel », in C.C.C., n° 28, 2010, p. 3.
17. G-P DJUMA, « Parquet général près la Cour
constitutionnelle de la République démocratique du Congo »,
in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 89-110.
18. T.-L. EDZODZOMO NKOUMOU, « Le procès en
destitution de Trump », in Civitas Europa, vol. 1, n° 44, 2020,
pp. 207-215 ; « Le second procès en destitution de Trump », in
Civitas Europa, vol. 1, n° 46, 2021, pp. 413-417.

290
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

19. M.-P. ÉLIE, « L'Italie, un État fédéral ? À propos des


lois constitutionnelles n˚ 1 du 22 novembre 1999 et n˚ 3 du 18
octobre 2001 », R.F.D.C., vol. 4, n° 52, 2002, pp. 749-757.
20. M.-J. FALCON Y TELLA, « La désobéissance civile
», in R.I.E.J., vol. 39, n°2, 1997, pp. 27-67.
21. L. FAVOREU, « Modèle européen et modèle
américain de justice constitutionnelle », in A.I.J.C., vol. 4, 1998,
pp. 51-66 ; « La décision de constitutionnalité », in R.I.D.C.,
vol. 38, n° 2, 1986, pp. 611-633.
22. J.-P. FELDMAN, « La séparation des pouvoirs et le
constitutionnalisme. Mythes et réalités d'une doctrine et de ses
critiques », in R.F.D.C., vol. 3, n° 83, 2010, pp. 483-496.
23. L. FAVOREU et A. ROUX, « La libre administration
des collectivités territoriales est-elle une liberté fondamentale ?
», in C.C.C., n° 12 (Dossier : Droit constitutionnel des
collectivités territoriales), 2002.
24. A.-C. FUNGA, « Distinction entre recours en
annulation et recours en inconstitutionnalité, recevabilité des
requêtes additionnelles. Observations sous l’arrêt R.Const.
569/599 du 29 décembre 2017 », in Les analyses juridiques, n° 40,
2018, pp. 67-70.
25. P. GERVIER, « La limitation des droits
fondamentaux constitutionnels par l'ordre public », in
N.C.C.C., vol. 4, n° 45, 2014, pp. 105-112.
26. P. JOXE, « La justice, troisième pouvoir ? », in Après-
demain, vol. 4, n° 20, pp. 16-18.
27. D. KALUBA, « Le constitutionnalisme africain : de la
domestication du pouvoir constituant dérivé en Droit
constitutionnel congolais », in A.C.J.C., vol. 2, 2017, pp. 256-299.
28. S. KAPINGA, « Cour constitutionnelle et contrôle de
constitutionnalité en République démocratique du Congo », in
A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 3-28.
29. G. LEBRETON, « Les atteintes aux droits
fondamentaux par l’état de siège et l’état d’urgence », in Cahiers
de la recherche sur les droits fondamentaux, vol. 6, 2008, pp. 81-92.
30. L. LECH GARLICKI et W. ZAKRZEWSKI, « La
protection juridictionnelle de la Constitution dans le monde
contemporain », in A.I.J.C., vol. 1, 1985, pp. 17-37.
31. A. LE DIVELLEC, « Des effets du contrôle
parlementaire », in Pouvoirs, n° 134, 2010, pp. 123-129.

291
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

32. A. LE PILLOUER, « La notion de “régime


d’assemblée” et les origines de la classification des régimes
politiques », in R.F.D.C., n° 58, 2004, p. 305-333.
33. P. MAIR, « Gouvernement représentatif v.
gouvernement responsable », in R.I.P.C., vol. 18, n° 2, 2011,
pp. 149-164.
34. H. LUDOVIC, « Typologies et hiérarchie(s) des
droits de l'Homme », in A.I.J.C., vol. 26, 2010, pp. 423-435.
35. B. MATHIEU, « La constitution cadre et miroir des
mutations de la société », in R.F.D.C., vol. 4, n° 100, 2014, pp.
1011-1019 ; B. MATHIEU, « La part de la loi, la part du
règlement. De la limitation de la compétence réglementaire à la
limitation de la compétence législative », in Pouvoirs, vol. 3, n°
114, 2005, pp. 73-87.
36. E. MILLARD, « La hiérarchie des normes : une
critique sur un fondement empiriste », in P. BRUNET, E.
MILLARD et J. MERCIER, La fabrique de l’ordre juridique : les
juristes et la hiérarchie des normes, vol.21, 2013, pp. 163-19 ; «
Qu'est-ce qu'une norme juridique ? », in C.C.C., n° 21 (dossier
: la normativité), 2017.
37. J. MIRANDA, « Le contrôle et les limites de révision
de la Constitution », in A.I.J.C, n° 20, 2004, pp. 441-457.
38. B. MIRKINE-GUETZEVITCH, « Le régime
parlementaire dans les récentes Constitutions européennes »,
in R.I.D.C., vol. 2, n° 4, 1950, pp. 605-638.
39. F. MODERNE, « La notion de révision de la
Constitution », in A.I.J.C., n° 20, 2004, pp. 424-440.
40. B. NABLI, « L'opposition parlementaire : un contre-
pouvoir politique saisi par le droit », in Pouvoirs, vol. 1, n° 133,
2010, pp. 125-141.
41. P. NORTON, « La nature du contrôle parlementaire
», in Pouvoirs, vol. 3, n° 134, 2010, pp. 5-22.
42. Y. OUEDRAOGO, « La représentation
architecturale du droit », in Droit et Ville, vol. 2, n° 76, 2013, pp.
89-106.
43. O. PFERSMANN, « Une théorie sans objet, une
dogmatique sans théorie. En réponse à Michel Troper », in
R.F.D.C., vol. 4, n° 52, 2002, pp. 759-788.
44. X. PHILIPPE « Le contrôle des lois
constitutionnelles en Afrique du Sud », in C.C.C., n° 27 (dossier

292
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

: contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles),


2010.
45. B. PIERRE-VANTOL, « Autonomie politique et
réforme statutaire en Espagne : regards sur le « blindage des
compétences » autonomes dans le nouveau statut de la
Catalogne », in R.F.D.C., vol. 1, n° 81, 2010, pp. 67-103.
46. J. PINI, « Le Premier ministre, clé de voûte de
l'exécutif ? », in R.F.D.C., vol. 5, n° 2, 2008, pp. 73-96.
47. D. POLLET-PANOUSSIS, « La Constitution
congolaise de 2006 : petite sœur africaine de la Constitution
française », in R.F.D.C., vol. 3, n° 75, 2008, pp. 451-498.
48. PRIMIDO, « Les caractères généraux des droits et
libertés fondamentaux », in [https://www.pimido.com/droit-
public-et-prive/libertes-publiques/dissertation/caracteres-
generaux-droits-libertes-fondamentaux-142445.html].
49. M. ROSARIA DONNARUMMA, « Le régime semi-
présidentiel. Une anomalie française », in R.F.D.C., vol. 1, n°
93, 2013, pp. 37-66.
50. C. SÄGESSER, « Législatif, exécutif et judiciaire. Les
relations entre les trois pouvoirs », in Dossiers du CRISP, vol. 2,
n° 87, 2016, pp. 9-71.
51. P. SUBRA DE BIEUSSES, « Un État unitaire ultra-
fédéral », in Pouvoirs, vol. 1, n° 124, 2008, pp. 19-34.
52. E. THIERS, « Le contrôle parlementaire et ses limites
juridiques : un pouvoir presque sans entraves », in Pouvoirs, vol.
3, n° 134, 2010, pp. 71-81.
53. M. TROPER, « Réplique à Otto Pfersmann », in
R.F.D.C., vol. 2, n° 50, 2002, pp. 335-353.
54. X. VANDENDRIESSCHE, « Le parlement entre
déclin et modernité », in Pouvoirs, vol. 4, n° 99, 2001, pp. 59-70.
55. F. VERGNIOLLE DE CHANTAL, « L'analyse
constitutionnelle de l’impeachment aux États-Unis », in
R.F.S.P., vol. 1, n° 50, 2000, pp. 147-154.
56. M. VERPEAUX, « Le droit constitutionnel des
collectivités territoriales, avant-propos », in C.C.C., n° 12
(Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités
territoriales), 2002.
57. M. WETSH'OKONDA, « Profil des membres de la
première composition de la Cour constitutionnelle de la
République démocratique du Congo », in A.C.J.C., vol. 1, 2016,

293
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

pp. 123-134 ; « Greffe de la Cour constitutionnelle :


attributions, organisation et fonctionnement », in A.C.J.C., vol.
1, 2016, pp. 111-122 ; « Conseillers référendaires de la Cour
constitutionnelle : des gens de justice uniques en leur genre ? »,
in A.C.J.C., vol. 1, 2016, pp. 69-89.

294
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

2. Le droit administratif
On désignera l'Administration comme l'activité par laquelle les autorités
publiques, et parfois privées, pourvoient, en utilisant le cas échéant des prérogatives de
puissance publique, à la satisfaction des besoins d'intérêt public1. L'analyse
consistera donc à trouver : qui fait l'Administration ? En quoi consiste
cette action ? Par quels moyens fait-il l'Administration ? De quelle
manière engage-t-il sa responsabilité ? Et comment est-il contrôlé ?

1 J. WALINE, Droit administratif, Dalloz, Paris, 2018, p. 44.

295
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

296
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
QUI FAIT L'ADMINISTRATION ? : LES
PERSONNES ADMINISTRATIVES

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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298
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Introduction
La personne morale
La personne administrative, l'autorité qui accomplit les tâches en vue de la
satisfaction de l'intérêt général, usant s'il échet de prérogatives de puissance publique,
est une personne morale.
Les personnes morales sont des sujets de droit qui ne sont pas des
individus1. Ce sont des unités juridiques considérées comme des sujets de droits et
d’obligations2. Georges Vedel3 opine que « certains groupements sont
considérés comme des personnes juridiques uniques, distinctes des
membres qui les composent et titulaires des droits et d'obligations ».
Marcel Waline voit dans la personne morale, « un centre d'intérêts
juridiquement protégés »4.
La construction de personne morale poursuit la protection d'une somme
d'intérêts qui ne sauraient se réduire à des intérêts individuels5. La personnalité
morale, capacité d'être titulaire de droits et débiteur d'obligations en tant
que personne morale a pour effet de conférer au groupement la permanence et
l'unité6. Les personnes physiques appartenant à l'administration
n'interviennent pas pour leur compte, elles ne sont que les organes ou
les représentants de personnes morales. Les autorités administratives
n'exercent leur compétence qu'au nom de la personne morale à laquelle
ils appartiennent7.
Les personnes qui assument la fonction administrative sont de deux
sortes : les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé.
Elles se distinguent sur le point de leur création, leur appartenance, leur but,
et leur régime juridique8.
La création des personnes morales de droit privé résulte en principe
de l'initiative privée. La loi se borne à déterminer les conditions de cette

1 F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité de droit administratif, Larcier, Bruxelles,


2007, p. 391.
2 G. DUPUIS et alii., Droit administratif, Arman Colin, Paris, 2007, p. 6.
3 Cité par F. VUNDUAWE, op. cit., p. 391.
4 Cité par J. WALINE, op. cit., p. 83.
5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 395 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, Précis de droit

administratif, LGDJ, Paris, 2017, p. 17.


6 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 392 ; J. WALINE, op. cit., p. 84.
7 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 391 ; J. WALINE, op. cit., p. 84 ; G. DEPUIS et

alii., op. cit., p. 8.


8 Voy. F. VUNDUAWE, op. cit., pp. 391-400 ; J. WALINE, op. cit., pp. 83-91.

299
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

création ; les particuliers mettent en œuvre, s'ils le souhaitent, les


possibilités qui leur sont ainsi offertes. Une fois créée, les particuliers sont
libres d'appartenir ou non à la personne privée. Nul n'est tenu d'y adhérer, nul
ne peut être contraint d'y rester. L'objectif poursuivi par la personne
privée est d'ordre personnel. Dans leur action, la capacité des personnes
privées est limitée à des actes de droit privé. Elles ne disposent pas de prérogatives
de puissance publique.
A contrario, la création des personnes morales de droit public est l'œuvre de
l'État. Les particuliers n'ont aucune liberté d'adhésion ; sitôt qu'ils remplissent
certaines conditions de fait, ils relèvent ipso facto de telle personne
publique (par exemple, la création d'une nouvelle commune inclut
automatiquement comme membres les personnes physiques résidant sur
le territoire de cette commune). La personne publique créée ne poursuit
autre finalité que la satisfaction de l'intérêt général. Il en résulte qu'elles ne
poursuivent jamais une fin purement lucrative ; la réalisation d'un
bénéfice, si elle n'est nullement exclue dans nombre de cas, ne saurait
justifier à elle seule la création d'une personne publique, même dans
l'ordre économique. Par ailleurs, la personne publique, même si sa
capacité peut varier, dispose toujours de prérogatives de puissance publique
(décision unilatérale, par exemple).
Fin des fins, les personnes administratives sont de deux catégories
: les personnes administratives territoriales et les personnes administratives
techniques1. Les premières disposent des compétences administratives générales
dans un ressort territorial donné. Leur champs d'action s'étend à l'ensemble
des intérêts généraux de la collectivité. Elles correspondent à
l'organisation territoriales de l'État : ainsi distingue-t-on dans cette
catégorie, l'administration d'État, les provinces, et les entités territoriales
décentralisées.
À côté se trouvent l'administration technique, qui renvoie aux
établissements publics qui assument des tâches spécialisées. Ils sont créés en vue
de la satisfaction d'un besoin déterminé. Ils correspondent à l'échelon
territorial pour le besoin duquel ils ont été créés. Ainsi parle-t-on
d'établissement public national, provincial ou local.
L'Administration territoriale regroupe l'Administration d'État,
constituée de l'ensemble de sévices qui dépendent de l'Etat en tant que
personne morale distincte des autres personnes administratives
territoriales2, et de l'Administration locale, constituée des autres échelons

1 Voy. F. VUNDUAWE, op. cit., pp. 400-401 ; G. DEPUIS et alii., op. cit., p. 7.
2 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 427.

300
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de décision distincts du pouvoir central et dotés de la personnalité


juridique que sont les provinces et les entités territoriales décentralisées.
Dans l'Administration d'État, on retrouve d'abord l'Administration
centrale, faite d'organes basés à Kinshasa, la capitale et le siège des
institutions1. Ces organes sont entre autres, le Président de la
République, le Premier Ministre, les Ministres, les Présidents des
chambres, les Premiers Présidents de la Cour de Cassation et du Conseil
d'État, le Président de la Cour constitutionnelle, le Président de la Cour
des Comptes. Chacune de ces autorités est placée à la tête d'une
Administration particulière, à l'exclusion des Ministres qui chapeautent
toute une Administration rattachée à son ministère, du Premier Ministre
qui est l'autorité administrative principale de l'État et du Président de la
République qui est le Chef suprême de l'Administration.
Quant à l'Administration déconcertée de l'État, elle regroupe l'ensemble
des autorités placées à la tête des entités territoriales déconcentrées, mais
aussi les différentes divisions ou représentations de l'Administration
centrale dans les différents échelons territoriaux, c'est-à-dire les
provinces et les entités territoriales décentralisées. Elle regroupe aussi
l'Administration internationale, constituée des différentes missions
diplomatiques du pays à l'étranger.
L'Administration locale regroupe donc à l'échelon provinciale, les
Gouverneurs, Vice-Gouverneurs et ministres provinciaux ; les maires,
bourgmestres et chefs de secteurs ou de chefferies ensemble avec les
personnages qui forment leurs gouvernements.
Revenant à la précédente subdivision, on distingue l'Administration
territoriale de l'Administration technique. La première renvoie à la
notion de forme d'État étudiée dans le cadre du droit constitutionnel,
nous n'y reviendrons donc pas. L'on analysera ici uniquement
l'Administration technique.

1 Art. 2 al. 3, Constitution du 18 février 2006.

301
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

302
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre unique
L'Administration parastatale ou l'établissement public
L'Administration parastatale est formée de l'ensemble de services publics
personnalisés ou de personnes administratives spécialisées. Il est question ici de la
décentralisation fonctionnelle, technique ou par services1.
Le service public est un des moyens dont use l'Administration en
vue de la satisfaction de l'intérêt général. Dans une double définition
matérielle et organique, il désigne respectivement une activité assumée par une
collectivité publique en vue de donner satisfaction à un besoin d'intérêt général, et
l'organisme public qui gère l'activité d'intérêt général2. Le sens matériel est
préféré au sens organique, car il existe des services publics gérés par des
personnes privées. On parle de concession de service public.
Le service public fait l'objet de plusieurs modes de gestion3 : la régie,
qui peut être directe, quand le service relève directement de
l'Administration centrale dans une forme de concentration — en général
ils sont rattachés à l'Administration du ministère —, ou indirecte quand
le service est géré par des organes déconcentrés ; l'établissement public, qui
est un service public doté de la personnalité juridique, bénéficiant par ce fait
d'une triple autonomie organique, matérielle et financière ; et la concession
de service public, qui est un contrat entre l'État et une personne privée en
vue de la gestion d'un service public. Les services publics sont de
plusieurs catégories4 : administratifs, socio-culturelle, ou commerciale,
industrielle et économique, selon la nature de l'activité qu'ils gèrent.

Section 1
Définition de l'établissement public

L’établissement public est « toute personne morale de droit public créée par
l’Etat en vue de remplir une mission de service public »5. C'est aussi la définition

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 511.


2 L. YUMA, Manuel de droit administratif général, CEDI, Kinshasa, 2015, p. 181.
3 Lire J.-C. RICCI, Droit administratif, 2013, pp. 125-134 ; L. YUMA, op. cit., pp.

186-191.
4 Voy. L. YUMA, op. cit., pp. 182-184.
5 Art. 2 al. 1, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales

applicables aux établissements publics.

303
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

donnée par la doctrine1. L’Etat ici désigne la puissance publique, autorité


de régulation comprenant le pouvoir central, la province et l’entité
territoriale décentralisée2.
En tant que personne morale, l'établissement public est doté
d'organes, de patrimoine et de budget propres. Il gère un service public au sens
matériel, et bénéficie par ce fait de prérogatives de puissance publique, ce qui
permet par exemple aux dirigeants de prendre des décisions exécutoires,
de mettre en œuvre la procédure d’expropriation pour cause d’utilité
publique, d’avoir à disposition un domaine public, de réaliser des travaux
publics, de prélever des taxes ou d’échapper au recours aux voies
d’exécution de droit privé3.
L’établissement public est nécessairement rattaché à une collectivité
publique4. On distingue les établissements publics nationaux rattachés à
l'Administration centrale, les établissements provinciaux et les
établissements publics locaux rattachés à une entité territoriale
décentralisée.
L'établissement public est mis en place pour un but précis, pour la
gestion d'un service public déterminé. C'est le principe de spécialité. Ce principe
permet de distinguer l’établissement public qui reçoit un nombre limité
de compétences, de la collectivité territoriale investie d’une compétence
générale dans son aire géographique. L’établissement public ne pouvant
sortir de son domaine d’activité propre, il lui est interdit d’entreprendre
des tâches autres que les missions administratives à lui dévolues par le
texte l’instituant5. Toutefois, il est admis la légalité d'activités connexes à sa
compétence principale6.
Suivant son objet, l’établissement public est à caractère soit
administratif, soit social et culturel, soit scientifique et technique7.

1 J. WALINE, op. cit., p. 232 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 514 ; G. DEPUIS et


alii., op. cit., p. 297 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 302 ; J.-C. RICI, op. cit.,
p. 128 ; A. MAURIN, Droit administratif, Sirey, Paris, 2018, p. 115.
2 Art. 2 al. 2, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales

applicables aux établissements publics.


3 Cass. fr., Civ. 21 déc. 1987, BRGM c/ Sté Lloyd Continental.
4 Lire Art. 2 al. 2, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales

applicables aux établissements publics.


5 C.E. fr., 23 oct. 1985, Commune de Blaye-les-Mines.
6 C.E. fr., 23 juin 1965, Sté aérienne de recherches minières.
7 Art. 4, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables

aux établissements publics.

304
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 2
Régime juridique de l'établissement public

Le régime juridique de l'établissement public voit la participation


de trois institutions différentes : le Parlement qui fixe par une Loi les
principes fondamentaux relatifs aux établissements publics1, le
gouvernement dont le Premier Ministre crée par décret délibéré en conseil
des ministres, l'établissement public et en détermine les statuts, la nature
de la mission, le patrimoine et la dotation initiale2, et le Président de la
République qui nomme les responsables de sa gestion3.
Les organes de l'établissement public sont le Conseil d’administration,
la Direction Générale et le Collège des Commissaires aux comptes4.
Le Conseil d’administration est l’organe de conception, d’orientation, de
contrôle et de décision de l’établissement public. Il en définit la politique générale,
détermine le programme, arrête le budget et approuve les états financiers de fin
d’exercice5.
Les membres du Conseil d’Administration sont nommés, relevés
de leurs fonctions et, le cas échéant, révoqués par Ordonnance du
Président de la République, sur proposition du Gouvernement délibérée
en Conseil des Ministres. Leur mandat est de cinq ans renouvelable une
fois. Le Président de la République nomme, parmi les membres du
Conseil d’administration, un Président autre qu’un membre de la
Direction générale6. Par conséquent, on ne peut aujourd'hui être PDG,
Président Directeur Général, cumulant en même temps les fonctions de
contrôle et de direction, comme il en était le cas dans le temps.
La Direction générale est l’organe de gestion de l’établissement public7. La
Direction générale est assurée par un responsable, assisté éventuellement
d’un Adjoint, tous nommés, relevés de leurs fonctions et, le cas échéant,

1 Art. 123 point 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 5, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables
aux établissements publics.
3 Art. 81 point 5, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 6, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables

aux établissements publics.


5 Art. 7, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables

aux établissements publics.


6 Art. 9, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables

aux établissements publics.


7 Art. 11, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales

applicables aux établissements publics.

305
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

révoqués par Ordonnance du Président de la République, sur


proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des Ministres1.
La Direction générale exécute les décisions du Conseil d’administration et
assure la gestion courante de l’établissement public. Elle exécute le budget, élabore les
états financiers de l’établissement public et dirige l’ensemble de ses services. Elle
représente l’établissement public vis-à-vis des tiers. A cet effet, elle a tous les
pouvoirs nécessaires pour assurer la bonne marche de l’établissement public et pour
agir en toute circonstance en son nom2.
Le Collège des Commissaires aux comptes assure le contrôle des
opérations financières de l’établissement public. Les Commissaires aux comptes
sont nommés par Décret du Premier Ministre, délibéré en Conseil des
Ministres, sur proposition du Ministre du secteur d’activités concerné,
pour un mandat de cinq ans non renouvelable3. Les Commissaires aux
comptes ont, en collège ou séparément, un droit illimité de surveillance
et de contrôle sur toutes les opérations de l’établissement public. A cet
égard, ils ont mandat de vérifier les livres, la caisse, le portefeuille et les
valeurs de l’établissement, de contrôler la régularité et la sincérité des
inventaires et des états financiers ainsi que l’exactitude des informations
données sur les comptes de l’établissement dans les rapports du Conseil
d’Administration. Ils peuvent prendre connaissance, sans les déplacer,
des livres, de la correspondance, des procès-verbaux et généralement de
toutes les écritures de l’établissement4.
L’établissement public est placé sous la tutelle du Ministre en charge du
secteur d’activités concerné5. Le Ministre de tutelle exerce son pouvoir de
contrôle par voie d’approbation, par voie d’autorisation6 ou par voie
d'opposition7. Les statuts de l’établissement public déterminent les

1 Art. 12, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales


applicables aux établissements publics.
2 Art. 13, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales
applicables aux établissements publics.
3 Art. 15, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales
applicables aux établissements publics.
4 Art. 16, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales
applicables aux établissements publics.
5 Art. 25 al. 1, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales
applicables aux établissements publics.
6 Art. 25 al. 3, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales
applicables aux établissements publics.
7 Art. 29, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales
applicables aux établissements publics.

306
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

matières sur lesquelles portent la tutelle ainsi que les mécanismes de son
exercice1. Les actes soumis à l'autorisation préalable ne peuvent être pris
sans l'aval du Ministre de tutelle. Ceux soumis à l'approbation sont pris,
mais ne peuvent être exécutés sans l'aval du ministre de tutelle. Les actes
soumis à l'opposition sont exécutés, mais peuvent être annulés dans un
délai dix jours.

1 Art. 25 al. 3, Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales


applicables aux établissements publics.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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308
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
L'ACTION DE L'ADMINISTRATION
L'action de l'Administration est une activité d’intérêt général prise
en charge par les gouvernants, s’exerçant sous leur contrôle et régie, en
partie au moins, par des règles exorbitantes du droit commun1. Cette
action a pour but de satisfaire aux nécessités de l'intérêt général et pour ce faire,
elle revêt, traditionnellement, deux formes essentielles : la police
administrative et le service public2.
L'intérêt général exige d'abord que les libres initiatives des
particuliers n'aillent pas jusqu'à compromettre l'ordre, condition de toute
vie sociale. Il appartient donc à l'État de leur imposer les disciplines
indispensables ; à cette fin correspond l'exercice de la police
administrative.
Par le service public, l'autorité publique prend directement en
charge, ou délègue sous son contrôle, la satisfaction d'un besoin d'intérêt
général, en assurant soit à la collectivité, soit aux particuliers
individuellement, les prestations ou avantages correspondants.

1 A. MAURIN , op. cit., p. 125.


2 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 531 ; J. WALINE, op. cit., p. 391 ; G. DUPUIS et
alii., op. cit., p. 504 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 273 ; A. MAURIN, op.
cit., p. 125 ; L. YUMA, op. cit., p. 175.

309
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ces deux missions correspondent respectivement aux conceptions


de l'État gendarme et de l'État providence1. L'État gendarme est celui qui
garantit l'ordre social au sein de la société étatique. L'ordre social est une
valeur qui permet à une communauté de vivre en harmonie au sein de la société. Il
procure la paix interne en protégeant les droits au et libertés de chaque individu contre
la loi du plus fort, la loi de la jungle. L'ordre sociale se réalise à travers trois
objectifs de l'État : maintenir l'ordre public, assurer l'encadrement de la
population et réprimer les comportements délictuels des citoyens2.
À côté, l'État providence est considéré comme celui qui vient
répondre aux besoins auxquels la population par elle-même ne peut faire face. Ces
besoins concernent non pas seulement la sécurité et l'intégrité
territoriale, mais aussi l'équilibre socio-économique de la communauté3.

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 531.


2 Lire L. YUMA, op. cit. p. 11.
3 Idem., p. 14.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
La police administrative

Section 1
Notion de police administrative

Paragraphe 1
Définition de la police administrative

La police administrative désigne l'ensemble des activités administratives


par lesquelles certaines autorités publiques imposent des limitations aux droits et
libertés des citoyens en vue d'assurer l'ordre public dans le cadre des lois1.
La police a pour but exclusif l’instauration, le maintien ou la restauration
de l’ordre public2, condition sine qua non de la conciliation, aussi
harmonieuse que possible, entre l’épanouissement des libertés
individuelles et le développement d’un destin collectif3.
L’ordre public général correspond au minimum de conditions qui
apparaissent indispensables pour garantir cet exercice des libertés et droits
fondamentaux4. Selon le doyen Georges Vedel, l'ordre public « est constitué
par un certain minimum de conditions essentielles à une vie sociale convenable »5. En
fait, il s'agit d'éviter les désordres visibles6. Selon la doctrine7, l'ordre
public comprend la sécurité publique, la tranquillité publique, la salubrité
publique, mais aussi la dignité humaine, l'esthétique public et la moralité publique.
La notion d’ordre public est très variable selon les pays, les époques et
les conceptions philosophiques et politiques8.

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 553 ; Lire en ce sens, J. WALINE, op. cit., p. 394 ;
A. MAURIN, op. cit., p. 125 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 145 ; P.-L. FRIER et J.
PETIT, op. cit., p. 368.
2 J.-C. RICCI, op. cit., p. 145.
3 Idem., p. 143.
4 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 373.
5 Cité par J.-C. RICCI, op. cit., p. 145.
6 J. WALINE, op. cit., p. 395.
7 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 535 ; J. WALINE, op. cit., p. 395 ; G. DUPUIS et

alii., op. cit., p. 507.


8 J.-C. RICCI, op. cit., p. 145.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Voies d'action de la police administrative

Les activités de police se font par voie réglementaire (règlements de


police), ou par voie d'actes matériels (contrôles d'identité). Ces actes sont
posés par les seules autorités disposant du pouvoir de police, la
compétence étant d'attribution. L'autorité impose de manière unilatérale
des limites aux droits et libertés en vue la préservation de l'ordre public,
ultime finalité de l'usage du pouvoir de police.

Paragraphe 3
Police administrative et police judiciaire

Il y a lieu de distinguer la police administrative de la police judiciaire. La


police administrative est préventive1, l’objectif est d’agir à l’avance pour éviter
que l’ordre public ne vienne à être troublé. Par contre, la police judiciaire est
répressive, elle intervient en vue de la répression d'une infraction commise.
La distinction entre les deux polices est importante en droit,
puisque le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires a pour
conséquence que la direction et le contentieux de la police judiciaire relèvent de
l’autorité judiciaire. L’Administration et le juge administratif n’ont de
pouvoir que sur la police administrative et ne doivent pas intervenir dans
le fonctionnement du service public judiciaire2.
Par ailleurs, les actes de la police administrative sont plus
susceptibles d'engager sa responsabilité que ceux de la police judiciaire3.
Ceci dit, la distinction entre les deux doit être relativisée, aux motifs
de la communauté de personnels qui peut exister entre les deux, et de la
polyvalence de nombreuses opérations de police4. En effet, certaines autorités
cumulent à la fois les compétences de police administrative et de police
judiciaire (cas du bourgmestre, par exemple). D'autre part, certaines
opérations de police administrative peuvent prendre un caractère
répressif (agent qui, réglant la circulation, est amené à dresser procès-
verbal d’une infraction) ; et certaines opérations de police judiciaire
peuvent avoir un caractère préventif (contrôles d’identité).

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 535 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 509 ; A.


MAURIN, op. cit., p. 126.
2 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 509.
3 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 536.
4 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 509.

312
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
Types de police administrative

L'on distingue deux types de police administrative : générale et


spéciale1. La police est générale lorsque l'autorité est responsable du maintien de
l'ordre public sur un certain territoire, disposant automatiquement d'un
ensemble de compétences et de moyens d'action. A contrario, la police
spéciale ne s’applique qu’à certaines catégories d’administrés (nomades,
étrangers), à certaines activités (cinéma, affichage, jeux, chasse, pêche,
publications destinées à la jeunesse), à certains bâtiments (édifices menaçant
ruine, installations classées), ou encore à certains lieux (gares, aérodromes).
Elles n’existent qu’en vertu de textes particuliers, dont les dispositions sont
le plus souvent très précises (plus que les dispositions relatives à la police
générale).

Section 2
Les autorités et personnel de police administrative

Les autorités de police sont des autorités administratives compétentes pour


prendre des mesures de police qui sont des décisions juridiques de maintien
de l'ordre public, à savoir les règlements de police, décisions individuelles
ou particulières de police (autorisations, interdictions, injonctions)2.
Ce pouvoir doit être distingué du pouvoir de commandement de police,
qui renvoie à l'autorité responsable de l'organisation du service de police. Elle gère
le personnel de police, chargé de l'exécution matérielle des décisions de
police (démolition, dispersion des manifestants, retrait du permis de
conduire).
Le principe est que la police administrative, qu'elle soit générale ou spéciale,
appartient au pouvoir exécutif, plus particulièrement au gouvernement, et elle
est une et indivisible en vertu du principe de l'unicité de l'État3. Le détenteur
principal de ce pouvoir est le Premier Ministre, Chef du gouvernement. Il
détient le pouvoir de police générale sur toute l'étendue de la République. Les
ministres sectoriels détiennent le pouvoir de police spéciale dans le cadre de leur
domaine. Par ailleurs, les Gouverneurs et les autorités des entités
territoriales décentralisées détiennent le pouvoir de police générale sur l'étendue

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 537 ; J. WALINE, op. cit., p. 402 ; G. DUPUIS et


alii., op. cit., p. 511 ; A. MAURIN, op. cit., pp. 125-126.
2 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 539.
3 Idem., p. 545.

313
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de leur circonscription, et le pouvoir de police spéciale lorsqu'ils s'agit d'un domaine


particulier au sein de leur juridiction. Également, les responsables des services
publics personnalisés détiennent le pouvoir de police spéciale sur leur service. Ce
pouvoir de police peut toujours être délégué aux autorités des entités
territoriales déconcentrées par la loi ou par leurs détenteurs. Le Président
de la République devient exceptionnellement détenteur du pouvoir de
police générale lorsqu'il proclame l'état d'urgence ou de siège.

Section 3
Les procédés de police administrative

La police s'exerce par trois voies : la réglementation, les décisions


particulières, la coercition1.
Par la réglementation, l'autorité de police usant de son pouvoir
réglementaire, peut imposer à tous des dispositions générales restrictives de liberté,
et pénalement sanctionnées. Ces sanctions pénales comprennent la servitude
pénale et l'amende. Les gouverneurs et les responsables des entités
territoriales décentralisées peuvent prendre des mesures assorties de
peines de servitude pénale.
Les décisions particulières sont fondées sur une règle générale. Elles sont
l'application d'une règle générale à une situation particulière. Elles tiennent à des
autorisations, interdictions (d'une manifestation, d'une réunion), des
injonctions (ordre à des manifestants de se disperser). En général écrites,
elles peuvent être également verbales, ou même se réduire à un geste (le
bras tendu de l'agent interdisant le passage), ou à un signal mécanique (le
feu rouge).
Par la coercition, l'autorité de police peut mettre en œuvre la force matérielle
pour prévenir ou faire cesser un désordre (l'action d'office, l'exécution forcée).
Tous les actes normateurs sont obligatoirement des actes unilatéraux.
En effet, la règle est que les autorités ne peuvent exercer leurs
compétences que par ce moyen : tout contrat est impossible en droit
positif en vue du maintien de l’ordre public. L’explication généralement
donnée est que les administrés sont vis-à-vis de cette action
administrative des assujettis : ils n’ont pas de droits acquis2.

1 Lire J. WALINE, op. cit., p. 403 ; F. VUNDUAWE, op. cit., pp. 546-547 ; G.
DUPUIS et alii., op. cit., p. 515 ; J.-C.RICCI, op. cit., pp. 151-152.
2 Lire en ce sens, G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 516 ; F. VUNDUAWE, op. cit.,

p. 539.

314
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 4
Concours de police

Le concours de police arrive lorsque plusieurs autorités de police


compétentes sont appelées à exercer leurs pouvoirs sur un même territoire ou sur une
même matière. C'est l'hypothèse du conflit de polices administratives.
En cas de conflits entre deux autorités de police générale, par exemple,
le Premier Ministre et un gouverneur, la logique de l’État unitaire et de la
hiérarchie des compétences veut que les décisions prises au niveau central pour
l’ensemble du territoire s’imposent aux autorités locales. Ces dernières n'ont pas
la compétence pour les supprimer, ni les alléger, elles peuvent seulement
les aggraver compte tenu des circonstances locales particulières1. Ainsi, le
couvre-feu décrété par l'autorité centrale à 20h pour toute l'étendue du
territoire national, peut être placé à 18h par un gouverneur, compte tenu
de la flambée des cas de contamination dans sa juridiction.
Entre police générale et police spéciale, le principe est que la police spéciale
exclut la police générale2, sauf en cas de péril grave et imminent3. L’intervention
de la police générale, là où existent des polices spéciales, n’est donc
possible que dans les circonstances où celles-ci ne garantissent pas la
sauvegarde de l’ordre public, qu’aucune mesure n’ait été prise ou qu’elle
soit lacunaire. La solution est la même lorsque l’urgence est telle qu’elle
ne permet pas à l’autorité de police spéciale d’intervenir à temps pour
écarter le péril. On retrouve là ce caractère du minimum indispensable
de l’ordre public général4. Ainsi par exemple, le Ministre national de
l'environnement peut interdire l'abattage d'arbres aux abords des
boulevards, mais le gouverneur décide de l'abattage d'un arbre dont les
branches dépassaient et menaçaient la sécurité des passants.
Entre polices spéciales, le principe est celui de l'indépendance des polices.
Chaque police spéciale prend les décisions qui relèvent d’elle sans avoir à tenir compte
des actes édictés au titre d’une autre police5. La raison en est que chaque police
spéciale est exercée au regard de préoccupations qui lui sont propres6.
Ainsi par exemple, la police de spectacle et la police de censure sont deux
polices spéciales indépendantes. L'interdiction d'une chanson ne peut

1 Voir C.E. fr., 7 juin 1902, Maire de Néris-les-Bains ; C.E. fr., 8 août 1919, Labonne.
2 C.E. fr., 20 juill. 1935, Établissements Satan.
3 C.E. fr., 29 sept. 2003, Houillères du bassin de Lorraine.
4 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 385.
5 C.E. fr., 24 avr. 2012, Ministre de l’agriculture… c/ SARL L’escale.
6 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 384.

315
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

empêcher la production du Groupe musical dont la chanson a été


interdite.

Section 5
Les limites au pouvoir de police

« La liberté est la règle, la restriction de police l’exception »1. Par conséquent,


les mesures de police doivent strictement respecter les conditions de
légalité, mais surtout de nécessité et de proportionnalité2. Les mesures prises
doivent être « adaptées, nécessaires et proportionnées aux seules nécessités d'ordre
public »3.
Ainsi par exemple, il a été jugé que si les troubles susceptibles d’être
provoqués par une manifestation publique ne s’avèrent pas d’une gravité
considérable et si l’ordre public peut être maintenu par d’autres moyens
que par son interdiction, cette dernière est illégale4.
Du côté de l’ordre, il faut prendre en compte la réalité et l’intensité des
menaces qui pèsent sur celui-ci (risque de trouble sérieux, danger pour les
populations, inondation imminente, etc.). Si aucune menace n’existe, la
mesure est bien entendu illégale. Sinon, l’autorité est en droit, voire dans
l’obligation de prendre une mesure de police.
Du côté des libertés, il faut s’interroger sur l’importance de la liberté
mise en cause et le degré d’atteinte qui y est porté. En somme, entre les coûts
et les avantages, il faut réaliser « le dosage méticuleux des sacrifices »5.
Ainsi, sont illégales, les interdictions générales et absolues, telle que
l'interdiction de toute manifestation pendant la visite du Président de la
République de Chine6. Le juge présume qu'on pouvait arriver au but
cherché à moindres frais pour la liberté7. Exception peut être admise si
des circonstances particulières les justifient. Ainsi est justifiée par des «
motifs de sécurité d’une exceptionnelle gravité », l’interdiction générale
et absolue de toute circulation automobile sur une voie publique8.

1 C.E. fr., 17 août 1917, Baldy.


2 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 552 ; J. WALINE, op. cit., p. 407 ; P.-L. FRIER
et J. PETIT, op. cit., p. 389 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 517.
3 C.E. fr., ord. 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme et Association de défense des

droits de l’homme collectif contre l’islamophobie en France.


4 C.E. fr., 19 mai 1933, Benjamin.
5 Lire P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 390.
6 C.E. fr., 12 nov. 1997, Soc. communauté Tibétaine de France.
7 J. WALINE, op. cit., p. 407.
8 C.E. fr., 24 oct. 1986, Fédération française des sociétés de protection de la nature.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Les décisions de police sont contrôlées par le juge administratif en


contentieux d'excès de pouvoir tendant à obtenir l'annulation de l'acte, ou en
contentieux de pleine de juridiction, tendant à obtenir, en plus de
l'annulation de l'acte, le dédommagement des victimes. Le juge judiciaire
peut également contrôler, par d'exception d'illégalité, la légalité des
décisions de police dans l'hypothèse où une sanction pénale été sur le
point d'être prononcée sur base de cette décision à l'égard d'un
particulier1.

Section 6
L’extension des pouvoirs de police administrative

Disons que les pouvoirs de police peuvent être étendus dans les
circonstances exceptionnelles tenant à l'état d'urgence ou de siège. Le cas échéant, il
n'est plus fait appréciation de la proportionnalité de l'atteinte à la liberté.
Les atteintes sont en principe autorisées, sous réserve des droits dits
indérogeables. Par ailleurs, ces circonstances transfèrent le pouvoir de police
au Président de la République, qui devient alors un « dictateur constitutionnel
».

1 Lire G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 518.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

318
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Le service public
L'action de l'Administration ne consiste pas qu'à jouer un rôle de
commandeur, de gendarme, de policier. Elle consiste aussi pour elle à
jouer un rôle de serviteur. Le pouvoir se transforme en fonction1, le « droit de
commander en obligation de gérer », pour reprendre l'expression de
Chevallier2. Par le service public, l'Administration ne fait plus que
maintenir l'ordre public, elle vient maintenant mener des actions visant la
satisfaction directe de l'intérêt général, qui est son point d'orgue.

Section 1
Notion de service public

Paragraphe 1
Définition du service public

Dans une double définition matérielle et organique, le service public


désigne respectivement une activité assumée par une collectivité publique en vue
de donner satisfaction à un besoin d'intérêt général — telle que l'enseignement
supérieur universitaire —, et un organisme public qui gère l'activité d'intérêt
général, l'ensemble des services de l'Administration publique, c'est-à-dire
l'Administration centrale et l'Administration décentralisée — telle que
l'Université de Kinshasa —3. Le législateur a également fait allégeance à
ce double sens, quand il définit le service public comme « tout organisme
ou toute activité d’intérêt général relevant de l’Administration publique »4.
Dans la définition du service public, le sens matériel est préféré au sens
organique car, l'élément important est l'activité d'intérêt général et non pas
l'organe chargé de gérer une telle activité5. Ainsi, certains services publics
peuvent être assumés par des personnes privées — tels que l'enseignement
primaire et humanitaire dispensé par les collèges et lycées appartenant à
l'État et gérés par les Églises catholiques ou protestantes —.

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 553.


2 Cité par F. VUNDUAWE, op. cit., p. 553.
3 Lire L. YUMA, op. cit., pp. 181-182 ; J. WALINE, op. cit., p. 413.
4 Art. 3 point 3, Loi N° 08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales

relatives à la transformation des entreprises publiques.


5 L. YUMA, op. cit., p. 182 ; J. WALINE, op. cit., p. 413 ; F. VUNDUAWE, op.

cit., p. 553.

319
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le service public contient l’idée de finalité sociale, de satisfaction des


besoins collectifs et peut donc être appréhendé comme « pivot du rôle de
l’État ». C’est ce qu’a expliqué Léon Duguit pour qui le pouvoir de l’État
n’est justifié qu’en tant qu’il réalise des services pour la collectivité1.

Paragraphe 2
Notion d'intérêt général

La notion d'intérêt général est difficile à définir2. Difficile de savoir


avec précision de quoi il s'agit exactement. S'agit-il de la somme d'intérêts
privés contradictoires ? S'agit-il d'un intérêt communautaire ? Bref, quoi
qu'il en soit, créer un service public, c'est affirmer, au moins implicitement, que
l'intérêt général serait compromis en cas de non-satisfaction du besoin social
correspondant, et que l'intervention d'une personne publique est indispensable pour y
pourvoir3. On peut en dire qu'il revient à l'autorité publique de déterminer le
caractère d'intérêt général à tel ou tel besoin social, et de juger de l'opportunité d'y
affecter un service public4. D'aucuns voient en l'intérêt général ce qui est
nécessaire à la collectivité toute entière5, ou la mise en commun, limitée et spontanée
de ce qui est nécessaire pour permettre à chacun de réaliser ce qui est dans son propre
avantage6, ou encore la somme algébrique des intérêts individuels, transcendant la
somme des intérêts spécifiques des groupes ou des personnes7.
Le constituant lui-même peut donner à un besoin le caractère
d'intérêt général (quand il met lui-même en place des services publics,
comme par exemple la Cour des Comptes, la Commission Électorale
Nationale Indépendante…), ou par le législateur quand il procède à la
création d'un service public (c'est le cas quand il crée un établissement
public par nationalisation), mais c'est le plus souvent de la compétence
de l'exécutif, sur pied de l'article 128 de la Constitution qui lui donne
compétence à prendre des règlements autonomes. Le caractère
essentiellement désintéressé de l’activité, lié à la garantie d’une prise en compte

1 Lire G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 521.


2 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 117.
3 J. WALINE, op. cit., p. 415.
4 Lire en ce sens, J. WALINE, op. cit., p. 418.
5 Idem., p. 554.
6 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 281.
7 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d’objectifs à long terme profitables à la collectivité, constitue le critère de


reconnaissance d’une telle mission1.

Section 2
Types de service public

On distingue trois types de services publics : les services publics


administratifs, les services publics socioculturels et les services publics industriels et
commerciaux.

Paragraphe 1
Le service public administratif

Le service public administratif est celui dont la mission consiste à


gérer une activité d'intérêt général de l'État, qui rentre dans la fonction de l'État
gendarme2. Il s'agit par exemple de la sécurité intérieure et extérieure,
des affaires foncières, du territoire national.
C'est le service public au sens pure, mieux, le « service possédant au plus
haut degré le caractère de service public »3. On le dit ainsi parce que leur
régime, ou les règles qui leur sont appliquées sont des règles de droit public.
En clair, dans leurs relations avec les particuliers, ils appliquent les règles
dérogatoires de droit administratif. Ils contractent conformément au droit des
marchés publics, et leurs employés sont régis par le statut de la fonction
publique. Conséquemment, leur régime de responsabilité est celui du
droit administratif.

Paragraphe 2
Le service public socioculturel

Le service public socio-culturel est celui qui a pour objet de fournir


à ses bénéficiaires des prestations sociales, c'est-à-dire, des prestations visant à
répondre aux besoins d'une catégorie de citoyens considérée comme
plus ou moins défavorisée en considération des risques inhérents à leur
condition sociale4.

1 J. WALINE, op. cit., p. 418.


2 Lire L. YUMA, op. cit., p. 182.
3 J. WALINE, op. cit., p. 421.
4 L. YUMA, op. cit., p. 183.

321
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C'est le cas des services de sécurité sociale, des hôpitaux, des


services d'assistance sociale, des services de l'emploi, des personnes
vivant avec handicap, des logements sociaux…
Le juge a tenté d'y apercevoir une catégorie particulière de service
public, le service public social1. Mais la doctrine2 y voit une erreur, car la
création d’une nouvelle catégorie juridique ne pouvait se comprendre
que si celle-ci devait être soumise à un régime différent de celui des
services publics administratifs et de celui des services publics industriels
et commerciaux. Il aurait fallu pour cela qu’existent un troisième régime
juridique, en outre du droit privé et du droit public, et un troisième ordre
de juridiction en dehors des ordres administratif et judiciaire. C'est
pourquoi la démarche fut abandonnée3. Le caractère industriel et
commercial se définissant par exclusion, en ce que tout service ne
réunissant pas ses critères est d'office administratif, le service public
socioculturel ne réunissant généralement pas les qualités d'un service
public industriel et économique, il est alors soumis au même régime que le
service public administratif.

Paragraphe 3
Le service public industriel et commercial

Le service public industriel et commercial gère une activité industrielle


ou commerciale tout en poursuivant un but d'intérêt général4.
On reconnaît la qualité de service public industriel et commercial
grâce à un certain nombre de critères. Parfois, il arrive que le texte créateur
du service attribue cette qualification audit service. Dans ces cas, si les
qualifications législatives s'imposent au juge, les qualifications
réglementaires elles ne le lient pas5. Au demeurant, il arrive que le juge
considère comme erronée la qualification donnée par le texte — du
moins s'il s'agit d'un texte réglementaire — et restitue le caractère
administratif à un service déclaré abusivement industriel et commercial6.
Dans le silence du texte, la jurisprudence s'attache, non à un critère
unique — par exemple, le fait pour le service de faire des actes de

1 T.C. fr., 22 janvier 1955, Naliato.


2 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 122.
3 T.C. fr., 4 juillet 1983, Gambini c/ Ville de Puteaux.
4 Ibidem.
5 A. MAURIN, op. cit., p. 126.
6 T. C. fr., 24 juin 1968, Sté Distilleries bretonnes.

322
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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commerce —, mais à un ensemble d'indices identiques ou analogues à celles des


entreprises privées similaires : objet du service, organisation et
fonctionnement du service, accomplissement des actes de commerce,
réalisation des bénéfices, financement du service1.
Relativement à l'objet, lorsque la nature de l’activité gérée peut être le fait
d’une entreprise privée, le service public est industriel et commercial2.
Le service public industriel et commercial réalise des bénéfices,
mais tel n'est pas le but de sa création mais plutôt la conséquence de son activité3. Il
pourrait donc fonctionner sans réaliser les bénéfices et même à perte
moyennant recours aux subsides de l'État. Présente un caractère
administratif le service dont le tarif des redevances exclut tout bénéfice,
ou se révèle gratuit, ou est assuré directement par une personne
publique4.
Quant au financement, le fait qu'il provienne des subventions ou des
recettes fiscales contribue à lui conférer un caractère administratif5. Les
ressources provenant du prix de la redevance payé par les usagers
inclinent au contraire à juger dans le sens du caractère industriel et
commercial6.
Le service public industriel et commercial a toujours un caractère
payant. Si cette seule qualité ne permet pas de le différencier du service
public administratif, néanmoins, l'absence de cette qualité amène à lui
denier tout de suite le caractère industriel et commercial7. Pour
déterminer le caractère industriel et commercial d’un service public, le
juge doit s’assurer que la plus grande partie de ses ressources ne provient
pas de concours publics8.
Le service public industriel accomplit des actes de commerce, tels que
l’achat de biens, meubles ou immeubles, en vue de leur revente, les
opérations de banque, de bourse, de change, de courtage, d’assurance et
de transit, les opérations de location de meubles, les actes effectués par
les sociétés commerciales, ou encore les opérations de manufacture, de

1 Lire par ex., T.C. fr., fr., 24 juin 1968, Ursot.


2 T. C. fr., 13 févr. 1984, Pomarèdes.
3 L. YUMA, op. cit., p. 183.
4 A. MAURIN, op. cit., p. 127.
5 T. C. fr., 28 mai 1979, Préfet du Val. d’Oise.
6 C.E. fr., 20 janv. 1988, SCI « La Colline ».
7 T.C. fr., 21 mars 2005, Alberti-Scott.
8 Cass. fr., Soc., 24 juin 2014, Chambre de commerce et d’industrie du Var.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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transport et de télécommunication.1 De cet objet à caractère


économique découlera, souvent, la possibilité de concurrencer
directement les entreprises privées2, c’est pourquoi on a parfois tendance
à exclure de cette catégorie les services publics à monopole. Toutefois,
l'attribution d’un monopole légal n’empêche pas le caractère industriel
et commercial3.
Dans les rapports avec les tiers, les services publics industriels et
commerciaux sont régis comme une entreprise, avec des règles du droit privé4.
Leurs employés sont régis par le droit du travail et les actes qu'ils posent
en relation avec les autres commerçants sont régis par le droit
commercial. Cependant, les règles régissant leur organisation et leur
fonctionnement sont de droit public. Ils sont créés, et partant, dissouts, par le
Premier Ministre, leurs dirigeants sont nommés par l'État et
responsables devant le Parlement.

Section 3
Création d'un service public

Tout service public relève, en dernier ressort, d'une autorité publique5.


Tous les services publics, même lorsqu'ils possèdent eux-mêmes la
personnalité morale, sont rattachés à l'État ou à une collectivité territoriale dont
les représentants exercent sur eux un certain pouvoir : les services
publics sont nationaux, provinciaux, locaux.
Certains services publics sont directement créés par le constituant.
Dans ce cas, le législateur se limite à en fixer l'organisation et le
fonctionnement. C'est le cas de la Cour des comptes6, de la Banque
Centrale7, de la Police nationale8, des Forces armées9.
Quant au législateur, il est compétent pour procéder aux
nationalisations.

1 Lire Art. 3, Acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010 portant sur le droit
commercial général.
2 2 avril 1997, Cne de Montgeron.
3 C.E. fr., 9 janv. 1981, Ministère de l’Économie c/ Bouvet.
4 L. YUMA, op. cit., p. 183.
5 J. WALINE, op. cit., p. 419.
6 Art. 178 & 179 Constitution du 18 février 2006.
7 Art. 176 & 177, Constitution du 18 février 2006.
8 Art. 182 & 186, Constitution du 18 février 2006.
9 Art. 187 & 191, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Mais en grande partie, la création, l'organisation et la suppression


des services publics relève de la compétence du pouvoir réglementaire, qui
sur pied de l'article 128 de la Constitution, en a une compétence de
principe.
Ces considérations concernent les services publics nationaux. Ceux
provinciaux peuvent être créés par le gouvernement provincial, et mutatis
mutandis au niveau des entités territoriales décentralisées.
En vertu du principe de parallélisme de forme et de compétence,
l'autorité qui crée le service est compétente pour le dissoudre. L'autorité
réglementaire par un règlement, le législateur par une loi, et le constituant
par une loi de révision constitutionnelle.

Section 4
Régime juridique des services publics

Hormis les règles particulières régissant les services publics


industriels et commerciaux, appartenant au droit privé, tous les services
publics quelle que soit leur nature, sont régis par des principes fondamentaux
que sont les principes de continuité, d'égalité et de mutabilité. Ces principes sont
désignés sous le nom de « lois de Rolland », du nom du professeur Louis
Rolland qui les a théorisés entre 1934 et 1946. Ils s’appliquent à tout
service public, administratif, industriel ou commercial, et quels qu’en
soient le gestionnaire, public ou privé, ainsi que le mode de gestion. Ils
constituent ainsi le « minimum minimorum »1 du statut du service public
et son inhérents au service public2. Ils se rattachent à la finalité de
sauvegarde de l'intérêt général dans ses deux aspects, l'intérêt de la
collectivité et la satisfaction des besoins individuels3.
À ces principes sont ajoutés un certain nombre de principes
nouveaux destinés à compléter les principes traditionnels, énumérés en
France notamment, par une circulaire du Premier Ministre Alain Juppé
du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en œuvre de la
réforme de l’État et des services publics. Ces principes nouveaux
tiennent à la qualité, l'accessibilité, la simplicité, la rapidité, la transparence, la
médiation, la participation, la responsabilité, la ponctualité.4

1 J.-C. RICCI, op. cit., p. 138.


2 C.C. fr., n° 2004-501 DC, 5 août 2004, Service public de l’électricité et du gaz.
3 J. WALINE, op. cit., p. 423.
4 Lire G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 553 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 138.

325
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Le principe de continuité des services publics

« La continuité est de l’essence du service public »1. « Il faut que le service


fonctionne à tout prix », dit Georges Vedel2. Le service doit, pour satisfaire
aux exigences de l'intérêt général, fonctionner de manière continue, sans
interruption et sans défaillances3.
La raison en est qu’un service public revêt cette qualité parce qu’il présente
un grand intérêt pour la population ; on conçoit mal que ce qui importe tant
puisse s’interrompre ou fonctionner par à-coups au gré des
revendications, conceptions ou souhaits de ceux qui ont pour charge de
le faire fonctionner4.
Ce principe a été consacré par le Conseil constitutionnel français
comme principe à valeur constitutionnelle5. Il impose par exemple
l'ouverture à l'heure et interdit la fermeture avant l'heure des services.
Ces derniers doivent d'ailleurs assurer un accès satisfaisant aux usagers.
C'est en vertu de ce principe que le gouvernement démissionnaire est
compétent pour expédier les affaires courantes avant l'investiture du
nouveau gouvernement. Le principe explique la limitation du droit de
grève et la mise en place d'un service minimum6. Il explique encore
certaines prérogatives de la puissance publique, entre autres le privilège
du préalable et l’effet non suspensif des recours, la possibilité de déroger
aux règles normales en cas de circonstances exceptionnelles, les
aménagements dans l’exercice des compétences (intérim, suppléance,
délégations).
Au demeurant, la continuité va de pair avec la régularité. Le mauvais
fonctionnement du service public ne permet pas de donner entière satisfaction aux
besoins des citoyens et peut causer préjudice aux usagers. C'est le cas des coupures
intempestives de fourniture d'eau et d'électricité. Les responsables du
service se voient se voient imputer l'obligation d'assurer la continuité de
son fonctionnement en prenant, sous peine d’engager leur

1 C.E. fr., 7 août 1909, Winkell.


2 Cité par F. VUNDUAWE, op. cit., p. 562.
3 L. YUMA, op. cit., p. 184 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 562 ; J. WALINE, op.

cit., p. 423 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 551.


4 J.-C. RICCI, op. cit., p. 138.
5 C.C. fr., 25 juill. 1979.
6 C.E. fr., 8 mars 2006, Onesto et autres.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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responsabilité, les mesures nécessaires et adéquates en ce sens1. Cela


implique un fonctionnement correct, exact, ininterrompu2.

Paragraphe 2
Le principe d'égalité

Le principe d'égalité signifie que les usagers se trouvant dans des


conditions similaires doivent se voir appliquer des solutions identiques3. Le principe
est en fait l'application au domaine des services publics du principe
général de l'égalité des citoyens devant la loi et les autorités publiques
proclamé par l'article 12 de la Constitution.
Cette égalité devant le service public comporte, cumulativement,
trois aspects principaux : égalité dans l’accès au service, non-discrimination entre
utilisateurs du service, participation égale aux charges du service4. Toute personne
remplissant les conditions objectives fixées a droit d'accéder au service.
Elle l'utilise sans discrimination aucune, et contribue de manière égale
aux charges entraînées par l'existence du service et son fonctionnement
(égalité d'impôts, ou égalité de redevances).
Toutefois, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des situations
différentes soient réglées de manière différente ni à ce qu’il soit dérogé à l’égalité pour
des raisons d’intérêt général, à la condition que la différence de traitement
qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas
manifestement disproportionnée au regard des différences de situation ou des
motifs susceptibles de la justifier5.
Quoi qu'il en soit, si différence de traitement il y a, de par la
Constitution, elle ne peut en aucun cas être fondée sur la race, l’origine
des personnes ou la religion ; elle ne saurait non plus, en principe,
reposer sur une distinction entre les hommes et les femmes6.
Tout particulier, dès lors qu'il remplit les conditions légales, a le
droit d'obtenir les prestations que le service fournit, sans aucune
discrimination tenant à sa personne et sans que les tarifs puissent varier

1 J.-C. RICCI, op. cit., p. 138.


2 C.E. fr., 20 avr. 1934, Le Meut ; C.E. fr.,13 fév. 1942, Ville de Sarlat ; C.E. fr., 24
juill. 1936, Syndicat des grands vins de la Côte d’Or.
3 C.E. fr., 5 oct. 1984, Commissaire de la République de l’Ariège.
4 J.-C. RICCI, op. cit., p. 138.
5 C.E. fr., 10 janv. 2005, MM. Hardy et Le Cornec.
6 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 548.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

en fonction d'autres considérations que la différence de situation des


utilisateurs, ou des nécessités d'intérêt général1.
Cependant, le principe n'interdit pas l'octroi des certains avantages
a une catégorie des personnes vulnérables telles que les handicapés, les
rescapés de guerre, les anciens combattants et les vielles personnes2.
En clair par exemple, en matière d'accès au service public telle
qu'une université, l'accès peut être conditionné par la détention d'un
diplôme d'État, et par la passation d'un test. Dès lors, toute personne
détenant un diplôme d'État et ayant satisfait au test pourra avoir accès à
l'Université. Mais l'accès ne pourra nullement par exemple, être réservé
aux seuls hommes, ou aux seuls chrétiens, ou encore, aux seuls
ressortissants d'une tribu quelconque.
Dans l'usage du service, ce dernier ne peut être favorisé sur des
critères discriminatoires à une certaine catégorie de personnes. Le coût
du service ne peut être fixé de manière différente selon des catégories
subjectives différentes de personnes.
Ce principe a pour corollaire le principe de neutralité politique, ethnique,
religieuse du service public3. Il signifie que les autorités administratives et leurs
agents ne doivent pas pratiquer de propagande dans le cadre du service public ou de
favoritisme en prenant en considération les origines raciales, la
nationalité, les obédiences religieuses ou les convictions politiques des
administrés4. Le patrimoine du service public ne peut être utilisé à des
fins personnelles ou pour servir d'appui à un parti politique ou à une
confession religieuse ou encore à une manifestation familiale. Les agents
publics ne peuvent être favorisés par l'employeur qui gère un service
public en raison de leur obédience politique ou religieuse. Au demeurant,
l'autorité administrative est soumise au devoir de réserve dans l'exercice
de la fonction publique5. Le constituant affirme lui-même que «
l’Administration Publique est apolitique, neutre et impartiale, (...) nul ne
peut la détourner à des fins personnelles ou partisanes »6.

1 C.E. fr., 10 mai 1974, Denoyez.


2 L. YUMA, op. cit., p. 185.
3 C.E. fr., 8 nov. 1985, MEN c/ Rudent ; C.E. fr., 6 nov. 1991, MEN c/

Confédération nationale des groupes autonomes de l’enseignement public.


4 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 549.
5 Lire L. YUMA, op. cit., p. 186.
6 Art. 193, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La laïcité s’inscrit dans le prolongement de la neutralité1. Proclamé


par l'article 1e de la Constitution, il induit que l’État, non confessionnel, ne
doit ni favoriser, ni défavoriser la propagation des croyances religieuses2. Ce principe
consacre la séparation de la société civile de la société religieuse, assure la liberté de
conscience, garantit le libre exercice des cultes.
Plus récemment, en France, le principe de laïcité s’est trouvé
confronté au principe de la liberté de conscience des élèves. À propos
de la réglementation du port des insignes religieux à l’école — en
l'occurrence, le port de foulards islamiques —, le Conseil d’État a rendu
un avis le 27 novembre 19893, d’où il résulte que « le principe de laïcité
de l’enseignement qui est l’un des éléments de la laïcité de l’État et de la
neutralité de l’ensemble des services publics impose que l’enseignement
soit dispensé dans le respect d’une part de cette neutralité par les
programmes et par les enseignants, d’autre part de la liberté de
conscience des élèves. La liberté ainsi reconnue aux élèves comporte
pour eux le droit d’exprimer et de manifester leurs croyances religieuses
à l’intérieur des établissements scolaires dans le respect du pluralisme et
de la liberté d’autrui et sans qu’il soit porté atteinte aux activités
d’enseignement, au contenu des programmes et à
l’obligation d’assiduité. Son exercice peut cependant être limité dans la
mesure où il ferait obstacle à l’accomplissement des missions dévolues
par le législateur au service public de l’éducation ».
En application de ces principes, le Conseil d'État a eu à juger
illégales les dispositions d’un règlement intérieur d’un collège interdisant
de manière absolue le port de tout signe distinctif, vestimentaire ou
autre, d’ordre religieux, politique ou philosophique, en méconnaissance
de la liberté d’expression reconnue aux élèves. Il a jugé que le port d’un
foulard islamique n’est de nature à justifier l’exclusion des élèves que s’il
présente « le caractère d’un acte de pression, de provocation, de
prosélytisme ou de propagande, ou à perturber l’ordre dans
l’établissement ou le déroulement des activités d’enseignement »4.
Toutefois, cette jurisprudence a été remise en cause par une loi
prohibant dans les écoles, collèges et lycées publics « le port de signes ou
tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une

1 C.E. fr., Avis, 27 nov. 1989.


2 A. MAURIN, op. cit., p. 136.
3 C.E., avis, 27 nov. 1989.
4 C.E. fr., 2 nov. 1992, Keroua et autres.

329
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

appartenance religieuse »1. Cela dit, la jurisprudence demeure


d'application dans les établissements d'enseignement supérieur2.
Dans un tout autre domaine, il a été jugé qu'une crèche de Noël n’a
pas forcément une signification religieuse. Dès lors, son installation par
une personne publique « n’est légalement possible que lorsqu’elle
présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la
reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse »3

Paragraphe 3
Le principe de mutabilité

Pour répondre aux besoins de la collectivité, le service public doit


s’adapter4. Le principe de mutabilité signifie que l'organisation et le
fonctionnement du service public doivent constamment évoluer et s'adapter aux
nouveaux besoins d'intérêt général. On parle à cet effet de « la loi du changement
»5.
Il s’agit plus d’assurer au mieux, qualitativement, le service que de
garantir sa régularité dans le temps6. En effet, l'intérêt général varie avec le
temps et le régime des services publics doit pouvoir évoluer selon ses exigences. Toutes
les modifications d’ordre juridique, économique ou technique, qui
interviennent et touchent les services publics obligent les autorités
administratives à adapter, en conséquence, leurs actions.
L’Administration est donc tenue d’agir et son abstention peut être
sanctionnée par le juge7.
En contrepartie, les autorités administratives, pour assurer la
meilleure adaptation possible de leur action, imposent des obligations
diverses aux usagers (qui n’ont pas de droit au maintien d’une prestation,
d’un tarif, ou encore de tel mode de gestion d’un service public), aux
cocontractants (modification unilatérale de clauses des contrats.), aux
agents publics qui, étant dans une situation légale et réglementaire, n’ont

1 Art. 1, Loi du 15 mars 2004.


2 C.E. fr., 26 juill. 1996, Université de Lille II.
3 C.E. fr., ass., 9 nov. 2016, Commune de Melun.
4 A. MAURIN, op. cit., p. 137.
5 L. YUMA, op. cit., p. 186.
6 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 552.
7 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pas de « droits acquis » au maintien de leur statut ou de l’organisation


des services auxquels ils sont affectés1.
En cas de non-respect d'un de ces principes par le service public, le
particulier pourra intenter un recours pour excès de pouvoir en vue
d'obtenir l'annulation de l'acte pris en violation de ces principes. Il
pourra également mettre en jeu la responsabilité du service pour faute,
ou sans faute par le biais d'un recours pour préjudice exceptionnel. Il
peut de même poursuivre simultanément les deux objectifs grâce à un
recours de pleine juridiction.

Section 5
Modes de gestion des services publics

Les modes de gestion des services publics varient selon que le


service est géré directement par une personne publique dotée ou non de
la personnalité juridique, ou par une personne privée par le biais d'un
contrat avec une personne publique. La doctrine2 distingue
traditionnellement trois modes de gestion des services publics : la régie,
l'établissement public, la concession de service public. Il appert que l'autorité
réglementaire dispose d’une grande liberté pour adopter la solution la
meilleure3.

Paragraphe 1
La régie

Marcel Waline4 donne de la régie cette excellente définition : « un


service public est exploité en régie directe lorsqu’une personne publique
se charge de le gérer elle-même, à ses risques et périls, en engageant les
fonds nécessaires (capital de premier établissement et fonds de
roulement) et en recrutant, dirigeant et salariant le personnel nécessaire,
en achetant toutes choses nécessaires au fonctionnement, en entrant
directement en relations avec les usagers du service, le cas échéant en

1 J. WALINE, op. cit., p. 425 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 552 ; L. YUMA, op.
cit., p. 186.
2 J. WALINE, op. cit., 435 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 564 ; G. DUPUIS et alii.,

op. cit., p. 537 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 298 ; J.-C. RICCI, op. cit., p.
126 ; L. YUMA, op. cit., p. 185 ; A. MAURIN, op. cit., p. 133.
3 C.E. fr., 28 juin 1989, Synd. pers. industries électriques et gazières du centre de Grenoble.
4 Cité par J.-C. RICCI, op. cit., p. 126.

331
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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supportant, elle-même et seule, la responsabilité des préjudices causés


aux tiers par le fonctionnement du service ». En clair, c'est un procédé qui
consiste en une exploitation d’un service public directement par l’Administration1.
C'est le mode normal de gestion des services publics.
Le service ne constitue pas une personne juridique distincte de la collectivité
publique de rattachement : il n’a pas qualité pour agir en justice ou contracter
directement, il ne possède pas d’indépendance financière (intégration au
budget de la collectivité) et les mécanismes du pouvoir hiérarchique lui
sont applicables.
Les services en régie sont placés sous la dépendance directe de la collectivité
dont ils relèvent. Pour l'État, ils constituent les services déconcentrés des divers
départements ministériels, les agents auxquels ils sont confiés sont
hiérarchiquement subordonnés au ministre.
Du point de vue financier, le service n'a aucune individualité. Les
crédits nécessaires à son fonctionnement sont prévus au budget général
des dépenses de la collectivité. S'il effectue des recettes, elles se
confondent dans la masse des recettes budgétaires sur lesquelles sont
prélevées l'ensemble des dépenses.
Dès lors, toutes les règles et toutes les procédures du droit
administratif s'appliquent à eux : leurs agents sont des fonctionnaires, les
actes les concernant sont, soit des décisions unilatérales, soit des contrats
administratifs, sauf le recours exceptionnel au contrat de droit privé ;
leurs travaux sont des travaux publics, leur responsabilité est engagée
selon le droit administratif, leur contentieux relève de la juridiction
administrative2.
La régie peut être directe ou indirecte. La régie directe correspond
exactement aux développements ci-dessus. Sont gérés en régie directe,
les différents ministères de la République, la Police nationale, les Forces
armées. Leurs administrations relèvent directement de la collectivité à
laquelle elles se rattachent, en l'occurrence, le pouvoir central.
La régie indirecte intervient dans le cadre de la déconcentration par
service. Le service public déconcentré reste placé sous l'autorité hiérarchique
de la personne morale de droit public mais il bénéficie d'une autonomie de gestion.
Son budget est annexé au budget général de l'État3.

1 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 537.


2 Lire J. WALINE, op. cit., p. 436 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 538 ; F.
VUNDUAWE, op. cit., pp. 565-566.
3 Lire L. YUMA, op. cit., 186 ; A. MAURIN, op. cit., p. 133.

332
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'autonomie implique la délégation de pouvoirs de décisions dans


la gestion du personnel, du patrimoine et des ressources financières
affectés à la régie et dans les matières relevant de l'exploitation de la régie,
laquelle est placée sous l'autorité d'un directeur général relevant
hiérarchiquement de l'État1.
C'est le souci d'accroître l'efficacité du service public et la nécessité
d'assouplir les règles des finances publiques qui justifient l'octroi de
l'autonomie de gestion à certains services publics2.
Sont concernées par ce mode de gestion, entre autres, la Direction
Générale des Impôts, la Direction Générale des Douanes et Assises, la
Direction Générale de Migration…
Disons que cette notion ne doit pas être confondue avec celle des
régies personnalisées qui sont en réalité des établissements publics. Ce sont des
institutions auxquelles le législateur donne génétiquement le nom de «
régie » sans pour autant qu'elles soient soumises à ce régime juridique.
En revanche, elles sont soumises au régime des établissements publics.
Il faut donc en éviter le piège. C'est le cas de la Régie des Voies
Aériennes.

Paragraphe 2
L'établissement public

La gestion d'un service public peut être confiée à une institution dotée
de la personnalité juridique. C'est l'établissement public que nous avons
largement abordé dans les pages précédentes, nous n'y reviendrons pas.
Nous dirons seulement que ce mode de gestion se distingue de la régie,
car ici, l'institution qui gère est dotée d'une existence juridique propre distincte de
celle de l'État, la province ou l'entité territoriale décentralisée qui la crée, avec toutes
les conséquences que cela emporte, entre autres l'existence de droits et
obligations, la triple autonomie organique, patrimoniale et financière.
Au demeurant, il sied de distinguer l'établissement public de l'établissement
d'utilité publique, qui est une personne morale de droit privé crée pour la satisfaction
d'un besoin d'intérêt privé mais qui, dans l'exploitation de son activité, rencontre un
besoin d'intérêt général3. Ainsi, si l'Université de Kinshasa est un
établissement public, l'Université Protestante du Congo est un
établissement d'utilité publique.

1 L. YUMA, op. cit., 186.


2 Idem.
3 Ibidem., p. 188.

333
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 3
La concession de service public

La concession de service public est un mode de gestion de service


public par lequel une personne publique, le concédant, charge par contrat une
personne privée, le concessionnaire, de faire fonctionner le service, pendant un certain
temps, en en assumant les charges, moyennant le droit de se rémunérer sur les usagers1.
La personne publique, l'État, la province ou l'entité territoriale
décentralisée, estime que la gestion d'un service public devrait être
donnée à une personne privée — même s'il est de plus en plus admis
que le concessionnaire soit une personne publique, plus précisément un
établissement public2 —. Elle délègue par un contrat administratif3 la gestion de
ce service public, c'est-à-dire de cette activité d'intérêt général, à ladite
personne. Cette dernière se rémunère sur les redevances payées par les
usagers.
Ce mode de gestion présente plusieurs avantages4 : le
concessionnaire supporte les frais de la dotation en ouvrages et en
matériels ; la collectivité publique est assurée contre les aléas de la gestion
; en fin de concession, la collectivité publique devient propriétaire des
ouvrages réalisés.
Organismes privés, les concessionnaires relèvent du droit privé et de
la compétence judiciaire en ce qui concerne leur organisation intérieure, leurs
rapports avec leurs agents, leurs contrats5.
Mais investis d'une mission de service public, les décisions
unilatérales qu'ils prennent pour l'exercice de cette mission sont des actes
administratifs6, et à ce titre, attaquables devant le juge administratif7 ; et
leur responsabilité relève du droit et du juge administratifs lorsqu'elle est mise en
jeu à l'occasion de l'exercice des prérogatives de puissance publique qui
leur sont conférées8.
La concession de service public a pour base un contrat conclu entre
l'autorité concédante et le concessionnaire soumis au régime de droit

1 J. WALINE, op. cit., p. 440 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 567 ; G. DUPUIS et


alii., op. cit., p. 540 ; A. MAURIN, op. cit., p. 134 ; L. YUMA, op. cit., p. 189.
2 Lire J. WALINE, op. cit., p. 440.
3 J.-C. RICCI, op. cit., p. 132.
4 A. MAURIN, op. cit., p. 134.
5 C.E. fr., 3 mars 1969, Société Interlait.
6 C.E. fr., 13 janv. 1961, Magnier.
7 T.C. fr., 15 janv. 1968, Époux Barbier.
8 C.E. fr., 13 oct. 1978, ADASEA du Rhône ; T.C. fr., 6 nov. 1978, Bernardi.

334
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

administratif. Ce contrat a une double nature réglementaire et contractuelle1. La


partie réglementaire correspond à un ensemble de clauses fixées par
l'Administration, relatives à l'organisation et au fonctionnement du service. C'est ce
qu'on appelle le cahier des charges. Ces clauses, élaborées unilatéralement
par l'Administration, peuvent toujours être modifiées par elle. Le
caractère réglementaire de ces clauses se trouve confirmé par le fait que
les usagers du service peuvent se prévaloir de leur méconnaissance par
l'Administration à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir2.
La partie contractuelle renvoie aux dispositions financières qui
garantissent au concessionnaire sa rémunération, et qui sont dominées par le
principe, fondamental dans les contrats administratifs, de « l'équilibre
financier du contrat ». Nous y reviendrons.
La concession crée des droits et obligations pour chacune des parties.
À l'égard du concessionnaire, il a l'obligation de respecter le cahier des charges,
notamment les règles d'organisation et de fonctionnement du service
public, plus particulièrement les principes fondamentaux régissant les services
publics, dits « Lois de Rolland ». Il doit notamment assurer la continuité
du service public, quelles que soient les circonstances, même s'il peut
être exonéré pour force majeure3.
Toutes les autres difficultés qu'il pourrait rencontrer, liées entre
autres à la modification de l'équilibre financier par le fait de
l'Administration qui prend un acte ayant des répercussions sur l'équilibre
financier, ou par le fait d'une circonstance extérieure à la volonté des
parties, pourront justifier l'application des théories du fait du principe et
de l'imprévision, et permettre allocation de coûts supplémentaires au
concessionnaire4.
L'obligation de respecter l'égalité des usagers devant le service
s'impose au concessionnaire, tenu de fournir à tous ceux qui remplissent
les conditions requises les prestations demandées, et de leur appliquer
les tarifs fixés par l'autorité concédante.
Par ailleurs, en vertu du principe de mutabilité des services publics,
l'Administration pourra modifier le cahier des charges en vue de
s'adapter aux exigences nouvelles d'intérêt général. Le concessionnaire

1 J. WALINE, op. cit., p. 445 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 540 ; F.


VUNDUAWE op. cit., p. 568 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 132.
2 C.E., fr., ass., 10 juill. 1996, M. Cayzelle.
3 C.E. fr., 29 janv. 1909, Cie des Messageries maritimes.
4 Lire L. YUMA, op. cit., p. 165.

335
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

est tenu de suivre les modifications ainsi opérées1, le cas échéant avec
une indemnité accordée par l'Administration en vertu de la théorie du
fait du prince2.
En contrepartie, le concessionnaire se rémunère sur les usagers. Les
redevances payées par ces derniers pour l'usage du service lui sont
siennes. Cependant, les tarifs qui en fixent le montant font partie des
clauses réglementaires, le concédant en garde la maîtrise.
Le concédant, de son côté, a droit à la gestion du service. Il jouit par
ailleurs de nombreux privilèges de puissance publique attachés aux contrats
administratifs, notamment le pouvoir de mettre fin unilatéralement au
contrat si des circonstances d'intérêt général l'exigent.
La concession peut prendre fin de diverses manières3 : à l’arrivée du
terme qui avait été initialement fixé, ou de façon anticipée mais par accord
des parties, ou encore par la réalisation de l’objet du contrat ou du fait de la
disparition de celui-ci. Elle peut prendre fin avant cette date par la déchéance
du concessionnaire, prononcée par le juge en cas de faute très lourde, à la
demande du concédant. Le concédant peut également mettre fin
unilatéralement à la concession, s'il estime que l'intérêt général l'exige, et
sans faute du concessionnaire, soit pour supprimer le service, soit pour
le gérer selon une autre méthode. En ce cas, le concessionnaire a droit à
l'indemnisation du dommage qu'il subit de ce fait. Le juge se réserve le
pouvoir de vérifier le bien-fondé des motifs d'intérêt général invoqués
par le concédant à l'appui de sa décision, et il annule celle-ci, s'il l'estime
insuffisamment justifiée4.

1 C.E. fr., 10 janv. 1902, Gaz de Deville-lès-Rouen.


2 En ce sens, L. YUMA, op. cit., p. 166.
3 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 133 ; J. WALINE, op. cit., p. 450.
4 C.E. fr., 2 févr. 1987, Société T.V.6 et autres.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 3
LES MOYENS DE L'ADMINISTRATION
L'action de l'Administration nécessite la mise en œuvre des moyens
humains, matériels et surtout, juridiques.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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338
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les moyens humains : la fonction publique
La machine étatique fonctionne avec un personnel humain. Ce
personnel est très vaste1, car il englobe des agents élus et des agents
nommés. Dans cette dernière catégorie, il y a, à côté des agents nommés
à une fonction permanente, ceux qui sont révocables ad nutum. Les agents de
l'État, élus ou nommés, sont globalement désignés sous le terme d' «
agents publics »2. Cette catégorie contient en son sein, les agents nommés
à une fonction permanente, qui eux seulement portent le titre de «
fonctionnaires ».
En effet, l'argent public désigne « toute personne qui exerce une activité
publique de l’Etat et/ou rémunérée par ce dernier »3. Sont compris dans cette
catégorie, notamment : le Président de la République, les membres du
Parlement, du Gouvernement, les magistrats, les ambassadeurs, les
autorités chargées de l'Administration des circonscription territoriales et
les membres des Assemblées délibérantes des entités territoriales
décentralisées, le personnel politique et administratif des Services de la
Présidence de la République, de l’Administration du Parlement, des
Cabinets des Ministères, les agents de l’Administration de tous les
Ministères, les agents des Forces armées et de la police nationale, les
mandataires actifs et non actifs et le personnel dans les Institutions de
droit public, les Entreprises et Organismes publics ainsi que les
Entreprises d’économie mixte, etc. Tout ce personnel forme les agents
publics de l'État qui, sans préjudice du statut particulier que pourrait
avoir certaines catégories d'entre eux4, sont soumis aux mêmes
obligations, notamment en ce qui concerne les règles de conduite en
matière d’intégrité morale et d’éthique professionnelle5.
Le fonctionnaire constitue une sous-catégorie d'agent public. Il
désigne plus précisément l'agent « nommé à un grade de la hiérarchie
administrative pour occuper un emploi permanent budgétairement prévu dans un des

1 Lire J.-M. AUBY et alii., Droit de la fonction publique, Dalloz, Paris, 2012, p. 43.
2 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 573.
3 Lire Art. 1e, Décret-loi n° 017/2002 du 3 octobre 2002 portant code de

conduite de l’agent public de l’État.


4 Voir par ex. Art. le, Statut des magistrats ; Art. 150 al. 3, Constitution du 18

février 2006.
5 Lire Art. 2, Décret-loi n° 017/2002 du 3 octobre 2002 portant code de conduite

de l’agent public de l’État.

339
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

services publics »1. Sont concernés, le personnel de l'Administration


rattachée au Président de la République, au Premier Ministre,
Administration de l'Assemblée nationale et du Sénat, de la Cour des
comptes, de la Cour constitutionnelle et de son parquet, des ministères,
des juridictions de l'ordre judiciaire et administratif et des parquet près
ces juridictions, Administration des services déconcentrés de
l'Administration centrale du pouvoir central en province et au niveau des
entités territoriales décentralisées, le personnel civil des Forces armées
et de la Police nationale, l'Administration de la Chancellerie des ordres
nationaux, de l'Agence nationale des renseignements et de la Direction
Générale des Migrations. Ensemble ils constituent la fonction publique
nationale2.
La notion de fonctionnaire suppose3 donc une nomination. Le
fonctionnaire est recruté, par un acte unilatéral de l'administration. Elle
suppose ensuite un emploi, mais un emploi permanent, caractéristique
principale de la fonction. L'agent est titularisé à un grade dans la hiérarchie
administrative. Cette hiérarchie part de l'huissier au secrétaire général. Le
fonctionnaire participe à un service public de l'État.
L'étude du droit de la fonction publique tourne autour de la carrière
du fonctionnaire, ses droits et obligations et le régime disciplinaire qui
lui est applicable.

1 Art. 1e, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 2, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Lire J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 50 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 577.

340
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 1
La carrière du fonctionnaire

Paragraphe 1
Le recrutement

L'accès des citoyens à la fonction publique est régi par le principe


constitutionnel d'égalité de tous devant la loi. « Tous les Congolais sont égaux
devant la loi »1 ; « aucun Congolais ne peut, en matière (...) d’accès aux
fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une
mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif,
en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale,
de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son
appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité
culturelle ou linguistique »2.
Le principe d'égalité proscrit tout système de sélection fondé sur des critères
étrangers à la capacité des candidats3. Ainsi par exemple, le service public « ne
saurait, sans méconnaître le principe d’égalité de l’accès de tous (...) aux
emplois et fonctions publics, écarter (...) un candidat en se fondant
exclusivement sur ses opinions politiques »4. L'administration ne peut
pas non plus refuser à une personne l'accès à un emploi public en se
fondant sur ses opinions religieuses5.
Le recrutement a pour objet de pourvoir à la vacance d'un emploi
budgétairement prévu6.
Le principe d'égale admissibilité n'interdit pas à l'Administration de
soumettre l'accès aux emplois publics à certaines conditions. Nul ne peut
être recruté comme agent de carrière s'il n'est de nationalité congolaise,
jouit de la plénitude de ses droits civils et politiques, est de bonne vie et
mœurs, est âgé de 18 ans au moins et 35 ans au plus — sauf exception
pour certains emplois spéciaux —, être de bonne santé et d'une aptitude
physique et mentale requises pour la fonction à exercer, et enfin, subir

1 Art. 12, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 13, Constitution du 18 février 2006.
3 C.E. fr., 10 janv. 1986, Fédération nationale des travailleurs de l’État C.G.T.
4 C.E. fr., 28 mai 1954, Barel.
5 C.E. fr., 7 juill. 1954, Janinet ; C.E. fr., 8 déc. 1948, Delle Pasteau.
6 Art. 4, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

341
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

avec succès les épreuves de concours au recrutement, sauf le cas


exceptionnel de recrutement sur titre1.
Tout recrutement doit faire l'objet d'une publicité préalable à la
présence. Cette publicité est assurée par un avis officiel d'appel aux
candidats accordant à ceux-ci un délai utile pour l'introduction de leur
candidature2. Le même avis doit en même temps déterminer les matières
sur lesquelles porteront les épreuves, et, le cas échéant, le niveau de
formation exigé ainsi que les diplômes requis pour les emplois à
conférer3.
Le recrutement s'effectue sur concours, en principe4. Toutefois, il se
fait sur titre en faveur des candidats détenteurs d'un diplôme délivré ou
reconnu équivalent par l'enseignement national et préparant
spécialement à la carrière concernée, pour autant que le nombre de
candidats ne dépasse pas celui des emplois mis en compétition5.
Les concours de recrutement sont annoncés par tous les moyens
de publicité dont il est possible de disposer. Cette publicité porte à la
connaissance des candidats tous les renseignements utiles concernant les
conditions d'admission, les matières sur lesquelles portent les épreuves,
les niveaux de formation et les diplômes éventuellement requis, la date
et le lieu des épreuves, ainsi que la date limite de dépôt des candidatures.
Ne peuvent participer aux épreuves que les candidats répondant aux
conditions exigées et ayant fait par écrit acte de candidature en vue de
leur recrutement. Le programme des épreuves comporte des questions
destinées à vérifier les aptitudes générales et professionnelles des
candidats. Les cahiers ou feuilles de composition sont exclusivement
fournis par l'administration ; ils sont conçus de manière à assurer
l'anonymat des candidats. Les épreuves s'effectuent par écrit dans la
langue administrative officielle qui est le français. Toutefois, des

1 Lire Art. 5, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 6 al. 4, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Lire Art. 6 al. 5, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


4 Art. 6 al. 1, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 Art. 6 al. 2, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

342
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

épreuves orales peuvent être organisées. La réussite au concours est


subordonnée à l'obtention de 60 % au moins1.
Le recrutement s'effectue exclusivement aux grades d'exécution et de
collaboration2.
Les décisions rendues par le jury chargé de composer et de corriger
les épreuves3 sont sans appel. C'est le principe de la souveraineté du jury4. Le
candidat n'étant pas agent, le droit au recours reconnu aux seuls agents
ne peuvent bénéficier aux personnes extérieures à l'Administration5.
Quand le recrutement se fait sur titre, aucun concours n'est
organisé en vue de l'accès au poste, il suffit de présenter le titre requis
pour l'accès à la fonction.

Paragraphe 2
Le déroulement de carrière

Point 1
Les types de carrière

Il existe deux types de carrière administrative : la carrière normale ou


hiérarchisée et la carrière plane6.
Effectuent une carrière normale, les agents qui peuvent participer à
l'avancement de grade par voie de promotions successives dans la hiérarchie des grades
et des emplois7. Dans ce cas, la situation du fonctionnaire aura un caractère
évolutif. Elle ne sera pas la même tout au long de la carrière qui va se
dérouler jusqu'à la fin des fonctions. Le fonctionnaire connaîtra un

1 Lire Art. 3, Ordonnance, n° 82-028 du 19 mars 1982 portant règlement


d'administration relatif au recrutement du personnel de carrière des services
publics de l'État.
2 Art. 7 al. 2, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 3 al. 5, Ordonnance, n° 82-028 du 19 mars 1982 portant règlement

d'administration relatif au recrutement du personnel de carrière des services


publics de l'État.
4 C.E. fr., 20 mars 1987, Gambus.
5F. VUNDUAWE, op. cit., p. 595.
6 Art. 12, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


7 Art. 13 Al. 1, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.

343
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

avancement qui améliorera sa situation financière ou pourra lui faire


conférer des attributions hiérarchiquement plus importantes1.
Effectuent une carrière plane, les agents qui, en vertu de la nature
particulière de leurs emplois, ont vocation à exercer en permanence le même ordre de
fonction2. Le fonctionnaire est recruté pour un emploi bien déterminé. Sa
situation ne se modifiera pas dans le temps3.
Le principe est celui de la carrière hiérarchisée, que la loi qualifie de «
normale ». Le fonctionnaire est un agent de l'État, il exerce une
profession présentant des étapes, d'où l'expression « faire carrière » qui
signifie gravir les échelons4.
La carrière plane est l'exception. Elle est exercée par des catégories
particulières de fonctionnaires, tels que le personnel enseignant, le corps
d'inspecteurs de l'enseignement, les éducateurs sociaux, ou encore, la
sentinelle de la primature. Ils resteront dans la même fonction, à moins
de faire l'objet d'une nomination nouvelle dans un emploi correspondant
à une carrière normale.

Point 2
Le serment

Avant d'entrer en fonction, l'agent prête serment auprès de


l'autorité hiérarchique immédiate, dans lequel il « jure fidélité à la Nation,
obéissance à la Constitution et aux lois de la République (...) et (s)'engage
à observer le code de bonne conduite des agents de l'État »5.
Ce serment a pour but de lui rappeler son adhésion aux obligations qui
lui incombent, inscrites dans le code de bonne conduite des agents publics
de l'État. La prestation de serment marque l'acceptation par l'agent de sa
nomination et son entrée en fonction6.

1 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 53.


2 Art. 13 Al. 2, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
3 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 54.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 595.
5 Lire Art. 11 Al. 3, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


6 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 596.

344
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 3
Le stage

Avant d'être nommé à titre définitif, l'agent accomplit une période


de stage dont la durée est de trois mois pour les emploi d'exécution et
de six mois pour les emplois de collaboration. Le stage permet à l'autorité
compétente de se rendre compte du degré de conscience et d'aptitudes morales et
professionnelles de l'agent1.
A l'issue de ce stage, un rapport est établi par un agent de
l'administration — pour les services centraux par exemple, il s'agit du
directeur sous l'autorité duquel l'argent était placé durant la période de
stage2 — donne en conclusion un avis sur l'opportunité de l'admission
définitive de l'agent. Le rapport est adressé pour décision à l'autorité
investie du pouvoir de nomination.
L'agent qui n'est pas admis à titre définitif est licencié d'office sans
aucune indemnité. En cas d'admission à titre définitif, l'ancienneté de
l'agent court à partir de la date de son recrutement3.
Dans les trente jours suivants la fin du stage, un numéro matricule est
attribué à l'agent par le ministre ayant la fonction publique dans ses
attributions. Tout agent porte un numéro matricule4.

Point 4
La nomination

La nomination est l’acte qui conditionne la collation de la qualité de


fonctionnaire5.
La compétence de principe en matière de nomination appartient au
Président de la République en ce qui concerne les hauts fonctionnaires de

1 Lire Art. 14, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Lire Art. 1e, Ordonnance, 82-029 portant règlement de l’Administration relatif

à la carrière du personnel des services publics de l’État.


3 Lire Art. 15, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


4 Lire Art. 11, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


5 A. MAURIN, op. cit., p. 303.

345
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l’administration publique1. Le Premier Ministre nomme aux emplois civils et


militaires « autres que ceux pourvus par le Président de la République »2.
La nomination a pour effet non seulement d'attribuer un emploi
public, mais également de conférer à son bénéficiaire la qualité d'agent public s'il
ne l'a pas déjà3.
Dès la signature de l’acte de nomination, l’agent bénéficie de droits
immédiats.
Cependant, son refus, qu'il soit formel ou par abstention, conduit
l’Administration à « tirer la conséquence nécessaire » de cette attitude par
le retrait de l’acte de nomination4. Mais la décision de nomination
devenue définitive, même illégale, ne peut être retirée, en vertu de
l'intangibilité des droits acquis5.

Point 5
L'emploi et l'affection

A. L'emploi

L'emploi est la fonction administrative permanente et budgétisée prévue dans


le cadre organique d'un service public6. Chaque fonction correspondant à un grade.
Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l’un des emplois
qui lui correspond7. Il définit ainsi la place du fonctionnaire dans la hiérarchie
administrative.
La loi organise quatre catégories d'emplois A, B, C et D
correspondant respectivement, pour la catégorie A, aux emplois de
conception, commandement, direction, et contrôle général ; pour la
catégorie B, aux emplois de coordination et d'encadrement ; pour la
catégorie C, aux emplois de collaboration et de prestation intellectuelles

1 Art. 81 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 92 Al. 3, Constitution du 18 février 2006.
3 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 248.
4 C.E. fr., 19 nov. 1954, Casanova.
5 C.E. fr., 7 août 2008, Le Cointe.
6 Art. 16 Al. 1, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


7 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 366.

346
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

et techniques et pour la catégorie D, aux emplois d'exécution des taches


non spécialisées et de prestation techniques manuelles1.
La première catégorie A comprend les hauts fonctionnaires que
sont : le Secrétaire général, le directeur général, le directeur. La catégorie
B comprend les cadres supérieurs que sont : le Chef de division et le chef
de bureau. La catégorie C comprend les agents de collaboration que sont
: l'attaché d'administration de première classe, l'attaché d'administration
de deuxième classe, l'agent d'administration de première classe. La
catégorie D comprend les agents d'exécution que sont : l'agent
d'administration de deuxième classe, l'agent auxiliaire de première classe,
l'agent auxiliaire de deuxième classe et l'huissier2. Chaque grade de
catégorie B et C comporte deux échelons 1 et 23.

B. L'affectation

Tout agent en activité doit avoir une affectation. L'affectation est la


désignation à une fonction ou à un grade4. L'affectation est opérée selon le cas
par le Président de la République, le Premier ministre, le ministre, le
gouverneur ou tout autre responsable de service public. Elle ne peut être
décidée que pour pourvoir à un poste budgétairement prévu5. L'agent
nommé a le droit le droit de recevoir une affectation correspondant à
son grade dans un délai raisonnable. Il s'agit d'une garantie fondamentale
du droit de la fonction publique6. L'absence d'affectation durant un long
délai est de nature à constituer une faute de nature à engager la
responsabilité de l'État7.

1 Lire Art. 16 Al. 1, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Lire Art. 17, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


3 Art. 18, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 599.
5 Lire Art. 19, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


6 C.E., fr., ass., 28 déc. 2009, Synd. national. du travail, de l'emploi et de la formation ;

Lire J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 249 ; en ce sens, G. DUPUIS et alii., op. cit., p.
366.
7 C.E. fr., 6 nov. 2002, M. Guisset.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Tout agent a le droit de solliciter une mutation — changement


d'affectation qui implique un changement de résidence1 — ou une
permutation — échange d'un poste ou d'un emploi contre un autre2 —.
Elle doit être individuelle et motivée. Elle s'opère dans le strict respect
du principe statutaire de la correspondance du grade et de l'emploi3.

Point 6
L'intérim

Le grade correspond à l'emploi. Toutefois, lorsqu'un emploi de catégorie


A ou B est déclaré vacant, un fonctionnaire du grade immédiatement inférieur est
désigné pour assumer l'intérim en tenant compte des exigences particulières
de l'emploi. L'intérimaire assume la plénitude des fonctions du titulaire et engage
sa propre responsabilité4.
Un emploi est considéré comme vacant lorsqu'il n'est pas occupé
par un agent revêtu du grade correspondant. Il est considéré comme
provisoirement disponible lorsque son titulaire est momentanément
absent ou empêché5.

Paragraphe 3
Les positions de l'agent

Le fonctionnaire peut au cours de sa carrière se trouver dans


diverses positions statutaires. Les positions statutaires sont les différentes
situations juridiques des fonctionnaires vis-à-vis de leur corps d'appartenance et de
l'emploi occupé6. Il doit être placé dans au moins une de ces positions, de
sorte que la régularité de sa situation soit maintenue. Ces positions sont
: l'activité, le détachement, la disponibilité et la suspension7. Cette liste
est limitative, car un fonctionnaire ne peut pas être placé dans deux

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 599.


2 Idem.
3 Lire Art. 5, Ordonnance, 82-029 portant règlement de l’Administration relatif

à la carrière du personnel des services publics de l’État.


4 Lire Art. 20, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


5 Art. 19 Al. 4, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


6 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 266.
7 Art. 23, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

348
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

positions à la fois, mais aussi il ne peut pas être placé dans une position
non prévue par ce statut1.

Point 1
L'activité
A. Définition

L'activité est la position de l'agent qui exerce effectivement les fonctions


afférentes à l'emploi qui lui a été attribué. Elle englobe les missions officielles, les
congés ainsi que les absences autorisées par le chef hiérarchique2.
C'est la position « normale »3 du fonctionnaire — contrairement aux
autres qui sont exceptionnelles —, c'est-à-dire celle dans laquelle il assure
effectivement les fonctions de l'emploi qui correspond à son grade4. Au plan
juridique, cette position est conservée lorsqu'il est en missions officielles,
en congés ou en absence autorisée par le chef hiérarchique. Il est
toujours juridiquement en activité lorsqu'il est détenu préventivement5.

B. Situations assimilées à l'activité

1. Les missions officielles

L'agent chargé d'une mission officielle bénéficie, en plus des droits


afférents à l'activité de service, des avantages spéciaux6.
Il a droit notamment à une indemnité d'équipement, aux frais de
déplacement comprenant le coût du ticket de transport de l'agent et de ses
bagages, des frais de logement, de nourriture, frais médicaux ; pour lui
et le cas échéant, les membre de sa famille autorisés à l'accompagner si la
mission est d'une durée dépassant deux mois7. L'agent chargé d'une mission

1 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 266.


2 Art. 24, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
3 A. MAURIN, op. cit., p. 306 ; J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 267.
4 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 267.
5 C.E. fr., avis, 14 févr. 1980 ; C.E. fr., 15 nov. 1980, Cne de Houilles.
6 Art. 25, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


7 Lire Art. 3 à 9, Ordonnance, 82-030 du 19 mars 1982 portant règlement

d'administration relatif aux missions officielles, aux déplacements à l'intérieur du


territoire national et au transport des bagages.

349
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

officielle au sein ou en dehors du territoire national doit faire l'objet d'un


ordre de mission1.

2. Les congés

Tout agent en activité a droit à un congé de reconstitution de 30 jours


ouvrables par année entière de service2.
Il a droit à un congé de maladie, sur présentation d'un certificat médical
attestant que l'agent ne peut poursuivre l'activité sans mettre en danger
sa vie ou sa santé3.
Il a droit à des congés de circonstance pris au moment de l'événement
qui les justifie. Ces congés sont par exemple de 3 jours ouvrables en cas
de mariage de l'agent, 4 en cas d'accouchement de l'épouse, 6 en cas de décès du
conjoint ou d'un parent au premier degré, 1 en cas de déménagement, ou 2 en
cas de mariage d'un enfant4. L'agent de sexe féminin a droit à un congé de
maternité de 14 semaines consécutives dont huit au moins après
l'accouchement5.
Les congés sont accordés par les chefs hiérarchiques6.

3. Les autorisations d'absence

Le chef hiérarchique peut autoriser l'absence d'un agent pour des motifs
variés, en plus des congés ci-dessus étudiés. Les autorisations d'absence
ne constituent pas un droit pour les intéressés de sorte que le refus d'une
autorisation d'absence pour raison personnelle sans retenue sur

1 Art. 1, Ordonnance, 82-030 du 19 mars 1982 portant règlement


d'administration relatif aux missions officielles, aux déplacements à l'intérieur du
territoire national et au transport des bagages.
2 Art. 27, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 28, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 29, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 Art. 30, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


6 Art. 31, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

350
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

traitement, refus toujours discrétionnaire, est une mesure d'ordre


intérieur insusceptible de recours1.

Point 2
Le détachement

Le détachement est la position de l'agent qui est autorisé à interrompre


temporairement ses fonctions pour occuper un emploi ou assurer un mandat au sein
d'administrations, institutions, organismes officiels ou organes politiques autres que
ceux dont le personnel de carrière est soumis au statut de la fonction publique2.
En clair, c'est la position du fonctionnaire placé hors de son corps
d'origine mais qui continue à bénéficier dans ce corps de ses droits à l'avancement et à
la retraite3.
L'agent, sans quitter la fonction publique, est mis en activité dans un autre
service dont les agents ne sont pas soumis au statut de la fonction publique4.
Il s'agit d'institutions telles que le cabinet du Président de la
République, du Premier Ministre, des ministres, des membres des
bureaux des chambres parlementaires, ou d'une mission diplomatique5.
Accordé par le ministre ayant la fonction publique dans ses attributions,
après avis des ministres sectoriels ou des responsables des services
publics bénéficiaires, le détachement a une durée égale à celle des fonctions ou
mandat à exercer. Autrement, elle ne peut dépasser 5 ans. Le détachement
peut toutefois être renouvelé dans l'intérêt du service6.
Le détachement rend vacant l'emploi occupé par l'agent. L'agent détaché
n'est plus à charge de son administration d'origine. Néanmoins, il doit être suivi
par son administration d'origine. La cotation est faite le cas échéant par
le service auprès duquel il est détaché. L'agent détaché conserve le droit à la
participation au concours de promotion et à l'avancement de traitement et de grade. Il
est rémunéré auprès de l'organisme auprès duquel il est détaché7.

1 C.E. fr., 11 mai 2011, Caisse des dépôts et consignations c/ Sevoz.


2 Art. 32, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
3 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 271.
4 En ce sens, L. YUMA, op. cit., p. 198.
5 Lire Art. 32, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


6 Lire Art. 33, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


7 Lire Art. 33, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.

351
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

A l'expiration du détachement, l'agent est remplacé d'office en activité


de service1.
Le détachement doit être distingué du transfert. Le transfert est
l'affectation de l'agent dans un service public autre que celui dans lequel il est employé2.
À la différence du détachement, l'agent quitte son Administration
d'origine, pour une autre Administration toujours soumise au statut de la fonction
publique.
Le transfert est effectué soit à la demande de l'agent, soit pour nécessité du
service, par le Ministre ayant la fonction publique dans ses attributions. Il n'est
possible que si l'agent accomplit les conditions requises pour l'exercice
de son nouvel emploi3. L'agent transféré conserve son grade et son ancienneté4.

Point 3
La disponibilité

La position de disponibilité concerne le fonctionnaire qui est placé hors


de son administration pour l'intérêt du service ou pour son intérêt personnel de nature
scientifique ou sociale5 Elle est prononcée soit d'office, soit à la demande de
l'agent, par le Ministre ayant la fonction publique dans ses attributions6.
L'agent peut être mis en disponibilité d'office pour cause de maladie
ou d'infirmité, lorsqu'il a obtenu pendant une période de 12 mois
consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de 6 mois et qu'il
n'est pas apte à reprendre son service à l'expiration de son dernier congé.
La durée de la disponibilité ne peut, en ce cas, excéder un an.
Il peut également être mis en disponibilité lorsque, par cas de force
majeure, il est dans l'impossibilité de rejoindre son poste d'attache administratif.
Dans ce cas, la durée de la disponibilité est celle de la force majeure.

1 Art. 34, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 43, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 44, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 45, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 En ce sens, F. VUNDUAWE, op. cit., p. 605.
6 Art. 35, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

352
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il peut encore être mis en disponibilité pour effectuer, dans l'intérêt


du service, des études ou un stage de perfectionnement au pays ou à l'étranger1.
L'agent peut être mis en disponibilité à sa demande, pour effectuer
des études ou des recherches au pays où à l'étranger, qui présentent un intérêt
général pour le pays. Dans ce cas, la durée ne peut excéder 5 ans.
Il peut encore être mis en disponibilité à sa demande pour des
raisons sociales, dans le cas où l'agent accompagne son conjoint en
mutation, ou dans le cas où il accompagne le conjoint ou l'enfant mineur
dans un lieu d'hospitalisation ou de traitement au pays où à l'étranger.
Il peut en outre, être mis en disponibilité pour exercer un mandat
électif2.
En cas de mise en disponibilité d'office pour raison de maladie,
l'agent conserve la moitié de son salaire ainsi que les avantages sociaux. En cas
d'impossibilité de rejoindre son poste d'attache pour cause de force
majeure, il perçoit la totalité de son salaire les deux premiers mois, la moitié par la
suite ainsi que les avantages sociaux, en cas de force majeure. Il en est de
même, en cas de mise en disponibilité d'office pour raison d'étude3.
En cas de mise en disponibilité à la demande de l'agent, pour cause
de maladie du conjoint, l'agent conserve la moitié du salaire et les avantages
sociaux. En cas de mutation du conjoint, il conserve le quart du salaire ainsi
que les avantages sociaux pour une durée d'un an. Lorsqu'il accompagne le
conjoint son conjoint ou son enfant en soins médicaux, il conserve la
moitié de son salaire et les avantages sociaux pour une durée d'une année.
Lorsque c'est pour besoin d'étude, il conserve le quart de son salaire et les
avantages sociaux durant la période autorisée. Lorsque la mise en
disponibilité a été prononcée pour l'exercice d'un mandat électif, l'agent
perd la totalité de son salaire ainsi que les avantages sociaux4.
La disponibilité rend vacant l'emploi occupé par l'agent. Celui-ci, à
l'expiration de la période de disponibilité, est replacé en position d'activité.
Cependant, il n'est pas replacé en position d'activité si la mise en
disponibilité a pour cause la maladie ou l'infirmité de l'agent, si l'agent

1 Art. 31, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 32, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 38, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 39, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

353
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

accompagne son conjoint en mutation, ou s'il est dans l'impossibilité de


rejoindre son poste d'attache administratif1.
Dans tous les cas, la durée de la disponibilité est considérée comme le temps
de service comptant pour l'avancement de grade et de traitement ainsi que dans la
durée de la carrière2. Cela veut dire que l'agent bénéficie du droit à
l'avancement de grade et de salaire, mais aussi du droit à la retraite, qui
requièrent, comme on le verra, un certain nombre d'années d'activité.

Point 4
La suspension

La suspension est la position de l'agent obligé d'interrompre ses


prestations lorsque d'après des indices suffisamment graves, il est présumé avoir
commis une faute3. Il ne s'agit pas d'une peine, mais d'une mesure préventive
dans l'intérêt du service4.
La durée de la suspension ne peut excéder trois mois. Elle doit être
accompagnée de l'ouverture d'une action disciplinaire endéans 5 jours, sous
peine d'être caduque. Passé ce délai, l'agent est replacé d'office en activité de
service avec droit à l'intégralité de sa rémunération5.
La suspension est décidée par l'autorité hiérarchique dont relève
directement l'agent. Celle-ci est tenue d'indiquer les circonstances ayant
donné lieu à cette mesure6.
Si des poursuites judiciaires sont intentées à charge de l'agent pour
les faits qui lui sont reprochés, la clôture de l'action disciplinaire peut
être différée jusqu'au prononcé du jugement et dans ce cas, la durée de
la suspension de fonction peut dépasser 3 mois et entraîner la privation

1 Lire Art. 40, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Lire les Art. 38 & 39, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents

de carrière des services publics de l’État.


3 Lire Art. 41, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


4 Art. 41, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 Art. 13, Ordonnance, 82-029 portant règlement de l’Administration relatif à la

carrière du personnel des services publics de l’État.


6 Art. 13, Ordonnance, 82-029 portant règlement de l’Administration relatif à la

carrière du personnel des services publics de l’État.

354
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de salaire. L'agent conserve néanmoins le bénéfice des avantages


sociaux1.
L'agent poursuivi par une mesure disciplinaire est également placé
dans une position de suspension.
Toutefois, lorsque les poursuites judiciaires se terminent par un
classement sans suite ou par un acquittement, l'agent est rétabli dans tous
ses droits tant en ce qui concerne la carrière — c'est-à-dire qu'il est remis
en position d'activité — qu'en ce qui concerne la rémunération, avec
effet rétroactif à la date de la suspension, sous réserve des peines
disciplinaires prévues par la Loi2.
La suspension entraîne pour l'agent l'interdiction d'exercer ses fonctions
elle rend provisoirement disponible l'emploi occupé par l'agent3.
En résumé, l'agent occupe 4 positions de carrière. L'activité,
correspond à la position normale de l'agent fournissant ses prestations à
l'Administration. Il est présent au travail pendant les heures de travail
fixées par l'Administration. Il peut opérer des missions officielles, ou
aller en congé, il demeure en activité. Il jouit de sa rémunération et des
avantages sociaux. Les années qu'il passe dans cette position comptent
dans les conditions requises pour la montée en grade, en traitement et
pour la retraite.
Quand il est en détachement, l'agent est placé dans un autre service
dont les agents ne sont pas soumis au statut de la fonction publique. Ce
sont des agents publics de manière générale, mais pas des fonctionnaires.
Il est rémunéré par sa nouvelle Administration. À la fin du détachement,
il a le droit de revenir à son Administration d'origine.
En disponibilité, d'office ou à sa demande, l'agent ne fournit pas du
tout de prestation, ni pour l'Administration auprès de laquelle il est
attaché et soumis au statut de la fonction publique, ni pour aucune autre.
Il continue néanmoins de bénéficier d'une partie de sa rémunération et
des avantages sociaux.
En suspension, l'agent arrête de fournir ses prestations, car une
enquête disciplinaire est ouverte, ou est sur le point d'être ouverte à son
encontre. Il bénéficie de sa rémunération et des avantages sociaux

1 Lire Art. 42, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Lire Art. 42, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


3 Art. 14, Ordonnance, 82-029 portant règlement de l’Administration relatif à la

carrière du personnel des services publics de l’État.

355
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

pendant la durée de la suspension, à moins que des poursuites judiciaires


aient été intentées à son encontre.

Paragraphe 4
Rémunération et avantages sociaux

Point 1
Rémunération

L'agent a droit à une rémunération. La rémunération est constituée


du traitement et des primes. Elle est payée par mois1.
On distingue le traitement initial du traitement acquis. Le traitement
initial est celui qui est attaché au grade dont l'agent est revêtu. Le traitement
acquis est le traitement initial majoré des augmentations annuelles découlant de
l'avancement de traitement2.
La prime est un complément pécuniaire au traitement destiné à rétribuer
l'agent qui exerce certaines fonctions ou accomplit des prestations spécifiques.
Il ne peut être accordé d'autres primes que les prime de diplôme,
prime d'intérim, prime pour prestations supplémentaires, prime des
risques professionnels, frais de représentation, prime de bourse. Il existe
cependant des primes pour fonctions spéciales dont la liste est établie
par un décret du Premier Ministre. Quoi qu'il en soit, la prime ou la
somme des primes ne peut dépasser le deux tiers de la rémunération3.

Point 2
Avantages sociaux

L'agent bénéficie notamment des avantages sociaux suivants : les


allocations familiales pour enfants à charge ; les frais médicaux et soins
de santé ; l'indemnité de logement ; l'allocation d'invalidité ; les frais
funéraires ; les frais de transport4.

1 Art. 46, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 47, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Lire Art. 48, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


4 Lire Art. 51, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Entrent en ligne pour les allocations familiales, l'épouse et les


enfants de l'agent, pour autant que ces derniers n'aient pas atteint l'âge
de 18 ans et qu'ils soient à charge de l'agent. Au-delà de cet âge, et jusqu'à
l'âge de 25 ans, l'allocation est accordée si les enfants poursuivent des
études, ou s'ils se trouvent, en raison de leur état physique ou mental,
dans l'impossibilité de pourvoir à leur subsistance1.
À propos des frais de logement, l'agent qui n'est pas logé
gratuitement par son service bénéficie d'une indemnité conséquente de
logement liquidée mensuellement avec le traitement2.
Quant à l'allocation d'invalidité, elle concerne l'agent mis en
disponibilité pour cause de maladie ou d'infirmité, lorsque son incapacité
de travail résulte d'une maladie professionnelle ou d'un accident de
travail3.
Les frais funéraires sont alloués en cas de décès de l'agent, du
conjoint ou d'un enfant. Ils englobent, en plus d'une allocation de deuil,
le coût du cercueil, des linceuls, les frais de transport de la dépouille
mortelle jusqu'au lieu d'inhumation4.
Le service assure gratuitement le transport de l'agent pour tous ses
déplacements de service. Cette gratuité se traduit soit par la mise à la
disposition de l'agent d'un titre ou d'un moyen de transport, soit par
l'octroi d'une indemnité compensatoire5.

Paragraphe 5
Cotation et avancement

La carrière du fonctionnaire est appelée à être évolutive. Hiérarchisée


en grade et en échelon, elle est appelée à être parcourue de bas en haut
par le fonctionnaire. C'est l'avancement.

1 Art. 53, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 56, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 57, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 58, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 Art. 61, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

357
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'avancement est un avantage accordé au fonctionnaire pour améliorer sa


situation dans un corps donné1. Il comporte deux aspects : l'avancement de grade,
qui permet au fonctionnaire de monter de grade et de traitement, et l'avancement
de traitement qui consiste en une augmentation annuelle du traitement de l'agent.
Cela dit, ces bénéfices ne sont pas sans effort. Ils sont soumis à des
conditions, dont une des plus importantes est la bonne cotation. La cotation
s'avère donc servir en partie de base à l'avancement2.

Point 1
Cotation

Obligatoire pour tous les agents, la cotation a pour objet d'éclairer


l'Administration sur l'intégrité, le sens social, la compétence et la conscience
professionnelle de l'agent. Elle est attribuée chaque année par le chef
hiérarchique.
Le chef hiérarchique établit un bulletin qui décrit brièvement les
fonctions exercées par l'agent pendant l'année écoulée et sa manière de
servir. Il y propose l'appréciation du mérite qu'il estime devoir être
attribuée à l'agent, laquelle appréciation est synthétisée par l'une des
mentions suivantes : « élite, très bon, bon, assez bon, médiocre »3.
La cotation appelle l'intervention de deux autorités : celle qui procède
à la cotation et celle qui attribue définitivement la côte. En clair, celle qui côte
provisoirement, et celle qui côte définitivement. La première est le
supérieur hiérarchique de l'agent, la seconde est le supérieur hiérarchique de la
première.
Le supérieur hiérarchique de l'agent établit les bulletins de cotation
en appréciant les services rendus par l'agent dès son entrée en service,
ou dès sa dernière cotation, jusqu'à la date d'ouverture de la procédure
de cotation, qui est le 1e juillet de l'année4. L'agent dispose d'un droit de
recours hiérarchique, c'est-à-dire auprès du supérieur hiérarchique de
son supérieur hiérarchique, qui n'est autre que l'autorité compétente
pour attribuer définitivement la côte. Le recours est introduit dans les 8

1 J.-M. AUBY, op. cit., p. 314.


2 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 613.
3 Lire Art. 70, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


4 Lire Art. 3, Ordonnance, 82-032 du 19 mars 1982 portent règlement

d'administration relatif à la cotation et à l'avancement de grade du personnel de


carrière des services publics de l'État.

358
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

jours de la réception de la copie du bulletin de cotation. L'autorité


compétente pour attribuer définitivement la côte rend sa décision
définitive, insusceptible de recours1.

Point 2
Avancement

L'avance peut concerner le grade ou le traitement.

A. Avancement de grade

L'agent monte de grade à condition d'avoir accompli 3 ans


d'ancienneté au moins dans le grade immédiatement inférieur au grade de
promotion. Il doit en outre avoir obtenu au moins l'appréciation « bon »
lors des trois dernières cotations (rappelons que les cotations sont
annuelles). Il doit surtout avoir participé avec succès et s'être classé en
ordre utile à un concours organisé pour le passage d'une catégorie à une
autre.
Les promotions de grade ne peuvent avoir pour objet que de
pourvoir à la vacance d'emplois budgétairement prévus2.
Les promotions aux grades de catégorie A sont accordées par le
Président de la République sur proposition du gouvernement délibérée
en conseil des ministres. Les propositions aux grades de catégories B, C
et D sont accordées par le Premier Ministre, sur proposition selon le cas,
du Ministre ayant la fonction publique dans ses attributions, ou des
Présidents des deux chambres. Dans tous les cas, l'initiative de
promotion provient du service concerné3.
L'octroi d'une promotion de grade donne droit au traitement initial
du grade confédéré4.

1 Lire Art. 71, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Art. 72, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 74, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 74 Al. 5, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.

359
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Avancement de traitement

L'avancement de traitement consiste en augmentation annuelle du


traitement. Il est accordé automatiquement à tous les agents, sauf à ceux dont la
dernière cotation consiste en appréciation « assez bon » ou « médiocre ».
Le taux d'augmentation annuelle est de 3% du traitement initial
pour l'agent qui a obtenu la côte « élite », 2% pour celui qui a obtenu la
côte « très bon », et 1% pour celui qui a obtenu la côte « bon ».
L'augmentation est octroyée le 1e janvier de chaque année par le Ministre
ayant la fonction publique dans ses attributions1.

Section 2
Droits, devoirs et incompatibilités

Le fonctionnaire bénéficie, en tant que citoyen, de tous les droits et


libertés fondamentaux reconnus par la Constitution. Cependant, en
raison de la nature de ses fonctions, qui reposent sur l'intérêt général et
le service public, ces droits peuvent faire l'objet d'assez fortes restrictions.
Par ailleurs, cette exigence d'intérêt général le soumet à de strictes
obligations nécessaires au service public2.

Paragraphe 1
Devoirs de l'agent

Les obligations de l'agent tiennent entre autres à la consécration pleine


à ses fonctions, à l'obéissance hiérarchique, à la moralité, à la discrétion.
L'agent doit servir l'État avec fidélité, dévouement, dignité et
intégrité. Il doit témoigner de son esprit civique par l'effort soutenu qu'il
consent en vue de s'améliorer en se soumettant à une formation et à un
perfectionnement permanents. Il doit veiller à toute occasion à la
sauvegarde des intérêts de la collectivité publique et a le devoir
d'accomplir personnellement et consciencieusement toutes les
obligations qui, en vertu de ses fonctions, lui sont imposées. Les agents
ne peuvent suspendre l'exercice de leurs fonctions sans autorisation

1 Lire Art. 76, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Lire en ce sens, G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 372 ; J.-M. AUBUY et alii., op.

cit., p. 455 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 618.

360
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

préalable. Ils doivent s'entraider dans la mesure où l'exige le


fonctionnement régulier du service1.
Vis-à-vis de ses chefs, l'agent est personnellement responsable de
l'exécution des ordres qu'il a donnés. Il n'est dégagé d'aucune des
responsabilités propres de ses subordonnés. Il est de ce fait tenu de
réprimer ou de provoquer la répression des abus, négligence ou
infractions qu'il serait amené à constater dans l'exercice de ses fonctions.
L'agent est en outre tenu à la politesse, tant dans ses rapports de service
avec ses supérieurs, collègues ou inférieurs que dans ses rapports avec le
public2.
Il doit, dans le service comme dans sa vie privée, éviter tout ce qui
pourrait porter atteinte à la confiance du public ou compromettre
l'honneur ou la dignité de ses fonctions.
Il lui est formellement interdit de solliciter, exiger ou recevoir
directement ou par personne interposée, même en dehors de ses
fonctions mais en raison de celles-ci, des dons, gratifications ou
avantages quelconques.
L'agent est lié par l'obligation de discrétion absolue pour tous les
faits dont il a connaissance en raison de ses fonctions et qui présentent
un caractère secret de par leur nature ou de par les observations de
l'autorité hiérarchique. L'agent peut toutefois dans l'intérêt du service
être délié de cette obligation par autorisation expresse et particulière de
l'autorité administrative compétente. Cette obligation s'impose à l'agent
même après cessation définitive de ses services3.
De la nécessité de se consacrer pleinement à l'exercice de ses
fonctions découlent des incompatibilités à l'exercice de celles-ci, parmi
lesquelles se trouve l'exercice de toute activité commerciale exercée
directement ou par personne interposée, ou toute activité
professionnelle4.
L'agent qui, intentionnellement, par négligence ou imprudence,
enfreint ses devoirs professionnels ou se place dans un cas

1 Art. 107, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 108, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 111, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Lire Art. 115, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.

361
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'incompatibilité, est passible d'une sanction disciplinaire,


indépendamment le cas échéant des peines prévues par la loi1.

Paragraphe 2
Droits de l'agent

Les droits du fonctionnaire renvoient principalement à ceux


reconnus expressément par le statut, attachés à sa qualité de
fonctionnaire, en plus des droits et libertés fondamentaux lui reconnus
en tant que citoyen.
Tout agent jouit des droits et libertés reconnus à la personne
humaine par la Constitution. Ces droits et libertés sont exercées dans la
mesure compatible avec les nécessités de l'exécution des missions de
service public2.
L'agent a droit à des conditions de vie et de travail décentes. L'État
a l'obligation d'assurer, sur les lieux de travail, des conditions d'hygiène
et de sécurité destinées à préserver la santé physique de et mentale de
l'agent3.
Il a droit à une rémunération juste et équitable, et aux avantages
sociaux dont nous avons parlés4.
L'agent a droit, conformément aux règles fixées notamment par le
code pénal, à une protection contre les menaces, injures ou diffamation
dont il peut être l'objet. L'Etat est tenu de le protéger contre les menaces
et attaques de quelque nature que ce soit dont il a pu être l'objet dans
l'exercice de ses fonctions ou de réparer le cas échéant le préjudice qui
en est résulté5.
Le droit de grève est garanti à l'agent, dans les limites nécessaires à
l'assurance d'un service minimum dans les services publics vitaux qui ne

1 Art. 116, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 86, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 88, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 89, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 Art. 91, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

362
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

peuvent souffrir d'aucune interruption1. De même, la liberté syndicale


est garantie. Les agents peuvent librement créer des organisations
syndicales, y adhérer et y exercer des mandats2.
L'agent dispose du droit au recours. Deux voies de recours lui sont
ouvertes : le recours administratif et le recours juridictionnel. Le recours
administratif s'exerce auprès de l'autorité qui a pris la décision querellée
(recours gracieux), ou, en cas de silence ou de réponse insatisfaisante,
auprès du supérieur hiérarchique de l'agent qui a pris la décision (recours
hiérarchique). Les délais des recours sont de 30 jours. Le recours
juridictionnel s'exerce à l'épuisement des voies de recours
administratives et vise l'annulation de la décision3.

Section 3
Régime disciplinaire

Tout manquement par un agent aux devoirs de son état, à l'honneur ou à la


dignité de ses fonctions, constitue une faute disciplinaire4.
Contrairement au pénal, il n'y a aucune énumération légale des fautes
disciplinaires. D'ailleurs, la liste des devoirs imposés par la loi et le code de
bonne conduite ne constitue pas une énumération limitative5. Le Conseil d'État
belge a jugé qu' « il appartient à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire
d'apprécier si le comportement d'un agent est constitutif d'un
manquement aux devoirs professionnels (...) alors même qu'aucune
disposition légale ou réglementaire n'érige cela en infraction à la
discipline et ne le réprime comme tel »6. Cela étant, ne peuvent donner
lieu à une sanction, au titre des manquements, que des faits précis,
prouvés et imputables à l'agent7.

1 Art. 93, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 94, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 97, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 64, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 638.
6 C.E. b., 8 juill. 1966, Hollemans.
7 Art. 3 in fine, Ordonnance, n° 82-031 du 19 mars 1982 portant règlement

d'administration relatif au régime disciplinaire et aux voies de recours du


personnel de carrière des services publics de l'État.

363
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'action disciplinaire est distincte et indépendante de l'action répressive de


droit commun à laquelle peuvent donner lieu les mêmes faits1. En effet,
La faute disciplinaire est fonctionnelle et la peine l’est aussi, alors que la
répression pénale concerne tous les individus pour des faits qui ne sont
pas liés à une fonction, et que la sanction pénale ne vise pas le coupable
dans sa fonction mais dans sa liberté ou sa propriété2.
Par conséquent, l'action judiciaire n'est pas suspensive de l'action
disciplinaire3. Les deux actions peuvent être ouvertes en même temps.
Cependant, l'autorité disciplinaire a la faculté de surseoir à l'enquête
disciplinaire et mettre l'agent en position de suspension, en attendant la
fin de l'action judiciaire. Quoi qu'il en soit, la décision prononcée par le juge ne
lie pas l'autorité disciplinaire, qui peut toujours prononcer ou non une
sanction disciplinaire4.
Seulement, lorsque le juge s’est prononcé sur l’existence ou l’inexistence de
certains faits, ses constatations matérielles s’imposent à l’autorité administrative5.
Notons tout de même que dans le cas où une peine disciplinaire a
été prononcée avant que la juridiction pénale ait statué, l'agent peut, si
cette dernière l'a renvoyé des poursuites faute de preuve, demander la
révision de la mesure disciplinaire6.
Tout agent investi à un degré quelconque du pouvoir disciplinaire
a qualité pour ouvrir d'office ou sur réquisition de ses supérieures
hiérarchiques, l'action disciplinaire à charge d'un agent placé sous ses
ordres. La procédure est écrite. L'agent doit recevoir notification
préalable des faits qui lui sont reprochés. Aucune pièce ne peut être
utilisée contre lui sans qu'il n'en ait eu connaissance. Il doit être mis en
mesure de faire valoir des justifications ou moyens de défense7.
L'action disciplinaire dure 3 mois. Au-delà de ce délai, elle doit être
clôturée par une décision de classement sans suite ou par l'application d'une peine

1 Art. 69, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 381.
3 Art. 69, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Voir par ex. C.E. fr., 11 mai 1956 ; C.E. fr., 11 oct. 2017.
5 C.E. fr., 27 juill. 2005, Ministre de la Santé, de la Famille et des personnes handicapées

c / M. X ; En ce sens, F. VUNDUAWE, op. cit., p. 639.


6 Art. 69, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


7 Art. 65, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

364
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

disciplinaire. Au cas contraire, l'action disciplinaire devient caduque et


l'agent est replacé en activité1.
Suivant la gravité des faits, les peines disciplinaires applicables à
l'agent sont : le blâme, la retenue du tiers du traitement pour une durée ne
dépassant pas un mois, l'exclusion temporaire avec privation de traitement pour
une période ne dépassant pas trois mois et la révocation2. Cette liste est
exhaustive, il ne peut être prononcée de peine autre que celles-ci. On fait
ici application du principe de légalité des peines3.
Deux principes fondamentaux en matière d'application de la peine
doivent être appliqués : d'abord, une seule peine ne peut être prononcée, la
plus forte correspondant à la gravité des faits. Ensuite, la sanction ne doit
pas être manifestement disproportionnée à la gravité de la faute4.
Les peines sont prononcées par les chefs hiérarchiques de l'agent,
exceptée la peine de révocation qui n'est prononcée que par l'autorité
investie du pouvoir de nomination au grade dont l'agent est revêtu, après
avis du conseil de discipline, pour faute ou manquement grave par l'agent
aux devoirs de son état5.
La condamnation définitive à une peine de servitude pénale
supérieure ou égale à 3 mois, entraîne une révocation d'office sur simple
constatation de la condamnation6.
L'agent ayant bénéficié d'une mesure d'amnistie est replacé en
activité de service au grade dont il était revêtu au moment de sa
condamnation. S'il a bénéficié d'une mesure de grâce, il n'est réintégré
au sein de l'Administration avec le grade acquis avant la condamnation,
que si celle-ci est inférieure à 3 mois de servitude pénale principale7.

1 Art. 66, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 67, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 645.
4 Idem., p. 646 ; Voir par ex. C.E. fr., 11 déc. 1942, Ville d’Alger c/ Voulet ; C.E.

fr., ass., 30 déc. 2014, Bonnemaison.


5 Art. 68, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


6 Art. 69, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


7 Art. 10, Ordonnance, n° 82-031 du 19 mars 1982 portant règlement

d'administration relatif au régime disciplinaire et aux voies de recours du


personnel de carrière des services publics de l'État.

365
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 4
Cessation définitive des fonctions

La cessation définitive des fonctions entraîne la perte de la qualité


d'agent. Elle résulte : du décès, de la révocation, de la démission d'office,
de la démission volontaire, de la mise à la retraite, du licenciement pour
inaptitude physique ou professionnelle. Globalement, elle peut résulter
de la volonté de l'agent (démission), de la volonté du service — mais
dans ce cas, il a généralement une compétence liée — (révocation,
démission d'office, licenciement) ou de la volonté de la loi (retraite).

Paragraphe 1
Le décès

Lorsque le décès survient en cours de carrière, le conjoint survivant


a droit à une allocation de décès égale aux deux douzième du montent
annuel du dernier traitement d'activité de l'agent. Cette allocation n'est
pas taxable. À défaut de veuf, elle est donnée aux enfants1.
Le conjoint de l'agent a droit à une rente viagère de survie si le mari est
décédé, ou s'il était titulaire d'une pension de retraite ou d'inaptitude, à
condition que le mariage ait précédé la cessation définitive des services.
Le montant de cette rente est égal à 25% du montant annuel du dernier
traitement d'activité du mari, s'il est décédé en cours de carrière, ou à
50% de la pension du mari, s'il est décédé étant pensionné2. Le conjoint
qui se remarie est déchu du droit à la rente3.
L'orphelin d'un agent a droit à une rente d'orphelin jusqu'à l'âge de 18
ans4. Le montant de cette rente est égal à 4% du montant annuel du
dernier traitement d'activité de l'agent, si celui-ci est décédé en cours de
carrière, ou à 10% de la pension de l'agent, s'il est décédé pensionné5.

1 Art. 132, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 126, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 129, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


4 Art. 127, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


5 Art. 128, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

366
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les rentes sont acquises par mois. Elles ne sont pas soumises à
l'impôt1. Lorsque le barème des traitements attaches aux grades des
agents en activité de service subit une augmentation, les rentes sont
revues dans une proportion identique2. Toutefois, le cumul de la rente
de veuve et d'orphelin ne peut excéder le montant de la pension ou du
traitement dont bénéficiait l'agent défunt3.

Paragraphe 2
La démission volontaire de l'agent

La démission « n'est qu'une destitution provoquée par le fonctionnaire »,


pour reprendre l'expression de Gaston Jèze4. Elle ne peut résulter que
d'une demande de l'agent marquant sa volonté non équivoque et inconditionnelle de
mettre définitivement fin à ses services5. Sa clarté peut être manifeste alors
même que le mot « démission » n'a pas été utilisée par l'agent6. Ne sont
pas admises, les démissions implicites résultant de l'attitude de l'agent7.
La démission doit être donnée librement, la contrainte exercée sur le
fonctionnaire ou sont état de santé rendraient la démission irrégulière8.
La démission doit être acceptée par l'autorité investie du pouvoir de
nomination ou par son délégué. Toutefois, l'acceptation de la démission peut
être retardée dans l'intérêt du service. Malgré tout, l'agent est tenu à continuer ses
services jusqu'à l'acceptation expresse de sa démission. Néanmoins, passé 3 mois,
le silence de l'autorité vaut acceptation tacite de la démission volontaire9.

1 Art. 131, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière
des services publics de l’État.
2 Art. 130, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 14, Ordonnance, 82-033 du 19 mars 1982 portant règlement

d'administration relatif à la cessation définitive des services du personnel de


carrière des services publics de l'État et aux rentre de survie.
4 Cité par J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 383.
5 Art. 70 Al. 1, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


6 C.A.A. Bordeaux, 2e ch., 8 avr. 2014, Mme Delourme ép. Bonnant.
7 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 383.
8 C.E. fr., 7 févr. 1986, CHR de Tours ; C.E. fr., 5 nov. 1971, Commune de Billère ;

C.A.A. Nancy, 5 août 2016.


9 Lire Art. 70, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Une fois acceptée, la démission devient irrévocable et les liens avec


le service sont rompus. L'agent n'est plus fonctionnaire1.

Paragraphe 3
La démission d'office de l'agent

L'agent est démis d'office de ses fonctions — sans avoir manifesté


de volonté claire et non équivoque de mettre définitivement fin à ses
services — si sa nomination est irrégulière (par ex, une nomination qui ne
vient pas pourvoir à un emploi budgétairement prévu) ; si l'agent
abandonne son poste ou ne reprend pas son service à l'expiration d'un congé ou
d'une peine d'exclusion temporaire, dès que l'interruption de service
injustifiée atteint ou dépasse une durée de 1 mois ; ou encore, s'il cesse de
répondre aux conditions d'admission à la au recrutement (par ex, s'il perd la
nationalité congolaise par l'acquisition d'une autre). La démission
d'office est prononcée par l'autorité investie du pouvoir de nomination2.

Paragraphe 4
La révocation

La révocation est une sanction disciplinaire prononcée contre l'agent


par l'autorité de nomination. Elle est soit d'office, lorsque l'agent a été
condamnée à une peine de servitude pénale supérieure ou égale à 3 mois,
ou est prononcée à l'issue d'une procédure disciplinaire pour faute ou
manquement grave aux devoirs de son état.

Paragraphe 5
La retraite

La mise à la retraite est l'acte par lequel un fonctionnaire, ayant acquis droit
à pension, est rayé des cadres3.
L'agent est d'office mis à la retraite lorsqu'il a atteint l'âge de 65 ans.
Il peut également être mis à la retraite lorsqu’il a effectué une carrière de
35 ans. Néanmoins, s'il n'a pas atteint l'âge de 65 ans à cette époque, il
peut être autorisé à continuer ses services jusqu'au moment où il

1 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 385.


2 Lire Art. 78, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
3 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 397.

368
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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atteindra cet âge. L'agent peut aussi être mis à la retraite à sa demande,
après 25 ans de carrière s'il fait montre d'une inaptitude professionnelle
démontrée par sa mauvaise cotation des trois dernières années1.
La mise à la retraite est prononcée par l'autorité investie du pouvoir
de nomination2. Celle-ci est dans une compétence liée. Une fois les
conditions admises, elle doit prononcer la mise à la retraite. Dès lors,
sont nulles, les décisions le maintenant en service3. Le fonctionnaire
concerné ne peut prétendre à aucun avantage statutaire ; notamment, il
n'a droit à aucun traitement4.
L'admission d'agents à la retraite permet de laisser vacants des
postes, et ainsi de procéder au recrutement de nouveaux agents,
éventuellement des jeunes.

Paragraphe 6
Le licenciement

Le licenciement est une mesure administrative qui met fin aux fonctions de
l'agent pour des motifs qui ne sont pas disciplinaires alors qu'il ne peut pas être admis
à la retraite5.
On distingue le licenciement pour inaptitude professionnelle et le licenciement
pour inaptitude physique.
L'agent est licencié pour inaptitude professionnelle lorsqu'il fait
preuve d'insuffisance professionnelle constatée par la cotation de trois dernières années
dans les emplois correspondant à son grade6.
Le licenciement pour inaptitude professionnelle n'est pas une sanction
disciplinaire et doit être distingué de celle-ci. Le Conseil d'État français a
souvent annulé pour erreur de droit, des sanctions disciplinaires fondées
sur des motifs d'inaptitude professionnelle7. C'est qu' « il ne faut donc

1 Lire Art. 80, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Art. 80 in fine, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


3 C.E. fr., 5 juill. 1978, Min. délégué à l'Économie et aux Finances.
4 C.E. fr., 3 mai 1957, Dame Costentin.
5 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 385.
6 Art. 83 Al. 1, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


7 Voir par ex. C.E. fr., 25 mars 1988, Mme Rymdzionek ; C.E. fr., 16 oct. 1992,

Chambre d'agriculture des Ardennes ; C.E. fr., 28 avr. 1995, CCAS de Granchamp ;
C.E. fr., 29 oct. 2001, Mme Bonte-Fondeur.

369
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

pas confondre insuffisance professionnelle et négligence


professionnelle, qui elle, est fautive »1. Le Conseil d'État considère que
le licenciement pour cause d'inaptitude professionnelle suppose que
l'intéressé ait un comportement déficient constant et qu'il commette des
actes révélant des carences professionnelles graves qui provoquent
d'importants troubles relationnels avec son environnement
administratif2.
Peuvent par exemple constituer un motif de licenciement pour
inaptitude professionnelle, l'insuffisance managériale de l'agent3, son
manque de diligence ou de rigueur dans l’exécution du travail4, ou encore
son incapacité de travailler en équipe, la lenteur et la médiocrité du travail
réalisé ou le manque d’éthique professionnelle5.
Par ailleurs, l'activité du fonctionnaire est examinée en se référant
à celle des agents de même grade6.
Au demeurant, le licenciement est prononcé d'office lorsque l'agent
a reçu trois fois de suite la mention « médiocre »7.
Le licenciement est prononcé d'office pour inaptitude physique,
lorsque l'agent a été reconnu définitivement inapte au service, ou lorsque
la disponibilité pour cause de maladie ou d'infirmité a duré un an et qu'il
n'est pas apte à reprendre son service à l'expiration de ce terme8.
Le licenciement pour inaptitude physique ou professionnelle est
prononcée par l'autorité investie du pouvoir de nomination9.
Tout agent qui, pour une cause autre que le décès, la démission
d'office ou la révocation, cesse définitivement ses services après avoir
accompli une carrière de 25 ans au moins, reçoit une allocation de fin de
carrière dont le montant est égal aux 2/4, 3/3 ou 4/4 du montant annuel
du dernier traitement d'activité, selon que l'agent a accompli une carrière

1 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 388.


2 C.E. fr., 27 fev 1957, Bachelin.
3 C.E. fr., 20 mai 2016, Communauté urbaine de Strasbourg.
4 C.E. fr., 17 mars 2004, Provost.
5 C.A.A. Bordeaux, 12 juin 2012.
6 C.E. fr., 27 fev 1957, Bachelin.
7 Art. 83 Al. 2, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.


8 Art. 82, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


9 Art. 84 Al. 1, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de

carrière des services publics de l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de moins de 30 ans, de 30 ans au moins à 35 ans ou de 35 ans au moins.


L'allocation de carrière est exempte de toute imposition fiscale1.
Par ailleurs, tout agent qui, pour une cause autre que le décès, la
démission d'office ou la révocation, a droit à une pension de retraite lorsqu'il
a accompli une carrière de 25 ans au moins, ou lorsqu'il a été mis à la
retraite pour limite d'âge avant d'avoir accompli une carrière de 25 ans2.
De même, l'agent reconnu définitivement inapte au service et
licencié pour inaptitude physique a droit à une pension d'inaptitude si
l'inaptitude résulte d'une maladie professionnelle ou d'un accident de
travail quelle que soit la durée de la carrière de l'intéressé ; ou encore, si
l'inaptitude résulte d'une maladie non professionnelle ou d'un accident
autre qu'un accident de travail et si l'intéressé compte au moins 10 ans
de carrière3.
La pension de retraite est calculée à raison, pour chaque année de
carrière, d'un 4/5e du montant du dernier traitement acquis. La pension
d'inaptitude pour maladie professionnelle est égale aux ¾ du montant
annuel du dernier traitement d'activité.

1 Lire Art. 117, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de
carrière des services publics de l’État.
2 Art. 119, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.


3 Art. 120, Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière

des services publics de l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Les moyens matériels : la domanialité publique
Les missions de satisfaction de l'intérêt général exigent à
l'Administration d'avoir en propriété des biens, sur le modèle des
particuliers. L'accroissement de ces missions d'intérêt général, le
développement du rôle de l'État-gendarme, pousse l'Administration à en
rechercher davantage1. Mais, les biens de l'Administration ne font pas
l'objet d'un régime juridique unique. Ils sont soit du domaine public, soit
du domaine privé, selon que respectivement ils sont ou non dans le
commerce2.

Section 1
Le domaine public

Le domaine public est constitué de l'ensemble des biens affectés à l'usage


de tous ou à un service public3.
Il est composé des biens fonciers — le sol et le sous-sol — pour le
domaine public foncier ; des biens immeubles et immobiliers — bâtiments
par exemple — pour le domaine public immobilier ; des biens meubles et
mobiliers — ouvrages d'une bibliothèque publique par exemple — pour
le domaine public mobilier.
« Les biens de l'État qui sont affectés à un usage ou à un service public sont
hors commerce tant qu'ils ne sont pas régulièrement désaffectés »4.
Le régime juridique des biens du domaine public de l'État est
caractérisé par l'inaliénabilité, l'imprescriptibilité, l'insaisissabilité5.
Ils sont inaliénables car ils ne peuvent faire l'objet de conventions
d'aliénation tant qu'ils ne sont pas régulièrement désaffectés. On ne peut
ni les vendre, ni les échanger, les louer ou les prêter… Imprescriptibles,
les personnes publiques qui les possèdent ne peuvent en être dépossédées à leur

1 En ce sens, J.-M. AUBY et alii., Droit administratif des biens, Dalloz, Paris, 2016,
p. 35.
2 Lire en ce sens, F. VUNDUAWE, op. cit., p. 730.
3 KALONGO MBIKAYI, Droit civil. Tome 1 les obligations, EUA, Kinshasa, 2012,

p. 104 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 735 ; L. YUMA, op. cit., p. 209.


4 Art. 10, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime immobilier et foncier et régime des sûretés.


5 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 110 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 737 ; L.

YUMA, op. cit., p. 210.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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insu, par le non usage. Enfin, ces biens sont insaisissables, ils sont soustraits
à toute action tendant à les saisir.

Paragraphe 1
Formation du domaine public

L'entrée d'un bien dans le domaine public suit des phases


successives d'acquisition, d'incorporation et d'affectation1.
L'entrée d'un bien dans le domaine public commence par
l'acquisition. L'acquisition est l'acte juridique ou le fait matériel qui entraîne
l'appartenance d'un bien dans le patrimoine de l'Administration, sans distinction de
domaine public ou privé.
Pour le domaine public naturel, l'acquisition résulte d'un fait de la
nature, tandis que pour le domaine public artificiel, elle résulte de la volonté
humaine exprimée soit par la création du bien, soit encore par la transaction.
Une fois acquis, le bien doit être incorporé dans le domaine public de
l'État, naturel ou artificiel. Pour le domaine public naturel, cela se fait
automatiquement de par l'acquisition du bien, c'est-à-dire par la survenance
du phénomène naturel.
Suit l'affectation, qui est l'acte ou le fait par lequel un bien acquis par
l'Administration et incorporé au domaine public reçoit une destination particulière :
il peut s'agir de l'usage de tous, ou du service public. L'affectation ne concerne
donc que l'utilisation d'un bien qui est déjà acquis et incorporé dans le
domaine public de l'État. Pour le domaine naturel, l'affectation est
automatique de par la survenance du phénomène naturel, pour le domaine
artificiel, l'affectation se fait par une décision de classement émanant de
l'Administration.
Le bien entré dans le domaine public n'est pas destiné à y demeurer
éternellement. Selon les besoins d'intérêt général, l'Administration peut,
par une décision de désaffectation ou de déclassement, sortir un bien du domaine
public de l'État, pour le domaine privé. Cette désaffectation peut se faire
naturellement, selon que le phénomène naturel qui a mené à la survenance
du bien naturel, disparaît. Au demeurant, l'autorité administrative peut
également changer l'affectation d'un bien appartenant à une personne
morale de droit public pour une autre, tout en restant dans le domaine
public de l'État. C'est une forme d'expropriation pour cause d'utilité
publique pour les personnes morales de droit public.

1 F. VUNDUAWE, op. cit., pp. 743-745 ; L. YUMA, op. cit., pp. 211-211.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Utilisations du domaine public

Les biens de l'État qui sont affectés à un usage ou à un service


public1. Ce sont là les deux modes d'utilisation des biens du domaine
public.
Affectées à l'usage du public, les biens du domaine public sont
susceptibles de faire l'objet de deux catégories d'utilisations : les
utilisations communes ou collectives, effectuées par le public en général
ou par des catégories de personnes objectivement déterminées
(utilisation de voies publiques par les piétons ou les automobilistes), les
utilisations privatives, effectuées par des personnes individuellement
déterminées, sur la base d'un titre délivré par l'Administration qui leur
confère certains droits exclusifs sur une portion du domaine.
Affectées aux services publics, les biens du domaine public font
l'objet d'une utilisation exclusive par le service public affectataire sur la
base d'un acte unilatéral ou contractuel d'affectation2.

Point 1
Utilisation du domaine public affecté à l'usage public

L'utilisation du domaine public affecté à un usage public s'effectue


de deux manières : collective et individuelle.

A. Utilisation collective

L'utilisation collective est régie par les principes de liberté, de gratuité et


d'égalité3.
Les particuliers utilisent tous, de manière générale et sans
distinction aucune, en toute liberté, le domaine public. Les routes en sont
les exemples par excellence. Cela dit, cette liberté peut être restreinte par
une mesure de police.

1 Art. 10, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime immobilier et foncier et régime des sûretés.
2 Lire J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 127 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 740 ; G.

DUPUIS et alii., op. cit., p. 407 ; L. YUMA, op. cit., 0. 214.


3 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 132 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 740 ; G.

DUPUIS et alii., op. cit., p. 407 ; L. YUMA, op. cit., p. 213.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ensuite, l'utilisation est gratuite. Cela n'empêche pas de mettre en


place quelques frais (cas des autoroutes, ponts, péages) dans le respect
toutefois de l'égalité.
Et justement, l'égalité veut que tous les usagers soient traités de la
même façon, sans préférence ni défaveur, dès lors qu’ils sont dans des
situations identiques ; mais, précisément, des différences entre eux
justifient des dérogations (couloirs de circulation pour les transports en
commun, stationnements réservés, aisances de voirie reconnues aux
riverains, c’est-à-dire droit d’accès, droit de vue sur la voie publique,
droit d’écoulement des eaux, etc.).

B. Utilisation individuelle

A contrario, l'utilisation privative est celle effectuée par des personnes


individuellement déterminées par un titre conféré par l'Administration.
On distingue les autorisations domaniales des concessions domaniales selon
qu'il y a un acte unilatéral ou bilatéral à la base1.
Les autorisations domaniales se font par un acte administratif unilatéral
autorisant un simple particulier à occuper une parcelle du domaine public à titre
exclusif mais de façon précaire et révocable ad nutum, en échange d'une redevance.
Il peut s'agir un permis de stationnement, si l'acte autorise l'occupation
d'un espace public sans emprise sur le sol ni construction durable (terrasses de
boisson, étalages des marchandises sur le trottoir, emplacement pour
taxis, kiosques à journaux).
Il peut également s'agir d'un permis de voierie si l'acte autorise
l'utilisation d'une parcelle du domaine public par un particulier, avec une
construction en matériaux durables, une pénétration dans le sous-sol (stations
d'essence, lieux de restauration, parcs de jeux).
À côté, les concessions domaniales supposent un contrat comportant
occupation d'un domaine public à titre privatif et de l'exploiter à son
profit contre paiement d'une redevance ou royaltie (parcs, plages).

Point 2
Utilisation du domaine public affecté à un service public

Ici, le domaine public est affecté à un service public, qu'il soit géré en
régie, ou en concession de service public. Les particuliers n'y ont accès

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 741.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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que par le canal du service public, et moyennant une redevance. C'est le cas de
l'usage du chemin de fer par le canal de l'ONATRA.

Section 2
Les biens du domaine privé

Le domaine privé de l'État est défini a contrario du domaine public.


Si ce dernier contient « les biens de l’État qui sont affectés à un usage ou
à un service public (et qui sont) sont hors commerce (...) »1, le domaine
privé lui, contient « tous les autres biens de l’État (c'est-à-dire, tous les autres
biens qui ne sont pas affectés à un usage ou à un service public et qui) restent dans le
commerce, sauf les exceptions établies par la loi »2. En d'autres termes, les biens
du domaine privé de l'État sont ces biens qui appartiennent à l'État mais
qui ne sont pas affectés à un usage ou à un service publics.
Sauf exceptions établies par la loi, ces biens sont dans le commerce.
L'autorité administrative compétente peut donc es aliéner. Ils sont
soumis au régime de droit commun, avec toutefois quelques dérogations
qui leur sont propres3.
Le domaine privé a une fonction patrimoniale, financière. Il est
destiné à procurer à l'administration des revenus ou des services à
l'Administration4.
Le domaine privé de l'État est constitué du domaine mobilier
(comme les actions de l'État dans les sociétés commerciales) ; du
domaine immobilier (cas des immeubles destinés au logement du
personnel de l'État) ; mais aussi, et surtout, du domaine foncier (composé
des terres appartenant à l'État mais non affectés à un usage ou à un
service public).

1 Art. 10, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 11, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 759.
4 J.-M. AUBY et alii., op. cit., p. 189.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Les moyens juridiques : les actes de l'Administration
Les actes de l'Administration visant la satisfaction de l'intérêt
général peuvent être de nature juridique ou matérielle1.
Les actes matériels sont des opérations visant généralement l'exécution
d'actes juridiques (contrôles d'identités, barrages). Ils ne sont pas appelés à
produire des effets de droit, sauf quand ils causent dommage à autrui.
Cependant, les actes juridiques — qui nous concernent ici —, sont
une manifestation de la volonté destinée à produire des effets de droit2. Ces actes
peuvent emprunter le procédé de la décision unilatérale ou du contrat.
Dans le premier cas, on les appelle « actes administratifs », dans le
second, on les désigne sous le vocable général de « contrats de
l'Administration ».

Section 1
Les contrats administratifs

Paragraphe 1
Notion de contrats administratifs

Les opérations de l'Administration sur ses biens sont nombreuses :


achat, vente, location, etc. Pour ce faire, l'Administration passe des
contrats. Rappelons que le contrat est une convention par laquelle une
ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à
donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose3.
Tous les contrats de l'Administration ne sont pas de même nature.
Il faut distinguer selon qu'ils sont soumis au régime de droit commun (droit
privé) et au juge judiciaire, ou à un régime dérogatoire caractérisé par la
jouissance par l'Administration de privilèges de puissance publique qu'est le
régime de droit public et le juge administratif. Ce sont ces derniers
contrats, et ceux-ci seulement, qui sont appelés « contrats administratifs »4.

1 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., 659 ; J. WALINE, op. cit., p. 451 ; G. DUPUIS
et alii., op. cit., p. 420.
2 A. MARAIS, Introduction au droit, Paris, 2018, p. 155.
3 Art. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 428.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'appartenance d'un contrat au régime de droit public n'est pas


automatique. Pour qu'un contrat soit qualifié d'« administratif », il doit
réunir des critères légaux ou jurisprudentiels1.

Point 1
Les critères légaux

Sur le plan légal, le contrat passé par l'Administration est


administratif lorsque la loi le reconnaît comme tel. On parle alors de « contrat
administratif par détermination de la loi ». La principale catégorie est le
marché public.
Un marché public est un « contrat écrit par lequel un entrepreneur, un
fournisseur ou un prestataire s’engage envers l’autorité contractante fournissant une
contribution ou une garantie financière, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des
biens ou des services, soit à exécuter des prestations intellectuelles, moyennant un prix
»2.
Les marchés publics sont de quatre types3 : les marchés de travaux ;
les marchés de fournitures ; les marchés de services et les marchés de prestations
intellectuelles.
Les marchés de travaux ont pour objet la réalisation au bénéfice d'une
autorité contractante de tous travaux de bâtiment ou de génie civil ou la réfection
d'ouvrages de toute nature4 (cas de la construction des sauts-de-mouton).
Quant aux marches de fourniture, ils concernent l'achat, la prise en
crédit-bail, la location ou la location-vente de produits ou matériels au bénéfice d'une
autorité contractante5 (achats d'équipements de bureau par exemple).
Les marchés de service ont pour objet la réalisation des prestations qui
ne peuvent être qualifiées ni de travaux, ni de fourniture6. Ils recouvrent
notamment : les marchés de services courants qui ont pour objet
l’acquisition par le maître d’ouvrage des services pouvant être fournis
sans spécifications techniques exigées par le maître d’ouvrage ; les
marchés portant notamment sur des prestations de transport, d’entretien
et de maintenance des équipements, des installations et de matériels, de

1 Lire S. HOURSON et P. YOLKA, Droit des contrats administratifs, LGDJ, Paris,


2020, p. 48.
2 Art. 5, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
3 Art. 7, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
4 Art. 8, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
5 Art. 9, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
6 Art. 10, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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nettoyage, de gardiennage des locaux administratifs et de jardinage (cas


du contrat conclu avec la société de sécurité Delta Protection).
Enfin, les marchés de prestations intellectuelles ont pour objet des
prestations à caractère principalement intellectuel. Ils incluent notamment les
contrats de maîtrise d'ouvrage déléguée, les contrats de conduite
d'opération, les contrats de maîtrise d'œuvre et les services d'assistance
technique ainsi que les marchés de prestation, d’études et de maîtrise
d’œuvre qui comportent, le cas échéant, des obligations spécifiques liées
à la notion de propriété intellectuelle1.
Alors que les contrats de la catégorie précédente peuvent être
qualifiés d'administratifs par accident, car relevant d'une volonté du
législateur de faire obstacle à la compétence judiciaire, les contrats
administratifs par application des critères jurisprudentiels sont vraiment
« imprégnés d'administrativité »2.

Point 2
Les critères jurisprudentiels

Les critères jurisprudentiels sont triples : ils tiennent aux parties au


contrat, à l'objet du contrat et aux clauses du contrat. Si les deux derniers
critères sont alternatifs3, ils doivent toutefois obligatoirement être joints
au premier critère pour que le contrat revête le qualificatif «
d'administratif »4.
Le critère relatif aux parties au contrat suppose qu'un contrat n'est
administratif que si l'une des parties au moins est une personne morale de droit
public. « Les contrats conclus entre personnes privées sont en principe
des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le
compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent
l'accessoire d'un contrat de droit public »5. Sauf cas particuliers, le contrat
conclu entre personnes privées est, ordinairement, de droit privé.
Le critère relatif à l'objet fait administratif tout contrat dont l'objet se
rattache à l'exécution-même du service public. Cette liaison du contrat avec le

1 Art. 11, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
2 S. HOURSON et P. YOLKA, op. cit., p. 50.
3 T.C. fr., 7 juill. 1980, Sté d'exploitation touristique de la Haute-Maurienne ; T.C. fr.,

15 nov. 2004, SA Loxxia bail Slibail c/ Lycée régional. Hélène Boucher.


4 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 705 ; J. WALINE, op. cit. p. 504 ; S.

HOURSON et P. YOLKA, op. cit., p. 50 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 211.


5 T.C. fr., 8 juill. 2013, SEEP c/ EDF.

381
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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service public peut d’abord se manifester par le fait que le contrat fait
participer le cocontractant privé à l’exécution-même du service public,
le contrat constituant à lui seul la modalité directe, exclusive et intégrale
d’exécution du service public qui est assuré du seul fait de l’exécution du
contrat1. Cette liaison du contrat avec le service public peut ensuite se
traduire par le fait que le contrat a pour objet-même l’exécution du
service public2. Dans cette hypothèse, il existe un service public dont
une partie seulement de l’exécution se fait au moyen du contrat. Celui-ci
ne porte que sur une fraction de la réalisation du service public mais c’est
là tout son objet. Ainsi, un automate de dispensation de médicaments
participe directement à l’exécution du service public hospitalier, tandis
que la gestion d’un réseau de télévision dans un hôpital n’associe pas son
prestataire à l’exécution du service public hospitalier.
Enfin, le critère relatif aux clauses du contrat veut qu'un contrat
soit administratif lorsqu'il contient une clause exorbitante du droit commun.
Cette clause peut être la clause pénale, ou une clause prévoyant le droit
de résiliation unilatérale au profit de l’Administration3. La présence d'une
seule clause suffit à conférer au contrat le caractère administratif4. Les
critères de la clause exorbitante reposent sur des motifs d’intérêt général
ou d’activité de service public et sur des prérogatives de puissance
publique dont l’exercice procède de l’exécution du contrat5.

Paragraphe 2
Formation du contrat administratif

C'est notamment en matière de formation de contrats


administratifs que se rencontrent de strictes obligations à l'égard de
l'Administration qui font contrepoids à ses privilèges de puissance
publique. On se souviendra encore de la pensée de Jean Rivero, pour qui
la puissance publique ne se caractérise pas seulement par des « dérogations en plus »,
mais aussi par des « dérogations en moins ». En effet, il faut, dans l'intérêt
public, imposer à ceux qui administrent des obligations, des sujétions,
plus rigoureuses que celles qui pèsent sur les simples particuliers6.

1 T.C. fr., 23 fév. 2004, Sté Leasecom c/ CHG du pays d’Aix-en-Provence.


2 T.C. fr., 21 mai 2007, SA CODIAM.
3 T.C. fr., 14 nov. 1960, Trois Esp.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 704.
5 A. MAURIN, op. cit., p. 106 ; voir par ex. T.C. fr., 13 oct. 2014.
6 J. WALINE, op. cit., p. 65.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Une de ces sujétions se rencontre justement en matière de passation


des contrats. Par exemple, un particulier a toute la latitude pour choisir
à sa fantaisie la personne avec laquelle il va passer un contrat. Cela est
interdit à l'Administration, qui, lorsqu'elle passe un contrat, engage les
finances publiques : il faut avoir la certitude qu'elle contractera au
meilleur coût financier et avec le plus apte à bien exécuter la prestation.
Il en découle que la liberté contractuelle de l'Administration est sévèrement
limitée, car il faut tenir compte des nécessités d’une gestion financière au
meilleur coût, respecter les principes d’égalité et de libre concurrence,
garantir la transparence de l’action pour éviter tout phénomène de
favoritisme voire de corruption, et assurer la bonne marche du service
public1.
Ces limites tiennent d'abord aux conditions de forme et de fond du
contrat2. En effet, ce dernier doit provenir de l'autorité compétente pour
engager la personne morale contractuellement. Il s'agit entre autres des
autorités du pouvoir central (Président de la République, Premier
Ministre, Ministres, Présidents des chambres, etc.), des responsables des
services publics, des gouverneurs, des chefs des exécutifs des entités
territoriales décentralisées.
Dans certains cas, leur action peut être subordonnée à
l'accomplissement de certaines procédures, telles les obtentions d'avis
d'autorités de tutelle et/ou d'organes délibérants pour le cas des entités
territoriales décentralisées ou des établissements publics, par exemple.
Par ailleurs, le contrat doit avoir un contenu licite, conforme à l'ordre
public et aux bonnes mœurs.
Mais c'est surtout dans le choix du cocontractant que se rencontre
les véritables limites à la liberté contractuelle de l'Administration3. En
effet, la loi a posé le principe que « les marchés publics sont passés par appel
d’offres. Ils peuvent exceptionnellement être attribués selon la procédure de gré à gré
dans les conditions définies dans la présente loi »4. L'autorité contractante tient
compte de critères de préférence nationale et régionale5.

1 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 517 ; Lire en ce sens, G. DUPUIS et alii.,
op. cit.,p. 551 ; J. WALINE, op. cit., p. 514 ; S. HOURSON et P. YOLKA, op. cit.,
pp. 78-82.
2 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., 705-706 ; J. WALINE, op. cit., 513-514.
3 Lire L. YUMA, op. cit., p. 151.
4 Art. 17, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
5 Lire Art. 37, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

383
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 1
L'appel d'offres

L’appel d’offres est la procédure par laquelle l’autorité contractante


choisit, sans négociation avec les candidats, « l’offre économiquement la plus
avantageuse » — se distinguant ainsi de l'adjudication qui était de principe
dans l'ancienne Loi de 1969, en vertu de laquelle l'autorité contractante
devait automatiquement choisir l'offre proposant le montant le plus bas,
avec les risques notamment liés à la qualité que cela emporte1 —, évaluée
sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance
des candidats et exprimés en termes monétaires2.
L’appel d’offres peut être ouvert, restreint ou sur concours3.
L’appel d’offres est dit ouvert lorsque toute personne intéressée par le
marché peut soumettre une offre4. Au titre de l’évaluation des offres des
soumissionnaires, l’offre économiquement la plus avantageuse est
évaluée en fonction notamment du prix proposé, du délai d’exécution, du coût
de fonctionnement des matériels ou infrastructures proposées, du service après-vente,
des conditions et calendrier de paiement, de garantie de la durée de vie, d'impact
environnemental, d'utilisation plus ou moins accrue des compétences nationales5.
L’appel d’offres est dit restreint lorsque seuls peuvent remettre des offres,
les candidats que l’autorité contractante a décidé de consulter6. Il ne peut être
recouru à la procédure d’appel d’offres restreint que lorsque les biens,
les travaux ou les services, de par leur nature spécialisée, ne sont disponibles
qu'auprès d'un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de
prestataires de services. Dans ce cas, tous les candidats potentiels sont
invités7.
L'appel d'offres se fait sur concours, lorsque des motifs d’ordre
technique, esthétique, environnemental ou financier justifient des recherches
particulières. Le concours porte sur la conception d’une œuvre ou d’un
projet architectural. Il a lieu sur la base d’un programme établi par
l’autorité contractante qui indique les besoins auxquels doit répondre la
prestation et fixe le cas échéant le maximum de la dépense prévue pour

1 Lire en ce sens, S. HOURSON et P. YOLKA, op. cit., p. 89.


2 Art. 20, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
3 Art. 21, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
4 Art. 22, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
5 Art. 22, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
6 Art. 25, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
7 Art. 26, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

384
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l’exécution du budget1. Les projets retenus et/ou primés deviennent la


propriété de l’autorité contractante, tandis que ceux des concurrents non
retenus leur sont restitués à leurs frais endéans un mois2.

Point 2
Le gré à gré

L'appel d'offre étant le principe, le gré à gré en est l'exception. Un


marché est dit de gré à gré lorsqu’il est passé sans appel d’offres après
autorisation du service chargé du contrôle des marchés publics3.
Il ne peut être passé de marché de gré à gré que dans l’un des cas
suivants4 : lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une
prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou
de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur, un seul fournisseur
ou un seul prestataire ; lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à
un prestataire déterminé pour des raisons techniques ou artistiques ; dans
les cas d’extrême urgence, pour les travaux, fournitures ou services que
l’autorité contractante fait exécuter en lieu et place de l’entrepreneur, du
fournisseur ou du prestataire défaillant ; mais aussi, et surtout, « dans le
cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ou
de force majeure ne permettant pas de respecter les délais prévus dans
les procédures d’appel d’offres, nécessitant une intervention immédiate
», ou encore, lorsqu’il s’agit des marchés spéciaux relatifs à la défense
nationale, à la sécurité et aux intérêts stratégiques de l’État5.
Le marché de gré à gré ne peut être passé qu’avec des
entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services qui ont l’expertise
requise ou ont exécuté des travaux analogues dans le passé et acceptent
de se soumettre à un contrôle des prix spécifiques durant l’exécution des
prestations6.

1 Art. 27, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
2 Art. 30, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
3 Art. 41, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
4 Lire Art. 42, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
5 Lire Art. 44, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
6 Art. 43, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

385
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 3
Exécution du contrat administratif

Le contrat administratif est un contrat d'adhésion. C'est


l'Administration qui détermine l'ensemble des règles contractuelles. Le particulier
ne peut manifester son initiative que dans l'élaboration de son prix
lorsque le contrat en comporte un. Aucune discussion n'intervient entre
l'Administration et lui. Sa liberté ne porte que sur l'acceptation ou le
refus en bloc des conditions proposées1. Le document qui définit ces
conditions est le cahier des charges, qui est annexé à l'acte contractuel
proprement dit.
Le cahier des charges est un document établi par l'autorité contractante et
définissant les exigences qu'elle requiert, les méthodes à utiliser, les moyens à mettre
en œuvre, les préoccupations dont il faut tenir compte ainsi que les résultats escomptés2.
Il détermine les conditions d’exécution du marché.
On distingue le cahier des clauses administratives générales, qui
fixent les dispositions relatives à l’exécution et au contrôle des marchés
publics, applicables à toute catégorie de marchés ; du cahier des clauses
administratives particulières qui fixent les dispositions administratives et
financières propres à chaque marché3.
Dans l'exécution du contrat administratif se manifestent les
prérogatives de puissance publique dont dispose l'Administration à
l'égard du cocontractant, qui place les deux parties dans une position
inégalitaire. L'Administration dispose des pouvoirs de contrôle de
l'exécution du marché, de modification unilatérale des clauses du contrat,
et de résiliation unilatérale du contrat. À côté, le particulier bénéficie de
garanties qui tendent à lui assurer, en tout état de cause et quel que soit
l'usage fait par l'Administration de ses prérogatives, une rémunération
conforme aux prévisions initiales.

1 J. WALINE, op. cit., p. 521.


2 Art. 5, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
3 Art. 49, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

386
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 1
Droits de l'Administration

A. Pouvoir de contrôle

L’exécution des marchés publics fait l’objet de contrôle par l’autorité


contractante1. L'Administration désigne un fonctionnaire dirigeant qui
pour mission de contrôler de manière permanente l'exécution du
marché. Il relève les malfaçons et peut exiger des corrections. Il dirige
les différentes phases de l'exécution du contrat et fait régulièrement
rapport à l'autorité contractante2.

B. Pouvoir de modification unilatérale

L'Administration peut modifier unilatéralement les obligations de son


cocontractant, en plus ou en moins3. Elle peut accroître, modifier, réduire,
les obligations du cocontractant. Ce privilège est expliqué par la nécessité
de s'adapter aux exigences d'intérêt général. En effet, ces dernières pouvant
changer avec le temps, elles ne sauraient être mises en échec par des
règles contractuelles immuables4. Cependant, cette modification ne peut
porter que sur les modalités techniques d'exécution du marché. Elle ne
peut, au risque de devoir indemniser le cocontractant, entraîner le
bouleversement de l'économie générale du marché5.

C. Pouvoir de sanction

Le dépassement des délais contractuels donne lieu à des pénalités6.


L’autorité contractante peut ordonner l’ajournement des travaux,
fournitures ou prestations, objet du marché, avant leur achèvement7. Les
marchés publics peuvent faire l’objet d’une résiliation unilatérale par
l'Administration8.

1 Art. 66, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
2 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 718.
3 Voir par ex. C.E. fr., 2 févr. 1983, Union des transports publics urbains.
4 J. WALINE, op. cit.,p. 523.
5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 718.
6 Art. 67, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
7 Art. 68, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
8 Art. 69, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

387
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'Administration prononce ces sanctions dans le respect des


conditions de mise en demeure, de respect des droits de la défense, de
motivation, mais surtout de proportionnalité, étant entendu que la
résiliation est prononcée pour des fautes graves1. Toutefois, la résiliation
peut être prononcée en l'absence de faute, si les motifs d'intérêt général
l'exigent2.

Point 2
Droits et obligations du cocontractant

A. Obligations du cocontractant

Le contrat administratif est conclu en principe intuitu personae, c'est-


à-dire, en considération de la personne du cocontractant. Ce dernier doit
exécuter personnellement le contrat, sans quoi le fait de l'avoir choisi n'aurait
aucun sens3. Au demeurant, la continuité des services publics contraint
le cocontractant à poursuivre l'exécution du contrat même en cas de faute de
l'Administration. En d'autres termes, il n'existe pas d'exception
d'inexécution en matière de contrats administratifs4.
Une exception importante à cette règle est la sous-traitance. La sous-
traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur, dit entrepreneur principal,
confie par une convention et sous sa responsabilité, à une autre personne nommée «
sous-traitant », l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie
d’un marché public conclu avec le maître de l’ouvrage5.
Le titulaire d’un marché public de travaux ou de services peut en
sous-traiter l’exécution de certaines parties à condition que cette
possibilité soit prévue dans le dossier d’appel d’offres ; d’avoir obtenu
de l’autorité contractante l’acceptation de chaque sous-traitant et
l’agrément de ses conditions de paiement, et qu'elle ne dépasse pas 40%
de la valeur globale d’un marché6.

1 Lire S. HOURSON et P. YOLKA, op. cit., pp. 116-117.


2 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 231.
3 Idem., p. 106.
4 Voir par ex. C.E. fr., 27 Mars 1957, Carsalade.
5 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 2027.
6 Art. 59, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

388
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Droits du cocontractant et obligations de


l'Administration

1. Droit au prix

Le cocontractant a droit au paiement du prix. Il est censé lui assurer


un bénéfice et couvrir toutes les dépenses qui sont la conséquence
nécessaire et directe des travaux, fournitures ou services, et notamment
les impôts, droits et taxes applicables1.
Les marchés sont conclus à prix ferme ou à prix révisable.
Le prix est ferme lorsqu’il ne peut être modifié en cours d’exécution du
marché en raison des variations des conditions économiques. Les marchés ne sont
conclus à prix ferme que lorsque l’évolution prévisible des conditions
économiques n’expose ni le titulaire du marché, ni l’autorité contractante
à des aléas importants.
Le prix est révisable lorsqu’il peut être modifié durant l’exécution des
prestations aux conditions de révision expressément prévues au contrat2.
Les stipulations d’un marché public peuvent être modifiées par voie
d’avenant dans la limite de 15% de la valeur totale du marché de base3.
L'avenant est un acte contractuel modifiant certaines clauses du marché
de base pour l’adapter à des événements survenus après son
approbation4

2. Droit au rétablissement de l'équilibre financier

Le cocontractant a droit au rétablissement de l'équilibre financier


qui compense les prérogatives de l'Administration. Ce sont les théories dites de
l'imprévision, du fait de prince, et des sujétions imprévues.

a. La théorie de l'imprévision

La théorie de l'imprévision s'applique en cas d’une modification


imputable à des circonstances économiques. Il s'agit d'un aléa économique survenant
en cours de l'exécution du contrat, et rendant celle-ci très difficile pour le cocontractant.
Ce dernier, en vue de satisfaire à l'exigence de continuité de service

1 Art. 54, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
2 Art. 56, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
3 Art. 58, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
4 Art. 5, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.

389
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

public, a droit à une indemnisation de la part de l'Administration. Il a été


jugé que « l’augmentation considérable du prix du charbon, déjouant
tous les calculs, nécessaire à la fabrication du gaz par le concessionnaire,
oblige l’Administration à combler, dans une très large mesure, le déficit
»1 .
C'est l'aléa économique qui est pris en considération. Le juge
administratif estime donc que la faillite du cocontractant serait de nature
à compromettre la nécessaire continuité de la satisfaction des besoins
publics.
La théorie de l'imprévision a pour but d'assurer cette continuité ;
elle partage l'aléa entre les deux contractants, la personne publique
versant, au concessionnaire, une indemnité lui permettant de poursuivre
l'exécution2.

b. La théorie du fait du prince

La théorie du fait du prince vise l'indemnisation d'un aléa


administratif. Ici, l'exécution du contrat est rendue plus difficile par le fait
d'une décision de l'Administration3.
La théorie du fait du prince ne peut être évoquée que si la mesure
préjudiciable émane de la personne publique ayant passé contrat — si elle émane
d'une autre personne, il peut éventuellement être allégué la théorie de
l'imprévision —.
La mesure peut soit, concerner spécialement le cocontractant (modification
unilatérale du contrat par exemple), ou bien, si elle est plus générale,
porter atteinte à un élément essentiel du contrat (création d'une taxe frappant
des matières premières nécessaires à l'exécution du contrat, par
exemple).
La théorie entraîne l’obligation d’indemniser intégralement le cocontractant4.

c. La théorie des sujétions imprévues

La théorie des sujétions imprévues s'applique aux aléas de nature


matérielle ou technique. Il s'agit d'événements matériels ou techniques imprévisibles

1 C.E. fr., 24 mars 1916, Cie Générale d'éclairage de Bordeaux.


2 J. WALINE, op. cit., p. 527 ; Lire en ce sens, S. HOURSON et P. YOLKA, op.
cit., p. 118.
3 C.E. fr., 9 mars 1928, Cie des scieries africaines.
4 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 233.

390
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

rendant plus difficile l'exécution du contrat (fortes intempéries, rafales de vent,


éruption volcanique, etc.). L'Administration est alors tenue d'indemniser le
cocontractant qui poursuit son exécution1.

Paragraphe 4
Contentieux des marchés publics

La passation des marchés publics peut faire naître des contentieux


de nature précontractuelle ou contractuelle. Autrement, il s'agit des
contentieux d'attribution du marché, et d'exécution du marché.
En effet, tout candidat ou soumissionnaire qui s’estime illégalement
évincé des procédures de passation des marchés publics peut introduire une
réclamation auprès de l’autorité contractante, puis devant l’Institution
chargée de la régulation des marchés publics2. Si le litige n'est pas réglé
après ces réclamations administratives, le candidat ou soumissionnaire
peut saisir la juridiction administrative compétente3. Il s'agit d'un recours
en excès de pouvoir, fondé le caractère illégal de l'attribution du marché4.
Par ailleurs, tout cocontractant qui s’estime lésé dans l’exécution d’un
contrat de marché public peut introduire une réclamation auprès de l’autorité
contractante, puis devant l’Institution chargée de la régulation des
marchés publics5. Si le litige n'est pas réglé après ces réclamations
administratives, le candidat ou soumissionnaire peut saisir la juridiction
administrative compétente6. Il s'agit d'un contentieux pour préjudice
exceptionnel qui permet au cocontractant d'obtenir un rétablissement de
l'équilibre financier, par le canal des théories de l'imprévision, du fait de
prince ou des sujétions imprévues7.

Paragraphe 5
Contrôle des marchés publics

La gestion des projets et la passation des marchés publics sont


assurées par l’autorité contractante qui dispose en son sein d’une cellule

1 Voir par ex. C.E. fr., 12 Juin 1942, Sté des Établ. Sainrapt et Brice.
2 Art. 73, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
3 Art. 76, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
4 Lire L. YUMA, op. cit., p. 163.
5 Art. 73, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
6 Art. 76, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
7 Lire J. WALINE, op. cit., p. 531.

391
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de gestion des marchés publics. Le contrôle a priori, assuré par la


Direction Générale de Contrôle des Marchés publics, porte sur le respect
par les autorités contractantes des procédures de passation des marchés.
Ce contrôle s’effectue par des avis de non objection, des autorisations et
dérogations nécessaires1.

Paragraphe 6
Fin des contrats administratifs

Le contrat administratif prend fin normalement par l'exécution par


chacune des parties de ses obligations, ou par l'expiration de la période pour
laquelle il a été conclu.
Cependant, il peut prendre fin de manière anticipée par la force majeure,
événement extérieur à la volonté des parties, imprévisible et
insurmontable, rendant définitivement impossible, d'une impossibilité
absolue, l'exécution du contrat2.
De même, la résiliation du contrat par l'Administration peut mettre
anticipativement fin au contrat. Elle peut être prononcée à titre de
sanction, pour faute grave du cocontractant, soit par décision
particulière, soit même par un acte réglementaire applicable à tous les
contrats de même nature ; ou en cas d'absence de faute, motivée par des
exigences d'intérêt général. Dans ce dernier cas, le cocontractant a droit
à une indemnisation, en vertu de la théorie du fait de prince. La
résiliation peut aussi être prononcée par le juge à la demande de l'une ou
l'autre partie.

Paragraphe 7
Les autres contrats de l'Administration

Les autres contrats de l'Administration, qui ne sont des contrats


administratifs ni de par la loi, ni de par la jurisprudence, sont soumis au
régime de droit privé. Ils ont pour fondement le principe de l'autonomie de
la volonté et son corollaire, celui de la force obligatoire du contrat.

1Art. 13, Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches public.
2Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 724 ; Voir aussi KALONGO MBIKAYI,
Droit civil. Tome 1 les obligations, EUA, Kinshasa, 2012, p. 126.

392
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 2
Les actes administratifs unilatéraux

L'acte administratif unilatéral (ici acte administratif) est l'expression


par excellence des prérogatives de puissance publique dont dispose
l'Administration1, car par ce procédé, les personnes morales de droit
public imposent aux particuliers des décisions sans le concours de leur
volonté.

Paragraphe 1
Notion d'acte administratif

Point 1
Définition de l'acte administratif

Dans un double critère organique et matériel, on définit l'acte


administratif respectivement comme une décision émanant de la seule volonté
de l’autorité administrative (définition organique) et qui intervient dans l'exercice
d'une fonction administrative en vue de modifier l’ordonnancement juridique d'une
matière ou la condition juridique d'une personne (définition matérielle)2. Les
deux critères sont cumulatifs.
L'intérêt de la réunion de ces deux critères est crucial. Car, l'acte
administratif, qui est un acte décisoire, est déférable devant le juge dans
le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, consistant à contrôler la
légalité de l'acte, c'est-à-dire, sa conformité au bloc de légalité dans son
acception la plus globale. Ainsi, les actes qui ne sont pas décisoires
échappent en principe au contrôle du juge, à moins qu'ils comprennent
en leur sein de véritables décisions. De l'autre côté, l'acte administratif
doit émaner d'une personne administrative. Ainsi, les actes
parlementaires ou juridictionnels ne sont pas contrôlables par le juge
administratif. Seul donc, un acte administratif obéissant aux critères
organique et matériel, peut être déféré devant le juge.

1 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 663 ; J. WALINE, op. cit., p. 454 ; P.-L. FRIER
et J. PETIT, op. cit., p. 405 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 158.
2 Lire L. YUMA, op. cit., p. 112 ; A. MAURIN, op. cit., p. 65.

393
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

A. Définition organique

1. L'acte administratif

Sur le plan organique, l'acte administratif est une décision émanant de


la volonté unilatérale de l’autorité administrative.
L'acte doit être l'émanation « unilatérale » de la personne publique.
Ainsi, demeure un acte administratif, un arrêté interministériel, car «
unilatéral » ne signifie pas « individuel ». L'acte peut être unilatéral tout en
émanant de plusieurs personnes, à condition qu'elles soient des
personnes publiques manifestant ainsi une seule volonté : celle de l'État1.
De même, l'acte demeure administratif lorsqu'il est pris par un
organe collégial (cas des délibérations des assemblées des entités
territoriales décentralisées, ou des conseils d'administration des
établissements publics).

2. Ne sont pas administratifs

Pèchent donc à cette définition, sur le plan organique, les actes pris
par les particuliers2, à quelques exceptions près.
La première est celle de la théorie du fonctionnaire de fait, suivant
laquelle, dans certaines circonstances exceptionnelles, de simples
particuliers peuvent se substituer spontanément à l'autorité
administrative absente pour prendre des mesures qu'imposent les
circonstances3. Ces mesures sont validés à la condition que le but
poursuivi ait bien été l'intérêt général4.
La seconde concerne les actes accomplis par des personnes de droit
privé investies d'une mission de service public et de prérogatives de puissance
publique5.
Pèchent également à cette définition organique, les actes pris par des
personnes publiques non administratives. C'est le cas des actes parlementaires
— qu'ils soient législatifs ou d'assemblée —, et des actes juridictionnels6.

1 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 666.


2 Lire J. WALINE, op. cit., p. 461.
3 Lire G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 458.
4 C.E. fr., 5 mars 1948, Marion.
5 Voir par ex. CE, sect.,13 janv. 1961, Magnier ; T.C. fr., 15 janv. 1968, Époux

Barbier.
6 Lire J. WALINE, op. cit., p. 463 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 457.

394
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

C. Définition fonctionnelle

1. L'acte administratif

Par ailleurs, dans une définition fonctionnelle, l'acte administratif


doit modifier l'ordonnancement juridique. Il doit faire grief. En fait, il doit plus
précisément « affecter » l'ordonnancement juridique1. Car, si cette
affectation peut résulter de sa modification par ajout ou retranchement
de dispositions, elle peut également résulter d'une décision de le
maintenir en état par le refus opposé à une demande de modification
(ainsi par exemple, un refus de permis de construire ne change pas
l’ordonnancement en vigueur, mais est un acte administratif, car il pose
une norme en prenant position, au regard de celui-ci, sur la demande
faite). Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que l'acte « produise des effets de droit
»2.

2. Ne sont pas administratifs

Ne sont donc pas des actes administratifs, les actes préparatoires


ou confirmatifs et les actes indicatifs.

a. Les actes préparatoires ou confirmatifs

Ces actes n'ont pas de portée décisoire3, soit qu'ils ne font qu'annoncer un
acte futur qui sera seul normateur (acte préparatoire), soit encore qu'il se
contente de rappeler une norme déjà posée (acte confirmatif)4.
Les actes préparatoires renferment l’ensemble des avis5,
consultations, recommandations6, enquêtes, ou propositions (émanant
d'un supérieur hiérarchique à son subordonné, ou d'une autorité de
tutelle) émis lors de l’édiction de l’acte administratif.

1 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 409.


2 J. WALINE, op. cit., p. 455.
3 Lire P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 410 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 165 ; J.

WALINE, op. cit., p. 465 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 665.


4 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 409.
5 C.E. fr., 16 mai 2011, Cne de Wittelsheim.
6 C.E. fr., 13 juill. 2007, Sté Éditions Tissot.

395
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les actes confirmatifs sont ceux par lesquels l'Administration ne fait


qu'enregistrer une décision déjà prise1. Ces actes ne sont pas des actes administratifs.
Il en est de même de simples vœux2, de simples informations3, ou de la
simple notification d'une décision, ou encore, d'une annonce faite dans
le cadre d'un discours4.

b. Les actes indicatifs

Les actes indicatifs sont des actes propres à l'univers administratif.


L'Administration s'en sert pour indiquer telle ou telle conduite à tenir au sein
du service. Ils ne concernent que la marche interne des services, et ne
comportent pas, à l'égard des particuliers, de manifestation de volonté.
Ils ne font donc pas grief5.
On distingue trois catégories de ces actes ne concernant que la
machine interne des services : les circulaires, les directives, les mesures
d'ordre intérieur.

i. Les circulaires

Les circulaires sont des communications par lesquelles un supérieur


hiérarchique, normalement le ministre, fait connaître à ses subordonnés ses intentions
sur un point relatif à l'exécution du service ou à l'interprétation d'une loi ou d'un
règlement6. On dit donc qu'elles sont « l’expression du pouvoir
hiérarchique dont dispose tout ministre, tout chef de service à l’égard
des agents placés sous son autorité »7. Ce pouvoir hiérarchique s’exprime
soit sous forme d’ordres individuels, soit sous forme d’instructions à
caractère général adressées à l’ensemble des agents du service, prévoyant,
de manière abstraite, la conduite à tenir8.
Au sein des circulaires, on pouvait distinguer les circulaires simplement
interprétatives, qui sont de vraies circulaires, et les circulaires réglementaires9.

1 C.E. fr., Sect. 28 mars 1952, Martin, Piteau, L'Huillier.


2 C.E. fr., 30 déc. 2009, Dpt du Gers.
3 C.E. fr., 10 janv. 2007, Synd. Nat. CGT du Min. des A.E.
4 C.E. fr., 5 oct. 2015, Comité d'entreprise du siège de l'Ifremer.
5 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 411 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 166.
6 J. WALINE, op. cit., p. 458.
7 C.E. fr., 7 Fév. 1936, Jamart.
8 J.-C. RICCI, op. cit., p. 166.
9 Lire L. YUMA, op. cit., p. 58.

396
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les premières n’étaient que de véritables mesures d’ordre intérieur devant


être traitées comme telles, car elles ne se bornaient qu'à rappeler le droit
existant, à le commenter ou à l’expliciter.
Les secondes elles, au contraire, étaient de véritables décisions, car elles
s'ajoutaient au droit existant, manifestant ainsi la volonté de son auteur de modifier
l’ordonnancement juridique. En conséquence, le Conseil d'État français a,
dans l'arrêt établissant cette distinction, jugé que les circulaires
interprétatives n'étaient pas des actes décisoires, contrairement aux
circulaires réglementaires1.
Devant la difficulté d'établir la distinction entre les deux catégories,
le Conseil d'État a introduit une autre distinction, entre les circulaires
impératives et non-impératives2. Le critère est celui de l’impérativité du contenu
ou son absence d’impérativité. Ainsi, la circulaire est impérative lorsqu'elle
dicte la conduite à tenir, se présente sous la forme de prescriptions, d’ordres exprès
donnés aux subordonnés. Dans ce cas, elles deviennent de véritables actes
décisoires3.

ii. Les directives

Les directives sont des dispositions par lesquelles une autorité,


investie d'un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice lui impose, en
principe, l'examen des situations individuelles auxquelles il s'applique, fait
connaître les critères généraux auxquels elle entend subordonner ses décisions, sans
pour autant s'interdire d'y déroger si un cas particulier lui paraît l'exiger4
; (par exemple, le ministre indique les conditions auxquelles il accordera,
en principe, telle subvention économique, mais en se réservant la
possibilité de l'accorder à telle entreprise qui ne répondrait pas à ces
conditions si l'intérêt général lui semble le justifier).
Il découle de la jurisprudence du Conseil d'État français5, que la
directive n'est pas un acte décisoire. Par cet acte, l’Administration n’entend
nullement créer une nouvelle règle de droit ou modifier
l’ordonnancement juridique. Il s'agit simplement d'une technique de

1 C.E. fr., 29 janv. 1954, Institution Notre Dame du Kreisker.


2 C.E. fr., sect., 18 déc. 2002, Mme Duvignères.
3 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 413 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 167.
4 J. WALINE, op. cit., p. 459 ; L. YUMA, op. cit., p. 60 ; P.-L. FRIER et J. PETIT,

op. cit., p. 415 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 168.


5 C.E. fr., 11 déc. 1970, Crédit foncier de France.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

rationalisation et de simplification de l’action administrative, ce n’est pas


un mode particulier d’expression de la volonté administrative.
Cependant, lorsque la directive revêt un caractère réglementaire ou
impératif, elle est traitée comme une circulaire ayant une telle nature,
c’est-à-dire comme une décision.

iii. Les mesures d'ordre intérieur

Les mesures d'ordre intérieur sont des actes intervenant à l'intérieur de


l'Administration et qui permettant l'organisation interne des services1. Elles ne
portent pas gravement atteinte à des droits et obligations ; elles ne
concernent que l’ordre interne qui, en raison du principe hiérarchique et
des nécessités de son organisation et de sa discipline, doit précisément
pouvoir agir sans être énervé par des complications contentieuses2.
Constituent, tout d’abord, des mesures d’ordre intérieur, et par ce
fait, ne sont pas des actes décisoires, certaines décisions relatives aux
rapports entre l’administration, dans son ensemble, et son personnel,
comme l’affectation d’un agent à tel ou tel poste, ce qui modifie les
tâches qu’il a à accomplir3, ou de la mutation d’un étudiant d’un groupe
de travaux dirigés à un autre4.
A contrario, lorsque la mesure affecte gravement les droits et
obligations d'un agent ou d'un particulier, elle devient un acte décisoire.
Tel est le cas de l’exclusion d’une résidente de la Cité internationale
universitaire de Paris5, ou de l’interdiction faite à un professeur
d’université d’exercer ses activités d’enseignement et de recherche6.
Constituent ensuite des mesures d'ordre intérieur, les
correspondances internes au service, telles que la correspondance
échangée entre deux administrations7, entre deux ministres8, ou avec un
agent du service et lui rappelant ses obligations statutaires9. Ces actes ne

1 L. YUMA, op. cit., p. 59.


2 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 418.
3 C.E. fr., 8 mars 1999, Mme Butler.
4 C.E. fr., 11 janv. 1967, Bricq.
5 C.E. fr., 15 oct. 1982, Mardirossian.
6 C.E. fr., 1 juillet 1987, Payen de la Garanderie.
7 C.E. fr., 7 juill. 1967, Fonteveau.
8 C.E. fr., 6 oct. 1965, Mely et autre.
9 C.E. fr., 13 nov. 2006, La Poste.

398
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

sont pas des actes décisoires, sauf quand ils comportent ou relèvent une
décision1.
Constituent ensuite des mesures d'ordre intérieur, des mesures de
police internes au service, par lesquelles l’autorité hiérarchique règle la
discipline interne du service. Ces actes ne sont pas décisoires, sauf quand
ils modifient la situation juridique de leurs destinataires2.

Point 2
Distinction au sein des actes décisoires

Au sein des actes décisoires, les actes administratifs sont classés


selon leur forme, ou selon leur objet3.
Selon leur forme, le critère de distinction repose sur l'autorité auteur
de l'acte. Ainsi distingue-t-on les ordonnances du Président de la
République, des décrets du Premier Ministre, des arrêtés des Ministres
et autres autorités exécutives des entités territoriales décentralisées et des
décisions (englobant les délibérations des assemblées des entités
territoriales décentralisées, des conseils d'administration des
établissements publics, etc.).
Mais c'est la distinction du point de vue de l'objet qui importe le
plus. Ici, les actes administratifs sont classés en actes réglementaires et
en actes non-réglementaires. Voyons l'intérêt de la distinction, avant de
voir la distinction elle-même.

A. L'intérêt de la distinction4

Disons d'emblée que, les actes réglementaires ne créent pas de droits


acquis à l'égard de leurs destinataires. En conséquence, les particuliers ne
peuvent pas se prévaloir de leur maintien en vigueur. L'Administration
peut toujours les modifier en vertu de la loi du changement. A contrario,
les actes non-réglementaires créent des droits acquis au profit de leurs
bénéficiaires, ils ne peuvent être abrogés ou retirés que dans certaines
conditions5.

1 C.E. fr., 23 juin 1967, Laquière.


2 C.E. fr., 7 janv. 1983, Ville d’Aix-en-Provence c/ S. Estève.
3 Lire J. WALINE, op. cit., p. 463 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 666.
4 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 170 ; F. VUNDUAWE, op. cit., pp. 669-670.
5 Voir par ex. C.E. fr., 13 Déc. 2006, Lacroix.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Par ailleurs, la distinction se trouve également au niveau du mode de


publicité. En effet, les actes réglementaires sont rendus publics par la
publication ou l'affichage, tandis que les actes non-réglementation font
l'objet d'une notification aux intéressés.
Disons encore que la légalité d'un acte réglementaire peut être
contestée par voie d'exception devant le juge judiciaire, ce qui n'est pas le
cas de l'acte non-règlementaire.

B. La distinction

1. Les actes réglementaires

Les actes réglementaires sont des règles de portée générale, impersonnelle


et abstraite1. Ils ne désignent pas nommément les personnes concernées par la
décision2, même si elle peut désigner leur qualité. Ils ont pour
destinataires, toutes les personnes présentes et à venir qui se trouvent
concernées par le contenu de l'acte. Son contenu peut concerner une
matière donnée, une institution donnée ou une catégorie de personnes
(statut des professeurs). Ainsi, est réglementaire, par exemple, la décision
instituant des équivalences entre des titres et des grades universitaires3.
Les actes réglementaires trouvent leur source à l'article 128 Al 1 de
la Constitution qui dispose que « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». De cette disposition découle
la distinction entre les règlements autonomes et les règlements subordonnés4.
Les premiers sont ceux qui sont directement concernés par cette
disposition. Ils ont un domaine réservé pour toutes les matières dans lesquelles le
constituant n'a pas spécialement reconnu la compétence au législateur, notamment
aux articles 122 et 123 de la Constitution.
À côté, les règlements subordonnés sont ceux qui interviennent dans
le sillage de la loi, sur pied des articles 122 et 123 de la Constitution, en vue
d'en préciser les modalités d'application. Son importance peut varier
selon qu'il s'agit d'une loi qui fixe les règles, ou qui se borne à déterminer
les principes.

1 J. WALINE, op. cit., p. 463 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 668 ; L. YUMA, op.
cit., p. 113.
2 L. YUMA, op. cit., p. 113 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 171.
3 C.E. fr., 14 Juill. 1912, Féd. nat. des professeurs des lycées de garçons et des établissements

secondaires de jeunes filles.


4 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 675.

400
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Disons qu'il y a unité du pouvoir réglementaire national1, car quoi qu'il en


soit, le règlement autonome, aussi bien que le règlement subordonné,
doivent respecter la loi et les principes généraux du droit, sous peine
d'être illégaux et annulés par le juge administratif, qui du reste, est
compétent pour les contrôler tous les deux.

2. Les actes non-réglementaires

Les actes non-réglementaires concernent une ou plusieurs personnes


nommément désignées dans l'acte. Ils ont une portée limitée, des destinataires
déterminés ou concernent des situations concrètes2.
Ce sont des actes individuels, car ils concernent soit une personne
nommément désignée, soit un groupe de personnes nommément désignées ou identifiées.
Dans ce dernier cas, il s'agit de plusieurs personnes dont la situation est
réglée par une même décision. Ce sont des actes individuels collectifs, qui
sont en fait un « entassement d'actes individuels », pour reprendre
l'expression de Cry Cambier3.
Les actes non-réglementaires sont subjectifs, lorsque les effets
portent sur une situation juridique nouvelle au profit ou à l'encontre
d'une personne donnée. Ils créent, modifient ou suppriment une
obligation ou un droit subjectif de manière individuelle ou personnelle.
À côté, les actes-condition sont ceux qui confèrent ou retirent à une
personne la qualité de se prévaloir d'un statut prévu à l'avance par un
texte à caractère général et dont l'octroi ou le retrait suppose la réalisation
préalable des conditions fixées par le texte de référence. Ils modifient
ainsi le statut d'une personne et généralement une personne physique
(cas des actes de nomination, de révocation, ou de mise à la retraite).

Paragraphe 2
Élaboration des actes administratifs

Pour élaborer un acte administratif, il faut qu’un auteur O (qui ?)


prenne une norme N (quoi ?), en visant un certain but B (pour quoi ?),
en suivant certaines procédures P et certaines formes F (comment ?), en

1 Idem., p. 922.
2 Lire J. WALINE, op. cit., p. 464 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 667 ; L. YUMA,
op. cit., p. 113 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 171.
3 Cité par F. VUNDUAWE, op. cit., p. 667.

401
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

respectant enfin les conditions prévues par les textes si celui-ci en pose
C.
En fait, l'élaboration d'un acte administratif nécessite la réunion de
conditions de légalité externe et de légalité interne audit acte.
La légalité externe renvoie aux règles de compétence et de forme et
de procédure ; tandis que la légalité interne renvoie aux règles de but et
d'objet entourant l'élaboration de l'acte administratif.
Chacun de ses critères sont cumulatifs, en ce que leur réunion
conditionne la légalité de l'acte administratif et, a contrario, le non-
respect d'une seule de ces conditions peut entrainer l'annulation de l'acte.

Point 1
La compétence

La compétence se définit comme le pouvoir de poser des normes,


la capacité des autorités à prendre des actes administratifs1, de modifier
l'ordonnancement juridique2.
Au sein de l'Administration, n'importe quel agent n'a pas le pouvoir
de prendre une décision exécutoire. Il en va de la sécurité juridique des
administrés3. Il faut dire que la compétence est d'attribution, elle ne se
présume pas. Elle doit être prévue par un texte4. En droit administratif,
« l'incompétence est la règle, et la compétence l'exception »5.
Disons d'emblée que seules les personnes administratives6 (L'État, les
provinces, les entités territoriales décentralisées, établissements publics)
peuvent prendre un acte administratif. Au sein de ces personnes
administratives, seuls des organes particuliers peuvent prendre des actes
administratifs (Président de la République, Premier Ministre, Ministre,
Gouverneur, Directeur Général…). Schématiquement, ne constituent
pas des « autorités administratives » les agents chargés de simples
fonctions d'exécution7.
La compétence de l'autorité administrative est délimitée
géographiquement (territoire national, provincial, ou l'étendue

1 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 442.


2 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 465.
3 J. WALINE, op. cit., p. 465.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 677.
5 Idem.
6 J. WALINE, op. cit., p. 466.
7 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

territoriale de l'entité décentralisée, ou encore, au sein de l'établissement


public). Sa compétence a une durée de validité : elle commence à
l'investiture et se termine à la désinvestiture.
On distingue alors trois types de compétences : la compétence
matérielle, la compétence temporelle, et la compétence géographique1.

A. Compétence matérielle

La compétence matérielle est la capacité pour l'auteur de l'acte d'agir dans


telle ou telle matière déterminée par un texte2. Cette règle est d'ordre public, en
ce que même si le requérant ne la soulève pas, le juge doit la retenir
d’office3.
L'on distingue trois formes d'incompétence : l'usurpation de
fonction, l'usurpation de pouvoir et l'empiètement de fonctions4.

1. Usurpation de fonctions

L'usurpation de fonction est l'hypothèse dans laquelle une personne


dépourvue de toute autorité légale prend un acte administratif. L'acte ainsi pris est
considéré comme « inexistant »5. L'acte inexistant est celui affecté d'un
vice d'une gravité exceptionnelle, à telle enseigne qu'on en déduit qu'il
n'y a, en réalité, qu'une apparence d'acte mais pas véritablement un acte
de l'Administration6. Dès lors, il n'y a pas matière à annulation (comment
annuler ce qui n'existe pas réellement ?) : le juge ne peut que constater
un état de fait, c'est-à-dire l'inexistence de l'acte. L'acte sera déclaré « nul
et de nul effet » ou encore « nul et non avenu »7.
Une exception admise est la théorie du fonctionnaire de fait8.
On considère comme tel, l'individu qui, nommé illégalement dans
une fonction publique, a pu se croire et être cru par les administrés

1 J.-C. RICCI, op. cit., p. 195.


2 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 677.
3 A. MAURIN, op. cit., p. 77.
4 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 677 ; L. YUMA, op. cit., p. 177.
5 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 678 ; J. WALINE, op. cit., p. 721.
6 Lire J. WALINE, op. cit., p. 493 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 493.
7 Voir par ex. C.E. fr., 31 mai 1957, Rosan Girard ; C.E., sect., 3 févr. 1956, de

Fontbonne.
8 Lire J. WALINE, op. cit., p. 721.

403
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

régulièrement investi jusqu'à l'annulation de sa nomination, et a agi en


conséquence.
On considère également comme tel, le particulier qui, en cas de crise
grave, notamment quand les autorités administratives compétentes ont
été contraintes de quitter leur poste, se substitue spontanément à elles.
Dans cette occurrence, on parle de la théorie des circonstances exceptionnelles,
qui permet à l'Administration, dans des situations de crise, de prendre
des actes en violation des règles de légalité1.
Ces actes peuvent être assimilés à ceux des agents régulièrement
investis. Ils sont valides, à la condition que le but poursuivi ait bien été
l'intérêt général2.

2. Usurpation de pouvoir

L'usurpation de pouvoir est l'hypothèse dans laquelle une personne


relevant d'un autre pouvoir (législatif, judiciaire) pose des actes administratifs, ou
encore, une autorité administrative prend des actes législatifs (cas d'un décret pris
dans le domaine de la loi) ou juridictionnels (cas d'un acte administratif
réglant un litige judiciaire)3.
L'exception ici admise est la théorie du dédoublement fonctionnel4, en
vertu de laquelle des autorités relevant de pouvoirs législatif (Président
de l'Assemblée nationale) ou judiciaire (Procureur Général) peuvent se
voir conférer la compétence pour prendre des actes administratifs. À ce
titre, le Président du bureau de l'Assemblée nationale est autorité
administrative au sein de cette institution.

3. Empiétement de fonctions

L'empiètement de fonction est l'hypothèse dans laquelle une autorité


administrative agit dans la sphère de compétence d'une autre autorité administrative5.

1 Idem., p.382.
2 C.E. fr., 5 mars 1948, Marion ; Sur la validité des actes en cas d'application de
la théorie des circonstances exceptionnelles : C.E. fr., 7 janv. 1944, Lecoq.
3 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 678.
4 Lire L. YUMA, op. cit., p. 118.
5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 678.

404
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Trois exceptions sont admises ici : l'intérim, la suppléance, la


délégation1. Ces procédés de transfert de compétences sont justifiés
pour des raisons pratiques, et afin d’assurer le bon fonctionnement de
l’Administration2.

a. L'intérim

Situation dans laquelle, en vue de combler l'absence d'une autorité


en mission, mutation, ou congé maladie, une autorité administrative agit en
lieu et place d'une autre autorité administrative qui lui est supérieure en vertu d'une
décision d'intérim3.
La décision d'intérim émane de l'autorité hiérarchiquement supérieure à
l'autorité empêchée4, ou par l'autorité hiérarchique la plus élevée5.
La décision peut avoir pour fondement un texte légal ou réglementaire
déterminant l'autorité intérimaire. Cependant, en cas d'absence de texte
légal ou réglementaire, le supérieur hiérarchique peut fonder sa décision
sur le principe de continuité des services publics6, et designer un intérimaire, aux
mieux des intérêts du service, soit parmi les pairs de l'autorité absente,
soit encore, parmi ses adjoints ou inférieurs7.
L'intérim ne peut être que de durée brève8, il ne devrait pas dépasser
trois mois, car l'instabilité d'une autorité administrative ne garantit pas la
bonne administration9.
L'intérimaire détient en principe tous les pouvoirs du titulaire de la
fonction10. Il est responsable des conséquences des actes qu'il pose11. Il
cumule ses fonctions avec l'intérim et reprend automatiquement celles-

1 Lire J. WALINE, op. cit., p. 466 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 465 ; F.
VUNDUAWE, op. cit., p. 679 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 195 ; P.-L. FRIER et J.
PETIT, op. cit., p. 443.
2 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 465.
3 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 681.
4 L. YUMA, op. cit., p. 119.
5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 681 ; C.E. fr., 2 févr. 1938, Bienvenue.
6 C.E. fr., Ass. 22 oct. 1971, Fontaine.
7 J. WALINE, op. cit., p. 680 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., 466 ; J.-C. RICCI, op.

cit., p. 195 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 443 ; L. YUMA, op. cit., p. 120.
8 J.-C. RICCI, op. cit., p. 196.
9 L. YUMA, op. cit., p. 120.
10 J.-C. RICCI, op. cit., p. 196 ; C.E. fr., 2 oct. 1945, Mattéi.
11 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 681.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

là à la fin de celle-ci. Il reçoit par ailleurs une prime d'intérim, en plus de la


rémunération attachée à ses fonctions1.

b. La suppléance

À la différence de l'intérim qui peut ne pas être prévue par un texte,


et qui, dans tous les cas, nécessite une décision d'intérim, la suppléance
a pour effet, dans les mêmes situations (absence, empêchement de
l'autorité titulaire de la fonction), de remplacer automatiquement le titulaire par
une autre, dans les conditions prévues par un texte2. Les deux mécanismes
diffèrent par l’automaticité de la suppléance alors que l’intérim suppose une
désignation spécifique de l’intérimaire3. Aussi, le suppléant est toujours
prévu par un texte, en ce sens qu'il n'y a pas de suppléance sans texte4.
Le suppléant agit au même titre que le titulaire de la compétence5 et a droit
à sa rémunération6.

c. La délégation

La délégation est l'aménagement de compétence le plus fréquent7 :


toutes les autorités administratives sont dans la nécessité de déléguer une
partie de leurs compétences ainsi que de leur pouvoir de signer, en vue
de se décharger, et par là même, de rendre plus efficace l'action
administrative.
On distingue la délégation de compétence de la délégation de signature8.
La délégation de compétence est le mécanisme par lequel l'autorité
administrative compétente transfère son pouvoir de décision à l'autorité
subordonnée désignée impersonnellement — c'est-à-dire es qualité, en
considération de sa fonction —.

1 L. YUMA, op. cit., p. 120.


2 J. WALINE, op. cit., p. 680 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 680 ; G. DUPUIS et
alii., op. cit., 466 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 195 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p.
443 ; L. YUMA, op. cit., p. 120.
3 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 443.
4 L. YUMA, op. cit., p. 120.
5 J.-C. RICCI, op. cit., p. 195 ; L. YUMA, op. cit., p. 120.
6 L. YUMA, op. cit., p. 120.
7 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 196.
8 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 679 ; J. WALINE, op. cit., 467 ; P.-L. FRIER

et J. PETIT, op. cit., p. 443 ; J.-C. RICCI, op. cit., p. 196 ; L. YUMA, op. cit., p. 122
; A. MAURIN, op. cit., p. 79.

406
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

À côté, par la délégation de signature, l'autorité administrative


compétente conserve son pouvoir de décision, elle autorise seulement
un subordonné, désigné intuitu personae, à signer matériellement, la décision en
ses lieu et place, mais c'est toujours elle qui est réputée prendre la
décision.
L'une ou l'autre délégation n'est possible que si elles sont autorisées
par un texte législatif ou réglementaire. On dit donc qu' « il n'y a pas de
délégation sans texte ». Le texte prévoit la matière à déléguer, et l'autorité
délégataire.
Une partie seulement des attributions de l'autorité délégante ne
peuvent être déléguées1 car, à défaut, ce ne serait plus une délégation
mais une abdication2. Par conséquent, l'acte de délégation, — qui du
reste doit être écrit et exprès3 —, doit indiquer précisément le titulaire, le
contenu et les limites de la délégation4. Une délégation mal rédigée, imprécise
ou incomplète est susceptible de rendre illégaux tous les actes pris par le
délégataire5.
La délégation doit être publiée pour être opposable aux tiers6, car le
défaut de publication prive l’autorité délégataire de la compétence qui lui
est déléguée7.
La délégation est révocable ad nutum.
La délégation de pouvoir a pour effet de transférer les attributions de
l’autorité supérieure à l'autorité inférieure. L'autorité délégante se trouve par-
là dessaisie des compétences transférées8. En clair, elle n'est plus
compétente pour agir dans cette matière, même si elle conserve tout de
même la possibilité d’adresser des instructions à son subordonné9.
A contrario, le délégataire de signature n'a aucun pouvoir de décision, il
accomplit une simple tâche matérielle sur la décision du délégant, qui
d'ailleurs, peut à tout moment lui-même signer ses propres décisions malgré la
délégation de signature. Il ne se trouve donc pas dessaisi de la capacité
de signer.

1 C.E. fr., 13 mai 1949, Couvrat.


2 C.E. fr., 13 mai 1949 Couvrat.
3 C.E. fr., 17 févr. 1950, Sieur X.
4 C.E. fr., 20 nov. 1964, Dame Grenouilleau.
5 A. MAURIN, op. cit., p. 78.
6 C.E. fr., 28 juin 1961, Ministre de la Construction c/ Dlle Laurivain.
7 C.E. fr., 13 juill. 1979, SCI de Marcilly.
8 C.E. fr., 5 mai 1950, Buisson.
9 C.E. fr., 4 juill. 1969, Laurent.

407
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La délégation de pouvoir est accordée es qualité, sans tenir compte


de la personne, tandis que la délégation de signature est accordée intuitu
personae. Cette nuance est importante, car elle signifie que dans
l'hypothèse où le délégataire d'une délégation de compétence mourait, la
nouvelle autorité qui prendrait sa place serait toujours bénéficiaire de la
délégation de compétence — à moins qu'elle ait été révoquée —, ce qui
n'est pas le cas de la délégation de signature. Celle-ci, est accordée en
tenant compte de la personne du délégant. En effet, dit-on, « il s'agit
d'une question de confiance »1 !
Aussi, la délégation de pouvoir rend le délégant irresponsable des
actes posés par le délégataire qui engage seul sa responsabilité. C'est tout
l'opposé en cas de délégation de signature : les actes du délégataire
engagent la seule responsabilité du déléguant.
Enfin, la subdélégation de pouvoir n'est pas possible2, mais la
subdélégation de signature, si3.

B. Compétence temporelle

La compétence de l'autorité administrative a une durée de validité.


Elle part de son investiture à sa désinvestiture4. L'acte pris avant l'investiture
(acte anticipatif), ou après l'investiture (acte rétroactif) est entaché
d'incompétence.
L'investiture — qui doit être distingué de la nomination, ou même
de l'élection — est la procédure à l'issue de laquelle une autorité se trouve
pleinement revêtue de ses fonctions5. Elle peut intervenir après une décision
d'approbation de l'Assemblée nationale, en ce qui concerne le
gouvernement, ou une décision du Président de la République, en ce qui
concerne les gouverneurs, ou après prestation de serment, en ce qui
concerne les agents de la fonction publique, ou encore, après installation
du Gouverneur de province ou de l'administrateur du territoire, en ce
qui concerne certaines autorités locales. Elle peut aussi intervenir, selon
la coutume ou les usages, après remise et reprise.

1 L. YUMA, op. cit., p. 122.


2 C.E. fr., 9 févr. 1977, Université de Paris X-Nanterre.
3 C.E. fr., 19 juill. 1991, Heintz.
4 C.E. fr., 24 Sept. 2012, Commune de Valence.
5 Lire G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1230.

408
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

À l'opposé, la désinvestiture est l’acte par lequel un agent se voit retirer


ses fonctions1. L'acte posé après ce moment n'est pas valable.
Toutefois, l'exception est la théorie de l'expédition des affaires courantes2,
en vertu de laquelle, en vue d'assurer la continuité des services publics,
il est admis qu’une autorité qui n’est en principe plus compétente car est
arrivé le terme de ses fonctions, demeure cependant compétente jusqu’à
l’installation effective de son successeur mais avec des pouvoirs réduits
puisqu’elle ne peut qu’expédier les affaires courantes3, c'est-à-dire, les
affaires habituelles qui ne présentent pas en fait d'importance
exceptionnelle4. Tel est le cas d'un gouvernement démissionnaire, qui
peut agir en attendant l'investiture du nouveau gouvernement.

C. Compétence géographique

La compétence géographique renvoie tout simplement à l'étendue


territoriale au sein de laquelle une autorité peut poser des actes. En fait, il
s'agit plus précisément du territoire pouvant être régi, ou concerné, par
les effets de l'acte administratif. Ainsi, si la compétence des autorités
centrales est nationale, celle des autorités provinciales par contre, est
limitée à l'étendue de leur juridiction. Un gouverneur ne peut pas par
exemple, prendre un arrêté en vue de régir le transport dans la province
voisine.
En fait, il ne faut pas confondre les effets juridiques territoriaux de l'acte, et le
lieu où il a été pris. Parce qu'en fait, le droit administratif est indifférent au
lieu de l’acte5. Ainsi, un acte peut être pris à n'importe quel endroit, y
compris dans un État étranger6, cela importe peu. L'essentiel en matière
de compétence géographique, est que le contenu de l'acte n'ait pas d'effet
juridique sur les sujets de droit qui ne se trouvent pas dans la juridiction
de l'auteur de l'acte.
Toutefois, et sans que cela ne constitue une exception à la
compétence géographique, plusieurs autorités provinciales peuvent
prendre des mesures interprovinciales en vue de régir des matières communes à

1 Idem., p. 740.
2 Voir C.E. fr., 4 avr. 1952, Syndicat régional. des quotidiens d’Algérie.
3 J.-C. RICCI, op. cit., p. 195.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 684.
5 Lire G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 467.
6 Voir par ex. C.E. fr., 22 déc. 1911, Legrand et de Saint-Taurin.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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leurs juridictions. Il en est de même des autorités des entités territoriales


décentralisées.

Point 2
La forme et la procédure

L'acte pris par une autorité administrative compétente doit


respecter certaines conditions de forme et de procédure.

A. La forme

Quand bien même on dit que « la forme est la sœur jumelle de la


liberté », pour reprendre l'expression de Ihering1, l'Administration n'est pas
soumise à un formalisme absolu dans sa prise de décisions2. Ainsi, il n'est pas
exclu qu'une décision administrative soit purement gestuelle ou verbale —
sans toutefois être opposable aux administrés, car pour cela, une
publicité est nécessaire à l'acte, ce qui exige un écrit —3, et même
simplement implicite, et dans ce cas, c'est le silence de l'Administration
qui vaut décision4.
Sur ce point, le silence vaut généralement rejet de la demande — à moins
que la Loi n'en dispose autrement —. En matière de contentieux
administratif, la juridiction ne pouvant être saisie qu'après épuisement
des voies de recours administratif, la Loi dispose à ce propos que « le
défaut de décision de l'autorité administrative après 3 mois à compter du
jour du dépôt du recours administratif en vaut rejet »5. La décision
implicite est une nécessité pour lutter contre l'inertie de l'Administration
ou surtout contre la manœuvre qui consisterait à bloquer l'administré en
ne prenant pas de décision6.
La décision administrative n'a pas à être motivée, sauf disposition
contraire de la Loi7, ou encore, lorsqu'elle porte sur les droits et libertés des

1 Cité par J. WALINE, op. cit., p. 472.


2 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., p. 684 ; J. WALINE, op. cit., p. 472.
3 C.E., sect., 9 janv. 1931, Abbé Cadel.
4 C.E. fr., 21 juill. 2009, Soc. Féd. Droit au logement.
5 Art. 153 Al. 3, Loi du 15 octobre 2016 relative aux juridictions de l’ordre

administratif.
6 J. WALINE, op. cit., p. 472 ; G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 473.
7 Voir par ex. Art. 99, Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant

composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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citoyens1. Dans ces cas, les motifs sont des éléments essentiels du
processus de décision, car ils reflètent les données de fait et les
arguments de droit qui ont conduit l’autorité à prendre la décision2.
Quand elle doit être motivée, la motivation doit comporter à la fois
l’énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le
fondement de la décision3, étant entendu que l’absence de motivation
entache d’illégalité la décision qui aurait dû être motivée4. Toutefois,
cette illégalité n’est pas un moyen d’ordre public5.
Le régime juridique relatif à la forme est loin d’être négligeable : il
est évident qu’une bonne compréhension du contenu au fond des
décisions n’est possible que si la présentation est claire, précise et
rigoureuse6. Ainsi, les décisions doivent être signées — et parfois même,
contresignées —, datées, numérotées, et cachetées du sceau officiel de
la République. Au demeurant, la signature et le sceau sont des conditions
prescrites à peine de nullité7.

B. La procédure

Les règles de procédure tendent à donner son efficacité optimale à


l’action administrative, et, aussi, à protéger les droits des administrés ou
des agents publics8. Elles ont l'avantage de permettre d'associer des
personnes extérieures à l'Administration à la prise des décisions, même
si la multiplication des consultations peut devenir un facteur de lourdeur
et de retard dans la prise des décisions9. Ces procédures peuvent être
consultatives, ou contradictoires, ou encore concerner des délais.

Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces, qui exige la


motivation par le gouverneur de sa décision explicite de rejet d'un acte d'une
ETD lui soumis pour contrôle a priori.
1 Voir par ex. C.E. fr., 3 nov. 203, Lhoumeau ; C.E. fr., 29 Nov. 2006, Parère ; C.E.

fr., 24 Nov. 2010, Hicham ; voir en droit congolais, l'arrêt rendu par la C.S.J. dans
l'affaire des témoins des Jéhovah, C.S.J., R.A. 866, 8 janv. 1993.
2 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 476.
3 J.-C. RICCI, op. cit., p. 194.
4 C.E. fr., 28 sept. 2007, Mme X.
5 J.-C. RICCI, op. cit., p. 194.
6 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 472.
7 Art. 2, Ordonnance, 90-177 du 24 août 1990 portant réglementation des sceaux

officiels de la République du Zaïre.


8 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 469.
9 J. WALINE, op. cit., p. 471.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La procédure consultative a pour objet d'éclairer les autorités


administratives en toutes hypothèses1. Elle s'exprime sous forme de
propositions ou des avis.
Trois sortes d'avis sont distingués : l'avis facultatif, peut ne pas être
demandé par l'Administration, rien ne l'y oblige. L'avis obligatoire,
l'Administration est tenue de requérir2 (avis des Présidents des deux
chambres avant la dissolution de l'Assemblée nationale). L'avis conforme,
en plus d'être obligatoire, doit absolument être suivi par
l'Administration3.
Les avis sont prévus par les textes. Toutefois, il n'est pas interdit à
l'Administration de prendre un avis non prévu par un texte : on parle
alors d'avis spontané. Pour que la décision ainsi faite soit régulière, « il faut
d’une part que les dispositions légales et réglementaires régissant la
matière n’y fassent pas obstacle ; que l’autorité investie du pouvoir de
décider ne se considère pas, à tort, liée par l’avis ou la proposition
formulée ; qu’aucun vice propre n’entache la procédure suivie par
l’autorité ou l’organisme ainsi consulté »4.
Quant à la consultation, elle doit être effective et complète, et l'avis qui
en découle doit être régulièrement donné (dans le respect par exemple, des
règles de quorum ou de délibérations)5.
En somme, l'acte final est la conclusion de toute une série
d'opérations. Sa régularité dépend de la régularité des avis donnés. Ces
derniers n'étant pas des décisions, ils ne peuvent être attaqués devant le
juge qu'à l'appui du recours dirigé contre l'acte final6.
La procédure contradictoire permet à la personne, préalablement à
la décision, de présenter ses observations. Elle est destinée à garantir les droits
de la défense, elles concernent surtout les décisions individuelles7.
Cette procédure s’impose indépendamment d’un texte dès l’instant
où la mesure affectant la personne, s’analyse en une sanction ayant un
caractère de punition8. C'est l'application du principe constitutionnel du

1 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 469.


2 C.E. fr., 6 juin 1979, Havet.
3 C.E. fr., 26 févr. 1958, Bouchereau.
4 C.E. fr., 26 janv. 1951, Donin de Rosière.
5 Lire J.-C. RICCI, op. cit., p. 194.
6 J. WALINE, op. cit., p. 471.
7 A. MAURIN, op. cit., p. 82.
8 C.E. fr., 16 janv. 1981, Société varoise des transports ; C.C. fr., Décis. no 2006– 540

DC, 27 juill. 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contradictoire1, dont le Conseil d'État français a reconnu l'application en


droit administratif2.
La procédure peut également connaître des exigences en matière de
délais pendant lesquels une décision doit être prise, même si,
l'Administration n'est pas pour autant forclose au-delà du délai prescrit3.
Les délais n'ont donc qu'un caractère indicatif et non impératif4, comme quoi,
« mieux vaut tard que pas du tout »5.
Par ailleurs, d'autres formalités de procédure peuvent être
nécessaires : il peut s'agir d'enquêtes préalables, de période probatoire,
de mise en demeure, etc.

Point 3
Le but de l'acte administratif

Le but se rapporte à l’intention de l’auteur de l’acte, à sa psychologie


subjective6, au mobile7. Le but est une sorte d'élément moral de l'acte
administratif, car il renvoie aux intentions de son auteur8.
Tout acte administratif doit être fait en vue de l’intérêt général9.
Néanmoins, dans certains cas particuliers, les textes peuvent assigner à
certaines compétences un but précis : c'est le cas du pouvoir de police
qui n'a d'autre but que le maintien de l'ordre public.
Ainsi, l'acte qui n'a pas été pris dans un but d'intérêt général, ou un
autre but particulier prévu par les textes, est entaché de détournement de
pouvoir.
Le détournement de pouvoir est le vice qui entache un acte par
lequel l'Administration, en méconnaissance de ces règles, a poursuivi un
but différent de celui que le droit lui assignait, détournant ainsi de sa fin
légale le pouvoir qui lui était confié10. En clair, c'est l'emploi par une

1 DC, 20 mars 1997, Fonds de pension.


2 C.E. fr., 12 mai 1961, Sté La Huta.
3 C.E. fr., 29 avril 1957, Féd. des Syndicats du Lait.
4 J. WALINE, op. cit., p. 474.
5 Idem.
6 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 466.
7 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 681.
8 J. WALINE, p. 726.
9 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 478 ; J. WALINE, op. cit., p. 726 ; F.

VUNDUAWE, op. cit., p. 681 ; P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 466.
10 J. WALINE, op. cit., p. 726.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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autorité administrative du pouvoir qu'elle a dans un but autre que celui


en vue duquel il lui a été attribué1.
Il peut s'agir de l'utilisation des pouvoirs dans un intérêt autre que
l'intérêt général, qu'il soit personnel2, ou politique3 ; ou encore,
l'utilisation des pouvoirs dans un but autre que celui prévu par les textes
: cas de l'utilisation du pouvoir de police dont le but est le maintien de
l'ordre, en vue de l'accroissement des ressources de l'entité4.
La preuve du but découle des divers éléments du dossier : autres
pièces écrites, circonstances dans lesquelles l'acte est intervenu,
inexactitude des motifs allégués qui laissent transparaître le but véritable,
etc. Le juge recherche une conviction, qui peut résulter d'un « faisceau
d'indices convergents »5.

Point 4
L'objet de l'acte administratif

L'objet de l'acte administratif renvoie à son contenu6, aux motifs de


l'acte7 (qu'il ne faut pas confondre avec le mobile). On distingue les motifs
de droit et les motifs de fait8.

A. Les motifs de droit

Les motifs de droit sont les bases juridiques de la décision9. Ils se


trouvent dans le contenu même de la loi (au sens général) qui organise
la matière. La décision administrative doit respecter les éléments
juridiques qui conditionnent l'intervention d'un acte administratif10. La
validité d'un acte administratif au sein de l'ordonnance juridique dépend
de l'observance des règles prescrites par un acte supérieur qui lui sert de
support et le fait entrer dans l'ordonnancement juridique. Ainsi, l'acte

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 690.


2 C.E. fr., 14 mars 1934, Dlle Rault.
3 C.E. fr., 11 févr. 1927, Abbé Veyras.
4 C.E. fr., 4 juill. 1924, Beaugé.
5 C.E. fr., 28 mars 1945, Devouge.
6 L. YUMA, op. cit., p. 128.
7 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 466.
8 Lire L. YUMA, op. cit., p. 129.
9 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 466.
10 L. YUMA, op. cit., p. 129.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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administratif doit respecter le bloc de légalité dans sa dimension la plus


large1, Constitution comprise. Dans ce bloc de légalité sont compris
même les actes réglementaires, et même les actes pris par les autorités
supérieures. Ainsi, si une norme est contraire à une autre norme de
valeur supérieure il y a, selon l’expression habituelle « violation directe
de la règle de droit dans l’objet de l’acte ». Par conséquent, toute norme
administrative est ainsi comprise dans une hiérarchie et elle doit
respecter les normes supérieures qui forment deux groupes bien
distincts2.
En pareille occurrence, trois hypothèses peuvent conduire à l'erreur
de droit, et justifier l'annulation de l'acte administratif en excès de
pouvoir3.
Le cas d'ignorance de la loi ou d'inexistence de la loi4. S'applique lorsque
l'autorité administrative fonde sa décision sur une loi qui n'existe pas, ou encore, sur
une loi déjà modifiée ou abrogée. Il en est de même lorsque la décision prise
ne se réfère à aucune source de droit, ou se réfère à un texte qui ne
concerne pas la situation.
Le cas d'abstention ou de refus d'appliquer la loi5. S'applique lorsque la
loi organisant une matière donnée existe, mais que l'autorité administrative refuse de
l'appliquer ou de s'y conformer dans sa prise de décision.
Le cas de fausse ou mauvaise interprétation de la loi6. S'applique lorsque
l'autorité administrative se fonde sur une loi qui organise la matière, mais cependant,
lui donne une interprétation erronée.

B. Les motifs de fait

A côté, les motifs de fait résultent de l'existence de certains faits qui


déterminent les circonstances dans lesquelles l'autorité est habilitée à prendre sa
décision7. Il arrive en effet fréquemment que la loi elle-même fasse, d'une
situation de fait, la condition nécessaire d'un acte. Dans ce cas,
l'Administration n'est habilitée à prendre l'acte que lorsque cette
situation de fait existe.

1 Lire J. WALINE, op. cit., p. 728.


2 G. DUPUIS et alii., op. cit., p. 479.
3 Lire L. YUMA, op. cit., p. 129.
4 Voir par ex. C.E. fr., 20 mai 1988, Sté des laboratoires Innothéra.
5 Voir par ex. C.E. fr., 8 décembre 1978, GISTI.
6 Voir par ex. C.E. fr., 9 mai 1952, Préfet de Police.
7 L. YUMA, op. cit., p. 130.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En pareille occurrence, deux hypothèses peuvent conduire à


l'erreur de fait1.
Le cas d'inexistence ou d'inexactitude des faits, dans l'hypothèse où
l'autorité fonde sa décision sur des faits qui n'ont jamais existé, ou encore, dont la
référence ne correspond pas à la réalité.
Le cas de la mauvaise qualification des faits, survient lorsque les faits
invoqués dans la décision existent réellement, mais ne correspondent pas à ceux prévus
par la loi qui organise la matière2.
Dans ce cas, le pouvoir de l'autorité administrative peut-être
conditionné ou inconditionné : on parle de compétence liée ou de pouvoir
discrétionnaire3.
On dit qu'il y a compétence liée lorsque, les circonstances prévues par un
texte se trouvant réunies, l'agent public n'a aucun choix à exercer : il a l'obligation
de prendre une certaine décision4.
À l'inverse, il y a pouvoir discrétionnaire lorsque les textes laissent à
l'autorité administrative un large pouvoir d'appréciation, la possibilité d'agir dans
un sens ou dans l'autre — en clair, le choix entre plusieurs décisions
légales —, de prendre ou de ne pas prendre la décision.

Paragraphe 3
Exécution de l'acte administratif

Dans l'exécution de l'acte administratif se rencontre d'importantes


privilèges de puissance publique dont dispose l'Administration pour
faire respecter ses décisions unilatérales sur les particuliers. Il s'agit entre
autres des privilèges du préalable et d'exécution d'office. Mais avant de
produire ses effets, l'acte doit être porté à la connaissance des particuliers
pour leur être opposable.

Point 1
Publication de l'acte administratif

La publication est l'opération par laquelle l'acte est porté à la connaissance


du public ou de l'intéressé5. C'est par elle que l'acte devient opposable aux

1 Idem.
2 Voir par ex. 2 mai 1975, Dame Ebri.
3 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 466.
4 T.A. Paris, 25 janv. 1971, Dame de Beauvoir c/ Min. de l'Intérieur.
5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 689.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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particuliers1. Ainsi, le principe « nul n’est censé ignorer la Loi » ne vaut


que lorsque l’acte est publié au Journal officiel2. La publication a aussi
pour effet de faire courir le délai du recours contentieux, qui est de 3
mois à dater de la publication ou de la notification de la décision3.
Les décisions font l'objet de modes de publication différents selon
leur nature4. Ainsi, les Lois, les actes ayant force de loi, les Ordonnances
du Président de la République, les Décrets du Premier Ministre et les
Arrêtés des Ministres de la République sont publiés par le Journal officiel par
voie d’insertion et sur son site Internet. Les actes réglementaires
émanant de toute autre autorité centrale sont publiés dans la même
forme que les actes législatifs.
Quant aux autorités provinciales, leurs actes sont publiés dans les
bulletins administratifs provinciaux. Ceux des autorités locales sont publiés
dans les dépêches administratives.
Dans les services publics, les actes concernant les usagers sont
publiés par voie d'affichage.
Dans les villages, les actes ayant fait l'objet de publication sont
portés à la connaissance des citoyens par la criée.
Les actes réglementaires entrent en vigueur 30 jours après leur
publication, sauf disposition expresse contraire.
Les actes individuels font l'objet de notification, les concernés étant
connus individuellement. Néanmoins, les actes individuels collectifs
peuvent faire l'objet de publication.
L'administration ne peut nullement opposer aux particuliers ou aux
concernés une décision qui n'a pas fait l'objet de publication ou de notification, peu
importe si elle a été vulgarisée par la radio, la télévision ou les journaux.
Il en va de la sécurité des actes juridiques et de la protection des
citoyens5.
Cependant, s'agissant des actes individuels, si l'absence de
notification empêche l'administration de s'en prévaloir, l'administré
bénéficiaire d'une décision individuelle qui ne lui a pas été notifiée serait en droit

1 Idem ; J. WALINE, op. cit., p. 476.


2 Exposé des motifs, Loi n° 10/007 du 27 février 2010 modifiant et complétant
l’Ordonnance-loi n° 68-400 du 23 octobre 1968 relative à la publication et à la
notification des actes officiels.
3 Lire Art. 150, Loi organique du 15 octobre 2016 portant organisation,

compétence, et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif.


4 Lire l’Ordonnance-loi n° 68-400 du 23 octobre 1968 relative à la publication et

à la notification des actes officiels telle que modifiée à ce jour.


5 L. YUMA, op. cit., p. 132.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'exiger que la décision lui soit appliquée, à condition d'apporter la preuve de


l'existence de la décision. C'est l'application de la théorie de la connaissance
acquise1. Cette théorie permet, nonobstant toute publicité officielle, qu’un
administré soit réputé avoir acquis connaissance de l’existence d’une
décision non encore publiée et de son contenu2.

Point 2
Effets de l'acte administratif

L'acte administratif en vigueur bénéficie, avant toute vérification


par le juge, d'une présomption de conformité au droit. C'est l'application du
principe du préalable et d'exécution d'office3. Cette présomption de conformité
ne peut tomber que si le juge prononce l'annulation de l'acte, à la
demande du particulier qui du reste, a l'obligation d'apporter la preuve
de l'illégalité de l'acte. Entretemps, le particulier est tenu d'exécuter la
décision sans contestation. La décision crée immédiatement des droits et
obligations à l'égard du particulier. L'introduction d'un recours judiciaire
par ce dernier n'est pas suspensive des effets de l'acte, sauf volonté contraire
du juge.
Dans l'hypothèse où le particulier ne se plie pas de bon gré à la
décision, l'Administration peut toujours recourir aux mesures d'exécution
forcée (retrait de permis de conduire), ou à des sanctions pénales (le plus
souvent en matière de police).
Toutefois, l'acte administratif n'agit que pour l'avenir : c'est principe de
la non-rétroactivité des actes administratifs4. L'administration ne peut faire
remonter l'effet de son acte au-delà de la date à laquelle il intervient que
lorsque la loi l'y a autorisée expressément ; à défaut, le juge annule la
décision en tant qu'elle prétend rétroagir5.
La règle de non-rétroactivité doit cependant être mise en échec
lorsqu'un acte est annulé par le juge à la suite d'un recours pour excès de pouvoir
: dans ce cas, l'annulation ayant un effet ex tunc, l'exécution du jugement
oblige parfois l'Administration, tenue de rétablir la situation comme si

1 Voir par ex. C.E. fr., 28 oct. 2002, Saturnino ; C.E. fr., 26 juill. 2011, Geneviève
X.
2 J.-C. RICCI, op. cit., p. 201.
3 Lire J. WALINE, op. cit., p. 482 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 692 ; L. YUMA,

op. cit., p. 132.


4 C.E. fr., 25 juin 1948, Sté du journal« L'Aurore ».
5 J. WALINE, op. cit., p. 481.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l'acte annulé n'était jamais intervenu, à prendre, pour ce faire, des décisions
rétroactives1.

Paragraphe 4
Disparition de l'acte administratif

L'acte administratif a une vie, bien qu'inscrite dans la durée2. Sa


disparition peut résulter de la volonté de l'Administration elle-même, ou
de celle du juge, ou encore de certains événements. Disons aussi, que
l'acte peut lui-même fixer sa durée d'application. Dans ce cas, l'arrivée du terme
figurant dans l'acte entraîne sa disparition3.

Point 1
La disparition par la volonté de l'Administration

L'Administration peut elle-même faire disparaitre ses actes, soit par


l'abrogation, soit par le retrait, soit par l'annulation.

A. Les modes de disparition

L'abrogation est la disparition d'un acte par son auteur, en vertu de la loi
du changement. En effet, l'intérêt général étant variable dans le temps,
l'Administration est toujours tenue de le suivre. L'abrogation produit des
effets pour le présent et pour l'avenir. Elle peut aussi émaner de l'autorité
supérieure, lorsque la loi l'a prévue4.
L'annulation est l'anéantissement avec effet rétroactif d'un acte en raison de
son irrégularité par l'autorité hiérarchique ou de tutelle. L'acte disparaît avec effet
ex tunc, pour le passé, le présent et l'avenir, et les choses sont remises en étant
comme s'il n'avait jamais été pris5.
Le retrait est une annulation par l'auteur de l'acte. Il s'agit d'une forme
de repentir actif, consistant pour l'Administration à reconnaître son
erreur (de fait ou de droit) dans la prise d'un acte, et de rapporter ce
dernier avec effet ex tunc. Le retrait est le fait de l'auteur de l'acte.

1 Voir par ex. C.E., sect. 28 avr. 2014, Mme Anchling.


2 Lire en ce sens, P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 487.
3 J. WALINE, op. cit., p. 487.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 694 ; J. WALINE, op. cit., p. 488.
5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 694.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Les rapports entre retrait et abrogation

Dans les rapports entre le retrait et l'abrogation, au regard de leurs


régimes juridiques, il faut faire la distinction, d'une part, selon que l'acte
concerné est ou non créateur de droits, et selon que l'acte concerné est légal ou illégal.
Une décision qui crée des droits est une décision qui confère, soit au
destinataire de l'acte, soit indirectement à un tiers (par exemple, au fonctionnaire
nommé au poste rendu vacant par la révocation du titulaire), une situation
juridique plus favorable que sa situation précédente1.
Les actes réglementaires, puisqu'ils disposent par voie générale et
impersonnelle, ne sont donc jamais pris dans l'intérêt de telle ou telle
personne, et ne font donc pas acquérir de droits2. A contrario, les actes individuels
sont souvent créateurs de droits, tels que les nominations3, le recrutement d’un
agent de droit public4, les promotions5.
Concernant les actes réglementaires et les actes non-réglementaires non
créateurs de droits, leur abrogation est tout à fait possible, qu'ils soient légaux
ou illégaux, en vertu de la loi du changement6.
Leur retrait n'est possible qu'en tant que sanction d'illégalité, pendant
le délai du recours administratif7. Il s'agit ici d'une conciliation entre principe
de non-rétroactivité et principe de légalité8.
Concernant les actes créateurs de droits ; les actes individuels créateurs
de droits réguliers ne peuvent, en principe, être abrogés, ni retirés en vertu du
principe de l'intangibilité des droits acquis9. Ces actes confèrent des droits
acquis dans le chef des administrés et ces droits sont protégés pour éviter
des abus10.
Sur ce point, disons que l'abrogation peut être expresse ou tacite.
Dans cette dernière occurrence, on fait application de la théorie de
l'acte contraire. Cette théorie désigne le mode de disparition d'un acte par un

1 J. WALINE, op. cit., p. 488.


2 C.E., sect., 12 juin 1959, Synd. chrétien du ministère de l'Industrie et du Commerce.
3 CAA Paris, 14 avr. 2005, Nassef
4 C.E. fr., 31 déc. 2008.
5 C.E. fr., 7 janv. 2013.
6 J. WALINE, op. cit., p. 492 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 695 ; L. YUMA, op.

cit., pp. 141-142.


7 J. WALINE, op. cit., p. 492 ; F. VUNDUAWE, op. cit., p. 695 ; L. YUMA, op.

cit., pp. 141-142.


8 Lire L. YUMA, op. cit., p. 142.
9 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 678 ; L. YUMA, op. cit., p. 141.
10 L. YUMA, op. cit., p. 141.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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autre qui, implicitement mais nécessairement, met fin, pour l’avenir, aux effets de
l'acte acte antérieur, parce que, précisément, il décide le contraire1. Cas de la
révocation d’un fonctionnaire par rapport à sa nomination. Il ne s’agit
pas pour autant d’une abrogation mais de la mise en œuvre d’une
compétence distincte (telle que, dans l’exemple donné, le pouvoir
disciplinaire)2. L'acte contraire doit respecter les règles de forme et de compétence.
Lorsque le texte qui organise la forme et la compétence pour prendre
une décision est resté silencieux sur sa modification ou sa suppression,
il est fait recours au principe de parallélisme des formes et des compétences3. Ainsi,
l'autorité de nomination aura compétence pour poser un acte de
cessation de fonctions.
Cependant, s'ils sont irréguliers, ils peuvent être retirés en tant que
sanction d'illégalité pendant le délai de recours en excès de pouvoir4.

Point 2
La disparition de l'acte par le juge

Le juge administratif peut être à la base de la disparition d'un acte


administratif, lorsqu'il est saisi d'un recours pour excès de pouvoir, visant
à constater l'illégalité de l'acte, c'est-à-dire, le non-respect d'une de ses
conditions de fond et de forme relatives à son élaboration (compétence,
forme et procédure, but, objet). Le cas échéant, le juge prononce
l'annulation de l'acte, avec effet ex tunc.

Point 3
La disparition par la survenance de certains événements

Certains événements indépendants de la volonté de


l'Administration ou du juge peuvent entrainer la disparition d'un acte
administratif.
On parle de caducité, lorsque le délai de vie d'un acte prévu par ce dernier,
ou par la loi, arrive à son terme5. De même, il y a caducité, lorsque les conditions
prévues par la loi sur laquelle se fonde l'acte disparaissent6 (par ex, un décret

1 P.-L. FRIER et J. PETIT, op. cit., p. 489.


2 Idem.
3 L. YUMA, op. cit., p. 141.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 696 ; L. YUMA, op. cit., p. 142.
5 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 699.
6 L. YUMA, op. cit., p. 138.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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prévoyant les modalités d'octroi des bourses d'étude tombera en caducité


lorsqu'une loi viendra supprimer ces bourses).
À côté de la caducité, l'autre mode de disparition est la désuétude, qui
résulte de la non application d'un acte administratif de manière prolongée, à telle
enseigne que l'acte finit par tomber dans l'oubli et peut être considéré
comme n'existant plus1. Toutefois, la désuétude ne met pas fin à
l'existence de l'acte, elle le met simplement en veilleuse, et il pourra à
tout moment réapparaître et sortir ses effets2.

1 Idem.
2 Ibidem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 4
LA RESPONSABILITÉ DE
L'ADMINISTRATION
La poursuite par l'Administration de la satisfaction de l'intérêt
général lui vaut d'être dotée de privilèges exorbitants de droit commun.
L'Administration agit dans ses relations avec les particuliers par des actes
unilatéraux dotés de prérogatives de puissance publique leur valant d'être
exécutés d'office au-delà de toute contestation. Par ailleurs, en vue de
faire régner l'ordre public, l'Administration peut prendre des mesures de
police qui limitent sensiblement les libertés individuelles. Autant de
prérogatives sans contrepied risqueraient de transformer
l'Administration en un monstre pour la liberté, alors même qu'elle est
censée être au service de celle-ci.
La nécessité était donc grandiose de rendre l'appareil administratif
responsable des actes qu'il pose et qui causent dommage à autrui, sur le
modèle des particuliers.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Évolution de la responsabilité administrative
L'obligation pour l'Administration de réparer les dommages causés
à des victimes a connu une évolution historique1.
Au départ, au regard de la souveraineté de l'État (le Roi ne peut mal
faire) et de la particularité de ses fonctions — fondée sur la conception
de l'État-gendarme — limitées à des charges régaliennes d'intérêt général
insusceptibles, en principe, de causer dommage à un particulier, l'État
était irresponsable. Les préjudices éventuels causés par ses fonctions
étaient en quelque sorte des « risques à courir » par les citoyens.
Mais, des raisons pratiques condamnaient le maintien de
l'irresponsabilité. L'ampleur des dommages dus à l'Administration,
croissant avec le développement de son action et la puissance de ses
moyens, faisait de leur réparation une nécessité sociale.
D'abord reconnue pour les actes dits de gestion — qui se
distinguent des actes d'autorité —, qui ne mettaient pas en jeu la
souveraineté de l'État, elle fut admise en principe pour les autres cas par
le célèbre arrêt Blanco. Le tribunal des conflits eut à connaître d'un litige
à propos d'un accident causé à une fillette, Agnès Blanco, par un
wagonnet de la manufacture des tabacs de Bordeaux, exploité en régie
par l'État. Le tribunal des conflits avait estimé que « la responsabilité, qui
peut incomber à l'État pour des dommages causés aux particuliers par le
fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie
par les principes qui sont établis dans le code civil, pour des rapports de
particulier à particulier ; cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue
; elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la
nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés »2. Cet
arrêt a consacré l'existence d'une responsabilité de la puissance publique
indépendamment de tout texte, fondée sur les règles spéciales de droit public.
En Belgique, l'irresponsabilité de l'État, justifiée par le principe de
la souveraineté de la puissance publique, ne pouvait être absolue, car elle
devait se limiter aux cas où l'État a précisément agi en tant que personne
publique exerçant l'imperium. D'où la distinction qui s'opérait entre les
actes d'autorité (armée, voirie, police, services publics), insusceptibles
d'engager la responsabilité de l'État, et les actes de gestion, susceptibles

1 Lire F. VUNDUAWE, op. cit., pp. 761-764 ; J. WALINE, op. cit., pp. 536-539 ;
A. MAURIN, op. cit., p. 139 ; L. YUMA, op. cit., p. 226.
2 T.C., 8 fév. 1873, Blanco. Nos italiques.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'engager la responsabilité aquilienne de l'État personne privée. Mais


dans la pratique, la distinction s'est révélée imprécise et confusionnante.
Avec l'arrêt La Flandria du 5 novembre 1920, la distinction entre
activité publique et privée de l'État va être abandonnée. Cet arrêt pose
le principe que le pouvoir judiciaire est compétent pour ordonner la réparation du
préjudice causé par la faute d'une personne morale de droit public, basée sur les articles
du Code civil consacrés à la responsabilité aquilienne. Plus tard, à propos d'un
arbre situé sur la propriété de la commune de Bruges abattu sur des
plantations contiguës appartenant à un particulier, la Cour de cassation
déclarera que « le juge judiciaire, protecteur des droits civils en vertu de
la Constitution, peut condamner l'Administration à réparer la lésion d'un
droit civil résultant de sa faute. La circonstance que la faute est l'œuvre
d'une autorité publique agissant dans l'exercice d'une mission purement
gouvernementale importe peu. Seul compte la nature du droit lésé »1.
L'arrêt La Flandria constitue l'arrêt de principe en matière de
responsabilité civile de la puissance publique en droit congolais. Il a été
jugé que « la colonie doit être déclarée responsable en vertu de l'article 258 du code
civil, du tort causé par des faits illicites et les fautes commises par ses fonctionnaires
agissant dans la sphère de leurs attributions »2.
Mais la jurisprudence civile belge rejoint aujourd'hui sur plusieurs
points la jurisprudence administrative française. L'Administration ne
saurait être soumise pleinement au droit privé. Étant essentiellement un
pouvoir, elle jouit de privilèges et de prérogatives justifiés par la finalité
de son action. Ainsi a-t-on dit que « ce qui est faute pour le particulier,
agissant dans la poursuite d'un intérêt privé, ne le sera pas
nécessairement pour une Administration qui est tenue d'agir dans
l'intérêt général »3.
Par ailleurs, la responsabilité de l'Administration ne peut être
fondée que sur la faute. Ce serait laisser sans réparation une foule de
dommages causés par les interventions de plus en plus nombreuses de
l'Administration en l'absence de la moindre faute, interventions
commandées par l'intérêt général. Le principe constitutionnel d'égalité
des citoyens devant les charges publiques conduit à la construction d'un
système de responsabilité administrative dont l'originalité permettrait
l'application à la fois du droit public et du droit privé. En effet, ce
principe paraît fournir la solution permettant au juge civil et administratif

1 Cass. b., 5 nov. 1920.


2 Léo., 2 juin 1925 ; Léo., 18 janv. 1927.
3 Paul de Visscher, cité par F. VUNDUAWE, op. cit., p. 765.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de rétablir l'équilibre momentanément rompu, en tenant compte de


toutes les circonstances d'intérêt public et d'intérêt privé.
La responsabilité de droit commun de l'Administration concerne
toutes ses activités ayant un caractère administratif. Elle nécessite la
réunion classique des trois conditions de responsabilité : la faute, le
dommage et le lien de causalité.
Mais, en matière de responsabilité administrative, la faute n'est pas
toujours requise. L'Administration peut également engager sa
responsabilité sans faute, soit pour un risque pris par l'Administration,
soit pour des actes en principe normaux mais causant un dommage
spécial à un particulier, rompant le principe de l'égalité de tous devant la
loi.
Ce régime de responsabilité protège les particuliers et leur permet
d'obtenir réparation des dommages causés par l'Administration.
Mais, de son côté, l'Administration doit aussi être protégée contre
les fautes personnelles de ses agents dont elle ne pourrait avoir à
répondre, et les agents doivent être protégés contre les fautes de service
causées par une défaillance fonctionnelle du service dont ils ne
pourraient avoir à répondre personnellement.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La responsabilité administrative vue sous l'angle de la
protection des administrés
L'Administration répond des dommages causés aux particuliers par
une faute, mais parfois aussi, sans faute.

Section 1
Responsabilité administrative pour faute

Paragraphe 1
Une responsabilité pour fait d'autrui

L'engagement de la responsabilité de l'Administration est


subordonné à la faute d'un de ses représentants, dans la mesure où une
personne morale ne saurait ni vouloir ni agir, ni fauter, que par
l'entremise des personnes physiques. La responsabilité publique est donc
toujours une responsabilité pour fait d'autrui, car la faute de l'Administration
suppose, à tout le moins, la négligence d'un agent1.
La responsabilité de l'Administration est donc fondée sur une
présomption de faute dans le chef de l'Administration. Ce type de
responsabilité vise une plus grande protection des victimes qui n'ont pas à
démontrer la faute dans le chef du civilement responsable2. Sur la liste
des civilement responsables figure les maîtres et commettants, pour les
dommages causés par leurs domestiques et préposés dans les fonctions
auxquelles ils les ont employés3.
Comme conditions4, il doit exister un lien entre le commettant et le
préposé, un lien de préposition ou subordination. Ce lien existe lorsqu'une
personne a autorité sur l'autre qui est son subordonnée et agit selon les
ordres ou instructions de la première5. La caractéristique de la
subordination n'est pas l'existence d'un contrat, ni la rémunération, mais

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 769 ; J. WALINE, op. cit., p. 557 ; L. YUMA, op.
cit., p. 226.
2 Le civilement responsable est celui qui répond du fait d'autrui, en l'occurrence,

l'État. Voir S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 356.


3 Art. 260 Al. 3, Code civil livre 3.
4 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 253-256.
5 Voir par ex. Élis., 26 janv. 1928.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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le droit de direction, de surveillance, de contrôle. Le commettant c'est


celui qui fait appel pour son compte et pour son profit aux services d'un
tiers, le préposé, auquel il a le droit de donner des ordres et des
instructions sur la manière de remplir les fonctions qu'il a confiées.
Le dommage subi par la victime doit être causé par la faute du préposé.
Le dommage doit avoir été causé par le préposé dans l'exercice des
fonctions auxquelles il est employé.
La faute doit avoir été commise au cours du service et être en relation
quelconque, même occasionnelle et indirecte avec les fonctions
auxquelles le préposé est employé1. En cas d'abus de fonction, le
dommage causé engage la responsabilité du commettant dès lors qu'il a
quelque rapport avec les fonctions aux yeux des tiers, victimes, et si ces
tiers ne sont pas informés de cet abus de fonctions.

Paragraphe 2
La faute de l'Administration

La faute commise par l'agent peut être intentionnelle ou non, par


action ou par omission. Un comportement est dit fautif lorsqu'il y aura
non-coïncidence entre le schéma idéal théorique de déroulement des faits qui était
attendu en l'espèce et celui qui s'est effectivement produit. Cela explique que les
agissements susceptibles d'être qualifiés de fautifs sont innombrables2.
La faute est une défaillance dans le fonctionnement normal du service. De
tout service, on est fondé à attendre un certain niveau moyen de
fonctionnement, variable d'ailleurs selon sa mission et selon les
circonstances ; la faute apparaît au-dessous de ce niveau3.
Le manquement aux obligations du service, que constitue la faute
du service, s'apprécie in concreto ce qui veut dire qu'il n'y a pas de norme
de référence. Dans chaque cas d'espèce le juge se demande s'il y a faute
ou non, au regard de ce que l'on était en droit d'attendre du service,
compte tenu de la difficulté plus ou moins grande de sa mission, des
circonstances de temps (les circonstances exceptionnelles), de lieu, des
ressources dont disposait le service en personnel et en matériel etc. Il en
résulte que la faute de service a un caractère relatif, le même fait pouvant,
selon les circonstances, être réputé fautif ou non fautif. Il y a donc une

1 Voir par ex. Kin., 19 oct. 1975.


2 J.-C. RICCI, op. cit., p. 60.
3 J. WALINE, op. cit., p. 557.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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extrême diversité dans les agissements considérés comme fautifs par le


juge1.
La faute peut être une inertie, abstention, inaction, carence ou retard de
l'Administration. Ainsi, il y a faute à ne pas prendre les mesures
administratives d'exécution ordonnées ou impliquées par une loi2 ou par
un acte réglementaire3, ou à ne les prendre que tardivement4 ou hors du
délai raisonnable5. Il y a faute à refuser de de prêter main-forte à
l'exécution d'une décision de justice6. Il y a faute à ne pas mettre en place
un système susceptible d'assurer le respect effectif d'une interdiction
d'utiliser, sans autorisation préalable, un plongeoir dans une piscine
municipale7, à ne pas remplacer des enseignants malades dans un collège,
empêchant ainsi que soient assurées des heures d'enseignement
obligatoire8, à mettre plus de dix ans pour délivrer un titre de pension9,
à ne pas affecter un fonctionnaire dans un délai raisonnable10, à ne pas
s'assurer suffisamment qu'un enfant en bas âge sera bien traité dans sa
famille d'accueil alors qu'il y décédera par suite de sévices11, à ne pas
prendre certaines mesures pour prévenir les conséquences d'une grève12.
Est fautif, le fait pour une juridiction de ne pas statuer dans un délai
raisonnable13. En ce cas, le caractère excessif de la durée de la procédure
constitue une présomption de préjudice, sauf preuve contraire qu'il
appartient à l'Administration de rapporter14.
La faute peut constituer en une action positive, en l'occurrence des
décisions positives illégales15. Il n'y a pas lieu à distinguer entre décision
véritable et simple mesure d'ordre intérieur16. Seule l'illégalité de fond

1 Idem., p. 559.
2 C.E. fr., 4 fév. 2011, Synd. Profession ostéopathe.
3 C.E. fr., 22 oct. 2010, Éliane X.
4 C.E. fr., 10 juill. 2007, Cne d'Ivry-sur-Seine.
5 C.E. fr., 22 oct. 2010, Sté Document Chanel.
6 C.E. fr., sect., 3 nov. 1967, Min. de l'Intérieur.
7 C.E. fr., 9 juill. 1975, Ville de Cognac.
8 C.E. fr., 27 janv. 1988, Min de l'éducation nationale.
9 C.E. fr., 5 juill. 1935, Mourton.
10 C.E. fr., 11 juin 2014, Min. de l'Économie.
11 C.E. fr., 23 sept. 1987, Ouaras.
12 Paris 8 oct. 1993, Sté SOBECA.
13 C.E. fr., 28 juin 2002, Garde des Sceaux.
14 C.E. fr., 19 oct. 2007, Blin.
15 C.E. fr., 15 avr. 2011, Usine de marin et autres.
16 C.E. fr., 9 juin 1978, Spire.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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engage la responsabilité de l'administration1, l'illégalité de forme elle, ne


l'engage que si elle est la cause directe du préjudice2. Par contre, si la
décision est légale, il pourrait éventuellement y avoir responsabilité sans
faute. Il a été jugé que « tout acte illégal qui blesse un droit civil engage
la responsabilité de l'Administration »3.
La faute peut résulter de renseignements erronés ou refusés, de promesses
non tenues ou de certaines recommandations. La responsabilité de la
puissance publique est engagée pour faute par des renseignements
incomplets ou inexacts4, par le refus, préjudiciable, de donner un
renseignement5, par des promesses ou engagements, précis, non tenus6.
Du reste, globalement, la faute est constituée par les agissements
matériels ainsi que par certaines décisions. Ils consistent en imprudence,
négligence, légèreté, inobservation des règles, maladresse, erreur, défaut
de surveillance, malveillance, intention de nuire, etc., tous
comportements qui signent, par leur irrépressible incomplétude, la
présence d’un être humain, donc marqué d’une indélébile imperfection7.
Ainsi est fautif, le fait pour la ville de Clermont-Ferrand
d’intervertir les règles de priorité à un carrefour, du jour au lendemain,
avec maintien au sol des bandes blanches indiquant les anciennes
priorités8, ou le fait de prendre une mesure de police disproportionnée
par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi par elle9.

Paragraphe 3
Le dommage subi par le particulier

Pour engager sa responsabilité, la faute de l'Administration doit


avoir causé un dommage au particulier. Ce dommage, qui peut être
matériel ou moral10.

1 C.E. fr., 10 avr. 2009, Alexandre X.


2 C.E. fr., 19 juin 1981, Carliez.
3 Ie Inst., Élis., 8 juill. 1931 ; Élis., 25 nov. 1939.
4 Marseille 7 fév. 2006, Min Emploi et s.olidarité.
5 C.E. fr., 1e fév. 1980, Frances et autres.
6 C.E. fr., 24 avr. 1964, Sté des huileries de Chauny.
7 J.-C. RICCI, op. cit., p. 63.
8 C.E. fr., 3 oct. 1979, Ville de Clermont-Ferrand.
9 Paris 25 mai 1999, Sté La Péniche publicitaire de Paris.
10 C.E. fr., 29 déc. 2000, Treyssac.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ainsi, la douleur morale résultant, pour un père, de la mort


prématurée de son fils1 constitue par elle-même, en l'absence de tout
préjudice matériel, un dommage indemnisable. Le dommage peut être
esthétique2. Le Conseil d'État français a même accepté d'indemniser le
préjudice d'inquiétude provoqué par l'hépatite C3.
Par ailleurs, le dommage doit être certain, direct, personnel, et
constituer une atteinte en un intérêt légitime juridiquement protégé.

Paragraphe 4
Le lien de causalité

Enfin, le dommage doit être la résultante directe de la faute de


l'Administration. Il doit y avoir un lien de causalité entre la faute de
l'Administration et le dommage subi par le particulier.
Toutefois, l'Administration peut être exonérée de sa responsabilité
en cas de force majeure4.
La faute de la victime est aussi une cause d'exonération. Si la victime a
elle-même rendu le dommage inévitable, ou l'a aggravé, la responsabilité
de l'Administration se trouve totalement ou partiellement dégagée5.
Le fait d'un tiers est également une cause d'exonération. Si le
dommage est dû tout à la fois à une faute de la puissance publique et à
la faute d'un tiers, celle-ci va constituer une cause d'exonération totale
ou partielle de la responsabilité de l'Administration6.

Paragraphe 5
La preuve de la faute et la réparation

La preuve de la faute incombe au particulier. Il existe cependant des


présomptions de faute qui ont pour effet de renverser la charge de la preuve.
Ces présomptions sont instituées en matière d'accidents causés par
le défaut d'entretien normal d'un ouvrage public, et en matière de
conséquences dommageables, anormales et inattendues découlant de
traitements dans les hôpitaux publics. À ce dernier sujet, si un malade

1 C.E. fr., 24 nov. 1961, Letisserand.


2 C.E. fr., 15 juin 1949, Dame Durand.
3 C.E. fr., 27 mai 2015.
4 C.E., sect., 29 juill. 1953, Époux Glasner.
5 C.E. fr., 4 avr. 2005, M. Bonnafoux.
6 C.E. fr., 19 juill. 2017, Commune de Saint-Philippe.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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est atteint, à l'issue d'une intervention chirurgicale, d'une infection alors


qu'aucune faute ne peut être prouvée, le Conseil d'État français estime
que « (…) le fait qu'une telle infection ait pu néanmoins se produire
révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service
hospitalier à qui il incombe de fournir au personnel médical un matériel
et des produits stériles »1.
La réparation se fait en nature, sinon, par équivalent

Section 2
La responsabilité sans faute de l'Administration

Il s'agit plus exactement de la responsabilité « sans faute à prouver ».


L’expression « sans faute à prouver » ne veut nullement dire qu’il n’y a
pas faute, mais seulement que la victime n’a pas à rapporter la preuve qu’une
faute a permis la réalisation du dommage dont elle se plaint. Cette
dispense de preuve peut concerner aussi bien des cas où, en réalité, il y
a bien eu faute, que des cas où, effectivement, aucune faute n’est à
relever2.
La responsabilité sans faute à un double fondement : le risque et la
rupture de l'égalité de tous devant les charges publiques.

Paragraphe 1
La responsabilité sans faute pour risque

Celui qui, à l'occasion d'une activité qui lui est profitable, crée un
risque de dommages pour autrui doit en répondre si le risque se réalise.
Ayant le profit, il doit assumer le risque3.
La responsabilité pour risque se rapporte aux dommages qui ont
leur origine dans des choses dangereuses (explosifs, engins et armes
dangereux, ouvrages publics dangereux) réalisés par l'Administration. Le
dommage a ici un caractère accidentel4.
La responsabilité sans faute pour risque s'applique aux accidents de
travail subis par les agents de l'Administration. Il a été admis l'obligation

1 C.E. fr., 9 déc. 1988, Henri Cohen.


2 J.-C. RICCI, op. cit., p. 65.
3 J. WALINE, op. cit., p. 571.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 772.

434
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de réparer le dommage causé par un accident du travail à un ouvrier


d'une manufacture de l'État sur la seule base du risque créé1.
Depuis, l'intervention du législateur a tari cette jurisprudence, les
agents publics se trouvant garantis, soit par le régime des pensions
d'invalidité, soit par le droit commun des accidents du travail.
Par ailleurs, l'Administration engage sa responsabilité du fait de
l'explosion d'un dépôt de munitions2, du fait de l'usage d'armes à feu par
les services de police3 — à condition que la victime soit un tiers et non
la personne visée par l'opération de police4 —, du fait des essais en vol
d’aéronefs en vue de la délivrance d’un certificat de navigabilité5.

Paragraphe 2
La responsabilité sans faute fondée sur l'égalité de tous devant
les charges publiques

Cette responsabilité se rapporte aux dommages qui sont la


conséquence naturelle et même nécessaire et prévisible à coup sûr, de certaines mesures
par l'effet desquelles des membres de la collectivité sont sacrifiés aux exigences de
l'intérêt général. Elles rompent ainsi l'égalité de tous devant les charges
publiques6.
Ce type de responsabilité part de la constatation que dans certains
cas, l'action de l'Administration, entreprise dans l'intérêt général, va
causer un dommage à une personne ou à un petit nombre de personnes. Ainsi,
dans l'intérêt général, certaines personnes ont subi un préjudice que le
reste de la population n'a pas subi. Il y a, à leur détriment, rupture de l'égalité
devant les charges publiques. La seule manière de rétablir l'équilibre est de
leur accorder la réparation de ce préjudice.
Mais encore faut-il qu'il soit limité à un nombre relativement restreint de
personnes et qu'il revête une certaine importance ; c'est ce qui commande
que l'on exige alors un préjudice spécial7. Le dommage spécial est celui qui
est particulier à la ou les victimes, et non commun à l'ensemble des membres

1 C.E. fr., 21 juin 1895, Cames.


2 C.E. fr., 28 mars 1919, Regnault-Desroziers.
3 C.E. fr., 24 juin 1949, Lecomte et Daramy.
4 C.E. fr., sect., 27 juill. 1951, Dame Auberge.
5 C.E. fr., 18 avr. 1980, SNIAS et Cie d’assurances maritimes, aériennes et terrestres.
6 Art. 174 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.
7 J. WALINE, op. cit., p. 571.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'une collectivité. Il n'y a aucune rupture de l'égalité si chacun subit ce


préjudice1.
La responsabilité sans faute est engagée du fait des actes
règlementaires2, mais aussi du fait des lois, des conventions ou de la
coutume internationales, et des activités judiciaires.
Au sujet des lois formelles, le problème ne se pose que dans le silence
de la loi, car si elle a, soit exclu toute indemnité pour les dommages
qu'elle cause, soit posé le principe et les modalités de l'indemnisation, il
suffit d'appliquer le texte.
Par contre, en cas de silence du législateur, on en déduisait le principe
de l'irresponsabilité de l'État légiférant. On estimait, en règle générale,
que les sacrifices que la loi peut imposer aux citoyens ne sauraient être
compensés par une indemnité lorsque le législateur lui-même n'a pas
envisagé cette indemnisation. On pensait que le juge ne saurait faire
découler d'une loi une responsabilité sans faute sans ajouter à la volonté
du législateur, c'est-à-dire se substituer à lui3. Cette jurisprudence a été
abandonnée par le Conseil d'État français.
Tout d'abord, le Conseil d'État a réaffirmé le principe même de cette
responsabilité de l'État légiférant4. Le silence du législateur n'est plus
désormais considéré comme excluant toute indemnisation5.
Plus loin encore, il a été admis la responsabilité de l'État — mais là,
pour faute — du fait d'une loi déclarée inconstitutionnelle à la suite d'une
question prioritaire de constitutionnalité6.
Il est également admis la responsabilité de l'État du fait des
conventions internationales7, à condition que la convention ait été
régulièrement incorporée dans l'ordre juridique interne, que la
convention (ou la loi autorisant sa ratification) n'ait pas entendu exclure
l'indemnisation, que le préjudice dont il est demandé réparation revête
un caractère grave et spécial8.
La coutume internationale aussi est de nature à engager la responsabilité
sans faute de l'État lorsqu'il en résulte un préjudice grave et spécial9.

1 Idem., p. 546.
2 C.E. fr., 23 mars 1984, Min. du Commerce extérieur.
3 Lire J. WALINE, op. cit., p. 598.
4 C.E. fr., 1er déc. 1961, Lacombe.
5 C.E. fr., 2 nov. 2005, Sté coopérative agricole Ax'ion.
6 TA Paris, 7 févr. 2017, Sté Paris Clichy.
7 C.E, ass., 30 mars 1966.
8 C.E. fr., 29 déc. 2004, Almayrac.
9 C.E., sect., 14 oct. 2011, Mme Saleh.

436
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Enfin, du fait des activités juridictionnelles, le principe de la


responsabilité de l'État est affirmé en France par la loi relative à la
réforme de la procédure civile, qui dispose que « l'État est tenu de réparer
le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la
justice »1. Cette loi s'applique aux seuls tribunaux judiciaires, civils et
répressifs, mais le Conseil d'État français en a transposé le principe aux
juridictions administratives2.
La loi affirme que la responsabilité pour faute de service existe en
cas de faute lourde ou de déni de justice3. La faute lourde (ou déni de
justice) s’entend en l’espèce « des dysfonctionnements relatifs à
l’enquête, à l’instruction, aux actes juridictionnels ; (d') un comportement
d’ensemble des juges, (d’) une somme d’anomalies, de négligences ou de
fautes simples, en elles-mêmes excusables, prises isolément (...) toute
déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant
l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est
investi »4. Ainsi, l'État engage sa responsabilité du fait des activités de
police judiciaire, ou des détentions préventives injustifiées5.
La loi a affirmé également le principe de la garantie par l'État des
victimes des dommages causés par les fautes personnelles des agents ses
services publics de la justice, notamment en cas de prise à partie.

1 Art. 11, Loi du 5 juillet 1972 relative à la réforme de la procédure civile.


2 C.E. fr., 29 déc. 1978, Darmont.
3 Voir par ex. Cass. fr., Civ., 1e, 9 mars 1999, Malaurie et autres.
4 Cass. fr., ass. plén., 23 fév. 2001, Bolle-Laroche.
5 J. WALINE, op. cit., p. 603.

437
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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438
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
La responsabilité administrative vue sous l'angle de la
protection de l'Administration
Sous l'angle de la protection de l'Administration, on distingue la
faute de service de la faute personnelle, entendu que l'Administration ne répond
qu'en cas de faute de service. En cas de faute personnelle, l'agent est responsable et
doit réparer le préjudice sur son propre patrimoine sur fond de l'article
258 du CCL31.
La faute personnelle est celle qui se détache assez complètement du service
pour que le juge judiciaire puisse en faire la constatation sans porter pour
autant une appréciation sur la marche même de l'Administration.
La faute de service au contraire est tellement liée au service que son
appréciation par le juge judiciaire implique nécessairement une
appréciation sur le fonctionnement du service.
La faute personnelle est celle qu'il convient de laisser à la charge de
son auteur. La faute de service est celle qu'il serait inopportun ou injuste
de lui faire supporter personnellement2.
Laferrière3 enseigne qu'il y a faute de service si l'acte dommageable
est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à
erreur. Il y faute personnelle s'il révèle l'homme avec ses faiblesses, ses
passions, ses imprudences. En clair, la faute personnelle ou faute
détachable du service est celle qui est commise par l'agent et qui est étrangère
à l'exercice normal de ses fonctions4. La faute de service est toute défaillance dans
le fonctionnement normal du service incombant à un ou plusieurs agents de
l'Administration mais non imputable à eux personnellement. Elle est liée à la
mauvaise organisation ou au mauvais fonctionnement du service5.
La faute personnelle est donc, soit une faute commise en dehors
du service, matériellement, telle l'utilisation d'armes à feu par des
militaires, policiers, douaniers en dehors de toute mission6 ; soit la faute
commise dans ou à l'occasion du service mais comportant une intention

1 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 775.


2 J. WALINE, op. cit., pp. 591-592.
3 Cité par J. WALINE, op. cit., p. 591.
4 F. VUNDUAWE, op. cit., p. 774.
5 Idem., p. 775.
6 C.E. fr., 23 juin 1954, Dame veuve Litzler.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de nuire ou présentant une gravité inadmissible, tels les propos


blasphématoires et obscènes tenues par un instituteur devant ses élèves1.
En cas de faute personnelle, l'agent est responsable et doit réparer
le préjudice sur son propre patrimoine sur fond de l'article 258 du CCL3.
En cas de faute de service, l'agent n'engage pas sa responsabilité
personnelle. L'Administration répare le préjudice causé. En cas de cumul
de fautes personnelles et de service, le juge évalue in concreto l'étendue
du partage de responsabilité.

1 T.C. fr., 9 juill. 1953, Dame veuve Bernidas.

440
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Loi organique du 15 octobre 2016 portant
organisation, compétence, et fonctionnement des juridictions
de l’ordre administratif.
3. Loi n°8/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions
générales applicables aux établissements publics.
4. Loi N° 08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions
générales relatives à la transformation des entreprises
publiques.
5. Loi n° 16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des
agents de carrière des services publics de l’État.
6. Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime immobilier et foncier et régime des
sûretés.
7. Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches
public.
8. Loi n° 10/007 du 27 février 2010 modifiant et
complétant l’Ordonnance-loi n° 68-400 du 23 octobre 1968
relative à la publication et à la notification des actes officiels.
9. Ordonnance, n° 82-028 du 19 mars 1982 portant
règlement d'administration relatif au recrutement du personnel
de carrière des services publics de l'État.
10. Ordonnance, 82-030 du 19 mars 1982 portant
règlement d'administration relatif aux missions officielles, aux
déplacements à l'intérieur du territoire national et au transport
des bagages.
11. Ordonnance, 82-029 portant règlement de
l’Administration relatif à la carrière du personnel des services
publics de l’État.
12. Ordonnance, 90-177 du 24 août 1990 portant
réglementation des sceaux officiels de la République du Zaïre.
13. Ordonnance-loi n° 68-400 du 23 octobre 1968
relative à la publication et à la notification des actes officiels.
14. Décret-loi n° 017/2002 du 3 octobre 2002 portant
code de conduite de l’agent public de l’État.

441
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

15. Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des


obligations conventionnelles.

B. DOCTRINE

1. J.-M. AUBY et alii., Droit de la fonction publique, Dalloz,


Paris, 2012.
2. J.-M. AUBY et alii., Droit administratif des biens, Dalloz,
Paris, 2016.
3. G. DUPUIS et alii., Droit administratif, Arman Colin,
Paris, 2007.
4. P.-L. FRIER et J. PETIT, Précis de droit administratif,
LGDJ, Paris, 2017.
5. S. HOURSON et P. YOLKA, Droit des contrats
administratifs, LGDJ, Paris, 2020.
6. KALONGO MBIKAYI, Droit civil. Tome 1 les
obligations, EUA, Kinshasa, 2012.
7. V. KANGULUMBA, Précis de droit civil des biens.
Théorie générale des biens et théorie spéciale des droits réels fonciers et
immobiliers congolais, Tome 1, Academia-Bruylant, Louvain-la-
Neuve, 2007.
8. A. MARAIS, Introduction au droit, Paris, 2018.
9. A. MAURIN, Droit administratif, Sirey, Paris, 2018.
10. J.-C. RICCI, Droit administratif, 2013.
11. F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité de droit
administratif, Larcier, Bruxelles, 2007.
12. J. WALINE, Droit administratif, Dalloz, Paris, 2018.
13. L. YUMA, Manuel de droit administratif général, CEDI,
Kinshasa, 2015.

442
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

3. Le droit judiciaire
Le droit judiciaire est la branche du droit public qui étudie le pouvoir
judiciaire. Aux termes de la Constitution, « le pouvoir judiciaire est dévolu aux
cours et tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le
Conseil d’Etat, la Haute Cour militaire ainsi que les cours et tribunaux civils et
militaires »1. Cela dit, aux acteurs de l'administration de la justice, il faut
ajouter les parquets et la police judiciaire, régis (ensemble avec le juge),
par le principe de séparation des fonctions judiciaires ; mais aussi le
barreau et corps de défenseurs judiciaires, et les greffes2. Les magistrats,
sont régis par un statut particulier justifié par leur indépendance, dans
l'exercice de leurs attributions de garantie des libertés individuelles et des
droits fondamentaux des citoyens.

1 Art. 149 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 85.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
LES COURS ET TRIBUNAUX

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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446
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Le statut du magistrat
Le personnel judiciaire comprend entre autres les magistrats1. Il s'agit
des magistrats du siège et du parquet, de la Cour de cassation, du Conseil
d'État et de la Haute Cour militaire aux tribunaux de paix, aux tribunaux
administratifs et aux tribunaux militaires de police.
Les magistrats sont des agents des services publics de l'État2, plus
précisément du service public de la justice. Ils sont soumis à un statut
particulier, distinct du statut de la fonction publique, caractérisé par son
indépendance à l'égard du pouvoir exécutif. Ce dernier n'intervient pas,
contrairement au cas du fonctionnaire classique, dans sa carrière. De son
recrutement à sa retraite, et dans chaque position de carrière, le magistrat
est géré par le conseil supérieur de la magistrature. Celui-ci assure la gestion
de la carrière des magistrats et dispose, à cet effet, des pouvoirs de
proposition en matière de nomination, promotion, démission, mise à la
retraite, révocation et de réhabilitation des magistrats3. Il exerce en outre
le pouvoir disciplinaire4. Si les magistrats sont nommés, promus, mis à
la retraite et révoqués par le Président de la République, il s'agit en réalité
d'une compétence liée, car ce pouvoir s'exerce sur proposition du conseil
supérieur de la magistrature5. Le Conseil supérieur de la magistrature
apparaît ainsi comme « la véritable clef de voûte du système judiciaire »6.

1 Art. 1, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 1, Décret-loi n° 017/2002 du 3 octobre 2002 portant code de conduite de

l’agent public de l’État.


3 Nous ne traiterons plus ici que des éléments propres au statut des magistrats.
4 Exposé des motifs, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant

organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.


5 Exposé des motifs, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant

organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.


6 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 678.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 1
Du recrutement, du signalement et des promotions de grade

Paragraphe 1
Le recrutement

Nul ne peut être nommé magistrat s'il ne réunit entre autres comme
conditions1 : la possession de la nationalité congolaise, un âgé d'au moins
21 ans accomplis et au plus 40 ans, la jouissance de la plénitude de ses
droits civiques, et d’un diplôme de docteur ou de licencié en droit.
Le recrutement s’effectue en principe sur concours2. Mais, il peut se
faire sur titre lorsque le nombre de candidats ne dépasse pas celui de
postes à pourvoir. Dans tous les cas, le recrutement est effectué à
l’initiative du Conseil supérieur de la magistrature et requiert une publicité
préalable par voie d’avis officiel. Les candidats ayant exercé comme
Avocat durant au moins cinq ans sont dispensés du concours. Ils sont
recrutés sur titre3.
Les candidats retenus à l'issue du recrutement sont, sur proposition
du Conseil supérieur de la magistrature, nommés tout en bas de l'échelle,
au Tribunal de Paix, Substituts du Procureur de la République, par le
Président de la République4. Le magistrat n’entre en fonction qu’après
avoir prêté verbalement ou par écrit, devant la juridiction à laquelle il est
affecté, le serment de « respecter la Constitution et les lois de la
République démocratique du Congo et de remplir loyalement et
fidèlement, avec honneur et dignité, les fonctions qui (lui) sont confiées
»5. Chaque magistrat est inscrit sous un numéro d’immatriculation
personnel constitutif de référence d’identification professionnelle6.

1 Lire Art. 1, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats telle que modifiée à ce jour.
2 Lire Art. 2, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
3 Art. 3, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
4 Art. 4, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
5 Art. 5, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
6 Art. 6, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Le signalement et la promotion

Le signalement est obligatoire pour tous les magistrats, à l’exception du


Premier président de la Cour de cassation, du Premier président du
Conseil d’Etat et des Procureurs généraux près ces juridictions.
L'appréciation du mérite fonctionne à double échelon : le premier est
celui du grade compétent pour proposer la côte, le second est celui
compétent pour attribuer définitivement la côte. Il s'agit, pour chaque
échelon, de l'autorité de grade supérieur1.
Le Président de la République a seul le pouvoir de promouvoir le magistrat
sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature2. De même, les
chefs des juridictions et les chefs d’offices des parquets sont nommés
par le Président de la République, sur proposition du Conseil supérieur
de la magistrature3. Le magistrat nommé ou désigné à de nouvelles
fonctions renouvelle son serment devant la juridiction à laquelle il est attaché.
Le magistrat nommé ou désigné à la Cour de cassation, au Conseil d’Etat
ou aux parquets généraux près ces juridictions prête serment devant le
Président de la République4.

Section 2
L'inamovibilité du magistrat

« Le magistrat du siège est inamovible »5. L'inamovibilité est la situation


juridique de celui qui, investi d’une fonction publique, ne peut être révoqué, suspendu,
déplacé (même en avancement) ou mis à la retraite prématurément (sauf pour faute
disciplinaire ou raison de santé et, en pareils cas, dans les conditions et les formes
prévues par la loi)6. Autrement, elle signifie que le magistrat du siège, non
seulement ne peut être révoqué, suspendu ou mis à la retraite d’office,

1 Lire Art. 8, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 11, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.
3 Art. 16, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.
4 Art. 13, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.
5 Art. 150 Al. 4, Constitution du 18 février 2006. ; Art. 14, Loi organique n°

06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats.


6 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1135.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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en dehors des garanties prévues par le statut1, mais encore qu’il ne « peut
recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement »2.
Plus simplement, l'inamovibilité est la « situation de qui ne peut être ôté d’un
poste »3.
Elle constitue une garantie qui a pour objet d’assurer l’indépendance du
magistrat et pour finalité la protection des droits et libertés du justiciable4.
L’inamovibilité : « a été rétablie et constitutionnellement affirmée (...)
pour leur permettre de conserver une indépendance dont dépend en
grande partie la qualité de la justice qu’ils rendent », écrivait Raymond
Odent5. En effet, un magistrat perdrait de la sérénité nécessaire à
l’exercice de ses fonctions, s’il devait continuellement redouter une
éviction arbitraire. « Un juge qui craint pour sa place ne rend plus la
justice »6, dit le Procureur général Dupin.
La conséquence de cette inamovibilité est que le juge « ne peut être
déplacé que par une nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée
décidée par le Conseil supérieur de la magistrature ». Il en ressort que ce principe
n'est pas absolu, il souffre de dérogations que sont la nouvelle nomination,
la demande du seul juge concerné ou la rotation des juges décidée et motivée par
le Conseil supérieur de la magistrature. Autrement, le juge conserve, non
seulement son grade, mais aussi son emploi et sa fonction. Ainsi par
exemple, le Conseil constitutionnel français a eu à invalider une
disposition légale prévoyant la possibilité de changer l’affectation du
magistrat chargé d’assurer le remplacement du titulaire en congé de
longue maladie, au motif que la loi ne subordonnait ce changement « ni
au consentement du magistrat concerné ni à aucune condition légale »7.

1 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 682.


2 C.C. fr., Décis n° 67-31 DC, 26 janvier 1967.
3 P. AVRIL et J. GICQUEL, op. cit., p. 74.
4 O. PLUEN, L'inamovibilité des magistrats : un modèle ?, Thèse, Université

Panthéon-Assas, Paris, 2011, p. 29.


5 Cité par O. PLUEN, op. cit., p. 29.
6 Cité par O. PLUEN, op. cit., p. 29.
7 CC 80-123 DC, 24 octobre 1980.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 3
Droits, devoirs et régime disciplinaire du magistrat

Paragraphe 1
Les droits du magistrat

Les magistrats bénéficient d’une rémunération suffisante à même de


conforter leur indépendance1. La nomination et la promotion donnent
droit au traitement initial du grade conféré2. Les traitements initiaux sont
annuellement majorés de 4%, 3% ou 2% selon que le magistrat a obtenu
la cote « élite », « très bon » ou « bon ». Ces augmentations sont dues, à
partir du 1er janvier de chaque année qui suit la date du signalement3.
Le magistrat a en outre droit notamment à une carte de service ; un
passeport diplomatique pour le magistrat de la Cour de cassation, du
Conseil d’Etat et des parquets généraux près ces juridictions, ce pour lui-
même, son conjoint et ses enfants à charge ; un passeport de service
pour les autres magistrats ; un insigne à la boutonnière de couleur rouge
avec une balance en or pour le magistrat de la Cour de cassation, du
Conseil d’Etat et des parquets généraux près ces cours ; de couleur
blanche avec une balance rouge pour le magistrat près la Cour d’appel et
des Cours administratives d’appel et des parquets généraux près ces
cours ; de couleur blanche avec une balance noire pour les autres
magistrats.
Le magistrat se voit en plus accorder des avantages sociaux, tels que
les allocations familiales pour le conjoint du magistrat et les enfants à
charge ; les soins de santé pour lui-même, son conjoint et les enfants à
charge ; l’indemnité de logement, à défaut d’être logé par l’Etat ; les
allocations d’invalidité ; les frais funéraires pour lui-même, son conjoint
et ses enfants à charge ; les frais de transport, à défaut d’un moyen de
transport de l’Etat ; les frais de rapatriement ; le pécule des vacances4.

1 Art. 25, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 22, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
3 Art. 21, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
4 Art. 25, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Les devoirs du magistrat

En plus des obligations imposées en tant qu'agent de l'État, le


magistrat est tenu de servir l’Etat avec fidélité, dévouement, dignité,
loyauté et intégrité. Il témoigne de son esprit civique par un effort
soutenu en vue de s’améliorer, en se soumettant à une formation et à un
perfectionnement permanents. Il veille, dans l’accomplissement de sa
tâche, à sauvegarder l’intérêt général et à accomplir personnellement et
consciencieusement toutes les obligations qui, en raison de ses
fonctions, lui sont imposées par les lois et les règlements1.

Paragraphe 3
Les incompatibilités à la fonction de magistrat

Hormis les cas de détachement ou de disponibilité, les fonctions de


magistrat sont incompatibles avec toute activité professionnelle, salariée ou
non, dans le secteur public ou privé2. Aucun magistrat ne peut
directement ou indirectement exercer un commerce quel qu’il soit3.
Toutefois, le Président du Conseil supérieur de la magistrature peut, dans
des cas particuliers, autoriser un magistrat à enseigner dans une
université ou dans un institut supérieur4. Par ailleurs, les magistrats
parents ou alliés jusqu’au troisième degré, en ligne directe ou en ligne
collatérale, ne peuvent siéger dans une même affaire5.

1 Art. 27, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 65, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
3 Art. 66, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
4 Art. 67, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
5 Art. 69, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
Le régime disciplinaire du magistrat

Point 1
La faute disciplinaire

Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur ou à


la dignité de ses fonctions, constitue une faute disciplinaire1. Un peu plus
précisément, la loi énumère comme comportements constitutifs de faute
disciplinaires « le fait, pour un magistrat du Parquet, de ne pas rendre
son avis dans les délais de dix jours au pénal ; trente pour les matières
du travail ; trente jours pour les affaires civiles ou commerciales ; le fait
pour les juges de ne pas rendre une décision dans les mêmes délais ; le
fait pour un magistrat de chercher directement ou indirectement à entrer
en contact avec les parties en cause avant son avis, ou sa décision ; le fait
de procéder à des arrestations et détentions arbitraires ; le fait de ne pas
informer l’inculpé ou prévenu de ses droits ; le fait d’encourager ou de
pratiquer la torture ; le fait pour un magistrat de violer les termes de son
serment ; le fait pour un magistrat, au cours de l’instruction, de se rendre
coupable des tortures ou d’autres traitements cruels, inhumains,
dégradants ou encore d’harcèlements et des violences sexuelles »2. Mais
il s'agit d'une énumération non-exhaustive, bien d'autres comportements
peuvent constituer une faute disciplinaire.

Point 2
L'enquête disciplinaire

Les chefs de juridictions et les chefs d’offices des parquets constatent toute
faute disciplinaire commise par les magistrats placés sous leur autorité.
Ils constatent en outre toute faute disciplinaire commise par les chefs de
juridiction ou par les chefs d’office des parquets inférieurs. Les fautes
disciplinaires commises par les Premiers présidents de la Cour de
cassation ou du Conseil d’Etat sont constatées par les Procureurs
généraux près ces juridictions. Celles commises par ces derniers sont

1 Art. 46, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 47, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

constatées par les Présidents des juridictions près ces offices. Il en est
ainsi également des plus hauts magistrats des juridictions militaires1.
Tout constat de faute disciplinaire est suivi de l’ouverture d’une
enquête2. Les chefs de juridictions et les chefs d’offices des parquets
peuvent désigner un magistrat de rang au moins égal à celui du magistrat
mis en cause pour accomplir les devoirs d’enquête qu’ils précisent.
Toutefois, lorsque la faute disciplinaire est commise soit par les Premiers
présidents de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat, soit par les
Procureurs généraux près ces juridictions, le Président du Conseil
supérieur de la magistrature désigne un Président de la Cour de cassation,
du Conseil d’Etat ou un Premier avocat général près ces juridictions pour
mener l’enquête. Le magistrat chargé de l’enquête adresse un rapport,
selon le cas, au Président du Conseil supérieur de la magistrature ou aux
chefs de juridictions ou chefs d’offices des parquets.
Au cours de l’enquête, le magistrat qui en est chargé entend
l’intéressé et, s’il y a lieu, le plaignant et les témoins. Il peut aussi les faire
entendre par un magistrat de rang au moins égal à celui du magistrat
poursuivi. Il accomplit ou fait accomplir tous les actes d’investigation
utiles3.
Le Président du Conseil supérieur de la magistrature, les chefs de
juridictions et les chefs d’offices des parquets peuvent, si les faits leur
paraissent graves, interdire, à titre conservatoire, au magistrat poursuivi, l’exercice
de ses fonctions jusqu’à la décision définitive. Sauf en cas de poursuites
judiciaires, la mesure d’interdiction devient caduque si, dans les trois
mois à dater de sa notification, l’action disciplinaire n’est pas clôturée
par une décision de classement sans suite ou par l’application d’une
peine. Toutefois, le Chef hiérarchique immédiatement supérieur à celui
qui a pris la décision d’interdiction peut, à tout moment, dans l’intérêt
du service, lever la mesure d’interdiction prise par les chefs de
juridictions et les chefs d’offices des parquets4.

1 Art. 50, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 51, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
3 Art. 53, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
4 Art. 54, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

454
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Dès réception du dossier avec le rapport d’enquête, le chef de


juridiction ou le chef d’office de parquet, décide soit de le classer sans
suite, soit de l’envoyer en fixation devant le Conseil supérieur de la
magistrature. Dans ce dernier cas, ils transmettent le dossier disciplinaire
au Président de la chambre compétente pour connaître de la cause1.

Pont 3
Le jugement

Lorsque l’enquête est complète et qu’il y a lieu de poursuivre, le


magistrat est cité à comparaître devant le Conseil supérieur de la magistrature, à la
requête du Chef de juridiction ou de l’office ayant initié l’action
disciplinaire2. Le magistrat poursuivi et son conseil ont droit à la
communication, sans déplacement, de toutes les pièces du dossier. Cette
communication est rendue possible cinq jours au moins avant3.
Au jour fixé par la citation et après lecture du rapport, le magistrat
est invité à fournir ses explications et moyens de défense sur les faits qui
lui sont reprochés. Le magistrat cité est tenu de comparaître en personne. Il
peut se faire assister par un avocat ou un autre magistrat de son choix.
Si, hors le cas de force majeure justifié, le magistrat poursuivi ne
comparaît pas, le Conseil supérieur de la magistrature peut néanmoins
statuer valablement. La décision est réputée contradictoire4.
Le Conseil supérieur de la magistrature siège et statue à huis clos
par décision prise à la majorité des voix, au plus tard dans les trois jours
qui suivent la clôture des débats5.
Suivant la gravité des faits, les peines disciplinaires sont le blâme ; la
retenue d’un tiers du traitement d’un mois ; la suspension de trois mois
au maximum avec privation de traitement ; la révocation6. Le magistrat

1 Art. 55, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 56, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
3 Art. 57, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
4 Art. 58, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
5 Art. 59, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
6 Art. 48, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

455
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

frappé de l’une de ces sanctions au premier degré, peut relever appel ; à


l’exception des magistrats de la Cour de cassation, du conseil d’Etat et
des parquets généraux près ces juridictions à l’égard de qui la sanction
est prononcée en premier et dernier ressort. Le blâme, la retenue du
traitement et la suspension sont prononcés par le Conseil supérieur de
la magistrature et la révocation par le Président de la République sur
proposition du Conseil supérieur de la magistrature1.
La sanction prend effet au jour où l’appel n’est plus recevable, ou
au jour de la notification de la décision devenue définitive2. L’appel est
suspensif de l’exécution de la sanction. Le magistrat qui a subi l’une des
trois premières sanctions citées ci-haut est écarté de la promotion en
cours, il ne pourra bénéficier de la promotion. Mais l’action disciplinaire
demeure bien entendu distincte et indépendante de l’action répressive à
laquelle peuvent donner lieu les mêmes faits.

Section 4
Les positions de carrière du magistrat

Les positions de carrière du magistrat sont l'activité de service, le


congé, le détachement et la disponibilité. Tout magistrat est placé dans
une des positions ci-dessus3.

Paragraphe 1
L'activité

L’activité de service est la position du magistrat qui exerce


effectivement les attributions inhérentes à sa fonction4. On y assimile les
missions officielles.

1 Art. 49, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 60, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
3 Art. 28, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
4 Art. 29, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

456
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Le congé

Le congé est la position du magistrat dont les fonctions sont


temporairement interrompues pour des raisons de santé, pour lui assurer une
détente ou lui permettre de faire face à certaines circonstances
importantes de la vie. Le congé est assimilé à l’activité de service au
regard de la carrière, c'est-à-dire que le temps est compté dans la
promotion. Le départ en congé du magistrat rend son poste
temporairement vacant. A l’exception du congé, le magistrat réoccupe
d’office son poste, sans qu’il soit besoin d’une mesure préalable de
réaffectation1.
Le magistrat a droit à un congé de reconstitution de trente jours
ouvrables pris chaque année compte tenu des nécessités de service ; à
des congés de maladie ou d’infirmité dûment constatées par un certificat
médical et mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions
; et à des congés de circonstances qui ne peuvent être pris qu’au moment
des événements qui les justifient. Ces événements peuvent être le
mariage, le décès, l'accouchement, le déménagement. La durée du congé
varie suivant l'événement2. Le congé est accordé par le magistrat de grade
supérieur à celui de l'agent concerné3.

Paragraphe 3
Le détachement

Le détachement est la position du magistrat qui est autorisé à


interrompre provisoirement ses fonctions pour prester ses services au sein
d’administrations, institutions ou organismes officiels autres que ceux qui dépendent
du Pouvoir judiciaire4. Le détachement est accordé par les Premiers
présidents de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat ou les Procureurs
généraux près ces juridictions, selon qu’il s’agit d’un magistrat du siège

1 Art. 30, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 31, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.
3 Lire Art. 32, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.
4 Art. 33, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.

457
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ou du parquet, pour une durée qui ne peut excéder trois ans. Toutefois,
le détachement peut être renouvelé une seule fois.
Le détachement ne peut être accordé qu’à un magistrat revêtu d’un
grade égal ou supérieur à celui de juge du Tribunal de Grande Instance
ou de Premier Substitut du Procureur de la République. Le magistrat qui
fait l’objet d’une procédure disciplinaire ne peut être détaché1.
Le détachement rend vacant le poste occupé par le magistrat. Le
temps pendant lequel le magistrat est placé dans cette position est
compris dans sa carrière et compte donc pour la promotion. Pendant
son détachement, le magistrat n'est plus régi par le statut des magistrats.
Il est soumis au statut de l’administration, de l’institution ou de
l’organisme officiel auprès duquel il est détaché et qui le rémunère2.
A l’expiration du détachement, sauf pour le magistrat de la Cour de
cassation, du Conseil d’Etat ou des parquets généraux près ces
juridictions qui reprend d’office le service, les autres magistrats sont
replacés en activités de service et réaffectés par le Président du Conseil
supérieur de la magistrature, sur proposition du Premier président de la
Cour de cassation, du Conseil d’Etat ou des Procureurs généraux près
ces juridictions, selon que le magistrat est du siège ou du Ministère
public.

Paragraphe 4
La disponibilité

La disponibilité est la position du magistrat qui interrompt ses services,


pour convenances personnelles ou pour une cause indépendante de sa volonté, ou qui
est autorisé à les interrompre dans l’intérêt du service. La disponibilité est donc
prononcée soit d’office, soit à la demande du magistrat, par le Président
du Conseil supérieur de la magistrature3.
L'agent est mis en disponibilité d'office4 : pour cause de maladie ou
d'infirmité, lorsqu’il a obtenu, pendant une période de douze mois

1 Art. 34, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 35, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
3 Art. 36, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
4 Art. 37, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

458
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

consécutive, des congés de maladie d’une durée totale de six mois et qu’il
n’est pas apte à reprendre son service à l’expiration de son dernier congé.
La durée de la disponibilité ne peut, en ce cas, dépasser un an. Le
magistrat perçoit la moitié de son traitement d’activité et conserve le
bénéfice entier des avantages sociaux alloués en cours de carrière. La
durée de la disponibilité est comprise dans la carrière. Le magistrat est
tenu de se soumettre à l’examen de la Commission médicale d’inaptitude
chaque fois que cela est jugé opportun.
Le magistrat peut être mis en disponibilité d'office pour effectuer,
dans l’intérêt du service, des études ou stage de perfectionnement au
pays ou à l’étranger. Dans ce cas, il perçoit la moitié de son traitement
majorée de l’intégralité des avantages sociaux.
Le magistrat peut encore être mis en disponibilité d'office lorsqu’il
est nommé par le Président de la République à d’autres fonctions hors
du Pouvoir judiciaire ; ou lorsqu’il est appelé à exercer d’autres fonctions
hors du Pouvoir judiciaire. Dans ces cas, le magistrat n'est plus régi par
le statut des magistrats. Il est soumis au statut de l’institution ou de
l’organisme auprès duquel il exerce ou est nommé et qui le rémunère. La
durée de la disponibilité est comprise dans la carrière.
La disponibilité à la demande du magistrat ne peut être accordée
que1 : pour l’exercice des fonctions politiques ou électives incompatibles
avec sa profession. Dans ce cas, la durée de la disponibilité correspond
à celle de la fonction politique ou du mandat électif. Le magistrat perd
le bénéfice du traitement et des avantages sociaux. La durée de la
disponibilité est comprise dans la carrière.
Elle peut être prononcée pour effectuer des études ou des
recherches au pays ou à l’étranger présentant un intérêt général pour le
pays. Dans ce cas, la durée de la disponibilité ne peut excéder cinq ans,
néanmoins, cette durée est renouvelable une fois. Le magistrat perçoit le
quart de son traitement majoré des avantages sociaux. La durée de la
disponibilité est comprise dans la carrière, sauf si les études ou les stages
ne sont pas effectués avec succès. La disponibilité sollicitée pour raison
d’études ne peut être accordée qu’au magistrat ayant acquis une
ancienneté de trois ans au moins dans la carrière. Elle ne peut être
accordée à un magistrat qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire.
Le magistrat peut encore être mis en disponibilité à sa demande
pour des raisons sociales : dans le cas où il accompagne son conjoint en

1Art. 38, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

459
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

mutation. Le magistrat bénéficie du quart de son traitement pendant une


année, pour autant qu’aucune possibilité d’affectation ne soit trouvée au
lieu du nouveau poste d’attache du conjoint ; dans le cas où le magistrat
accompagne son conjoint ou son enfant mineur dans un lieu
d’hospitalisation ou de traitement au pays à l’étranger. Dans ce cas, la
durée de la disponibilité ne peut excéder un an. Le magistrat bénéficie
de la moitié de son traitement majorée des avantages sociaux pendant
une période d’un an.
La durée de la disponibilité est comprise dans la carrière.
La disponibilité rend vacant le poste occupé par le magistrat. A
l’expiration de la période de disponibilité, le magistrat est replacé en
activité de service, sauf le cas de mise en disponibilité pour cause de
maladie ou d’infirmité le rendant inapte ; ou de l’ impossibilité pour le
magistrat de rejoindre son poste d’attache1.

Section 5
La cessation des fonctions de magistrat

Paragraphe 1
La relève anticipée des fonctions

Le magistrat peut être relevé de ses fonctions pour inaptitude


physique2, professionnelle3, ou pour autre motif à la demande du magistrat
concerné ou du Conseil supérieur de la magistrature4.
Le magistrat qui, de l’avis conforme d’une Commission médicale,
est déclaré inapte au service des suites de maladie ou d’infirmité grave et
permanente, est relevé de ses fonctions par le Président de la République,
sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature.
La relève anticipée des fonctions peut aussi être prononcée par le
Président de la République, soit à la demande de l’intéressé, soit sur celle
conjointe du Premier président de la Cour de cassation, du Conseil

1 Art. 41, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 42 Al. 1, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.
3 Art. 43, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.
4 Art. 42 Al. 2, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.

460
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d’Etat et des Procureurs généraux près ces juridictions, sur proposition


du Conseil supérieur de la magistrature.
Le magistrat qui, de l’avis d’une Commission de trois membres au
moins, fait preuve de manière habituelle dans l’exercice de ses fonctions,
d’une incompétence notoire ou d’une grave ignorance du droit, est relevé
de ses fonctions par le Président de la République. La composition de la
commission est fixée par le Conseil supérieur de la magistrature, sur
demande conjointe du Premier président de la Cour de cassation ou du
Conseil d’Etat et des Procureurs généraux près ces juridictions. Les
membres de la Commission prévue à l’alinéa précédent, sont choisis
parmi ceux du Conseil supérieur de la magistrature revêtus d’un grade
égal ou supérieur à celui du magistrat concerné.

Paragraphe 2
La démission

Point 1
La démission volontaire

Le magistrat désireux de mettre fin à ses fonctions adresse sa


démission au Président de la République par le canal de son chef
hiérarchique. Le Président de la République statue sur la demande en
prenant, le cas échéant, une ordonnance acceptant la démission. En
attendant la notification de cette ordonnance, le magistrat reste en
fonction. Toutefois, si, dans les quatre mois du dépôt de sa lettre auprès
de son Chef hiérarchique, aucune suite ne lui a été réservée, la démission
est acquise et le magistrat concerné peut procéder à la remise et reprise
de son cabinet de travail.
Une fois la procédure de démission épuisée, le magistrat concerné
bénéficie de son allocation de fin de carrière. Le montant de cette
allocation est égal à un quart, deux quarts ou trois quarts du montant
annuel du dernier traitement d’activité, selon que l’intéressé a accompli
une carrière d’au moins dix ans, quinze ans ou vingt ans. L’allocation de
fin de carrière est exempte de toute imposition.

461
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
La démission d'office

Est considéré comme démissionnaire d’office1 : le magistrat en


congé qui, sans juste motif, n’aura pas repris le service après trente jours
à dater de l’expiration de son congé ; le magistrat en disponibilité qui,
après trente jours, méconnaît l’ordre écrit, du Premier président de la
Cour de cassation, du Conseil d’Etat ou des Procureurs généraux près
ces juridictions, selon le cas, pour la reprise de ses fonctions ; le
magistrat qui n’a pas prêté ou renouvelé le serment dans le délai d’un
mois à partir du jour où il lui a été notifié une invitation écrite à ce faire
; le magistrat qui, nommé ou promu, et ayant prêté ou renouvelé son
serment, ne s’est pas conformé, dans les trente jours, à l’ordre écrit qui
lui a été donné d’entrer en fonction ; le magistrat en détachement qui,
trente jours après la fin de son détachement, méconnaît l’ordre écrit du
Premier président de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat ou des
Procureurs généraux près ces juridictions, selon le cas, de reprendre ses
fonctions. La démission est constatée par une ordonnance du Président
de la République, sur proposition du Conseil supérieur de la
magistrature.

Section 6
La retraite

Le magistrat est mis à la retraite à la date à laquelle il atteint l’âge de


soixante-cinq ans ou lorsqu’il a effectué une carrière de trente-cinq ans de service
ininterrompu. Toutefois, en ce qui concerne spécialement le magistrat de
la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et des parquets généraux près ces
juridictions, la limite d’âge pour la retraite est fixée à soixante-dix ans.
Dans tous les cas, lorsque le magistrat a atteint l’âge de cinquante-cinq
ans et qu’il a accompli une carrière d’au moins vingt-cinq ans de services,
il peut faire valoir ses droits à la retraite anticipée2.

1 Art. 45, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.
2 Art. 70, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.

462
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Une pension de retraite est accordée1. Elle est égale aux trois quarts du
dernier traitement mensuel d’activité. Lorsque le barème des traitements
des magistrats en activité subit une augmentation, la pension de retraite
est revue dans les mêmes proportions. Le magistrat retraité a aussi droit
aux soins de santé pour lui-même, son conjoint et les enfants à charge,
et aux frais funéraires pour lui-même, son conjoint et ses enfants à
charge.

1Art. 71, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats.

463
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ORDRE HIERARCHIQUE DES GRADES DES


MAGISTRATS1

Catégorie 1 Catégorie 2
1) Premier président de la 1) Président de la Cour de
Cour de cassation ; cassation ;
2) Procureur général près la 2) Premier Avocat général
Cour de cassation ; près la Cour de cassation ;
3) Premier président du 3) Président du Conseil
Conseil d’Etat ; d’Etat ;
4) Premier Avocat général
près le Conseil d’Etat.

Catégorie 3 Catégorie 4
1) Conseiller à la Cour de 1) Premier président de la
cassation ; Cour d’appel ;
2) Avocat général près la 2) Procureur général près la
Cour de cassation ; Cour d’appel
3) Conseiller au Conseil 3) Premier président de la
d’Etat ; Cour administrative d’appel ;
4) Avocat général près le 4) Procureur général près la
Conseil d’Etat. Cour administrative d’appel.

Catégorie 5 Catégorie 6
1) Président de la Cour 1) Conseiller à la Cour
d’appel ; d’appel ;
2) Avocat général près la 2) Substitut du Procureur
Cour d’appel ; général près la Cour d’appel ;
3) Président de la Cour 3) Conseiller à la Cour
administrative d’appel ; administrative d’appel ;
4) Avocat général près la 4) Substitut du Procureur
Cour administrative d’appel. général près la Cour
administrative.

Catégorie 7 Catégorie 8

1Annexe, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des


magistrats.

464
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1) Président du Tribunal de 1) Juge du Tribunal de


Grande Instance ; Grande Instance ;
2) Procureur de la 2) Premier substitut du
République ; Procureur de la République ;
3) Président du Tribunal de 3) Juge du Tribunal de
travail ; travail ;
4) Président du Tribunal de 4) Juge du Tribunal de
commerce. commerce ;
5) Président du Tribunal de
paix.

Catégorie 9
1) Juge du Tribunal de paix ;
2) Substitut du Procureur de la République.

465
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 7
L'organe de gestion des magistrats : le Conseil supérieur de la
magistrature

Paragraphe 1
Présentation et composition

La mise en œuvre de l'indépendance de la magistrature est assurée par le


Conseil supérieur de la magistrature1. Le Conseil supérieur de la
magistrature est l’organe de gestion du pouvoir judiciaire. Il élabore les propositions
de nomination, de promotion et de révocation des magistrats. Il exerce le pouvoir
disciplinaire sur les magistrats. Il donne ses avis en matière de recours en grâce2.
Il élabore le budget du pouvoir judiciaire3. Il désigne, trois membres de la Cour
constitutionnelle4. Il assure la gestion technique du personnel judiciaire non magistrat
mis à sa disposition. Il procède à son évaluation et fait rapport au
Gouvernement. Il décide de la rotation des juges5.
Le Conseil supérieur de la magistrature est composé des
personnalités suivantes6 : le Président de la Cour constitutionnelle ; le
Procureur général près la Cour constitutionnelle ; le Premier Président
de la Cour de cassation ; le Procureur général près la Cour de cassation
; le Premier Président du Conseil d’Etat ; le Procureur général près le
Conseil d’Etat ; le Premier Président de la Haute Cour militaire ;
l’Auditeur général près la Haute Cour militaire ; les Premiers Présidents
des Cours d’Appel ; les Procureurs Généraux près les Cours d’Appel ;
les Premiers Présidents des Cours administratives d’Appel ; les
Procureurs Généraux près les Cours administratives d’Appel ; les
Premiers Présidents des Cours militaires ; les Auditeurs militaires
supérieurs ; deux magistrats de siège par ressort de Cour d’Appel, élus
par l’ensemble des magistrats du ressort pour un mandat de trois ans ;
deux magistrats du parquet par ressort de Cour d’Appel, élus par
l’ensemble des magistrats du ressort pour un mandat de trois ans ; un

1 Lire exposé des motifs, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant
organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
2 Art. 152, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 149 Al. 7, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 158, Constitution du 18 février 2006.
5 Art. 2, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et

fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.


6 Art. 152 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

466
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

magistrat de siège par ressort de Cour militaire ; un magistrat de parquet


par ressort de Cour militaire.

Paragraphe 2
Les organes du Conseil supérieur de la magistrature

Les organes suivants composent le Conseil supérieur de la


magistrature1 : l’Assemblée générale ; le Bureau ; les Chambres
disciplinaires ; le Secrétariat permanent.

Point 1
L'Assemblée générale

L’Assemblée générale est l’organe d’orientation et de décision du Conseil


supérieur de la magistrature dans les matières relevant de sa compétence.
Elle est composée de tous les membres du Conseil supérieur de la
magistrature. Ses décisions sous forme de résolution s’imposent au
pouvoir judiciaire2.
L’Assemblée générale examine les dossiers des magistrats en vue
de leur nomination, promotion, démission, mise à la retraite, révocation
et, le cas échéant, de leur réhabilitation. Elle adopte l’avant-projet du
budget du pouvoir judiciaire3. L’Assemblée générale désigne trois
membres de la Cour constitutionnelle parmi les magistrats en activité
ayant au moins quinze ans d’expérience dans la magistrature. La
désignation tient compte de l’équilibre entre les ordres de juridiction et
entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet ainsi que de
l’équilibre entre les magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat,
de la Haute Cour militaire et les autres catégories des magistrats. Elle
assure également la rotation entre tous les ordres de juridiction et des
équilibres nationaux4.

1 Art. 5, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et


fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
2 Art. 6, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
3 Art. 7, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
4 Art. 8, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

467
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L’Assemblée générale adopte le Règlement intérieur du Conseil


supérieur de la magistrature1. Elle se réunit en session ordinaire une fois
l’an, au premier lundi d’avril, sur convocation de son Président. La durée
de la session ne peut dépasser trente jours2. L’Assemblée générale peut
être convoquée en session extraordinaire par son Président, sur un ordre
du jour déterminé, à la demande, soit du Bureau, soit des deux tiers de
ses membres. La session extraordinaire est close une fois épuisé l’ordre
du jour pour lequel elle a été convoquée et, au plus tard, quinze jours à
compter de la date du début de la session3.
L’Assemblée générale peut se tenir en n’importe quel lieu du
territoire national4. L’Assemblée générale ne peut siéger valablement que
lorsqu’elle réunit au moins deux tiers de ses membres. A défaut de ce
quorum, le Président convoque une nouvelle réunion avec le même
ordre du jour dans la huitaine. Dans ce cas, la majorité absolue des
membres suffit. Les décisions de l'Assemblée générale sont prises à la
majorité absolue des membres présents5.

Point 2
Le Bureau

Le Bureau du Conseil supérieur de la magistrature est composé des


personnalités suivantes : le Président de la Cour constitutionnelle ; le
Procureur général près la Cour constitutionnelle ; le Premier Président
de la Cour de cassation ; le Procureur général près la Cour de cassation
; le Premier Président du Conseil d’Etat ; le Procureur Général près le
Conseil d’Etat ; le Premier Président de la Haute Cour militaire ;
l'Auditeur général près la Haute Cour militaire.
Le Bureau se réunit une fois par trimestre sur convocation de son
Président. Il peut tenir des réunions extraordinaires, sur un ordre du jour
déterminé, à la convocation de son Président agissant de sa propre

1 Art. 9, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et


fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
2 Art. 10, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
3 Art. 11, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
4 Art. 12, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
5 Art. 13, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

468
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

initiative ou à la demande du tiers de ses membres. Le bureau peut se


réunir à n’importe quel lieu du territoire national1.
Le Bureau exécute les décisions et recommandations de l’Assemblée générale.
Il soumet à ses délibérations des propositions relatives à l’organisation
et au fonctionnement du pouvoir judiciaire. Il élabore le projet du
Règlement intérieur du Conseil supérieur de la magistrature. Il prépare
l’avant-projet du budget du pouvoir judiciaire. Il désigne, parmi les
magistrats de carrière, membres du Conseil supérieur de la magistrature,
le Secrétaire permanent, le Premier Secrétaire et le Deuxième Secrétaire
rapporteur. Il donne les avis du Conseil supérieur de la magistrature en
matière de recours en grâce. Il transmet les propositions de promotion.
Il fait rapport à l’Assemblée générale. Il dresse un rapport annuel
d’activités du Conseil supérieur de la magistrature publié au Journal
officiel2.
Le Président de la Cour constitutionnelle est de droit Président du
Conseil supérieur de la magistrature. Il représente le Conseil. Il
convoque et préside les réunions de l’Assemblée générale. Il dirige le
Bureau. Il préside les instances disciplinaires pour les magistrats de la
Cour de cassation, du Conseil d’Etat, de la Haute Cour militaire et des
magistrats des parquets près ces juridictions3. Le Président du Conseil
supérieur de la magistrature est assisté de quatre Vice-présidents et de
trois Secrétaires rapporteurs4.

Point 3
Les chambres disciplinaires

Le Conseil supérieur de la magistrature est la juridiction


disciplinaire des magistrats5.

1 Art. 15, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et


fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
2 Art. 17, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
3 Art. 18, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
4 Art. 19, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
5 Art. 20, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

469
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le pouvoir disciplinaire est exercé par la Chambre nationale et les


Chambres provinciales de discipline1.
La chambre provinciale de discipline connaît, au premier degré, des
fautes disciplinaires mises à charge des magistrats des ressorts des Cours
d’Appel, des Cours Administratives d’Appel, des Cous militaires et de
ceux des parquets près ces juridictions2. La Chambre nationale de
discipline connaît, en premier et dernier ressort, des fautes disciplinaires
mises à charge des magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat,
de la Haute Cour militaire et de ceux des parquets près ces juridictions.
Elle connaît, en appel, des décisions rendues par les Chambres
provinciales de discipline. Elle connaît aussi des fautes disciplinaires
mises à charge des Premiers Présidents des Cours d’appel, des Cours
administratives d’appel, des Cours militaires ainsi que des Chefs des
parquets près ces juridictions3.
La Chambre de discipline peut être saisie par le Ministre de la Justice
ou sur plainte de toute personne intéressée4.
La décision rendue par la Chambre provinciale de discipline est
susceptible d’appel. Le délai d’appel est de trente jours. Il court dès la
notification de la décision attaquée. L’appel n’est pas suspensif5.
L’action disciplinaire se prescrit un an révolu après la connaissance des faits
par le Président du Conseil supérieur de la magistrature6.

Point 4
Le Secrétariat permanent

Le Secrétaire Permanent assiste le Bureau dans l’administration du


Conseil supérieur de la magistrature. A cet effet, il a notamment pour
tâche de gérer les dossiers des magistrats ; préparer les travaux des autres

1 Art. 21, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et


fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
2 Art. 22, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
3 Art. 23, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
4 Art. 28, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
5 Art. 30, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
6 Art. 32, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

470
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

structures et en conserver les procès-verbaux et les archives ; tenir à jour


le fichier général des magistrats. Le Secrétariat permanent assiste le
Premier Président de la Cour de cassation dans l’ordonnancement du
budget du pouvoir judiciaire1.
Le Secrétariat permanent est composé de neuf membres, dont six
choisis en dehors du Conseil supérieur de la magistrature2. Deux
magistrats de l’ordre judiciaire à raison d’un magistrat du siège et d’un
magistrat du parquet ; deux magistrats de l’ordre administratif à raison
d’un magistrat du siège et d’un magistrat du parquet ; deux magistrats de
la justice militaire à raison d’un magistrat du siège et d’un magistrat du
parquet.
Les membres du Secrétariat permanent sont désignés par le Bureau
en tenant compte de leurs expérience et intégrité.
Le Secrétariat permanent est dirigé par le Secrétaire permanent
assisté d’un Premier Secrétaire Rapporteur et d’un Deuxième Secrétaire
Rapporteur.

Paragraphe 3
Les finances

Le pouvoir judiciaire dispose d’un budget propre géré par le Conseil


supérieur de la magistrature. Le Premier Président de la Cour de cassation
en est l’ordonnateur3. Ce budget est celui de fonctionnement et des
rémunérations4.
Les chefs des ordres juridictionnels ainsi que les chefs d’offices
correspondants sont ordonnateurs délégués des budgets des juridictions et
offices placés sous leur autorité5.
Les prévisions budgétaires des différents ordres juridictionnels sont
élaborées sous la responsabilité respective du Président de la Cour
constitutionnelle, du Premier Président de la Cour de cassation, du

1 Art. 34, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et


fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
2 Art. 33, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
3 Art. 37, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
4 Art. 38, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
5 Art. 39, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

471
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Premier Président du Conseil d'État, du Premier Président de la Haute


Cour militaire. Elles sont transmises au Bureau du Conseil supérieur de
la magistrature qui les consolide dans un projet de budget global du
pouvoir judiciaire. Ce projet est transmis, après adoption, au Gouvernement, à
la diligence du Président du Conseil supérieur de la magistrature1.
Les finances du pouvoir judiciaire sont soumises au contrôle de
l’Inspection générale des finances, de la Cour des comptes ainsi que du Parlement2.

1 Art. 40, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et


fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
2 Art. 42, Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et

fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

472
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 2
L’organisation et la compétence des cours et
tribunaux
Les cours et tribunaux sont classés en ordre de juridictions. Un ordre
de juridiction est un ensemble distinct et hiérarchisé de juridictions de même
nature1. On distingue à ce propos le monisme juridictionnel, dans lequel
toutes les juridictions judiciaires et administratives sont réunies dans un
seul ordre chapeauté par une Cour suprême unique contenant
généralement en son sein, une section judiciaire, une section
administrative et une section constitutionnelle, sur le modèle des États-
Unis par exemple ; du dualisme juridictionnel, dans lequel les juridictions
judiciaires sont dans un ordre distinct chapeauté par une Cour suprême
propre (la Cour de cassation) des juridictions administratives chapeautés
par une Cour suprême propre (le Conseil d'État), pour les besoins de
spécialisation des juridictions2.
En droit français, la séparation des autorités administratives et
judiciaires repose sur la loi des 16-24 août 1790 qui dispose que « les
fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture, troubler de quelque
manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les
administrateurs pour raison de leurs fonctions ». La règle de la séparation des
autorités administratives et judiciaires a même acquis valeur
constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a jugé que « conformément à
la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République celui selon lequel, à l’exception
des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la
compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des
décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique… »3. Plus
récemment, il a eu à considérer « que la Constitution reconnaît deux ordres de
juridictions au sommet desquels sont placés le Conseil d'État et la Cour de cassation
»4.
Les juridictions constitutionnelles sont difficilement classables
dans l'un ou l'autre ordre de juridiction. Difficile de les placer dans

1 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1523.


2 Lire A. MAURIN, op. cit., p. 167.
3 C.C. fr., 23 janv. 1987, Conseil de la concurrence.
4 C.C. fr., 2010-71 QPC, 26 novembre 2010.

473
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'ordre judiciaire, parce qu'elles ne jugent pas les personnes ; difficile de


les placer dans l'ordre administratif, parce qu'elles ne jugent pas (que) les
actes de l'administration. Au regard de la nature tout à fait à part entière
des attributions des juridictions constitutionnelles, on est amené à leur
donner une nature particulière, voire à en faire un ordre de juridiction
particulier ; on peut même en faire un ordre au-dessus des ordres de
juridictions, en ce que d'une part, elles peuvent être amenées à trancher
les conflits de compétence entre les juridictions suprêmes de chaque
ordre (Cour de cassation et Conseil d'État), et que, d'autre part, elles
peuvent être amenées à contrôler la constitutionnalité des actes de ces
juridictions suprêmes ; on peut encore en faire un pouvoir particulier,
mieux, un pouvoir au-dessus des autres, en ce que leurs attributions les
amènent à contrôler le respect par chaque pouvoir de la séparation des
pouvoirs en vérifiant la conformité à la Constitution de leurs actes. C'est
le considérant de Vezio Crisafulli1, pour qui « il est certain (…) que la Cour
ne rentre pas, non seulement dans l’ordre judiciaire, mais même pas dans
l’organisation juridictionnelle au sens le plus large du terme, c’est-à-dire dans
l’ensemble des organes exerçant des fonctions juridictionnelles (…) La Cour
constitutionnelle (…) reste en dehors des pouvoirs étatiques traditionnellement connus
: elle forme un pouvoir indépendant dont le rôle consiste à assurer le respect de la
Constitution dans tous les domaines ».
Ces considérations peuvent être importées en droit congolais, mais
avec beaucoup de réserve, car il ressort de l'esprit de la Constitution que
le constituant a voulu, de par sa volonté suprême, construire un
archétype singulier. En effet, « pour plus d’efficacité, de spécialité et de célérité
dans le traitement des dossiers, les Cours et Tribunaux ont été éclatés en trois ordres
juridictionnels : les juridictions de l’ordre judiciaire placées sous le contrôle de la Cour
de cassation ; celles de l’ordre administratif coiffées par le Conseil d’Etat, et la Cour
constitutionnelle »2.
En somme, le droit congolais connait donc trois ordres de juridictions
: les juridictions de l’ordre judiciaire placées sous le contrôle de la Cour
de cassation ; celles de l’ordre administratif coiffées par le Conseil d’Etat,
et la Cour constitutionnelle.

1 Cité par L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 292.


2 Exposé des motifs, Constitution du 18 février 2006.

474
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section unique
Les juridictions de l'ordre judiciaire

Les juridictions de l'ordre judiciaire sont classées en juridictions de


droit commun et en juridictions spécialisées. Les juridictions de droit commun
sont les tribunaux de paix, de grande instance, les Cours d'appel et la
Cour de cassation. Les juridictions spécialisées sont les juridictions
militaires — composées des tribunaux militaires de police, des tribunaux
militaires de garnison, des Cour militaires, des Cours militaires
opérationnelles et de la Haute Cour militaire —, les tribunaux de travail,
les tribunaux de commerce, les tribunaux pour enfants. Toutes ces
juridictions sont chapeautées par la Cour de Cassation1.

Paragraphe 1
L’organisation et le fonctionnement

Point 1
L’organisation

A. Les tribunaux de paix

Il existe un ou plusieurs tribunaux de paix dans chaque territoire, ville


et commune. Toutefois, il peut être créé un seul Tribunal de paix, pour
deux ou plusieurs territoires, villes et communes2. Il peut également être
créé dans le ressort d'un tribunal de paix un ou plusieurs sièges
secondaires3.
Le Tribunal de paix est composé d'un Président et des juges4. Il siège
au nombre de trois juges en matière répressive, d'un seul juge en matière
civile. Toutefois, il siège au nombre de trois juges lorsqu'il y a lieu de faire

1Lire Art. 158, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 7, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 8, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 8, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

475
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

application de la coutume locale. Dans ce cas, deux des trois juges sont
des notables du lieu désigné par le Président de la juridiction1.

B. Les tribunaux de grande instance

Il existe un ou plusieurs tribunaux de grande instance dans chaque


ville. Cependant, il peut être installé un seul Tribunal de grande instance
pour deux ou plusieurs territoires2.
Le Tribunal de grande instance est composé d'un président et des
juges3. Il siège au nombre de trois juges4.

C. La Cour d'appel

Il existe une ou plusieurs Cours d'appel dans chaque province et dans


la Ville de Kinshasa5.
La Cour d'appel est composée d'un Premier président, d'un ou de
plusieurs Présidents et de Conseillers6. Le Premier Président est chargé de la
répartition du service. Le service d'ordre intérieur des Cours et Tribunaux
est réglé par ordonnance du Premier président de la Cour d'appel7.
La Cour d'appel siège au nombre de trois membres. Toutefois, elle
siège au nombre de cinq membres pour les infractions prévues au Statut
de Rome de la Cour pénale internationale8.

1 Art. 10, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 14, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 15, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 16, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Art. 19, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


6 Art. 20, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


7 Art. 21, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


8 Art. 22, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

476
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

D. La Cour de cassation

Il existe une Cour de cassation dont le siège ordinaire est établi dans
la capitale de la République démocratique du Congo. Le ressort de la
Cour de cassation s'étend sur l'ensemble du territoire national. Les Cours et
Tribunaux civils et militaires de l'ordre judiciaire sont placés sous son
contrôle1.
La Cour de cassation comprend un Premier président, des Présidents et
des Conseillers2. Le Premier président de la Cour de cassation est chargé
de l'administration de la Cour. Il fixe par ordonnance son règlement
intérieur3. Il est assisté d'un cabinet dont le personnel est choisi par lui4.
La Cour de cassation comprend trois formations5 : les chambres ; les
chambres restreintes ; les chambres réunies.
Les chambres sont au nombre de quatre, réparties en catégories de
litiges. Il y a la chambre des pourvois en cassation en matière civile ; celle
des pourvois en cassation en matière commerciale ; celle des pourvois
en cassation en matière sociale ainsi que des procédures spéciales devant
la Cour de cassation ; celles des pourvois en cassation en matière pénale
et des appels des arrêts rendus au premier degré par les Cours d'appel en
matière répressive6. Chaque chambre siège au nombre de cinq membres.
Elle est présidée par son Président. Le Premier président peut présider
toute chambre de la Cour.
Chacune des chambres comprend une formation restreinte composée
de trois membres désignés par le Premier président de la Cour. La
Chambre restreinte statue sur les pourvois manifestement irrecevables ou lorsque
la cause ne relève pas, de façon évidente, de la compétence de la Cour de cassation. À

1 Art. 24, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 25, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 26, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 29, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Art. 31, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


6 Art. 34, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

477
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

la demande de la composition, le pourvoi soumis à la formation


restreinte peut être renvoyé à la composition normale de la chambre1.
La Cour de cassation, chambres réunies, comprend tous les Présidents
des chambres ainsi que les Conseillers les plus anciens de chaque chambre. Les
chambres réunies de la Cour de Cassation sont convoquées par le
Premier Président. Elles siègent au nombre de sept membres au moins.
Dans tous les cas, elles siègent en nombre impair2.
Les chambres réunies connaissent3 : des pourvois qui soulèvent
des questions de principe ; des pourvois portant sur des matières
complexes susceptibles de recevoir des solutions divergentes ; des
pourvois soumis à la Cour de cassation lorsque le juge de renvoi ne s'est
pas conformé au point de droit jugé par elle ; des pourvois introduits
après cassation contre le jugement ou l'arrêt rendu par la juridiction de
renvoi ; des pourvois du Procureur général introduits sur injonction du
Ministre de la Justice ; des pourvois du Procureur général introduits
dans le seul intérêt de la loi ; de tout pourvoi lorsque le Procureur général
ou un Président de chambre le sollicite ; des pourvois introduits pour la
deuxième fois après cassation et concernant la même cause et les mêmes
parties ; des renvois ordonnés après cassation en matière d'infractions
intentionnelles flagrantes ou réputées telles ; des cas de revirement de
jurisprudence de la Cour ; au fond en premier et dernier ressort des
infractions commises par les personnes visées à l'article 93 de la présente
loi organique.

Point 2
Le fonctionnement

A. La composition du siège

On l'a vu, à quelques exceptions près, les juridictions siègent


collégialement. C'est l'application du principe de collégialité4, en vertu duquel le
siège de la composition doit être formé de plusieurs juges. Il s'oppose

1 Art. 33, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 34, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 35, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Lire E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 95.

478
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ainsi au principe de l'unicité qui en est l'exception. Roger Merle et André


Vitu disent de la collégialité qu'elle « présente l'avantage de fournir une meilleure
justice en ce sens qu'elle permet de mieux peser les arguments, de mieux motiver les
décisions et de garantir une plus haute impartialité, sans compter qu'elle protège
chaque membre contre les pressions et assure une plus forte indépendance à tous »1.
La Cour suprême de justice a jugé que les règles de composition sont
d'ordre public2. Elle juge par ailleurs que la modification de la composition
du siège avant la décision définitive (pour cause d'empêchement d'un
juge par exemple) doit entraîner la réouverture de l'instruction par la nouvelle
composition3. En effet, il s'impose pour la garantie de la vérité judiciaire
et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'une affaire
soit jugée uniquement par les juges qui ont eu bonne connaissance du
dossier4.
Une fois les débats clôturés, le juge prend la cause en délibéré. La
délibération est la discussion des membres de la composition au cours de laquelle
ils prépareront la décision à rendre. Ces délibérés sont secrets. Le juge le
moins ancien du rang le moins élevé donne son avis le premier ; le
président le dernier5.
Les décisions sont prises à la majorité des voix. Toutefois, en matière
répressive, s'il se forme plus de deux opinions dans le délibéré le juge qui
a émis l'opinion la moins favorable au prévenu est tenu de se rallier à
l'une des deux autres opinions. En matière de droit privé, s'il se forme
plus de deux opinions, le juge le moins ancien, du rang le moins élevé
est tenu de se rallier à l'une des deux autres opinions6.
La chambre qui prend une cause en délibéré en indique la date du
prononcé. Celui-ci intervient au plus tard dans les trente jours en matières
civile, commerciale ou sociale et dans les dix jours en matière répressive7.

1 Cités par E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 95.


2 C.S.J., R.P.A. 5, 22 juin 1972.
3 Voir par ex. C.S.J., R.P. 49, 16 juill. 1972 ; C.S.J., R.P. 78 et 86, 22 nov. 1972.
4 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 101.
5 Art. 41, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


6 Art. 42, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


7 Art. 43, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

479
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Les audiences foraines

Les tribunaux ne sont pas cloîtrés dans leur siège. En effet, s'ils
l'estiment nécessaire pour la bonne administration de la justice, les Cours
et Tribunaux peuvent siéger dans toutes les localités de leur ressort1. C'est le
principe de l'itinérance, qui permet aux juridictions de sortir de leur siège
ordinaire pour se déplacer à l'intérieur du ressort, en vue de rapprocher
la justice des justiciables2.
Le Ministre ayant la justice dans ses attributions peut établir, pour
toutes les juridictions, des sièges secondaires dans la même localité ou les
localités de leurs ressorts autres que celles où sont établis leurs sièges
ordinaires. Dans ce cas, il détermine le nombre et la périodicité des
sessions qui y seront tenues et y affecte un greffier chargé de recevoir
des actes de procédure. Le greffier peut être chargé d'exercer ses
fonctions auprès de toutes les juridictions dont le siège principal ou
secondaire est établi dans la même localité3.
En tout état de cause, l'itinérance ne peut empêcher le
fonctionnement de la juridiction au siège ordinaire4.

C. L'impartialité des membres des Cours et


Tribunaux

En conséquence à leur indépendance, les membres des cours et


tribunaux (globalement, les magistrats) sont tenus au principe de
l'impartialité du juge5. Par ce fait, des mécanismes sont mis en place en vue
de garantir cette impartialité. Ils consistent à retirer de la composition le juge
dont on aurait raison de craindre la partialité. Au demeurant, le juge se sentant
dans cette position peut toujours se retirer lui-même. On parle, dans le
premier cas, de récusation, et dans le second de déport. Par ailleurs, le
magistrat du parquet se trouvant dans les mêmes conditions de
récusation du juge peut aussi être retiré de la composition, on parle là de

1 Art. 45, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 96.
3 Art. 46, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 47, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Lire E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 94.

480
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

décharge. Cette décharge ne peut s'appliquer qu'au civil où le magistrat du


parquet ne fait que donner son avis, elle ne peut se concevoir au pénal
où son rôle est bien plus actif.

1. La récusation et le déport

Tout juge peut être récusé si lui ou son conjoint a un intérêt


personnel quelconque dans l'affaire ; si lui ou son conjoint est parent ou
allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale jusqu'au troisième degré
inclusivement de l'une des parties, de son avocat ou de son mandataire ;
s'il existe une amitié entre lui et l'une des parties ; s'il existe des liens de
dépendance étroite à titre de domestique, de serviteur ou d'employé
entre lui et l'une des parties ; s'il existe une inimitié entre lui et l'une des
parties ; s'il a déjà donné son avis dans l'affaire ; s'il est déjà intervenu
dans l'affaire en qualité de juge, de témoin, d'interprète, d'expert, d'agent
de l'administration, d'avocat ou de défenseur judiciaire ; ou en qualité
d'officier de police judiciaire ou d'officier du Ministère Public1. Ces
causes sont exhaustives et de stricte interprétation. Par ailleurs, le juge se
trouvant dans une des hypothèses ci-dessus est tenu de se déporter, sous
peine de poursuites disciplinaires2. A par exemple été cassé, l'arrêt de la
Cour d'appel signé par un Conseiller qui avait déjà siégé dans la même
affaire quand il était juge au premier degré et que dans ces conditions, il
ne s'est pas déporté3.
En ce qui concerne le magistrat du parquet, la loi dispose que « les
dispositions relatives à la récusation sont applicables à l'officier du Ministère Public
lorsqu'il intervient par voie d'avis »4. On en déduit que le magistrat du parquet
peut être récusé uniquement quand il intervient par voie d'avis.
Cependant, en matière pénale où il intervient par voie d'action, il est dit
que l'inculpé qui estime que l'officier du Ministère Public appelé à
instruire son affaire se trouve dans l'une des hypothèses prévues (pour
la récusation), adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant

1 Art. 49, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 56, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 C.S.J., R.P. 60, 2 fév. 1972.
4 Art. 55, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

481
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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à voir ce magistrat être déchargé de l'instruction de la cause1. C'est donc


le chef hiérarchique du magistrat concerné qui répond à cette requête par
une ordonnance motivée, non susceptible de recours, qui doit être
rendue dans les délais de quarante-huit heures, le magistrat mis en cause
entendu.

2. Les renvois pour cause de suspicion légitime et


de sûreté publique

Il est des hypothèses où l'on peut craindre que la partialité de toute


une juridiction soit mise en cause, et pas seulement d'un seul juge. C'est
l'hypothèse de la suspicion légitime2. Pour qu'une action en suspicion
légitime soit fondée, il faut que les motifs de celle-ci soient suffisamment
graves et précis pour faire craindre que la juridiction dont le dessaisissement a
été demandé ne se décide qu'avec partialité et en considération d'un intérêt personnel
relatif à un ou plusieurs membres3. Est par exemple fondée en vue d'un procès
équitable, la requête en renvoi de juridiction lorsque les parties litigantes
n'ont plus confiance en leur juge naturel pour des motifs avéré de
manque de probité4. La preuve incombe au requérant5.
En cas de suspicion légitime, le Tribunal de grande instance peut
renvoyer la connaissance d'une affaire, d'un Tribunal de paix de son
ressort à un autre Tribunal de paix du même ressort. La Cour d'appel
peut renvoyer la connaissance d'une affaire d'un tribunal de grande
instance de son ressort à un autre Tribunal de grande instance du même
ressort. La Cour de cassation peut renvoyer la connaissance d'une affaire
d'une Cour d'appel à une autre ou d'une juridiction du ressort d'une Cour
d'appel à une juridiction de même rang du ressort d'une autre Cour
d'appel6.
La solution est la même en cas de sûreté publique. En effet, lorsque le
climat social ou politique du lieu où siège le juge naturel est détérioré au point qu'il

1 Art. 59, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Lire E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 103.
3 C.S.J., Arrêt du 21 septembre 1972.
4 C.S.J., R.R. 542/543, 20 octobre 2006.
5 C.S.J., R.R. 3, 28 décembre 1976.
6 Art. 60, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

482
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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n'est plus possible de rendre une justice sereine1, l'affaire peut être renvoyée
auprès d'une autre juridiction.
La finalité principale de ce renvoi est la garantie de l'ordre public, de la
tranquillité et de la stabilité. Toutefois, ce serait une erreur de penser que
l'ordre public est la seule finalité que vise le renvoi pour cause de sûreté
publique. En effet, aucune décision ne peut être prise de façon objective
quand des troubles agitent une localité. Les juges chargés de rendre
justice selon la loi et leur intime conviction seront sous la pression des
différents camps en conflit. Pour ce faire, ils hésiteront de trancher en
défaveur du camp majoritaire bien que tous les éléments à charge
permettent de prononcer leur culpabilité. Il y aura donc un procès bâclé
teinté aux couleurs du camp fort afin d'apaiser les passions2.
Ainsi par exemple, la Cour de cassation de France a eu à ordonner
le renvoi pour cause de sûreté publique parce que le jugement de l'affaire
dans la région de la commission de l'infraction était de nature à
provoquer de nouvelles scènes de désordre portant atteinte à la paix
publique3.
La requête en renvoi pour cause de suspicion légitime peut émaner
des parties, du Procureur près la juridiction saisie ou du Procureur près
la Cour de cassation. Cependant, la requête pour cause de sûreté
publique n'émane que de ces derniers procureurs4.

D. Les vacances judiciaires

Les vacances judiciaires désignent une période pendant laquelle les cours
et tribunaux fonctionnent au ralenti : les audiences judiciaires se limitent aux
cas d'urgence en chambre de vacation, les juges mettent à profit les vacances
judiciaires pour liquider les dossiers pris en délibéré et qui connaissent
du retard5.
Les vacances commencent le 15 août et se terminent le 15 octobre de
chaque année. Elles sont mises à profit pour des congés de
reconstitution de leurs magistrats et de leur personnel. Il n'est tenu, au

1 Lire E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 102.


2 C. ENGO ASSOUMOU, Les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure
pénale, Mémoire de DEA, Université Yaoundé II, 2008, n° 49.
3 Cass. fr., Crim., 6 déc. 1907 ; Cass. fr., Crim., 14 oct. 1851.
4 Lire Art. 60, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 105.

483
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

cours des vacances, que les audiences strictement nécessaires pour le jugement
des causes déclarées urgentes par les Premiers présidents des Cours et les
Présidents des Tribunaux ou pour le prononcé des arrêts et jugements.
Toutefois, l'instruction et le jugement des affaires répressives ne peuvent ni être
empêchés, ni être retardés ou interrompus1.
Le 15 octobre de chaque année, la Cour de cassation se réunit en
audience solennelle et publique au cours de laquelle le Premier président
prononce un discours, le Procureur général une mercuriale et le bâtonnier
du Barreau près la Cour de cassation une allocution. Il est tenu une
audience similaire devant chaque Cour d'appel 29 octobre de chaque
année2.
Ces discours des Premier Président de la Cour de cassation,
Procureur général près cette cour, et Bâtonnier du barreau près ladite
Cour, sont souvent utilisés pour donner des orientations générales sur le service
de la justice pour le cours de l'année suivante. Elles peuvent être utilisées
pour critiquer des pratiques et/ou proposer des réformes. Dans tous les cas, elles
s'orientent vers l'amélioration de la qualité de la justice. Ainsi par exemple,
lors de la rentrée judiciaire du 15 octobre 2020, le premier président de
la Cour de cassation, David-Christophe Mukendi, a soulevé « la nécessité
de la réforme des règles de procédure répressive relatives aux immunités des poursuites
et aux privilèges de juridiction (...) Nos règles de procédure pénale consacrent
les immunités des poursuites et des privilèges juridiction. Certes, les
raisons n’en manquent pas, mais elles sont loin d’être objectives et
présentent plusieurs effets pervers (...) Ceux-ci se déclinent en une
singulière tolérance vis-à-vis des personnes investies des charges d’Etat.
Il y a lieu, ainsi, de se poser la question de savoir si serait-ce cela l’État
de droit lorsqu’on accepte l’idée que les bénéficiaires des immunités des
poursuites et des privilèges de juridiction puissent être des délinquants
irresponsables et qu’ils ne soient pas dans l’exemplarité qu’imposent
leurs fonctions ? Cela donnerait l’impression d’une absolution et, en ce
cas, la loi est manifestement défaillante (...) Certains bénéficiaires
semblent même persuadés que l’argent du contribuable congolais est
d’abord le leur et commettent à souhait les infractions de détournements
des deniers publics, conflits d’intérêts, prise d’intérêts, corruption, etc.
D’autres encore, banalisent des pratiques que devrait réprouver la morale

1 Art. 63, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 64, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

484
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

publique ou portent atteinte à la probité en commettant toutes sortes


d’infractions telles que le viol, l’attentat à la pudeur, l’exhibitionnisme, la
pornographie, le meurtre, l’assassinat, l’emprisonnement et autres (...)
Les membres du Parlement et ceux des Assemblées provinciales ne
bénéficieraient désormais des immunités des poursuites que pour les
infractions commises à l’occasion des opinions ou votes émis dans
l’exercice de leurs fonctions (...) les membres du Gouvernement autres
que le Premier Ministre, les Gouverneurs et vice-Gouverneurs des
provinces ainsi que les Ministres provinciaux ne seront plus bénéficiaires
des immunités des poursuites pour des actes accomplis dans ou en
dehors de l’exercice de leurs fonctions (...) Les immunités des poursuites et
des privilèges de juridiction présentent des effets néfastes. Nous pensons qu’il faut
absolument reformer leurs règles. Nul n’a des droits acquis au statu quo et
l’idée d’une réforme ne fait outrage qu’à ceux qui ne supporteraient pas
d’être privé d’un droit contestable »1.
Quant à lui, le procureur général près la Cour de cassation, Victor
Mumba, a dans sa mercuriale, parlé de l’injonction du ministre de la
Justice au ministère public. Il a dénoncé la pratique des injonctions
négatives du Ministre de la justice sur le parquet. Le Procureur général
près la Cour de cassation a « relevé que l’indépendance du Ministère public est
nécessaire pour le plein accomplissement de sa mission qui participe de manière
significative au maintien de l’ordre public sans lequel aucune société ne peut
prétendre à un développement harmonieux (...) S'opposer à
l'indépendance de la magistrature et plus spécifiquement à celle du
ministère public ou la réduire constituerait, sans aucun doute, un recul
regrettable au regard, tant de la législation nationale en vigueur que du
droit comparé ». Par ce fait, « l'injonction du ministre de la justice ne peut être
que positive, au risque d'attenter à cette indépendance (...) Elle est motivée et
mentionne le ou les moyens que le procureur général peut évoquer dans son réquisitoire
»2.
Le bâtonnier national Matadi Wamba a plaidé, jeudi 15 octobre,
pour l’amélioration des conditions sociales des magistrats. Il a estimé qu'
« il faut désormais tirer le magistrat de la situation qui est la sienne, depuis des
années, sans bureau et sans salaire décent »3.

1 Discours du Premier président de la Cour de cassation du 15 octobre 2020.


Nos italiques.
2 Mercuriale du Procureur général près la Cour de cassation du 15 octobre 2020.

Nos italiques.
3 Discours du Bâtonnier national du 15 octobre 2020.

485
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

E. La surveillance administrative des juridictions

La Cour de cassation et, dans leurs ressorts respectifs, les Cours et


Tribunaux, ont droit de surveillance et d'inspection sur les juridictions inférieures.
La surveillance est exercée par le chef de la juridiction ou par son
remplaçant1. Il s'agit d'une surveillance purement administrative qui ne
peut en aucune manière chercher à violer l'indépendance garantie aux
cours et tribunaux. Les magistrats qui vont inspecter les cours et
tribunaux ne peuvent pas dicter aux juges les décisions judiciaires à
prendre ou chercher à remettre en question les décisions judiciaires déjà
prononcées2.

F. Les greffiers et huissiers

Les greffiers sont des agents de l'administration des cours et tribunaux3.


Ils sont chargés d'assister le juge dans les actes et procès-verbaux de son
ministère, qu'ils signent avec lui. Les juridictions siègent toujours avec le
concours du greffier. Le greffier écrit ce qui est prononcé ou dicté par le juge
et dresse acte de diverses formalités dont l'accomplissement doit être
constaté. Il conserve les minutes, registres et tous actes afférents à la
juridiction près laquelle il est établi. Il délivre les grosses, expéditions et
extraits des jugements ou d'ordonnances.
Quant aux huissiers, ce sont des agents chargés du service intérieur des
juridictions et de la signification des exploits. Les chefs des juridictions les
désignent les huissiers parmi les agents des services publics de l'État mis
à leur disposition4.
Les greffiers sont régis par le statut du personnel de carrière des
services publics de l'État5.

1 Art. 44, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 104.
3 Lire Art. 37 et suivants, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant

organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre


judiciaire.
4 Lire Art. 40 et suivants, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant

organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre


judiciaire.
5 Les huissiers font aujourd’hui l’objet d’une loi libéralisant leur profession.

486
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
La compétence des juridictions de l'ordre judiciaire

La compétence est l'aptitude à instruire et juger une affaire, à en connaître1.


La compétence d'une juridiction se détermine en raison de la matière à
connaître (compétence matérielle), en raison de l'étendue géographique
qu'elle renferme (compétence territoriale), et le cas échéant, en raison de
la qualité du justiciable (compétence personnelle)2. Les règles de
compétence se distinguent selon que la matière est pénale ou civile.

Point 1
En matière pénale

A. La compétence matérielle

1. Principe d’application

En matière pénale, la compétence matérielle est déterminée par le


taux de la peine.
Ainsi, les Tribunaux de paix connaissent des infractions punissables
au maximum de cinq ans de servitude pénale principale et d'une peine
d'amende, quel que soit son taux, ou de l'une décès peines seulement3.
Les tribunaux de grande instance connaissent des infractions
punissables de la peine de mort et de celles punissables d'une peine excédant cinq
ans de servitude pénale principale. Ils connaissent également de l'appel
des jugements rendus par les tribunaux de paix4.
Les Cours d'appel connaissent de l'appel des jugements rendus en
premier ressort par les tribunaux de grande instance et les tribunaux de
commerce5. Elles connaissent également, au premier degré, du crime de

1 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 479.


2 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 145.
3 Art. 85, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 89, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Art. 91, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

487
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis par les
personnes relevant de leur compétence et de celle des tribunaux de grande instance1.
La Cour de cassation cannait de l'appel des arrêts rendus au premier
degré par les Cours d'appel2.

2. Prorogation des compétences

Lorsqu'une personne est poursuivie simultanément du chef de


plusieurs infractions qui sont de la compétence de juridictions de nature
ou de rang différents, la juridiction ordinaire du rang le plus élevé, compétente
en raison de l'une des infractions, l'est aussi pour connaître des autres3.
Sans préjudice des dispositions des articles 120 et 121 du Code
judiciaire militaire, lorsque plusieurs personnes justiciables des
juridictions de nature ou de rang différents, sont poursuivies, en raison
de leur participation à une infraction ou à des infractions connexes, elles
sont jugées l'une et l'autre par la juridiction ordinaire compétente du rang le plus
élevé4.
La disjonction des poursuites au cours des débats laisse subsister
la prorogation de compétence5.
Lorsque deux tribunaux compétents se trouvent saisis des mêmes
faits, le tribunal de rang le moins élevé décline sa compétence6.
Si un tribunal saisi d'une infraction de sa compétence, constate que
les faits constituent une infraction dont la compétence est attribuée à un
tribunal inférieur, il statue sur l'action publique et éventuellement sur
l'action civile et des dommages-intérêts à allouer d'office7.

1 Art. 91, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 94, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 99, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 100, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Art. 101, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


6 Art. 102, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


7 Art. 103, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

488
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

3. L’action civile

L'action en réparation du dommage causé par une infraction peut être


poursuivie en même temps que l'action publique et devant le même juge.
Il en est de même des demandes reconventionnelles, ou demandes de
dommages-intérêts formées par le prévenu contre la partie civile ou
contre les co-prévenus1.
Sans préjudice du droit des parties de se réserver et d'assurer elles-
mêmes la défense de leurs intérêts et de suivre la voie de leur choix, les
Tribunaux répressifs saisis de l'action publique prononcent d'office les
dommages-intérêts et réparations, qui peuvent être dus en vertu de la loi,
de la coutume ou des usages locaux2. De même, la restitution des objets
sur lesquels a porté l'infraction est ordonnée d'office lorsqu'ils ont été
retrouvés en nature et que la propriété n'en est pas contestée3.

4. Les voies de recours

À l'exception des décisions rendues par la Cour de cassation, les


jugements ou arrêts des juridictions inférieures sont susceptibles d'appel
auprès de la juridiction supérieure. L'appel est une voie de recours ordinaire
contre les jugements des juridictions du premier degré tendant à les faire réformer ou
annuler par le juge d'appel ou du second degré4. C'est l'application du principe du
double degré de juridiction, qui est un volet du droit constitutionnel au
recours5. Ce principe s'exprime en des termes simples : « c'est le droit d'être
jugé deux fois ». Ce principe général de droit est d'application en toutes les
matières, et devant toutes les juridictions, à quelques exceptions près, concernant
entre autres la Cour de cassation, le Conseil d'État et la Cour
constitutionnelle. L'appel déclenché après une décision rendue au
premier degré, fait que l'affaire soit jugée une nouvelle fois au second (et
dernier) degré par la juridiction supérieure.

1 Art. 107, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 108, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 109, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 182.
5 Art. 21 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.

489
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'autre voie de recours ordinaire est l'opposition, par laquelle une


personne jugée par défaut, c'est-à-dire en son absence, marque son
désaccord à une décision de justice et sa volonté de voir celle-ci
réformée, mais ici, par la juridiction qui l'a rendu.
À côté des voies de recours ordinaires se trouvent les voies de recours
extraordinaires parmi lesquelles, la cassation. Bien que l'application du
double degré de juridiction vaut à la personne d'être jugé deux fois, elle
peut encore faire examiner sa cause pour une troisième fois, par le biais
d'un pourvoi en cassation. Par ce dernier, la Cour de cassation saisie
d'une décision de justice en contrôle la conformité au droit, au cas contraire, elle
casse la décision et la renvoie au juge de première instance1. On dit que la Cour de
cassation est juge de droit et non de fait2.
Toutefois, la Cour de cassation juge les faits par la voie d'un autre
recours extraordinaire : la révision. La révision est une voie de recours
extraordinaire en annulation ouverte devant la Cour de cassation par
laquelle, moyennant des éléments nouveau légalement définis, peuvent être annulées
des condamnations passées en force de chose jugée supposées entachées d’erreur
judiciaire3.
La Cour de cassation connaît des pourvois pour violation des traités
internationaux dûment ratifiés, de la loi ou de la coutume formés contre
les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les Cours et
tribunaux civils et militaires de l'ordre judiciaire4. La violation de la loi
ou de la coutume comprend notamment5 : l'incompétence ; l'excès de
pouvoirs des Cours et Tribunaux ; la fausse application ou la fausse
interprétation ; la non-conformité aux lois ou à l'ordre public de la
coutume dont il a été fait application ; la violation des formes
substantielles ou prescrites à peine de nullité.

1 Lire G. CORNU (dir.), op. cit., p. 353.


2 Lire Exposé des motifs, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation.
3 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1962.
4 Art. 95, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Art. 96, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

490
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. La compétence territoriale

En matière pénale, la compétence territoriale d'une juridiction se


détermine de trois manières alternatives : soit, au regard du lieu où l'une
des infractions a été commise ; soit du lieu de la résidence du prévenu ;
ou de celui où le prévenu a été trouvé (arrêté). Par ailleurs, lorsque
plusieurs personnes sont poursuivies conjointement comme coauteurs
ou complices d'infractions connexes, le Tribunal compétent au point de vue
territorial pour juger l'une d'elles est compétent pour juger toutes les autres1.
La disjonction des poursuites au cours des débats laisse subsister la
prorogation de compétence.
Lorsque deux ou plusieurs tribunaux de même rang, compétents
territorialement, se trouvent saisis des mêmes faits, le Tribunal saisi le
premier est préféré aux autres2.
Lorsqu'un inculpé est amené au parquet où se trouve le siège
ordinaire d'un Tribunal pour les besoins d'une instruction préparatoire
relative à des faits paraissant, par leur nature ou en raison de la connexité,
de la compétence matérielle et territoriale de ce tribunal, tout tribunal
d'un rang inférieur, ayant le même siège ordinaire, peut connaître des
faits, s'il est compétent en raison de la matière. Lorsqu'un inculpé est
amené, pour les besoins de l'instruction préparatoire, en dehors du
ressort de sa résidence et/ou de la commission de l'infraction, toute
juridiction du lieu d'instruction préparatoire peut connaître des faits s'il
est compétent en raison de la matière3.

C. La compétence personnelle

Le principe constitutionnel d'égalité de tous devant la loi postule


que les citoyens soient traités de la même manière devant les juridictions
judiciaires. Cependant, des exceptions à ce principe sont à soulever.
Ainsi, certaines personnes bénéficient d'immunités de juridiction,
d'inviolabilités, de privilège de poursuites ou encore, de privilège de
juridiction.

1 Art. 104, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 105, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 106, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

491
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1. L’immunité de juridiction et l’inviolabilité

L'immunité de juridiction est une cause d'impunité dont bénéficient


certaines autorités (parlementaires, membres de missions diplomatiques)
leur valant de ne pas répondre des faits infractionnels dont ils seraient auteurs1.
L'immunité des membres de missions diplomatiques couvrent toutes
les infractions qu'ils peuvent commettre. Celle des parlementaires ne
couvrent que les discours prononcés dans le cadre de leur fonction — on peut dire
qu'elles protègent contre les poursuites pour injure et diffamation —.
En dehors de ces cas, les parlementaires sont couverts d'inviolabilités,
qui sont une garantie en vertu de laquelle aucun parlementaire ne peut, hors les cas
de flagrance, faire l'objet de poursuites judiciaires sans l'autorisation de l'Assemblée
plénière — en cours de session — ou du bureau auquel il appartient — hors session
—2.

2. Le privilège de poursuites et le privilège de


juridiction

Quant au privilège de poursuites, c'est un avantage en vertu duquel les


poursuites à l'égard d'une autorité sont tributaires de l'aval du procureur général et/ou
d'une autre autorité supérieure dont elle dépend. Ainsi par exemple, les
poursuites à l'égard des membres du gouvernement nécessitent l'aval du
procureur général près la Cour de cassation et l'autorisation de
l'Assemblée nationale.
Le privilège de poursuites est souvent lié au privilège de juridiction, en
vertu duquel certaines autorités sont, en considération de leur rang social, justiciables
de juridictions particulières de rang généralement élevé3. C'est ce qu'on appelle
autrement la compétence personnelle4.
Par ce fait, les tribunaux de grande instance connaissent des
infractions commises par les Conseillers urbains, les Bourgmestres, les
Chefs de secteur, les Chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi que par
les Conseillers communaux, les Conseillers de secteur et les Conseillers
de chefferie5. Les Cours d'appel connaissent des infractions commises

1 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1120.


2 Idem.
3 Idem.
4 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 149.
5 Art. 89, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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par les membres de l'Assemblée provinciale, les magistrats, les Maires,


les Maires adjoints, les Présidents des Conseils urbains et les
fonctionnaires des services publics de l'État et les dirigeants des
établissements ou entreprises publiques revêtus au moins du grade de
directeur ou du grade équivalent. La Cour de cassation connaît des
infractions commises par les membres de l'Assemblée Nationale et du
Sénat ; les membres du Gouvernement autres que le Premier Ministre ;
les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du Parquet près cette
Cour ; les membres de la Cour de Cassation et ceux du Parquet près cette
Cour ; les membres du Conseil d'État et ceux du Parquet près ce Conseil
; les membres de la Cour des Comptes et ceux du Parquet près cette
Cour ; les Premiers Présidents des Cours d'appel et des Cours
administratives d'appel ainsi que les Procureurs Généraux près ces
Cours ; les Gouverneurs, les Vice Gouverneurs de province et les
Ministres provinciaux ainsi que les Présidents des Assemblées
provinciales. La Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de
la République et du Premier ministre1.
Les justiciables de la Cour de cassation et de la Cour
constitutionnelle sont jugés en premier et dernier ressort, c'est-à-dire, une seule
fois, sans possibilité de faire appel. Ils sont ainsi privés de leur droit au
double degré de juridiction.

Point 2
En matière civile

A. La compétence matérielle

En matière civile, la compétence matérielle est déterminée par la


nature et par le montant de la demande2.
Les Tribunaux de paix connaissent de toute contestation portant
sur le droit de la famille, les successions, les libéralités et les conflits
fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume. Ils connaissent de
toutes les autres contestations susceptibles d'évaluation pour autant que

1 Art. 75, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et


fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
2 Art. 122, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

leur valeur ne dépasse pas deux millions cinq cent mille francs congolais.
Ils connaissent également de l'exécution des actes authentiques1.
Les tribunaux de grande instance connaissent de toutes les contestations
qui ne sont pas de la compétence des tribunaux de paix. Toutefois, saisi d'une
action de la compétence des tribunaux de paix, le Tribunal de grande
instance statue au fond et en dernier ressort si le défendeur fait acter son
accord exprès par le greffier2.
Les Cours d'appel connaissent de l'appel des jugements rendus en
premier ressort par les tribunaux de grande instance, les tribunaux de
commerce et les tribunaux du travail3.
La Cour de cassation connaît des pourvois en cassation pour
violation des traités internationaux dûment ratifiés, des lois et de la
coutume contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les
juridictions de l'ordre judiciaire en matières civile, commerciale et
sociale4.

B. La compétence territoriale

La compétence territoriale est déterminée par le domicile ou la résidence


du défendeur. Le juge du domicile ou de la résidence du défendeur est seul
compétent pour connaître de la cause, sauf quelques exceptions. S'il y a
plusieurs défendeurs, la cause est portée au choix du demandeur, devant
le juge du domicile ou de la résidence de l'un d'eux5.
Les actions contre l'État peuvent être introduites devant le juge du
lieu où est établi le siège du Gouvernement ou le chef-lieu de Province.
Les actions contre les provinces et les entités territoriales décentralisées
peuvent être introduites devant le juge du lieu où ces entités ont le siège
de leur administration6.

1 Art. 110, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 112, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 115, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 116, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Art. 130, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


6 Art. 131, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

494
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En matière immobilière, l'action est portée devant le juge de la


situation de l'immeuble1.

Point 3
Les règles spéciales relatives à la litispendance et la connexité

La litispendance est la situation qui naît lorsqu’un litige pendant devant


une juridiction est porté devant une autre juridiction également compétente pour en
connaître2. Il y a litispendance lorsque deux ou plusieurs juridictions compétentes
se trouvent saisies à la fois des mêmes faits intéressants les mêmes personnes3.
La loi exige, pour qu'il y ait litispendance, des causes pendantes
devant les juridictions différentes de même nature, ce qui n'est pas le cas
d'une action civile pendant à la fois devant les juridictions civile et
pénale4. Elle exige qu'il y ait une même cause opposant mêmes parties et
pendante devant deux juridictions compétentes de même rang relevant
de la même souveraineté5.
Il y a connexité lorsque le lien entre plusieurs infractions est si étroit qu'elles
doivent être soumises aux mêmes juges. Cette connexité peut résulter de l'unité
du temps, de lieu, de dessein ou encore d'une relation de cause à effet, ou d'une
infraction ayant pour but d'en faciliter une autre6. La connexité renvoie à un lien
étroit entre deux demandes non identiques mais telles qu’il est de bonne justice de les
instruire et juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être
inconciliables7. Elle est justifiée par des soucis d'une « bonne administration de
la justice »8. Ainsi par exemple, sont liées entre elles par une seule
intention continue et persistante les infractions de détournement qui ont
été perpétrées selon une technique uniforme, avec fréquences et se
rapprochent entre elles dans le temps9.
La nuance entre la litispendance et la connexité réside dans le fait
que la litispendance exige que les causes concernant les mêmes parties

1 Art. 136, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1323
3 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 151.
4 C.S.J., R.P. 152, 02 avril 1977.
5 C.S.J., R.R. 517, 09 juin 2006.
6 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 152.
7 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 531.
8 C.S.J., R.P. 76 et 81, 19 déc. 1973 ; C.S.J., R.P. 180/181, 10 avr. 1976 ; C.S.J.,

R.P. 160/163, 26 fév. 1977.


9 C.S.J., R.P. 142, 04 mai 1974.

495
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

soient pendantes devant deux juridictions de même nature, de même


rang relevant de la même souveraineté ; tandis que la connexité exige
entre les causes, une unité d'objet, c'est-à-dire, une unité de temps, de
dessein, ou encore une relation de cause à effet, ou une infraction ayant
pour but d'en faciliter une autre. Ainsi, constitue une mauvaise
interprétation de la connexité et de la litispendance, la jonction de deux
cause non pendantes devant la même juridiction et distinctes quant à
leur objet1.
En cas de litispendance, les causes pendantes devant les juridictions
différentes sont renvoyées par l'une d'elles à l'autre selon les règles et
dans l'ordre ci- après2 : la juridiction saisie au degré d'appel est préférée
à la juridiction saisie au premier ressort ; la juridiction qui a rendu sur
l'affaire une disposition autre qu'une disposition d'ordre intérieur est
préférée aux autres juridictions ; la juridiction saisie la première est
préférée aux autres juridictions.
En cas de connexité3, les demandes pendantes devant un Tribunal
de paix peuvent, à la requête de l'une des parties, être jointes à des
demandes connexes pendantes devant le Tribunal de grande instance.
La juridiction ainsi saisie statue en premier ressort. Lorsque les
demandes pendantes devant les juridictions différentes de même rang
sont connexes, elles peuvent, à la demande de l'une des parties, être
renvoyées à celle de ces juridictions qui a déjà rendu une décision autre
qu'une disposition d'ordre intérieur, sinon, à la juridiction saisie la
première.

1 C.S.J., R.C. 2013, 07 juill. 2006.


2 Art. 145, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
3 Art. 146, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

496
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
LE MINISTÈRE PUBLIC ET LA POLICE
JUDICIAIRE

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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498
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Le ministère public
Il est institué un parquet près chaque juridiction de l'ordre
judiciaire1. Le corps de magistrats du parquet forme le ministère public2.
La nature du ministère public n'est pas évidente. Elle soulève
d'ailleurs beaucoup de controverses en doctrine3. Le Ministère public
semblerait appartenir au pouvoir exécutif, par le fait qu'il « surveille
l'exécution des actes législatifs, des actes réglementaires et des décisions de justice (...),
poursuit d'office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l'ordre public »4,
et en tant que tel, « les officiers du Ministère Public sont placés sous l'autorité du
Ministre ayant la justice dans ses attributions (qui) dispose d'un pouvoir d'injonction
sur le Parquet »5.
Mais il semblerait également appartenir au pouvoir judiciaire, en ce
qu'il jouit des mécanismes constitutionnels d'indépendance de la magistrature, par le
fait que sa carrière est gérée par le Conseil supérieur de la magistrature
et par là, échappe au contrôle du pouvoir exécutif6. Par ailleurs, le
magistrat du parquet se défait de la hiérarchie à l'audience où il est libre

1 Art. 65, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire. Dans
l'ordre judiciaire, le parquet est constitué, près le Tribunal de paix, d'un premier
substitut du Procureur de la République auquel sont adjoints un ou plusieurs
substituts du Procureur de la République ; près le Tribunal de grande instance,
d'un Procureur de la République assisté d'un ou de plusieurs Premiers Substituts
et d'un ou plusieurs Substituts du Procureur de la République ; près la Cour
d'appel, d'un Procureur général assisté d'un ou plusieurs Avocats généraux et
d'un ou plusieurs Substituts du Procureur général ; près la Cour de cassation,
d'un Procureur général assisté d'un ou plusieurs Premiers avocats généraux et
d'un ou plusieurs avocats généraux.
2 En ce sens, G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1405.
3 Lire E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., pp. 203-205 ; C.

MUSHONGA, Les pouvoirs du Ministère public face au respect des droits de la défense en
droit judiciaire congolais, Librairie Africaine d'Études Juridiques, Berlin, 2017, pp.
5-6.
4 Art. 66, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 Art. 70, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


6 Voir Annexe, Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des

magistrats.

499
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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soutenir ses positions, ainsi que l'exprime l'adage « la plume est serve mais
la parole est libre ».
Ce semblant de mélange lui vaut parfois de se voir attribuer une
nature hybride. Cependant, Michèle-Laure Rassat appelle à dépasser cette
conception classique du Ministère public en voyant en ce dernier, non le
représentant de l'exécutif, mais le représentant du peuple, par le fait qu'il
poursuit l'exécution des lois dont le peuple est auteur, et défend les
intérêts de la société devant les Cours et Tribunaux1.
Cela dit, en droit congolais, il faut dépasser ces considérations
doctrinales pour analyser la nature du Ministère public selon la volonté
du constituant. En effet, il ressort de l'esprit de la loi constitutionnelle
du 20 janvier 2011 que l'amendement introduit à l'article 149 de la
Constitution, consistant à extirper le parquet de l'énumération des
titulaires du pouvoir judiciaire désormais dévolu aux seuls cours et
tribunaux « remet ainsi en harmonie l’article 149 avec les articles 150 et 151 qui
proclament l’indépendance du seul magistrat du siège dans sa mission de dire le droit
ainsi que son inamovibilité »2. Le constituant explique ainsi lui-même le
contenu spirituel de sa disposition. Il en découle qu'en droit congolais,
le parquet est un organe du pouvoir exécutif, à la hiérarchie duquel il est
soumis. Il n'est donc pas indépendant du pouvoir exécutif et n'est pas
concerné par cette disposition.

Section 1
Les missions du Ministère public

On l'a dit tantôt, le Ministère public a la mission générale de surveiller


l'exécution des actes législatifs, des actes réglementaires et des décisions de justice. Il
poursuit d'office cette exécution dans les dispositions qui intéressent
l'ordre public3.
Le ministère public assiste à toutes les audiences des juridictions de
l'ordre judiciaire sans prendre part au délibéré4.

1 Citée par E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., pp. 203-205.
2 Exposé des motifs de la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de
certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du
18 février 2006.
3 Art. 66, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 66, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

500
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En matière répressive, le Ministère public agit par voie d'action. Il


recherche les infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont
commises sur le territoire de la République. Il reçoit les plaintes et les
dénonciations, accomplit tous les actes d'instruction et saisit les Cours et
tribunaux1. À cet effet, il dispose de la police judiciaire dont il a la
surveillance.
En matière de droit privé, le Ministère public intervient en principe
par voie d'avis2. Il donne obligatoirement son avis dans les cas prévus par
la loi. La Cour suprême a maintes fois eu à condamner la pratique
consistant pour le Ministère publique de « se référer à la sagesse du tribunal
», équivalant à une absence d'avis et partant, à une violation de la loi3.
Toutefois, le Ministère public peut agir par voie d'action principale
dans l'intérêt de toute personne physique lésée qui serait inapte à ester en justice, à
assurer sa défense et à y pourvoir.

Section 2
L’organisation du Ministère public

Le Parquet est organisé de manière hiérarchique. Au sommet de cette


hiérarchie se trouve le ministre de la justice qui dispose d'un pouvoir
d'injonction sur le Parquet. Il l'exerce en saisissant le Procureur général
près la Cour de cassation ou le Procureur général près la Cour d'appel
selon le cas sans avoir à interférer dans la conduite de l'action publique4.
Cette autorité s'analyse uniquement de manière positive. Il s'agit d'un droit
d'ordonner des poursuites, d'un droit d'impulsion, et d'un droit de regard
sur les affaires en cours. Cette injonction n'est aucunement négative. Le
ministre ne dispose pas d'un droit de véto, consistant à empêcher l'exercice de
l'action publique5. On estime que l'ordre de poursuivre ne préjuge rien
car l'exercice de l'action publique peut aboutir à l'acquittement, en ce cas,
la justice aura alors éclairci la situation. En revanche, les conséquences

1 Art. 67, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Lire Art. 68, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Voir par ex. C.S.J., RC 113, 28 juill. 1976 ; C.S.J., Arrêt RC, 29 août 1979 ;

C.S.J., Arrêt RC 80, 10 octobre 1979.


4 Art. 70, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


5 B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, Paris, 2017, p. 138 ; E.-J. LUZOLO et

N-A. BAYONA, op. cit., p. 164.

501
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de l'interdiction des poursuites sont autrement plus graves en ce sens


que l'autorité qui interdit se substitue à la fonction juridictionnelle et
absout le coupable sans qu'aucune garantie ne soit donnée à la vindicte
publique1.
Par ailleurs, le Procureur général près la Cour d'appel exerce la
plénitude de l'action publique2. Cela dit, le Procureur général près la Cour de
cassation peut, sur injonction du Ministre de la justice, initier ou
continuer toute instruction préparatoire portant sur des faits
infractionnels qui ne ressortent pas de la compétence de la Cour de
cassation ; requérir et soutenir l'action publique devant tous les Cours et
Tribunaux à tous les niveaux. Il peut également, sur injonction du
Ministre de la justice, ou d'office et pour l'exécution des mêmes devoirs,
faire injonction aux Procureurs généraux près la Cour d'appel3.
Le Procureur général près la Cour de Cassation a un droit de
surveillance et d'inspection sur les Parquets généraux près les Cours
d'appel. Il peut, à ce titre, demander et recevoir en communication tout
dossier judiciaire en instruction à l'office du Procureur général près la
Cour d'appel ou à celui du Procureur de la République4. Le Procureur
général près la Cour d'appel exerce la même surveillance sur les parquets
près les tribunaux de grande instance de son ressort dont du reste il règle
l'ordre intérieur. Ces derniers exercent la surveillance sur les parquets
près les tribunaux de paix.

1 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 164.


2 Art. 77, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
3 Art. 76, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 Art. 73, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,

fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

502
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La police judiciaire

La police judiciaire intervient particulièrement en matière répressive,


qui est une prérogative des juridictions de l'ordre judiciaire. La police
judiciaire seconde le parquet dans son exercice de l'action publique. Elle est
chargée de rechercher et constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler
les preuves et d'en rechercher les auteurs aussi longtemps qu'une information
n'est pas ouverte. Lorsqu'une information est ouverte, elle exécute les
délégations du magistrat instructeur et défère à ses réquisitions1.
À ce titre, la police judiciaire a un rôle répressif, car elle vise la
répression des faits infractionnels une fois commis. En tant que telle,
elle se distingue de la police administrative qui a un rôle préventif, un rôle
de surveillance ; elle est destinée à maintenir l’ordre. Elle doit assurer la
tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques. Elle y parvient par son
existence et par sa présence tout d’abord, par les injonctions qu’elle
adresse au besoin ensuite2. Lorsque la prévention ne suffit pas, alors
succède à la mission de police administrative celle de police judiciaire3.
Cela dit, la frontière entre les deux polices est parfois difficile à tracer4,
leurs opérations étant souvent menées par les mêmes agents, et une
opération de police administrative pouvant facilement se transformer en
une opération de police judiciaire. Ces deux catégories de police sont
assumées par la police nationale congolaise5.
En tout état de cause, il faut souligner que, dans un État de droit,
la fonction de la police n’est pas d’abord de renseigner le gouvernement,
ni de prévenir les troubles à l’ordre public, encore moins de rechercher
les auteurs d’infractions, mais bien de garantir les droits de l’homme6.

1 Art. 2, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions


d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun.
2 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal général et procédure pénale,

Sirey, Paris, 2018, p. 335.


3 E. VERNY, Procédure pénale, Dalloz, Paris, 2018, p. 48.
4 Idem.
5 Lire Art. 13 et suivants, Loi organique du 11 août 2011 portant organisation et

fonctionnement de la Police Nationale Congolaise.


6 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 35.

503
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section unique
L’organisation de la police judiciaire

Dans l'exercice de ses attributions, la police judiciaire est placée,


dans le ressort de chaque tribunal de grande instance sous la direction
du procureur de la République, dans le ressort de chaque cour d'appel,
sous la surveillance du procureur général près la cour d'appel et à
l'échelon national sous l'autorité du président du Conseil judiciaire,
procureur général de la République1.
La police judiciaire comprend deux catégories2 : les officiers de police
judiciaire et les agents de police judiciaire.
Nul ne peut se prévaloir de la qualité d'officier de police judiciaire
si celle-ci ne lui a pas été conférée par la loi ou par un arrêté du président
du Conseil judiciaire, procureur général de la République, pris dans la
forme prévue par la loi3. Ainsi, sont officiers de police judiciaire, les
Inspecteurs de police judiciaire ou officiers de police judiciaire des parquets, dont la
compétence s’étend à toutes les infractions et sur tout le territoire de la
République, sous réserve de la promulgation d’une loi d’organisation ;
les agents de la police nationale, qui appartiennent aux catégories A (les
commissaires divisionnaires de police et les commissaires supérieurs de
police), B (les commissaires de police) et C (les sous-commissaires de
police), ont qualité d’officier de police judiciaire à compétence générale4
; les agents et fonctionnaires de l’Agence Nationale de Renseignement ayant au
moins le grade d’inspecteur adjoint, sont officiers de police judiciaire à
compétence générale, leur compétence s’étend sur toute l’étendue du
territoire nationale5 ; mais aussi, certains fonctionnaires et agents de l'État
auxquels la loi attribue des fonctions d'officier de police judiciaire, tels
que les responsables des administrations locales.

1 Art. 3, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions


d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun.
2 Art. 4, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions

d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun.


3 Art. 5, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions

d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun.


4 Art. 77 Al. 2, Loi organique du 11 août 2011 portant organisation et

fonctionnement de la Police Nationale Congolaise.


5 Art. 22, al.2, Décret-loi n°003-2003 du 11 janvier 2003 portant création et

organisation de l’Agence nationale de renseignement

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
L'habilitation et le serment de l'officier de police judiciaire

Les officiers de police judiciaire ne peuvent exercer effectivement


leurs attributions, ni se prévaloir de cette qualité, qu'après y avoir été
personnellement habilités par le procureur de la République du ressort et
prêté serment entre ses mains, verbalement ou par écrit1.
L'habilitation ainsi que la prestation de serment, constatées sur
procès-verbal, donnent lieu à l'octroi à l'intéressé d'un numéro
d'identification et d'une carte d'officier de police judiciaire2.
Le procureur de la République accorde ou refuse, par décision motivée,
l'habilitation à exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de
police judiciaire. Il peut aussi, lorsque l'officier de police judiciaire se
révèle par son comportement ou ses connaissances, inapte à exercer ses
attributions, suspendre cette habilitation pour une durée n'excédant pas
six mois ou la retirer à titre définitif3.
Lorsqu'il envisage de refuser, de suspendre ou de retirer
l'habilitation, le procureur de la République adresse préalablement à
l'officier de police judiciaire concerné une demande écrite réclamant ses
explications sur les faits qui lui sont reprochés. Il peut, si les
circonstances l'exigent, ordonner une enquête4.
L'officier de police judiciaire peut, dans le délai de 8 jours à partir
de la notification de la décision du procureur de la République, exercer,
par requête motivée, un recours contre cette décision auprès d'une
commission présidée par le procureur général près la cour d'appel du
ressort et comprenant deux magistrats de son office choisi par lui.
L'officier de police judiciaire est entendu personnellement ou par
l'intermédiaire d'un conseil. Il a droit à la communication du dossier. Il

1 Art. 7, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions


d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun.
2 Art. 8, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions

d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun.


3 Art. 13, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
4 Art. 14, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

505
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

peut aussi être entendu par tout magistrat ou officier de police judiciaire
délégué à cette fin par le procureur général1.
L'officier de police judiciaire dont l'habilitation a été suspendue ou
retirée est tenu de remettre sa carte d'officier de police judiciaire dès la
notification de la décision du procureur de la République entre les mains
de ce magistrat ou de son délégué. En cas de suspension de l'habilitation,
la carte lui est restituée de plein droit et il reprend le plein exercice de ses
attributions à l'expiration du délai de suspension2.
L'officier de police judiciaire ayant fait l'objet d'une mesure de
refus, de suspension ou de retrait de l'habilitation, ne peut exercer les
fonctions attachées à cette qualité3. Tout procès-verbal établi par un officier
de police judiciaire non habilité ou n'ayant pas prêté serment ou dont
l'habilitation a été suspendue ou retirée est nul et de nul effet4.

Paragraphe 2
Le dossier individuel et le signalement des officiers de police
judiciaire

Le procureur de la République tient un dossier individuel de chaque


officier de police judiciaire de son ressort. À la fin de chaque année
judiciaire, il établit sur chacun d'eux un signalement sur son militantisme,
son comportement, sa manière de rédiger les procès-verbaux et rapports,
le zèle avec lequel il remplit ses devoirs, sa probité, la valeur des
informations données au parquet, son habilité professionnelle et le degré
de confiance que l'on peut accorder à ses constatations5.

1 Art. 15, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 Art. 16, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 18, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
4 Art. 19, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
5 Art. 20, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

506
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le signalement ainsi établi est notifié à l'officier de police judiciaire


qui peut exercer un recours devant le procureur général près la cour
d'appel dans les formes et délais prévus en matière d'habilitation1.

Paragraphe 3
Les agents de police judiciaire

Sont agents de police judiciaire, les personnes auxquelles cette


qualité a été reconnue par la loi ou les règlements2. Les agents de police
judiciaire ont pour mission de seconder, dans l'exercice de leurs fonctions, les
officiers du ministère public et les officiers de police judiciaire. Ils transmettent les
convocations et exécutent les mandats de ces autorités. Ils peuvent être chargés
par ces autorités d'une mission de surveillance ou d'une opération de recherche,
d'arrestation ou de saisie, hormis celle qui implique une perquisition3.
Les agents de police judiciaire sont placés sous la direction des officiers
de police judiciaire sous les ordres desquels ils exercent leurs fonctions et la
surveillance du ministère public. Ils rendent compte verbalement ou par
écrit, sous forme de rapport, des opérations qu'ils effectuent ainsi que
des constations qu'ils font. Leurs déclarations verbales sont reçues sur
procès-verbal dans les formes ordinaires d'audition des dénonciateurs ou
des témoins4.
Les agents de police judiciaire n'ont pas qualité pour décider seuls
des mesures de saisie ou d'arrestation. Toutefois, en cas d'infraction
flagrante ou réputée telle, ils peuvent se saisir de la personne du suspect
à charge de le conduire immédiatement devant l'officier du ministère
public ou l'officier de police judiciaire le plus proche. Ils peuvent aussi,
dans les mêmes circonstances et sous les mêmes conditions, procéder à

1 Art. 21, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 Art. 23, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 24, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
4 Art. 25, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

507
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

la saisie des objets sur lesquels pourrait porter la confiscation prévue par
la loi et de tous autres qui pourraient servir à conviction ou à décharge1.

Paragraphe 4
Les règles communes aux officiers et agents de police judiciaire

Les officiers et agents de police judiciaire sont, chacun dans leur


catégorie, égaux devant la loi en prérogatives et en responsabilité. Ils
doivent servir la société avec loyauté, intégrité et dévouement. Ils ne
peuvent en aucun cas recevoir des parties ou de leurs mandataires des
rémunérations quelconques ni accepter des moyens de transport ou
autres avantages qui leur seraient offerts par ceux-ci même pour
l'exercice de leurs fonctions. Lorsque pour les besoins d'une enquête, ils
ont été amenés à exposer des frais personnels, ils dresseront un état
desdits frais qu'ils annexeront à leur procès-verbal avec toutes les pièces
justificatives. Ceux-ci leur seront remboursés par un comptable du
Trésor au vu d'une décision motivée de taxation émanant du procureur
de la République. Les frais ainsi exposés entreront en compte pour le
calcul des frais de justice2.
Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus d'informer
sans délai les autorités judiciaires de toute infraction dont ils ont
connaissance. Ils n'ont aucun pouvoir d'appréciation de l'opportunité de
poursuivre ou de ne pas poursuivre. Sous peine d'une sanction pouvant
aller jusqu'à deux mois de servitude pénale, et sans préjudice des droits
de la partie civile à leur réclamer les dommages-intérêts auxquels le
coupable aurait été condamné, ils ne peuvent ni refuser, ni différer la
constatation d'une infraction pour laquelle ils ont été requis par un
particulier ou par l'officier du ministère public3. En aucun cas, ils ne
peuvent et pour quelque motif que ce soit déférer à un ordre d'aucune

1 Art. 26, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 Art. 27, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 28, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

508
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

autre autorité leur enjoignant de ne pas poursuivre, d'arrêter, de saisir ou


de ne pas exécuter les devoirs auxquels ils sont astreints1.
Les officiers et agents de police judiciaire doivent avoir en toute
circonstance un comportement digne envers les justiciables. Ils sont
tenus de justifier de leur qualité et de leur compétence à toute demande
des autorités judiciaires ou des justiciables2.

1 Art. 29, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 Art. 30, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

509
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

510
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 3
LE CORPS DU BARREAU ET DES
DÉFENSEURS JUDICIAIRES

511
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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512
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les avocats
Les avocats sont des auxiliaires de justice chargés d’assister ou représenter
les parties, postuler, conclure et plaider devant les juridictions. Ils peuvent consulter,
conseiller, concilier, rédiger des actes sous seing privé, assister ou représenter les parties
en dehors des juridictions1. Son rôle est d'une telle importance dans la
démocratie que certains voient en lui, bien plus qu'un auxiliaire de
justice, mais un organe à part entière. « L’avocat est un organe de justice (...)
Il n’est pas un auxiliaire de justice mais un organe de justice qui participe positivement
à la réalisation de la justice dans l’Etat »2. Ainsi, écrit le Bâtonnier Eugène
Reumont « un auxiliaire est utile mais non indispensable (...) l’avocat est
tellement nécessaire à la manifestation de la vérité que ceux qui l’écartent
des débats, se sentent coupables ; ce qu’ils sont en effet, en voulant
donner aux justiciables l’illusion de l’assistance »3.
Chargé d’assister ou représenter les parties, postuler, conclure et
plaider devant les juridictions, l'avocat se présente comme un guide du
juge, lui donnant les arguments juridiques pour statuer sur le litige. Il est
aussi le défenseur des droits de l’homme contre les atteintes du pouvoir. «
L’avocat dérange parce qu’il soutient les faibles contre les forts, les vaincus contre les
vainqueurs puissants épis de vengeance »4. Il peut être considéré, au regard du
rôle qu'il joue dans l'administration de la justice pour la manifestation de
la vérité judiciaire, comme l'une des garanties du respect de droits et
intérêts des parties et l'un des remparts contre l'arbitraire du juge et les
éventuelles erreurs judiciaires5.
Quand bien même dans la vie courante, l'avocat passe pour plus
d'une personne comme un menteur, un trouble fait des audiences, un
homme rusé… bref, tout ce qui rapproche lui et sa profession des
antivaleurs6, en réalité, « la profession d’avocat est une profession de service ; sa

1 Art. 1, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 S. NAOUI, Obligations et responsabilités de l'avocat, Thèse, Université de Grenoble,

2014, p. 1.
3 Eugène Reumont, cité par S. NAOUI, op. cit., p. 16.
4 Bernard Sur, cité par S. NAOUI, op. cit., p. 17.
5 U. KOKOLO, Profession d'avocat en République démocratique du Congo, Mémoire de

Licence, Université de Kisangani, 2008, n°1.


6 Idem., n°3.

513
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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fonction consiste à aider les gens à se comprendre, ce qui n’est jamais facile »1. En
effet, les hommes sont rarement à la fois objectifs, sereins, compétents
et juridiquement aptes à la parole pour présenter et défendre leurs
intérêts devant le juge. Aussi, de tout temps, les parties ont-elles fait
recours à un porte-parole professionnel, qui, dépouillé des passions du
plaideur, expose clairement les arguments susceptibles de déterminer la
décision du juge. Ce porte-parole est l'avocat2. En fait, l’avocat est un
artiste qui maîtrise l’art de convaincre le juge de la thèse de son client par
la parole, par l’écrit et par la négociation, dans le but de protéger son
client, de gagner la cause, et de créer de nouvelles jurisprudences. La
mission de l’avocat ne se limite pas seulement à l’exécution fidèle d’un
mandat dans le cadre de la loi dans un Etat de droit, mais elle est
indispensable à la justice et aux justiciables dont elle a la charge de
défendre les droits et libertés3. En somme, il est une expression
d’indépendance et de liberté4.
L'avocat est chargé d’assister ou représenter les parties, postuler,
conclure et plaider devant les juridictions. Il peut consulter, conseiller,
concilier, rédiger des actes sous seing privé, assister ou représenter les
parties en dehors des juridictions. L'assistance est une mission en général
confiée par le plaideur lui-même à un avocat qui emporte pour celui qui
en est chargé pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa
défense sans l’obliger5. Quant à la représentation, elle est une mission
qui confère au mandataire pouvoir et devoir d’accomplir au nom du
mandant (le plaideur) les actes de la procédure et emporte, sauf
disposition ou convention contraire, mission d’assistance6. La
postulation est une mission consistant à accomplir au nom d’un plaideur
les actes de la procédure, qui incombe, du seul fait qu’elle est constituée,
à la personne investie d’un mandat de représentation en justice7. La
conclusion est l'opération par laquelle les parties contractantes
s’engagent et qui donne naissance à leur accord correspondant à la
formation d’un acte juridique8. La plaidoirie est l'action de plaider,

1 McCompack cité par S. NAOUI, op. cit., p. 16.


2 U. KOKOLO, op. cit., n°11.
3 S. NAOUI, op. cit., p. 17.
4 Remo Danovi, cité par S. NAOUI, op. cit., p. 17.
5 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 203.
6 Idem., p. 1291.
7 Ibidem.., p. 1654.
8 Ibidem.., p. 501.

514
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d’exposer oralement à la barre d’un tribunal, les faits de l’espèce, et les


prétentions d’un plaideur, de faire valoir au soutien de celles-ci des
preuves et des moyens de droit et de développer des arguments en faveur
de sa thèse1. La consultation est le fait de solliciter d’un organisme ou
d’une personne, sur une question de sa compétence ou de sa
qualification, un avis2. Le. Conseil est une personne qui donne à une
autre des avis, des renseignements, des consultations, ou qui l’assiste,
soit dans la défense en justice de ses intérêts, soit dans la gestion de ses
affaires3. La conciliation est l'accord par lequel deux personnes en litige
mettent fin à celui-ci (soit par transaction, soit par abandon unilatéral ou
réciproque de toute prétention), la solution du différend résultant non
d’une décision de justice (ni même de celle d’un arbitre) mais de l’accord
des parties elles-mêmes4. La rédaction est l’action de rédiger et le résultat
de cette action5.
Ces fonctions s'exercent au sein ou en dehors des juridictions. Dans
le premier cas, on parle « d’actes d’autel », et dans le second, « d’actes de
palais ». Au demeurant, nous sommes appelés à constater aujourd'hui
que la dichotomie traditionnelle entre l’avocat conseil et contentieux est
dépassée : l’avocat est désormais tout à la fois agent sportif, expert,
arbitre, enquêteur, lobbyiste, formateur…6
La Constitution dispose que « toute personne a le droit de se défendre elle-
même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de
la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction préjuridictionnelle.
Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité ». Précisant les
modalités d'application de cette disposition, la loi vient limiter cette
possibilité en accordant le monopole des missions d'assistance et de représentation
à l'avocat. Elle dispose que « sans préjudice des dispositions relatives aux
défenseurs judiciaires et aux mandataires de l’État, nul ne peut, s’il n’est
avocat, assister ou représenter les parties, postuler, conclure et plaider pour autrui
devant les juridictions »7. Ce monopole est justifié par le fait que se faire

1 Ibidem.., p. 1624.
2 Ibidem.., p. 563.
3 Ibidem.., p. 534.
4 Ibidem.., p. 499.
5 Ibidem.., p. 1835.
6 K. HAERI et alii., L'avenir de la profession d'avocat, Garde des sceaux, Paris, 2017,

p. 8.
7 Art. 6, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État. Nos italiques.

515
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

assister ou représenter par un avocat offre des garanties de compétence,


de probité et de surveillance par la puissance publique et reste lié au droit
de la défense, étant donné que l'avocat est supposé avoir la connaissance
nécessaire du droit et que sa profession contrôlée ne lui permet pas de
faire preuve de négligence ou de mauvaise foi1. Les avocats peuvent
plaider et conclure en toutes matières devant toutes les juridictions, sauf
en ce qui concerne la Cour de Cassation2. Nul ne peut porter le titre
d’avocat ni en exercer la profession s’il n’est inscrit sur un tableau de l’Ordre
ou sur une liste de stage3.
Les avocats font partie des barreaux qui sont établis près les cours
d’appel ou près la Cour de Cassation et le Conseil d'État. Chaque barreau
est administré par un conseil de l’Ordre présidé par un bâtonnier.
L’ensemble des barreaux de la République forme l’Ordre national des
avocats. L’Ordre national des avocats est administré par un conseil
national de l’Ordre présidé par un bâtonnier national. Les barreaux et
l’Ordre national des avocats ont la personnalité juridique4.

Section 1
L’accès à la profession d’avocat

Paragraphe 1
Conditions d'accès à la profession d'avocat

Nul ne peut accéder à la profession d'avocat ni en exercer les


prérogatives s'il ne remplit entre autres comme conditions, la nationalité
congolaise, la disposition d'une licence ou d'un doctorat en droit,
l'absence de condamnation pour des agissements contraires à l’honneur,

1 U. KOKOLO, op. cit., n°12.


2 Art. 5, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du
barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
3 Art. 3, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 4, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

516
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

à la probité et aux bonnes mœurs — à moins d’en avoir été amnistié ou


réhabilité — la disposition d'un certificat de bonne vie et mœurs1.
Avant son inscription au barreau, l'avocat doit passer par le stage.
Sauf dérogation, l'avocat reçoit, avant son inscription au tableau, une
formation professionnelle au cours d’un stage préparatoire à l’inscription au
tableau de l’Ordre effectué sous la conduite d’un avocat inscrit au tableau
d’un barreau institué près une Cour d’appel2. Le stage a pour but
d’assurer la formation professionnelle. Il comporte la participation à des
travaux et conférences organisés par le conseil de l’Ordre, la
fréquentation des audiences et l’accomplissement des travaux effectifs
inhérents à la profession sous le contrôle du maître de stage. Il se termine
par une épreuve organisée et sanctionnée par un certificat d’aptitude
professionnelle3.
Toute personne qui demande son admission au stage est tenue de
fournir au conseil de l’Ordre, en double exemplaire toutes les pièces
établissant qu’elle remplit les conditions requises pour accéder à la
profession d’avocat et l’indication de l’avocat qui a accepté de lui servir
de maître de stage. S’il n’en a pas été trouvé un, il en sera désigné d’office
par le bâtonnier4.
L’admission au stage est prononcée par le conseil de l’Ordre dans
les trois mois de la réception de la demande. Le refus d’admission ne
peut être prononcé sans que l’intéressé n’ait été entendu ou appelé dans
le délai de quinze jours. Avant de statuer sur la demande d’admission, le
conseil de l’Ordre est tenu de recueillir tous enseignements sur la
moralité du postulant et son comportement habituel eu égard à la

1 Art. 7, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 9, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 16, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 10, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

517
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

déontologie de la profession. Il recueille en outre l’avis préalable du


procureur général à qui le double du dossier de demande est transmis1.
La décision d’admission ou de refus d’admission est notifiée à
l’impétrant et au procureur général qui peuvent dans le délai d’un mois,
la déférer devant le conseil national de l’Ordre2. Si le conseil de l’Ordre
n’a pas statué dans le délai de trois mois qui suit le dépôt de la demande
d’admission, celle-ci est considérée comme rejetée et l’intéressé peut
porter sa réclamation devant le conseil national de l’Ordre. Il en avise le
procureur général et le bâtonnier3.
Les postulants admis au stage prêtent serment, avant d'être inscrits sur
la liste et d'exercer la profession, devant la Cour d'appel4.
Le conseil de l’Ordre arrête la liste des stagiaires qui est publiée
chaque année, en même temps et dans les mêmes conditions que le
tableau de l’Ordre5.
Durant son stage, l’avocat peut accomplir tous les actes de la profession,
sous le contrôle et la direction du maître de stage. Ce patronage des
stagiaires est un devoir des avocats. L’avocat doit conseil au stagiaire qu’il
patronne. Il dresse annuellement un rapport de stage qu’il adresse au
bâtonnier. Le stagiaire doit respect à son maître de stage, il lui rend les
services fixés par l’usage dans le cadre de la profession6.

1 Art. 11, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 12, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 13, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 14, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 15, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
6 Art. 17, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

518
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le stage est d’une durée de deux ans.1. À la fin du stage, il est établi
par le maître de stage un rapport sur l’avocat stagiaire. Ce rapport porte
sur sa valeur professionnelle et sa moralité tant dans l’exercice de sa
profession que dans sa vie privée. Le rapport du maître de stage est
transmis au conseil de l’Ordre pour être statué ce qu’il appartiendra
quant à l’inscription au tableau2.

Paragraphe 2
L'inscription au tableau du barreau

Seuls les avocats qui ont terminé leur stage et qui ont obtenu le certificat
d’aptitude professionnelle peuvent être inscrits au tableau d’un barreau près
la Cour d’appel3. Cela dit, certaines personnes en sont dispensées4. Il
s'agit : des anciens magistrats, pourvu qu’ils aient exercé leurs fonctions
pendant trois années au moins ; des personnes qui, durant trois années
au moins, ont, en qualité de professeurs, enseigné le droit dans une
université ou une école supérieure ; des anciens avocats précédemment
inscrits au tableau d’un barreau ; des anciens défenseurs judiciaires ayant
exercé la profession durant cinq ans au moins.
La demande d’inscription est adressée avec tous les documents
utiles au conseil de l’Ordre du barreau auquel le candidat sollicite son
inscription5. Avant de statuer sur la demande d’inscription, le conseil de
l’Ordre est tenu de recueillir tous renseignements sur la moralité du
postulant et son comportement habituel eu égard à la déontologie de la

1 Art. 18, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 20, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 21, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 22, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 23, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

519
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

profession. Il recueille en outre l’avis préalable du procureur général1.


L’inscription au tableau est prononcée par le conseil de l’Ordre dans les
trois mois de la réception de la demande. Le refus d’inscription ne peut
être prononcé sans que l’intéressé n’ait été entendu ou appelé dans un
délai de quinze jours2. La décision du conseil de l’Ordre est notifiée, sur
les diligences du bâtonnier, au procureur général et au postulant. Le
procureur général et le postulant peuvent appeler de cette décision,
auprès du conseil national de l’Ordre dans le mois qui suit sa
notification3.
Sous le contrôle du conseil national de l’Ordre, le conseil de l’Ordre
tient le tableau du barreau sur lequel sont inscrits tous les avocats ayant leurs
cabinets dans le ressort de la Cour d’appel, ainsi que les avocats qui, après
cessation définitive de leurs activités sont admis à porter le titre d’avocats
honoraires.
Avant leur inscription au tableau, les avocats admis à exercer la
profession, prêtent ou renouvellent le serment4. Il « jure de respecter la
Constitution, d’obéir à la loi, d’exercer la défense et le conseil avec
dignité, conscience, indépendance et humanité, de ne rien dire ou publier
de contraire aux lois, aux décisions judiciaires, aux bonnes mœurs, à la
sécurité de l’État et à la paix publique, de ne jamais (s)’écarter du respect
dû aux tribunaux, aux magistrats et aux autorités publiques, de ne
conseiller ou défendre aucune cause (qu'il ne croirait) juste en (son) âme
et conscience ». La formule du serment résume le mieux les qualités
attendues de l’avocat5.
Le conseil de l’Ordre assure l’affichage permanent du tableau et de
la liste des stagiaires dans un local de chaque palais de justice du ressort

1 Art. 25, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 24, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 27, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 29, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 J.-J. TAISNE, La déontologie des avocats, Dalloz, Paris, 2009, p. 7.

520
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de la Cour d’appel accessible au public1. Chaque année, au plus tard à la


rentrée judiciaire de la Cour, il est procédé, par le conseil de l’Ordre, à la
mise à jour du tableau de l’Ordre et de la liste des stagiaires. À cette
occasion, le conseil de l’Ordre s’assure pour chaque avocat inscrit qu’il
remplit toujours toutes les conditions requises pour continuer à exercer
la profession ou à porter le titre d’avocat honoraire. Il recueille tous les
renseignements utiles sur le comportement de chaque avocat eu égard
aux règles de sa déontologie professionnelle. Il décide, s’il y a lieu, de son
omission du tableau2.
Doit être omis du tableau, l’avocat qui se trouve dans un des cas
d’exclusion ou d’incompatibilité prévus par la loi. Peut en outre être omis
du tableau : l’avocat qui du fait de son éloignement de la juridiction près
de laquelle est établi son cabinet, soit par l’effet de maladie ou infirmité
graves et permanentes, soit par acceptation d’activités étrangères au
barreau, est empêché d’exercer réellement sa profession ; l’avocat dont
le défaut d’honorabilité pourrait porter atteinte à la dignité de la
profession ; l'avocat qui, sans motifs valables, ne s’acquitte pas dans les
délais prescrits de sa contribution aux charges de l’Ordre et du barreau
auquel il appartient ; l’avocat qui, sans motifs légitimes, n’exerce pas
effectivement sa profession3.
L’omission du tableau peut être prononcée en tout temps par le conseil de l’Ordre
soit d’office, soit à la demande du procureur général ou même de
l’intéressé4. L’avocat omis est tenu, sous la surveillance du bâtonnier, de
fermer son cabinet et de remettre aussitôt les affaires en cours ou

1 Art. 30, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 31, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 32, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 33, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

521
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

terminées à ses clients. Le procureur général prête main forte s’il est
nécessaire à l’exécution de cette décision1.
L’avocat omis peut demander sa réinscription pour autant qu’il
apporte la preuve que les faits qui avaient précédemment motivé
l’omission ont cessé et qu’il remplit désormais les conditions requises
pour exercer honorablement la profession2.
Les décisions en matière d’omission et de réinscription sont prises
dans les mêmes formes et donnent lieu aux mêmes recours qu’en matière
d’inscription. Elles sont obligatoirement communiquées au procureur
général et au bâtonnier national3. Aucune omission, aucun refus
d’inscription ou de réinscription ne peut être prononcé sans que
l’intéressé n’ait été entendu ou appelé à se défendre au moins quinze
jours avant l’audience. Le conseil de l’Ordre sursoit à statuer, s’il y a lieu,
jusqu’à l’expiration du délai qu’il estime raisonnable, compte tenu de
l’éloignement de l’intéressé4.

Section 2
L'organisation et l'administration du barreau

Les avocats établis dans le ressort de chaque Cour d’appel forment un


barreau. Celui-ci comprend les avocats inscrits au tableau et ceux inscrits sur la
liste du stage5.
Le barreau est la pierre angulaire qui accomplit la construction de
l’organisation judiciaire dans les pays démocratiques6. Son rôle peut être

1 Art. 34, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 35, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 36, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 37, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 38, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
6 S. NAOUI, op. cit., p. 16.

522
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

envisagé comme le contrôle de l'accès et de l'exercice de la profession d'avocat et la


défense des intérêts communs de ses membres1.
Les avocats font partie des barreaux qui sont établis près les cours
d’appel ou près la Cour de Cassation et le Conseil d'État. Mais ils sont autorisés
à faire partie de plusieurs barreaux, pour autant qu’ils établissent un cabinet
dans le ressort de chacun d’eux et qu’ils y exercent effectivement leur
profession2.
Les organes du barreau sont l’assemblée générale ; le conseil de
l’Ordre et le bâtonnier3.

Paragraphe 1
L'assemblée générale

L’assemblée générale comprend tous les avocats inscrits au tableau. Elle


se réunit sur convocation du bâtonnier soit d’office, soit à la demande
du conseil de l’Ordre ou de la majorité des avocats inscrits au tableau.
Elle est tenue de se réunir au moins une fois par an, le deuxième mardi
du mois d’octobre à l’heure fixée par le bâtonnier.
L'assemblée générale n'a qu'un rôle modeste4. Sa mission est
essentiellement élective. Elle procède aux élections du bâtonnier et des
membres du conseil de l’Ordre. Mais elle peut porter à son ordre du jour
toute question intéressant l’exercice de la profession et le bon fonctionnement de la
justice5.
Les décisions de l’assemblée générale sont prises à la majorité des
voix, en principe. Les avocats stagiaires peuvent assister aux travaux de
l’assemblée générale, mais ne participent pas aux votes6. Cette

1 U. KOKOLO, op. cit., n°21.


2 Art. 51, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du
barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
3 Art. 39, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 J.-J. TAISNE, op. cit., p. 28.
5 Art. 40, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
6 Art. 41, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

523
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

participation restreinte des avocats stagiaires à l'assemblée générale se


justifie par le fait même qu'ils ne sont pas encore devenus des membres
à part entière, c'est dire qu'ils n'ont pas encore acquis la qualité complète
d'Avocats bien qu'ils plaident et posent tous les actes d'Avocat1.

Paragraphe 2
Le conseil de l’Ordre

Le Conseil de l'ordre est l'organe de gestion du barreau. Il accomplit des


tâches réglementaires, administratives et disciplinaires.
Le Conseil de l'ordre a pour attributions de traiter toutes questions
intéressant l’exercice de la profession. Il veille à la stricte observation des
règles de la profession et des devoirs des avocats ainsi qu’à la protection
de leurs droits. Il arrête et modifie le règlement intérieur, assure le
maintien des principes de probité, de désintéressement, de modération
et de confraternité, veille à ce que les avocats soient exacts aux audiences
et se comportent en loyaux auxiliaires de la justice ; il traite toute
question intéressant la défense des droits des avocats et l’observation de
leurs devoirs, il veille tout particulièrement à la formation des stagiaires
; il organise un bureau de consultations gratuites en faveur des indigents
et détermine les conditions de son fonctionnement ; il gère les biens
appartenant au barreau, prépare le budget, fixe le montant des
cotisations, répartit les charges entre ses membres et en assure le
recouvrement ; il organise les services généraux de recherche, de
documentation et d’assistance mutuelle ; il vérifie la tenue de la
comptabilité des avocats ; il autorise le bâtonnier à ester en justice pour
le compte du barreau et à effectuer tous actes intéressant ce dernier2.
La composition du Conseil de l'ordre est tributaire de la taille du
barreau. Ainsi le Conseil de l'ordre est composé de trois membres dans
les barreaux où le nombre des avocats est de huit à quinze ; six membres
dans les barreaux où le nombre des avocats est de seize à vingt-cinq ;
neuf membres dans les barreaux où le nombre des avocats est de vingt-
six à cent ; quinze membres dans les barreaux où le nombre des avocats
est supérieur à cent. Dans le cas où le nombre des avocats est inférieur

1 U. KOKOLO, op. cit., n°22.


2 Art. 43, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du
barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.

524
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

à huit, les fonctions de conseil de l’Ordre sont remplies par la Cour


d’appel1.
Les membres du conseil de l’Ordre sont élus pour trois ans au scrutin
secret par l’assemblée générale. L’élection a lieu à la majorité absolue des
suffrages aux trois premiers tours et à la majorité relative au tour suivant.
Seuls les avocats inscrits au tableau depuis cinq ans au moins peuvent
être élus membres du conseil de l’Ordre — sauf circonstances
exceptionnelles rendant impossible le respect de cette disposition —.
Les membres du conseil de l’Ordre ne sont pas immédiatement
rééligibles à l’expiration de leur mandat. Le conseil de l’Ordre est
renouvelable par le tiers chaque année2.
Le conseil de l’Ordre se réunit au moins une fois par mois, sur
convocation du bâtonnier. Il ne siège valablement que si plus de la moitié
de ses membres sont présents. Il statue à la majorité des voix3.

Paragraphe 3
Le bâtonnier

Le bâtonnier remplit un rôle de « pasteur », selon l’expression de


Roger Merle, parvenant à force de « dialogues, colloques singuliers et réflexions
personnelles sur l’éthique de la profession d’avocat (…) à fixer la doctrine de l’Ordre
sur les points douteux ou mal éclaircis…»4. Il reçoit de la loi la mission de
représenter le barreau, veiller à la discipline de tous les avocats, concilier les différends
et assurer le bon fonctionnement du conseil de l’Ordre5.

1 Art. 42, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 44, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 45, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 J.-J. TAISNE, op. cit., p. 40.
5 Art. 49, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

525
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'élection du bâtonnier précède celle des membres du conseil de


l’Ordre1. Le bâtonnier est élu par l’assemblée générale au scrutin secret et à
la majorité absolue des suffrages. En cas de ballottage au premier tour,
un deuxième tour porte sur les deux candidatures ayant réuni le plus
grand nombre de voix au premier tour. En cas d’égalité des voix, c’est le
candidat le plus ancien au tableau qui l’emporte2. Seuls les anciens
membres du conseil de l’Ordre inscrits au tableau depuis plus de cinq
ans peuvent être élus bâtonniers — Sauf circonstances exceptionnelles
rendant impossible le respect de cette disposition —. Le mandat du
bâtonnier est de trois ans3.
Les mandats du bâtonnier et des membres du conseil de l’Ordre
commencent dès la proclamation des résultats de leur élection pour se
terminer à la proclamation des résultats de l’élection du nouveau
bâtonnier et des nouveaux membres. Lorsque, pour quelque cause que
ce soit, le bâtonnier ou un membre du conseil de l’Ordre cesse ses
fonctions avant le terme de son mandat, il est procédé à l’élection d’un
remplaçant pour la période restant à courir, lequel peut être réélu à
l’expiration de cette période4.

Paragraphe 4
Les avocats à la Cour suprême de justice

La Cour suprême n'existe plus depuis 2006. Elle a été scindée en


trois ordres juridictions, correspondant à ses trois anciennes sections.
Cela étant, les barreaux près ces juridictions n'ont toujours pas été mis
en place. Par conséquent, la loi dispose qu' « en attendant que soit revue la
législation sur le Barreau, les avocats inscrits au Barreau près la Cour Suprême de

1 Art. 47, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 46, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 48, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 52, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

526
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

justice exercent leur profession devant la Cour de Cassation »1. De même, « en


attendant l'installation du barreau près le Conseil d'État, les avocats à la Cour
suprême de justice sont admis à exercer, en matière de cassation, leur ministère devant
le Conseil d'État »2.
Le droit de postuler et de conclure, d’assister et de représenter les
parties devant la Cour suprême de justice siégeant comme juridiction de
cassation appartient exclusivement aux avocats à la Cour suprême de justice3. Ils
forment le barreau près la Cour suprême de justice, lequel est dirigé par
un conseil de l’Ordre présidé par un bâtonnier élu dans les mêmes
conditions que pour les barreaux près les Cours d'appel ci-dessus
étudiées4.
Nul ne peut être admis comme avocat à la Cour suprême de justice
s’il n’a exercé la profession pendant dix ans, au moins ; et s’il n’a réalisé
une ou plusieurs publications dans le domaine du droit5. L’admission au
barreau près la Cour suprême de justice est prononcée par le conseil de
l’Ordre des avocats près cette Cour après avis conforme de l’assemblée
plénière des magistrats de la Cour6.
Les avocats à la Cour suprême de justice représentent valablement
les parties sans avoir à justifier d’une procuration7. Ils peuvent exercer le

1 Art. 90, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la Cour de cassation.
2 Art. 405, Loi organique du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence

et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif.


3 Art. 103, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 108, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 105, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
6 Art. 104, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
7 Art. 107, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

527
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ministère d’avocat devant toutes les juridictions de la République1. Ils


doivent, pour tous les actes de leur ministère devant cette Cour, établir
leur domicile professionnel à Kinshasa2. Les décisions en matière
disciplinaire en ce qui les concerne sont prises par le conseil de l’Ordre
du barreau près cette juridiction. En cas de contestation, l’affaire est
portée devant le conseil national de l’Ordre3. Pour le reste, ils sont régis
par les mêmes règles que celles concernant les autres avocats4.

Paragraphe 5
L'ordre national des avocats

Tous les barreaux se réunissent et forment l'ordre national des


avocats. Il a son siège à Kinshasa5.
Ces organes sont l’assemblée générale ; le conseil national de
l’Ordre et le bâtonnier national6.

1 Art. 111, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 110, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 109, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 112, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 113, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
6 Art. 114, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
L’assemblée générale

L’assemblée générale de l’Ordre national des avocats comprend tous


les bâtonniers et les membres des différents conseils de l’Ordre1. Elle ne comprend
pas tous les avocats des différents barreaux du pays, mais seulement les
représentants. Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation
du bâtonnier national agissant soit d’office, soit à la demande du
président du Conseil judiciaire, procureur général de la République, soit
encore à la demande des deux tiers des membres de l’assemblée générale.
L’assemblée générale délibère sur toutes les questions d’intérêt commun
et sur les moyens à mettre en œuvre pour sauvegarder l’honneur, les droits et les intérêts
de la profession. Ses réunions sont présidées par le bâtonnier national2.

Point 2
Le conseil national de l’Ordre et le bâtonnier national

Le conseil national de l’Ordre est composé de neuf avocats ayant


leur résidence à Kinshasa, élus par l’assemblée générale pour une période
de trois ans renouvelable. Il comprend au moins quatre membres du
conseil de l’Ordre du barreau près la Cour suprême de justice3. Le conseil
national de l’Ordre est présidé par le bâtonnier national élu par l’assemblée
générale. Le bâtonnier national est choisi parmi les avocats inscrits au
tableau du barreau près la Cour suprême de justice et présentés par
l’Assemblée générale du barreau près cette Cour. Il est de droit bâtonnier
de ce barreau4.
Le conseil national de l’Ordre veille à la sauvegarde de l’honneur,
des droits et des intérêts professionnels communs des avocats. Il

1 Art. 115, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 116, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 118, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 119, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

détermine et unifie les règles et usages de la profession d’avocat. Il arrête


à cette fin tous les règlements qu’il estime convenables. Il assure le
fonctionnement de l’Ordre et peut imposer aux avocats, sous peine
d’omission du tableau, toutes les obligations qu’il estime nécessaires à
cet effet. Il documente les barreaux sur toutes les questions qui
intéressent la profession. Il surveille le respect des règles de la
déontologie par tous les avocats. Il peut à cet effet enjoindre aux organes
disciplinaires de se saisir de tout fait dont il a connaissance et en cas de
défaillance de ces organes, évoquer les causes devant lui, même d’office1.
Les règlements adoptés par le conseil national de l’Ordre sont
obligatoires pour tous les avocats. Les conseils de l’Ordre des barreaux
en assurent l’application2.
Le Conseil national de l'ordre assure le contrôle administratif des actes
des barreaux. La loi dispose que « les élections du bâtonnier et des membres du
conseil de l’Ordre, de même que toute délibération et décision de l’assemblée générale
ou du conseil de l’Ordre peuvent être déférées au conseil national de l’Ordre par tout
avocat qui y a intérêt et par le procureur général » dans le délai d’un mois à partir
du jour où elles ont eu lieu à partir de leurs notifications en ce qui
concerne le procureur général. Le conseil national de l’Ordre peut soit
d’office, soit à la suite d’un recours qui lui est adressé, annuler l’élection
de tout candidat qui ne lui paraît pas réunir les conditions requises pour
exercer les fonctions pour lesquelles il a été élu. Il statue, après avoir
recueilli tous les renseignements utiles sur les candidats retenus. Si le
conseil national de l’Ordre annule l’élection d’un candidat, il est pourvu
à son remplacement par une nouvelle élection dans le délai d’un mois à
dater de la notification de la décision du conseil national de l’Ordre3.
Et à son tour, les actes du Conseil national de l'ordre sont
susceptibles de contrôle juridictionnel par le juge administratif. En effet, « —
sauf s’il s’agit de sanction disciplinaire —, lorsqu’une décision ou règlement du conseil
national de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre national est entaché d’excès
de pouvoir, est contraire aux lois ou a été irrégulièrement adopté, il peut faire l’objet

1 Art. 120, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 123, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 54, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

530
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d’un recours en annulation devant (le Conseil d'État) » par le président du


Conseil judiciaire, procureur général de la République, le bâtonnier
national ou par tout avocat intéressé dans les formes ordinaires des
recours en annulation1. La section du contentieux du Conseil d'État
connaît, en premier et dernier ressort, des recours en annulation formés
contre les actes, règlements ou décisions des organes nationaux des
ordres professionnels2.

Section 3
Les droits et devoirs des avocats

Paragraphe 1
Les droits des avocats

Point 1
Les généralités

Les avocats sont des auxiliaires de justice chargés d’assister ou


représenter les parties, postuler, conclure et plaider devant les
juridictions. Ils peuvent consulter, conseiller, concilier, rédiger des actes
sous seing privé, assister ou représenter les parties en dehors des
juridictions. Ils exercent ces missions devant toutes les juridictions, sauf
en ce qui concerne notamment la Cour de Cassation, le Conseil d'État
et la Cour constitutionnelle.
Les avocats portent à l’audience la robe noire avec chausse garnie
de fourrure de léopard et le rabat blanc ; ils ne peuvent y porter aucun
insigne ni bijou marquant leur appartenance à un Ordre national ou
étranger ou à une institution de droit public ou privé. Ils sont appelés «
Maîtres ». Ils plaident debout et découverts3.
Les avocats ont le droit correspondre avec leurs clients détenus et
les voir sans témoins au lieu où ils sont incarcérés ; ils peuvent prendre

1 Art. 124, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 85, Loi organique du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence

et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif.


3 Art. 71, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

connaissance au greffe, sans déplacement, de tous les dossiers des


affaires dans lesquelles ils représentent ou défendent une partie1.
Hors le cas où la loi exige un mandat spécial, les avocats sont
présumés représenter les parties lorsqu’ils sont porteurs des pièces de la
procédure. Ils ont le droit d’assister au huis clos2.

Point 2
Les associations et collaborations entre avocats

L’avocat peut exercer la profession soit à titre individuel, soit en


groupe dans le cadre d’une association, soit encore en qualité de
collaborateur d’un autre avocat, ou groupe d’avocats3.
Si l'exercice individuel est « la manifestation la plus pure de l’indépendance,
(...) ce mode correspond de moins en moins aux exigences de la pratique : permanence
de l’activité judiciaire, complexité croissante du droit, augmentation du volume des
affaires (…) obligent à se grouper indépendamment de toute considération tirée des
inévitables empêchements pour cause de maladie ou d’accident (...) aujourd’hui les
avocats préfèrent donc exercer en groupe »4.
L'exercice en groupe se fait dans le cadre d'une association, que la
loi définit comme « le contrat par lequel deux ou plusieurs avocats décident
d’exercer en commun la profession soit au sein d’un même cabinet, soit dans des
cabinets différents, de mettre en commun et de partager les bénéfices et les pertes ».
La mise en commun et le partage des bénéfices et des pertes est donc le critère
de l'association qui se distingue ainsi du mode d'exercice dans le cadre
d'une collaboration, qui est « un contrat par lequel un avocat inscrit soit à la
liste du stage, soit au tableau, s’engage à consacrer tout ou partie de son activité au
cabinet d’un autre avocat moyennant une équitable rémunération »5.

1 Art. 72, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 73, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 64, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 J.-J. TAISNE, op. cit., p. 48.
5 Art. 65, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Les avocats qui forment entre eux une association demeurent, chacun
en ce qui le concerne, responsables vis-à-vis des clients. Les membres de
l’association ne peuvent assister ou représenter des parties ayant des
intérêts opposés1.
En cas de collaboration, l’avocat collaborateur est maître, pour la
défense d’une cause, de sa plaidoirie et de son argumentation ; il est toutefois tenu
d'informer l’avocat à qui il est lié du point de vue qu’il se propose de
défendre2.
Les contrats d’association et de collaboration doivent être établis
par écrit. Ils ne peuvent comporter aucune stipulation tendant à limiter la
liberté d’établissement des associés ou des collaborateurs à l’expiration
du contrat3. Dans la quinzaine de la conclusion du contrat, des
exemplaires en sont remis respectivement au procureur général et au
Conseil de l’Ordre. Ce dernier peut à tout moment, soit d’office, soit à
la demande du procureur général, mettre les intéressés en demeure de
modifier le contrat en vue d’assurer sa conformité avec la déontologie
de la profession. En cas de contestation, l’affaire est portée devant le
conseil national de l’Ordre4.
Le propriétaire du cabinet répartit les tâches entre ses collaborateurs,
sans préjudice du droit pour ces derniers de décliner une mission qu’ils
estiment inconciliable avec leur conscience ou leurs conceptions5.

1 Art. 66, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 67, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 69, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 70, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 68, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

533
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 3
Les honoraires des avocats

Les honoraires des avocats comprennent les frais dus pour la


postulation et les actes de procédure et les frais de consultation et de plaidoirie.
Les frais de postulation et des actes de procédure ou autres ne peuvent être
réclamés que suivant la tarification qui en est fixée par arrêté du président du
Conseil judiciaire, procureur général de la République, pris après avis du
conseil national de l’Ordre.
Les honoraires de consultation et de plaidoirie sont fixés d’accord entre
l’avocat et son client dans le cadre d’un tarif minimum et maximum fixé par le
conseil national de l’Ordre après avis de la Cour suprême de justice.
L’avocat ne peut réclamer des honoraires supérieurs à ce tarif qu’avec
l’accord du conseil national de l’Ordre, après avis du bâtonnier et du
procureur général. Les frais et honoraires dus aux avocats peuvent être
recouvrés par la contrainte sur un état qui en est dressé par l’avocat, visé
et revêtu de la formule exécutoire par le président de la Cour d’appel. En
cas de contestation sur le montant des honoraires, le client peut saisir le
conseil de l’Ordre aux fins d’une conciliation et en cas d’échec de celle-
ci, saisir le conseil national de l’Ordre aux fins de faire fixer les
honoraires1.

Paragraphe 2
Les devoirs des avocats

La profession d'avocat est soumise à de strictes exigences, compte


tenu des qualités requises pour l'exercice de cette profession. Ainsi leur
est-il interdit, entre autres, « de se rendre cessionnaire de droits successoraux ou
litigieux ; de faire avec les parties, en vue d’une rétribution, des conventions aléatoires,
subordonnées à l’issue du procès ; de se livrer à des injures envers les parties ou à des
personnalités envers leurs défenseurs ; d’avancer aucun fait grave contre l’honneur ou
la réputation des parties, à moins que les nécessités de la cause ne l’exigent ; de refuser
ou de négliger la défense des prévenus et l’assistance aux parties dans le cas où ils sont
désignés ; de racoler la clientèle ou de rémunérer un intermédiaire dans ce but ; d’user
de tous moyens publicitaires, sauf ce qui est strictement nécessaire pour l’information
du public ; d’accepter d’un intermédiaire la cause d’un tiers sans se mettre en rapport

1 Art. 81, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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direct avec celui-ci ; d’accepter de défendre tour à tour des intérêts opposés dans une
même cause ; de révéler les secrets qui leur sont confiés en raison de leur profession ou
d’en tirer eux-mêmes un parti quelconque ; de faire état à l’audience d’une pièce non
communiquée à l’adversaire ; de faire toute démarche, d’avoir toute conduite susceptible
de compromettre leur indépendance ou leur moralité »1. Cette liste est d'ailleurs
non exhaustive, car le Conseil national de l'ordre, et même par extension,
les différents barreaux, prennent des règlements contenant des règles de
conduite à l'égard des avocats. Au demeurant, la liste s'allonge encore,
par l'existence de règles d'usage propres à la profession. Et au-delà de
tout, l’avocat peut toujours s’imposer les devoirs particuliers que lui dicte
sa conscience2.
En gros, ces règles se rapportent à une manière d'agir, et à une
manière d'être. Dans sa manière d'agir, de toutes les vertus cardinales
promises par le serment, il en est une en effet plus lourde de sens que
toutes les autres : l’humanité. C’est elle qui oblige l’avocat à être présent
au quotidien auprès d’hommes et de femmes qui souffrent dans leurs
sentiments ou leurs intérêts, parce qu’ils vivent leur procès comme une
épreuve, le signe d’un échec ou la source d’une angoisse3.
Quant à sa manière d'être, certains ont pensé qu’une qualité pouvait
à elle seule résumer toutes celles énumérées au paragraphe précédent :
l’honnêteté, au sens moral le plus fort, celui qui implique
l’accomplissement de ses devoirs, non pour éviter des sanctions ou par
crainte de l’opinion, mais par exigence personnelle. Ainsi comprise,
l’honnêteté ne se divise pas. L’avocat reste avocat, où qu’il se trouve et
quoi qu’il fasse4.
L’avocat doit conduire chaque affaire avec célérité et compétence. Il
engage sa responsabilité personnelle — conformément au droit
commun — au cas où les intérêts du client viendraient à être compromis
à la suite d’une négligence dans l’accomplissement des formalités de

1 Art. 74, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 J.-J. TAISNE, op. cit., p. 7.
3 Idem., p. 11.
4 Ibidem.., op. cit., p. 12.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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procédure1. Cela dit, à l'égard de son client, l'avocat a plus une obligation
de moyen, qu'une obligation de résultat2.
En règle générale, le devoir de conseil de l’avocat n’entraîne qu’une
obligation de moyen, mais, dans certains cas, l’avocat est tenu d’une obligation
de résultat3. L’avocat peut bien évidemment, en dehors de son devoir de
conseil, être tenu d’obligations de résultat lorsqu’il s’agit de respecter les
délais ou de poser un acte déterminé. Ainsi, il a été jugé qu' « engage sa
responsabilité professionnelle, l’avocat qui procède tardivement à une assignation en
validité de saisie-arrêt, le non-respect du délai de quatre mois entraînant la nullité de
cette saisie-arrêt. Le préjudice subi par son client est égal au montant de la créance
récupérable par l’effet de la saisie-arrêt, c’est-à-dire 1086000, auquel il convient
d’ajouter la somme correspondant aux intérêts, c’est-à-dire 75000 »4.
Les avocats doivent conduire jusqu’à leur terme les affaires dont ils
s’occupent, sauf si le client les en décharge. Ils ne peuvent abandonner
une affaire qu’après avoir prévenu le client en temps utile pour pourvoir
à la défense de ses intérêts5. L’avocat est tenu de restituer, sans délai, les
pièces ou sommes dont il est dépositaire, dès qu’elles ne lui sont plus
nécessaires pour la défense de la cause. Il peut, toutefois, exercer son

1 Art. 76, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 L’obligation de résultat a pour objet, comme l’expression l’indique, un résultat

déterminé. Par exemple, dans un marché de fournitures, le fournisseur s’engage


à livrer telle marchandise, à telle date, tandis que l’acheteur s’engage à payer le
prix. Le débiteur n’a exécuté son obligation que si le résultat est atteint. Cette
précision est importante quand il s’agit de constater l’inexécution et de
déterminer les conséquences de celle-ci quant à la responsabilité. Le simple
constat de la non-exécution suffit à prouver la faute du débiteur. Par contre,
l'obligation de moyens est celle par laquelle le débiteur s’engage seulement à
employer les moyens appropriés dans une tâche à accomplir, à se montrer
prudent et diligent, à faire de son mieux, ce qui permettra peut-être au créancier
d’obtenir le résultat qu’il souhaite. Mais, s’il est tenu de chercher à obtenir un
résultat, il n’est pas tenu de l’obtenir. Ainsi, sauf dans certaines situations en voie
d’extension, le médecin s’engage seulement à fournir au malade des soins
consciencieux, attentifs, conformes aux données acquises de la science (F.
TERRE et alii., op. cit., p. 8).
3 S. NAOUI, op. cit., p. 81 ; Cass. fr., 1ère civ., 29 avril 1997.
4 TGI, Paris, Ch.1, Sec 1, 04 juin 1997.
5 Art. 75, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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droit de rétention sur les pièces dues à ses diligences, jusqu’à ce qu’il en ait
été honoré1. L’avocat appelé à plaider devant une juridiction extérieure
au ressort de son barreau est tenu de se présenter au président de
l’audience, à l’officier du Ministère public, au bâtonnier et au confrère
chargé des intérêts de la partie adverse2.
L’avocat donne sa consultation dans son cabinet ou dans le cabinet
d’un confrère. Il ne peut se rendre au domicile de ses clients
qu’exceptionnellement, en cas d’urgence ou de nécessité3. S'il est
empêché d’exercer ses fonctions, il est provisoirement remplacé pour ce
qui concerne les actes de procédure, par un confrère du même barreau
choisi par lui ou par le bâtonnier. Lorsque l’empêchement est de nature
telle qu’il ne peut assurer la plaidoirie, il en avise aussitôt le client pour
qu’il puisse pourvoir à son remplacement définitif4.

Paragraphe 3
Les incompatibilités

Les incompatibilités sont en lien avec l’indépendance de la profession5.


La loi affirme que « la profession d’avocat est incompatible avec l’exercice de toute
activité de nature à porter atteinte à l’indépendance et au caractère libéral de la
profession ». Cette incompatibilité est posée de manière générale. Mais la
loi énumère une liste non-exhaustive des fonctions incompatibles. Il
s'agit entre autres de toute fonction permanente de l’ordre judiciaire ou
administratif qui ne serait pas gratuite ; tout emploi à gages créant un lien
de subordination ; toute espèce de négoce, qu’il soit exercé directement
ou par personne interposée. Toutefois, la profession d’avocat n’est pas

1 Art. 77, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 78, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 79, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 80, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 J.-J. TAISNE, op. cit., p. 14.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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incompatible avec l’enseignement du droit dans une université ou dans


une école supérieure1.
Tout avocat qui, — sauf en ce qui concerne l’enseignement du droit
dans une université ou dans une école supérieure — se propose d’exercer
une activité extérieure à celle de sa fonction, est tenu d’en aviser le
conseil de l’Ordre dont il relève, avant tout exercice de cette activité. Il
joint à sa déclaration tout document et toute information utile quant à la
nature de l’activité et les conditions dans lesquelles il se propose de
l’exercer2. Le conseil de l’Ordre, après instruction éventuelle, se
prononce sur le caractère compatible ou incompatible de cette activité
avec la dignité et la délicatesse imposées aux avocats. Il peut, à tout
moment, inviter l’intéressé à cesser l’exercice de cette activité
immédiatement3.
Il est interdit à l'avocat investi d’un mandat de commissaire
politique ou de commissaire du peuple d'accomplir un acte de sa
profession, plaider ou consulter contre l’État, les sociétés paraétatiques,
les collectivités ou établissements publics, ni directement, ni par
l’intermédiaire d’un associé ou collaborateur. Il en est de même de celui
qui est investi d’un mandat au sein d’une collectivité publique en ce qui
concerne les actions dirigées contre cette collectivité4.

Paragraphe 4
La discipline des avocats

Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux


règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l’honneur ou à

1 Art. 58, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 59, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 60, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 63, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels,


exposent l’avocat qui en est l’auteur aux sanctions disciplinaires1.
Le Conseil de l'ordre est juge des fautes disciplinaires. Ainsi dit-on que «
lorsqu'il est impossible de distinguer l'homme de l'avocat, lorsque par
exemple l'honneur et la dignité sont compromis et que les fautes de la
vie privée devenues publiques souillent le caractère de l'avocat, le Conseil
est compétent »2. Les fautes et manquements des avocats sont réprimés
par le conseil de l’Ordre siégeant comme conseil de discipline, soit sur
plainte ou dénonciation d’un magistrat, d’un avocat, d’un stagiaire ou de
toute personne intéressée, soit d’office3. Toute faute ou manquement
commis à l’audience par un avocat fera l’objet d’un procès-verbal dressé
par le greffier à la demande du président de l’audience. Ce procès-verbal
sera transmis sans délai au bâtonnier et au procureur général qui en
saisiront le conseil de l’Ordre4.
Le conseil de l’Ordre peut, soit d’office, soit sur les réquisitions du
procureur général, interdire provisoirement l’exercice de ses fonctions à l’avocat
qui fait l’objet d’une poursuite pénale ou disciplinaire. Il peut, dans les
mêmes conditions, ou à la requête de l’intéressé, mettre fin à cette
interdiction. L’interdiction provisoire cesse de plein droit si les actions
pénales ou disciplinaires sont éteintes5.
Aucune peine disciplinaire, aucune mesure d’interdiction provisoire
ne peut être prononcée sans que l’avocat mis en cause ait été entendu ou
appelé6.

1 Art. 86, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Jean Lemaire, cité par U. KOKOLO, op. cit., n°22.
3 Art. 88, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 89, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 90, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
6 Art. 91, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Dès qu’il est saisi des faits soit par une plainte ou une dénonciation,
soit d’office, le bâtonnier procède sans désemparer à une enquête sur le
comportement de l’avocat mis en cause. Lorsque c’est le bâtonnier lui-
même qui est mis en cause, la procédure est menée par le membre du
conseil de l’Ordre le plus ancien au tableau.
À l'issue de l'enquête, le bâtonnier peut décider soit de classer
l’affaire sans suite, soit de renvoyer la cause devant le conseil de l’Ordre.
Lorsque le bâtonnier décide le classement sans suite, le plaignant et le
procureur général peuvent déférer les faits au conseil national de
l’Ordre1.
Tant devant le conseil de l’Ordre que devant le conseil national de
l’Ordre, la comparution personnelle de l’avocat poursuivi est requise,
sauf dispense ; celui-ci peut se faire assister et, en cas de dispense de
comparution personnelle, se faire représenter par un confrère2. La
citation à comparaître est signifiée quinze jours au moins avant
l’audience. L’avocat poursuivi et son conseil ont droit à la
communication du dossier, sans déplacement3.
Les peines disciplinaires son l'avertissement ; la réprimande ; la
suspension pour un temps qui ne peut excéder une année ; la radiation
du tableau ou de la liste de stage. Chaque sanction emporte la privation
du droit d’être élu bâtonnier ou membre du Conseil de l’Ordre durant
un temps qui ne peut excéder cinq ans. Lorsqu’elle est prononcée contre
le bâtonnier ou un membre du conseil de l’Ordre, elle emporte la perte
de son mandat4.
L’avocat interdit ou suspendu doit s’abstenir de tout acte professionnel et
notamment de revêtir le costume de la profession, de recevoir la
clientèle, de donner des consultations, d’assister ou représenter les

1 Art. 92, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 93, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 94, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 87, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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parties devant les juridictions. Il ne peut en aucune circonstance faire


état de sa qualité d’avocat1.
La juridiction qui condamne un avocat pour des agissements
contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs, transmet
aussitôt une copie de sa décision au procureur général qui saisit le conseil
de l’Ordre aux fins de radiation de l’avocat concerné du tableau de
l’Ordre2.
L’avocat poursuivi et le procureur général peuvent déférer devant
le conseil national de l’Ordre, les sentences rendues par le conseil de
l’Ordre, dans un délai de deux mois à compter de leur notification3. Les
décisions du conseil national de l’Ordre rendues en matière disciplinaire
ne sont susceptibles d’aucun recours4.

1 Art. 101, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 99, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 96, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 97, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du

barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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542
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Les défenseurs judiciaires

Section 1
Les généralités

Les défenseurs judiciaires sont des auxiliaires de justice, chargés


d’assister ou représenter les parties, postuler, conclure et plaider devant
les tribunaux de paix et les tribunaux de grande instance1.
En gros, ils exercent les mêmes fonctions que celles d'un avocat, mais à
des conditions moins strictes, et conséquemment, avec une liberté plus
restreinte. En effet, il suffit, pour exercer la profession, en plus de la
nationalité congolaise et des garanties de bonne moralité, d'un diplôme
de graduat en droit2. En retour, les défenseurs judiciaires n’exercent leur
ministère que devant les tribunaux de grande instance auprès desquels ils ont été
inscrits ainsi que devant tous les tribunaux de paix faisant partie du ressort desdits
tribunaux3.
Dans les limites de leur compétence, « les défenseurs judiciaires jouissent
de toutes les prérogatives reconnues aux avocats »4, et par ce fait aussi, « toutes les
interdictions faites aux avocats (leur) sont applicables »5. Les défenseurs
judiciaires portent à l’audience la robe noire sans chausse, mais avec le
rabat blanc6.

1 Art. 125, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 129, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 126, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 136, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 138, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
6 Art. 137, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le régime juridique des défenseurs judiciaires permet donc


l'existence, surtout à l'intérieur des provinces et loin des villes, de
professionnels qualifiés pour la défense des causes des citoyens, souvent
inaptes à se payer les gros frais des avocats1.
Il est formé au siège de chaque tribunal de grande instance un
tableau des défenseurs judiciaires admis à exercer leur ministère dans le ressort
du tribunal. Seules les personnes inscrites à ce tableau peuvent porter le
titre de défenseur judiciaire et en exercer la profession2. Le président du
tribunal de grande instance est chargé de tenir à jour le tableau des
défenseurs judiciaires et d’en assurer l’affichage permanent dans un
endroit du palais de justice accessible au public3.
Il est statué sur l’admission au tableau par le tribunal de grande
instance siégeant à trois juges, au moins, et en chambre du conseil, le
procureur de la République entendu. Toute décision d’admission ou de
refus d’inscription est susceptible d’un recours exercé par le candidat ou
le procureur de la République, devant la Cour d’appel siégeant à trois
juges, au moins, et en chambre du conseil, le procureur général entendu4.
Après la décision d’admission et avant l’inscription au tableau et
l’exercice de la profession, le défenseur judiciaire prête serment devant le
tribunal de grande instance. Il « jure de respecter la Constitution, d’obéir
à la loi, de ne rien dire ou publier de contraire aux lois, aux décisions
judiciaires, aux bonnes mœurs, à la sécurité de l’État et à la paix publique,
de ne jamais (s)’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités
publiques, de ne conseiller ou défendre aucune cause (qu'il croirait) juste
en (son) âme et conscience »5.

1 En ce sens, A. MEYER (dir.), Etude sur l’aide légale en République démocratique du


Congo, Avocats Sans Frontières, Kinshasa, 2014, p. 3.
2 Art. 127, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 128, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
4 Art. 131, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
5 Art. 132, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Les organes du corps des défenseurs judiciaires

Les organes du corps des défenseurs judiciaires sont l'Assemblée


générale, le conseil de surveillance et le syndic.

Paragraphe 1
L'assemblée générale

Composée de tous les défenseurs judiciaires, l'Assemblée générale est


convoquée, dans le courant du mois d'octobre de chaque année, par le
Président du tribunal de grande instance. L’assemblée générale est
présidée par le président du tribunal de grande instance. Elle délibère sur
tout sujet intéressant la profession de défenseur judiciaire1.
Il est d’office porté à l’ordre du jour de cette assemblée l’élection
d’un syndic et d’une chambre de surveillance composée de cinq
membres. L’élection du syndic se fait à la majorité absolue des votants ;
si celle-ci n’est pas atteinte au premier tour, un deuxième tour est
organisé entre les deux candidats qui ont obtenu le plus grand nombre
de voix. Quant à eux, les membres de la chambre de surveillance sont
élus à la majorité simple, chaque bulletin de vote portant cinq noms2.

Paragraphe 2
Le conseil de surveillance et le syndic

Le syndic et la chambre de surveillance veillent à la moralité du


corps. Ils débattent de toute question intéressant le corps ; ils
préviennent et concilient les différends d’ordre professionnel entre les
membres ; ils peuvent solliciter du Président du tribunal de grande
instance la convocation d’une assemblée extraordinaire. Ils exercent
toute attribution nécessaire à la profession, sans préjudice des pouvoirs
du président du tribunal de grande instance dans ce même domaine. Le

1 Art. 133, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 134, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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syndic représente le corps des défenseurs. En cas d’absence ou


d’empêchement, il est remplacé par le membre de la chambre de
surveillance le plus ancien au tableau1.

Section 3
Le régime disciplinaire

Se saisissant d’office, sur plainte ou sur dénonciation du procureur


de la République, de la chambre de surveillance, d’un défenseur, d’un
magistrat ou d’un tiers, le tribunal de grande instance, siégeant en
chambre du conseil et à trois juges au moins peut, sur réquisition du
procureur de la République, après avoir entendu ou appelé le défenseur
inculpé, avertir, réprimander, interdire d’exercer pour un temps qui ne peut excéder
un an ou rayer du tableau des défenseurs judiciaires2. Le défenseur et le
procureur de la République peuvent se pourvoir par voie de requête dans
les deux mois du prononcé de la sentence devant la Cour d’appel
siégeant en chambre du conseil3.

1 Art. 135, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation


du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de
l’État.
2 Art. 139, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.
3 Art. 140, Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation

du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de


l’État.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de
certains articles de la Constitution de la République
démocratique du Congo du 18 février 2006.
3. Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant
statut des magistrats.
4. Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant
organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature.
5. Loi organique du 11 août 2011 portant organisation
et fonctionnement de la Police Nationale Congolaise.
6. Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation.
7. Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions
de l’ordre judiciaire.
8. Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
9. Loi organique du 15 octobre 2016 portant
organisation, compétence et fonctionnement des juridictions
de l’ordre administratif.
10. Ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979
portant organisation du barreau, du corps des défenseurs
judiciaires et du corps des mandataires de l’État.
11. Décret-loi n° 017/2002 du 3 octobre 2002 portant
code de conduite de l’agent public de l’État.
12. Décret-loi n°003-2003 du 11 janvier 2003 portant
création et organisation de l’Agence nationale de
renseignement.

B. DOCTRINE

1. P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit


constitutionnel, Paris, PUF, 4e éd.

547
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

2. B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, Paris, 2017.


3. B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal
général et procédure pénale, Sirey, Paris, 2018.
4. G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, Paris,
2018.
5. C. ENGO ASSOUMOU, Les garanties d'impartialité du
juge dans le code de procédure pénale, Mémoire de DEA, Université
Yaoundé II, 2008.
6. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, Dalloz,
Paris, 2019.
7. K. HAERI et alii., L'avenir de la profession d'avocat,
Garde des sceaux, Paris, 2017.
8. U. KOKOLO, Profession d'avocat en République
démocratique du Congo, Mémoire de Licence, Université de
Kisangani, 2008.
9. E.-J. LUZOLO BAMBI et N.-A. BAYONA Ba
MEYA, Manuel de procédure pénale, PUC, Kinshasa, 2011.
10. A. MAURIN, Droit administratif, Sirey, Paris, 2018.
11. A. MEYER (dir.), Etude sur l’aide légale en République
démocratique du Congo, Avocats Sans Frontières, Kinshasa, 2014.
12. C. MUSHONGA, Les pouvoirs du Ministère public face au
respect des droits de la défense en droit judiciaire congolais, Librairie
Africaine d'Études Juridiques, Berlin, 2017.
13. S. NAOUI, Obligations et responsabilités de l'avocat,
Thèse, Université de Grenoble, 2014.
14. O. PLUEN, L'inamovibilité des magistrats : un modèle ?,
Thèse, Université Panthéon-Assas, Paris, 2011.
15. J.-J. TAISNE, La déontologie des avocats, Dalloz, Paris,
2009.
16. J.-M. TASOKI, Procédure pénale congolaise,
L'Harmattan, Paris, 2017.
17. E. VERNY, Procédure pénale, Dalloz, Paris, 2018.

548
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

4. Le droit international public


L'ordre juridique est entendu comme un ensemble de normes
globalement efficaces et sanctionnées. Cette définition de l'ordre
juridique par un constitutionnaliste se transpose également en droit
international. En effet, ce droit désigne l'ensemble des normes et des institutions
destinées à régir la société internationale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE INTRODUCTIF
EXISTENCE ET PARTICULARITÉS DE
L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL
Il existe en effet un ordre juridique international, doté de certaines
particularités.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Existence de l'ordre juridique international
L'existence d'un ordre juridique international n'est plus aujourd'hui
sujet à débat. Procédant par une double analyse formelle et empirique,
la doctrine1 nous démontre l'existence indéniable d'un ordre juridique
international.

Section 1
L'observation formelle

Sur le plan formel, d'abord, trois constatations : il existe en droit


international, deux catégories de sources normatives : les sources primaires et les
sources secondaires. Les sources primaires comprennent les normes de
comportement, qui prescrivent telle ou telle attitude aux sujets de droit
international (non-recours à la force par exemple). Les sources
secondaires comprennent les normes de production, qui prescrivent la
façon dont les normes de comportement doivent être produites (c'est
l'essentiel de la convention de Vienne sur le droit des traités).
La deuxième observation a trait au fait que, parmi ces règles
secondaires, précisément, certaines ont pour objet de déterminer les
conséquences juridiques du non-respect du droit. Ces sanctions tiennent à la
nullité des traités conclus en violation des conditions de validité d'un
traité, d'une part, et à la responsabilité de l'État pour fait
internationalement illicite.
La troisième tient au fait que, face au constat de la détermination
persistante d'un État à ne pas remplir ses obligations à l'égard d'un autre,
ce dernier est habilité à recourir à certaines voies d'exécution forcée, telles que
les contre-mesures : les mesures de rétorsion ou de représailles.
Il résulte de ces trois constatations que « les normes internationales ne
flottent pas dans un éther ambigu, sans lien quelconque les unes avec les autres, et
toutes à la merci de l'arbitraire des souverainetés. Elles sont bel et bien coordonnées
entre elles, selon des règles précises et bien déterminées ».

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, Droit international public, Dalloz, Paris, 2018,


pp. 61 et s ; NGUYEN QUOC DINH, P. DAILLER et A. PELLET, Droit
international public, L.G.D.J., Paris, 2002, pp. 85 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
L'observation empirique

L'observation empirique permet ensuite de démontrer que, malgré la


précarité des règles ci-dessus étudiées, dont l'existence est tributaire de
la volonté des États, l'ordre juridique est tout de même basé sur une
stabilité suffisante pour réguler ordinairement les rapports entre États.
Ici aussi, trois constatations.
Les cas de violations du droit international sont moins nombreux par
rapport à l'accroissement du phénomène de production de ces normes.
Chaque jour en effet, les États entretiennent des relations juridiques les
uns les autres et, en fait, ils respectent davantage ces règles qu'ils ne les
violent. Les cas de violations portent certes sur des normes de grande
importance. Un fait est cependant à constater à cet égard, c'est le soin
qui est généralement mis par les États à justifier leurs conduites par
référence au droit, en particulier lorsqu'elles paraissent a priori peu
compatibles avec lui. Cette attitude manifeste la commune conviction
des gouvernants que le respect du droit international constitue en
principe une nécessité de la vie internationale. Le sentiment d'obligation
chez les sujets d'un droit, hors de l'existence duquel il n'y a point d'ordre
juridique effectif, n'est donc pas absent chez les sujets du droit
international. Ainsi qu'insiste Nguyen Quoc Dinh, « la preuve la plus
évidente et probablement la plus convaincante de l'existence du droit international est
fournie par l'observation, même superficielle, de la vie et des relations internationales
: le droit international existe parce que les États, les mouvements d'opinion, les
organisations internationales, gouvernementales ou non, le reconnaissent et l'invoquent
et parce qu'il serait totalement invraisemblable que tant de gens consacrent tant de
temps, d'énergie, d'intelligence et, parfois, d'argent, à poursuivre une chimère ».

La deuxième observation est tirée du rapport entre le droit international


et le droit interne. D'abord, pour les États monistes, leurs constitutions
reconnaissent directement la validité des règles de droit international en
droit interne, avec souvent supériorité de celui-là. Ensuite, peu importe
le caractère moniste ou dualiste du système juridique concerné, la
pratique renseigne que le juge interne prend effectivement en compte les
normes de droit international, soit par le fait d'un processus d'intégration
normative pour les systèmes dualistes, soit encore directement par le fait-
même de la Constitution. D'une façon générale, monistes ou dualistes,
les droits internes reconnaissent l'existence de l'ordre juridique

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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international, auquel ils sont souvent amenés à faire référence ou à


renvoyer.
La troisième observation tient au constat de la justiciabilité, réduite mais
réelle, des litiges entre États. En cas de différends entre deux États mettant
en cause leurs droits et intérêts respectifs, ces États ont la possibilité de
saisir une juridiction permanente ou arbitrale pour régler leur différend
sur base d'un droit (le droit international), dont ils contestent certes
l'interprétation, mais dont ils ne nient pas l'existence. Au demeurant, en
dépit de la relative rareté de la jurisprudence contentieuse internationale,
on constate qu'en pratique, cette jurisprudence est, d'une part, respectée
par les parties aux différends et, d'autre part, considérée au minimum par
les États comme un facteur important d'interprétation des règles
juridiques en cause. Or, la justiciabilité des différends est considérée
comme un critère révélateur de l'existence propre d'un ordre juridique.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Particularités de l'ordre juridique international :
absence d'autorité supérieure dans l'ordre juridique
international
Une fois présentée son existence, il sied de souligner que l'ordre
juridique international ne doit pas être confondu avec les ordres internes.
Il repose sur des caractères propres qui marquent ses particularités.
La différence principale avec les ordres internes tient au fait que la
société internationale n'est pas dotée d'une autorité supérieure qui édicte les
normes, en contrôle l'application et inflige la sanction de ses violations.
Il n'y a, en droit international, ni de législateur, ni de juge, ni de gendarme. Le
fait est que les membres de la société internationale, les États, sont tous
dotés d'une égalité souveraine. Il en découle qu'aucun ne peut admettre
être soumis à des règles qu'il n'a pas lui-même voulu. Les États sont donc
eux-mêmes en même temps destinataires de la règle de droit, et en même
temps producteur. C'est le sens du principe du dédoublement fonctionnel de
l'État, pour reprendre l'expression de Georges Scelle.
Par ailleurs, ainsi que le fait observer Nguyen Quoc Dinh, il n'est
pas établi que le droit soit concomitant à un législateur et un juge. Dans
toute société, le droit coutumier existe avant le droit écrit. En l'absence
de législateur institué, les sociétés primitives étaient néanmoins soumises
à un droit coutumier directement issu du groupe social et reconnu par
lui. Ces constatations s'appliquent à la société internationale. Les
différents États qui la composent, tout en étant assujettis au droit,
comme dans les collectivités primitives, participent ensemble à son
élaboration et n'ont point besoin d'instituer un législateur.
Il résulte de la dispersion du pouvoir entre égales souverainetés et
de l'absence d'autorité centrale sur les États une série de conséquences
juridiques qui dictent la physionomie particulière de l'ordre juridique
international : l'absence de détermination objective de la légalité, le
caractère aléatoire des conséquences de sa violation et l'équivalence de
ses normes.

Section 1
L'absence de détermination objective de la légalité

Les États sont les seuls maîtres des règles qui les régissent. Il un axiome
en droit international que « les règles de droit liant les États procèdent de la

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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volonté de ceux-ci »1. En découle qu'en étant les seuls producteurs, ils en
sont également les seuls interprètent. Ils en déterminent seuls le sens et
la portée. De même, ce sont eux qui se prononcent sur la légalité de leur
propre conduite ou de celle des tiers à leur propre égard. En d'autres
termes, ainsi que le constatent P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, en droit
international, « le vieil adage selon lequel “ nul n'est juge dans sa propre cause ”
est tout simplement inversé : chacun, au contraire, y est juge et partie ! ».

Section 2
Le caractère aléatoire des conséquences de sa violation

Même quand il estime que l'attitude d'un autre État à son encontre
est contraire au droit international, les conséquences de cette illégalité ne
sont pas aussi certaines qu'en droit interne. En plus de déterminer seul
la légalité d'un acte, l'État choisit seul la sanction appropriée : il peut opter
pour des contre-mesures (mesures de rétorsion ou de représailles) ; ou
engager la responsabilité internationale de cet État devant le juge
international. Le recours à l'un ou l'autre type de sanction est tributaire
de considérations politiques.

Section 3
L'équivalence normative

Puisque c'est la même volonté qui s'exprime pour la formation de


toute règle juridique, cette volonté reste la même peu importe son mode
de formation (convention, coutume ou acte unilatéral) ou le nombre
d'États qui y concourent. En découle que toutes les règles de droit international
sont placées sur un même pallier normatif. Aussi bien les règles secondaires que
les règles primaires, les traités que la coutume ou les actes unilatéraux,
toutes ont le même niveau. Il n'y a pas de hiérarchie des normes du type
kelsennien en droit international. C'est le principe dit de l'équivalence
normative. Ainsi la dernière Convention sur le droit de la mer, adoptée en
1982 et destinée à régir par définition dans l'ordre universel l'utilisation
de tous les espaces maritimes, ne se différencie en rien quant à sa nature
juridique, du plus modeste accord de commerce passé seulement entre

1 Rec. Série A, no 10, p. 18.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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deux États. L'une comme l'autre constituent des normes


conventionnelles, justiciables pour l'essentiel du même régime juridique.
Ce principe de la hiérarchie des normes a tout de même une
exception. En effet, certaines règles dotées d'une grande force éthique et
sociale, considérées comme universelles et indispensables au bien-être
de l'humanité, ont une portée impérative pour les membres de la
communauté internationale. Elles sont donc insusceptibles de dérogation. Ce
sont les normes de jus cogens. « Sous l'effet de facteurs divers et hétérogènes, à la fois
politiques, économiques et idéologiques, les uns et les autres liés à la prise de conscience
des interdépendances signalées plus haut, l'affirmation de l'existence d'une
communauté internationale, constituée autour d'un certain nombre d'intérêts communs
à tous ses membres, tend depuis près d'un demi-siècle à l'affirmation de règles d'ordre
public, réunies dans une catégorie bien connue des droits internes, celle du droit auquel
nul ne peut déroger sous peine de remettre en cause les fondements mêmes de l'ordre
social, le droit dit impératif ou jus cogens ». À l'évidence, il s'agit là d'une logique
radicalement différente de celle qui précède. À la latéralité des rapports
entre souverainetés rigoureusement égales, à l'équivalence normative
absolue dont on rappelait plus haut les trois manifestations, elle oppose
au contraire une conception hiérarchique des rapports entre les normes
cardinales et les autres.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
LES SUJETS DE DROIT
INTERNATIONAL PUBLIC
Les règles de l'ordre juridique international ont des destinataires
auxquelles cet ordre reconnaît des droits et obligations. Ce sont les sujets
de cet ordre.
En droit international, la qualité de sujet de droit évolue de manière
décroissante, de la personnalité complète ou entière, à une personne
encore difficile à être affirmée, en passant par une personnalité spéciale.
Au plus haut se trouve l'État, sujet primaire et principal du droit
international. Il est le principal créateur des normes de cet ordre et en
même temps son principal destinataire. Il possède une personnalité
entière au sein de cet ordre, car il est le seul à être détenteur de la
souveraineté. Sa capacité est donc pleine et sans limite — du moins en
principe —.
Vient ensuite l'organisation internationale, qui est un groupement
d'États créé par ces derniers, auquel ils reconnaissent une compétence
spécialisée pour les matières qui sont objet de sa création.
Enfin, la place du particulier dans cet ordre est encore l'objet de
discussions, quand bien même il occupe une place de plus en plus

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

importante en son sein, de par la montée des droits de l'homme et en


même temps, la soumission aux règles de droit international pénal.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
L'État
L'État est le premier sujet de droit international, en ce qu'il est le
sujet originaire de cet ordre. C'est de lui qu'émane l'organisation
internationale. Il est le seul sujet détenteur de la souveraineté, de la
plénitude des compétences, au sein de cet ordre.
L'indépendance est à la fois la condition et le critère de la
souveraineté1.
La condition, parce qu'une entité ne peut être reconnue comme
souveraine que lorsqu'elle s'est réellement émancipée de l'entité sous le
joug de laquelle elle vivait. Ainsi les États fédéraux, ne sont pas
souverains, du moment qu'ils tirent leurs compétences du pacte fédéral.
Une fois reconnue, la souveraineté joue comme le garant de
l'indépendance. La nouvelle entité, membre de la communauté
internationale, imposera aux autres États de respecter son indépendance
et traiter d'égale égale avec elle.

Section 1
L'acquisition de la souveraineté : formation et reconnaissance de
l'État

L'entité qui réunit les trois éléments constitutifs de l'État et est


détentrice de la souveraineté accède à la qualité d'État. Son action sur la
scène internationale toutefois, sera déterminée par sa reconnaissance par
les autres États.

Paragraphe 1
Conditions juridiques de l'indépendance

Les processus de formation de l'État sont variés sur la scène


internationale. Le droit international ne régit pas en principe la question.
Les États se forment par fusion de plusieurs anciens États, par scission
d'un ancien État qui disparaît, ou par sécession (cas des indépendances).

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 80-81.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La constatation de l'existence d'un État ne résulte que de la réunion


objective des trois éléments constitutifs de l'État : le territoire, la population et le
gouvernement. Au demeurant, ni le nombre d'habitants (Chine ou
Vatican), ni la taille du territoire (Russie ou quelconque État
micronésien), ni la forme du gouvernement — démocratie ou monarchie
absolue — ne détermine la qualité d'État. Il suffit que ces éléments
existent ensemble.

Paragraphe 2
Reconnaissance de l'État

Point 1
Définition et formes

La reconnaissance est l'expression unilatérale de la volonté d'un


État de reconnaître comme valide et opposable à son égard un fait ou
une situation juridique donnés. En l'espèce, la reconnaissance d'État est
l'acte par lequel un État admet qu'une entité tierce déterminée réunit bien, à raison
des éléments qui la composent sinon des modalités de sa formation, les conditions
nécessaires à la possession de la personnalité juridique plénière dans l'ordre
international1, c'est-à-dire nécessaire à la possession de la qualité d'État.
La reconnaissance d'État doit être distinguée de la reconnaissance de
gouvernement. La reconnaissance de gouvernement concerne une nouvelle
autorité qui succède à une ancienne au contrôle d'une entité étatique. Ce
qui est en cause ici est l'appréciation de la réalité et, éventuellement, de
la légalité du contrôle exercé par le nouveau gouvernement sur le
territoire et la population concernés. Elle obéit toutefois, pour le reste,
aux mêmes règles que la reconnaissance d'État, notamment de son
caractère subordonné aux intérêts politiques.
La reconnaissance peut être explicite et découler d'un acte unilatéral
exprès et solennel d'un État reconnaissant un autre comme son
semblable. Elle peut aussi être implicite et résulter du traitement réservé à
la nouvelle entité par l'État : signature de conventions internationales,
entretien de relations diplomatiques.
La reconnaissance peut être le fait d'un seul État individuellement, ou
de plusieurs États collectifs, s'exprimant ensemble par exemple, par

1 Idem., p. 87.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l'admission du nouvel État dans une organisation internationale — du


moins, à l'égard des États ayant émis un vote positif —.

Point 2
Effets de la reconnaissance

Un débat oppose les tenants de la théorie déclarative de la


reconnaissance, aux tenants de la théorie constitutive de la reconnaissance.
Pour ces derniers, la reconnaissance est un élément constitutif de l'État.
Pour les premiers, elle ne fait que constater un État déjà préalablement
existant de par la réunion de ses éléments constitutifs.
Pour Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, la reconnaissance est à
la fois déclarative, en ce qui concerne l'existence de l'État, et constitutive, pour
ce qui se rapporte à l'opposabilité de cette existence à l'État
reconnaissant1.
En effet, sa valeur déclarative découle du caractère objectif de la
naissance de l'État. Celui-ci existe objectivement à la réunion de ses
éléments constitutifs, indépendamment de sa reconnaissance par un
tiers.
La reconnaissance est cependant aussi, constitutive, puisque
l'auteur de la reconnaissance ne peut plus ensuite contester la réalité du
nouvel État. Il doit donc traiter la collectivité concernée comme un État
souverain et ne peut plus lui refuser aucun des droits que le droit
international attribue à un tel État. Par ailleurs, la reconnaissance est, en
outre, nécessaire à l'établissement de relations juridiques actives entre les
deux États, celui qui l'établit et celui qui en bénéficie. Il est évident qu'un
État a besoin des autres pour pouvoir agir juridiquement dans le cadre
international.
On constate cependant, et c'est là que la théorie constitutive
classique marque toute sa faiblesse, que même à l'égard d'un État tiers
non reconnu, tout État est tenu de respecter un certain nombre
d'obligations (notamment respect de l'intégrité territoriale, non-
ingérence dans les affaires intérieures, non-intervention)2.
La thèse déclarative semble avoir emporté les suffrages de la
Commission arbitrale de la Conférence pour la paix en Yougoslavie.
Dans un Avis du 29 novembre 1991, elle affirmait que « l’existence ou

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 88.


2 Idem., p. 89.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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la disparition de l’État est une question de fait »1 qui se produit par la


réunion des trois éléments constitutifs.

Point 3
Caractère discrétionnaire de la reconnaissance

La reconnaissance relève du pouvoir discrétionnaire d'un État. Les


États sont libres de reconnaître ou non une nouvelle entité sur la scène
internationale. Elle est par conséquent tributaire de considérations
politiques. En réalité, ni l'effectivité du gouvernement, ni sa légalité, ni
même sa légitimité, ne constitue une condition de reconnaissance d'un
État dans le droit international général.
Toutefois, il se forme de plus en plus une obligation de non-
reconnaissance en droit international, fondée notamment sur la règle de
l'interdiction du recours à la force, d'une part, ou des principes de l'État de
droit, de la démocratie et des droits de l'homme, d'autre part.
Le principe du non-recours à la force a servi de soubassement à
l'adoption de la résolution 2625 portant Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre États, conformément à la Charte des Nations Unies.
Cette résolution affirme que « nulle acquisition territoriale obtenue par la menace
ou l'emploi de la force ne sera reconnue comme légale ». La Cour internationale
de justice a reconnu l'importance de cette déclaration pour
l'identification de certaines règles importantes de droit international
général dans son avis sur les conséquences juridiques pour les États de
la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
Africain). La règle de la non-reconnaissance des territoires acquis par la force
semble donc avoir acquis valeur coutumière en droit international.
Par ailleurs, dans le cadre européen, les ministres des affaires
étrangères de la communauté européenne ont adopté, le 16 décembre
1991, une déclaration relative à la reconnaissance des nouveaux États
dans la communauté européenne. La déclaration indique notamment
que les États candidats à une reconnaissance de la part de la
Communauté européenne et de ses États membres doivent notamment
respecter les dispositions des Nations Unies et de l'Acte final d'Helsinki
ayant trait à l'état de droit, à la démocratie et aux droits de l'homme.

1Commission arbitrale de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, Avis n°1,


29 novembre 1991.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 2
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

Le droit international ne régit la question de l'accession d'un État à


l'indépendance que dans l'hypothèse du droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes.
Ce principe cardinal de droit international joue — ou a joué — deux
rôles pour le moins paradoxaux dans son évolution1.
Conçu originellement dans le cadre des mouvements des indépendances,
le droit des peuples a d'abord permis aux territoires sous domination coloniale
d'accéder à l'indépendance. Le peuple était alors un instrument de la promotion
de l'État. Or, le mouvement des indépendances est pratiquement
aujourd'hui parvenu à son terme. Pourtant, le principe demeure une règle
de droit positif. Cela soulève alors des problèmes d'ordre politique et
juridique.
Mais, l'indépendance une fois acquise, l'unité des nouveaux États a vite été
mise à l'épreuve. Les nouveaux États se sont tout de suite butés à des luttes
internes pour l'indépendance de leurs minorités, conséquence
notamment du caractère arbitraire des découpages territoriaux opérés
par les colons à la conférence de Berlin, mêlant des peuples éloignés ou
encore, séparant peuples proches. Le peuple s'est alors transformé en un
instrument de subjugation de l'État.

Paragraphe 1
Le peuple, instrument de promotion de l'État
Point 1
Assise juridique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes trouve


son assise première à l'article 1e paragraphe 2 de la Charte des Nations
Unies, qui énonce comme but de l'Organisation, « développer entre les
nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de
l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes
(...) ».
De même, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
du 16 décembre 1966 dispose en son article premier, que « tous les

1 Voy. P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 97 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils


déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
développement économique, social et culturel ».
Mais c'est surtout au travers des résolutions de l'Assemblée
générale des Nations Unies que ce droit a été consacré et développé,
principalement la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale du 14 décembre
1960 portant déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux. En effet, l'Assemblée générale déclare que « la sujétion des peuples
à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un
déni des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la Charte des Nations
Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales (...) Tous les
peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement
économique, social et culturel ». La résolution a été suivie par une autre
résolution de l'Assemblée générale 1803 (XVII) du 14 décembre 1962
relative à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles.
Dans son arrêt sur le Timor oriental, la Cour internationale de
Justice a consenti à reconnaître le caractère opposable à tous du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes. Elle a de même rappelé qu'il s'agit là «
d'un des principes essentiels du droit international contemporain »1.
L'ensemble de ces résolutions constitue des textes sans doute en
eux-mêmes dépourvus de portée obligatoire mais dont la portée
politique éminente a contribué de façon déterminante au développement
du droit international coutumier. C'est la raison pour laquelle on doit
considérer pour l'essentiel leur contenu comme significatif de l'état
actuel du droit positif2.

Point 2
Contenu du principe

La résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations


Unies du 24 octobre 1970, portant déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
les États conformément à la Charte des Nations Unies, est plus explicite
quant au contenu du droit des peuples, qu'elle érige par ailleurs comme
principe cardinal nécessaire à la réalisation des buts des Nations Unies.
La déclaration proclame que « soumettre des peuples à la subjugation, à la

1 Timor oriental. (Portugal. c. Australie), C.I.J., arrêt,1995.


2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 99.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

domination ou à l’exploitation étrangères constitue une violation de ce principe [du


droit des peuples à disposer d'eux-mêmes], ainsi qu’un déni des droits fondamentaux
de l’homme, et est contraire à la Charte ».
Elle dispose qu'en vertu du principe de l’égalité de droits des
peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, tous les peuples ont le droit
de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de
poursuivre leur développement économique, social et culturel, et tout État a le
devoir de respecter ce droit.
La résolution astreint les États au devoir de favoriser, conjointement avec
d’autres États ou séparément, la réalisation du principe de l’égalité de droits des
peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes afin notamment de mettre
rapidement fin au colonialisme en tenant dûment compte de la volonté
librement exprimée des peuples intéressés.
La résolution établit également le moyen pour le peuple d'exercer ce
droit à disposer de lui-même. Il peut le faire par la création d’un État
souverain et indépendant, la libre association ou l’intégration avec un Etat
indépendant ou l’acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un
peuple. Et aussi longtemps qu'il demeure dans un État, le territoire d’une
colonie ou d’un autre territoire non autonome possède, en vertu de la
Charte, un statut séparé et distinct de celui du territoire de l’Etat qui
l’administre.
Tout État a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition
qui priverait les peuples de leur droit à disposer d’eux-mêmes, de leur liberté et de
leur indépendance. Lorsqu’ils réagissent et résistent à une telle mesure
de coercition dans l’exercice de leur droit à disposer d’eux-mêmes, ces
peuples sont en droit de chercher et de recevoir un appui conforme aux buts et
principes de la Charte.
Toutefois, la résolution tient à tempérer les risques de frottement
avec les autres principes cardinaux de la Charte. Elle dispose que rien
dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou
encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou
menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité
politique de tout Etat souverain et indépendant se conduisant
conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes et doté ainsi d’un gouvernement représentant
l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race,
de croyance ou de couleur. Tout État doit s’abstenir de toute action
visant à rompre partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité
territoriale d’un autre Etat ou d’un autre pays.

569
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Si la reconnaissance de ce droit n’a guère posé de difficulté pour les


peuples sous domination étrangère (colonies), son application est
devenue plus problématique par la suite. Les États nouvellement
indépendants notamment n’ont pas souhaité que certaines de leurs
minorités puissent accéder à l’autonomie1.

Point 3
Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et droit à
l'autodétermination et minorités locales

Une différence nette est établie entre le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes et le droit à l'autodétermination. Le droit à l'indépendance reste
l'apanage des peuples soumis à domination coloniale. Les peuples
minoritaires eux se voient reconnaître un droit à l'identité culturelle (ainsi
qu'un ensemble de droits collectifs), mais pas un droit à l'indépendance, qui se
traduirait corrélativement par une obligation d'accorder l'indépendance.
Cette dissociation du droit des peuples et du principe
d'autodétermination, hors les cas de domination coloniale, paraîtra
généralement inspirée par le bon sens si l'on veut éviter les phénomènes
de pullulement étatique dans les régions précitées, avec la multiplication
des risques d'affrontement qui en résultent.
La Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples le constatait
récemment dans un arrêt du 26 mai 2017 à propos du droit à
l'autodétermination garanti à l'article 20 de la Charte africaine des droits
de l'Homme et des peuples. Elle y affirme que celui-ci protège le peuple
des États et ne bénéficie pas en règle générale aux groupes ethniques et
aux communautés. Il serait « difficile de comprendre que les États, qui
sont les auteurs de la Charte, auraient entendu […] reconnaître
automatiquement aux groupes ethniques et communautés qui
constituent leur population, le droit à l'auto-détermination et à
l'indépendance qui, dans ce cas, reviendrait à un véritable droit à la
sécession »2
Le droit international n'interdit, toutefois, pas non plus de telles
revendications à l'indépendance de groupes minoritaires.

1 C. ROCHE, L’essentiel du droit international public, Gualino, Paris, 2019-2020, p.


64.
2 CADHP c. Kenya, Aff. n° 006/2012.

570
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Le peuple, instrument de subjugation de l'État

Les nouveaux États issus de la colonisation se sont vite butés à une


remise en cause de leur unité nationale, par les revendications internes
des indépendances. Mais, le principe du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes ne leur a pas permis d'y parvenir, d'une part, à cause du
principe de l'intangibilité des frontières et, d'autre part, des difficultés
liées à l'identification d'un peuple.
D'abord, il est affirmé un principe de l'intangibilité des frontières issues de
la colonisation. Les frontières héritées de la colonisation ne peuvent plus
être contestées ultérieurement, au risque de mettre en cause la stabilité
des régions et de permettre une multiplication de la création des
nouveaux États. Il est surtout un principe de sécurité juridique
permettant la gestion des conflits territoriaux entre les nouveaux États
issus de la colonisation. Son « but évident est d'éviter que l'indépendance
et la stabilité des nouveaux États ne soient mises en danger par des luttes
fratricides nées de la contestation des frontières à la suite du retrait de la
puissance administrante »1.
D'ailleurs, la résolution 2625 ci-dessus notamment, insiste sur
l'obligation de respecter l'intangibilité des frontières.
C'est exclusivement sur base de ce principe que les différentes
tentatives de sécession ayant eu lieu après la décolonisation à l'intérieur
des nouveaux États ont pour la plupart été vigoureusement réprimées
par ces derniers2.
Par ailleurs, les difficultés liées à l'identification d'un peuple n'arrangent
pas davantage la question.
En fait, la doctrine établit deux critères alternatifs d'identification
d'un peuple : un critère objectif, constitué par la réunion des
caractéristiques communes (la race, la langue, la morphologie, etc.) ; et
un critère subjectif constitué par la volonté de vivre ensemble. Mais, ces
conditions doctrinales n'ont pas reçu consécration en droit positif. Le droit
international n'a pas établi un critère général d'identification d'un peuple.
Il s'en suit qu'il s'agit d'une question politique laissée à l'observation des
États. La reconnaissance d'un peuple par la communauté internationale
se fait le plus souvent par un vote de l'organe plénier des organisations

1 Affaire du différend frontalier (Burkina Faso c/République du Mali), arrêt, 22 déc.


1986, Rec. 1986.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 103.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

universelles ou régionales. Si, la plupart des cas dans lesquels la qualité


de peuple a été reconnu à une communauté — principalement les
indépendances —, la réunion des critères ci-dessus peut ne pas être
remise en cause, nombreuses sont cependant des communautés qui
pourraient bien réunir ces critères, mais qui n'ont pourtant pas reçu cette
qualité, alors même qu'ils la revendiquent — cas des kurdes

Section 2
L'assise spatiale de la souveraineté : le territoire

Le territoire est le marqueur de la souveraineté. Il désigne l'étendue


géographique à l'intérieur de laquelle l'État exerce sa souveraineté. Le
territoire peut acquis de façon originaire, sur une terre « sans maître »,
ou dérivée, par transfert de souveraineté d'un État à un autre. Quelle que
soit son étendue, le territoire n'est pas illimité, il est délimité, pour
marquer la fin de l'étendue de la souveraineté de l'État. Par ailleurs, la
naissance et la disparition de l'État entraîne des conséquences juridiques
sur le territoire de l'ancien État et son appartenance au nouvel État.

Paragraphe 1
Acquisition du territoire

L'acquisition du titre à exercer les compétences souveraines sur un


territoire donné peut se faire à titre originaire ou dérivé.

Point 1
Acquisition originaire

L'acquisition originaire se fait sur un territoire dépourvu d'une


occupation par une entité souveraine, un territoire sans maître.
En l'état actuel du droit positif, le droit international insiste d'abord
sur l'effectivité de l'occupation comme condition de la constitution du titre
territorial. En d'autres termes, un État ne peut prétendre à la possession
d'un tel titre que s'il déploie dans la réalité des faits l'exercice exclusif des
compétences souveraines à l'intérieur dudit territoire. Cet exercice doit
se traduire non seulement par l'édiction de règles et de normes obligatoires, mais
aussi par leur application effective.
Cependant, cette effectivité est jugée de façon relative, tenant
compte des conditions physiques du territoire concerné. Ainsi considéré

572
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

qu'un exercice même épisodique de la souveraineté pouvait suffire à soutenir


la prétention au titre eu égard à l'inhospitalité des lieux concernés1.
S'agissant de l'exercice de la souveraineté sur des îlots de très petite
dimension et dépourvus
de population permanente, la Cour a eu à observer que « les effectivités
sont généralement peu nombreuses »2.
Au demeurant, elles peuvent même inexistantes. Dans ce cas, il peut
être tenu compte de la situation géographique des terres et des effectivités à
proximité de celles-ci. Ainsi la Cour a-t-elle jugé que le fait qu'une île — en
l'espèce l'île Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, revendiquée tant par
l'Indonésie que par la Malaisie — se trouvait dans un détroit qui faisait
globalement partie du domaine territorial du Sultanat de Johor (le Johor
est un État du sud de la Malaisie) et que cette possession n'ait jamais été
contestée par aucune autre puissance de la région étaient déterminants
pour établir le titre originaire3.

Point 2
Acquisition du titre dérivé

L'acquisition du territoire se fait à titre dérivé lorsque le titre


territorial a été détenu précédemment par une autre puissance. En ce cas,
l'acquisition peut se faire par voie conventionnelle ou non. En droit
positif, les cessions de territoire par voie conventionnelle ne peuvent se
faire sans consultation de la population concernée, et vertu du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes.
Les modes non-conventionnels d'acquisition du territoire
renvoyaient à l'idée de conquête. À l'issue d'une guerre, une partie du
territoire d'un État est annexée par un autre. La conquête n'agit comme
une cause provoquant la perte de la souveraineté que lorsqu'il y a guerre
entre deux États et que, à la suite de la défaite de l'un d'eux, la
souveraineté sur le territoire passe de l'État vaincu à l'État victorieux. On
parle de debellatio lorsque la conquête conduit à l'annexion de l'État tout
entier.

1 Affaire du Groenland oriental, CPJI, arrêt, 5 avr. 1933, série A/B, n° 53.
2 Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c/ Malaisie), C.I.J., arrêt,
17 nov. 2002.
3 Souveraineté sur Pedra Branca, Pulau Batu Puteh, Midlle Rocks et s.outh Ledge (Malaisie

c/ Singapour), C.I.J., arrêt, 23 mai 2008.

573
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En droit positif, le principe du non-recours à la force interdit les


acquisitions de territoire par la voie de l'usage de la force. La résolution
2625 déclare explicitement que « nulle acquisition territoriale obtenue par la
menace et l'emploi de la force ne sera reconnue comme légale ».

Paragraphe 2
Délimitation du territoire
Point 1
La frontière

La frontière est la ligne qui ceint le territoire d'un État. Elle peut
aussi désigne la zone qui s'étend de part et d'autre de cette ligne. Elle
représente les limites de la souveraineté et sépare les compétences
étatiques dans l'espace terrestre, maritime et aérien1. L'objet de la
frontière est de fixer « les limites territoriales de la souveraineté de l'État
»2 .
La détermination de la frontière appelle deux étapes : la délimitation
et la démarcation3.
La délimitation consiste à choisir l'emplacement de la frontière et à préciser
l'étendue spatiale du pouvoir étatique. À cette étape, s'ajoute, pour la
détermination de la ligne de partage des territoires terrestre seulement,
une opération matérielle et technique de vérification et de concrétisation sur le terrain
de la limite préalablement fixée. C'est la démarcation.
Il arrive que les cartes établies sur pied de ces opérations de
délimitation conventionnelle soient contradictoires de part et d'autre.
Ces difficultés donnent lieu à un important contentieux. Le principe de
solution établi par le Cour est que « les cartes ne sauraient en elles-mêmes
avoir valeur probatoire du titre territorial, sauf si, annexées à l'accord de
délimitation dont elles constituent l'illustration, elles expriment
directement la volonté commune des deux parties »4.

1 S. BESSON, Droit international public, Stämpfli éditions, Berne, 2016, p. 43.


2 Délimitation maritime en Mer noire (Roumanie c/ Ukraine), C.I.J., arrêt, 3 fév. 2009.
3 Voy. S. BESSON, op. cit., p. 44.
4 Affaire du différend frontalier (Burkina Faso c/République du Mali), arrêt, 22 déc.

1986, Rec. 1986.

574
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Les modalités de la délimitation

A. Délimitation unilatérale ou conventionnelle

L'État — en l'espèce, l'État côtier — délimite par un acte unilatéral


sa compétence sur sa mer territoire, son plateau continental ou sa zone
économique exclusive. Il s'agit là d'un acte unilatéral régi par le droit
interne. Cependant, son opposabilité aux autres États est tributaire du
respect des règles de droit international1.
La délimitation conventionnelle résulte d'un accord entre les deux
souverains territoriaux limitrophes pour séparer leurs territoires
respectifs, terrestres ou maritimes. On s'accorde généralement à
reconnaître que les traités ainsi conclus présentent un caractère objectif,
c'est-à-dire qu'ils sont opposables à tous les États tiers. Il s'agit là d'une
conséquence logique du caractère exclusif des compétences possédées
par chacun pour négocier un tel accord.

B. Le principe de l'uti possidetis juris

Lee Principe de l'uti possidetis permet de retenir comme frontières


les limites administratives établies par le colonisateur2. Il s'applique aux
Etats issues de l'indépendance, en Amérique du Sud d'abord, puis en
Afrique — même si, la commission d'arbitrage pour la Yougoslavie l'a
même appliqué en Europe —. Il s'agit d'un « principe général
logiquement lié au phénomène de l'accession à l'indépendance où qu'il
se manifeste »3.
En vertu de ce principe, le titre territorial doit être identifié par
référence à la date de l'indépendance. C'est elle qui constitue ce qu'on
appelle la date critique au regard de laquelle les revendications
concurrentes doivent être examinées, compte tenu du droit qui prévalait
jusque-là durant la période coloniale.

1 Affaire des pêcheries, (Royaume-Uni c. Norvège), C.I.J., arrêt, 18 déc. 1951, Rec.
1951.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 118.
3 Affaire du différend frontalier (Burkina Faso c/République du Mali), arrêt, 22 déc.

1986, Rec. 1986.

575
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Toutefois, lorsque le titre juridique est difficile à prouver, le juge


recourt à la vérification des effectivités de l'exercice de la souveraineté
sur le terrain1.
Cependant, il est inutile de recourir au principe de l'uti possidetis
dès lors que la délimitation frontalière est indiscutablement établie par
voie conventionnelle2.

C. Délimitation juridictionnelle

Le juge international du tribunal de droit de la mer ou de la Cour


internationale de justice peut être saisi en cas de conflit territorial. Elle
tranchera en application du droit international et sa décision sera
constitutive d'une frontière.
Pour établir la frontière, le juge, lorsqu'il ne peut fonder sa décision
sur l'uti possidetis, devra faire reposer sa décision sur un titre territorial
préexistant, « c'est-à-dire un document auquel le droit international
confère une valeur juridique intrinsèque aux fins de l'établissement des
droits territoriaux »3.
En pratique, de telles affaires posent toujours la question de
l'apport de la preuve du titre territorial. Pour établir le titre juridique, les
juges sont généralement amenés à se référer à trois types de sources4.
D'une part, les actes juridiques internationaux, et en particulier les accords
relatifs à la délimitation qu'ils devront interpréter ; d'autre part, les
comportements actifs et passifs de chacun des deux États concernés, l'un et l'autre
devant apporter le plus grand nombre de témoignages possibles de
l'exercice des compétences souveraines à l'intérieur du territoire
revendiqué, ou, à défaut, de la non-reconnaissance de la légalité des
prétentions ou des actes de souveraineté allégués par l'autre Partie ;
enfin, les comportements des États tiers, selon qu'ils confirment le caractère
paisible de l'occupation d'un territoire par un des deux États, ou qu'au
contraire ils ont manifesté une opposition plus ou moins marquée à son
égard.

1 Affaire du différend frontalier (Burkina Faso c/République du Mali), arrêt, 22 déc.


1986, Rec. 1986.
2 Différend territorial. (Libye c/ Tchad), C.I.J., arrêt, 1994.
3 Affaire du différend frontalier (Burkina Faso c/République du Mali), arrêt, 22 déc.

1986, Rec. 1986.


4 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 121.

576
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 3
Mutations territoriales et succession d'États

Il s'agit ici de savoir dans quelle mesure le nouvel État, ou l'État qui
acquiert après transfert, un titre de souveraineté sur un territoire ayant
appartenu à un ancien État, hérite des droits et obligations de ce dernier.
La question se pose, que l'ancien État survive ou non à la naissance
du nouvel État. La première hypothèse est celle de la sécession ou de la
scission, qui suppose qu’une partie du territoire ayant appartenu à un
État quitte son contrôle souverain pour passer à celui du nouvel État.
Elle renvoie également à la fusion de deux États indépendants sous une
même entité souveraine (cas de la réunification allemande).
La seconde hypothèse renvoie à la disparition de l'ancien État, soit
par sa dislocation totale donnant naissance à plusieurs nouveaux États,
soit à l'absorption de l'ancien État par un nouvel État.
La question se pose alors de déterminer le sort des droits détenus
par les citoyens de l'ancien État vivant dans le territoire du nouveau. Elle
se pose surtout de déterminer si, — et si oui, de quelle manière — le
nouvel État hérite des droits et obligations de l'ancien.

Point 1
Succession d'État et condition des particuliers

Ici, il faut distinguer selon qu'il s'agit de droits publics ou privés.


Les droits publics des particuliers (droits politiques) ne survivent pas
en principe, à la succession. Le nouvel État est le seul compétent pour régir
les questions d'ordre politique relatives à ses citoyens. Un cas particulier
est celui de la nationalité : en général, il est accordé aux citoyens un droit
d'option, leur permettant de choisir entre la nouvelle nationalité, ou une
autre.
La question varie toutefois, en matière de droits privés. Pour ceux-
ci le principe est celui du leur maintien par le nouvel État, en vertu de la
règle des droits acquis. Il a été jugé que la méconnaissance par un État du
principe des droits acquis était de nature à engager sa responsabilité
internationale1.

1 Usine de Chorzow, CPJI, arrêt, 26 juill. 1927, série A no 9.

577
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La règle des droits acquis a été étendue aux concessions conclus entre
l'État et le privé1. Cependant, ce principe de solution a été décrié par les
nouveaux États en vertu de leur souveraineté sur les ressources
économiques. L'on s'accorde aujourd'hui à reconnaître le droit de tout État
à la nationalisation des biens privés étrangers, du moins pour un motif d'intérêt
public. Ce droit est cependant assorti d'une obligation, celle
d'indemnisations adéquates conformément aux règles en vigueur dans l'État
qui prend ces mesures dans l'exercice de sa souveraineté et en
conformité du droit international2.

Point 2
Succession d'États et droits publics internes

Le nouvel État succède aux biens publics de l'ancien. Le principe


posé est celui du passage sans compensation à l'État successeur des biens
d'État de l'État prédécesseur3.
En ce qui concerne les dettes d'État, la convention de codification
de 19834 établit une dualité de normes, suivant que la succession
concerne ou non des États nouvellement indépendants. La règle
générale est bien celle de la transmission de la dette publique à l'État
successeur « dans une proportion équitable compte tenu notamment des
biens, droits et intérêts qui passent à l'État successeur en relation avec
cette dette d'État ». Mais, en ce qui concerne les États issus de la
décolonisation « aucune dette d'État de l'État prédécesseur ne passe à
l'État nouvellement indépendant » sauf accord exprès de celui-ci. Il est
cependant fort difficile de considérer que cette disposition reflète l'état
actuel du droit coutumier, tel notamment qu'il est admis par les pays
occidentaux.

1 Mavromatis, CPJI, arrêt, 26 mars 1925, série A no 5.


2 Souveraineté permanente sur les ressources naturelles, Résolution de
l'Assemblée générale 1803 (XVII) du 14 décembre 1962.
3 Art. 10&11, Convention de Vienne du 8 avril 1983 sur la succession d’États en

matière de biens, archives et dettes d’État.


4 Art. 37-41, Convention de Vienne du 8 avril 1983 sur la succession d’États en

matière de biens, archives et dettes d’État.

578
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 3
Succession d'États et ordre juridique international

A. Succession aux traités

La coutume a confirmé le principe de l'intransférabilité des traités


politiques. Ainsi, les traités de paix, de neutralité ou les traités militaires,
conclus par l'ancien État, ne sont pas dévolus ai nouveau. En revanche,
les traités territoriaux sont transférables, compte tenu de leur caractère
objectif.
Cependant, la coutume est moins claire au sujet des traités-lois, c'est-
à-dire, des traités créant des droits directement au profit des citoyens,
notamment les traités en matière de droits de l'homme. Il est néanmoins
plus sûr de ne pas admettre l'existence d'une règle générale de transfert
des traités-lois conclus par l'ancien État, cette règle ayant été décriée par
les nouveaux États issus de la colonisation.

B. Succession d'État et responsabilité


internationale

Le principe posé est que le nouvel État ne répond pas des actes posés par
l'ancien1, sauf cependant, s'il avait déclaré succéder à certains droit et obligations de
l'ancien État dans un domaine particulier, auquel cas il engagera sa
responsabilité pour les actes posés par l'ancien État dans le cadre dudit
domaine2.

Section 3
Attributs de la souveraineté

Le droit international reconnait à l'entité souveraineté une pleine


capacité d'agir sous l'angle international. Mais il lui reconnaît également
des compétences dans l'ordre interne.

1 Tribunal arbitral franco-hellénique, affaire des phares, sentence du 24 juill. 1956.


2 Projet Gabcikovo-Nagymaros (Slovaquie/Hongrie), arrêt, C.I.J., 25 sept. 1997.

579
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 1
Personnalité juridique de l'État

L'État souverain est sujet de droit international, en ce sens qu'il est


le destinataire direct et immédiat de droits et d'obligations internationales. Étant le
seul sujet doté de souveraineté, il se distingue des autres par sa pleine
capacité d'agir en vertu des normes définies par le droit international1.
Il est donc attaché à l'État notamment la capacité de produire des actes
juridiques internationaux, qu'ils soient conventionnels ou unilatéraux ; la
capacité de se voir imputer des faits illicites internationaux et par là, d'engager
sa responsabilité internationale, de même que celle de demander réparation
d'un dommage qu'il subit par suite d'un fait illicite international d'un autre
État ; la capacité de devenir membre d'organisations internationales ; la capacité
d'établir des relations diplomatiques et consulaires avec les autres États2.

Paragraphe 2
Compétences de l'État

La souveraineté de l'État emporte une double compétence territoriale et


personnelle de l'État3.

Point 1
La compétence territoriale

La compétence territoriale est le fait pour l'État de détenir l’exclusivité


et la plénitude de ses compétences sur son territoire, puisqu’il y est souverain.
Dans la célèbre affaire de l'Île des Palmes, l'arbitre Max Huber
manifestait de façon pertinente le lien existant entre la souveraineté et
les caractères de la compétence territoriale, dans les termes suivants : «
la souveraineté dans les relations entre États signifie l'indépendance.
L'indépendance relativement à une partie du globe est le droit d'y exercer
à l'exclusion de tout autre État les fonctions étatiques. Le développement
de l'organisation nationale des États durant les derniers siècles et, comme
corollaire, le développement du droit international ont établi le principe
de la compétence exclusive de l'État en ce qui concerne son propre

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 135.


2 Ibidem.
3 Ibidem., p. 137 ; S. BESSON, op. cit., p. 72

580
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

territoire, de manière à en faire le point de départ du règlement de la


plupart des questions qui touchent aux rapports internationaux ».
La compétence territoriale a donc un double caractère général et
exclusif.

A. Généralités des compétences

La compétence territoriale a un caractère général, parce qu'à


l'intérieur de son territoire, l'État souverain exerce l'ensemble des pouvoirs
qui s'attachent à sa qualité d'autorité publique. Il assume ainsi toutes les
fonctions nécessaires à l'organisation de la vie propre à la collectivité
humaine sise sur ce territoire : organisation constitutionnelle,
administration publique, pouvoir de police, défense nationale,
normalisation des activités entreprises par les personnes privées sur le
territoire national, etc.
Toutefois, ainsi qu'il a été jugé dans l'affaire du Lac Lanoux, la
souveraineté territoriale doit fléchir devant toutes les obligations internationales de
l'État, quelle qu'en soit la source, mais elle ne fléchit que devant elle.

B. Exclusivité des compétences

La compétence territoriale a un caractère exclusif, car l'État est le


seul à exercer sa souveraineté sur son étendue territoriale.
Le droit international s'étant d'abord affirmé comme celui de la
coexistence entre entités également souveraines, la première limitation qu'il
impose à l'État est celle d'exclure (sauf existence d'une règle permissive
contraire) tout exercice de sa puissance sur le territoire et la population
d'un autre État.
C'est le sens du principe de la non-ingérence dans les affaires internes de
l'État, qui désigne l'obligation pour tout État de respecter le caractère exclusif des
compétences territoriales d'un autre État1.
Ce principe trouve sa source à l'article 2 § 7 de la Charte de l'ONU,
aux termes duquel « aucune disposition de la (...) Charte n’autorise les Nations
Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d’un État (...) ». Une modalité de ce principe est le principe du non-
recours à la force, qui interdit toute intervention armée d'un État contre
l'intégrité territoriale d'un autre. Aux termes du § 4 de l'article 2 ci-dessus,

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 180.

581
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

« les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales,


de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec
les buts des Nations Unies ». Ces principes ont été réitérés à plusieurs
reprises, notamment dans la résolution 2131 (XX) de l'Assemblée
générale, intitulée « Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention
dans les affaires intérieures des États et la protection de leur
indépendance et de leur souveraineté ». La résolution 2625 (XXV)
portant déclaration relative aux principes du droit international touchant
les relations amicales et la coopération entre États conformément à la
Charte des Nations Unies, a également repris solennellement l'énoncé
de ces principes. Dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, la Cour, se fondant sur la Charte et les
résolutions ci-dessus, a insisté sur la validité du principe de non-
intervention affirmé comme un principe coutumier, indépendamment de
toute invocation directe de la Charte des Nations Unies. Étant donné le
caractère fondamental des règles qui précèdent, beaucoup s'accordent à
y reconnaître des normes impératives du droit international général —
jus cogens —1.

Point 2
La compétence personnelle

La compétence personnelle est celle qu'exerce l'État sur les personnes


physiques et morales ou entités (navires, aéronefs) ayant sa nationalité. Cette
compétence suit le national de l'État où qu'il se trouve en dehors du
territoire national.
La compétence personnelle s’exprime notamment pour les
nationaux se trouvant à l’étranger par la protection diplomatique, mais peut
aussi prendre la forme d’obligations fiscales ou autres.
La protection diplomatique est le droit du national d'un État se
trouvant dans un État étranger, et victime d'une violation de droit
international, de requérir et obtenir le soutien de l'État dont il a la
nationalité, en vue d'obtenir réparation. La procédure exige que le
national ait épuisé les voies de recours interne de l'État dans lequel il se
trouve. Son État pourra ainsi demander la réparation par voie
diplomatique, ou l'obtenir par la voie juridictionnelle.

1 Idem.

582
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Sur la question de la nationalité, l'État fixe librement les règles relatives


à l'attribution de sa nationalité à ses citoyens. Le droit international n'y
intervient guère. Il se contente de poser la règle du rattachement effectif du
citoyen à l'État national. Dans la célèbre affaire Nottebohm, il a été jugé
que les règles de nationalité établies par un État ne sont opposables à un
autre que s'il « s'est conformé à ce but général de faire concorder le lien
juridique de la nationalité avec le rattachement effectif de l'individu à l'État qui
assume la défense de ses citoyens par le moyen de la protection vis-à-vis
des autres États »1. Cette règle permet ainsi de résoudre les conflits de
nationalités, notamment en cas de protection diplomatique. La Cour
entend par là que la nationalité n'est pas purement formelle mais exprime
une solidarité d'existence, d'intérêts, de sentiments tendant à une
réciprocité de droits et de devoirs2.

1 Nottebohm (Lichtenstein c/ Guatemala), arrêt, C.I.J., 6 avr. 1955, Rec. 1955, p.


23.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 147.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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584
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
L’organisation internationale
Les organisations internationales sont des sujets de droit
international, dans le sens où elles sont titulaires de droits et d'obligations
déterminés et sanctionnés par lui. Mais ce sont des sujets dérivés : créées
par les États, elles tiennent leurs compétences de ces derniers1. Les
travaux de la CDI définissent l'organisation internationale comme une «
association d’États, constituée par traité, dotée d’une constitution et d’organes
communs et possédant une personnalité juridique distincte de celle des États membres
».
En pratique, on distingue entre les organisations internationales, les
organisations à vocation universelle (ONU) ou régionale (UA) ; selon leur
compétence, les organisations à action limitée dans un domaine particulier
(OTAN) ou à domaine étendu (ONU) ; selon leur autorité, les
organisations de coopération, qui ont pour fonction de favoriser la
coopération, la coordination des actions entre les États membres, dans
le respect de leur souveraineté et sans leur imposer de décision, et les
organisations d'intégration, qui ont vocation à favoriser le pouvoir de
décision de l’organisation face aux États, les transferts de compétences
et l’intégration des États (UE).
En tant que sujets dérivés du droit international, les organisations
sont créées par les États, et ceux-ci essaient toujours d'exercer une
influence sur elle. Mais, dotée d’une personnalité et de compétences
propres, l'organisation constitue une personne distincte de celle de ses
créateurs.

Section 1
Les États dans l'organisation

L'organisation est la création des États. Ceux-ci exercent sur elle


une influence sur son droit, ou sur ses règles d'organisation et de
fonctionnement, et une influence au niveau pratique de son existence.

1 C. ROCHE, op. cit., p. 73.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Le droit de l'organisation

Le droit de l'organisation est essentiellement composé de deux


catégories de règles1. Les unes peuvent être qualifiées d’ « originaires », parce
qu'elles sont données à l'organisation par les instruments juridiques de
sa création, principalement son traité constitutif. Les autres sont dites de «
droit dérivé », parce qu'elles sont créées par l'organisation elle-même, sur
la base du droit originaire.

Point 1
Le droit originaire : le traité constitutif

A. Nature bivalente du traité constitutif

Le traité constitutif a une double nature : une nature conventionnelle


et une nature constitutive2.
En tant qu'accord de volontés, le traité constitutif est un traité
international classique, qui obéit aux règles du droit des traités. Il
consacre une rencontre entre volontés en vue de la création de droits et
obligations à leur égard.
Mais le traité est aussi une constitution. Son premier objet est de
créer une personne juridique nouvelle. Il la dote d'organes propres, dont
il précise les compétences — notamment celle de créer les règles propres
de l'organisation — ; et détermine les droits et obligations de ses
membres.
B. Révision du traité constitutif

1. Révision en application des dispositions de la


Charte

La révision de l'acte constitutif pose le problème de la nécessité de


concilier intérêt de l'organisation et intérêts des États membres.

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 220.


2 Idem., p. 221.

586
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Selon les cas, l'adoption de l'amendement ou son opposabilité aux


États membres peu aller de l'adoption pure et simple de l'amendement
par un organe compétent au sein de l'organisation, à la ratification par tous
les membres de cette organisation. D'autres organisations combinent les
deux. C'est le cas de l'ONU. Aux termes de la Charte, « les amendements
[…] entreront en vigueur pour tous les membres des Nations Unies
quand ils auront été adoptés par l'Assemblée générale à la majorité des
deux tiers de ses membres et ratifiés selon leurs procédures
constitutionnelles respectives par les deux tiers des membres de
l'organisation y compris tous les membres permanents du Conseil de
sécurité »1.

2. Révision coutumière

Il est admis que le traité constitutif soit révisé par la coutume2. Une
pratique constante adoptée par les États membres de l'organisation et
considérée par ceux-ci comme étant droit, peut réviser les dispositions
du traité constitutif.
L'exemple le plus célèbre est celui de la pratique de l'abstention au
Conseil de sécurité. La Charte dispose que les résolutions, sauf sur les
questions de procédure, sont adoptées avec un vote affirmatif des membres
permanents du Conseil. Cependant, la pratique a admis l'adoption des
résolutions en dépit de l'abstention — c'est-à-dire de votes ni oui ni non
— des membres permanents. La pratique a au demeurant, été avalisée
par la Cour internationale de justice dans son avis de 1971 relatif à la
Namibie, d'après lequel : « la pratique de l'abstention volontaire d'un
membre permanent lors d'un vote du Conseil de sécurité de l'ONU a
toujours et uniformément été interprétée, à en juger d'après les décisions
de la présidence et les positions prises par les membres du Conseil, en
particulier par les membres permanents, comme ne faisant pas obstacle
à l'adoption des résolutions. L'abstention d'un membre du Conseil ne
signifie pas qu'il s'oppose à l'approbation de ce qui est proposé ».

1 Art. 108, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.


2 Voy. P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 224.

587
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Le droit dérivé de l'organisation

Le droit dérivé de l'organisation est constitué par les règles produites


par les organes de l'organisation en vertu du traité constitutif. Il s'agit en principe
d'actes unilatéraux, imposant des droits et obligations aux membres de
l'organisation, et aussi aux individus qui travaillent dans cette
organisation. Le droit dérivé, ajouté au traité constitutif, forment le droit
de l'organisation.
En raison de ce qu'il tire sa validité du traité constitutif, le droit
dérivé doit se conformer à celui-ci. Toutefois, la pratique admet quelques
entorses au traité constitutif, nécessitées par les contraintes du temps.
Une question s'est posée donc du contrôle de légalité des règles
dérivées d'une organisation par rapport au traité constitutif.
Cette possibilité n'est pas encore consacrée dans la plupart des
organisations internationales. Seule l'Union Européenne est réputée
pour prévoir un contrôle des actes du Parlement, du Conseil et de la
Commission, en conformité au traité sur le fonctionnement de l'Union
Européenne, par la Cour de Justice de l'Union Européenne1.
Pour le cas de l'ONU, la Charte ne prévoit pas une procédure
similaire. Il existe seulement la possibilité de saisir la Cour internationale
de justice par la procédure d'avis consultatif, en lui posant la question
sur la conformité à la Charte de telle ou telle activité de l'Organisation.
La procédure a notamment été utilisée au sujet d'une importante
controverse concernant la résolution 377 (dont on parlera plus loin)2.
Les États utilisent souvent la voie politique pour contester ou
protester contre les décisions des organes de l'organisation qui semblent
contraires au traité.

1 Art. 263, Traité sur le fonctionnement de l'Union Européénne.


2 Voy. Certaines dépenses des Nations Unies, Rec. C.I.J., avis, 1962. pp. 151 s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Le fonctionnement de l'organisation

Point 1
Acquisition et perte de la qualité de membre

A. Acquisition de la qualité de membre

Les règles relatives à l'acquisition de la qualité de membre de


distinguent, selon qu'il s'agit de membres originaires ou des membres
dérivés.
Les membres originaires, c'est-à-dire, membres depuis la naissance
de l'organisation, ayant participé à cette naissance, en sont généralement
membres de droit par le seul fait qu'ils sont parties à la convention constitutive,
qu'ils ont eux-mêmes contribué à élaborer1.
Par contre, les règles sont différentes d'une organisation à une
autre, pour les membres dérivés. Mais elles auront le plus souvent un
caractère complexe, afin de garantir d'une part que les nouveaux membres
s'engagent à « jouer le jeu » de l'institution et non à le perturber, d'autre
part que la majorité — souvent qualifiée — des États d'ores et déjà
membres accepte leur adhésion. Il y va de la fidélité de l'organisation à
la vocation qui lui a été assignée par eux mais aussi, de façon plus
implicite, du contrôle de l'équilibre politique réalisé au sein de
l'institution avant leur arrivée en son sein2.
Ainsi pour le cas de l'ONU, par exemple, la Charte dispose que «
(...) peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États
pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au
jugement de l’Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le
faire (...) L’admission comme Membres des Nations Unies de tout État
remplissant ces conditions se fait par décision de l’Assemblée générale
sur recommandation du Conseil de sécurité »3.

1 Voy. par ex. pour le cas de l'ONU, Art. 3, Charte des Nations Unies du 26 juin
1945.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 237.
3 Art. 4, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.

589
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Droits et obligations des membres

La qualité de membre vaut à l'État de bénéficier de droits et


corrélativement d'être soumis à des obligations.
Ainsi l'État membre a notamment le droit de participer aux séances
de travail de l'organisation, de voter, d'envoyer des représentants aux
organes de l'organisation, de bénéficier des activités de l'organisation,
etc.
L'État membre a corrélativement l'obligation de concourir au bon
fonctionnement de l'organisation et de contribuer à la poursuite des objectifs de
l'organisation.
L'État membre a par ailleurs l'obligation de contribuer financièrement
au budget de l'organisation. Pour le cas de l'ONU par exemple, les
contributions sont réparties en proportion du poids économique des
membres. Ainsi les principaux contributeurs sont les grandes puissances
économiques, qui ne sont pas forcément principaux bénéficiaires des
activités de l'organisation. L'assemblée générale est l'organe budgétaire
de l'organisation1.

C. Perte de la qualité de membre

Le traité constitutif prévoit généralement — cas du traité sur le


fonctionnement de l'Union européenne2 —, la possibilité pour un État
de se retirer d'une organisation internationale. Dans ce cas, il est prévu,
en Europe, une procédure au cours de laquelle seront négociés les
relations futures entre l'organisation et l'État.
Il arrive par contre que le traité ne prévoit pas une telle disposition,
et on discute de la question de savoir si le retrait serait tout de même
possible, en ce cas.
L'État peut également voir sa qualité de membre suspendue pendant
un temps, à l'issue du vote d'un organe — en principe plénier — de
l'organisation, à titre de sanction au manquement par l'État de ses
engagements dans l'organisation3. Et lorsque le manquement est grave ou
persistant, l'État peut être exclu de l'organisation, par un vote des autres
membres4.

1 Art. 17 § 1, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.


2 Voy. Art. 50, TFUE.
3 Voy. Art. 5, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
4 Voy. Art. 6, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.

590
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Les organes de l'organisation

A. La nature des organes

1. Organes principaux et organes subsidiaires

On distingue, en premier lieu, les organes principaux des organes


subsidiaires1. Les premiers sont créés directement par le traité constitutif,
tandis que les deuxièmes sont mis en place par les organes principaux en
vertu du traité constitutif, en vue de la poursuite de leurs objectifs.

2. Nature des organes principaux

La nature des organes principaux est la résultante des objectifs de


représentativité des États membres, d'égalité entre ces derniers, et surtout,
d'efficacité dans la poursuite des buts de l'organisation2.
Ainsi, on distingue souvent un organe plénier, constitué de tous les
États membres qui votent souvent à la majorité et disposent d'une voix
chacune ; des organes techniques, chargés spécialement de la poursuite des
buts de l'organisation, où les votes peuvent être pondérés selon le poids
économique ou politique de l'État3 — cas du Conseil de sécurité où les
membres permanents disposent du droit de véto —.
À l'ONU, la Charte prévoit l'existence de six organes principaux :
une Assemblée générale, un Conseil de sécurité, un Conseil économique
et social, un Conseil de tutelle, une Cour internationale de Justice et un
Secrétariat4.
L'Assemblée générale est l'organe plénier. Elle se compose de tous les
Membres des Nations Unies5. Elle a compétence pour discuter toutes
questions ou affaires rentrant dans le cadre de la Charte6. Chaque
membre dispose d’une voix7.

1 Idem.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 248
3 Lire C. ROCHE, op. cit., pp. 77-78.
4 Art. 7 § 1, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
5 Art. 9 § 1, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
6 Art. 10, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
7 Art. 18 § 1, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.

591
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le Conseil de sécurité est l'organe technique de l'organisation. C'est à lui


qu'il incombe la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales1.
Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de
l’Organisation. La République de Chine, la France, l’Union des
Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d’Irlande du Nord, et les États-Unis d’Amérique sont
membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres Membres de
l’Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil
de sécurité, par l’Assemblée générale qui tient spécialement compte, en
premier lieu, de la contribution des Membres de l’Organisation au
maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de
l’Organisation, et aussi d’une répartition géographique équitable. Les
membres non permanents du Conseil de sécurité sont élus pour une
période de deux ans. Les membres sortants ne sont pas immédiatement
rééligibles2.

B. Les modes de votation

La question du mode de votation met aux prises des intérêts


distincts — et parfois opposés — d'égalité et d'efficacité.
L'évolution des organisations internationales a abandonné le vote
au consensus, au profit du vote majoritaire. Cela entraîne pour les États,
la nécessité d'abandonner leur souveraineté au profit de la décision de la
majorité.
Toutefois, dans les organes techniques, l'égalité des membres laisse
place à l'efficacité de l'organisation de mener ses actions. Il s'en suit une
hiérarchie entre eux, fondée sur le rôle de chacun dans la poursuite des
objectifs de l'organisation. Ainsi, le vote peut être pondéré selon le poids
économique.
Au Conseil de sécurité de l'ONU, la Charte prévoit que « les
décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions [que les
questions de procédure] sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses
membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres
permanents »3. Ce qui signifie que si un membre permanent émet un

1 Art. 24 § 1, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.


2 Art. 23, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.
3 Art. 27, Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.

592
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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vote négatif — communément appelé un véto —, la décision ne sera pas


prise. La pratique refuse d'assimiler l'abstention à un véto.

Section 2
L'organisation face aux États

Les États exercent un contrôle de l'organisation. Ils la créent à


travers son acte constitutif, qui a valeur constitutionnelle, ils participent
à ses organes de gestion et à la production de son droit dérivé.
Cependant, l'organisation, une fois crée, bénéficie d'une
personnalité juridique propre, non seulement interne, mais aussi
international. Cette personnalité lui donne des compétences dans son
champs d'intervention. Elle lui donne également la capacité de produire
un droit opposable à ses membres, et d'intervenir par des opérations
matérielles. L'organisation se dépêtre alors du contrôle des États en
affirmant une personnalité propre et une relative autonomie.

Paragraphe 1
La personnalité juridique internationale de l'organisation

Point 1
Affirmation de la personnalité juridique internationale de
l'organisation

Les traités constitutifs des organisations internationales confèrent


souvent expressément à celle-ci une personnalité juridique dans les
ordres internes des États membres. Par elle, l'organisation est dotée de
la capacité juridique au sein des États. Ils peuvent contracter pour
acquérir des biens, à titre d'exemple. On citera pour exemple, l'article
104 de la Charte de l'ONU, aux termes duquel « l’Organisation jouit, sur le
territoire de chacun de ses Membres, de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour
exercer ses fonctions et atteindre ses buts ».
Dans l'ordre juridique international, la personnalité juridique de
l'organisation internationale, longtemps réfutée en doctrine, a été
affirmée par la Cour internationale juridique dans son avis rendu dans
l'affaire de la réparation des dommages subis au service des Nations
Unies. Dans cette affaire, il était posé à la Cour la question de savoir si
l'ONU pouvait réclamer réparation des dommages qu'elle avait subis du
fait de la disparition d'un de ses agents, le comte Folke Bernadotte, en
mission en Palestine.

593
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La Cour opinait que « pour répondre à cette question, il faut tout


d'abord déterminer si la Charte a donné à l'Organisation une condition
telle qu'elle ait vis-à-vis de ses Membres des droits dont elle ait qualité
pour leur en demander le respect. En d'autres termes, l'Organisation est-
elle revêtue de la personnalité internationale ? » Ce qui signifierait qu'elle
« est une entité capable d'être bénéficiaire d'obligations incombant à ses
Membres ».
Utilisant alors une technique d'interprétation fondée sur la recherche
des implications logiques de la volonté des parties telle qu'exprimée dans diverses
dispositions de la Charte, la Cour s'appuie en premier lieu sur la méthode
d'interprétation dite de l’ « effet utile » pour conclure positivement
l'interrogation qu'elle avait elle-même posée.
L'organisation a donc la personnalité juridique internationale, ce
qui emporte pour elle la capacité d'être dotée et d'exercer des droits et
obligations dans l'ordre juridique international, entre autres, le droit de
faire des traités, le droit de légation active et passive, le devoir de
répondre des faits internationalement illicites et le droit de se prévaloir
d'un dommage résultant d'un tel fait.

Point 2
Caractère fonctionnel de la personnalité juridique de
l'organisation

La capacité de l'organisation internationale est régie par le principe


de spécialité, similaire à celui qui régit les établissements publics en droit
interne. De par ce principe, l'organisation ne peut exercer les capacités
juridiques qui lui sont dévolues que dans la limite et pour la réalisation de
l'objet et des buts d'intérêt général que lui assigne sa charte constitutive. On dit que
sa personnalité internationale présente ainsi un caractère fonctionnel.
Toutefois, il est admis en ce cadre la théorie des compétences implicites.
Les compétences implicites sont tirées des compétences explicites, ainsi
que de l'objet et du but de l'organisation. Ceux-ci supposent, pour être
atteints, d'autres compétences non expressément dévolues à
l'organisation, mais implicitement reconnues.

594
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Les compétences de l'organisation internationale

L'acte constitutif donne à l'organisation deux séries de


compétences : les compétences normatives et les compétences
opérationnelles.

Point 1
Les compétences normatives

Les compétences normatives sont la capacité de l'organisation de


produire des normes. Il s'agit premièrement, des normes d'autorégulation. Cette
catégorie renvoie à ces normes qui président à l'organisation et au
fonctionnement des organes-mêmes de l'organisation et leur sont
opposables.
Il s'agit ensuite, d'un pouvoir de régulation externe. Cette catégorie
renvoie à des normes opposables aux membres de l'organisation. Il s'agit
en général des recommandations adressées aux membres de l'organisation,
qui peuvent lui être ou non obligatoires.

Point 2
Les compétences opérationnelles

Les compétences opérationnelles renvoient aux actions que mène


l'organisation en vue de la réalisation des objets et buts de l'organisation.
Ces actions varient donc d'une organisation à une autre.

595
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Les particuliers

Contenu indisponible.

596
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
LES SOURCES DE DROIT
INTERNATIONAL
L'État et l'organisation internationale sont sujets de droit
international, parce qu'ils sont destinataires des normes de ce droit. Ces
normes justement, forment l'ordre juridique international.
Le droit international en tant qu'ensemble de normes régissant les
relations des États et des organisations internationales — notamment —
constitue un ordre juridique.
Il importe, par l'étude des sources de droit international, de
déterminer le soubassement des droits et obligations des acteurs du droit
international.
Les sources de droit international sont énumérées à l'article 38 du
Statut de la CIJ. L'article dispose que « la Cour, dont la mission est de
régler conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique : a. Les conventions internationales, soit générales, soit
spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États en
litige ; b. La coutume internationale comme preuve d’une pratique
générale, acceptée comme étant le droit ; c. Les principes généraux de
droit reconnus par les nations civilisées ; d. Sous réserve de la disposition
de l’Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les

597
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de


détermination des règles de droit. 2. La présente disposition ne porte pas
atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d’accord, de statuer
ex aequo et bono ».
Néanmoins, il faut d'ores et déjà formuler quelques précisions à
propos de cette classification1.
De prime abord, elles ne font pas un listing hiérarchique des sources,
comme le fait la Constitution pour le droit interne. Le droit international,
régi par l'équivalence normative, toutes les sources ont la même valeur,
sauf en ce qui concerne les normes impératives de droit international ou
normes jus cogens. L'objet de cette disposition est tout simplement de
donner à la Cour un éventail de sources desquelles elle puisera la solution
aux différends qui lui seront soumis. On comprend dès lors pourquoi
les sources conventionnelles sont placées en premier lieu, car formées
sur une base consensuelle, elles sont moins susceptibles de contestation
que les autres.
Par ailleurs, cette disposition n'établit pas une liste exhaustive des sources du
droit international. Datant de plus d'un siècle, née du Statut de la Cour
Permanente de Justice Internationale de 1920, cette disposition doit être
replacée dans son contexte de l'époque. Ainsi, elle ignore la
multiplication du nombre d'Etats entraînant la prolifération d'actes
unilatéraux, de même elle ignore la montée en nombre d'Organisations
internationales et les actes que ces dernières peuvent produire.
Quoi qu'il en soit, les traités demeurent une source phare du droit
international. Ils constituent l'instrument privilégié des relations de coopération
entre sujets de droit international2.

1 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 346-347 ; S. BESSON, op. cit.,
pp. 217-219 ; D. RUZIE et G. TEBOUL, Droit international public, Dalloz, Paris,
2013, p. 17.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 348.

598
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les traités en accords internationaux
Section 1
Notions

Le traité est l'expression de volontés concordantes, émanant de sujets de droit


dotés de la capacité requise, en vue de produire des effets juridiques régis par le droit
international1.
Le traité peut être bilatéral ou multilatéral, il peut être un traité contrat
— accord emportant échange de prestations réciproques2 — ou traité-
lois — accord par lequel les parties adoptent une règle générale destinée
à régir leurs relations futures3 —. Enfin, le traité peut être conclu en
forme solennelle ou simplifiée.

Section 2
Les phases de conclusion d'un traité

La négociation et la ratification forment, de bout en bout,


respectivement la première et la dernière étape de la procédure de
conclusion d'un traité4.
La conclusion désigne l'ensemble des phases de production d'un traité
international5. Ces étapes se distinguent selon qu'il s'agit d'un traité en
forme solennelle ou d'un accord en forme simplifiée.
La procédure6 commence par la négociation. Les États cherchent à
définir les obligations qui découleront du traité, de façon d'ailleurs plus ou moins
précise, en fonction de la représentation qu'ils se font de leurs intérêts7.
Vient ensuite la signature, par laquelle les États vont authentifier le
texte. Ils visent en fait à s'assurer que le texte arrêté au terme de la négociation
constitue bien l'expression fidèle de leur volonté, et manifeste le consentement

1 Idem., p. 350.
2 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 2177.
3 Idem.
4 D. RUZIE et G. TEBOUL, Droit international public, Dalloz, Paris, 2013, p. 17.
5 Lire S. BESSON, op. cit., p. 233.
6 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 358 ; S. BESSON, op. cit., pp.

235-238 ; D. RUZIE et G. TEBOUL, op. cit., pp. 34-37 ; C. ROCHE, op. cit., pp.
21-22.
7 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 358.

599
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

des États à ce texte1. À ce stade, les États ne pourront plus changer ou


amender le texte de manière unilatérale, sans repasser par la négociation2.
C'est le lieu et la date de la signature qui est utilisé pour désigner le traité3.
La procédure prend fin par l'expression à être lié définitivement par un
traité, conditionnant l'entrée en vigueur de cette convention4.
L'expression à être lié définitivement par un traité, peut présenter
un caractère solennel — ratification — ou non solennel — acceptation
ou approbation —5. Le traité qui respecte toutes ces procédures est dit
conclu en forme solennelle.
Il est dit en forme simplifiée si l'engagement à être définitivement lié
est acquis dès la signature6 qui vaudra en même temps authentification, en
même temps engagement à être définitivement lié à un traité7.
Toutefois, même s'il ne vaut pas engagement à être lié, les États
doivent, après la signature, s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de
son objet et de son but8. Il s'agit là d'une obligation pré-conventionnelle
susceptible d'engager la responsabilité de l'État9.

Section 3
Le consentement de l'État à être lié

Paragraphe 1
L'autorité compétente pour conclure un traité

Dans chacune de ces étapes de la procédure, l'État est représenté


par un plénipotentiaire10, C'est-à-dire, une autorité dotée de pleins pouvoirs
pour représenter l'État dans la conclusion du traité.
En principe, le plénipotentiaire doit prouver qu'il a valablement été envoyé
par l'État qu'il prétend représenter.
Cependant, sont plénipotentiaires de droit : les chefs d'État, chefs de
gouvernement et les ministres des affaires étrangères, les chefs de

1 Idem ; S. BESSON, op. cit., p. 238.


2 S. BESSON, op. cit., p. 236.
3 D. RUZIE et G. TEBOUL, op. cit., p. 35.
4 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 358.
5 D. RUZIE et G. TEBOUL, op. cit., pp. 35-36.
6 Lire Art. 11, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
7 D. RUZIE et G. TEBOUL, op. cit., pp. 35-36.
8 Art. 18, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
9 Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, CPJI, arrêt, 1926.
10 Art. 7, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.

600
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

mission diplomatique pour les traités conclus entre l'État accréditant et


l'Etat accréditaire, ou les représentants accrédités des États à une
conférence internationale ou auprès d'une Organisation Internationale
ou d'un de ses organes pour l'adoption du texte d'un traité dans cette
conférence, cette organisation ou cet organe1.

Paragraphe 2
Les conditions de validité d'un traité

Point 1
Les vices de consentement

A. L'erreur

Le consentement d'un État d'être lié par un traité exprimé par son
représentant plénipotentiaire ne doit pas avoir été donné par erreur2.
Un État peut invoquer une erreur dans un traité comme viciant son
consentement à être lié par le traité si l'erreur porte sur un fait ou une
situation que cet État supposait exister au moment où le traité a été
conclu et qui constituait une base essentielle du consentement de cet État à être
lié par le traité.
La nullité ne peut pas être demandée lorsque ledit État a contribué à
cette erreur par son comportement ou lorsque les circonstances ont été
telles qu'il devait être averti de la possibilité d'une erreur.
Une erreur ne concernant que la rédaction du texte d'un traité ne
porte pas atteinte à sa validité.
Par ailleurs, il a été jugé qu'un État ne pouvait arguer de son «
inexpérience diplomatique » pour justifier de son erreur3.

B. Le dol

Le consentement d'un État à être lié par un traité ne doit pas avoir
été donné par dol4.

1 Lire Art. 7, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
2 Lire Art. 48, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
3 Différend territorial. (Libye c/ Tchad), C.I.J., arrêt, 1994.
4 Lire Art. 49, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.

601
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Un État peut invoquer le dol s'il a été amené à conclure un traité


par la conduite frauduleuse d'un autre État ayant participé à la
négociation.

C. La contrainte

Le consentement d'un État à être lié par un traité ne doit pas avoir
été donné par corruption du représentant1.
L'État peut invoquer la corruption comme viciant son
consentement si cette dernière a été obtenue au moyen de la corruption
de son représentant par l'action directe ou indirecte d'un autre État ayant
participé à la négociation.

D. La menace

Le consentement d'un État à être lié par un traité ne doit pas avoir
été donné par la contrainte exercée sur son représentant2 ou sur l'État lui-
même par la menace ou l'emploi de la force3.

Point 2
Le consentement exprimé en violation d'une règle fondamentale
de droit interne concernant la compétence pour conclure un
traité

De même, le consentement ne doit pas avoir été donné en violation


d'une règle fondamentale de droit interne concernant la compétence pour conclure un
traité4.
Le fait que le consentement ait été exprimé en violation d'une
disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure
des traités ne peut être invoquée comme viciant le consentement que si
cette violation a été manifeste et concerne une règle de son droit interne
d'importance fondamentale.
Une violation est manifeste si elle est objectivement évidente pour tout
État se comportant en la matière conformément à la pratique habituelle.
En pratique, c'est souvent à la suite de changements politiques que des

1 Lire Art. 50, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
2 Lire Art. 51, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
3 Lire Art. 52, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
4 Lire Art. 46, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.

602
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

gouvernements ont parfois tenté de se libérer des liens contractuels


établis par le régime précédent. La solution de l'article 46 s'explique par
le fait que si ce vice ne peut pas en principe être invoqué par l'État
victime de cette irrégularité interne, c'est parce que ce dernier est
internationalement responsable de son comportement et des
convictions qu'il a fait naître chez les autres parties relativement à la
régularité de son engagement1.
Les États n'ayant pas à s'informer des règles constitutionnelles ou
législatives des autres États, ils ne sauraient invoquer utilement cette
cause de nullité que lorsque les restrictions au pouvoir de conclure qui
ont été méconnues, ont été rendues « publique[s] de manière appropriée »2.

Point 3
La conformité au jus cogens

Une autre condition de validité du traité est sa conformité au jus


cogens. Le traité est entaché de nullité s'il est en conflit avec une norme
impérative du droit international général3.
Une norme de jus cogens est une « norme acceptée et reconnue par la
communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle
aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle
norme du droit international général ayant le même caractère »4.
Les règles de jus cogens sont indérogeables, au risque de remettre en
cause la survie de l'ordre juridique international5. Ce qui est en cause ici,
c'est la contradiction manifeste du contenu de l'accord considéré avec
une règle de droit préexistante, à laquelle est ainsi reconnue une valeur
hiérarchiquement supérieure6.

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 370.


2 CEDH, Beric, 10 oct. 2007.
3 Lire Art. 53, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
4 Lire Art. 53, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
5 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 371.
6 Idem.

603
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La Cour a donné à certaines règles de droit international le caractère


impératif. Il en est ainsi entre autres de l'interdiction de recours à la force1, de
la prohibition du génocide2, des règles de droit humanitaire3.

Paragraphe 3
La sanction des conditions de validité d'un traité : la nullité

Les vices de consentement ci-dessus rendent le traité nul. Les


dispositions d'un traité nul n'ont pas de force juridique4. Le droit
international, régi ici sur le modèle du droit interne, par le principe de
l'autonomie de la volonté, il en résulte logiquement que cette volonté ne
peut lier que si, précisément, elle s'est exercée de façon autonome, c'est-
à-dire libre5.
À l'exception de la violation d'une norme de jus cogens dont la
sanction est la nullité absolue, la nullité affectant les autres vices de
consentement est toujours relative. Cela signifie que seul l'État dont le
consentement a été vicié peut s'en prévaloir, mais aussi que le traité peut
entrer en vigueur malgré l'existence d'un vice si cet État l'accepte,
explicitement ou implicitement par son comportement subséquent6.
Le traité est déclaré nul dans son ensemble, à moins que les clauses
conventionnelles mises en cause puissent être détachées du texte du traité
sans remettre en cause l’équilibre général du texte.
En cas de nullité pour cause de contrainte ou de contradiction avec
une norme de jus cogens, le traité sera toujours considéré comme nul
dans son ensemble7.
Dans les cas d'erreur, ou encore de méconnaissance des
dispositions du droit interne relatives au pouvoir d'exprimer le
consentement de l'État, les actes accomplis de bonne foi avant que la
nullité n'ait été déclarée ne sont pas rendus illicites du seul fait de celle-
ci. En revanche, dans les autres hypothèses, toute Partie peut demander

1 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-


Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.
2 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c.

Ouganda), arrêt, C.I.J., Recueil 2005, p. 168.


3 Licéité de l'utilisation de l'arme nucléaire par un Etat dans un conflit armé, C.I.J., avis,

1998.
4 Lire Art. 69, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
5 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 367.
6 Idem., p. 375.
7 C. ROCHE, op. cit., p. 25.

604
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

à toute autre Partie d'établir pour autant que possible dans leurs relations
mutuelles la situation qui aurait existé si ces actes n'avaient pas été accomplis1.

Paragraphe 4
Les réserves au traité

Une partie au traité peut, si elle estime que certaines dispositions


du traité ne lui conviennent pas, s'engager sous réserve.

Point 1
Définition

La réserve est une « déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa
désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité
ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines
dispositions du traité dans leur application à cet État »2.
En clair, c'est une déclaration unilatérale faite par un État en vue de modifier
pour lui-même les effets juridiques de certaines des dispositions d'un traité à l'égard
duquel il s'apprête à s'engager définitivement (par la signature, la ratification,
l'approbation ou l'adhésion)3. C'est donc une procédure conditionnant
l'entrée en vigueur du traité pour l'État qui l'émet4.

Point 2
Conditions

A. Conditions de forme

La réserve doit être formulée avant la conclusion du traité5. Elle est


plus praticable pour les traités multilatéraux, car pour les traités
bilatéraux, la réserve s'apparente à un refus d'approbation et à une réouverture
des négociations6.

1 Lire Art. 69, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
2 Art. 2 §1, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
3 Lire Art. 2, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
4 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 361.
5 Lire S. BESSON, op. cit., p. 250.
6 Idem.

605
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Conditions de fond

La réserve ne doit pas être contraire à l'objet et au but du traité. Elle doit
être acceptée par le traité, soit qu'il ne l'interdise pas, soit qu'il établisse une
typologie de réserves admissibles1. Une réserve est contraire à l'objet et
au but du traité « si elle porte atteinte à un élément essentiel du traité, nécessaire à
son économie générale, de telle manière que sa raison d'être se trouve compromise »2.

Point 3
Validité du traité et effets de la réserve

La validité de la réserve dépend de l'acceptation des parties au traité.


Cette acceptation peut être tacite, mais doit le plus souvent être expresse.
L'acceptation est inutile si la réserve est expressément prévue par le
traité3.
Sans porter atteinte à la validité du traité, la réserve ne fait que
modifier ses effets entre l'État réservataire à l'égard des autres États l'ayant accepté.
Elle ne modifie pas les effets du traité entre les autres parties inter se.
Dans l'hypothèse où une partie s'est opposé à la réserve, sans pour
autant s'opposer à la validité du traité entre elle et l'État réservataire, cette
réserve ne fait pas effet entre eux. Si elle s'oppose à la réserve et à la validité
du traité, ce dernier n'a aucun effet entre les États réservataire et objectant, mais
cependant, demeure valide entre ces derniers et les autres États4.

Section 4
Entrée en vigueur et effets du traité

Paragraphe 1
Entrée en vigueur du traité

Une fois conclu régulièrement, le traité entre en vigueur dès que le


consentement à être lié a été établi par tous les États ayant participé à sa négociation.
Cependant, les parties peuvent toujours en disposer autrement5.

1 Lire Art. 19, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
2 Résolution 68/1111, Assemblée générale de l'ONU.
3 Art. 20, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
4 Lire Art. 21, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
5 Lire Art. 24, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.

606
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Elles peuvent par exemple fixer des modalités (nombre de


ratifications nécessaires) et une date conformément auxquelles le traité
entrera en vigueur.

Paragraphe 2
Effets du traité

Point 1
Effet obligatoire et non-rétroactif

A. Respect du traité et exécution de bonne foi

Le traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par les de bonne foi1.
Cela implique que les parties respectent la lettre mais aussi l’esprit du
traité2. C'est le sens du principe du pacta sunt servanda, qui a acquis le
caractère de norme de jus cogens en tant qu'elle constitue une exigence
première de l'existence et de la cohérence d'un ordre juridique
international3.
L’exécution de bonne foi exige que les cocontractants usent de
leurs prérogatives de manière raisonnable4 en s’abstenant de toute
mesure contraire aux buts du traité5. Le non-respect des obligations
naissant d'un traité peut engager la responsabilité internationale de l'État
pour fait internationalement illicite.
Une partie ne peut invoquer son droit interne pour justifier de la non-exécution
d'un traité. La Cour internationale de Justice a rappelé l'importance de
cette règle en 2012 dans l'affaire Belgique/Sénégal et en a souligné le
caractère coutumier. Elle en a déduit alors que le Sénégal ne pouvait
justifier un manquement à l'obligation qui lui était faite par la
Convention sur la torture d'engager sans délai des poursuites contre
l'ancien président tchadien Hissène Habré pour crime de torture, par des

1 Art. 26, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
2 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.
3 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 378.
4 Droit des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au Maroc (France c. Etats-Unis

d’Amérique), C.I.J., arrêt, 1952.


5 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-

Unis d'Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.

607
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

difficultés d'ordre constitutionnel et des décisions d'incompétence de ses


juridictions internes.

B. Non-rétroactivité du traité

Sauf volonté contraire des parties, le traité est non-rétroactif. Il entre


en vigueur sur toute l'étendue territoriale des Etats parties. À titre historique,
les États coloniaux avaient l'habitude, dans une clause coloniale,
d'écarter l'application de certains traités sur les territoires des colonies.

Point 2
Principe de l'effet relatif du traité

A. Principe

Le traité ne lie que les parties contractantes1. C'est le sens de la règle de


l'inter alios acta… Il ne peut créer de droits ou d'obligations à l'égard des
tiers qu'avec la volonté de ces derniers.
Quand le traité crée des obligations, le tiers doit expressément
l'accepter avant qu'il ne lui soit opposable2. Quand il crée des droits, il jouit
d'une présomption d'acceptation, jusqu'à volonté contraire expressément
exprimée par le tiers3. Ces situations ressemblent fort à la promesse de
porte-fort et à la stipulation pour autrui du droit interne.

B. Exceptions

Néanmoins, en l’absence de tout consentement des tiers, certains


traités dits « objectifs » peuvent toutefois s’imposer aux tiers. Il en va ainsi
notamment des traités établissant des statuts territoriaux (délimitation d’une
frontière), les statuts de voies de communication internationales ou créant une
nouvelle organisation internationale.
Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat4 critiquent cette position
relative aux exceptions à la règle res inter alios acta, soutenue par la

1 Art. 34, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
2 Lire Art. 35, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
3 Lire Art. 35, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
4 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 383-387.

608
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

doctrine1. Pour eux, « les exceptions au principe de l'effet relatif des traités sont
presque introuvables »2. Il qualifie ces situations de « vraies fausses exceptions
»3. En effet, que ce soit dans ce qui ressemble à la promesse de porte-
fort et à la stipulation pour autrui, dans les deux cas, le consentement du tiers
est nécessaire. La règle res inter alios ne se trouve pas compromise. De
même, en cas de traité objectif, c'est-à-dire, créant des effets juridiques
indépendamment de la volonté des parties, la règle n'est pas moins
violée. Car si le traité constituant l'acte constitutif de l'organisation
internationale consacre l'existence de celle-ci, les États demeurent libres
de la reconnaître. En droit international, la reconnaissance d'une
situation est un acte purement discrétionnaire de l'État4, soumis à aucune
obligation internationale. Bien qu'une exception pouvant être admise en
ce qui concerne l'ONU et ses institutions spécialisées, la CIJ ayant jugé
que leur existence s'impose à tous les États5 (d'ailleurs, la quasi-totalité
des États du monde sont membres de l'ONU), on ne peut en dire autant
sur les organisations à vocation régionales par exemple. De même, en
matière de traité portant mise en place d'une frontière, les États
demeurent libres de reconnaître ces situations. La CIJ a eu au demeurant
à souligner que « les traités bilatéraux de délimitation maritime sont régis
par le principe res inter alios acta et ne confèrent pas davantage de droits
à un État tiers qu'ils ne lui imposent d'obligations »6. La règle res inter
alios semble donc ne pas souffrir de réelles exceptions.

Paragraphe 3
Révision et extinction du traité

Le traité peut être amendé par accord entre les parties7. Il prend fin
conformément à la volonté de ces dernières8.

1 Lire S. BESSON, op. cit., p. 265 ; D. RUZIE et G. TEBOUL, op. cit., p. 58 ; C.


ROCHE, op. cit., p. 26.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 383.
3 Idem., p. 383.
4 Ibidem., p. 89.
5 Réparation des dommages subis au service des Nations-Unies, C.I.J., avis, 1949.
6 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), C.I.J., arrêt, 2011.
7 Art. 39, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
8 Art. 54, Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.

609
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 5
L'application des traités dans l'ordre juridique interne

Les effets juridiques du traité, ci-dessus étudiés, ne concernent que


l'ordre juridique international, de quelle manière les traités créent des
droits et obligations à l'égard des sujets de droit international au sein de
cet ordre, dans leurs relations inter se.
Néanmoins, certaines traités, qualifié de traités-lois, ont vocation à
créer des droits ou des obligations directement aux particuliers sujets de
droit à l'intérieur des ordres juridiques propres à chaque État. Alors que
le traité ne règle en principe que les rapports entre sujets de droit
international, et ne concernent pas les particuliers, certaines d'entre eux
visent directement ces derniers. Il en est ainsi principalement, des règles
relatives aux droits de l'homme.
La question se pose alors de savoir si oui, et si oui dans quelle
mesure, les particuliers peuvent invoquer la règle contenue dans le traité
pour fonder son action, et si oui, et si oui dans quelle mesure, le juge
interne peut s'y fonder pour régler le litige.
On distingue alors deux systèmes juridiques : les systèmes dualistes
et les systèmes monistes. En effet, la distinction entre l'ordre juridique
interne et l'ordre juridique international peut être étanche (dualisme), ou
non étanche (monisme), selon qu'il y a ou non interpénétration entre les deux
ordres juridiques1.

Paragraphe 1
Le dualisme

Le système dualiste est celui dans lequel les règles de droit international
ont une existence propre uniquement dans l'ordre juridique international et n'ont
aucun effet à l'interne.
Pour faire effet, elles nécessitent une transposition par le canal d'une
loi ou d'un acte réglementaire. Ainsi pour être appliquées par les
juridictions internes, ou pour qu'un sujet de droit interne, un citoyen par
exemple, puisse s'en prévaloir, il faut que la règle ait été transposée à
l'interne. Cette opération d’incorporation-reproduction a pour effet d’opérer
la transformation de la règle internationale en règle interne, en la nationalisant en
quelque sorte. C’est alors que le juge interne sera fondé à utiliser non pas

1 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 500-501 ; L. FAVOREU et


alii., Droit constitutionnel, op. cit., pp. 156-157.

610
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

la règle internationale elle-même directement — comme dans le système


moniste — mais la règle interne qui l’a réceptionnée et ainsi l’appliquer
au litige dont il est saisi.
Le système dualiste est adopté par la Grande-Bretagne et
généralement les pays de système anglo-saxon.

Paragraphe 2
Le monisme

Point 1
Définition

Le monisme, en revanche, postule l'unité d'ordres juridiques interne et


international. Les règles de droit international forment une unité avec
celles de droit interne, et bénéficient d'une applicabilité directe sans
nécessité de transposition. Les tribunaux des États peuvent ainsi
directement les appliquer.

Point 2
La place du traité international dans l'ordre juridique interne

Le monisme peut être avec primauté du droit international ou du droit


interne, selon que la règle internationale a une supériorité ou non au droit
interne.
Cette habilitation dont dispose la règle internationale de produire
directement des effets à l'interne lui est donnée par la Constitution de
l'Etat. C'est cette dernière qui, sans préjudice de l'effet de la règle au sein
de l'ordre juridique international, lui autorise à faire effet sur le plan interne.
La règle internationale existe donc sur le plan interne de par la
Constitution, et c'est en cela que celle-ci est supérieure à celle-là1.
En droit congolais, la Constitution adoptant le système moniste,
reconnaît aux traités une applicabilité directe à l'interne, sous réserve de
leur conformité à la Constitution, au cas contraire cette dernière sera
modifiée2.
Ce monisme est avec supériorité du droit international, car le traité est
supérieur aux lois — il s'agit évidemment des lois parlementaires, à
l'exclusion de la Constitution —.

1 Lire en ce sens, L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 176.


2 Art. 215 et 216, Constitution du 18 février 2006.

611
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le fait que ce soit la Constitution qui soit modifiée ne fait pas pour
autant d'elle une règle inférieure au traité, sur le plan interne, bien-sûr,
faut-il insister. Car à l'interne, la hiérarchie des normes dépend de leur
système de production. Une norme est supérieure à une autre lorsqu'elle lui
permet de produire des effets, en en délimitant les conditions de validité. Ainsi, la
Constitution consacrant la productivité des effets des traités à l'interne,
est indéniablement supérieure à ces derniers1.
Encore, le fait que certains traités n'aient pas besoin de ratification
pour produire des effets, entrant en vigueur de par la simple signature,
et étant par conséquent susceptibles d'être contraire à la Constitution, ne
fait pas pour autant de cette dernière une norme inférieure à ceux-là. La
hiérarchie des normes ne consacre pas une annulation automatique des
règles infra constitutionnelles. Celles-ci bénéficient d'une présomption
de validité jusqu'à leur annulation par le juge2. Ainsi une loi ordinaire qui
n'a pas été contestée devant le juge constitutionnel peut être contraire à
la Constitution, mais produire des effets. Cela ne fait pas pour autant de
la Constitution une norme inférieure à la loi. Elle lui demeure supérieure
parce qu'elle en prévoit les conditions de production, de validité. De
même la Constitution, en prévoyant les conditions de production des
effets des traités sur le plan interne, est supérieure à ceux-là. Sans elle,
les effets des traités se cantonneraient uniquement dans l'ordre juridique
international3.
Il est inopportun d'avancer la règle du pacta sunt servanda pour
contester cette supériorité. Car cette règle ne fait foi que sur le plan
international, entre les sujets de droit international. En effet, entre ces
derniers, on ne peut arguer une règle de droit interne, constitutionnelle
soit-elle, pour justifier de l'inexécution de ses engagements
internationaux. Cette exception sera impertinente devant le juge
international. Ce dont il s'agit ici, en revanche, c'est de l'effet des traités
au sein de l'ordre juridique interne, et il est indubitable qu'ils sont
inférieurs à la Constitution. C'est aussi ce qu'a rappelé le Conseil
constitutionnel français dans sa décision de 2004 : « les normes
constitutionnelles ne peuvent être renversées par les normes internationales (...) sans
qu’il y ait décision prise par le pouvoir constituant, c’est-à-dire au plus haut niveau

1 Lire H. KELSEN, op. cit., p. 77.


2 Idem., p. 66.
3 L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 177.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de l’ordre juridique : les normes constitutionnelles sont supérieures aux normes


internationales »1.

1 C.C. fr., Décis. no 2004-505 DC, 19 nov. 2004.

613
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

614
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La coutume
L'article 38 énumère, après les traités, la coutume, qu'elle définit
comme « la preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit »1.

Section 1
Définition

La coutume est l'ensemble des normes juridiques non écrites qui sont
constituées d'une pratique générale, cohérente et constante qui sont considérées comme
étant du droit2.

Section 2
Éléments constitutifs

La requiert pour sa formation deux éléments : un élément matériel,


constitué d'une pratique générale, cohérente et constante ; et un élément
psychologique constitué de la reconnaissance du caractère obligatoire de
cette pratique. C'est la doctrine dite « des deux éléments »3, confortée
d'ailleurs par la jurisprudence4.

Paragraphe 1
L'élément matériel

L'élément matériel se décline dans l'existence d'une pratique générale,


c'est-à-dire, la répétition dans le temps d'actes, de faits, de déclarations
ou d'agissements, positifs ou négatifs, émanant des sujets de droit
international5.

1 Art. 38 b, Statut de la Cour Internationale de Justice.


2 S. BESSON, op. cit., p. 274.
3 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 414 ; S. BESSON, op. cit., p.

276 ; D. RUZIE et G. TEBOUL, op. cit., p. 68 ; C. ROCHE, op. cit., p. 31.


4 Lotus (France c. Turquie), arrêt, C.P.J.I., Rec. Série A, n° 10, p. 18 ; Plateau

continental de la mer du Nord (Allemagne/Danemark), arrêt, C.I.J., Recueil 1969, p.


3 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.
5 Lire Partie 3, Projet de conclusions sur l'identification de la coutume du 30 mai

2016.

615
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Ces faits qu'on appelle « les précédents »1, doivent constituer une
pratique à la fois constante et uniforme2. Ils doivent se répéter dans le temps
de manière durable et fréquente. Ces précédents doivent se répéter dans
l'espace. Pour qu'une règle devienne universelle, elle doit être reconnue
par la majorité représentative des États3.
La pratique constante n'a pas à émaner de la totalité des États, il
suffit qu'une participation très large et représentative suffise, à condition qu'elle
comprenne les États particulièrement intéressés4. Cette communauté des
États particulièrement intéressés est variable en fonction de l’objet de la règle
en cause et du champ d’application spatial de la coutume à établir, puisqu’il
existe des coutumes purement régionales5, voire locales6.

Paragraphe 2
L'élément psychologique

L'élément psychologique consiste en la preuve que la pratique est


considérée comme obligatoire à l'égard des sujets de droit international7. La pratique
doit être acceptée par les États « comme étant du droit ».
Il faut démontrer dans le chef des sujets de droit « la conviction que
cette pratique est rendue obligatoire par l’existence d’une règle de droit
(...) les États intéressés doivent avoir le sentiment de se conformer à ce
qui équivaut à une obligation juridique »8. C’est cette conviction que
traduit la formule opinio juris sive necessitatis. Cet élément permet de
différencier la coutume de l’usage et de la courtoisie internationales (comme les
accueils réservés aux Chefs d'État), même si la CIJ a considéré que des
excuses peuvent s'imposer lorsqu'un État adopte un comportement peu
courtois9.

1 C. ROCHE, op. cit., p. 31.


2 Lotus (France c. Turquie), arrêt, C.P.J.I., Rec. Série A, n° 10, p. 18.
3 S. BESSON, op. cit., p. 278 ; C. ROCHE, op. cit., p. 32.
4 Plateau continental de la mer du Nord (Allemagne/Danemark), arrêt, C.I.J., Recueil

1969, p. 3.
5 Haya de la Torre (Colombie c. Pérou), C.I.J., arrêt, 1950.
6 Droit de passage sur le territoire indien (Portugal. c. Inde), C.I.J., arrêt, 1960.
7 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 415.
8 Plateau continental de la mer du Nord (Allemagne/Danemark), arrêt, C.I.J., Recueil

1969, p. 3.
9 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal),

C.I.J., arrêt, 2012.

616
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 3
Effet obligatoire et opposabilité de la coutume

Paragraphe 1
Effet obligatoire de la coutume

Lorsqu’une norme est consacrée en tant que règle coutumière – qui


rappelons-le est non-écrite – elle se voit reconnaître une portée juridique
très étendue, générale1. Une coutume est en effet plus contraignante qu’un
traité dont les effets se limitent aux parties contractantes et qui est
susceptible de faire l’objet de réserves.

Paragraphe 2
Opposabilité de la coutume

Point 1
Étendue de l'opposabilité de la coutume

Pour être opposable à un État, il n'est pas nécessaire que ce dernier


ait directement participé à la formation de la coutume ou l'ait acceptée
expressément2. La coutume, quand elle a réuni ses éléments matériel et
psychologique, bénéficie d'une présomption d'acceptation unanime.
Tous les États sont régis par cette règle générale, à moins qu'ils n'en
aient expressément manifesté la volonté contraire.

Point 2
Objection à la coutume

Un État peut en effet rejeter expressément une coutume alors qu'elle n'est
qu'en phase de construction. C'est la pratique dite de « l'objecteur persistant »3.
En conséquence, il ne sera pas lié par les règles qu'elle établit4.

1 S. BESSON, op. cit., p. 282 ; C. ROCHE, op. cit., p. 33.


2 S. BESSON, op. cit., p. 282 ; C. ROCHE, op. cit., p. 33.
3 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 419 ; S. BESSON, op. cit., p. 282 ;

C. ROCHE, op. cit., p. 33.


4 Affaire des pêcheries, (Royaume-Uni c. Norvège), C.I.J., arrêt, 18 déc. 1951, Rec.

1951.

617
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Pour s'opposer à une coutume en formation, l'État doit manifester de


façon claire et constante son opposition. Ces déclarations étatiques revêtent une
importance considérable, puisque le silence vaut acceptation1.
En revanche, il n'est pas possible de s'opposer à une coutume établie. Cela
dit, cette position est relativisée en ce qui concerne les États nouveaux
ou décolonisés qui, après leur accession à l'indépendance, ont pu
majoritairement rejeter l'application de certaines coutumes établies avant
leur accession à la souveraineté internationale2.
Par ailleurs, il n'est pas possible d'objecter à l'application à son égard d'une
norme de jus cogens (qui sont généralement de nature coutumière)3.

1 C. ROCHE, op. cit., p. 33.


2 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 419 ; S. BESSON, op. cit., p.
282.
3 Plateau continental de la mer du Nord (Allemagne/Danemark), arrêt, C.I.J., Recueil

1969, p. 3.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Les principes généraux du droit
Énumérés en troisième lieu sans que cela n'entraîne une
hiérarchisation entre les sources, les principes généraux du droit ont une
double nature : il faut distinguer les principes généraux de droit, qui sont
des règles communes aux différents systèmes juridiques, et utilisées par le juge
international ; et les principe généraux du droit international, qui sont des
axiomes fondamentaux du droit international, qui ont une existence propre dans cet
ordre juridique1.
Dans leur origine, les principes généraux du droit ont été introduits
au Statut de la CPJI en vue d'éviter le « non-liquet », c'est-à-dire, un cas
auquel on ne pourrait trouver de solution faute de règle conventionnelle
ou coutumière applicable2. Par ailleurs, la doctrine critique, ensemble
avec la communauté des États socialistes et en développement,
l'expression « reconnus par les nations civilisées » inscrite à l'article 38. Ces
termes, exprimant les relents persistants d'une hautaine conception
européocentrique de la civilisation, héritée de l'âge colonial3, doit être
supprimé au nom de l'égalité entre États4.
La notion de principes généraux du droit, nous l'avons dit, recouvre
deux acceptions : les principes généraux de droit, et les principes généraux du droit
international.

Section 1
Les principes généraux de droit international

Les premiers renvoient à des règles communes aux principaux systèmes


juridiques mondiaux. Leur existence traduit ainsi une sorte de sens
commun des lois internes obéissant, au-delà des disparités culturelles, à

1 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 422 ; S. BESSON, op. cit., p.
286 ; D. RUZIE et G. TEBOUL, op. cit., p. 78 ; C. ROCHE, op. cit., p. 37.
2 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 423 ; S. BESSON, op. cit., p.

287.
3 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 422.
4 S. BESSON, op. cit., p. 287 ; Lire en ce sens, opinion individuelle du juge

Ammoun dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord


(Allemagne/Danemark), arrêt, C.I.J., Recueil 1969, p. 3.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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une logique ou des exigences universelles1. Ces règles sont transposées par
le juge international en droit international en vue de résoudre des différends.
Il s'agit par exemple, des principes de la bonne foi, de la distinction
entre recevabilité et compétence, de l'impossibilité d'être juge et partie
dans sa propre cause, de la force majeure, de la preuve incombe à
l'accusateur, de l'obligation de répondre d'un fait illicite… Ces principes
sont « les dénominateurs communs à ces systèmes »2.

Section 2
Les principes généraux du droit international

En revanche, les principes généraux du droit international sont


propres au droit international3. Leurs origines sont diverses, mais ils sont
essentiellement le produit de l'action conjuguée du juge international et de la
diplomatie normative des États. Employés par le juge, ils servent souvent de
point de départ, d'articulation ou de soutien à l'argumentation juridique
de leurs arrêts, dont ils fournissent l'ossature conceptuelle. En tant que
tels, ils sont considérés comme inhérents à l'existence de l'ordre juridique
international4.
Il en est ainsi par exemple des principes de l'égalité souveraine, des
normes de droit humanitaire, du pacta sunt servanda… certains de ces
principes ont acquis valeur de jus cogens5.
La particularité de ces principes par rapport à la coutume tient à ce
que, lorsque le juge les invoque, il considère qu’ils ont une vie propre. Il
n’a pas besoin d’apprécier leur validité juridique, comme il le ferait pour une
coutume. De même, la violation répétée d’un principe ne porte pas atteinte à son
existence, comme en témoigne l’invocation répétée du principe
d’interdiction du recours à la force6.

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 424.


2Furundžija,TPIY, 1998.
3 C. ROCHE, op. cit., p. 37.
4 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 426 ; S. BESSON, op. cit., p. 288.
5 C. ROCHE, op. cit., p. 37 ; S. BESSON, op. cit., p. 287.
6 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 427 ; S. BESSON, op. cit., p.

287 ; C. ROCHE, op. cit., p. 37.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 4
Les actes unilatéraux des États et des organisations
internationales
L'énumération de l'article 38 n'est pas exhaustive. Ainsi, les actes
unilatéraux des États et organisations internationales sont considérés
comme source de droit international, sans avoir été énumérées par cette
disposition. Ces actes, adoptés par un seul sujet de droit et imputable
uniquement à son auteur, créent des droits et des obligations sur la scène
internationale1.
Acte unilatéral ne veut pas pour autant dire individuel2. Un acte unilatéral
peut émaner d'une collectivité d'États ou, plus largement, de sujets de
droit international, sans qu'ils soient forcément réunis dans un
groupement permanent. Cas d'une déclaration conjointe adoptée à
l'issue d'une conférence de Chefs d'État par laquelle chacun des États
ainsi représentés reconnaît ou déclare invalide une situation donnée.
Les actes unilatéraux peuvent émaner des États ou des organisations
internationales.

Section 1
Les actes unilatéraux des États

Les actes unilatéraux étatiques sont des actes par lesquels l'Etat
exprime unilatéralement sa volonté ou manifeste son opinion3.
On distingue traditionnellement les actes que les États adoptent de
façon autonome de ceux dont l’adoption est conditionnée par des
engagements conventionnels ou des normes coutumières4.

Paragraphe 1
Les actes autonomes

Dans la première catégorie, on trouve l'ensemble des actes tournés vers


l'extérieur que l'État prend de son propre chef. Tels par exemple les réactions
de l'État à l'opposabilité d'une situation juridique.

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 431 ; S. BESSON, op. cit., p. 286.
2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 432.
3 C. ROCHE, op. cit., p. 41.
4 Idem.

621
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Ces réactions peuvent intervenir à propos de tout fait juridique


modifiant ou ayant pour objet de modifier l'ordonnancement juridique international,
telle l'apparition d'un nouvel État. L'État peut réagir, soit en reconnaissant
la validité de la situation et considérant cette dernière comme opposable,
soit en protestant, produisant ainsi l'effet inverse.
Les actes autonomes sont adoptés de façon discrétionnaire selon des
procédures internes et leur validité ne dépend pas d'une quelconque norme
internationale1.

Point 1
La reconnaissance

La reconnaissance aura pour effet d'empêcher celui qui l'émet de contester


ultérieurement la validité de la situation qu'elle a pour objet de constater et
d'accepter2. Elle est effectuée par voie de déclaration explicite, mais elle peut
aussi bien résulter d'un comportement à la condition que celui-ci soit
clairement imputable aux organes compétents de l'État concerné. Ce
comportement peut être actif ou passif. Ainsi, l'absence de protestation
d'un gouvernement face à l'apparition d'une situation de fait ou de droit
susceptible d'avoir des incidences sur ses intérêts est la plupart du temps
considérée comme un acquiescement à la validité et l'opposabilité de
cette situation à son égard, sur lequel il ne saurait revenir3.

Point 2
La protestation

La protestation produit des effets inverses. À condition d'être


effectuée de façon suffisamment prompte, claire et constante après la
survenance du fait considéré, elle préviendra l'opposabilité de ce dernier à l'État
protestataire.

1 C. ROCHE, op. cit., p. 41.


2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 433.
3 Affaire des pêcheries, (Royaume-Uni c. Norvège), C.I.J., arrêt, 18 déc. 1951, Rec.

1951.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 3
La promesse

A ces actes peut-on ajouter également la promesse, par laquelle un


État s'engage à observer un comportement particulier1.
« Il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d'actes
unilatéraux et concernant des situations de droit ou de fait peuvent avoir
pour effet de créer des obligations juridiques […] Quand l'État auteur
de la déclaration entend être lié conformément à ses termes, cette
intention confère à sa prise de position le caractère d'un engagement
juridique, l'État intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une
ligne de conduite conforme à sa déclaration […] Dans ces conditions,
aucune contrepartie n'est nécessaire pour que la déclaration prenne effet,
non plus qu'une acceptation ultérieure ni même une réplique ou une
réaction d'autres États, car cela serait incompatible avec la nature
strictement unilatérale de l'acte juridique par lequel l'État s'est prononcé
»2 .

Paragraphe 2
Les actes conditionnés

D'autres actes sont conditionnés par des normes internationales. Il


s'agit de ceux adoptés par l'État dans l'exercice des compétences que lui attribue le
droit international3. Ces actes dérivent donc de règles internationales,
conventionnelles ou coutumières.
L'opposabilité de ces actes dépend de leur validité au regard des
règles du droit international qui nécessite comme condition, que l'acte
émane de l'organe compétent dans l'ordre interne pour l'émettre, qu'il soit l'expression
non-équivoque de la volonté de l'État, et qu'il ne soit pas contraire à une règle
de droit international général, en particulier au jus cogens et aux règles
particulières au domaine dans lequel il intervient4.
Ces actes regroupent par exemple l'adhésion à un traité, ou le retrait
d'une organisation internationale, la délimitation de ses eaux territoriales
ou de sa zone économique exclusive, l'attribution de sa nationalité à une

1 S. BESSON, op. cit., p. 291.


2 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil, 1974, p. 253.
3 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 434.
4 Affaire du différend frontalier (Burkina Faso c/République du Mali), arrêt, 22 déc.

1986, Rec. 1986.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

personne physique ou morale, l'immatriculation d'un navire, d'un


aéronef ou d'un engin spatial, l'autorisation de survol du territoire
national ou la déclaration d'embargo commercial, de guerre ou de
neutralité. L'opposabilité de ces actes dépend de leur validité au regard
des règles du droit international. Ainsi, l’acte interne par lequel un État
fixe la largeur de sa mer territoriale ne sera pas opposable aux tiers si
cette largeur excède 12 milles1.

Section 2
Les actes unilatéraux des organisations internationales

Les actes unilatéraux des organisations internationales renvoient


aussi aux actes dérivés adoptés par les organes de l'organisation,
conformément à son acte constitutif en grande partie — car ils peuvent
également émaner du droit international général —.
Les actes pris par les organisations internationales sont qualifiés de
manière générale de résolutions.
La résolution est un acte émanant d'un organe collectif d'une organisation
internationale et exprimant sa position sur un sujet donné2. Ce terme générique
regroupant des décisions à portée obligatoire, et des recommandations, non
obligatoires3.
Devant les difficultés d'évaluer la réelle portée juridique des actes
émanant des organisations internationales, la Cour a décidé de les évaluer
au cas par cas en tenant compte de la portée que donne l'acte constitutif et des
dispositions effectivement prises en l'espèce en vue de l'application de l'acte
concerné4.

Paragraphe 1
Les décisions

Les décisions sont des actes unilatéraux émanant des organisations


internationales en tant que sujets de droit, qui créent des obligations à la

1 Affaire des pêcheries, (Royaume-Uni c. Norvège), C.I.J., arrêt, 18 déc. 1951, Rec.
1951.
2 S. BESSON, op. cit., p. 292.
3 C. ROCHE, op. cit., p. 43.
4 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Affaire du Sud en

Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité,


C.I.J., avis, 1971.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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charge de leurs destinataires1. Ils peuvent être adoptés par l’organisation en


vue de produire des effets internes ou externes2.
Les actes pris en vue de produire des effets internes sont des actes
d'autorégulation de l'organisation. Ils concernent le fonctionnement
interne de chaque organe (tels les règlements d'ordre intérieur).

Paragraphe 2
Les recommandations

Les autres actes produisent des effets externes, c'est-à-dire, sur les
États membres, quand bien même ceux-ci ne les ont pas approuvés.
C'est le cas des décisions du Conseil de sécurité prise en vue du maintien
ou du rétablissement de la paix et de la sécurité internationales3.
Les recommandations sont des actes qui invitent leurs destinataires
à suivre un comportement mais qui ne sont pas juridiquement obligatoires. Il
s’agit alors de propositions, d’exhortations, auxquelles les États sont
libres de se plier ou pas. Elles n'ont pas en principe de portée
obligatoire4.

1 C. ROCHE, op. cit., p. 43.


2 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 271-272.
3 Lire Art. 25, Statut de San Francisco du 26 juin 1946.
4 S. BESSON, op. cit., p. 294 ; C. ROCHE, op. cit., p. 43.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 3
LA FINALITÉ DU DROIT
INTERNATIONAL
La finalité des règles de l'ordre juridique international est
l'établissement de relations pacifiques entre sujets de droit international,
fondées sur le respect de l'égalité de tous, le règlement pacifique des
différends et l'éviction du recours à la force.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les relations amicales entre États : les relations
diplomatiques
L'établissement est l'entretien des relations amicales entre les États
se fait par l'entremise de leur droit de légation.
Le droit de légation est un attribut de la souveraineté d'un État, qui lui
permet de participer aux relations au sein de la communauté internationale, en
envoyant des représentants auprès d'un État ou d'une organisation internationale, ou
en en recevant1.
Par son droit de légation, l'État exerce ainsi la diplomatie dans une
société internationale très souverainiste, très conflictuelle, mais en même temps,
très délibérante2.
En effet, les États sont très attachés à leur souveraineté sont très
réfractaires à en déléguer des parties. La divergence d'intérêts entre États
fait naître chaque année de plus en plus de conflits que le droit
international peine à réfréner. Et pourtant, c'est dans ce même contexte
que les États sont de plus en plus appelés à coopérer dans des domaines
d'intérêts stratégiques pour la société internationale. On constate ainsi la
prolifération du nombre d'organisations internationales, de rencontres
diplomatiques, de coups de téléphone interétatiques, conséquence de
l'interdépendance qu'il y a entre États. La diplomatie tient donc, et cela
depuis des années, une place de choix au sein de la société internationale.

Section 1
Définition

La diplomatie est un ensemble de moyens par lesquels les États établissent


et maintiennent des relations mutuelles au sein de la société internationale3. C’est «
un instrument essentiel de coopération efficace dans la Communauté
internationale, qui permet aux États nonobstant les différences de leurs
systèmes constitutionnels et sociaux, de parvenir à la compréhension
mutuelle et de résoudre leurs divergences par des moyens pacifiques »4.

1 Lire en ce sens, C. ROCHE, op. cit., p. 68.


2 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 53-56.
3 C. ROCHE, op. cit., p. 68.
4 C.I.J., Ord. du 15 déc. 1979.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Régime juridique des relations diplomatiques

Paragraphe 1
Établissement des relations diplomatiques

Les relations diplomatiques s'établissent par consentement mutuel1


entre l'État accréditant — État d'envoi — et l'État accréditaire — État
qui reçoit —. Aussi bien la décision d'établir que celle de rompre les
relations diplomatiques relèvent de considérations purement politiques2.

Paragraphe 2
La mission diplomatique

La mission diplomatique est l’ensemble du personnel nommé par l’État


accréditant pour exercer, sous l’autorité d’un chef de mission, des fonctions de caractère
diplomatique, sur le territoire de l’État accréditaire3.
L'ambassadeur est à la tête de la mission diplomatique4. Il entre en
fonction avec l'agrément de l'État accréditaire5, après avoir présenté ses
lettres de créances au Chef d'État de ce dernier6. L'État accréditaire n'a
pas à motiver son refus d'agrément.
Au demeurant, l'État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir
à motiver de décision, informer l'État accréditant que le Chef ou tout
autre membre du personnel diplomatique de la mission est persona non
grata ou personne non acceptable. L'État accréditant rappellera alors la
personne en cause ou mettra fin à ses fonctions auprès de la mission.
Une personne peut même être déclarée non grata avant d'arriver sur le
territoire de l'État accréditaire7.

1 Art. 2, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.


2 C. ROCHE, op. cit., p. 68.
3 Idem.
4 Art. 14, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
5 Art. 4, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
6 Art. 13, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
7 Art. 9, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 3
Fonctions de la mission diplomatique

La Convention de Vienne établit une liste non exhaustive des


fonctions exercées par une mission diplomatique1 : représenter l’État
accréditant, protéger les intérêts de l’État accréditant et de ses
ressortissants se trouvant sur le territoire de l’État accréditaire (c’est la
protection diplomatique), négocier avec l’État accréditaire, informer
l’État accréditant de la situation de l’État accréditaire (mais il ne s’agit
pas d’espionnage), entretenir et développer les relations entre les deux
États (dans les domaines culturel, économique.).

Paragraphe 4
La maison de représentation diplomatique et les membres de la
mission diplomatique

Les locaux de la mission diplomatique sont inviolables. Il n'est pas


permis aux agents de l'État accréditaire d'y pénétrer, sauf avec le
consentement du chef de mission.
L'Etat accréditaire a l'obligation spéciale de prendre toutes mesures
appropriées afin d'empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou
endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie2.
La mission et son chef ont le droit de lever le drapeau et l'emblème
de l'Etat accréditant sur les locaux de la mission, y compris la résidence
du chef de la mission, et sur les moyens de transport de celui-ci3.
L'État accréditant et le chef de la mission sont exempts de tous impôts
et taxes nationaux, régionaux ou communaux4.
Les archives et documents de la mission sont inviolables5.
Les membres de la mission jouissent de la liberté de circulation6 sur le
territoire de l'État accréditaire, et du secret de ses communications avec l'État
accréditant7.

1 Art. 4, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.


2 Art. 22, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
3 Art. 20, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
4 Art. 23, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
5 Art. 24, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
6 Art. 26, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
7 Art. 27, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.

631
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La personne de l'agent diplomatique est inviolable. Il ne peut être


soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention1. La demeure
privée de l'agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la
même protection que les locaux de la mission2.
L'agent diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction pénale de l'État
accréditaire3. Néanmoins, l'État accréditaire peut renoncer à l'immunité
de juridiction des agents diplomatiques4. L'agent diplomatique est
exempt de tout impôts et taxes5.
La raison d’être de ces garanties est de permettre au personnel
diplomatique d’exercer ses fonctions en toute indépendance par rapport à
l’État accréditaire6.
Cependant, les agents diplomatiques ont tout de même le devoir de
respecter les lois et les règlements de l'État accréditaire. Ils sont interdits d'exercer
une activité professionnelle ou commerciale en vue d'un gain personnel7.
Les agents diplomatiques ont surtout le devoir de ne pas s'immiscer
dans les affaires intérieures de cet État8. C'est l'application ici du principe de
non-ingérence. Conséquentielle au principe d'égalité souveraine en vertu
duquel tous les États sont égaux sur la scène internationale, le principe
de non-ingérence proscrit aux États de faire immixtion dans les affaires
internes d'un autre État.

1 Art. 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
2 Art. 30, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
3 Art. 31, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
4 Art. 32, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
5 Art. 34, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
6 C. ROCHE, op. cit., p. 69.
7 Art. 42, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
8 Art. 41, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.

632
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La responsabilité de l'État pour fait
internationalement illicite
L'entretien des relations pacifiques entre États passe également par
l'institution d'une responsabilité de l'État auteur des violations de règles
de droit international, et d'une obligation de réparer.

Section 1
Notions

La responsabilité internationale ou responsabilité pour fait


internationalement illicite est l'institution par laquelle un sujet de droit
international est obligé de répondre de la violation d'une obligation internationale à
l'encontre d'un autre sujet de droit international1.
L'auteur et la victime du dommage doivent être des États ou des
Organisations Internationales, uniquement. Il n'existe pas de
responsabilité d'un État à l'égard d'un particulier, ni d'un particulier à
l'égard d'un autre particulier ou d'un État ou une Organisation
Internationale2.
Les règles gouvernant la responsabilité internationale sont pour la
plupart coutumières. Mais une grande partie d'entre elles ont fait l'objet
d'une codification par la Commission du droit international mise en
place par l'Assemblée générale des Nations-Unies aux fins de procéder
à la codification, c'est-à-dire de « la formulation plus précise et la
systématisation des règles du Droit international dans les domaines où
existent déjà une pratique étatique conséquente, des précédents et des
opinions doctrinales »3, conformément à une des missions assignées à
ladite assemblée, celle « d’encourager le développement progressif du
Droit international et sa codification »4.
Ainsi, la Commission du droit international a mis un place un projet
d'articles sur la responsabilité internationale, lequel projet n'a encore jamais été
adopté par l'Assemblée générale sous forme de traité définitif, les États
étant majoritairement réfractaires à ce projet.

1 Idem., p. 339.
2 Ibidem., p. 340.
3 Art. 15, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.
4 Art. 13, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Conditions de la responsabilité internationale

Trois conditions doivent être réunies pour que soit engagée la


responsabilité internationale d'un État : le fait internationalement illicite, le
préjudice, et le lien de causalité.

Paragraphe 1
Le fait internationalement illicite

La première condition est posée par le projet d'articles sur la


responsabilité internationale : « il y a fait internationalement illicite lorsqu'un
comportement consistant en une action ou une omission est attribuable à l'État en
vertu du droit international et constitue une violation d'une obligation internationale
de l'État »1. Il en découle deux éléments de la faute : un élément objectif et
un élément subjectif.

Point 1
L'élément objectif

L'élément objectif renvoie au fait. Ici, « toute violation par un État,


quelle qu'en soit la source, engage la responsabilité de l'État »2. La source peut
être un traité3, ou une coutume4, peu importe.
Le fait peut être une action ou une omission5.
Le droit interne n'interfère nullement dans la qualification de
l'obligation violée6. Ainsi, un fait peut bien être licite en droit interne
mais illicite en droit international.

1 Art. 2, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.


2 Rainbow warrior, C.I.J., arrêt, 1990.
3 Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, (Nouvelle requête : 1962)

(Belgique c. Espagne), arrêt, C.I.J., Recueil 1970, p. 3.


4 Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), exception préliminaire, arrêt,

C.I.J, Recueil 1948, p. 15.


5 Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, (États-Unis d'Amérique c.

Iran), arrêt, C.I.J., Recueil 1980, p. 3.


6 Art. 27, Convention de Vienne sur le droit des traités.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
L'élément subjectif

L'élément subjectif de la faute renvoie à l'imputation. Pour que l'État


réponde d'un fait, il faut que ce dernier émane de personnes ou d'organes placés
sous son autorité.
Le comportement de tout organe de l'État est considéré comme un
fait de l'État d'après le droit international « que cet organe exerce des fonctions
législative, exécutive, judiciaire ou autres, quelle que soit la position qu'il occupe dans
l'organisation de l'État, et quelle que soit sa nature en tant qu'organe du
gouvernement central ou d'une collectivité territoriale de l'État »1. Ainsi, l'État peut
répondre par exemple du fait de n'avoir pas pris de loi de transposition
d'un traité, ou du fait d'une mauvaise application d'un traité par ses
tribunaux. De même peut-il répondre des faits posés par les organes de
ses collectivités internes. L'État peut également répondre des
comportements des autres entités que l'État lui-même, habilitées par le
droit interne à exercer des prérogatives de puissance publique, comme
par exemple les collectivités publiques territoriales2 ; ou de ceux d'un
organe mis à la disposition de l'État par un autre État, pour autant que
cet organe agisse dans l'exercice de prérogatives de puissance publique3.
Ainsi encore du comportement d'une personne ou d'un groupe de
personnes agissant en fait sur les instructions ou les directives ou sous le
contrôle de cet État4. On fait ici application de la théorie dite « du
rattachement suffisant »5 selon laquelle tous actes accomplis par des organes, mais
aussi par des personnes ayant avec l'État un lien suffisant lui sont imputables.

1 Art. 4, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.


2 Art. 5, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
3 Art. 6, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
4 Art. 8, Projet d’articles sur la responsabilité internationale ; Activités militaires et

paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),


fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.
5 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 577.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Le préjudice

Point 1
Nécessité du préjudice

La deuxième condition est le préjudice. S'il n'est pas inscrit par le


projet de codification comme condition de responsabilité d'un État, le
préjudice est tout de même important, entre autres parce qu'il permet de
déterminer les modalités et le montant de la réparation1. Son importance capitale
réside surtout dans la nécessité de souffrir d'un préjudice dans la mise en
œuvre la responsabilité de l'État auteur des faits.

Point 2
Nature du préjudice

Le préjudice est « tout dommage matériel ou moral »2. Il peut s'agir d'une
atteinte aux biens d'un État, ou à son honneur — brûler son drapeau par
exemple —.
Le préjudice peut être immédiat, lorsqu'il porte directement sur les
intérêts de l'État, ou médiat, lorsqu'un ressortissant de l'État en est victime : c'est
la théorie de la protection diplomatique3.

Point 3
Conditions du préjudice

Le préjudice doit découler nécessairement de l'acte illicite4. Il doit être la


conséquence directe ou indirecte du fait illicite, à tel enseigne que sans
lui, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit. Il doit y
avoir un « (...) lien de causalité suffisamment direct et certain entre le fait
illicite (...) et le préjudice subi par le demandeur, consistant en dommages
de tous ordres, matériels et moraux (...) un tel lien de causalité ne pourrait
être regardé comme établi que si la Cour était en mesure de déduire de
l'ensemble de l'affaire, avec un degré suffisant de certitude, que [le
dommage, en l'espèce le génocide de Srebrenica] aurait été effectivement

1 Art. 31, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.


2 Art. 31 § 2, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
3 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 591.
4 Vapeur Wimbledon, CPJI, arrêt, 1923.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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empêché si le défendeur avait adopté un comportement conforme à ses


obligations juridiques »1.

Section 3
Circonstances excluant l'illicéité

Le projet d'articles sur la responsabilité énumère sous le chapitre


relatif aux « circonstances excluant l'illicéité », un certain nombre de
situations dans lesquelles la responsabilité de l'État ou de l'organisation
internationale auteur du fait illicite ne sera pas engagée2 : le consentement de
l'État victime, la légitime défense, les contre-mesures, la force majeure, la détresse,
l'état de nécessité. Ces situations constituent des causes de non-imputabilité en
droit international.
Toutefois, ces circonstances ne produisent pas d'effet en cas de violation
d'une norme de jus cogens.
À propos des contre-mesures, ce sont des mesures par lesquelles un
État répond à un acte d'un autre État3. Parmi ces contre-mesures on peut
citer les rétorsions et les représailles4.
Les rétorsions sont des mesures licites prises par un État en réponse à des
actes soit licites mais discourtois ou dommageables, soit illicites d’un autre État. La
rétorsion est donc constituée d’actes licites — par exemple rappel de
l’ambassadeur —. Mais, pour rester licite, la mesure de rétorsion doit
notamment être proportionnée par rapport à l’acte qui l’a motivée et elle
doit émaner de la victime de l’acte et non pas d’un État tiers.
En revanche, les représailles sont des mesures illicites prises par un État
pour répondre à des actes illicites d’un autre État, dans le but de faire cesser cette
violation du droit. Du fait de l’illicéité de l’acte à l’origine des représailles,
l’illicéité de ces dernières n’est pas prise en compte. En fait, les
représailles deviennent licites sous certaines conditions : elles doivent être
non armées, proportionnelles à l’acte qui les motive, enfin rester exceptionnelles
et n’intervenir qu’après une sommation restée sans suite5. Rétorsions et
représailles peuvent par ailleurs être combinées par un État.

1 Application de la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-


Herzégovine c. Serbie-Monténégro), C.I.J., arrêt, 2007.
2 Art. 20 et s., Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
3 C. ROCHE, op. cit., p. 77.
4 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 615.
5 Projet Gabcikovo-Nagymaros (Slovaquie/Hongrie), arrêt, C.I.J., 25 sept. 1997.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 4
Réparation

La naissance de responsabilité de l'État fait naître à sa charge un


certain nombre d'obligations1, parmi lesquelles il y a principalement
l'obligation de maintenir l'application de la norme violée2, celle d'en cesser la
violation et de garantie son respect futur3, et celle de réparer intégralement le
préjudice causé à la victime4.
On distingue généralement trois grandes formes de réparations, au
sens large du terme : la restitution en nature, la réparation par équivalent,
la satisfaction.
La restitution en nature vise les cas dans lesquels il est possible de
restaurer la situation de fait et de droit prévalant antérieurement, en
s'acquittant de certaines prestations matérielles5. Elle vise la remise en
état dans la situation antérieure comme si le dommage n’était pas
survenu, afin « d’effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui
aurait vraisemblablement existé, si ledit acte n’avait pas été commis »6.
La réparation par équivalent ou compensation, s'effectue la plupart
du temps par versement d'une certaine somme d'argent7.
La satisfaction8 est généralement considérée comme destinée à
répondre à la réparation du préjudice juridique ou moral9. Elle peut consister
simplement en la reconnaissance publique — par une cour
internationale, ou un tribunal arbitral — de la responsabilité d’un État10.

1 Lire Art. 28 et s., Projet d’articles sur la responsabilité internationale.


2 Art. 29, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
3 Art. 30 et s., Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
4 Art. 31, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
5 Art. 35, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
6 Usine de Chorzow, CPJI, arrêt, 26 juill. 1927, série A no 9.
7 Art. 36, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
8 Art. 37, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
9 Rainbow warrior, C.I.J., arrêt, 1990.
10 Cas de l'Affaire des Personnels diplomatiques et consulaires des États-Unis à

Téhéran, dans laquelle la Cour a affirmé : « la Cour tient que les violations successives
et continues par l’Iran des obligations qui lui incombent (...) engagent la responsabilité de l’Iran
à l’égard des États-Unis. Une conséquence évidente de cette constatation est que l’État iranien
a l’obligation de réparer le préjudice ainsi causé aux États-Unis ».

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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De manière plus formelle, ce peut être des excuses solennelles1, ou par


une cérémonie de salut au drapeau…

Section 5
Mise en œuvre de la responsabilité internationale

Il n'y a pas d'instance centralisatrice en matière de définition ou de


qualification de l'illicéité des faits internationaux. Il n'y a pas de parquet
international capable de constater la violation de la règle de droit, de faire
enquête et de saisir le tribunal.
Le droit international est caractérisé par la subjectivité de la qualification
des faits2, en ce sens que l'État victime est le seul à pouvoir estimer si l'obligation
qu'à un autre État à son égard a été violée. Les États interprètent seuls les
règles de droit international, et souvent, ces interprétations sont
couvertes de couleur politique. C'est un principe axiomatique de droit
international que la Cour permanente de justice internationale a eu à
réaffirmer dans le célèbre arrêt rendu en 1927 dans l'Affaire du Lotus : «
les règles de droit liant les États procèdent de la volonté de ceux-ci »3. En
conséquence, en droit international, le vieil adage selon lequel « nul n'est
juge en sa propre cause » est tout simplement renversé. Chacun, tout au
contraire, y est juge et partie !4
L'exception admise est celle qui concerne les normes de jus cogens5.
Quand une norme impérative de droit international — telles
l'interdiction de génocide, de torture, ou de recours à la force armée
contre l'intégrité territoriale d'un autre — est violée, ce sont tous les États
qui sont victimes de la violation de cette règle et par conséquent, ils ont la
double obligation de coopérer à mettre fin à la situation, d'une part, et de ne
pas reconnaître ladite situation, d'autre part6.

1 Cas de l’Affaire du Rainbow warrior où la France a présenté des excuses à la


Nouvelle-Zélande.
2 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 65-66.
3 Lotus (France c. Turquie), arrêt, C.P.J.I., Rec. Série A, n° 10, p. 18.
4 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 65.
5 Idem., p. 67.
6 Art. 40, Projet d’articles sur la responsabilité internationale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Le règlement pacifique des différends
Le droit international contemporain est régi par les principes de
règlement pacifique des différends et l'éviction du recours à la force1.
Aux termes de la Charte de l'ONU, « Les membres de l'Organisation
règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques »2, « de telle manière
que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice ne soient pas mises en
danger »3. Un différend est « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une
contestation, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts »4.
L'article 33 point 1 de la Charte établit un inventaire des modes de
règlement pacifique des différends. « Les parties à tout différend dont la
prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation,
d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours
aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix
». Cette énumération est non-limitative, la Charte ajoutant un fine « (...) ou
par d'autres moyens de leur choix ».
Ces modes de règlement sont classés en deux grandes catégories :
les modes diplomatiques, gérés par les États et laissant aux parties la
liberté d'accepter ou de refuser la solution ; et les modes juridictionnels, gérés
par une juridiction arbitrale ou permanente, dont les décisions s'imposent
aux États parties5.

1 Art. 2 § 3 et 4, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.


2 Art. 2 § 3, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.
3 Résolution 2625 de l'Assemblée générale du 24 novembre 1970 relative aux

principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération


entre les Etats.
4 Affaire des concessions Mavromatis en Palestine (Grèce c. Royaume-Uni), arrêt, C.P.J.I.,

Série A n°2.
5 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 663 ; S. BESSON, op. cit., p.

381.

641
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 1
Les modes diplomatiques de règlement des différends

Paragraphe 1
La négociation

La négociation est le mode ordinaire de règlement des différends. Il


s'agit de toute rencontre en vue de parvenir à un accord. Elle peut bien entendu
s'établir dans un cadre bilatéral ou multilatéral.
La négociation est généralement considérée comme un préalable au
recours à tout autre mode de règlement, qui n'apparaîtra utile que dans
la mesure où elle a échoué1.
La négociation paraît par ailleurs indispensable pour permettre de
bien définir les positions en présence et les arguments respectifs des parties2.
La négociation, une fois entreprise, doit en particulier être menée
avec la volonté réelle d'aboutir. Les négociations ne sauraient se résumer « à
une simple opposition entre les opinions ou intérêts juridiques des deux
parties »3 ; la notion de négociation ne se confond pas, ainsi, avec celle
de différend. Les États « doivent se comporter de telle manière que la négociation
ait un sens »4.

Paragraphe 2
Les bons offices et la médiation, l'enquête et la conciliation

La négociation se distingue des bons offices et de la médiation, qui


supposent l'intervention d'un tiers. Ce tiers peut être un État, une
personnalité, ou une organisation internationale.

Point 1
Les bons offices et la médiation

Dans le cadre des bons offices, le tiers vient offrir ses services pour
aider les parties à débuter la négociation, notamment en organisant la

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 664.


2 Idem.
3 Ibidem.
4 Plateau continental de la mer du Nord (Allemagne/Danemark), arrêt, C.I.J., Recueil

1969, p. 3.

642
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

rencontre. Une fois le contact établi entre les États intéressés, et la


négociation commencée, le tiers se retire et n’intervient plus.
Dans le cadre de la médiation, par contre, le tiers va plus loin puisqu’il
propose en plus une solution sans cependant pouvoir l’imposer. Il peut aussi
intervenir tout au long des négociations pour aider les parties à trouver
des points d’accord.

Point 2
L'enquête et la conciliation

L'enquête permet, avec l’accord des États intéressés de charger une


commission d’enquête d’établir les faits à l’origine du différend, notamment leurs
circonstances, leur nature. La composition de la commission dépend de
la volonté des parties.
Le rapport rendu par la commission n’a aucune portée obligatoire.
En fait, l’enquête est le plus souvent utilisée comme point de départ à
l’une des autres modalités de règlement des différends.
La conciliation permet d’aller plus loin. Comme précédemment, la
commission de conciliation commence par une enquête portant sur les
faits, mais en se basant sur ces faits elle va proposer une solution, non obligatoire
pour les États en litige.

Section 2
Les modes juridictionnels

Les modes juridictionnels sont ceux qui s'exercent dans le cadre


d'une juridiction. La compétence de cette juridiction dépend de la
volonté des États parties au différend. Il n'existe pas de juridiction obligatoire
en droit international1. Il n'existe pas non plus de juridiction exclusive qui
aurait seule la compétence de trancher les différends entre États, sauf en
ce qui concerne des différends naissant de certains domaines particuliers
du droit international, tel que le droit de la mer. On dit que le droit
international est un « ordre juridique sans tribunaux »2. Quoi qu'il en soit, les

1 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 675 ; S. BESSON, op. cit., p.
387.
2 S. BESSON, op. cit., p. 387.

643
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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décisions des juridictions sont obligatoires et s'imposent aux parties, et c'est en


cela qu'ils se distinguent des modes diplomatiques1.

Paragraphe 1
L'arbitrage

Point 1
La compétence

L'arbitrage2 trouve son fondement dans la libre volonté des États


intéressés. Celle-ci peut s'exprimer de trois façons différentes, par voie de
compromis, de clause compromissoire ou par celle d'un traité d'arbitrage
permanent3.
Le compromis est un accord international aux termes duquel deux
États conviennent de confier à un tiers, arbitre unique, organe collégial
ad hoc ou tribunal préconstitué, le règlement d'un litige déjà né. Quelle
qu'en soit la dénomination, le compromis est un traité soumis comme
tel aux conditions de forme et de fond régissant la conclusion des
engagements internationaux. La validité du compromis est essentielle, sa
nullité entraînant celle de toute la procédure ultérieure.
La clause compromissoire vise, à la différence du compromis, non
un litige né et actuel, mais les différends éventuels susceptibles de
survenir entre des États contractants ; elle est tantôt générale, tantôt
spéciale.
Enfin, le traité d'arbitrage permanent a pour objet d'établir une
clause compromissoire d'application générale entre les parties.
L'organe arbitral est aujourd'hui constitué d'un tribunal dont les
différents membres sont choisis par les parties.
Concernant les pouvoirs du tribunal arbitral, relativement d'une
part à sa compétence, il est de jurisprudence constante et conforme à la
pratique de considérer que l'organe arbitral est jugé de sa propre
compétence et a le pouvoir d'interpréter à cet effet les actes qui
gouvernent celle-ci. Toutefois, toute interprétation abusive du

1 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 665 ; S. BESSON, op. cit., p.
384.
2 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., pp. 677-681 ; S. BESSON, op. cit.,

pp. 388-390.
3 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 678 ; S. BESSON, op. cit., p.

389.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

compromis, tout examen non compris dans celui-ci, toute


méconnaissance de ses dispositions quant aux règles à appliquer peuvent
constituer un excès de pouvoir susceptible de frapper d'inexistence
juridique la sentence intervenue dans de telles conditions. Il est en effet
de jurisprudence internationale constante que l'arbitre qui excède sa
compétence voit sa sentence dénuée de toute valeur juridique.

Point 2
Le droit applicable et la procédure

Une fois sa compétence établie, le tribunal doit statuer sur les bases
de droit déterminées par les parties, soit que le compromis indique
comment le tribunal statuera (règles de droit, principes d'équité ou
combinaison des deux éléments), soit qu'il établisse des règles spéciales
constituant une législation ad hoc uniquement valable pour le litige à
résoudre.
La procédure écrite est de règle, le débat oral ayant toujours un
caractère facultatif, quoiqu'il soit en pratique presque toujours organisé.
La procédure par défaut ne se conçoit pas : l'arbitrage étant un mode de
règlement essentiellement volontaire, le défaut d'une partie révèle alors
son refus de se soumettre à la procédure arbitrale.

Point 3
La décision

La sentence arbitrale est obligatoire et définitive mais non


exécutoire. L'exécution des sentences arbitrales par les États est
essentiellement volontaire. Elle obéit au principe général de la bonne foi.
Généralement, les sentences arbitrales sont effectivement exécutées par
les parties. La contestation de leur autorité par l'une d'entre elles revêt
un caractère tout à fait exceptionnel.
Une fois la sentence rendue, sauf à être de nouveau saisie en
interprétation de sa décision, la juridiction arbitrale épuise sa
compétence et par ce fait, disparaît. C'est en cela qu'elle se distingue des
juridictions permanentes, qui ne disparaissent pas après avoir rendu une
décision.

645
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Les juridictions permanentes : le cas particulier de la Cour
internationale de justice

Les juridictions permanentes sont nombreuses en droit


international. Nombreuses d'entre elles ont une compétence spécialisée
pour le traitement d'une matière spécifique de droit international. La
Cour Internationale de Justice est celle d'entre elles qui est compétente
pour régler toutes les questions de droit international.

Point 1
Présentation et organisation de la Cour

A. Présentation

La Cour internationale de Justice a été créée en juin 1945. Elle


apparaît cependant à bien des égards comme le successeur de la Cour
permanente de Justice internationale (CPJI) créée par le Pacte de la
Société des Nations. La CIJ est un des organes principaux de l'ONU1 et
constitue l'organe judiciaire principal de l'Organisation2. Son Statut est
annexé à la Charte, de sorte que tous les États membres de l'ONU sont
automatiquement partie à celui-ci.

B. Organisation

La CIJ est composée de quinze membres permanents3 élus pour


neuf ans4 par un vote simultané de l'Assemblée générale et du Conseil
de sécurité de l'Organisation des Nations Unies5. Ils sont choisis de
manière à assurer une représentation géographique mais également culturelle des
différentes régions du monde comme des divers systèmes juridiques existants. Pas plus
d'un juge ne peut avoir la même nationalité6.
En matière contentieuse, une institution complémentaire héritée
des origines arbitrales de la justice internationale permet à toute partie

1 Art. 7, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.


2 Art. 92, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.
3 Art. 3 point 1, Statut de la Cour Internationale de Justice.
4 Art. 13 point 1, Statut de la Cour Internationale de Justice.
5 Art. 4 point 1, Statut de la Cour Internationale de Justice.
6 Art. 3 point 1, Statut de la Cour Internationale de Justice.

646
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

qui n'a pas de juge de sa nationalité sur le siège, de désigner un juge ad


hoc1.
La Cour nomme son président pour trois ans2. Son rôle est
essentiel. Il préside toutes les séances de la Cour ; il dirige ses travaux et
contrôle ses services. En matière contentieuse, sa voix est prépondérante en
cas de partage des voix.
Les membres de la Cour sont caractérisés par leur indépendance et
leur compétence notoire en matière de droit international. Le statut
indique qu'ils doivent être choisis « parmi les personnes jouissant de la
plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises
pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions
judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes possédant une compétence
notoire en matière de droit international ».
Leur indépendance est garantie par leur irrévocabilité pendant toute
la durée de leur mandat, sauf jugement unanime de leurs pairs3. Les
membres de la Cour, qu'ils soient d'ailleurs permanents ou ad hoc,
jouissent en outre des privilèges et immunités diplomatiques4.

Point 2
Compétence de la Cour

La Cour dispose d'une compétence contentieuse et d'une compétence


consultative. Nous ne parlerons ici que de la compétence contentieuse.

A. Compétence matérielle

En matière contentieuse, la Cour est compétente pour trancher des


différends entre États qui ont consenti à sa juridiction5.

1 Art. 31 point 1, Statut de la Cour Internationale de Justice.


2 Art. 21 point 1, Statut de la Cour Internationale de Justice.
3 Art. 18 point 1 Statut de la Cour Internationale de Justice.
4 Art. 19, Statut de la Cour Internationale de Justice.
5 Art. 36 point 1 Statut de la Cour Internationale de Justice.

647
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Compétence personnelle

Le consentement des États nécessaire à la compétence de la Cour


peut être exprimé de diverses manières1.

1. Caractère consensuel de la compétence de la


Cour

La Cour a eu à rappeler que le fondement consensuel de sa compétence ne


souffre d'aucune exception, quand bien même il ; s'agirait d'une norme de jus cogens
: « le fait qu'un différend porte sur le respect d'une norme possédant un
tel caractère, ce qui est assurément le cas de l'interdiction du génocide,
ne saurait en lui-même fonder la compétence de la Cour pour en
connaître »2.

2. Modes d'établissement de la compétence de la


Cour

a. Le compromis

Il peut naître, en premier lieu, par la voie d'un compromis, c'est-à-dire


d'un accord conclu entre les deux États pour saisir la Cour du différend
qui les oppose. À bien des égards, ce compromis possède des traits
communs avec le compromis d'arbitrage en ce sens qu'il désigne
également l'objet du différend et peut dans une certaine mesure préciser
les règles de droit qu'il demande à la Cour d'appliquer.

b. Le traité ou la clause compromissoire

La base de la juridiction de la Cour peut, en deuxième lieu, être


fournie par tout traité. Celui-ci peut porter spécifiquement sur le
règlement des différends, tout comme il peut également ne pas avoir
pour objet principal le règlement des différends, mais comporter une
clause compromissoire qui établit le consentement des États à la compétence

1 Lire P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 690 ; S. BESSON, op. cit., p.
396.
2 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c.

Ouganda), arrêt, C.I.J., Recueil 2005, p. 168.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de la Cour. En tel cas, la compétence ratione materiae est limitée aux


différends entrant dans les prévisions de la clause.

c. La clause facultative de juridiction obligatoire

En troisième lieu, la compétence de la Cour peut être établie sur la


base du système dit de la clause facultative de juridiction obligatoire résultant
de l'article 36 paragraphe 2 du Statut.
La déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour permet à
l'État de prendre, à l'avance, l'engagement de soumettre à la Cour les
litiges qui l'opposeraient à un autre État ayant lui-même souscrit à la
même clause.

d. La doctrine du forum prorogatum

Il arrive également que le consentement d’un État défendeur puisse


être déduit de son comportement à l’égard de la Cour ou à l’égard de l’État
demandeur ; on se trouve alors dans la situation assez rare dite du forum
prorogatum1.
Pour que la Cour puisse exercer sa compétence sur la base du
forum prorogatum, le consentement doit être explicite ou pouvoir être
déduit sans ambiguïté du comportement de l’Etat2.
Parfois, un Etat entend porter devant la Cour une affaire en
reconnaissant que son adversaire n’admet pas la compétence de la Cour
et en l’invitant à le faire ; jusqu’à présent, il n’est arrivé qu’à deux reprises
que l’Etat contre lequel avait été formée la requête accepte de déférer à
ce vœu3. Cette acceptation emporte naissance de l’affaire, qui est
immédiatement inscrite au rôle et suit alors son cours procédural normal.

1 Affaire des concessions Mavromatis en Palestine (Grèce c. Royaume-Uni), arrêt, C.P.J.I.,


Série A n°2 ; Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J, Recueil 1948, p. 15.
2 Affaire de l'Anglo-Iranian Oil Co. (compétence), arrêt, C.I.J., Recueil 1952, p. 93.
3 Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France) ;

Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France),


C.I.J., arrêt, 2008.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 3
La procédure

La qualité pour agir dans le cadre de la compétence contentieuse


est, ainsi, réservée aux États1.
Les règles qui gouvernent la procédure se trouvent dans le chapitre
III du Statut de la Cour ; elles sont également définies par le Règlement
dont la Cour s'est dotée en vertu de l'article 30 du Statut.
Le droit applicable est déterminé à l'article 38 du Statut de la CIJ.
La Cour applique les conventions internationales, la coutume
internationale, les principes généraux de droit, la jurisprudence et la
doctrine internationale, et l'équité sous réserve de l'accord des parties.

Point 4
La décision

La décision de la Cour est obligatoire et s'impose aux États parties.


Elle ne fait l'objet d'aucun recours, sauf en interprétation. Les parties
seront tenues d'exécuter la décision.
En cas d'inexécution volontaire, le Conseil de sécurité peut
procéder à l'exécution forcée de la décision.

1 Art. 34 point 1, Statut de la Cour Internationale de Justice.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 4
L'éviction du recours à la force
Le règlement pacifique des différends est intimément liée à
l'éviction du recours à la force, constituant l'un et l'autre pour chacun
des membres de la communauté internationale des obligations
individuelles fondamentales dans la conduite de leurs relations
internationales. Ils doivent tous ensemble coopérer au sein des
différentes organisations internationales et d'abord de l'ONU, pour
garantir collectivement le maintien de la paix et de la sécurité
internationales1.
Au demeurant, ce principe ne s'impose pas qu'aux membres de
l'ONU, mais à tous les États du monde, attendu qu'il a une valeur
coutumière. La CIJ a eu affirmer que « le principe du non-emploi de la force peut
être considéré comme un principe de droit international coutumier, non conditionné
par les dispositions relatives à la sécurité collective »2.

Section 1
Conception philosophique

L'idée que la paix est un bien indivis, partagé par tous les États
membres de la communauté internationale, a été reprise et amplifiée en
partant d'un constat : tout conflit ou menace de conflit international, même localisé,
est susceptible de dégénérer en menace ou rupture de la paix internationale à l'échelle
mondiale. Dans une telle conception, tous les États membres de l'Organisation
universelle sont à la fois susceptibles de porter atteinte à cette paix et destinés à
collaborer, entre eux et avec l'institution, pour faire cesser la menace ou l'atteinte à la
paix3.
Sur cette base, la Charte a établi une sorte de « contrat social
international »4, aux termes duquel chaque État membre (mais tous les
États existants étaient appelés à le devenir et de fait presque tous sont
aujourd'hui membres des Nations Unies) doit, d'une part, renoncer à l'usage
de la force dans ses relations avec les autres États ; d'autre part,
contrepartie logique de cet abandon individuel, reconnaître à l'organe

1 Idem., p. 710.
2 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.
3 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 712.
4 Idem., p. 713.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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principal du maintien de la paix, le Conseil de sécurité, véritable agent de la sécurité


collective, les moyens de la coercition militaire nécessaire à l'accomplissement de sa
mission de police internationale.

Section 2
Le système de la sécurité collective

Le chapitre VII de la Charte spécifique au système de la sécurité


collective, confère au Conseil de sécurité une série de compétences qui
demeurent liées les unes aux autres par un lien sinon par une progression
logique dont l'effet est d'en faire un tout globalement cohérent.
Le Conseil de sécurité doit d'abord constater « l'existence d'une
menace contre la paix, d'une rupture de la paix, ou d'un acte d'agression
»1. Cette constatation se réalise de manière totalement discrétionnaire et
constitue l'acte-condition indispensable à la mise en œuvre des pouvoirs qui
lui sont conférés2 par le même chapitre.
« Afin d'empêcher la situation de s'aggraver », il peut d'abord « inviter
les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires et
souhaitables »3. Si de telles mesures s'avèrent insuffisantes, il peut décider
ensuite de mesures de sanction qui peuvent revêtir deux formes nettement
différenciées.
La première est non coercitive (notamment, interruption complète ou
partielle des relations économiques, des communications ou rupture des
relations diplomatiques)4. Si elles sont décidées par le Conseil, elles
auront pour les États membres un caractère obligatoire en vertu de
l'article 25 de la Charte selon laquel « les membres conviennent d'accepter et
d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité ».
La seconde catégorie est celle des mesures coercitives, car cet organe
a le monopole, en conséquence de l'abandon par les États membres de
leur droit individuel de recourir à la force. Le Conseil de sécurité peut
ainsi « entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres toute action
qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix »5.
La Charte avait prévu, pour la réalisation de telles actions, la mise à
disposition du Conseil par les États de forces armées et la création d'un

1 Art. 39, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.


2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 712.
3 Art. 40, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.
4 Art. 41, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.
5 Art. 42, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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comité d'État-major1. Les accords spéciaux qui eurent permis la


constitution de cette force des Nations Unies n'ont toutefois jamais été
conclus. Le Conseil s'est, pour cette raison, orienté vers l'habilitation des
États à faire usage de la force dès la crise de Corée en 1950.

Section 3
Contraintes pragmatiques et conséquences

Paragraphe 1
Contraintes pragmatiques

Le système de la sécurité collective trouve des lacunes à cause du


droit de véto que détient chaque membre permanent au Conseil de
sécurité.
Le droit de véto permet à un membre permanent du Conseil de
s'opposer à une résolution. Comme quoi le système de la sécurité
collective ne repose plus seulement sur un contrat social, mais repose
également sur l'institutionnalisation d'un directoire des Grands assurés par la
détention du veto de pouvoir paralyser les décisions du Conseil de
sécurité et d'échapper à son emprise tout en restant maître de son
fonctionnement à l'égard des autres2.
Les décisions du Conseil nécessitant l'accord des Cinq Grands, et
cet accord étant toujours l'objet de considérations politiques, l'ONU a
souvent eu du mal à remplir sa mission. De nombreux conflits demeurent
non résolus.

Paragraphe 2
Conséquences

Ce blocage a eu des conséquences sur le plan institutionnel et


opérationnel.

Point 1
Sur le plan institutionnel

Sur le plan institutionnel, ce blocage a conduit à accroître le rôle de


l'Assemblée générale en matière de maintien de la paix.

1 Art. 43, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.


2 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 714.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sur pied de la résolution 377 dite « United for peace », il a été décidé que
« dans le cas où paraît exister une menace contre la paix ou une rupture
de la paix ou un acte d'agression, et où, du fait que l'unanimité n'a pas pu se
réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque à s'acquitter
de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, l'Assemblée générale examinera immédiatement la question afin de
faire aux membres les recommandations appropriées sur les mesures
collectives à prendre, y compris, s'il s'agit d'une rupture de la paix ou
d'un acte d'agression, l'emploi de la force armée en cas de besoin pour
maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

Point 2
Sur le plan opérationnel

Sur pied de cette résolution, l'Assemblée générale a pris l'habitude,


et c'est cela la seconde conséquence, de mettre en place des missions de
maintien de la paix, opérations à caractère non-coercitif déclenchées en
vue de garantir un cessez-le-feu sur le terrain, même si elles englobent
aujourd'hui des missions de plus en plus diversifiées, telle que les
observations électorales.

Section 4
La légitime défense

Outre l'usage de la force armée par le Conseil de sécurité dans les conditions
prescrites par la Charte, le principe du non-recours à la force fait l'objet
d'une autre exception : la légitime défense. La Charte précise qu' « aucune (de
ses) disposition(s) (...) ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle
ou collective »1. La CIJ a d'ailleurs reconnu la valeur coutumière de cette
exception2.
La légitime défense n'est licite que dans certaines conditions : elle
doit être provisoire à l'intervention du Conseil de sécurité, ce dernier doit
en être avisé, elle doit respecter les conditions de nécessité et de
proportionnalité, mais surtout, être la réaction à une agression armée3.

1 Art. 51, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.


2 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.
3 Lire Art. 51, Charte des Nations-Unies du 26 juin 1945.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La Charte ne définit pas l'agression. C'est la résolution 3314 sur


l'agression, qui définit cette dernière comme « l’emploi de la force armée par
un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un
autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies
»1.
L'agression doit être distinguée du recours à la force armée. Il s'agit
de « l'une des formes les plus extrêmes et aiguës du recours à la force armée, (...) la
forme la plus grave et illicite de l'emploi de la force »2.
Cette agression doit provenir d'un État contre un autre État3.
La légitime défense peut être individuelle — elle émanera de l'État
victime — ou collective — sur requête de l'État victime4.
Pour être admise, la légitime défense doit être la réaction nécessaire
et proportionnelle à une attaque actuelle. Il a été jugé que « la licéité de la
riposte à l'agression (armée) dépend du respect des critères de nécessité et de
proportionnalité des mesures prises au nom de la légitime défense »5.
Certains États, notamment le Royaume-Uni, les États-Unis, ou
Israël, sont venus à arguer une théorie de la légitime préventive, selon laquelle
l'État pourrait réagir à une menace d'agression.
Mais cette théorie est rejetée par la doctrine6 qui la juge contraire
aussi bien à la lettre — l'article 51 parle « d'agression » et non de « menace
d'agression » — qu'à son esprit, tel qu'il a été interprété par la
jurisprudence qui établit des conditions d'imminence, de nécessité et de
proportionnalité à la légitime défense7.
Les États soutenant cette règle ont avancé son caractère coutumier.
Mais la coutume, après avoir réuni ses éléments matériel et
psychologique, doit avoir une portée universelle et en cela, ne doit pas

1 Art. 1e, Résolution 3314 de l'Assemblée générale du 14 décembre 1974.


2 Préambule, Résolution 3314 de l'Assemblée générale du 14 décembre 1974.
3 Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis

consultatif, C.I.J., Recueil 2004, p. 136.


4 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-

Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.


5 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-

Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14.


6 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 760 ; S. BESSON, op. cit., p. 460 ;

C. ROCHE, op. cit., p. 114.


7 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-

Unis d’Amérique), fond, arrêt, C. I.J., Recueil 1986, p. 14 ; CIJ 2003, Aff. des
plateformes pétrolières ; Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J., Recueil 2005, p. 168.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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avoir fait l'objet d'un rejet par la communauté internationale, ou du


moins une grande partie d'entre elle1. Or, il s'avère que la communauté
internationale n'est pas majoritairement d'accord avec cette pratique. Le
Secrétaire général de l'ONU rapporte que « cette question a divisé les
États membres au sujet de savoir si l'on pouvait recourir à la force selon
le principe de précaution pour se défendre contre les menaces
imminentes »2.
Par conséquent, ni la coutume, ni aucune règle de droit
international ne peut justifier la pratique de la légitime défense
préventive. Dès lors, « lorsque les attaques ne sont pas imminentes mais latentes,
la Charte donne au Conseil de sécurité (et à lui seul) pleine autorité pour employer la
force armée »3.

Section 5
La réglementation de la guerre

Pour revenir à la guerre, bien que le droit international interdit le


recours à la force, il ne manque pas, en même temps, de réglementer ce
recours.
Le droit de la guerre, d'origine coutumière, a été codifié à partir du
19e siècle, donnant naissance à un ensemble de traités internationaux
établissant un formalisme4 dans la tenue des guerres : déclaration de guerre,
limitation dans le choix des moyens de nuire à l’ennemi, interdiction de
certaines armes, traité de paix, règles de la neutralité. Ces règles qui
forment le droit de la Haye, battent aujourd'hui en brèche devant l'évolution
de la notion de conflit armé et des techniques de combat.
Le 20e siècle a vu quant à lui l'émergence du droit humanitaire défini
comme l’ensemble des règles ayant pour objet de protéger les victimes
des conflits armés5. Ces règles visent « l'humanisation de la guerre ». Elles
font l'objet de quatre conventions de Genève du 12 août 19496 et de

1 Lire C. ROCHE, op. cit., pp. 33-34.


2 Rapport de 2005 du Secrétaire général de l'ONU, Koffi Annan.
3 Rapport de 2005 du Secrétaire général de l'ONU, Koffi Annan.
4 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 748.
5 C. ROCHE, op. cit., p. 116.
6 Convention pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les

forces armées en campagne, Convention pour l’amélioration du sort des blessés,


des malades et des naufragés des forces armées sur mer, Convention relative au
traitement des prisonniers de guerre, Convention relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

deux protocoles additionnels du 8 juin 19771. À ces textes, il faut ajouter


les conventions de 1980 sur l'interdiction des armes à effet traumatiques
excessifs et de 1997 sur l'interdiction des mines antipersonnel.
Globalement, ces règles prescrivent la distinction entre civils et
combattants, la distinction, au sein des combattants, entre ceux qui sont en
état de poursuivre la guerre, et ceux qui sont blessés ou malades. Ces catégories
de personnes doivent être épargnées des coups de guerre. On ne doit
porter atteinte à leur vie ou leur intégrité physique, ni même à leurs biens
et bâtiments essentiels.
Entre combattants, l'utilisation d'armes chimiques et de mine
antipersonnel, dont les effets s'étendent sur des civils et parfois pendant
des années, est proscrite. Ces règles s'appliquent aussi bien aux États,
qu'aux milices infra-étatiques. C'est au sujet de ces dernières que le
problème est plus grave.
Les milices infra-étatiques sont des groupements militaires qui disent
lutter pour la libération de leurs nations, en vertu du principe du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes.
En fait, c'est dans cette confusion entre droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes et principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation que se
déroulent les conflits mondiaux actuels. Les États ne poursuivent plus
leurs intérêts de manière directe, mais passent par des milices nationales
en vue de simuler des guerres de libération internes2. C'est la tendance
actuelle.
Or, on l'a dit, non seulement il est difficile d'établir le lien du
rattachement suffisant entre ces milices et les États qui les soutiennent,
mais en plus, l'engagement de la responsabilité de ces États dépend des
états victimes. Pourtant, sur fond de politique internationale, ils n'ont
souvent ni les moyens, ni les intérêts d'agir de la sorte.
Les guerres asymétriques sont donc appelées à continuer, sans que
le « droit » international ne puisse y faire quelque chose. Voilà un des
défauts de ce droit : son inefficacité. Peut-on toujours accepter que « les

1 Le premier porte sur tout conflit interétatique, y compris la guerre et toute


forme d’occupation, ainsi que les conflits armés dans lesquels les peuples luttent
contre la domination coloniale, dans l’exercice du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes. Il a étendu les protections prévues pour les civils, et a notamment
intégré la notion de guérillero ; le second protocole porte quant à lui sur la
protection des victimes des conflits armés non internationaux, il ne s’applique
pas en revanche aux situations de troubles intérieurs.
2 Voy. P. BONIFACE, La géopolitique. Les relations internationales, Eyolles, Paris,

2011, p. 104.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

normes internationales ne flottent pas dans un éther ambigu, sans lien


quelconque les unes avec les autres, et toutes à la merci de l'arbitraire des
souverainetés »1 ?

1 P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., p. 64.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

BIBLIOGRAPHIE

A. TEXTES OFFICIELS

1. Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.


2. Statut de la Cour Internationale de Justice.
3. Convention de Vienne sur les relations diplomatiques
du 18 avril 1961.
4. Convention de Vienne sur le droit des traités du 23
mai 1969.
5. Convention de Vienne du 8 avril 1983 sur la
succession d’États en matière de biens, archives et dettes
d’État.
6. Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne.
7. Résolution 2625 de l'Assemblée générale du 24
novembre 1970 relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats.
8. Résolution 3314 de l'Assemblée générale du 14
décembre 1974.
9. Résolution de l'Assemblée générale 1803 (XVII) du
14 décembre 1962, Souveraineté permanente sur les ressources
naturelles.
10. Projet d’articles sur la responsabilité internationale.
11. Constitution du 18 février 2006.

B. DOCTRINE

1. S. BESSON, Droit international public, Stämpfli


éditions, Berne, 2016.
2. BONIFACE, La géopolitique. Les relations internationales,
Eyolles, Paris, 2011.
3. P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, Droit international
public, Dalloz, Paris, 2018.
4. L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, Dalloz,
Paris, 2019.
5. NGUYEN QUOC DINH, P. DAILLER et A.
PELLET, Droit international public, LGDJ, Paris, 2002.
6. C. ROCHE, L’essentiel du droit international public,
Gualino, Paris, 2019-2020.

659
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

7. D. RUZIE et G. TEBOUL, Droit international public,


Dalloz, Paris, 2013.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le droit pénal
Le contentieux pénal naît de la commission d'une infraction. Haus1
définit l'infraction comme « la violation d'une loi pénale, l'action ou l'inaction
que la loi frappe d'une peine ». L'infraction fait naître une procédure tendant
à la découverte de la vérité, sur l’identité de son auteur et les
circonstances de sa commission. Cette procédure aboutit, le cas échéant,
au prononcé par le juge d'une sanction pénale — et peut-être aussi civile
—. En tant que droit protecteur des valeurs, la nature et le taux de la
sanction pénale varie selon le droit fondamental que le législateur a voulu
protéger.

1Cité par R. NYABIRUNGU, Traité de droit pénal général congolais, 2e éd., DES,
Kinshasa, 2007, p. 147.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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5. Le droit pénal général


L’étude du droit pénal général tourne autour de l’infraction.
L'infraction est définie comme « la violation de la loi pénale, l'action ou
l'inaction que la loi frappe d'une peine ». Il ressort de cette définition que
l'infraction trouve son assise dans la loi, en vertu du principe de légalité
criminelle. Cette loi en détermine les éléments constitutifs, matériel — il
peut s'agir d'une action, ou d'une inaction — et moral — elle doit
souvent être intentionnelle, mais pas toujours —.

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TITRE 1
LE FONDEMENT DE L'INFRACTION :
LE PRINCIPE DE LÉGALITÉ
CRIMINELLE

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Chapitre 1
Notions
Section 1
Définition et justifications du principe de légalité criminelle

Paragraphe 1
Définition du principe de légalité criminelle

« Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi
et dans les formes qu’elle prescrit (...) Nul ne peut être poursuivi pour une action ou
une omission qui ne constitue pas une infraction au moment où elle est commise et au
moment des poursuites (...) Nul ne peut être condamné pour une action ou une
omission qui ne constitue pas une infraction à la fois au moment où elle est commise
et au moment de la condamnation »1.
Le principe de légalité criminelle est la clé de voûte du droit pénal2. Son
acception est des plus simples : le pouvoir d’édicter les règles du droit pénal
incombe à la loi seule3. Autrement dit, seuls peuvent faire l'objet d'une
condamnation pénale, les faits déjà définis et sanctionnés par le législateur au moment
où l'accusé a commis son acte, et seules peuvent leur appliquées les peines édictées en
ce moment déjà par le législateur4. Une action ou une abstention, si
préjudiciable soit-elle à l'ordre social, ne peut être sanctionnée par le juge
que lorsque le législateur l'a visée dans un texte et interdite sous la
menace d'une peine5. Le principe va même au-delà des lois pénales de
fond, pour s'appliquer également aux lois de procédure6.

Paragraphe 2
Justifications du principe de légalité criminelle

La justification du principe de légalité réside premièrement dans la


limitation du droit de punir. En effet, « la société ne peut punir sans borne et sans

1 Art. 17 Al. 2-4, Constitution du 18 février 2006.


2 P. KOLB et L. LETURMY, Cours de Droit pénal général, Gualino, Paris, 2019, p.
39.
3 Idem.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 50.
5 B. BOULOC, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2017, p. 101.
6 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 50.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

mesure »1. Il importe, disent Roger Merlé et André Vitu2, « que la collectivité
n'abuse pas de prérogatives qu'elle possède sur les êtres qui la composent : son pouvoir
de maintenir l'ordre doit être contenu dans certaines limites, qui garantissent la liberté
et l'indépendance de chacun ».
La justification réside ensuite en la nécessité de constituer un
rempart contre l'arbitraire du juge3. En tant que telle, il forme une garantie
essentielle de la liberté individuelle.
Enfin, le principe de légalité est une exigence d'une meilleure politique
criminelle4. En effet, « il est de meilleure politique criminelle que la loi avertisse
avant de frapper », afin que par son comportement, l'agent sache à quoi
s'en tenir. Car, disent Chris Henneau et Jacques Verhaegen5, « même
l'homme le plus respectueux, a priori, des valeurs sociales, reste congénitalement
incapable de se représenter dans toutes les circonstances les activités injustifiables qui
lui sont interdites ».

Section 2
Contenu du principe de légalité criminelle

Ainsi présenté, le principe de légalité a un double contenu au niveau


des incriminations et des peines6.

Paragraphe 1
Légalité des incriminations

La légalité des incriminations signifie que celles-ci sont établies par la


loi. Seules tombent sous la loi les faits qui, au moment où ils sont
commis, sont déjà définis comme constituant une infraction par le
législateur. Ainsi, c'est en vertu de la loi que l'atteinte volontaire à la vie
est réprimée soit comme meurtre, soit comme assassinat, ou comme
empoisonnement… A contrario, c'est parce qu'aucune loi ne le prévoit

1 Idem., p. 52.
2 Cités par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 52.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 102 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 52 ; P. KOLB et

L. LETURMY, op. cit., p. 39 ; B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal


général et procédure pénale, Sirey, Paris, 2018, p. 60.
4 B. BOULOC, op. cit., p. 102 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 53.
5 Cités par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 53.
6 B. BOULOC, op. cit., p. 129 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 53 ; P. KOLB et

L. LETURMY, op. cit., p. 51 ; B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p.


69.

668
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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que les faits d'avoir des relations sexuelles entre personnes de même
sexe, de mentir, ou de se prostituer… ne constituent pas une infraction.
Les incriminations prévues doivent être précises et claires. C’est le
principe de clarté de la loi pénale, auquel le juge constitutionnel français a
donné valeur constitutionnelle. La loi pénale doit contenir des
incriminations définies « en termes suffisamment clairs et précis pour exclure
l’arbitraire »1. La loi pénale ne se contente pas de disposer que tel acte est
punissable, elle indique dans quelles conditions il pourra être puni ; elle
en définit les éléments constitutifs particuliers2. Toutefois, la clarté
n’empêche pas une certaine généralité dans la description des modalités de l’infraction
(« par tous moyens », « tout acte », « d’une manière quelconque », etc.),
d’autant que la politique criminelle impose parfois d’incriminer
largement pour pouvoir saisir toutes les formes d’une criminalité
particulière3. En fait, comme le dit la Cour Européenne des Droits de
l'Homme, « tout est une question de mesure »4
En vertu du principe de légalité, la loi pénale est de stricte
interprétation. Cela signifie que le juge ne peut pas étendre le texte au-delà de son
contenu ni le restreindre, sinon il s’érigerait en législateur et violerait le
principe de légalité criminelle5. La loi pénale est déclarative et « le juge doit
en tirer toutes les conséquences que le législateur a entendu y attacher, rien de plus
mais rien de moins »6.
Pour découvrir la portée réelle de la loi, le juge fait usage de
techniques d'interprétation tournées vers la recherche du but de la loi : c'est
l'interprétation téléologique7. La loi pénale doit être appliquée à tous les cas
rentrant dans ses termes, et à eux seuls. Le juge ne peut rien ajouter, ni
retrancher à la loi. Il ne peut ajouter des éléments constitutifs ou des
causes d'exonération que la loi n'a pas prévus. Il ne peut appliquer la loi
à des situations manifestement semblables à celles prévues par la loi. À
cet effet, il utilise des techniques d'interprétation tendant à la découverte
de la raison d'être de la loi. Il s'agit entre autres de l'étude grammaticale,
la ratio legis, des travaux préparatoires, le droit comparé, l'argument a

1 C.C. fr., DC no 80-127, 19-20 janv. 1981.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 131.
3 X. PIN, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2018, p. 64.
4 CEDH 16 nov. 1996, Cantoni c. France.
5 X. PIN, op. cit., p. 53.
6 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 69.
7 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 74.

669
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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rubrica l'interprétation évolutive, des données historiques et socio


politiques ayant entouré l'élaboration de la loi.1
L'interprétation littérale des termes de la loi est déconseillée2. Le juge doit
scruter l'esprit de la loi, et non de limiter à sa lettre. Ainsi par exemple,
alors qu'un texte sur la police des chemins de fer assez malheureusement
rédigé interdisait « de descendre ailleurs que dans les gares et lorsque le
train est complètement arrêté », c'est-à-dire donc, obligeait les voyageurs
à descendre en marche ; la Cour de cassation française a confirmé la
condamnation d’un voyageur qui prétendait avoir obéi à la lettre de la loi
en descendant pendant que le train était en marche3. Dans son
interprétation, elle a jugé que le législateur voulait en fait interdire de
descendre aussi longtemps que le train était en marche. En clair, on ne
pouvait descendre que quand le train était à l'arrêt.
L'interprétation analogique, consistant à étendre l'application de la loi des
cas qu'elle a expressément prévus, à d'autres cas qu'elle n'a pas prévus, mais qui
présentent une ressemblance avec les vas prévus4, est rejetée5. « Cela serait, en effet,
un moyen facile de tourner le principe de la légalité que de pouvoir
poursuivre des faits non expressément visés par la loi mais ressemblant
à des faits déjà prévus (...) de ressemblance en ressemblance, on arriverait
à créer de toutes pièces des incriminations nouvelles »6. Ainsi par
exemple, la Cour de Cassation française a décidé que « l’interprétation
stricte de la loi pénale s’oppose à ce que le délit d’homicide involontaire
ait pour victime un enfant à naître, dont le régime juridique relève de
textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus »7.
Cela dit, la doctrine8 admet l'analogie quand elle est favorable au
prévenu. Ainsi, les lois pénales qui prévoient des causes de non-culpabilité
ou des faits justificatifs peuvent faire l'objet d'une interprétation
analogique.
L'interprétation de la loi pénale rejaillit sur la question de l'autonomie
du droit pénal9. Le droit pénal est autonome, en ce qu'il emprunte aux autres

1 Cfr 1. Droit constitutionnel, T1-ST1-C1-S4.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 74.
3 Cass. fr., Crim., 8 mars 1930.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 82.
5 Idem., p. 82 ; B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 69.
6 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 69.
7 Cass. fr., Ass. Plén., 29 juin 2001.
8 B. BOULOC, op. cit., p. 134 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 82.
9 Lire B. BOULOC, op. cit., p. 30 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 83.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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branches certains termes mais ne leur conserve pas le sens qu'ils ont dans leur discipline
d'origine.
Ainsi par exemple sur la notion de fonctionnaire, si en droit
administratif, elle distingue cette catégorie d'agents publics soumis au
statut de la fonction publique, en droit pénal, elle englobe tout
simplement tous les agents publics de l'État, qu'ils soient soumis ou non
au statut de la fonction publique. Ainsi, un directeur de cabinet du
Président de la République, agent public non soumis au statut de la
fonction publique, a été condamné pour détournement des deniers
publics1.
De même, les notions de biens meubles et immeubles ne revêtent pas en
droit pénal le sens technique que leur donne le droit civil. Ils ont ici leur
sens usuel, et désignent simplement les biens qui peuvent se déplacer
seuls, ou pas. Il a été jugé que « la transformation en meuble d'un bien,
qui en raison de sa nature intrinsèque, est immobilier, ne peut être
retenue, le droit pénal ne prenant pas en considération les fictions de
droit privé, vu son autonomie d'interprétation »2.
Encore, le droit pénal ne fait pas de distinction entre domicile et
résidence. Les deux notions sont mêlées. Le domicile désigne simplement
« tout lieu qui sert d'habitation , toute demeure permanente ou
temporaire occupée par celui qui y a droit, ou, de son consentement, par
un tiers »3.
Également, le droit pénal ne s'occupe pas des notions de droit civil
sur la nullité des contrats. Ainsi, le juge condamne pour abus de confiance,
même en cas de nullité du contrat en vertu duquel les biens détournés
avaient été remis. Un individu a par exemple été condamné après avoir
détourné des biens lui remis par un enfant, sans tenir compte de la nullité
du contrat résultant du défaut de capacité4.

Paragraphe 2
Légalité des sanctions

L'autre contenu du principe de légalité concerne les sanctions. Seules


peuvent être appliquées des peines édictées par le législateur au moment où l'accusé a
commis son acte. Il n'appartient pas au juge, en raisonnant par voie

1 T.G.I./Gombé, R.P. 26.931.


2 C.S.J., 15 avril 1975.
3 Cass. fr., Crim., 24 juin 1893.
4 Cass. fr., Crim., 12 déc. 1909.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'analogie, de suppléer au silence de la loi et de prononcer des peines en


dehors des cas limitativement prévus par le législateur1.
Le juge ne peut prononcer que les peines expressément prévues par
la loi. Il ne peut refuser de prononcer la peine prévue par la loi, sauf s'il
y a cause d'exonération. Il ne peut prononcer une peine supérieure au
maximum2, sauf en cas de circonstances aggravantes, ni inférieures au
minimum3, sauf en cas de circonstances atténuantes.
Il arrive que, par suite d’un oubli du législateur ou par suite de
l’emploi d’une peine par référence à un texte postérieurement abrogé,
des faits incriminés par la loi ne se trouvent frappés d’aucune peine. Le
juge ne peut pas se substituer au législateur défaillant. On est en présence
d’une loi imparfaite et aucune sanction ne peut être prononcée par
analogie ou tout autre raisonnement4.

Section 3
Les sources de légalité : la loi pénale

Le principe de légalité veut que la loi soit la seule source de


l'infraction. La jurisprudence ne peut créer des infractions. La loi dont
question ici, est à prendre au sens large5. « Entre dans cette catégorie,
toute norme formulée par une autorité investie du pouvoir d'exprimer
des règles obligatoires sans que soient déterminantes la forme de l'acte
ou son origine »6. En ce sens, il comprend non seulement la loi
parlementaire, mais aussi des textes supra-législatifs, et même infra-
législatifs.

1 Cass. fr., Crim., 28 Nov. 1972.


2 Cass. fr., Crim., 15 juill. 1964.
3 Cass. fr., Crim., 9 oct. 1978.
4 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 70.
5 B. BOULOC, op. cit., p. 107 ; NGOTO NGOIE NGALINGI, L'essentiel du

Droit pénal congolais, PUC, Kinshasa, 2018, p. 14.


6 Code pénal congolais, p. 7, Ministère de la Justice.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Les sources supra-législatives

Point 1
La Constitution

La Constitution congolaise du 18 février 2006 est aussi source


d'infractions. Elle dispose que la Cour constitutionnelle est le juge pénal
du Président de la République et du Premier ministre pour des «
infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement,
d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié »1.
À l'article 165, elle prévoit les éléments constitutifs de chacune de ces
infractions.

Point 2
Les sources internationales

Les traités internationaux, plus précisément les traités-lois, peuvent


être source d'infractions à l'égard des populations des États parties. Le
cas le plus connu est sans doute le Statut de Rome relatif à la Cour Pénale
Internationale, dont l'article 5 prévoit des infractions que la Cour a
compétence de réprimer. En effet, dit le Statut, « la compétence de la
Cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la
communauté internationale (...) La Cour a compétence à l'égard des
crimes suivants : le crime de génocide ; les crimes contre l'humanité ; les
crimes de guerre ; les crimes d'agression ».

Paragraphe 2
Les sources législatives

Cela dit, la source principale demeure la loi. C'est d'elle que relève
la compétence de « la détermination des infractions et des peines qui leur
sont applicables »2.
À cet effet, il y a d'abord les lois de droit pénal commun. Elles sont
constituées du Code pénal, qui comprend deux livres : le livre 1e « des
infractions et de la répression en général », pose les principes de droit
pénal commun à l'ensemble des infractions constituant le droit pénal

1 Art. 164, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 122 point 6, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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général ; et le livre 2 « des infractions et de leur répression en particulier


», traite de la structure des différentes infractions, groupées sous 8 titres
correspondant chacun à des valeurs sociales fondamentales que la
société entend protéger, constituant le droit pénal spécial.
Les lois de droit pénal commun sont aussi constituées des lois
complémentaires au code pénal. Il s’agit des textes non matériellement
incorpores au Code pénal, mais faisant cependant partie intégrante de ce
dernier. Ils traitent par exemple de l'abandon de famille, de l'adultère, ou
de l'ivresse publique.
À côté des lois de droit pénal commun, se trouvent les lois de droit
pénal particulier. Ce sont des lois non exclusivement pénales, traitant
généralement d'autres questions que pénales, mais prévoyant des
sanctions pénales au non-respect de leurs dispositions. Le droit pénal
intervient là dans son rôle sanctionnateur. C'est le cas du code pénal
militaire, du code de la route, ou encore du code de la famille, au sujet
d'infractions telles que l'adultère, ou le défaut d'enregistrement d'un
mariage.

Paragraphe 3
Les sources infra-législatives

L'Administration a reçu compétence de la Constitution1 pour


sanctionner ses mesures de police de peines. De même, les lois sur la
libre administration des provinces et celle relative aux entités territoriales
décentralisées, prévoient la possibilité pour les autorités locales de
prendre des mesures de police sanctionnées de peines, généralement
inférieures à 7 jours de servitude pénale.

1 Art. 127, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 4
Le champs d'application de la loi pénale

La loi pénale s'applique dans le temps et dans l'espace.

Paragraphe 1
Application de la loi pénale dans le temps

Point 1
Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale

La loi entre en principe en vigueur trente jours après sa publication au


journal officiel, à moins qu'elle n'en dispose autrement1. Il est un
corollaire direct du principe de légalité que la nouvelle loi ainsi édictée ne
peut régir que les faits à venir. Elle ne s'applique pas aux affaires en cours de
jugement pour des infractions commises avant son entrée en vigueur.
Il ne servirait à rien, en effet, qu’une poursuite pénale ne puisse
avoir lieu qu’en raison d’un texte, si ce texte pouvait être promulgué pour
les besoins de la cause, après que le fait poursuivi a été accompli2. La loi
nouvelle ne peut rétroagir car si elle venait à incriminer un
comportement, jusque-là non punissable, il y aurait incrimination sans
loi ; de même, si elle venait à aggraver une peine, cela reviendrait à créer
rétroactivement une peine sans loi3.
Il a été jugé que le fait pour une ordonnance du Président de la
République de mentionner qu'elle « entre en vigueur à la date de sa
signature » ne viole pas le principe de légalité4.

Point 2
Les exceptions au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale

A. Les lois interprétatives

Une exception est admise en matière de lois dites interprétatives. La


loi interprétative est celle par laquelle le législateur vient préciser la portée
de termes contenues dans une loi préexistante. Il s'agit ici de l'interprétation

1 Art. 142 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 74.
3 X. PIN, op. cit., p. 107.
4 C.S.J., RA 298, 23 janvier 1998.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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législative postérieure — car l'interprétation législative peut aussi être


contextuelle, le législateur définissant dans le corps-même de la loi, le
sens et la portée de ses termes —.
La loi interprétative est considérée comme faisant corps avec
l'ancienne loi. Par ce fait, elle rétroagit, quel que soit le sort qu'il réserve
au prévenu1.

B. La rétroactivité in mitius

L’exception la plus importante au principe de la non-rétroactivité


de la loi pénale nouvelle tient au caractère plus doux de la loi pénale2. La
Constitution dispose que « la peine cesse d’être exécutée lorsqu’en vertu d’une loi
postérieure au jugement (...) elle est supprimée ; (...) le fait pour lequel elle était
prononcée, n’a plus le caractère infractionnel. En cas de réduction de la peine en vertu
d’une loi postérieure au jugement, la peine est exécutée conformément à la nouvelle loi
»3.
En clair, la loi nouvelle s'applique aux affaires en cours de
jugement, à condition d'être plus douce, c'est-à-dire, plus clémente sur le
sort à réserver au prévenu.
Cette exception se justifie facilement du point de vue de l’intérêt de
la société. Dès lors que la disposition ancienne, estimée trop rigoureuse,
a été modifiée, la société n’a plus d’intérêt à l’appliquer4.
En vue de déterminer la douceur d'une loi nouvelle, il faut se placer
d'une part, du point de vue des incriminations, d'autre part, du point de
vue des peines, deux contenus du principe de légalité.
Au niveau des incriminations, la loi nouvelle est plus douce si elle
supprime une incrimination5, crée une circonstance atténuante ou fait
disparaitre une circonstance aggravante6, crée une cause de justification7,
augmente le nombre d'éléments constitutifs de l'infraction rendant ainsi
plus compliquée son établissement8. Bref, « doit être considérée comme plus
douce et appliquée immédiatement, toute loi pénale nouvelle qui complique une

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 99 ; voir par ex. Cass. fr., Crim., 14 oct. 1980.
2 B. BOULOC, op. cit., p. 156.
3 Art. 17 Al. 5-6, Constitution du 18 février 2006.
4 B. BOULOC, op. cit., p. 157 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 100.
5 Cass. fr., Crim., 15 mai 2007.
6 Cass. fr., Crim., 6 avr. 1994.
7 Cass. fr., Crim., 12 janv. 1994.
8 Cass. fr., Crim., 11 oct. 1966.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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incrimination et rend ainsi la poursuite plus difficile »1. En revanche, ne peut


être considérée comme une loi supprimant une incrimination, celle qui
tout en abrogeant formellement une loi ancienne reprend l’incrimination
dans de nouvelles dispositions2.
Du point de vue des peines, la loi nouvelle est douce si elle modifie
dans le sens de l'allègement et de la douceur, les sanctions antérieurement prévues
pour une infraction déterminée3. Pour déterminer la peine la plus forte,
on recourt au critère en vigueur en matière de concours idéal4. Ainsi, la
peine de mort est la plus grave ; vient ensuite celle des travaux forcés ; la
servitude pénale, même la plus faible (7 jours), est toujours supérieure à
la peine d'amende, quel qu'en soit le montant ; entre deux servitudes
pénales, la plus grave est celle dont le maximum est le plus élevé ; à égalité
de maxima, la plus grave est celle dont le minimum est le plus élevé ; à
égalité toujours, la plus grave est celle dont le maximum d'amende est le
plus élevé ; à égalité encore, la plus grave est celle dont le minimum
d'amende est le plus élevé ; si l'égalité persiste, la peine la plus forte sera
celle qui est accompagnée de peines complémentaires ou accessoires. Si,
même à ce stade, l'égalité persiste — c'est-à-dire, si les deux lois
prévoient des peines accessoires ou complémentaires —, le juge recourra
à une comparaison in concreto5.
En tout cas, la solution ci-dessus a été retenue par la jurisprudence.
Il a par exemple été jugé qu' « en cas de détournement commis sous le
régime de l'ordonnance-loi (...) de 1968 et jugée sous l'empire de la loi
(...) de 1973, vu qu'en raison du montant du détournement, la peine de
mort prévue à l'ordonnance-loi (...) de 1968, ne doit pas être appliquée,
mais uniquement la servitude pénale, celle-ci est plus favorable que la loi
(...) de 1975 qui, pour les mêmes faits, prévoit la peine de travaux forcés,
peine plus grave que la servitude pénale »6.
La loi nouvelle, si elle est plus douce, s'appliquera donc aux faits en
cours de jugement commis sous l'empire de la loi ancienne, aussi
longtemps que ces faits n'ont pas fait l'objet d'un jugement définitif ayant

1 Cass. fr., Crim., 6 juin 1974.


2 Cass. fr., Crim., 10 mars 1986.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 161.
4 Art. 20, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 93.
6 C.S.J., Arrêt R.P. 142, 4 mai 1974 ; voir aussi C.S.J., Arrêt R.P. 197,24 juillet

1975 ; C.S.J., 18 fév. 1976.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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acquis l'autorité de la chose jugée1, c'est-à-dire, aussi bien au premier


degré, qu'en appel, et même en cassation. Cependant, elle ne produit
aucun effet si le jugement a déjà acquis autorité de chose jugée. Le droit
congolais, contrairement à d'autres législations — française, italienne,
danoise, par exemple —, ne prévoit pas telle possibilité. Une situation
critiquée par la doctrine, pour qu' « il n'est ni juste, ni opportun que
l'agent continue à exécuter une peine relative à des actes que la société
considère désormais comme licites »2. Cela dit, la loi nouvelle plus douce
peut toujours prévoir expressément la rétroaction sur des affaires déjà
définitivement jugées. Par ailleurs, la grâce demeure une autre possibilité
de faire cesser l'exécution des peines abrogées.

C. L’application immédiate des lois de procédure

Le principe de non-rétroactivité et son exception, font foi en


matière de loi pénale de fond, c'est-à-dire, celles relatives aux
caractéristiques de l'infraction, à la responsabilité de l'auteur, ou à la
fixation de la peine3. En ce qui concerne les lois pénales de forme, ou lois de
procédure, c'est-à-dire, celles relatives à la constatation et à la poursuite
des infractions, à la compétence et à la procédure, ou à l'exécution des
peines4, le principe est celui de l'application immédiate5. L'application
immédiate de la loi nouvelle conduit à ce que celle-ci puisse régir toutes les
situations en cours de jugement dès son entrée en vigueur — elle stoppe ainsi net
les effets de la loi ancienne — et toutes celles qui naîtront après son
entrée en vigueur, sans anéantir les effets des actes posés avant son
entrée en vigueur — donc sans rétroagir —. Ainsi, les procès-verbaux,
saisies et perquisitions, témoignages, etc. ; tout ce qui aura été accompli
avant elle gardera son effet.
Cette solution est justifiée par cette considération que la loi nouvelle
présumée supérieure à l’ancienne et destinée à assurer une meilleure administration de
la justice, doit être immédiatement appliquée6, sans anéantir les effets des
actes posés avant sa venue, car il serait ainsi contraire aux intérêts du

1 Cass. fr., Crim., 28 avr. 1975.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 94.
3 Cass. fr., Crim., 9 avr. 1970.
4 Cass. fr., Crim., 12 mai 2010.
5 Lire B. BOULOC, op. cit., p. 168 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 104 ; P. KOLB

et L. LETURMY, op. cit., p. 104.


6 B. BOULOC, op. cit., p. 168.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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justiciable et de la société si tous les actes procéduraux accomplis sois


l'empire de la loi ancienne pouvaient être anéantis d'un coup par la
promulgation de la loi nouvelle1.
Quelques dérogations sont tout de même constatées, entre autres en
matière de lois d'organisation et de compétence. Ici, la loi nouvelle
s'applique immédiatement, certes, mais pas si une décision a déjà été
rendue sur le fond, même en premier ressort2. Ainsi, l'application de la
loi nouvelle ne doit pas être retenu si elle change la juridiction d'appel à
un prévenu déjà jugé en premier instance, par exemple.

Paragraphe 2
Application de la loi pénale dans l'espace

Point 1
Le principe de territorialité

« L'infraction commise sur le territoire de la République est punie conformément


à la loi (congolaise) »3.
C'est le principe de territorialité de la loi pénale, qui veut que celle-ci
s'applique à tous les individus, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs victimes,
qui ont commis une infraction sur le territoire du pays dans lequel cette loi est en
vigueur4.
L'idée ici est que l'individu poursuivi est censé connaître la loi du
pays dans lequel il se trouve. Mais surtout, on présume que le juge,
chargé de la procédure, maîtrise parfaitement les arcanes de cette
procédure alors qu’il peut tout ignorer de la loi de l’étranger qui est
poursuivi5.
Le territoire ainsi concerné comprend non seulement les territoires
terrestre, maritime et aérien, mais aussi, en vertu du principe d'extra-
territorialité, les ambassades et consulats, les aéronefs immatriculés en RDC et les
navires battant pavillon congolais.
Mais, si la question du territoire et ses composantes trouve en droit
congolais une véritable assise juridique de par le droit international, la
question de l'extra-territorialité n'est pas régie par un texte. À l'exception,

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 103.


2 Cass. fr., Crim., 7 juill. 1871.
3 Art. 2, Code pénal.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 110 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 109.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 111 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 110.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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peut-être, des ambassades, dont le statut déterminé par le droit


international empêche tout exercice de la souveraineté par un État
étranger, la loi ne régit pas expressément, contrairement au droit
français1, le cas des infractions commises sur les aéronefs et navires
français. Cependant, la doctrine estime que la loi congolaise s'applique
également aux aéronefs congolais — à condition qu'ils soient en vol ou
en atterrissage forcé — et aux navires congolais — sauf si l'infraction a
été commise par ou contre une personne ne faisant pas partie de
l'équipage, si elle a troublé la tranquillité du port, ou si les autorités du
navire ont demandé l'intervention des autorités locales —2.
Mais le principe de territorialité n'est pas sans inconvénients. On
peut éprouver les plus grandes difficultés à cerner avec précision le lieu
exact de l’infraction. On peut éprouver aussi un profond sentiment
d’injustice à se désintéresser d’un individu qui, après avoir commis à
l’étranger une infraction, vient se réfugier sur le territoire national. Ce
principe assure donc l'impunité du délinquant dans de nombreux cas3.
D'où la nécessité de quelques correctifs, pour les cas des infractions
commises hors du territoire congolais.

Point 2
Les correctifs au principe de territorialité

A. Le principe de l'universalité du droit de punir

La loi utilise d'abord comme correctif, le principe de l'universalité du


droit de punir. « Toute personne qui, hors du territoire de la République démocratique
du Congo s'est rendue coupable d'une infraction pour laquelle la loi congolaise prévoit
une peine de servitude pénale de plus de deux mois, peut être poursuivie et jugée en
République démocratique du Congo, sauf application des dispositions légales sur

1 Sur pied des Art. 113-3 et 113-4 du Code pénal français, la loi pénale française
est applicable aux infractions commises à bord des navires battant pavillon
français et des aéronefs immatriculés en France ou à l’encontre de ces navires ou
aéronefs ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu’ils se trouvent.
Les mêmes articles prévoient que la loi française est seule applicable s’il s’agit de
navires de la marine nationale, ou d’aéronefs militaires français. On en déduit
que pour les navires et les aéronefs privés, la compétence de la loi pénale
française n’est pas exclusive.
2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 123.
3 Idem., p. 111 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 110.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'extradition »1. C'est le principe de l'universalité du droit punir, qui veut


que la justice du lieu d’arrestation soit compétente pour juger le délinquant, quelle
que soit sa nationalité ou celle des victimes, et surtout, quel que soit le lieu de
l’infraction2.
Pour que le juge congolais soit compétent, il faut d'abord que « la
loi congolaise prévoi(e) une peine de servitude pénale de plus de deux mois » pour la
même infraction. En gros, l'infraction commise sur un autre territoire,
doit être une infraction en droit congolais. C'est le principe de la double
incrimination3. L'infraction dont question doit être punie d'au moins deux
mois de servitude pénale.
L'autre condition, c'est que l'inculpé doit se trouver au Congo, en effet,
« la poursuite n'a lieu que si l'inculpé est trouvé en République démocratique du
Congo », précise la loi4. Mais aussi, « la poursuite ne peut être intentée qu'à la
requête du ministère public »5. En clair, la procédure de citation directe est
impossible.
Qui plus est, « quand l'infraction est commise contre un particulier et que la
peine maximum prévue par la loi congolaise est de cinq ans de servitude pénale au
moins, cette requête doit être précédée d'une plainte de la partie offensée ou d'une
dénonciation officielle de l'autorité du pays où l'infraction a été commise »6. En clair,
s'il d'abord, d'une infraction contre un particulier (sa personne ou ses
biens), et qu'ensuite, l'infraction est punie de cinq ans de prison au moins
par la loi congolaise, alors, les poursuites du parquet deviennent
subordonnées à la plainte préalable de la victime, ou à une dénonciation officielle de
l'autorité du pays où l'infraction a été commise.
Enfin, « aucune poursuite n'a lieu si l'inculpé justifie qu'il a été jugé
définitivement à l'étranger et, en cas de condamnation, qu'il a subi ou prescrites peine
ou obtenu sa grâce »7. Le principe du non bis in idem est ainsi respecté.

B. Le principe de la personnalité passive

1 Art. 1 Al. 1, Code pénal.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 114 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 111.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 124.
4 Art. 3 Al. 5, Code pénal.
5 Art. 3 Al. 2, Code pénal.
6 Art. 3 Al. 2, Code pénal.
7 Art. 3 Al. 4, Code pénal.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'autre correctif est relatif au principe de la personnalité passive. Il est


contenu, comme exception, aux alinéas 4 et 5 de l'article 3 du Code
pénal.
Par ce principe, la loi pénale ne s’applique qu’à l’égard de ses
nationaux, qu’ils soient auteurs d’une infraction — on parle alors de
personnalité active — ou qu’ils en soient les victimes et dans ce cas, elle
frappe l'auteur de l'infraction quelle que soit sa nationalité — on parle
alors de personnalité passive —1. Dans le cas de la personnalité passive,
quand c'est l'État lui-même qui est victime de l'infraction, on parle du
principe de réalité.
La loi congolaise a adopté la personnalité passive et plus
précisément le principe de réalité. Elle s'applique aux auteurs
d'infractions, quelle que soit leur nationalité, qui portent atteinte à l'État
lui-même. Il s'agit des infractions contenues dans le Titre 8 (du Livre 2)
« des atteintes à la sûreté de l'État », telles que la trahison, l'espionnage,
les attentats et complots contre le Chef de l'État, etc. ; et de celles
contenues dans les Sections 1 et 2 du Titre 3 (du Livre 2) « des infractions
contre la foi publique » portant respectivement sur la contrefaçon,
falsification et imitation des signes monétaires ; et sur la contrefaçon ou
falsification des sceaux, timbres, poinçons, marques, etc.
Dans ce cas, la loi pénale s'applique sans considération du non bis in
idem, de la nationalité de l'auteur de l'infraction, du lieu de commission,
ou du lieu sur lequel il se trouve.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 113 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 111.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La qualification des faits

Le premier devoir de l'autorité judiciaire saisie des faits est de les


qualifier, c'est-à-dire, rechercher le texte qui est applicable aux faits poursuivis,
trouver le vêtement juridique du fait infractionnel, en clair, apprécier le
caractère répréhensible du comportement qui lui est soumis1. La
qualification consiste à confronter les faits constatés avec la définition que la loi
fait de telle infraction2. Elle s'impose à l'organe judiciaire saisi des faits — le
parquet ou le juge — pour qu'il vérifie si ceux-ci sont incriminables sur
la base de telle disposition pénale et autorise une sanction dans les limites
du texte retenu3.

Section 1
Principes en matière de qualification

Pour ce fait, l'opération de qualification doit obéir à quelques


principes. De prime abord, en vertu du principe de légalité, la
qualification exige, comme le disent Roger Merlé et André Vitu4, « une
confrontation rigoureuse de faits poursuivis avec les divers types de faits incriminés par
la législation pénale ».
Par ailleurs, l'autorité judiciaire saisie des faits peut adopter
provisoirement une qualification, et l'abandonner pour une autre si des
éléments nouveaux laissent penser que la première est inexacte5.
Au demeurant, les juridictions de jugement ne sont liées, ni par les
qualifications provenant du ministère public, ni même par celles provenant du juge de
première instance, non plus du juge d'appel6. Sur ce dernier point, il peut arriver
que le juge de cassation change la qualification retenue par le juge de
fond sans pour autant casser la décision. Cela arrivera lorsqu'il constate
que la peine prononcée est comprise entre les limites légales et qu'elle
aurait pu l'être aussi si la juridiction du fond avait retenu la qualification
exacte. Le juge de cassation rectifie alors l'erreur dans le motif ou le

1 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 76.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 148.
3 J. BORRICAND et A.-M. SIMON, Droit pénal et procédure pénale, Sirey, Paris,

2004, p. 57.
4 Cités par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 148.
5 C.S.J., Arrêt R.P. 29/30/31 CR, 16 mai 1990.
6 C.S.J., Arrêt R.C. 324, 16 avril 1980.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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dispositif de son arrêt, mais n'annule pas la décision car il estime que la
peine prononcée étant justifiée, il est sans intérêt pratique de procéder à
la cassation de la décision attaquée. Ainsi par exemple, a-t-il eu à changer
la qualification de faits d'escroquerie en stellionat, tout en rejetant le
pourvoi, étant donné que dans les deux cas, la peine est la même1. C’est
la théorie de la peine justifiée.
L'opération de requalification ne peut se faire aux dépens des droits
de la défense. En cas de requalification par le juge, aggravant le sort du
prévenu, un délai doit lui être accordé en vue de présenter ses moyens
de défense à cette nouvelle qualification2.
La qualification s'apprécie au moment des faits. Il importe peu dès lors
que, postérieurement à l'accomplissement des faits, la situation juridique
qui commandait la qualification pénale des faits se voit modifiée, fût-ce
rétroactivement, en faveur de l'agent. C'est le principe de la cristallisation de
la qualification au moment des faits3. Ainsi, la qualification de vol a été
maintenue dans le chef du vendeur impayé qui reprend frauduleusement
la chose vendue, même si, par la suite, le contrat de vente a été résolu4.

Section 2
Qualifications multiples

Il peut arriver que des faits posés soient susceptibles, a première


vue, de recevoir plusieurs qualifications.

Paragraphe 1
Les qualifications incompatibles et qualifications alternatives

Point 1
Les qualifications incompatibles

Les qualifications sont incompatibles lorsqu'une infraction


objectivement imputable à l'agent est, disent Roger Merlé et André Vitu5,
« la conséquence logique et en quelque sorte naturelle d'une première infraction avec
laquelle elle se confond intimement ».

1 Voir C.S.J., 15 avril 1975 ; C.S.J., 20 décembre 1978.


2 C.S.J., R.P. 152, 02 avril 1977.
3 J. BORRICAND et A.-M. SIMON, op. cit., p. 58.
4 Colmar, 25 mars 1958.
5 Cités par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 152.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C'est le cas d'un individu qui porte des coups et cause des blessures
volontaires, et n'assiste pas par la suite sa victime. On considère qu'il
serait absurde de reprocher à quelqu’un de n'avoir pas apporté secours à
celui qu'il a par ailleurs volontairement agressé. Dans ce cas, on retiendra
donc les coups et blessures volontaires et rejettera l'omission de porter
secours à une personne en danger1. De même, on ne peut poursuivre
pour recel le voleur qui garde chez soi les objets qu'il a frauduleusement
soustraits, car c'est dans la nature des choses qu'il les a gardés, s'il les a
volés, c'est bien pour se les approprier2.

Point 2
Les qualifications alternatives

Les qualifications sont alternatives lorsque les faits sont susceptibles de


plusieurs qualifications variables en fonction de la nature ou du degré de l'élément
moral exigé ; les qualifications sont toutes justes, cependant, une seule
d'entre elles doit être retenue, et les autres, rejetées3. Ainsi, les coups
mortels tombent sous la qualification de meurtre s'ils sont été portés
dans l'intention de tuer ; ils constituent un assassinat s'ils ont été
prémédités ; ils formeront un homicide préterintentionnel si la mort est
survenue alors que l'agent n'avait aucune intention de la causer.

Paragraphe 2
Le concours d'infractions

Le concours d'infractions est réalisé lorsque, dans une situation


donnée, l'inculpé doit répondre à la fois de plusieurs infractions dont
aucun n'a encore fait l'objet d'un jugement définitif4. Le concours est
idéal ou matériel.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 152.


2 Idem.
3 Ibidem.
4 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 87 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p.

153.

685
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Le concours idéal

« Lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera
seule prononcée »1. C'est l'hypothèse du délit complexe, dans lequel le même
fait constitue plusieurs infractions. C'est le cas d'un adultère commis au
bord de la route, constituant en même temps un adultère, en même
temps un outrage public à la pudeur.
Une hypothèse voisine est celle du délit collectif2, dans lequel, en
raison de l'unité d'intention délicieuse, plusieurs infractions de même
nature pénale, mais séparées par le temps ou le lieu, peuvent être
considérées comme ne formant qu'une seule infraction et ne devant être
sanctionnées que par une seule peine. C'est le cas de plusieurs coups
donnés au cours d'une même rixe, d'une suite d'adultères, du vol d'une
collection.
Une autre hypothèse est celle du délit continué3, dans lequel plusieurs
faits différents et de nature pénale différente peuvent également être
considérés comme n'appelant qu'une sanction, « en raison de l'unité de
conception et de but, en raison du fait qu'ils entrent dans un même plan
délictueux, dans un même plan d'activité criminelle ». C'est le cas d'un
faux en écriture commis pour masquer un détournement.
En matière de délit collectif, il n'y a qu'une seule peine à prononcer, puisqu'il
ne s'agit que d'une seule infraction4. Mais, en cas de délit complexe et de
délit continué, il y a plusieurs infractions sanctionnées par une seule
peine : la plus forte5.

Point 2
Le concours matériel

Il y a concours matériel lorsqu'un même sujet accomplit « plusieurs


infractions distinctes, non réunies par une même intention délictueuse » et dont
aucune n'a encore fait l'objet d'un jugement définitif6. Lorsqu'un élément

1 Art. 20 Al. 1, Code pénal.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 153.
3 Idem.
4 Ibidem., p. 158.
5 C.S.J., Arrêt R.P. 142, 04 mai 1974 ; C.S.J., Arrêt R.P. 21/CR, 05 octobre 1979

; C.S.J., Arrêt R.P.A. 111, 15 novembre 1985.


6 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 153.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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du dossier n'établit pas à suffisance que les infractions retenues à charge


du prévenu sont reliées par une seule intention persistante pour
constituer une infraction collective, il y a concours matériel1.
Ainsi, il a été jugé que les infractions d'assassinat par les exécutions
de trois personnes ne sont pas en concours idéal et ne constituent pas
une infraction collective lorsqu'elles ne forment pas une activité
criminelle unique établie par une unité de conception et de but, elles sont
en concours matériel2.
En cas de concours matériel, « le juge prononcera une peine pour chaque
fait et il cumulera les peines prononcées »3, sous réserve de quelques limitations
: la peine de mort et la servitude pénale à perpétuité absorbent toute
peine privative de liberté ; la somme des peines de servitude pénale à
temps ne pourra dépasser le double du maximum de la peine la plus forte
prévue par la loi, ni être supérieure à 20 ans4. Signalons que la peine
absorbante n'est pas celle prévue par la loi, même celle effectivement
prononcée, compte tenu éventuellement des circonstances atténuantes5.

1 C.S.J., Arrêt R.P. 142, 04 mai 1974.


2 C.S.J., Arrêt R.P.A. 16, 12 mai 1972.
3 Art. 20 Al. 2, Code pénal.
4 Art. 20 Al. 2, Code pénal.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 159.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE
L'INFRACTION
L'infraction est une action ou une omission, volontaire ou
involontaire, prévu et puni par la loi pénale. Celle-ci, existant
préalablement, élabore les conditions dans lesquelles un fait social
tombera sous le coup de son incrimination. Elle les « prévoit » en avance.
Ainsi, saisi des faits (votre honneur, il a tiré deux balles en plein dans la
poitrine de mon frère !), l'autorité judiciaire vérifie si certaines
conditionnalités sont réunies et, le cas échéant, constate l'existence de
l'infraction et prononce la sanction. Ces conditionnalités, qui sont les
éléments constitutifs de l'infraction, sont préalablement définis par la loi.
Elles sont au nombre de deux : l'élément matériel et l'élément moral.
L'élément matériel de l'infraction renvoie à « tout ce qui se rattache à
la réalisation de l’infraction, à l’exception de l’élément moral : il n’existe pas
d’infraction sans activité matérielle »1. Plus précisément, il s'agit de l'action, ou

1 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 139.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de l'omission, prévu et puni par la loi pénale. Quant à l'élément moral, il


renvoie à l'intentionnalité, à la volonté qui conduit l'élément matériel.
Cependant, si l'élément moral nécessite souvent une intention, le
législateur prévoit parfois aussi l'absence d'intention, de volonté, dans ce
cas, c'est le manque de diligence, ou la négligence de l'agent qui est
réprimée.
Ainsi se présente la structure bipartite de l'infraction communément
admise par la doctrine1. La notion d’élément légal a été abandonnée au
profit de celle de « préalable légal ». En effet, « la loi existait avant
l’infraction, elle lui est concomitante et au surplus elle lui survivra »2.

1 Lire M.-L. RASSAT, Droit pénal spécial, Dalloz, Paris, 2018, p. 23 ; B. BOULOC,
op. cit., p. 219 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 139 ; NGOTO NGOIE
NGALINGI, op. cit., p. 40.
2 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 139.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
L'élément matériel
« La loi ne scrute ni les reins ni le cœur »1. Elle attend, pour intervenir,
que la résolution criminelle se manifeste par des actes extérieurs. Le droit
pénal qui protège la société ne réprime pas les simples idées et intentions
criminelles, non plus que la résolution de commettre un délit, car elles
ne troublent pas l’ordre social2. C'est là une garantie contre l’arbitraire
des pouvoirs publics qui ne pourront pas faire de procès de tendance,
d’opinion3.
Plusieurs catégories d'infractions se distinguent selon la nature de
l'élément matériel : ainsi, l'infraction peut être de commission ou
d'omission ; matérielle ou formelle ; instantanée, continue ou d'habitude
; consommée ou simplement tentée, ou même encore, tout simplement
impossible.

Section 1
Les infractions de commission et d'omission

L'infraction de commission est celle dont la réalisation exige un acte


positif4 . C'est le cas de la plupart des infractions du code pénal — le fait
de donner la mort, pour le meurtre ; la soustraction frauduleuse d'un
bien appartenant à autrui, pour le vol… —. L'acte positif peut être un
geste, un écrit, une parole, une attitude…
Mais il arrive que le législateur réprime le fait de ne pas faire quelque
chose. En clair, il oblige l'agent à agir de telle ou telle manière, sous la
menace de la sanction. Ce sont des infractions d'omission, qui se
réalisent par inaction, ou par abstention. Le législateur incrimine ici une
passivité coupable5. C'est le cas de l'omission de porter secours à une
personne en danger.
Certaines omissions sont assimilées à des actions. Ce sont les
infractions de commission par omission. Il s'agit concrètement
d'abstentions que le législateur assimile et des actions et punit comme
telles. Le législateur réprime ici l’inaction volontaire d’une personne qui

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 134.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 221.
3 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 109.
4 Idem.
5 X. PIN, op. cit., p. 171.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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aboutit à un résultat semblable à celui qui aurait été causé par une action
incriminée1. C'est le cas de la non-assistance à personne en danger.

Section 2
Les infractions matérielle et formelle

L'infraction matérielle est celle dans laquelle le résultat est un élément


même de l’infraction2. C'est le cas de la plupart des infractions. Ainsi par
exemple dans le cas du meurtre, l'infraction n'est établie que si la
personne est effectivement morte.
À côté, l'infraction formelle est celle qui existe indépendamment de tout
dommage, même si le résultat voulu par l’agent n’a pas été obtenu3. Le législateur
réprime ici les procédés mis en place par l'agent pour atteindre ses fins, peu
importe s'il ne les a pas atteints. C'est le cas de l’administration de
substances nuisibles. C'est le seul fait d'avoir mis une substance nuisible
dans le verre de la victime qui tombe sous le coup de l'infraction, que
celle-ci l’ait finalement pris ou pas.

Section 3
Les infractions instantanée, continue ou d'habitude

Paragraphe 1
La distinction

L'infraction instantanée se réalise en un trait de temps4, c'est-à-dire,


par une action ou omission exécutée en un instant ou dont la durée
d'exécution plus ou moins longue est indifférente à la réalisation de
l'infraction5.
Ainsi, le vol est une infraction instantanée, peu importe la durée
pendant laquelle l'agent a conservé le bien. Le vol se réalise en un trait
de temps, au moment de la soustraction frauduleuse du bien d'autrui. Le
meurtre est également une infraction instantanée, il se réalise au moment
où la personne perd la vie.

1 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 110.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 233.
3 Idem.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 205.
5 B. BOULOC, op. cit., p. 225.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'infraction continue consiste dans une activité délictueuse ou dans une


omission permanente délictueuse1. Ce qui caractérise cette infraction, c'est la
volonté persistante de l'agent de se maintenir dans un état contraire à la
loi, la volonté actuelle et permanente de l'agent de délinquer.
C'est le cas du recel, dans lequel l'agent conserve un bien provenant
d'un vol par exemple, le lundi, le mardi, toute la semaine, tout le mois…
sans discontinuer. Il y là une action qui se prolonge dans le temps et qui
s'y prolonge par la réitération constante de la volonté coupable de
l’auteur après l’acte initial (de garder la chose).
L'infraction d'habitude est constituée par la réitération d'un certain
fait. En fait ici, l'infraction n'est pas posée en un trait de temps, ni de
manière prolongée dans la durée, mais de manière successivement répétée
dans le temps. En clair, l'infraction d'habitude est une réitération de faits
instantanées. « La commission d'un seul fait n'a pas paru suffisamment
antisocial pour appeler la sanction (...) c'est l'habitude qui est réprimée,
et non le fait isolé »2.
C'est le cas de l'exercice illégal de l'art de guérir. La doctrine3
considère que deux faits suffisent pour constituer un délit d'habitude, à
la condition qu'ils soient séparés par un intervalle inférieur au délai de
prescription.

Paragraphe 2
L’intérêt de la distinction

Point 1
En matière de prescription

L'intérêt de la distinction réside premièrement en matière de


prescription4. Pour les infractions instantanées, le délai de prescription
commence à courir dès l'instant où le fait incriminé est commis. Ainsi pour le
meurtre, le délai court dès le moment où la victime perd la vie.
En cas d'infraction continue, le délai court le jour où la situation
délictueuse a cessé. Ainsi pour le recel, la prescription commence à courir
au moment où l'agent se sépare de l'objet recelé.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 206.


2 Idem.
3 Ibidem., p. 207.
4 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 149 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 207

; B. BOULOC, op. cit., p. 228.

693
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En cas d'infraction d'habitude, le délai commence à courir après la


commission du dernier fait qui, ajouté aux précédents, forment l'habitude. En cas
d'exercice illégal de l'art de guérir, par exemple, la prescription court à
partir du dernier jour où l'agent a illégalement guéri une personne.

Point 2
En matière d’application de la loi pénale dans le temps

L'intérêt réside également quant à l'application de la loi pénale dans


le temps1. La loi nouvelle plus douce sera appliquée dans tous les cas,
instantanée, continue ou d'habitude.
En revanche, si elle est sévère, la situation sera différente. Elle ne
s'appliquera pas aux infractions instantanées commises avant son entrée
en vigueur. Mais elle s'appliquera aux infractions continue et d'habitude,
à condition que la continuité ou l'habitude ait continué après son entrée vigueur.
En clair, si la nouvelle loi augmente le taux de la peine en cas de
recel, elle s'appliquera à l'agent qui, après son entrée en vigueur, aura
continué à garder le bien recelé. Elle s'appliquera à l'agent qui, après son
entrée en vigueur, aura une nouvelle fois guéri illégalement. Cependant,
elle ne s'appliquera pas à eux si, depuis son entrée en vigueur, ils n'ont
pas poursuivi la commission de l'infraction. Dans ce cas, ils seront jugés
par la loi ancienne, moins sévère.

Point 3
En matière d’application de la loi pénale dans l'espace

Quant à l'application de la loi pénale dans l'espace, la loi congolaise


s'applique si un des éléments constitutifs de l'infraction a été posé au Congo2. En
clair, l'infraction commencée à l'étranger mais continuée au Congo sera
considérée comme commise au Congo3.

1 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 150 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 208


; B. BOULOC, op. cit., p. 229.
2 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 25.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 209.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 4
La tentative punissable

La complexité du crime exige souvent toute une procédure dans


son accomplissement. Toute une série d'actes assez complexes devant
s'échelonner dans le temps et aboutir à la consommation de l'infraction,
c'est-à-dire, à la perpétration du comportement effectivement réprimé
par le législateur (l'infraction est dans ce cas matérielle ou formelle). Ce
cheminement, appelé « iter criminis », va de la simple pensée et
représentation psychologique du crime jusqu’à la production du résultat
recherché, en passant par la résolution, la préparation, le commencement
d’exécution et l’exécution elle-même1.
Mais il peut arriver que l'agent manque à l'exécution de l'infraction,
soit qu'il n'a pu aller jusqu'au bout de la procédure, du chemin vers le
crime, mais est quand même allé suffisamment loin pour démontrer son
intention criminelle — c'est-à-dire a franchi le Rubicon du crime, le stade
de non-retour —, soit qu'il a effectivement posé tous les actes
d'exécution de l'infraction, mais que celle-ci a tout de même manqué son
effet, et dans ce cas comme dans le premier, par une volonté extérieure
à celle de l'agent. Il se pose alors la question de savoir, si dans ces cas,
l'agent devrait être puni, et de quelle manière.
Deux conceptions s'opposent. Selon une conception objective qui
tient compte exclusivement du trouble social et de la gravité de ce
trouble, l'infraction simplement tentée ne doit pas être punie puisqu'elle
n'a causé aucun trouble à l'ordre social ou tout au moins un trouble
moindre que l'infraction consommée2. Selon une conception subjective qui
prend en considération non plus le résultat de l'acte, mais la perversité
de son auteur, la tentative qui révèle l'intention criminelle et le caractère
dangereux de l'agent est socialement aussi grave que l'infraction
consommée ; elle doit, dès lors, être sanctionnée, et aussi sévèrement3.
La législation congolaise a opté pour la conception subjective, en ce
qu'elle dispose que « la tentative est punie de la même peine que l'infraction
consommée »4. Et, puisque la tentative paraissait manifestement contraire
au principe de légalité, en ce que la personne était punie sans avoir
accompli tous les actes matériels prévus par la loi, cette dernière a tenu

1 B. BOULOC, op. cit., p. 232.


2 Idem., p. 233.
3 Ibidem.
4 Art. 4 Al. 2, Code pénal.

695
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de définir la tentative. Elle dispose qu' « il y a tentative punissable lorsque la


résolution de commettre l'infraction a été manifestée par des actes extérieur qui,
forment un commencement d'exécution de cette infraction et qui n'ont été suspendus
ou qui n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté
de l'auteur »1.
La tentative punissable est donc une entreprise criminelle ou
délictuelle qui n’atteint pas son résultat mais que le législateur punit
comme l’infraction consommé2. Deux formes de tentatives sont
distinguées : l'infraction tentée et l'infraction manquée.

Paragraphe 1
L'infraction tentée

L'infraction est tentée lorsque l'exécution des actes matériels consommant


l'infraction est suspendues ou interrompue par suite des circonstances indépendantes
de la volonté de l'auteur3.
Il y a tentative punissable lorsque « la résolution de commettre l'infraction
a été manifestée par des actes extérieurs (...) qui forment un commencement d'exécution
(...) et qui n'ont été suspendus (...) que par des circonstances indépendantes de la
volonté de l'auteur ». Trois conditions sont donc nécessaires : la résolution
criminelle de commettre une infraction déterminée ; des actes extérieurs
constituant un commencement d'exécution de l'infraction projetée ;
l'absence de désistement volontaire. Ces conditions sont cumulatives.

Point 1
La résolution criminelle

On ne peut concevoir de tentative non intentionnelle. La résolution


criminelle est la recherche du résultat. Cette résolution doit être déterminée, il
faut que l'agent ait eu le projet de commettre l'infraction4. La simple
acceptation du résultat dans l'éventualité où il se produirait, ne suffirait
pas à constituer la tentative.

1 Art. 4 Al. 1, Code pénal.


2 X. PIN, op. cit., p. 184 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 155.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 209.
4 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Le commencement d'exécution

Le commencement d'exécution renvoie à un ou plusieurs faits dont la


série constitue la mise en œuvre des moyens réunis pour aboutir au résultat prohibé1.
Le commencement d'exécution se distingue des actes simplement
préparatoires à la commission de l'infraction. Ces derniers, équivoques,
susceptibles de plusieurs interprétations, sont impunis et ne rentrent pas
dans la ligne du crime. C'est le commencement véritable de l'exécution
de l'infraction (et non sa simple préparation) qui constitue un élément
de la tentative, et expose son auteur à la peine.
Deux conceptions s'opposent pour définir le commencement
d'exécution. Une conception objective, pour qui, il y a commencement
d'exécution lorsque l'agent a commis un des faits qui figurent parmi les éléments
constitutifs — et les circonstances aggravantes — de l'infraction2. Ainsi pour le
vol, qui est la soustraction frauduleuse du bien d'autrui, il ne peut y avoir
commencement d'exécution que lorsque l'agent est rentré en contact
avec le bien par exemple. Mais, selon cette conception, il ne pourra y
avoir commencement d'exécution si par exemple l'agent a simplement
tendu la main vers la poche de la victime.
Selon la conception subjective, le commencement d'exécution est un
acte univoque qui révèle la volonté de commettre une infraction déterminée, de franchir
le « Rubicon du crime »3. Il y a commencement d'exécution lorsque l’acte
accompli révèle la volonté définitive et arrêtée de commettre telle
infraction4. L'acte ne constitue pas forcément l’élément matériel de
l’infraction, mais il est assez proche moralement de celle-ci, pour que
l’on puisse considérer comme infiniment probable le fait que l’agent
serait allé jusqu’au bout de son dessein si rien ne l’en avait empêché5.
Cette conception permet de punir le cambrioleur surpris en train de
fracturer un coffre-fort : il y a commencement d’exécution d’un vol bien
qu’il n’ait pas encore appréhendé l’argent ou les bijoux que contenait ce
coffre et qu’il n’y ait pas encore eu soustraction frauduleuse. Cependant,
ce n'est pas toujours si net, car l'agent aurait par exemple pu être à la

1 Ibidem., p. 211.
2 B. BOULOC, op. cit., p. 238.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 212.
4 B. BOULOC, op. cit., p. 238.
5 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 113.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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recherche d'un secret tout simplement, sans intention de prendre quoi


que ce soit.
Certains auteurs1 font prévaloir une conception mixte, prenant en
compte à la fois l'activité matérielle et la résolution criminelle. Le
commencement d'exécution doit être déterminé à la fois par la distance
matérielle et morale très courte. Il apparaît comme un acte révélant sans
équivoque la résolution arrêtée par l’agent de réaliser l’infraction. Plus précisément,
le commencement d’exécution est un acte qui révèle chez son auteur le
désir et le pouvoir d’aller jusqu’au bout : l’agent a (ou croit avoir) la
maîtrise des moyens d’exécution et il agit de telle sorte qu’il ne reviendra
plus en arrière ; on dira qu’il a « brûlé ses vaisseaux »2.
C'est la conception adoptée par la Cour de cassation française, qui
considère que le commencement d'exécution est soit, un acte « tendant
directement à l’infraction avec l’intention de la commettre »3, soit un acte ayant «
pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime, celui-ci étant entré dans
la période d’exécution »4, soit enfin un acte qui tend « directement et
immédiatement à la réalisation de l’infraction projetée »5 « lorsqu’il a été accompli
avec l’intention de le commettre »6.

Point 3
L'absence de désistement volontaire

Il y a tentative punissable lorsque l'auteur ne suspend pas spontanément,


de son propre chef, son activité, mais met fin à sa tentative à la suite d'un événement
extérieur. Le commencement d'exécution ne suffit pas pour qu'il ait
tentative. L'agent a encore la chance de se repentir. La loi veut l'y
encourager.
Le désistement est sans aucun doute volontaire lorsqu'il n'a été
déterminé par aucune cause extérieure à l'agent, mais par la seule décision
de celui-ci, quel qu'en ait été le motif (pitié, remords, crainte du châtiment,
peur physique). C'est le désistement spontané7.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 213 ; X. PIN, op. cit., p. 185.


2 X. PIN, op. cit., p. 185.
3 Cass. fr., Crim., 5 juill. 1951.
4 Cass. fr., Crim., 25 oct. 1962.
5 Cass. fr., Crim., 19 juin 1979.
6 Cass. fr., Crim., 29 déc. 1970.
7 B. BOULOC, op. cit., p. 241.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Il n'y a pas désistement volontaire lorsque l’arrêt de l’activité


délictueuse est le résultat d’une cause extérieure à l’agent, comme un
manque de coordination, la fuite de la victime, une déficience physique
momentanée, l’intervention de la police ou d’un tiers1.
Il y a désistement volontaire lorsque l'agent suspend son activité
délictueuse par suite du conseil d'un tiers, car cette intervention n'ayant
pas de caractère contraignant sur l'agent, le désistement émane donc de
sa propre repentance2.
Dans tous les cas, le désistement doit être antérieur à la
consommation de l'infraction. Le fait pour l'agent de tenter de réparer
les conséquences de son acte après la commission de l'infraction — par
exemple, l'agent qui remet à sa place le bien volé —, n'est pas un
désistement volontaire, mais un repentir actif, qui ne produit aucun effet
sur l'existence de l'infraction3. Tout au plus peut-il constituer une
circonstance atténuante4.

Paragraphe 2
L'infraction manquée

« Il y a tentative punissable lorsque la résolution de commettre l'infraction a été


manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d'exécution de cette
infraction (...) et qui n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes
de la volonté de l'auteur ».
L’infraction manquée correspond à la situation de l’agent qui a tout
fait pour parvenir au résultat mais qui manque son but, soit par
maladresse (par exemple, l’agent tire sur sa victime mais il la manque car
le coup était mal ajusté), soit à cause d’une intervention extérieure (la
victime esquive la balle, un obstacle s’interpose). À la différence de
l’infraction tentée, l’infraction manquée révèle une situation pour
laquelle la phase d’exécution de l’infraction est terminée. Les actes
constitutifs de l’infraction ont bel et bien été accomplis. Pour autant,
l’infraction n’est pas consommée puisque l’objectif n’a pas été atteint

1 Voir par ex. Cass. fr., Crim., 2 févr. 1961.


2 Cass. fr., Crim., 20 mars 1974.
3 Cass. fr., Crim., 18 janv. 1972.
4 B. BOULOC, op. cit., p. 242 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 215 ; X. PIN, op.

cit., p. 188.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pour une quelconque raison1. L'hypothèse de l'infraction manquée n'est


concevable que pour les infractions matérielles2.
Deux conditions cumulatives sont ainsi requises : l'accomplissement de
tous les actes d'exécution ; et l'échec de ces actes, par une volonté extérieure à celle de
l'agent. Ainsi il y a infraction manquée dans le cas d'un meurtrier
maladroit qui manque sa victime.

Paragraphe 3
L’infraction impossible

Qu'arrive-t-il si dans tous les cas, le résultat était impossible à


atteindre ? Si l'enfant étranglé était déjà mort-né, ou si la proche était
vide ?
L'infraction impossible est celle dont le résultat recherché par l'auteur
n'a pu être atteint, soit par manque d'objet, soit par inefficacité de moyens utilisés3.
La punissabilité de l'infraction impossible a donné naissance à deux
théories opposées4.
La théorie objective, préconise l’impunissabilité de la tentative, au motif
que l'ordre social n'a pas été troublé. Par ailleurs, la tentative nécessite
un commencement d'exécution, qui est impossible en matière
d'infraction impossible, parce qu'on ne peut pas exécuter l'impossible.
Par contre, la théorie subjective préconise la répression systématique de
l'infraction impossible, au motif que sur le modèle de l'infraction tentée,
l'agent a posé tous les actes nécessaires à la commission de l'infraction
et, par-là, a manifesté son caractère socialement dangereux.
Des théories intermédiaires préconisent la distinction entre
impossibilité absolue, caractérisée soit par l’inexistence de l’objet du délit
(l’individu qu’on a voulu tuer était déjà mort), soit par l’inefficacité des
moyens employés (tuer avec un fusil qui n’est pas chargé, empoisonner
avec des substances non toxiques) ; de l'impossibilité relative, dans laquelle
l’objet existe mais ne se trouve pas là où l’agent croyait qu’il se trouvait,
ou lorsque les moyens employés, efficaces en eux-mêmes, ne l’ont pas
été par suite de leur utilisation maladroite. Dans cette théorie, seule
l'impossibilité relative serait réprimée.

1 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 161.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 215 ; P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 162.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 218.
4 Ibidem ; B. BOULOC, op. cit., p. 244.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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D'autres théories encore, proposent une distinction entre


impossibilité de droit, en cas d'absence d'un élément constitutif de
l'infraction (l'enfant étranglé est mort-né) ; et impossibilité de fait, tenant
aux moyens utilisés ou à l’emplacement de l’objet. Seule l'impossibilité
de fait serait réprimée.
Après avoir penché plutôt pour la théorie objective1, puis pour la
position intermédiaire distinguant impossibilité absolue et relative2, la
Cour de cassation française a adopté une position subjective3,
préconisant la répression des infractions impossibles en les assimilant
aux infractions tentées, au motif que comme l'infraction tentée,
l'infraction impossible réunit les conditions de résolution criminelle, de
commencement d'exécution et d'absence de désistement volontaire. Dès
lors, elle doit être réprimée comme telle. Dans sa décision phare, elle a
jugé qu' « attendu qu'à supposer établi que X. croyant Y. encore en vie,
ait exercé sur celui-ci des violences dans l'intention de lui donner la mort,
il n'importe, pour que soit caractérisée la tentative d'homicide volontaire,
que la victime fût déjà décédée, cette circonstance étant indépendante de
la volonté de l'auteur et lesdites violences caractérisant un
commencement d'exécution au sens de l'article 2 du Code pénal »4.
La jurisprudence congolaise semble plutôt pencher du côté de la
distinction entre impossibilité absolue et relative. Ainsi a-t-il été jugé que
« le fait de frapper un cadavre ne peut constituer une tentative de
meurtre, parce que toute tentative suppose la possibilité d'accomplir
l'infraction que l'agent veut commettre (...) Ce principe implique
toutefois que l'impossibilité d'accomplir l'infraction soit une
impossibilité absolue, qui existe soit dans l'objet, soit dans les moyens,
et qui est insurmontable d'après les lois même de la nature »5.

1 Cass. fr., Crim., 6 janv. 1859.


2 Cass. fr., Crim., 4 nov. 1876.
3 Cass. fr., Crim., 9 nov. 1928.
4 Cass. fr., Crim., 16 janv. 1986.
5 Boma, 29 sept. 1908 ; Voir aussi Maniema, 25 sept. 1941 ; 1e Inst., Stan. (appel),

16 avril 1957.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
La répression de la tentative punissable

« La tentative est punie de la même peine que l'infraction consommée »1. La


doctrine2 estime que « cette solution est de sagesse. L'auteur de la
tentative punissable a montré le mépris qu'il a vis-à-vis de la loi et des
valeurs qu'elle protège. Et s'il n'a pas atteint le résultat prohibé, cela est
dû à une circonstance extérieure sur laquelle la dissuasion pénale n'a pas
prise et qui ne doit pas lui profiter ».

1 Art. 4 Al. 2, Code pénal.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 228.

702
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
L'élément moral
Le droit ne punissant plus les animaux1, l'infraction est aujourd'hui
essentiellement le fait de l'homme. Les définitions légales des éléments
matériels de chaque infraction renvoyant à des actes, faits, gestes,
paroles, écrits… laissent entendre que l'infraction ne peut être qu'un fait
humain. Ainsi exprimait Ortolan2, « un fait, quelque préjudiciable qu'il soit,
n'est qu'un malheur si vous faites abstraction de toute considération de personne. Ce
ne sont pas les faits qui violent le droit qui sont punissables, ce sont les personnes ».
C'est donc la volonté humaine qui forme l'élément moral de
l'infraction, nécessaire, avec l'élément matériel, à sa cristallisation. On
dira donc que « l’élément moral est l’essence de l’acte infractionnel, l’élément
matériel n’étant que la simple manifestation extérieure (...) il est nécessaire pour que
l’agissement délictueux puisse être imputé à son auteur »3. Le législateur ne
réprime donc que les agissements infractionnels volontaires, sauf
quelques exceptions, quand il punit la négligence de l'auteur.

Section 1
La personne responsable

Engage sa responsabilité pénale, la personne physique qui accomplit


matériellement tous les actes prohibés par la loi4. C’est, par exemple,
celui qui tire le coup de feu mortel ou celui qui dérobe des bijoux ou de
l’argent. Dans l’hypothèse d’une infraction d’omission, est auteur celui
sur qui pesait l’obligation d’agir5, peu importe s’il avait chargé un
professionnel, qui n’a pas exécuté sa mission, d’accomplir l’acte à sa
place6.
Il importe peu que l’auteur ait conçu et décidé seul de commettre
l’infraction, ou que celle-ci ait été provoquée ou préparée par un autre
dont il n’a été que l’agent d’exécution. Peu importe également qu’il l’ait
exécutée seul ou avec d’autres ; du moment qu’il a accompli lui-même
les actes matériels d’exécution, il est l’auteur matériel.

1 Lire R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 27.


2 Cité par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 235.
3 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 125.
4 Idem., p. 195.
5 Cass. fr., Crim., 7 avr. 1999.
6 Cass. fr., Crim., 11 juin 1970.

703
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le principe est celui de la responsabilité pénale des personnes physiques1.


C'est en effet à des personnes physiques dont parle le législateur dans
chaque infraction (quiconque, toute personne, celui qui…).
La responsabilité pénale des personnes morales n'est pas admise en de congolais,
en tout cas en principe2, les dirigeants de la personne répondent à sa place.
Ainsi a-t-il été jugé que « si les statuts d'une société commerciale n'ont
pas été publiés au moniteur congolais alors que dépôt en avait
effectivement été effectué au greffe du tribunal compétent, la
responsabilité en incombe aux organes de la société à qui l'on ne peut
faire grief de cette carence »3. C'est que, les textes pénaux visent dans
leur rédaction essentiellement les personnes physiques. En plus, il y a
impossibilité à appliquer l'essentielle des sanctions pénales aux
personnes morales4.
Cependant, cette conception est aujourd'hui dépassée. On est venu
à reconnaître que les personnes morales constituent « des forces sociales
dans la vie moderne, dont le caractère dangereux se manifeste par la
commission des infractions »5. Par ailleurs, la personne morale est
capable de volonté, qu'elle forme et exprime au travers de ses organes
(assemblée générale, conseil d'administration…). Enfin, il existe une
série de peines parfaitement adaptées à la nature de la personne morale,
telles que l'amende, la dissolution ou la fermeture, l'interdiction d'exercer
une profession déterminée… Ces considérations ont été prises en
compte par le législateur français, qui admet expressément la
responsabilité pénale des personnes morales, à l'exclusion de l'État, à la
double condition que l'infraction soit commise par un organe de la
personne morale, et que l'infraction ait été commise pour le compte de
la personne morale6. Le droit congolais semble aussi évoluer dans ce
sens7. La doctrine l'y encourage8.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 236.


2 Idem., p. 252.
3 C.S.J., 21 janvier 1971.
4 Ibidem., p. 249.
5 Congrès de l'association internationale du droit pénal, Bucarest 1928.
6 B. BOULOC, op. cit., pp. 296-306.
7 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 253.
8 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 52.

704
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
La participation criminelle

L'infraction est rarement l'œuvre d'une seule personne. Elle est


souvent le résultat de la collaboration de plusieurs personnes. C'est
l'hypothèse de la participation criminelle, réalisée lorsque plusieurs
personnes ont contribué à la réalisation d'une infraction en y prenant une part plus
ou moins active et directe1. La participation peut revêtir deux formes : la
corréité ou coactivité, lorsque la contribution s'avère directe ou
indispensable ; la complicité, lorsque l'aide apportée, sans être nécessaire,
est néanmoins utile2.

Paragraphe 1
Conditions générales de la participation criminelle

La participation criminelle, à titre de corréité ou de complicité,


requiert cumulativement l'existence d'une infraction principale ; un acte
de participation selon les modes prévus par la loi pour la corréité ou la
complicité ; et un élément moral.

Point 1
Existence d'une infraction principale

Toute participation n'est pas punissable. Seule est réprimée, le fait


de participer à la commission d'une infraction3. Ainsi, il n'y a pas
participation dans le chef de celui qui aide une personne à se suicider,
car le suicide n’est pas une infraction.
Il n'y a pas non plus participation si l'infraction principale est couverte
d'une cause objective de justification — légitime défense, état de nécessité,
ordre de la loi par exemple —, ni si elle est amnistiée ou prescrite. Toutefois,
la participation demeure si l'infraction n'est pas imputable à l'auteur
principal — démence, contrainte irrésistible, erreur invincible —. De
même, elle demeure si l'infraction principale est simplement tentée.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 255.


2 Idem.
3 Ibidem., p. 255.

705
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Acte de participation

La participation n'est punissable que quand elle se réalise selon un


des modes prévus par les articles 21 pour la corréité, et 22 du code pénal pour la
complicité. La participation obéit ainsi au principe de légalité. Ainsi s'exprime
Haus1, « la loi ne pourrait sans danger, autoriser le juge à réprimer tous
les actes de participation, à punir des provocations même indirectes, des
instigations ou excitations de toute nature (...) Son devoir lui commande
de spécifier les circonstances constitutives de la participation criminelle,
de définir, avec toute la précision possible, les faits par lesquels on doit
avoir coopéré à un crime ou à un délit, pour pouvoir être condamné du
chef de cette coopération ».
Les modes légaux de participation sont limitatifs et de stricte
interprétation, ils n'admettent aucune analogie2.
Les actes de participation sont des actes positifs, en principe. Il a été
jugé que « la loi pénale ne punit pas la complicité par inaction »3. « La
participation criminelle par inaction n'est pas prévue par la loi et est
d'ailleurs contraire aux principes généraux de droit. N'est pas punissable,
celui qui, en raison de son autorité, aurait pu empêcher la perpétration
de l'infraction et ne l'a pas fait »4.
Toutefois, certaines abstentions circonstanciées ou qualifiées sont
retenues comme actes de participation lorsque, à l'analyse, elles s'avèrent
revêtir un acte positif5. Ainsi, a été condamné comme complice, l'amant
qui avait seulement assisté à l'avortement de sa maîtresse, parce que par
sa présence et par son attitude, il avait apporté un appui moral à l'auteur
de l'avortement6. De même, l'omission d'accomplir un devoir est
considéré comme acte de participation. Ainsi, a été condamné comme
coauteur, la sentinelle qui, préposée à la garde d'un magasin, s'abstient
de réveiller son patron, de le prévenir de l'action d'un voleur et laisse
celui-ci fracturer la porte du magasin et emporter des marchandises7. De
même a été condamné, un chef de village, jouissant d'une autorité réelle

1 Cité par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 256.


2 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 46.
3 Boma, 18 sept. 1906.
4 Boma, 18 sept. 1905.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 257.
6 Cass. fr., Crim., 5 Nov. 1941.
7 1e Inst., Stanleyville, 28 oct. 1953.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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sur les habitants, qui avait assisté aux préparatifs d'un assassinat et à
l'assassinat1.
Pour être punissable, l'acte de participation doit être consommé.
Ainsi, disent Stefani et Levasseur2, « si l'on ne peut être poursuivi comme
complice d'une infraction tentée par un tiers, on peut ne peut pas l'être pour avoir tenté
d'être complice. S'il y a complicité de tentative, il n'y a pas de tentative de complicité
».
Enfin, pour être punissable, l'acte de participation doit être antérieur
ou concomitant à la commission de l'infraction3 Les actes postérieurs sont
en principe exclus. Cependant, la loi peut prendre en compte des actes
de participation postérieurs. C'est le cas de celui qui aide le voleur à
transporter les biens volés des lieux où ils viennent d'être soustraits4.

Point 3
L'intention criminelle

Lorsqu'il posé son acte, le participant doit savoir qu'il favorise


l'exécution d'une infraction déterminée. Il doit y contribuer volontairement,
dans l'intention d'y participer, avec le dessein d'en faciliter la préparation
ou l'exécution.
Cet élément moral ne se ramène pas à la simple simultanéité ou
juxtaposition avec l'acte principal. Il ne suffit pas que les agents
commettent la même infraction conjointement, ni hasardeusement. Il
faut, dit Haus5, « un concours de volontés pour atteindre un projet
commun ». Ainsi a-t-il été jugé que « l'élément constitutif de participation
criminelle réclamant entre l'auteur et son complice un concert de volonté
ou une entente préalable faisant défaut, la complicité n'est pas établie »6.

1 Anvers, 24 août 1903.


2 Cités par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 258.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 258.
4 Idem.
5 Cité par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 259.
6 C.S.J., Arrêt R.P.A. 28, 20 août 1974.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Les modes de participation

Point 1
La corréité

Le coauteur est celui qui apporte à la réalisation de l'infraction une


aide nécessaire, indispensable1. Les actes de participation à titre de
coauteur consistent en l’exécution matérielle et la coopération directe ;
l’aide et l’assistance indispensables et la provocation.

A. Exécution matérielle et coopération directe

Sont coauteurs d'une infraction, « ceux qui l'auront exécutée ou qui


auront coopéré directement à son exécution »2. C'est l'hypothèse de la corréité
par exécution matérielle ou coopération directe.
Il s'agit d'abord, de l'exécution matérielle, qui consiste à poser les actes
constituant l'infraction ou une partie de sa réalisation — celui qui tire une balle
dans la poitrine de la victime pose l'acte matériel de meurtre —. Il s'agit
ensuite, de la coopération directe, l'intervention directe de l'agent dans la
commission de l'infraction, sans toutefois réaliser les éléments matériels de celle-ci —
celui qui immobilise la victime pendant que l'autre l'égorge, coopère
directement au meurtre, sans avoir posé l'acte matériel du meurtre qui
est le fait d'égorger la victime —.

B. Aide et assistance indispensables

Sont aussi coauteurs, « ceux qui, par un fait quelconque, auront prêté pour
l'exécution une aide telle que, sans leur assistance, l'infraction n'eût pu être commise
»3. C'est l'hypothèse de la corréité par aide ou assistance indispensables.
Il s'agit d'une aide indispensable à la commission de l'infraction, et non
simplement nécessaire. Ainsi, si le crime pouvait être commis sans leur
assistance, même avec un peu de difficultés, ceux qui auront concouru
seront des complices4.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 263.


2 Art. 21 point 1, Code pénal.
3 Art. 21 point 2, Code pénal.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 265.

708
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cette nécessité est cependant relative1, il suffit que sans elle,


l'infraction n'ait pas pu être commise de cette façon concrète — aussi
facilement, aussi rapidement, avec la même sécurité, le jour où elle a eu
lieu —.
Il a été jugé qu' « en transportant dans un coffre d'une voiture le
corps d'une victime moribonde pour l'enterrer et ensuite deux autres
victimes vivantes au lieu de leur supplice où elles furent exécutées avec
cruauté, ces exécutants sont coauteurs parce qu'ils ont prêté une aide
telle que sans leur assistance, ces assassinats n'auraient pu ainsi être
perpétrés »2.

C. Provocation

La provocation consiste à faire naître la résolution criminelle ou à la


renforcer. Son auteur est aussi appelé auteur intellectuel ou moral.

1. Étendue de la responsabilité du provocateur

La responsabilité du provocateur est entière et identique à celle de


l'auteur matériel lorsque celui-ci est resté dans les limites du mandat ou de
l'ordre reçu3, c'est-à-dire, s'il a fait exactement ce qu'on lui a demandé.
Cependant, si l'auteur matériel s'est écarté, l'auteur intellectuel ne
répondra que, si son ordre était bien précisé avec le mode d'exécution, le
choix des moyens et leur usage, et dans ce cas, uniquement de l'infraction
qu'il avait ordonnée. Il répondra également si son ordre était indéterminé et
que, dans ce cas, l'auteur matériel avait des raisons d'agir en croyant se
conformer audit ordre.
Par contre, si l'ordre était précis, l'auteur intellectuel ne répondra pas
d'une infraction différente4.
Par ailleurs, l'auteur intellectuel peut avoir changé d'avis. Dans ce cas,
il échappera à la répression, à condition d'exprimer à l'auteur matériel son
désistement de façon expresse et à temps, avant la commission de l'infraction5. Si
l'auteur matériel agit en ignorant ce désistement, il engage seul sa
responsabilité.

1 Idem.
2 C.S.J., Arrêt R.P.A. 16, 12 mai 1972.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 270.
4 Idem., pp. 271-273.
5 Ibidem., p. 273.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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2. Les formes de provocation

La provocation peut être privée ou publique.

a. Provocation privée

Sont coauteurs d'une infraction, « ceux qui, par offres, dons, promesses,
menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront
directement provoqué cette infraction »1. C'est l'hypothèse de la participation
par la provocation privée.
Il importe peu que ces promesses aient été tenues, l'essentiel est
qu'elles aient déterminé l'auteur principal à commettre l'infraction. De
même pour la menace, le juge ne prend en compte ni sa gravité, ni sa
dangerosité, ni sa nature… il suffit qu'elle ait déterminé l'agent à
commettre l'infraction. Quant aux machinations et artifices coupables,
elles désignent selon Haus2, la fraude, le déguisement, la ruse dont on
fait usage pour tromper celui que l'on veut déterminer à commettre un
crime ».
Il a été jugé que « constitue un acte de participation criminelle à
l'infraction d'arrestation arbitraire, un ordre illégal de saisir la victime
donné par le prévenu dans une lettre trompeuse »3. De même, il a été
jugé que « participe à l'infraction de détournement de deniers publics, le
prévenu qui, sur base des machinations et artifices, crée l'espoir d'une
abondance matérielle et provoque la sortie de sommes d'argent dont il
tire profit »4. Encore, « est établie, l'infraction des coups et blessures
volontaires ayant entraîné la mort reprochée au prévenu qui, pour ce
faire, a agi avec lucidité et par calcul, par abus d'autorité, caractérisé par
la transmission des instructions et ordre illégal et qui a fourni les
menottes pour l'arrestation de la victime »5.

b. La provocation publique

La provocation publique s'adresse à un nombre indéterminé de personnes


quelconques. Elle se caractérise par sa publicité. Sont coauteurs d'une

1 Art. 21 point 3, Code pénal.


2 Cité par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 267.
3 C.S.J., Arrêt R.P., 1975.
4 C.S.J., Arrêt R.P.A. 94, 31 août 1984.
5 C.S.J., Arrêt R.P. 787, 28 avril 1987.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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infraction, « ceux qui, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des
lieux publics, soit par des placards affichés, soit par des écrits, imprimés ou non et
vendus ou distribués, soit par des dessins ou des emblèmes, auront provoqué
directement à la commettre (...) »1.

Point 2
La complicité

Modalité atténuée de participation, la complicité se forme par


l'apport à la réalisation de l'infraction d'une aide utile, certes, mais non
indispensable, à telle enseigne que l'on peut s'en passer.

A. Instructions

Sont complices d'une infraction, « ceux qui auront donné des instructions
pour la commettre »2, peu importe si ces instructions n'ont finalement pas
servi à la commission de l'infraction. Il suffit qu'elles y aient été destinées.
Ces instructions peuvent consister en des renseignement et indications
de nature à faciliter la commission de l'infraction.

B. Moyens

Sont aussi complices, « ceux qui auront procuré des armes, des instruments
ou tout autre moyen qui a servi à l'infraction sachant qu'ils devaient y servir »3.
Il a été jugé qu'il importe peu que ce moyen ait été utilisé par l'auteur
matériel pour la commission de l'infraction, il est considéré comme ayant
servi à l'action principale puisqu'il a permis de renforcer la détermination
de l'auteur4.

C. Aide accessoire

Sont également complices d'une infraction, « ceux qui (...) auront avec
connaissance aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'infraction dans les faits qui
l'ont préparée ou facilitée ou dans ceux qui l'ont consommée »5.

1 Art. 21 point 4, Code pénal.


2 Art. 22 point 1, Code pénal.
3 Art. 22 point 2, Code pénal.
4 Cass. fr., Crim., 17 mai 1926.
5 Art. 22 point 3, Code pénal.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Il a été jugé qu' « est complice des infractions de faux en écriture et


sera condamné de ce chef, le prévenu qui a demandé à l'auteur de ces
faux d'antidater les actes et d'y mentionner le nom d'une personne autre
que le bénéficiaire de la vente d'une voiture, car il apporte ainsi, avec
connaissance à l'auteur desdits actes, une aide ou une assistance dans les
faits qui ont préparé ou facilité les infractions de faux en écriture
reprochés à l'auteur poursuivi »1. De même, ont été condamnés comme
complices, les policiers qui avaient fourni à des malfaiteurs des
renseignements sur l'activité de la police afin de leur faciliter le vol2, ou
l'individu qui avait téléphoné pour faire venir la victime3.

D. Logement des malfaiteurs

Enfin, sont complices d'une infraction, « ceux qui, connaissant la


conduite criminelle des malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la
sûreté de l'Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés, leur auront fourni
habituellement logement, lieu de retraite ou de réunion »4. Il s'agit là d'un mode
de participation spéciale, réprimant les actes de complicité consistant à
fournir habituellement logement, lieu de réunion ou de retraite, à des
individus se livrant à une certaine catégorie de comportements
infractionnels.

Paragraphe 3
La répression de la participation

La loi punit de manière différente le coauteur et le complice5. Le


coauteur est puni de la même peine que l'auteur, puisque justement, il est un
auteur.
Par contre, le complice est puni d'une peine qui ne dépassera pas la
moitié de la peine qu'il aurait encourue s'il avait été lui-même auteur. En gros,
moins de la moitié de la peine prévue pour l'auteur de ladite infraction à
laquelle il a participé. Lorsque la peine prévue par la loi est la mort ou la
servitude pénale à perpétuité, la peine applicable au complice sera la
servitude pénale de dix à vingt ans.

1 C.S.J., Arrêt R.P.A. 111, 15 nov. 1985.


2 1e Inst, Elisabethville, 5 Nov. 1929.
3 Cass. fr., Crim., 21 février 1968.
4 Art. 22 point 4, Code pénal.
5 Art. 23, Code pénal.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 3
L'élément moral

Indispensable à la cristallisation de l'infraction1, l’élément moral


consiste dans le lien entre l’acte et l’auteur2. L'élément moral c'est la
faute3. La faute consiste à agir au mépris de l’interdit pénal4. Elle désigne,
disent Bouzat et Pinatel5, « l'état d'âme, la tournure d'esprit, socialement et même
moralement répréhensible ».
Sur base de cet élément moral, les infractions sont soit,
intentionnelles, soit, non-intentionnelles.

Paragraphe 1
Les infractions intentionnelles

Les infractions intentionnelles sont celles qui se commettent avec


conscience et volonté d'accomplir l'acte illicite6. Plus précisément, il y a
intention lorsque l’agent a recherché le résultat délictueux — il a agi
volontairement — et qu’il en a eu conscience — il a agi sciemment — : « il
l’a fait exprès »7.
Le dol connaît des modalités et degrés divers.

Point 1
Le dol général et le dol spécial

A. Le dol général

Le dol général consiste dans la volonté d’accomplir un acte que l’on sait
défendu par la loi8. Le dol général se rencontre dans toutes les infractions
intentionnelles, il s’agit de l’élément moral minimal9. Il a été jugé que «

1 C.S.J., Arrêt R.P. 604, 19 juin 1987.


2 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 41.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 305.
4 X. PIN, op. cit., p. 193.
5 Cités par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 305.
6 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 305.
7 X. PIN, op. cit., p. 193.
8 B. BOULOC, op. cit., p. 259.
9 X. PIN, op. cit., p. 194 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 305.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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le dol est un élément essentiel pour l'existence de toute infraction (...)


sauf dans le cas où le texte lui-même prévoit expressément la simple
faute, la simple négligence »1.

B. Le dol spécial

Le dol spécial est réalisé lorsque la volonté porte à la fois sur l'acte et ses
conséquences2. Pour Dana3, « le dol spécial consiste dans la volonté utilisée
dans le but de nuire à une valeur sociale déterminée ; le comportement
de l’agent est une réaction d’hostilité, et non de simple indifférence ».
Pour le meurtre par exemple, la loi exige en plus d'un dol général
(intention de porter un coup), un dol spécial (intention de donner la mort).
Ainsi a-t-il été jugé qu' « en mettant en œuvre des moyens de donner la
mort, à savoir l'usage d'un revolver chargé et en atteignant avec celui-ci
une partie délicate du corps de la victime pouvant entrainer des risques
graves de mort, en l'occurrence la région de l'abdomen, l'intention de
donner la mort est établie »4. « En cas de meurtre par arme à feu,
l'intention résulte de l'arme à feu employée et de l'endroit du corps où le
coup a été porté »5. En revanche, lorsque l'intention d'homicide n'a pu
être établie à suffisance de droit, bien que le prévenu ait causé la mort de
la victime, l'acte constitue simplement l'infraction d'homicide
préterintentionnel6.
Aussi, le dol spécial de toutes les infractions contre la propriété est
constitué par l'intention de s'approprier injustement le bien d'autrui7. Ainsi, « a
suffisamment démontré l'existence de l'intention frauduleuse d'abus de
confiance, la motivation fondée sur le fait que le demandeur qui avait en
vertu d'un contrat d'entreprise la détention précaire de bois et de l'argent
en vue d'un usage bien déterminé, les a utilisés à des fins propres »8.
Aussi, « la preuve de l'intention frauduleuse de l'infraction de
détournement est établie soit sur base de présomptions graves, précises
et concordantes, soit sur base de présomptions déduites de

1 Boma,15 juillet 1902.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 306.
3 Cité par B. BOULOC, op. cit., p. 259.
4 C.S.J., Arrêt 02, 01 Juin 1972.
5 C.S.J., 08 Août 1969.
6 Boma, 60 juillet 1912.
7 Boma, 14 mars et 8 avril 1911.
8 C.S.J., R.P. 124, 01 déc. 1976.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contradictions dans les explications du prévenu (...) soit aussi sur base
de présomptions résultant de la non justification concluante sur
l'utilisation de sommes détenues à titre précaire »1. « L'intention
frauduleuse de se procurer à soi-même et à autrui un bénéfice illicite
résulte à suffisance de l'approbation par le prévenu des dépenses
engagées au mépris des lois et instructions en vigueur »2. La preuve de
l'élément moral d'intention frauduleuse doit être apportée par le
Ministère public. Ainsi, « lorsque le prévenu apporte des explications
vraisemblables sur l'utilisation de fonds dont il avait la garde ou la
gestion, non démenties par le ministère public, le doute doit entrainer
l'acquittement »3.

C. Le dol plus spécial

En principe, le mobile est indifférent. L'infraction intentionnelle est


constituée, dès l'instant qu'il y a intention criminelle, quel que soit le
mobile de cette infraction4. Il a par exemple été jugé que « pour
l'existence d'une infraction de meurtre, le mobile de l'acte criminel ne
doit pas nécessairement être déterminé ou connu par le juge »5.
Cependant, il arrive que le législateur érige le mobile en élément
constitutif de certaines infractions. C'est le dol plus spécial6. C'est le cas par
exemple, du meurtre commis pour assurer l'impunité du vol ou de
l'extorsion, ou de l'enlèvement et la séquestration de personnes pour les
vendre comme esclaves, ou encore, de pas mal d'infractions à la sûreté
de l'État, telle que l'attentat dont le but aura été de détruire ou de changer
le régime constitutionnel.

1 C.S.J., Arrêt R.P. 142, 04 mai 1974.


2 C.S.J., Arrêt R.P.A. 83, 03 Jan 1984.
3 C.S.J., Arrêt R.P.A. 22, 01 Fév. 1983.
4 Cass. fr., Crim., 21 oct. 1969.
5 C.S.J., 08 Août 1969.
6 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 308.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Les causes de justification
Pour que l'agent se voit appliquer la sanction, il ne suffit pas de
démontrer dans son comportement la réunion des éléments constitutifs
de l'infraction. Encore faut-il qu'il soit reconnu responsable.
La responsabilité consiste dans l’obligation de répondre de ses actes
délictueux et en cas de condamnation, d’exécuter la sanction pénale prévue pour cette
infraction1. Cette responsabilité est la résultante de l'addition de la
culpabilité — qui suppose la commission d’une faute au sens large, soit
intentionnelle, soit d’imprudence ou de négligence qui constitue
l’élément moral de l’infraction — et de l'imputabilité, qui consiste dans la
possibilité de mettre la faute au compte de celui qui l’a commise ;
suppose la capacité de comprendre et de vouloir —2.
Cela dit, certaines circonstances sont telles que, quand elles sont
réunies dans le comportement de l'agent, elles font disparaître sa
responsabilité. Ces circonstances tiennent soit à des causes extérieures à
l'agent — on parle alors de faits justificatifs, ou de causes objectives
d'irresponsabilité —, ou intérieures à l'agent lui-même — on parle alors de
causes subjectives d'irresponsabilité ou causes de non-imputabilité.
Ces causes sont l'état de nécessité, la légitime défense, l'ordre de la
loi et le commencement de l'autorité — pour les causes objectives —, et
la démence, la contrainte irrésistible et l'erreur invincible — pour les
causes subjectives —.
La distinction loge principalement dans le fait que, les faits
justificatifs ont un caractère objectif et opèrent in rem. Elles ôtent la
criminalité de l’acte et, par conséquent, font disparaître l’infraction à
l’égard de tous, auteurs et complices. Les causes de non-imputabilité
tiennent à la personne de l’agent. Elles ont un caractère subjectif et opèrent
in personam. Liées à la culpabilité de l’agent, elles font disparaître
uniquement la responsabilité pénale de celui qui peut personnellement
les invoquer, mais les coauteurs et ses complices demeurent
responsables3.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 349.


2 Idem ; voir aussi R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 280.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 352 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 167.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le législateur congolais n'ayant pas réglementé ces causes, elles


trouvent dans notre droit leur assise dans la jurisprudence qui les
applique à titre de principes généraux du droit1.

Section 1
Les causes objectives d'irresponsabilité ou faits justificatifs

Paragraphe 1
L'état de nécessité

Point 1
Définition

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou


imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la
sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens
employés et la gravité de la menace »2.
L’état de nécessité est la situation dans laquelle une personne commet
volontairement un acte interdit par la loi pénale, afin d’éviter pour elle-même ou pour
autrui un péril actuel ou imminent3. C'est une situation de crise dans laquelle
se trouve une personne qui, pour échapper à un danger qui la menace,
ou pour sauver un tiers d'un péril imminent, n'a d'autre ressource que de
commettre une infraction4. Ainsi, dit Jean Pradel5, « un choix s'offre
donc à lui : ou bien subir le dommage, ou bien commettre l'infraction.
C'est dire que l'individu se trouve placé dans une situation de crise,
exceptionnelle, de détresse… le droit se doit donc de fléchir. Nécessité
fait loi ».
Ainsi, a été déclarée non-responsable, la mère poursuivie pour avoir
volé du pain afin de nourrir son enfant malade6.
Cette justification n'est pas tant fondée sur la contrainte irrésistible,
car l'agent a effectivement un choix à faire7, mais plutôt sur l’intérêt
social. En effet, la société n’a pas, semble-t-il, de raison de punir, dans le

1 Voir par ex. Boma, 23 juillet 1901 ; Cass. fr., Crim., 25 juin 1958.
2 Art. 122-7, Droit pénal
3 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 164.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 168.
5 Cité par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 168.
6 Château-Thierr, 4 mars 1898.
7 En ce sens, P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 264.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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cas où le bien sacrifié avait une valeur moindre que le bien sauvegardé
(propriété sacrifiée pour le salut d’une vie humaine). Et même, lorsque
les intérêts en conflit sont d’égale valeur (vie de deux individus), le délit
nécessaire est socialement indifférent, car la société n’a aucun intérêt à
préférer la vie de l’un à celle de l’autre. On l’exprime parfois en disant
que l’acte nécessaire est extra-pénal1.

Point 2
Conditions

A. L'intérêt à sauvegarder doit être menacé d'un


péril grave et imminent

L'agent doit se trouver face à un danger actuel ou imminent, le


menaçant, menaçant autrui ou les biens. L'actualité s'entend d'un danger
présent, et donc certain2, et non d’une simple crainte3. La question de
l’imminence du danger est une question de fait que les juges du fond
apprécient souverainement.
Contrairement à la jurisprudence belge4, la jurisprudence française
n'admet pas l'état de nécessité si le danger a été causé par la faute de
l'agent lui-même5. Cette position est critiquée par une partie de la
doctrine6 pour qui, adopter une solution contraire à la jurisprudence
belge découragerait toute initiative de l'agent en vue de sauvegarder des
intérêts essentiels. Elle est cependant soutenue par une autre7 pour qui,
on ne saurait vraiment parler de danger actuel ou imminent si l’agent
s’est mis dans cette situation et, au surplus, le fondement de l’impunité
de l’infraction nécessaire impose que l’auteur se soit trouvé sans faute
dans l’obligation de commettre le délit.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 373.


2 Cass. fr., Crim., 9 nov. 2004.
3 Cass. fr., Crim., 1er juin 2005.
4 Cass. fr., Crim., b.,13 mai 1987.
5 Cass. fr., Crim., 22 sept. 1999.
6 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 170.
7 B. BOULOC, op. cit., p. 375.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. La commission de l'infraction doit être le seul


moyen de sauvegarder l'intérêt menacé

Il n'y a pas de nécessité lorsqu'il existe d'autres moyens de sauver le droit en


péril. Ainsi, une rupture de stock n’autorise pas un distributeur à copier
un modèle d’un de ses fournisseurs, dans la mesure où l’intéressé
disposait d’autres solutions que la commission d’un délit de contrefaçon
pour pallier les simples difficultés commerciales1.
Néanmoins, un tempérament de la doctrine tend à admettre que
l'acte soit simplement le « meilleur moyen » de sauvegarder l'intérêt
menacé2.

C. L'intérêt à sauvegarder doit être de valeur


supérieure ou au moins égale à l'intérêt sacrifié

En outre, la loi requiert une proportionnalité entre les moyens


employés et la gravité de la menace.
Ainsi n'est pas justifiée le fait de tuer un tiers pour sauvegarder son
droit de propriété. Cependant, a été relaxée, une personne paraplégique
qui, pour soulager ses souffrances constantes, détenait des pieds et des
pousses de cannabis pour la consommation de tisanes nécessaires à la
sauvegarde de sa santé3. De même, l’automobiliste qui franchit une ligne
jaune continue, parce que c’est le seul moyen d’éviter un piéton
imprudent, peut invoquer l’état de nécessité4 Aussi, pour sauvegarder
son chien ou des canards, un agent de la SNCF ou un chasseur a pu se
trouver dans la nécessité de tuer un chien5.
Dans une affaire, il a été soutenu qu'un voisin a volontairement
utilisé une fausse clef pour prendre des médicaments dans la pharmacie
de la victime citée. Le prévenu de vol reconnait avoir soustrait des
médicaments dans la pharmacie de la victime et exprime très
sincèrement ses regrets pour avoir commis cet acte. Le prévenu a à sa
charge une famille de quatre enfants dont l'un d'eux souffre gravement
de la malaria et n'a personne pour lui venir en aide car n'ayant pas de
travail pour subvenir à aux besoins familiaux. Au moment où le prévenu

1 Cass. fr., Crim., 11 févr. 1986.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 171.
3 C.A. Papeete 27 juin 2002.
4 T. pol. Avesnes-sur-Helpe, 12 déc. 1964.
5 Cass. fr., Crim., 8 mars 2011.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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a pris l'initiative de voler les médicaments pour son enfant souffrant, il


n'avait pas d'argent sur lui pour s'en procurer.
Dans une autre, il a été reproché au prévenu d'avoir utilisé les faux
documents pour tenter de décrocher un travail après 4 ans de chômage.
En effet, le prévenu est diplômé à l'institut Kasali mais vu la misère dans
laquelle il vivait, il n'a pas pu continuer à l'université. Averti par son ami
d'un appel à la candidature pour un travail, et n'ayant pas des documents
suffisants, il est allé se les faire fabriquer à Nyamugo chez un camarade
de classe. Pour trouver un travail, il a falsifié deux diplômes à savoir celui
de graduat et de licence en se passant pour un étudiant de l'Institut
Supérieur pour le Développement Rural (ISDR en sigle). Le prévenu,
qui reconnait avoir falsifié les diplômes dans la même année, a été
acquitté1.
Cependant, dans la pratique, la comparaison des valeurs n'est pas si
aisée à opérer2. Ainsi, dans la célèbre affaire The mignonnette, trois jeunes
hommes ont été condamnés à mort par le tribunal d'Exeter pour meurtre
sur un jeune adolescent de 17 ans, après qu'ils se soient retrouvés sans
vivres ni autres ressources, pendant une dizaine de jours, sur une barque
en pleine mer à la suite d'un naufrage, et qu'ils n'eurent d'autre choix que
de le manger pour sauver leurs vies. Le juge, après avoir reconnu que «
si les hommes ne s'étaient pas nourris du corps du garçon, ils n'auraient
probablement pas survécu de manière à pouvoir être recueillis et sauvés,
mais qu'ils seraient morts de faim au cours de ces jours, que le garçon,
se trouvant dans une condition plus faible, serait vraisemblablement
mort avec eux (...) qu'au moment où l'acte fut commis, il n'y avait (...)
aucune perspective raisonnable de sauvetage ; qu'en ces circonstances, il
apparut comme probable aux accusés qu'à moins de se nourrir alors ou
très bientôt du garçon ou de l'un d'entre eux, ils mourraient d'inanition
(...) qu'ils n'y avait aucune chance prévisible de sauver leur vie, si ce n'est
en tuant quelqu’un pour que les autres mangent (...) » ; a considéré « qu'en
assumant cette nécessité de tuer quelqu'un, qu'il n'y avait pas de plus grande nécessité
de tuer le garçon que l'un des trois autres hommes (...) que si un homme assailli,
se trouve en danger de mort et ne peut satisfaire la fureur de son
agresseur et se sauver lui-même qu'en tuant un innocent présent en ce
lieu, la peur et la contrainte dont il a été l'objet ne l'acquitteront pas du
crime et de la peine de meurtre s'il commet cet acte, car il aurait dû mourir
lui-même plutôt que tuer un innocent ». Le juge souligne qu' « il ne faut pas

1 T.G.I./Bukavu, R.P. 11492, 07 Août 1995.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 169.

721
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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supposer qu'en refusant d'admettre que la situation constituait une


justification pour le crime, on oublie combien fut terrible la tentation,
horrible la souffrance, difficile la décision droite et la conduite pure :
nous sommes souvent amenés à établir des critères et des normes que
nous ne pourrions peut-être pas respecter nous-mêmes (...) Mais nul n'a
le droit de déclarer la tentation justifiée du faut qu'il pourrait lui-même y
succomber, ni d'exprimer une compassion qui changerait ou affaiblirait
de quelque manière la définition légale du crime. Il est dès lors de notre
devoir de déclarer que l'acte des accusés en l'occurrence était un meurtre,
que les faits tels qu'ils sont établis ne correspondent pas à la justification
légale de l'homicide et de dire que de notre opinion unanime, les accusés
sont coupables de meurtre »1.

Point 3
Effets de l’état de nécessité

Une fois admise, l'état de nécessité fait disparaître la responsabilité pénale.


L'agent ne répondra pas des faits qui lui sont reprochés.
Au sujet de la responsabilité civile, la doctrine est divisée. Une
doctrine soutient le maintien de la responsabilité civile, au motif que la
victime de l'acte nécessaire n'ayant pris aucune part à la production du
préjudice qui lui arrivé, il est juste qu'elle soit restaurée dans ses droits2.
Pour une autre, l’état de nécessité fait disparaitre la responsabilité civile,
puisque l'acte ne constituant pas une faute pénale, l'auteur du délit
nécessaire ne devrait pas être tenu à réparation envers la victime3.
Cette dernière position est aussi celle de la Cour de cassation
française qui a eu à faire état d’un « acte nécessaire, exclusif de toute
faute », à propos de policiers ayant fait usage de leur arme4. La
jurisprudence congolaise semble suivre celle française. Quand il
reconnaît l'état de nécessité, le juge congolais dit non établit en fait
comme en droit les faits reprochés au prévenu et prononce son

1 Queen Bench Division, 1884, affaire the mignonnette (nos italiques). Par la grâce
de la reine, la peine de mort fut commuée en six mois de prison. Voy. R.
NYABIRUNGU, op. cit., pp. 229-231.
2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 174.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 377.
4 Cass. fr., Crim., 16 juill. 1986.

722
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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acquittement1. Or, le non-établissement des faits par le juge pénal fait


disparaître la faute civile2.

Paragraphe 2
La légitime défense

Point 1
Définition

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte


injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte
commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a
disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte »3.
Dans les situations d’urgence où la sécurité des personnes (voire
celle des biens) ne peut pas être assurée par les moyens habituels de la
justice et de la police, celui qui se défend ne fait que remédier à
l’insuffisance de ces moyens, et ne commet donc pas d’actes contraires
au droit4.
La légitime défense peut être définie comme l'emploi direct et nécessaire
de la violence pour repousser une agression injuste qui se commet ou qui vient de se
commettre contre sa propre personne ou la personne d'un tiers5. La légitime défense
apparaît ainsi comme un acte de justice, celui qui repousse par la force
une agression injuste rend service à la société, concourt à la défense d'un
intérêt juridiquement protégé6.
La jurisprudence française a étendu ce fait justificatif à toutes les
agressions contre la vie ou l'intégrité corporelle, mais aussi à celles contre
la vertu, la pudeur (en cas de viol par exemple), et contre l'honneur7. Il
semble toutefois qu'elle limite l'application de la légitime défense aux

1 Voir par ex. T.G.I. Bukavu, R.P. 100565, 28 déc. 2001 ; T.G.I./Bukavu, R.P.
8474, 23 Octobre 2007 ; T.G.I./Bukavu, R.P. 11492, 07 Août 1995 ; Lire P.
MULUS MULUNGULA, Les causes objectives d'irresponsabilité pénale en droit positif
congolais. Cas des décisions rendues par le T.G.I./Bukavu sur l'état de nécessité, Mémoire
de Licence, Université Officielle de Bukavu, 2015.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 225.
3 Art. 122-5, Droit pénal
4 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 254.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 176.
6 Idem.
7 Voir par ex. Paris, 25 oct. 1971.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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seules agressions volontaires1, au motif qu'elle serait inconciliable avec


le caractère involontaire d'une infraction. Cette position est critiquée par
la doctrine qui fait savoir que la victime de l'agression ne pourra pas
toujours déterminer si celle-ci est volontaire ou non2.

Point 2
Conditions

Pour qu'il y ait légitime défense, l'attaque doit être actuelle ou


imminente, injuste, et la défense doit être nécessaire et proportionnelle
à l'attaque.

A. L’attaque actuelle

L'actualité consiste dans la menace d’un mal imminent qui n’a pu être
écarté qu’en commettant le délit. Ce mal imminent doit être
objectivement vraisemblable et ne pas exister seulement dans
l’imagination de l’agent3.
En cas de réaction contre une attaque déjà passée (l’agresseur
s’étant retiré), il n’y a pas légitime défense, mais vengeance. Il n’y a pas
non plus légitime défense en cas de menace d’un mal futur. Celui qui est
l’objet de menaces graves doit en faire poursuivre les auteurs devant les
tribunaux ; il ne peut se faire justice lui-même4.
Il a été jugé qu’est justifié le prévenu qui, se voyant assailli chez lui
à l'improviste par un homme d'un caractère violent, doué d'une force
physique exceptionnelle, exprimant à haute voix son intention de le
maltraiter, avait craint pour sa vie et frappé son agresseur avec une serpe
qu'il tenait à la main5. Toutefois, il n’est pas nécessaire que l’auteur de
l’homicide ou des coups donnés en défense se soit trouvé en péril de
mort6.

1 Cass. fr., Crim., 16 févr. 1967 ; T. corr. Troyes, 24 mai 1978.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 366.
3 Paris, 9 oct. 1979.
4 B. BOULOC, op. cit., p. 366 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 177.
5 Cass. fr., Crim., 7 août 1873.
6 Cass. fr., Crim., 28 déc. 1959.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Jugé par contre que, dépasse les limites de la légitime défense, celui
qui frappe mortellement un voleur au moment où celui-ci prend fuite et
ne manifeste aucune intention agressive1.
Examinant le caractère actuel de l’attaque, le juge doit tenir compte
de ce que celui qui a été agressé et se réclame de la légitime défense se
trouve sous le coup de l’émotion causée par l’agression, et de
l’interprétation naturelle qu’il peut donner de l’attitude de l’agresseur.
Ainsi, a agi en état de légitime défense le policier qui, ayant interpellé un
individu inscrit au fichier du banditisme, a ouvert le feu et blessé aux
jambes cette personne, alors que celle-ci avait une attitude pouvant
laisser penser qu’elle se préparait à user d’une arme2.
La jurisprudence a élaboré une légitime défense putative, qui permet de
considérer que l’auteur d’un acte prohibé par la loi pénale peut se
prévaloir de la justification de la légitime défense lorsqu’il a pu
légitimement penser être l’objet d’une attaque3. L’attaque peut n’être que
vraisemblable dans l’esprit du prévenu, compte tenu de ce que la
situation lui permet d’imaginer normalement. En d’autres termes, la
personne agressée ne peut s’en remettre, pour apprécier le danger,
qu’aux apparences. Ainsi, la personne menacée par une arme factice, une
quasi-arme, peut se prévaloir de la légitime défense4. Il en est de même
de celle qui est menacée par un individu brandissant en sa direction un
pistolet automatique, dont il sera établi ultérieurement qu’il était non
approvisionné ou hors d’usage. Le nouveau code pénal français a
reconnu cette situation en disposant qu’est « assimilé à une arme tout
objet qui, présentant avec l’arme définie au premier alinéa [est une arme
tout objet conçu pour tuer ou blesser] une ressemblance de nature à
créer une confusion, est utilisé pour menacer de tuer ou de blesser… »5.

B. L'attaque doit être injuste

Cela suppose que celle-ci n’est pas fondée en droit, et n’est ni autorisée,
ni ordonnée par la loi6. N'est pas en légitime défense, celui qui réagit

1 Bukavu, 17 avril 1946.


2 Lyon, Ch. acc., 16 déc. 1986.
3 Cass. fr., Crim., 14 févr. 1957 ; Lire B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op.

cit., p. 152.
4 T. corr. Lyon, 16 juill. 1948.
5 Art. 132-75, Code pénal français.
6 B. BOULOC, op. cit., p. 366.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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violemment contre le particulier qui se saisit de lui en procédure de


flagrance, conformément à la loi1.
Ainsi, la résistance opposée au policier qui procède à une
arrestation, à une perquisition en cas de flagrance ou à la dispersion d’un
attroupement, par exemple, n’entre pas dans la légitime défense. Selon
la jurisprudence française, l’illégalité d’un acte accompli par un agent de
la force publique dans l’exercice de ses fonctions, à la supposer établie,
ne saurait entraîner la nullité des poursuites pour des faits de rébellion
commis contre cet agent à l’occasion de l’opération litigieuse2. Une telle
position peut se comprendre puisque les actes des agents publics
bénéficient, de manière générale, d’une présomption de légalité3 ; il
appartient, par conséquent, à ceux qui s’en prétendent victimes d’exercer
toutes les voies de recours offertes par la loi pour contester la régularité
de tels actes.
Une dérogation doit toutefois être admise au cas où le caractère illégal
de l’acte serait manifeste. Ainsi, la résistance pourrait-elle être considérée
comme légitime lorsque l’agent agit motu proprio, hors de l’exercice de
ses fonctions ou commet de véritables abus dans l’exercice de celles-ci4.
Il a été jugé que demeure injuste, l'acte posé par une personne
subjectivement irresponsable, un dément ou un mineur5.

C. La défense doit être nécessaire et proportionnelle


à l'attaque

La défense est nécessaire lorsqu'elle constituait le seul moyen de se


défendre contre l'agression6. Elle est toujours nécessaire lorsque la personne
agressée aurait pu se soustraire à l'attaque par la fuite7, puisque la légitime
défense repose sur un droit et peut-être même sur l'accomplissement
d'un devoir8.

1 Cass. fr., Crim., 1er oct. 1979.


2 Cass. fr., Crim., 1er sept. 2004.
3 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 153.
4 Cass. fr., Crim., 25 mars 1852.
5 B. BOULOC, op. cit., p. 367.
6 Idem., p. 368.
7 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 153 ; B. BOULOC, op. cit., p.

368 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 180.


8 B. BOULOC, op. cit., p. 367.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La défense doit ensuite être proportionnelle à l'attaque. Il ne faut pas


que le mal infligé à l'agresseur soit sans proportion avec le mal auquel on
était exposé, et qu'on a voulu éviter.
Par exemple, celui qui tue quelqu’un qui l’a giflé, dépasse la mesure,
il ne saurait invoquer la légitime défense. Ainsi, un léger coup de pied
dans la jambe d’une élève, qui insultait grossièrement et projetait son
cartable dans la direction de son professeur, a été considéré comme
proportionné à l’agression subie par l’enseignant1. A également accompli
un acte de légitime défense, le fils qui a tué le conducteur d’un véhicule,
qui menaçait de reprendre la route alors que son père se trouvait à terre,
une de ses jambes happée par ce véhicule2.
Cependant, il a été jugé que les coups de bâton commis par un
prévenu en riposte à un jet de gaz lacrymogène étaient manifestement
disproportionnés à l’attaque, compte tenu de la gravité des blessures
infligées aux victimes3. De même, n’est pas en état de légitime défense,
l’individu qui tire deux coups de feu dans la cuisse d’un agresseur sans
arme, qui ne s’est pas laissé impressionner par un premier tir
d’avertissement4.
Mais défense mesurée ne signifie pas que le mal causé par celui qui s’est défendu
ne puisse jamais être plus grave que le mal qui serait résulté de l’agression (la femme
qui tue l’homme qui tente de la violer, est sans aucun doute en état de
légitime défense)5.
Toutefois, en cas d’attaque contre les biens, la proportion entre la défense et
l’attaque doit être plus rigoureuse, car la défense d’une propriété, pour
légitime qu’elle soit, ne saurait justifier le sacrifice d’une vie humaine, ni
des blessures graves et irréparables6. Le code pénal français dispose que
défense des biens ne permet pas de justifier un homicide volontaire7.

1 Cass. fr., Crim., 18 juin 2002.


2 Cass. fr., Crim., 24 févr. 2015.
3 C.A. Paris 12 oct. 1999.
4 Cass. fr., Crim., 26 juin 2012.
5 B. BOULOC, op. cit., p. 368.
6 Voir par ex. sur la question des pièges à feu, Cass. fr., Crim., 18 janv. 1977, Aix-

en-Provence, 21 avr. 1969


7 Art. 122-5 Al. 2, Droit pénal

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 3
Effets de la légitime défense

Quand elle est établie dans le chef de l'agent, la légitime défense


exclut aussi bien la responsabilité pénale que la responsabilité civile1.

Paragraphe 3
L'ordre de la loi et le commencement de l'autorité légitime

« N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit


ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires (...) N’est pas
pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité
légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal »2. L'ordre de la loi et le
commencement de l'autorité sont des causes de justification indépendantes
l'une de l'autre.

Point 1
L'ordre de la loi

« N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un


acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou
réglementaires ».
L’ordre de la loi au sens large du terme comprend le cas de l’ordre
comme celui de la permission3. Ainsi par exemple, ne répondra du chef
d'arrestation arbitraire, l'agent qui procède à l'arrestation d'une personne
conformément à la loi, en cas de flagrance. De même, ne répondra pas
des faits de refus de témoigner, le médecin couvert par le secret
professionnel. On pense en effet que si le législateur ordonne ou permet
d’agir dans un sens, il ne peut pas, sans se contredire, réprimer l’acte qui
n’est que l’accomplissement de ce devoir ou de ce droit4.
La loi dont question est entendue au sens large. Elle comprend aussi
bien le texte constitutionnel, que le texte réglementaire, ou même les
décisions administratives des organes délibérants des entités territoriales
décentralisées. Il convient simplement de respecter la hiérarchie des normes
: seul un texte à valeur égale ou supérieure au texte d’incrimination peut

1 Cass. fr., Crim., 19 mai 1904.


2 Art. 122-4, Droit pénal
3 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 242.
4 X. PIN, op. cit., p. 236.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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lui apporter dérogation. Ainsi, l’ordre ou l’autorisation réglementaire ne


doit pas contrevenir à une incrimination légale1.
S'agissant de la nature de la loi, la Cour de cassation française avait
estimé que seule une loi pénale pouvait déroger à une loi pénale. La loi
civile ne pouvait pas être utilisée comme fait justificatif. Elle avait en
effet jugé que le fait de vivre avec une personne se livrant à la
prostitution constitue un fait de proxénétisme qui n’est pas justifié par
le devoir de communauté de vie entre époux2.
Cependant, cette conception est aujourd'hui dépassée, comme le
fait savoir la doctrine, et il est admis que la loi qui ordonne ou permet
peut être aussi bien pénale que civile3. Toutefois, l'opinion de la doctrine
n'est pas unanime à ce sujet. D'aucuns pensent en effet que seul un texte
pénal pourrait autoriser ce qu’un autre texte pénal interdit. Raisonner
autrement reviendrait à considérer qu’un texte quelconque puisse
justifier (faits justificatifs) une infraction. Ainsi, un créancier impayé qui
s’emparerait d’une somme d’argent appartenant à son débiteur serait
coupable de vol4.
Il reste tout de même admis qu'une loi civile puisse déroger à une
loi pénale. Ainsi par exemple pourrait-on admettre que serait justifiée,
des réprimandes et corrections infligées à l'enfant par les parents en vertu
de leur autorité parentale, dans la mesure compatible avec son âge et
l'amendement de sa conduite5. Toutefois, la loi encadre cette
prérogative, en disposant les parents ont le devoir de veiller à ce que la
discipline familiale soit administrée de telle sorte que l'enfant soit traité
avec humanité6.
Par ailleurs, il n'y a pas de doute que les circulaires administratives
ne peuvent fonder une justification7.
S'agissant de la question de savoir si la coutume peut être entendue
comme une de la loi pénale. Le principe de légalité des délits et des peines
implique obligatoirement le caractère écrit de la règle de droit8.
Toutefois, la coutume n'est pas sans rôle en droit pénal. Si elle ne peut

1 Idem., p. 237.
2 Cass. fr., Crim., 20 juin 1946.
3 En ce sens, X. PIN, op. cit., p 236.
4 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 247.
5 Art. 325 in fine, Loi n°87-010 du 1er Août 1987 portant code de la famille.
6 Art. 57, Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
7 Cass. fr., Crim., 26 juin 1974.
8 C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en droit pénal, Thèse, Université de

Bordeaux, 2011, p. 17.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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être considérée comme source d'incrimination, elle joue toutefois une


double fonction1 : elle peut être utilisée comme source d'interprétation
d'une loi — ainsi les usages et pratiques commerciales permettent
d'interpréter des incriminations de nature commerciale, de même
l'outrage public aux bonnes mœurs s'interprète selon l'évolution de la
société — ; mais elle peut surtout, et c'est ce qui nous intéresse ici, être
utilisée comme cause de justification.
En effet, la jurisprudence justifie les actes de violences posés dans
la pratique de sports de combats. Ainsi par exemple, les coups et
blessures donnés pendant un match de boxe ne seront pas constitutifs
d'infraction, à condition toutefois qu'ils soient donnés dans le respect
des règles de jeu2.
Par ailleurs, sont aussi justifiés, les blessures causés par un médecin
lors d'une opération chirurgicale pratiquée dans le respect des règles de
la sur la matière3.
Enfin, sont aussi justifiés, sur le fondement de la coutume, les
réprimandes données par les parents aux enfants, et les instituteurs aux
élèves. Toutefois, la jurisprudence encadre cette pratique, en réprimant
« les violences qui, par leur nature et par leurs conséquences, dépassent
les limites du droit de correction »4. Quant aux instituteurs, leur pouvoir
disciplinaire ne peut être invoqué que « s’il s’exerce de manière
inoffensive », ce qui n’était pas le cas d’un instituteur qui avait
violemment pincé et tiré les oreilles d’un enfant âgé de 9 ans, ce qui a
entraîné une incapacité de travail de 6 jours5. Par contre, est inoffensif
et n'excède pas les limites du droit de correction et de discipline qui
appartient à l'instituteur sur les enfants confiés à sa garde, le fait pour
celui-là d'obliger son élève, âgé de 7 ans, à essuyer avec sa main un
excrément de poule qu'il avait lancé sur le tableau de la classe sans qu'il
soit résulté de son acte (l'instituteur) aucun dommage réel6.
Pour être justifié, l'acte doit avoir été posé dans le respect d'une
légalité élémentaire et d'une régularité formelle7. La légalité élémentaire
suppose que les actes demeurent dans les limites de l'utile, du strict

1 Idem., pp. 17-18.


2 Voir par ex. Toulouse, 20 janv. 1977.
3 Voir par ex. Cass. fr., Crim., 30 mai 1991.
4 Cass. fr., Crim., 21 févr. 1990.
5 Cass. fr., Crim., 31 janv. 1995.
6 Cass. fr., Crim., 4 déc. 1908.
7 Lire R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 185.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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nécessaire et du proportionné. Et la régularité formelle suppose que les


actes sont le fait d'une personne ayant qualité pour agir, et sont posés
selon la forme prescrite et dans le cas prévu par la loi.

Point 2
Le commandement de l'autorité légitime

« N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un


acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement
illégal ».
L'autorité légitime est une autorité publique — civile ou militaire —
et non privée (parents, chefs d'entreprise)1. Le commandement donné
doit être légal.
Au sujet du commandement illégal, trois théories se distinguent2.
La théorie de l'obéissance passive postule que le commandement de
l'autorité soit toujours une cause de justification car, en toutes circonstances,
l’inférieur est tenu à l’obéissance envers son supérieur et doit exécuter
ses ordres, sans pouvoir les apprécier ni les discuter.
Cette théorie a été critiquée. L'on considérait en effet que le droit
ne pouvait plus admettre des situations dans lesquelles l’inférieur soit
une pure machine et où le supérieur aurait sur lui un pouvoir absolu3.
Aussi, cette solution était dangereuse, car elle conduirait à de graves abus
et à l'irresponsabilité des agents sous les ordres.
Ce système a été écarté au profit de celui dit des bâillonnettes
intelligentes, qui reconnaissait à l’inférieur le droit, sinon le devoir, d’apprécier la
légalité de l’ordre reçu, et de refuser de s’y soumettre quand il est illégal. L'exécution
d’un ordre illégal ne saurait justifier l’acte accompli.
Cette solution a également été rejetée à cause de sa rigueur. Il paraît
difficile d'attendre de tout subordonné qu'il soit en mesure d'apprécier
la légalité de l'ordre reçu.
Enfin, un système intermédiaire veut que l'on distingue l'illégalité manifeste
ou évidente de l'illégalité non manifeste ou difficile à repérer. C'est la théorie de
Barbeyrac.
Cette solution est celle consacrée par la Constitution congolaise4
qui dispose que « nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal ». Aussi,

1 Cass. fr., Crim., 12 janv. 1977.


2 Lire B. BOULOC, op. cit., p. 360 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 186.
3 P. KOLB et L. LETURMY, op. cit., p. 252.
4 Art. 28.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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« tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre
reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés
publiques et des bonnes mœurs ». Cependant, et cela peut être glissant, « la
preuve de l’illégalité manifeste de l’ordre incombe à la personne qui refuse de l’exécuter
». Cette preuve est soumise à l'appréciation souveraine du juge.
Il a été jugé que « l'ordre donné par un supérieur hiérarchique n'est
pas considéré comme exonérant de sa responsabilité pénale dans le cas
où celui-ci est manifestement illégal. Tel est le cas si l'exécutant d'une
mission importante de sécurité publique dans une ville arrête, détient
arbitrairement et brutalise des personnes jusqu'à ce que mort s'en suive
»1 .
Point 3
Effets de l’ordre de la loi ou du commandement de l’autorité
légitime

Une fois admis, les justificatifs de l'ordre de la loi et du


commandement de l'autorité font disparaître la responsabilité pénale et même
civile. Ces notions sont en effet « inconciliables avec la notion de faute
civile : aucune faute ne peut être logiquement imputée à celui qui exécute
sans excès son devoir d'obéissance »2.
L'exécutant répondra pénalement et civilement des conséquences résultant de
l'exécution d'un ordre manifestement illégal. Quant à l'auteur de la décision illégale,
il répond en participation criminelle de l'infraction commise par le subordonné sous
son ordre. Il a été jugé que « constitue un acte de participation criminelle
à l'infraction d'arrestation arbitraire un ordre illégal de saisir la victime
donné par le prévenu dans une lettre trompeuse. Ce dernier doit être
considéré comme auteur moral punissable de la même manière que
l'auteur matériel de cette infraction »3.

Paragraphe 4
Le consentement de la victime

Le consentement de la victime n'est pas une cause de justification4. La raison


en est que les lois pénales ont essentiellement un caractère objectif, elles sont d'ordre

1 C.S.J., Arrêt R.P.A. 16, 12 mai 1972 ; voir aussi C.S.J., R.P. 21, 5 octobre 1979.
2 Boma, 19 mars 1901.
3 C.S.J., Arrêt R.P., 16 mai 1974 ; voir aussi C.S.J., Arrêt R.P.A. 123, 30 janvier

1987.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 192 ; B. BOULOC, op. cit., p. 375.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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public et protègent l'intérêt social. Les valeurs qu'elle gardent son


indisponibles1.
Principalement dans les atteintes à la vie et à l'intégrité physique, le
consentement de la victime est inopérant. Il laisse subsister l'infraction.
Ainsi le meurtre commis avec l'accord de la victime n'en est pas moins
un meurtre, bien que le mobile ne soit pas antisocial, encore qu'il est ici
indifférent. Il a été jugé que « la protection assurée aux personnes par la
loi constitue une garantie publique (...) dès lors, le consentement de la
victime d'une voie de fait homicide ne saurait légitimer cet acte (...) la
décision attaquée, en ne reconnaissant de mobile constitutif de la
qualification légale du meurtre ou de l'assassinat que la colère, la
vengeance ou la cupidité, et en attribuant à la seule impulsion du
désespoir l'acte soumis à son examen, a admis un fait d'excuse en dehors
de ceux qui ont été limitativement spécifiés par la loi, absous le crime
par l'immoralité »2.
Sur la question de l'euthanasie, bien que plusieurs législations
européennes autorisent, sous de strictes restrictions, le suicide
médicalement assisté et le refus de se faire prescrire un traitement
primordial pour la continuité de sa vie3, la Cour Européenne des Droits
de l'Homme a estimé, contrairement aux prétentions de la requérante,
de l'article 2 de la Convention Européenne des droits de l'homme qui
dispose que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...)
», « qu’il n’est pas possible de déduire de l’article 2 de la Convention un
droit à mourir, que ce soit de la main d’un tiers ou avec l’assistance d’une
autorité publique »4. Une certaine doctrine estime néanmoins que
l'euthanasie peut constituer une circonstance atténuante au meurtre5.
Toutefois, il y a des circonstances où le consentement de la victime
peut empêcher les poursuites. Il s'agit des cas des infractions exigeant
chez son auteur une contrainte, une violence ou une fraude6. Dans ces
hypothèses, l’acceptation de l’intéressé supprime l’un des éléments
constitutifs de l’infraction. Ainsi n'y a-t-il pas vol si l'objet a été

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 192 ; B. BOULOC, op. cit., p. 375.


2 Cass. fr., Crim., 23 juin 1838.
3 Lire sur la France, B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 168 ; Voir

Loi no 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de
vie ; Loi du 2 février 2016.
4 CEDH, 29 avril 2002, Pretty c. Royaume-Uni.
5 B. BOULOC, op. cit., p. 375.
6 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 192 ; B. BOULOC, op. cit., p. 376 ; B. BOULOC

et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 168.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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volontairement remis par la victime, de même n'y a-t-il pas viol si la


victime est consentante. Ici, le consentement de la victime n'est pas un
fait justificatif, il est juste un élément constitutif de l'infraction dont le
défaut empêche la cristallisation de l'infraction.

Section 2
Les causes subjectives d'irresponsabilité ou causes de non-
imputabilité

Les causes subjectives d'irresponsabilité ou causes de non-


imputabilité se distinguent des causes objectives en ce qu'elles ne font
disparaître que la responsabilité de l'agent qui peut s'en prévaloir. La responsabilité
des autres acteurs de la participation criminelle demeure. Ainsi, il y a
toujours complicité au meurtre bien que l'auteur principal ait été acquitté
pour cause de démence.
Les causes subjectives de justification sont la démence, la
contrainte irrésistible, l'erreur invincible et la minorité d'âge. À l'instar
des causes objectives, elles ne sont pas prévues par la loi, et sont
introduites dans notre droit par la jurisprudence à titre de principes
généraux de droit.

Paragraphe 1
La démence

« N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment


des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou
le contrôle de ses actes »1.
Le terme de trouble psychique ou neuropsychique désigne en droit
pénal toutes les formes de l’aliénation mentale qui enlèvent à l’individu le contrôle de
ses actes au moment même où il les a commis. Il s’applique aux affections de
l’intelligence, aussi bien congénitales (crétin, idiot, imbécile) qu’acquises
par l’effet d’une maladie (paralysie générale, démence précoce). Il vise
non seulement la folie générale, mais aussi la folie spécialisée ou localisée,
— comme la folie de la persécution qui consiste à se croire persécuté par
telle ou telle personne et qui peut pousser au meurtre de celle-ci.
Toutefois, s’agissant d’une folie spécialisée, elle n’est considérée comme
un cas de démence que pour les infractions accomplies sous l’empire de

1 Art. 122-1, Droit pénal

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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cette folie spécialisée en rapport manifeste avec l’idée fixe ou l’impulsion


morbide1.
Le droit pénal ne prête pas ici attention au droit civil sur la question
de l'incapacité. Que la personne soit sous un régime d'interdiction ou de curatelle
ou pas, peu importe. Le juge pénal n'attend pas une décision du juge civil
sur la question. La détermination de la perte du libre arbitre est une
question de fait, laissée à l’appréciation et à la décision souveraine des
juges du fond2. Il a été jugé qu' « attendu que les énonciations de l'arrêt
attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour
d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs
péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous
ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le
prévenu coupable (...) il suit que le moyen, qui se borne à remettre en
question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et
circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve
contradictoirement débattus, ne saurait être admis »3.
La démence exclut l'imputabilité de l'agent et rend donc impossible toute faute
et toute responsabilité pénale4, à condition qu'elle soit contemporaine à l'acte
incriminé, et qu'elle soit totale.

Point 1
Conditions de la démence

A. La démence doit être concomitante à l'action

Encourt cassation, la décision qui se prononce sur la responsabilité


« sans s'expliquer sur l'état mental de la prévenue le 2 mars 1991, date
des faits reprochés »5.
Si le prévenu atteint de maladie mentale se trouvait dans un intervalle lucide
au moment de la commission de l’infraction, il est responsable. De même, le trouble
psychique survenu antérieurement ou postérieurement à l’infraction ne fait pas
disparaître la responsabilité pénale.
Quand il est antérieur à l’action, le juge peut le retenir comme une
cause d’atténuation de la peine et modérer celle-ci. Quand il est

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 281 ; B. BOULOC, op. cit., p. 386.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 387.
3 Cass. fr., Crim., 20 mars 2012.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 283.
5 Cass. fr., Crim., 7 oct. 1992.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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postérieur à l’action, s’il n’efface pas la responsabilité, il produit tout de


même certaines conséquences qui varient suivant qu’il est intervenu
avant ou après le jugement de condamnation. Intervenu avant le jugement,
il empêche la continuité des poursuites au parquet et même devant le juge. Après le
jugement, il empêche l'exécution de la peine de mort et des peines de prison, mais pas
l'amende1.

B. La démence doit être totale

Elle doit avoir aboli le discernement de l'agent ou le contrôle de ses


actes. Il a été jugé qu'a justifié sa décision, la chambre d'accusation qui,
« pour confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge
d'instruction, (...) après avoir exposé les faits et analysé les conclusions
concordantes des quatre expertises psychiatriques et médico-
psychologiques, d'où il résulte que l'inculpé, atteint d'une psychose
dissociative de type schizophrénique, a commis “ à son insu ” les actes
qui lui sont reprochés, énonce que (le prévenu) n'est pas pénalement
responsable »2.
Si la démence a seulement altéré le discernement ou entravé le
contrôle des actes, le trouble ne fait pas disparaître la responsabilité, mais
le juge peut tenir compte de cette circonstance quand il détermine la
peine et en fixe le régime3.

Point 2
États voisins de la démence

Proche de la démence, on trouve notamment le somnambulisme. À


l'instar de la démence, l'agent n'est pas responsable des infractions qu’il
commet en état de sommeil, car il obéit à des impulsions inconscientes
et irrésistibles4. Tout au plus peut-on retenir contre l'agent un délit
d’imprudence, s’il a commis, à l’état de veille, une faute qui ait permis la
réalisation de l’infraction (si, par exemple, il a mis près de lui un revolver
chargé).
À côté du somnambulisme, il y a l'ivresse, mais non-fautive
uniquement. L'ivresse fautive ne profite pas au prévenu et les infractions,

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 283.


2 Cass. fr., Crim., 18 févr. 1998
3 B. BOULOC, op. cit., p. 391.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 286 ; B. BOULOC, op. cit., p. 392.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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même non intentionnelles qu'il pose, engagent sa responsabilité. Seule


donc n'engage pas la responsabilité du prévenu, l'ivresse complète — qui
annihile toutes les facultés de discernement de l'agent— et involontaire —
par accident, ou par des manœuvres d'un tiers —1.

Paragraphe 2
La contrainte irrésistible

« N’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une
force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister »2. La contrainte est une
cause psychologique qui enlève à la volonté toute liberté3.
La contrainte peut être physique ou morale.

Point 1
La contrainte physique

Il y a contrainte physique lorsqu'une personne est matériellement forcée


d'accomplir un acte délictueux ou le plus souvent a été empêchée d'accomplir un acte
prescrit4. Cette contrainte peut être extérieure (nature, un animal, ou un
tiers) ou intérieure (la maladie5). La contrainte physique se rencontre plus
facilement dans les infractions d'omission.
Dans la jurisprudence française, la contrainte doit être irrésistible et ne
pas être précédé d'une faute de l'agent6. « La force majeure ne peut résulter que
d'un événement indépendant de la volonté humaine et que celle-ci n'a
pu ni prévoir, ni conjurer (...) les éléments légaux de la force majeure,
exclusive du délit, ne se rencontraient pas dans l'espèce ; qu'en effet, en
admettant que la détention de (l'agent) au poste de police l'ait mis dans
l'impossibilité absolue de se rendre à son bord, cette détention,

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 287 ; B. BOULOC, op. cit., p. 393 ; Voir par ex.
Boma, 5 sept. 1905.
2 Art. 122-2, Code pénal français.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 395.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 288.
5 Voir par ex. Cass. fr., Crim., 19 oct. 1922, cas d'un voyageur poursuivi pour

avoir dépassé la station pour laquelle il avait pris son billet, alors qu’il s’était
endormi sous l’effet d’une grande fatigue physique. Il a été jugé qu' « il résulte
des circonstances relevées au jugement que l'acte n'a pas été volontaire, et
qu'ainsi la décision de relaxe est justifiée ».
6 Cass. fr., Crim., 29 janv. 1921.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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occasionnée par la faute qu'il avait commise en se mettant en état


d'ivresse, n'a pas constitué un événement qu'il n'ait pu éviter ».

Point 2
La contrainte morale

La contrainte morale résulte d’une pression exercée sur la volonté de


l’agent soit par une cause externe (fait d’un tiers), soit par une cause interne
(émotion ou passion de l’agent).
La contrainte morale externe renferme les mêmes conditions que
la contrainte physique : elle doit être irrésistible et extérieure à l’agent.
Toutefois, s'agissant de la contrainte interne, elle n'est que
difficilement admise. Elle peut au mieux constituer une circonstance
atténuante. Ainsi a-t-il été jugé que « l'amour passion voué par le prévenu
à la victime son épouse, le désespoir qui en est découlé par le divorce
prononcé par des juges complaisants, la provocation de la belle-mère
manifestant sa satisfaction au moment du prononcé du divorce,
constituent un ensemble de circonstances qui, sans avoir totalement
annihilé les facultés psychiques du prévenu, forment de très larges
circonstances atténuantes »1.

1 Kin., 4 Fév. 1974.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 3
LA SANCTION
Le juge qui statue sur la culpabilité du prévenu prononce à son
égard une peine. C'est que la sanction est l'élément qui confère à la loi
pénale sa spécificité. Une règle dont la violation n'est pas assortie d'une
sanction n'est pas pénale. La marque de l'infraction pénale, c'est la peine
qui, obligatoirement, l'accompagne une fois qu'elle est commise1. La
peine donne tout son sens à l’infraction : elle en est la sanction
nécessaire. Sans peine il n’y aurait pas d’infraction et sans infraction
aucune peine ne pourrait être infligée2.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 341.


2 X. PIN, op. cit., p. 345.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Notions
Section 1
Définition et fonctions de la peine

La peine est « le mal infligé à titre de punition par le juge à celui qui est
reconnu coupable d'une infraction »1. La peine est donc, philosophiquement,
« une réponse nécessaire et naturelle au crime »2.
Dégageant ses fonctions, le Conseil constitutionnel français avait
indiqué que la peine doit tendre à « assurer la sécurité de la société mais
aussi à amender et à resocialiser »3. Le code pénal français est récemment
venu consacrer cette position en déterminant légalement les fonctions
de la peine. Il dispose en effet qu' « afin d’assurer la protection de la société, de
prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans
le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° de sanctionner
l’auteur de l’infraction, 2° de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion
»4. Ces fonctions de la peine sont donc celles dégagées par la doctrine5 :
la fonction rétributive, la fonction de prévention et la fonction d'élimination.
Par sa fonction rétributive, la peine constitue l'exécution par le
condamné d'une dette contractée à l'égard de la société par la commission de
l'infraction.
Par sa fonction de prévention individuelle, la peine vise à empêcher
l'auteur de l'infraction de recommencer. Elle atteint d'abord ce but par
l'intimidation. En effet, l'existence préalable de la peine à la commission
de l'infraction vise à avertir le délinquant du risque qu'il encourt s'il
commettait l'infraction.
La peine atteint ensuite ce but par l'amendement, car elle a pour
objectif de faire revenir le délinquant dans la bonne voie, de le changer, de l'améliorer
et le resocialiser.
La peine a une fonction de prévention générale. Elle constitue un
avertissement, une mise en garde adressée à tous les citoyens qui seraient

1 Constant, cité par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 342.


2 Soula, cité par X. PIN, op. cit., p. 346.
3 C.C. fr., Décis. no 93-334, 20 janv. 1994.
4 Art. 130-1, Code pénal français.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 343 ; B. BOULOC, op. cit., p. 434 ; NGOTO

NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 70.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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tentés d'imiter le délinquant. C'est notamment ce qui explique que les


jugements soient publics.
Enfin, par sa fonction éliminatrice, la peine consiste à mettre le
délinquant hors d'état de nuire. La peine de mort est celle qui remplit le mieux
cette fonction.

Section 2
Nomenclature des peines

Aux termes de la loi, « les peines applicables aux infractions sont : 1°. la
mort ; 2°. les travaux forcés ; 3°. la servitude pénale ; 4°. l'amende ; 5°. la
confiscation spéciale ; 6°. l'obligation de s'éloigner de certains lieux ou d'une certaine
région ; 7°. la résidence imposée dans un lieu déterminé ; 8°. la mise à la disposition
de la surveillance du gouvernement »1. Toutefois, il existe d'autres peines ou
mesures prévues par des lois particulières ou complémentaires.

Paragraphe 1
La peine de mort

La mort consiste en la privation de la vie ordonnée par le juge. Elle est


prévue pour des infractions graves telles que l'assassinat, le meurtre,
l'empoisonnement, le vol à mains armées, le viol ayant causé la mort, et
bien d'autres atteintes à la sûreté de l'État, telles que la trahison,
l'espionnage, la direction ou l'organisation des mouvements
insurrectionnels.
L'exécution de la peine de mort se fait par la pendaison pour les civils,
et par les armes pour les militaires2.
La doctrine est divisée au sujet de la peine de mort, entre
rétentionnistes et abolitionnistes3.
Les rétentionnistes plaident pour le maintien de la peine de mort.
Ils estiment qu'elle est nécessaire à la société pour assurer sa légitime
défense contre les criminels qui la mettent en péril. Elle remplit
efficacement la fonction d'élimination, car elle met le délinquant dans
l'impossibilité de s'évader ou de procréer. Elle est intimidante,
exemplaire.

1 Art. 5, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 Art. 1e, Arrêté du Gouverneur Général du 9 avril 1898.
3 Lire R. NYABIRUNGU, op. cit., pp. 365-366.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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A l'opposé, les abolitionnistes estiment que la justice humaine


n'était pas à l'abri d'une erreur judiciaire, la peine de mort conduirait à
un mal irréparable au préjudice d'un innocent éventuel. Et pour
Badinter, « ce seul risque devrait suffire à interdire la peine de mort dans
tout État ». La peine de mort doit être rejetée car elle est cruelle et
inhumaine et contrarie les sentiments les plus profonds et les plus nobles
de notre civilisation et de notre époque. La peine de mort n'est ni efficace
ni exemplaire. La criminologie a démontré qu'il n'y avait aucun lien
significatif entre l'évolution de la criminalité et la peine de mort. « La
peine de mort ne réduit pas plus le crime que l'abolition ne l'accroît ». Et
puis, en s'arrogent le droit de décider que certains individus n'ont plus le
droit de vivre, l'État donne un mauvais exemple aux citoyens qui y voient
la négation du caractère sacré de la vie et de son respect absolu.
Dans un complément à la quatrième partie de son traité de droit
pénal général, Raphaël Nyabirungu propose un débat entre Target,
membre de la commission pour la rédaction du projet de code criminel
français de 1804, et Badinter, ancien ministre de la justice sous le mandat
duquel a peine de mort sera abolie en France en 1981. Ce débat illustre
la fameuse « querelle des anciens et des modernes », entre l’ancienne
génération rétentionniste, et la nouvelle génération abolitionniste1.
Target argue que, de tous les sentiments qui affectent les hommes
grossiers, le plus vif est l'amour de la vie et la crainte de la perdre. La
perspective, même prochaine, de l'esclavage et du travail ne donne pas
une commotion aussi violente à ces âmes dures, ne porte pas un
ébranlement aussi fort aux fibres grossières dont elles sont enveloppées.
La crainte des traitements rigoureux destinés au criminel, son
imagination, tentée par l'intérêt et la vengeance, joindrait bientôt toutes
les idées qui peuvent effacer ou adoucir celle de la peine.
Que d'événements possibles dans le cours d'une longue détention ! Négligence
des gardiens, intelligence avec des complices ou des compagnons de malheur, invasions
étrangères : toutes les possibilités sont des faits, toutes les chimères sont des réalités
pour la passion qui s'abuse ; et la plus terrible peine s'évanouit dans les rêves d'une
vague espérance.
Au contraire, l'homme tenté d'un crime de mort ne peut avoir que l'idée
d'échapper à la poursuite. S'il est saisi, c'en est fait ; le terme fatal, redouté de tout
être vivant, est arrivé pour lui : la pensée d'une mort sûre et prompte est le tombeau
de toutes les illusions ; et cela seul démontre qu'il n'est pas de peine aussi répressive
pour cette classe de coupables.

1 R. NYABIRUNGU, op. cit., pp. 332-336.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Que serait-ce que la honte, l'infamie, le carcan, la déportation


même, pour des malfaiteurs atroces, qui n'ont que la figure humaine,
pour qui l'honneur et l'opinion ne sont rien, et qui, dans quelque coin
que les jette leur destinée, ne savent plus voir dans leurs semblables que
des ennemis à déchirer ?
La peine de mort, en attendant des temps plus heureux, est donc
encore évidemment nécessaire ; et si elle l'est, loin de blesser l'humanité,
elle la sert, en conservant la vue à tous ceux que le scélérat aurait immolés
encore, à plusieurs de ceux qui seraient tombés de forfaits semblables.
Des années après, Badinter pense lui que, pour qu'une telle justice
de mort puisse répondre aux exigences morales les plus élémentaires, il
faudrait qu'elle soit infaillible, et les hommes qu'elle juge devraient être
absolument responsables de leurs actes. Or, l'une et l'autre conditions
sont dans la réalité impossibles à remplir à coup sûr, surtout parce que
nous savons par de tragiques expériences que la justice humaine, même
la plus prudente, n'est pas infaillible. Un homme peut être condamné à
mort par un jury, mais, s'il y a eu erreur de procédure, la décision sera
cassée et un deuxième jury l'épargnera. C'est ainsi qu'en justice, la vie
d'un homme peut dépendre de l'erreur de droit d'un juge ou de la
négligence d'un greffier. Pour des crimes identiques, certains sont
exécutés tandis que d'autres ne le sont pas, selon le hasard des audiences
et le talent des avocats ou du procureur. Quand la vie d'un homme est en jeu,
cette loterie judiciaire est moralement insupportable. La loterie psychiatrique n'est
pas moins intolérable : le criminel est épargné quand un expert relève
des signes d'aliénation. La justice refuse depuis des siècles d'exécuter des
déments, mais la démence n'est pas toujours identifiable avec certitude.
Comment accepter que cette masse d'incertitudes débouche sur une exécution capitale
qui, elle, est une certitude irréversible ? Voici des femmes et des hommes auxquels la
loi donne le pouvoir souverain de décider du sort d'autres êtres humains. Non
seulement ils doivent décider de la culpabilité, avec tous les risques d'erreurs que cette
décision comporte, mais ils doivent aussi décider si ces gens vont vivre ou mourir. Un
tel pouvoir absolu n'est pas acceptable dans une démocratie. La peine de mort est
inhumaine et doit être abolie dans la mesure du possible.
Au sujet de l’abolition de la peine de mort au Congo, le Doyen
Nyabirungu1 pense que le Congo n'y est pas encore prêt. L’opinion
publique croit encore en la peine de mort en tant que moyen d'expiation
et d'intimidation, surtout en ce qui concerne les infractions d'atteinte à
la vie. Cette mentalité doit être préparée, informée et éduquée dans le

1 Idem., p. 276.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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sens d'un certain humanisme. Notre administration pénitentiaire


n'inspire pas une confiance telle que l'on puisse dire que le délinquant,
auteur d'une infraction naguère punie de mort, exécutera complètement
la peine de remplacement. Quel ne serait alors le désarroi des citoyens
qui, deux ou cinq ans après la condamnation du meurtrier, verraient
celui-ci se pavaner dans la rue ? Leur sentiment serait que la justice n'est
plus rendue, avec comme conséquence, un retour à la justice privée. La
marche vers l'abolition doit donc s'accompagner d'une amélioration de
la politique et de l'administration pénitentiaires.
José-Marie Tasoki1 pense lui que l’abolition de la peine de mort
nécessiterait un préalable, précisément une étude socio-anthropologique
mais aussi psycho-philosophique du sens de la vie et de la mort dans
l'imaginaire du congolais moyen pour atteindre le résultat voulu ou
recherché par les abolitionnistes.
Sur le plan de droit comparé, on peut distinguer trois sortes d'États
: ceux ayant aboli de droit la peine de mort, ceux l'ayant abolie de fait, et ceux
qui la gardent encore dans leurs législations2.
Un premier groupe de pays est constitué par ceux qui sont
abolitionnistes de droit, essentiellement les États d'Europe. Par exemple, la
peine capitale est abolie au Portugal en 1867, aux Pays-Bas en 1870 en
droit commun et en 1983 en matière militaire, en Suisse en 1874 sauf
pour certains crimes militaires en temps de guerre, en Allemagne et en
Italie en 1949, en Espagne en 1978, au Luxembourg en 1979, en France
en 1981, dans tous les États d'Europe orientale depuis 1990.
Un second groupe de pays rassemble ceux qui sont abolitionnistes de
fait. Leur loi interne continue à connaître la peine capitale, mais leur
pratique est systématiquement hostile à toute exécution. C'est le cas du
Maroc, de la Côte d'Ivoire et du Sénégal.
Enfin dans un troisième groupe, on trouve les pays non
abolitionnistes. Dans ce groupe considérable, on rencontre presque tous
les pays d'Afrique, la plupart des pays d'Asie et un certain nombre d'États
d'Amérique (la bonne moitié des États des États-Unis, exactement 31
sur 50, ainsi que l'État fédéral), enfin les pays de droit islamique comme
l'Arabie Saoudite, le Soudan, le Yémen, l'Iran et le Pakistan notamment.

1 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 305.


2 Lire J. PRADEL, Droit pénal comparé, Dalloz, Paris, 2014, pp. 628-630.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Les travaux forcés

La peine de travaux forcés est d’un an au minimum à 20 ans au


maximum. Son institution « a été envisagée en vue d'assurer à l'État une certaine
compensation de la perte qu'il subit à la suite de l'infraction de détournement »1. Cet
objectif semble ne pas encore avoir été atteint, dans la mesure où,
concrètement, l'exécution de la peine des travaux forcés est remplacée
par celle de servitude pénale.

Paragraphe 3
La servitude pénale

La servitude pénale est au minimum d'un jour et au maximum de 20


ans. Toute détention subie avant que la condamnation soit devenue
irrévocable, par suite de l'infraction qui donne lieu à cette condamnation,
sera imputée pour la totalité, sur la durée de servitude pénale prononcée.
La servitude pénale peut être à perpétuité, ou à temps. Cette dernière
peut varier entre 1 jour et 20 ans.
La servitude pénale remplace la peine de mort en cas de circonstances
atténuantes. Elle remplace la peine d'amende à défaut de paiement dans les délais
légaux. Dans ce dernier cas, elle prend le nom de servitude pénale subsidiaire2.

Paragraphe 4
L'amende

L'amende est perçue au profit du de la République. Elle est prononcée


individuellement contre chacun des condamnés à raison d'une même
infraction3. Elle doit tenir compte de la situation économique du condamné, elle ne
peut peser de la même façon sur la pauvre et sur le riche4.
À défaut de paiement dans la huitaine qui suit la condamnation
devenue irrévocable et, dans l’hypothèse d'un jugement immédiatement
exécutoire, dans la huitaine qui suit le prononcé du jugement, l'amende
peut être remplacée par une servitude pénale dont la durée sera fixée par le

1 Exposé des motifs, Loi n° 73-017 du 5 janvier 1973 modifiant et complétant le


Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 377.
3 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 306.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 386.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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jugement de condamnation, d'après les circonstances et le montant de


l'amende infligée au condamnée. La durée de la servitude pénale
subsidiaire n'excède jamais six mois. Dans tous les cas le condamné peut se
libérer de cette servitude en payant l'amende.
Bien que le législateur ne souligne pas toujours cette distinction
dans son texte, la peine doit être distinguée des mesures de sûreté. Celle-
ci est une mesure individuelle coercitive, sans coloration morale,
imposée à un individu dangereux pour l'ordre social, afin de prévenir les
infractions que son état rend probables. Elles peuvent être éducatives
(préservation, garde ou éducation des enfants), curatives (internement
des anormaux, traitement des alcooliques et des toxicomanes),
préventives (fermeture d'établissement, interdiction d'exercer une
profession), éliminatrices (interdiction de séjour, éloignement de certains
lieux, explosion des étrangers du territoire national, déchéance du droit
de conduire, mise à disposition du gouvernement)1. Les mesures de
sûreté n’ont pas un but de rétribution ; elles ne cherchent pas à punir le
délinquant pour ce qu’il a fait, mais à remédier à son état dangereux et à
éviter les infractions futures que cet état rend très probables. Elles n’ont
pas de coloration morale, ne supposent pas forcément une faute du
délinquant; c’est pourquoi elles peuvent être appliquées même à des
irresponsables (mineurs, déments)2.
La peine a en principe une existence par elle-même et fonctionne
comme instrument direct de pénalité. Pour chaque infraction, il est
prévu une ou plusieurs peines qui doivent être expressément prononcées
par le juge. Ce sont les peines dites principales. À côté d'elles se trouvent
les peines complémentaires. Elles s'ajoutent à la peine principale. Elles
doivent être expressément prononcées par le juge, soit que la loi lui
impose de les prononcer — obligatoires —, doit qu'il lui en donne la
faculté — facultatives —3. Dans les deux cas, obligatoires ou

1 Idem., p. 388.
2 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 651.
3 Voir par ex. pour le cas de la corruption : aux termes de l'Art. 149 bis du Code

pénal, « le coupable de la corruption active ou passive sera en outre condamné à :


1°. la confiscation de la rétribution perçue ou du montant de sa valeur lorsqu'elle
n'a pu être saisie ; 2°. l'interdiction pour cinq ans au moins et dix ans au plus,
après l'exécution de la peine, du droit de vote et du droit d'éligibilité ; 3°.
l'interdiction d'accès aux fonctions publiques ou paraétatiques quel qu'en soit
l'échelon ; 4°. la privation du droit à la condamnation ou à la libération
conditionnelles et à la réhabilitation dont le but est de faire bénéficier le coupable
des avantages prohibés à l'article 145 du présent code ; 5°. l'expulsion définitive

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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facultatives, le juge doit expressément les prononcer, autrement, elles ne


seront pas appliquées1.

du territoire de la République après l'exécution de la peine, si le condamné est


un étranger ». Nos italiques.
1 Lire B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 641.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Les circonstances qui font varier la peine
Section 1
Les circonstances atténuantes

Les circonstances atténuantes sont des évènements entourant la


commission d’une infraction, ou traits de caractère relatifs à la personne
de son auteur, librement appréciés par le juge et entraînant une modulation
de la peine dans le sens de la clémence1.
La loi dispose que « s'il existe des circonstances atténuantes, la peine
de mort pourra être remplacée par la servitude pénale à perpétuité ou
par une servitude pénale dont le juge déterminera la durée. Les peines
de servitude pénale et d'amende pourront être réduite dans la mesure
déterminée par le juge. Il ne sera pas prononcé, toutefois, de peine de
servitude pénale de moins d'un jour (...) »2.
Les circonstances pouvant être considérées comme atténuantes
sont indéfinies. Il peut s'agir du peu de gravité de l'infraction, de la
faiblesse du préjudice causé, le jeune âge du délinquant, l'ivresse —
même fautive —, la tentative, le caractère frustre, la victime peu
intéressante, le repentir actif, la réparation du préjudice, l'erreur fautive,
la contrainte irrésistible, une riposte disproportionnée en cas de légitime
défense, l'absence d'antécédents judiciaires, etc.3.
Dans l'application de la peine, de larges circonstances atténuantes
existent telles que l'absence d'antécédents connus, la bonne foi
manifestée par la franchise des démarches auprès des parents de la
victime qu'il voulait épouser, et surtout la moralité dissolue de celle-ci4.
Il a été jugé que constituent des circonstances atténuantes d'un
détournement commis par un agent public, le fait que celui-ci manquait
de formation comptable ainsi que sa situation familiale et l'absence
d'antécédents judiciaires5, ou encore, les services rendus à l'État, la

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 353.


2 Art. 18, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 Lire R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 392.
4 C.S.J., 5 avril 1978.
5 C.S.J., 20 août 1974.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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famille nombreuse du prévenu et la modicité du montant détourné1, ou


carrément, le remboursement par le prévenu des deniers détournés2.
Par ailleurs, il convient de retenir comme circonstances atténuantes
le comportement provocateur et injurieux de la victime, son état de père
de famille nombreuse et son casier judiciaire vierge3.
La colère provoquée par le fait qu'elle excède le prévenu contre la
victime qui exerçait des assiduités avouées à l'égard de son épouse peut
être retenue comme circonstances atténuantes4.
Sont des circonstances atténuantes, le fait pour la victime d'avoir
des mœurs faciles et d'avoir entretenu des relations sexuelles avec
d'autres personnes avant les faits de la cause5.
Les circonstances atténuantes sont facultatives, le juge peut ne pas
les retenir. Ainsi, ne viole pas la loi, le refus du juge de retenir des
circonstances atténuantes ; celles-ci sont facultatives et laisses à
l'appréciation souveraine du juge6. Toutefois, tout jugement admettant
des circonstances atténuantes les indiquera et les énumérera7. Par
ailleurs, il ne peut retenir que les circonstances rationnellement
admissibles8.

Section 2
Les excuses légales

Les excuses légales sont des circonstances spécialement définies par la loi,
et qui ont pour effet d'exempter de la peine ou de l'atténuer. Elles s'imposent au
juge9.
Les excuses légales sont absolutoires et atténuantes. Dans le premier
cas, l'agent est totalement exempté de la peine. Il en est ainsi lorsqu'il
porte connaissance à l'autorité publique d'un plan criminel attentatoire à
la sûreté de l'État en préparation. La loi dispose en effet que « sera
exempté de la peine encourue celui qui, avant toute exécution ou
tentative d'une infraction contre la sûreté de l'Etat, en donnera le premier

1 C.S.J., R.P.A., 27 mai 1988.


2 C.S.J., R.P.A. 128, 27 mai 1988.
3 C.S.J., R.P.A. 61, 1e avril 1980.
4 C.S.J., R.P.A. 11, 13 juill. 1972.
5 C.S.J., R.P., 5 mars 1974.
6 C.S.J., 8 août 1974 ; C.S.J., R.P. 360/361, 29 juill. 1980
7 Art. 19, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
8 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 394.
9 Idem., p. 395.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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connaissance aux autorités administratives ou judiciaires ». Toutefois, «


l'exemption de la peine sera seulement facultative si la dénonciation
intervient après la consommation ou la tentative de l'infraction, mais
avant l'ouverture des poursuites. L'exemption de la peine sera également
facultative à l'égard du coupable qui, après l'ouverture des poursuites,
procurera l'arrestation des auteurs et complices de la même infraction,
ou d'autres infractions de même nature ou de même gravité »1. La prime
à la dénonciation permet d'éviter la commission des infractions
particulièrement graves pour l'ordre public et, lorsqu'elles sont déjà
consommées, en facilité la poursuite et la répression2.
Il y a également excuse légale en cas de soumission. La loi dispose
qu' « il ne sera prononcé aucune peine, pour le fait de sédition, contre
ceux qui, ayant fait partie d'une bande armée sans y exercer aucun
commandement et sans y remplir aucun emploi ni fonction, se seront
retirés au premier avertissement des autorités civiles ou militaires, ou
même depuis, lorsqu'ils n'auront été saisis que hors des lieux de la
réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes »3. Le but
du législateur ici est d'apaiser les troubles et les émeutes. Les membres
des bandes armées peuvent effectivement avoir intérêt à se soumettre
plutôt qu'à résister avec la conséquence qu'en cas de défaite, la loi leur
sera appliquée dans toute sa rigueur4.
La parenté ou l'alliance peut aussi constituer une excuse
absolutoire. La loi dispose que « seront punis d'une peine de six mois à
deux ans de servitude pénale, ceux qui auront recélé ou fait receler des
personnes qu'ils savaient être poursuivies ou condamnées du chef d'une
infraction que la loi punit de mort, de travaux forcés ou de cinq ans au
moins de servitude pénale. Sont exemptés de la présente disposition, les
ascendants ou descendants, époux ou épouse même divorcés, frères ou
sœurs des détenus évadés ou leurs alliés aux mêmes degrés »5.
En cas d'excuse absolutoire, le prévenu est jugé, mais absout après
jugement6.
La loi prévoit également des excuses atténuantes pour le cas d'une
infraction qui n'a pas eu de suites graves. La loi dispose que « l'attentat

1 Art. 218, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 397.
3 Art. 205, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 397.
5 Art. 164, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
6 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 398.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contre la vie ou contre la personne du Chef de l'Etat sera puni de mort.


S'il n'a pas eu pour résultat de porter atteinte à la liberté du Chef de l'Etat,
et s'il ne lui a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie, l'attentat
contre sa personne sera puni de la servitude pénale à perpétuité »1.

Section 3
Les circonstances aggravantes

Les circonstances aggravantes sont des éléments prévus par la loi qui,
ajoutés à l'infraction simple, en aggravent la peine2. Elles obligent le juge à
dépasser le maximum de la peine prévue pour l'infraction à l'état simple3.
Les circonstances aggravantes sont légales et de stricte interprétation. Il
n'y a pas de circonstance aggravante s'il n'existe pas d'infraction à l'état
simple. Enfin, il n'y a pas de circonstance aggravante s'il n'y a pas
aggravation légale de la peine. Ainsi, l'assassinat n'est pas une
circonstance aggravante du meurtre, les deux étant punis de la même
peine : la mort.
Les circonstances aggravantes peuvent être relatives au temps où au
lieu de l'infraction (la nuit et la maison habitée aggrave le vol simple) ; à
la qualité du sujet (la qualité d'agent de poste aggrave la violation du secret
des lettres, la qualité de père ou mère aggrave les attentats aux mœurs) ;
la qualité de la victime (l'âge de la victime inférieur à 10 ans aggrave l'attentat
aux mœurs) ; l'objet du délit (le meurtre commis pour faciliter le vol ou
l'extorsion aggrave ces deux infractions, les violences ou les menaces
aggravent le vol) ; les conséquences incriminées (la mort non voulue aggrave
les coups et blessures volontaires, les tortures mortelles aggravent
l'enlèvement) ; l'élément moral (la préméditation aggrave les coups et
blessures volontaires) ; le mobile ou le but (le but d'entraver le bon
fonctionnement de la justice aggrave la corruption)4.
Les circonstances aggravantes sont réelles ou personnelles. Les
premières tiennent aux faits extérieurs qui ont accompagné l'infraction,
elles aggravent la criminalité de l'acte, elles sont relatives à l'élément
matériel de l'infraction (effraction, escalade, emploi de fausses clés…) ;

1 Art. 193, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 398.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 576.
4 R. NYABIRUNGU, op. cit., pp. 399-401.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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les secondes sont relatives à l'agent : la qualité du sujet (fonctionnaire,


domestique, père ou mère), de l'élément moral (la préméditation)1.
L'intérêt de la distinction réside en matière de participation. En effet,
les circonstances aggravantes personnelles ne s'appliquent qu'à la
personne chez qui elles sont rencontrées2. Il a été jugé que la
préméditation en matière d'homicide volontaire, est une circonstance
aggravante personnelle, et les coauteurs de l'homicide seront
respectivement coupables d'assassinat ou de meurtre, selon qu'ils l'ont
personnellement prémédité ou non3. Tandis que pour les tenants de la
théorie de la criminalité de l'emprunt, les circonstances aggravantes
réelles se communiquent à tous les participants. Il a été jugé que les
tortures corporelles constituent une circonstance aggravante inhérente
au fait criminel ; le coauteur en répond même s'il les avait ignorées4.

Section 4
La récidive

La récidive désigne une rechute dans l'infraction selon les conditions


légalement déterminées, et après une ou plusieurs condamnations
coulées en force de chose jugée5.
La loi dispose que « outre la peine de servitude pénale, les mêmes
peines peuvent être prononcées, à charge de quiconque a commis,
depuis dix ans au moins deux infractions qui ont entraîné chacune une
servitude pénale d'au moins six mois »6. Ces mêmes peines sont celles
prévues au point précédent du même article, en l'occurrence l'obligation
de s'éloigner de certains lieux ou d'une certaine région ou celle de résider
dans un lieu déterminé pendant une durée maximum d'un an.
Ces mesures sont laissées à la libre appréciation du juge. Mais
lorsqu'il décide de les prononcer, deux conditions doivent être remplies
: un laps de temps de tout au plus 10 ans entre la première condamnation
à 6 mois de servitude pénale au moins et le moment du jugement ;
l'existence, pendant cette période, dans le casier judiciaire du délinquant

1 B. BOULOC, op. cit., p. 576 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 401.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 576 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 402.
3 Ie Inst., Appel, Luebo, 4 déc. 1930 ; Élis., 4 fév. 1943.
4 Boma, 23 déc. 1902 ; Élis., 23 mai 1911 ; Boma, 8 fév. 1916.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 403.
6 Art. 14 b, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'au moins deux infractions ayant conduit chacune à la condamnation à


une servitude pénale d'au moins 6 mois.
Une autre forme de récidive est la délinquance d'habitude. La loi
dispose que « quiconque ayant commis depuis dix ans, au moins trois
infractions qui ont entraîné chacune une servitude pénale d'au moins dix
mois, présente en outre une tendance persistante à la délinquance peut,
par l'arrêt ou le jugement de condamnation, être mis à la disposition du
Gouvernement, pour un terme de cinq à dix ans après l'expiration de la
peine de servitude pénale »1.
La mise à disposition du gouvernement est une peine
complémentaire qui nécessite trois conditions : un laps de temps de 10
ans entre la première condamnation à 6 mois de servitude pénale au
moins et le jugement, et entre cette période, le délinquant a commis au
moins trois infractions ayant entraîné chacune une servitude pénale d'au
moins 6 mois, et le prévenu présente une tendance persistante à la
délinquance.

1 Art. 14 d, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Les causes de suspension de la peine
La sanction judiciaire doit en principe recevoir exécution pendant
le temps fixé par l'autorité judiciaire. Il existe cependant des cas où
l'exécution pourrait être suspendue, et même prendre fin. La suspension
peut intervenir avant l'exécution de la condamnation, juste après son
prononcé : c'est le sursis ; ou un certain temps après le début de
l'exécution : c'est la libération conditionnelle. Ces mesures visent à
faciliter la réadaptation sociale du condamné1.

Section 1
La condamnation conditionnelle ou le sursis

Les condamnations avec sursis sont celles par lesquelles le juge décide
qu'il sera sursis à l'exécution de la sentence qu'il vient de rendre2. Le sursis est une
mesure de dispense de l'exécution de la servitude pénale que le juge a la faculté
d'accorder pour réduire les inconvénients inhérents aux courtes peines
de prison, et stimuler ainsi l'amendement du délinquant pendant une
durée d'épreuve qui ne dépassera pas cinq ans3. La loi dispose que « les
cours et tribunaux, en condamnant à une ou plusieurs peines de
servitude pénale principale ou subsidiaire, pourront ordonner, par
décision motivée, qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêt ou du jugement
en ce qui concerne cette ou ces peines pendant un délai dont ils fixeront
la durée à compter de la date du prononcé de l'arrêt ou du jugement,
mais qui ne pourra excéder cinq années »4.
Le sursis est subordonné à deux conditions : il faut qu'il ne soit pas
prononcé contre le condamné une peine de servitude pénale principale
supérieure à un an. En cas de concours matériel, on accordera le sursis si
les peines prononcées prises séparément sont chacune inférieures ou
égales à un an, même si leur cumul dépasse un an5. Le sursis ne concerne
que la servitude pénale, il est inapplicable à l'amende ou aux mesures de
sûreté.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 622 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 406.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 623.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 406.
4 Art. 42, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 406.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Deuxième condition, il faut que le condamné n'ait antérieurement encouru


aucune condamnation à la servitude pénale principale, du chef d'une infraction,
commise dans la République, punissable, indépendamment de l'amende,
d'une servitude pénale de plus de deux mois. En clair, le condamné ne doit pas
avoir encouru dans le passé une condamnation de servitude pénale,
même d'un jour, pour une infraction punissable de plus de deux mois1
Toutes les condamnation à la servitude pénale sont prises en compte,
qu'elles aient été exécutées ou non, graciées ou prescrites, sauf si elles
ont été amnistiées, réhabilitées ou revues2.
Le sursis est accordé par le juge. Encourt annulation pour excès de
pouvoir l'acte du pouvoir exécutif accordant surséance à l'exécution
d'une condamnation, constituant par là une intrusion dans la sphère des
compétences réservées au pouvoir judiciaire qui lui est indépendant3. Le
sursis est facultatif. Même si les conditions sont réunies, le juge peut ne
pas l'accorder, et dans ce dernier cas, il n'a pas à motiver sa décision. Il a
été jugé que compte tenu des circonstances atténuantes retenues en
faveur du délinquant plus particulièrement qu'il était délinquant primaire
et en vue de l'administration d'une justice saine et efficace, le sursis sera
ordonné pour contribuer à son amendement4.
Si pendant la durée de l'épreuve, qui ne dépassera pas cinq ans, le
condamné n'a encouru aucune condamnation nouvelle grave, pour une
infraction punissable de plus de deux mois, la dispense de l'exécution
sera définitive. Toutefois, cela n'efface pas la condamnation qui demeure
dans le casier judiciaire et comptera ainsi pour la récidive.

Section 2
La libération conditionnelle

La libération conditionnelle est une mise en liberté que l'administration


pénitentiaire accorde au condamné et qui est destinée à stimuler l'amendement
de ce dernier par la perspective d'une libération définitive en cas de
bonne conduite5. La loi dispose que « les condamnés qui ont à subir une
ou plusieurs peines comportant privation de liberté, peuvent être mis en
liberté conditionnellement, lorsqu'ils ont accompli le quart de ces peines

1 Idem.
2 Ibidem.
3 Voy. par ex. C.S.J., RA, 01 déc. 1997 ; C.S.J., RA 326, 1 déc. 1997.
4 C.S.J., R.P.A. 18, 28 mars 1973.
5 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 408.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pourvu que la durée de l'incarcération déjà subie dépasse trois mois. Les
condamnés à perpétuité pourront être mis en liberté conditionnellement
lorsque la durée de l'incarcération déjà subie par eux dépassera cinq ans.
La durée de l'incarcération prescrite aux deux alinéas précédents pourra
être réduite lorsqu'il sera justifié qu'une incarcération prolongée pourrait
mettre en péril la vie du condamné »1.
Pour ce faire, le condamné doit avoir exécuté au moins un quart de sa
peine, et à condition que la durée de l'incarcération déjà subie dépasse trois mois.
En cas de perpétuité, il ne pourra être libéré qu'après cinq ans. Ces délais
peuvent être réduits si la vie du condamné est en péril.
La peine qui sert de base n'est pas celle prononcée, mais celle qui
doit être effectivement exécutée, compte tenu des mesures de grâce
éventuelles dont il peut avoir bénéficié2.
Le détenu doit donner des signes d'amendement et de bonne conduite. En
effet, la loi dispose que « la mise en liberté peut toujours être révoquée
pour cause d'inconduite »3, ce qui signifie tacitement que la bonne
conduite en est une condition, à défaut de laquelle la mesure est
révoquée. Plus clairement encore, la loi dispose que « la libération
conditionnelle n'est accordée qu'aux condamnés qui ont fait preuve
d'amendement. L'administration, pour apprécier si un condamné qui a
fait preuve d'amendement peut être libéré conditionnellement, tient
compte de ses antécédents, des causes de la condamnation qu'il a
encouru, de ses dispositions morales et des moyens d'existence dont il
disposera à sa sortie de prison »4.
Enfin, le détenu doit accepter les conditions fixées par l'administration
pénitentiaire.
La libération conditionnelle est accordée — pour les personnes
condamnées par les juridictions civiles — par le ministre de la justice
après consultation du ministère public, du directeur de la prison, du
gouverneur de province. À l'instar du sursis, cette mesure est facultative5.
La libération définitive est acquise au condamné si la révocation n'est
pas intervenue avant l'expiration d'un délai égal au double du terme d'incarcération
que celui-ci avait encore à subir à la date de sa libération conditionnelle6. Si

1 Art. 35, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 408.
3 Art. 36, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
4 Art. 91, Ordonnance du 17 septembre 1965.
5 Art. 38, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
6 Art. 37, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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par contre, pendant ce temps, il commet des actes d'inconduite ou de


manquement aux conditions énoncées dans le permis de libération,
celui-ci pourra être révoqué1. Le libéré conditionnel regagnera la prison
et exécutera le restant de sa peine. Il a été jugé que la libération
conditionnelle peut être révoquée lorsqu'il est constaté, dans une
condamnation passée en force de chose jugée, que le libéré conditionnel
a commis une infraction avant l'expiration du délai d'épreuve. Il peut
s'agir d'une condamnation prononcée par une juridiction étrangère2.

1 Art. 36, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 Cass. b., 18 mars 2003.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal
congolais.
3. Loi n°87-010 du 1er Août 1987 portant code de la
famille.
4. Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection
de l'enfant.

B. DOCTRINE

1. J. BORRICAND et A.-M. SIMON, Droit pénal et


procédure pénale, Sirey, Paris, 2004.
2. B. BOULOC, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2017.
3. B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal
général et procédure pénale, Sirey, Paris, 2018.
4. C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en droit pénal,
Thèse, Université de Bordeaux, 2011.
5. S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des
termes juridiques, Dalloz, Paris, 2017-2018.
6. P. KOLB et L. LETURMY, Cours de Droit pénal général,
Gualino, Paris, 2019.
7. P. MULUS MULUNGULA, Les causes objectives
d'irresponsabilité pénale en droit positif congolais. Cas des décisions
rendues par le T.G.I./Bukavu sur l'état de nécessité, Mémoire de
Licence, Université Officielle de Bukavu, 2015.
8. NGOTO NGOIE NGALINGI, L'essentiel du Droit
pénal congolais, PUC, Kinshasa, 2018.
9. R. NYABIRUNGU, Traité de droit pénal général congolais,
2e éd., DES, Kinshasa, 2007.
10. X. PIN, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2018.
11. J. PRADEL, Droit pénal comparé, Dalloz, Paris, 2014.
12. M.-L. RASSAT, Droit pénal spécial, Dalloz, Paris, 2018.

759
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

760
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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6. La procédure pénale
Le droit pénal vise la protection de la société par la répression des
infractions. Elle les sanctionne par une peine. Mais entre la commission
de l'infraction et le prononcé de la sanction s'écoule toute une procédure,
c'est-à-dire, une série d'étapes à franchir avant la décision du juge. Ces étapes
vont de la constatation de l'infraction au prononcé de la sanction — ou plus
exactement à son exécution — en passant par l'enquête et l'instruction. Elles font
intervenir, en vertu du principe de séparation des fonctions judiciaires,
respectivement la police judiciaire, le juge et le parquet. C'est le procès
pénal. C'est dire que la réaction sociale à l'infraction n'est pas instinctive,
arbitraire et aveugle : elle est réfléchie, réglementée, essentiellement
judiciaire1. Ainsi entendu, l'enjeu est la découverte et la manifestation de la
vérité2. En tant que tel, le procès pénal se déroule non seulement dans
l'intérêt de la société dont les droits sont défendus de manière certaine

1 B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, Paris, 2020, p. 1.


2 J.-M. TASOKI, Procédure pénale congolaise, L'Harmattan, Paris, 2017, p. 7.

761
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

et rapide, mais aussi dans l'intérêt de l'individu qui est jugé dans le respect
de ses droits et libertés fondamentaux1.
En vertu du principe de séparation des fonctions judiciaires, chaque
autorité judiciaire joue un rôle dans le procès pénal. La police judiciaire
intervient la première dès la constatation de l'infraction. Elle mène
enquête sous l'égide du parquet, qui procédera après, à l'instruction. Au
cours de cette instruction, des mesures restrictives de liberté avant le
jugement définitif peuvent intervenir dans l'intérêt social. L'instruction
se clôture par une décision du parquet sur la suite à donner à l'action
publique : soit qu'elle l'abandonne, soit qu'elle continue. Dans ce dernier
cas, le parquet saisit la juridiction de jugement afin de se prononcer sur
la culpabilité ou non du prévenu. Le parquet revient encore après, le cas
échéant, pour suivre l'exécution de la peine prononcée. On étudiera
donc respectivement l'enquête de la police judiciaire, l'instruction du
parquet, le jugement de la juridiction pénale et l'exécution de la
condamnation.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 3.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
L'AVANT-PROCÈS
L'avant-procès est cette étape de la procédure qui intervient avant
le procès proprement dit, c'est-à-dire, avant l'intervention de la
juridiction de jugement. Elle contient deux phases faisant intervenir en
principe deux autorités différentes : l'enquête de la police judiciaire et
l'instruction du parquet.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
L'enquête de la police judiciaire
Section 1
Définition et caractères de l'enquête

Paragraphe 1
Définition de l'enquête

L'enquête est une mesure d’instruction qui permet aux officiers de police
judiciaire ou aux officiers du ministère public de recevoir des tiers des déclarations de
nature à les éclairer sur les faits litigieux dont ils ont personnellement connaissance1.
Il s'agit autrement de l'ensemble des activités spécifiquement organisées
par des autorités publiques en vue de permettre aux cours et tribunaux
de statuer sur la matérialisation et l'imputabilité d'un fait pénal2. Dans
son origine, l’enquête n’était autrement définie que comme la procédure
par laquelle est administrée la preuve par témoins3. « La preuve, c’est le
but de l’enquête ; l’audition des témoins, c’est l’acte d’enquête »4.
L'enquête vise principalement la recherche de la vérité, c'est-à-dire,
l'établissement du fait dont l'application de la loi est requise5. Cette vérité
fonde l'autorité de la chose jugée de toute décision judiciaire, considérée
comme la présomption de vérité légale sur contient toute décision de
justice. La loi dispose que « l'enquête a pour but de déterminer la nature de
l'infraction commise, les circonstances et la manière dont elle a été commise, le temps
et le lieu de sa commission, l'identité de ses auteurs et complices, ainsi que les preuves
ou indices à leur charge »6.

1 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 33.


2 E.-J. LUZOLO BAMBI et N.-A. BAYONA Ba MEYA, Manuel de procédure
pénale, PUC, Kinshasa, 2011, p. 193.
3 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 33.
4 Idem.
5 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 198.
6 Art. 34, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

765
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Caractères de l'enquête

En tant que telle, elle doit être conduite avec célérité, dans un temps
le plus rapproché possible de la commission de l'infraction ; ceci pour
éviter la dénaturation du fait, car en effet, plus on laisse couler le temps,
plus la vérité s'envole : les traces des preuves de dissipent, s'entament ou
se détériorent1. La loi dispose que « l'enquête de l'officier de police
judiciaire est de portée immédiate. Elle doit être menée sans désemparer
de manière à fournir à l'officier du ministère public les principaux
éléments d'appréciation »2.
« La procédure de l'enquête et de l'instruction pré juridictionnelle
est secrète », toutefois, « le procureur de la République peut, lorsque
l'intérêt d'une enquête l'exige ou que la mesure est impérieusement
réclamée par l'opinion publique, autoriser, par une décision motivée, la
communication à la presse de tels éléments d'enquête qu'il précise »3.

Section 2
Pouvoirs des organes chargés de l'enquête

Deux organes judiciaires, la policière judiciaire est le parquet sous


l'égide duquel elle fonctionne, interviennent dans l'activité d'enquête,
mais avec des pouvoirs différents. Trois catégories de pouvoirs se
distinguent, selon qu'ils sont communs aux deux, selon qu'ils
n'appartiennent qu'au Ministère public mais sont susceptibles de
délégation par celui-ci à la police judiciaire, et selon qu'ils n'appartiennent
qu'au Ministère public, sans aucune possibilité de délégation.

1 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 198.


2 Art. 35, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des
attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
3 Art. 32, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun. Nos italiques.

766
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 1
Les pouvoirs communs aux officiers du ministère public et aux
officiers de police judiciaire

« Les officiers du ministère public peuvent exercer eux-mêmes toutes les


attributions des officiers de police judiciaire »1.

Point 1
La constatation de l'infraction

« Les officiers de police judiciaire constatent les infractions qu'ils ont mission de
rechercher »2. Ils sont tenus de rechercher personnellement et activement les
infractions qu'ils ont pour mission de constater3. Ils s'informent, s'il y a
lieu, auprès de toute personne digne de foi. Les personnes qui en sont
requises sont tenues d'informer l'officier de police judiciaire de toute
infraction dont elles ont connaissance. Ce dernier en dresse aussitôt
procès-verbal.
La constatation de l'infraction est l'indication d'un fait infractionnel dont
la commission a été portée à la connaissance du ministère public ou de l'officier de
police judiciaire. L'officier de police judiciaire écrit le plus fidèlement
possible les circonstances de cette commission dont il indique les
preuves et les indices à charge du suspect ou de l'inculpé4.

Point 2
Interrogatoire, audition, réception d'une plainte ou d'une
dénonciation

Les officiers de police judiciaire « reçoivent les dénonciations, plaintes et


rapports relatifs (aux) infractions (qu'ils ont pour mission de constater) »5.
La plainte est un acte verbal ou écrit que la victime d'une infraction adresse
à l'autorité judiciaire pour voir si cette dernière peut poser les actes de sa compétence

1 Art. 11, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 37, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
4 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 212, J.-M. TASOKI, op. cit., p.

69.
5 Art. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

767
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

visant la mise en mouvement de l'action publique1. La dénonciation, quant à elle,


est l'œuvre d'un tiers qui porte à connaissance de l'autorité judiciaire la
commission d'une infraction2.
Toute plainte, toute dénonciation et tout rapport doivent faire
l'objet d'une enquête de l'officier de police judiciaire. Les officiers de
police judiciaire peuvent convoquer, pour les entendre, toutes les
personnes susceptibles de leur fournir des renseignements sur
l'infraction commise ainsi que ses auteurs. Les personnes ainsi
convoquées sont tenues de comparaître et de déposer, mais ne prêtent
serment. Si elles sont en défaut de comparaître ou ayant comparu, elles
refusent de déposer, l'officier de police judiciaire en informe l'officier du
ministère public qui peut les y contraindre par la force s'il y a lieu3. Les
officiers de police judiciaire consignent dans leurs procès-verbaux la
nature et les circonstances de ces infractions, le temps et le lieu où elles
ont été commises, les preuves ou indices à la charge de ceux qui en sont
les auteurs présumés ainsi que les dépositions des personnes qui auraient
été présentes ou auraient des renseignements à fournir.
Vient ensuite le moment où les officiers de police judiciaire «
interrogent les auteurs présumés des infractions et recueillent leurs
explications ». Les personnes ainsi convoquées sont tenues de
comparaître mais non de s'expliquer. Elles ne prêtent pas serment. Si
elles refusent de comparaître, ou ayant comparu elles refusent de
répondre, mention en est portée au procès-verbal4.

Point 3
La saisie

Les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la saisie, où


qu'ils se trouvent — c'est-à-dire, même au-delà de leur compétence
territoriale —, des objets sur lesquels pourrait porter la confiscation prévue par la
loi et de tous autres qui pourraient servir à conviction ou à décharge5.

1 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 213.


2 Idem.
3 Art. 41, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
4 Art. 42, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
5 Art. 3, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

768
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les objets saisis seront présentés au détenteur s'il est présent, à


l'effet de les reconnaître et, s'il y a lieu, de les parapher. Le procès-verbal
de saisie décrira les objets saisis et sera signé par leur détenteur. S'il est
absent ou s'il ne peut ou ne veut parapher les objets ou signer le procès-
verbal, mention en sera faite sur celui-ci.

Point 4
L'établissement des procès-verbaux

A. Notion de procès-verbal

« Les officiers de police judiciaire ont l'obligation de dresser sur-le-champ procès-


verbal de toutes opérations auxquelles ils procèdent, ainsi que de toutes auditions ou
dépositions qu'ils reçoivent pour toute infraction qu'ils ont mission de constater »1. Le
procès-verbal est une relation d'un fait ou des actes accomplis dans le cadre d'une
mission de police judiciaire2. Il est obligatoire pour tous les actes de procédure
effectués par l'officier de police judiciaire : constatations, auditions,
confrontations, perquisitions, saisies, garde-à-vue, arrestations, etc.
Les officiers de police judiciaire énoncent leurs noms, post-noms,
leur fonction principale ainsi que leur qualité d'officiers de police
judiciaire en tête de tous les procès-verbaux qu'ils établissent en matière
de police judiciaire. Ils indiquent en outre, le lieu où ils instrumentent,
leur numéro d'identification et l'étendue de leur compétence matérielle.
Tout procès-verbal se termine par le serment : « Je jure que le présent
procès-verbal est sincère »3.
Excepté en cas de commission rogatoire ou de réquisition
d'information, lorsque, au cours d'une même enquête, l'officier de police
judiciaire effectue plusieurs opérations distinctes, il peut les relater dans
un seul et même procès-verbal, à condition d'indiquer pour chacune

1 Art. 125, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 213.
3 Art. 126, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

769
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'elles la date et le lieu où elle se déroule ainsi que les personnes qui y
sont entendues ou y participent1.

B. Force probante d'un procès-verbal

En principe, les procès-verbaux ne valent qu'à titre de renseignements, le juge


n'étant pas lié par leur contenu, car la loi ne leur attribue aucune force
probante quant à la culpabilité des prévenus2. La loi dispose que « sauf
pour les procès-verbaux auxquels la loi attache une force probante particulière, le juge
apprécie celle qu'il convient de leur attribuer »3.
En clair, le juge évalue librement la force probante d'un procès-
verbal. Par ailleurs, en vertu du principe du procès équitable, il est
interdit au juge de déclarer un élément de preuve recevable si son
admission, allant à l’encontre d’une bonne administration de la justice,
lui porterait gravement atteinte4. Ainsi, le juge pourra exclure tout
élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à
l'exigence d'un procès équitable, c’est-à-dire un élément de preuve qui
nuit à l’équité du procès5. Il a par exemple été jugé que « les constations
faites au cours d’une visite domiciliaire illégale et les preuves recueillies
ensuite de ces constatations ne peuvent fonder une condamnation »6.
Il y a des procès-verbaux auxquels la loi accorde une force probante
particulière, soit qu'ils font foi jusqu'à leur inscription en faux — en matière
douanière — soit jusqu'à preuve du contraire — en matière de contrôle de
denrées alimentaires —.

1 Art. 128, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 215.
3 Art. 75, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 68.
5 Idem.
6 Cass. fr., Crim., 13 oct. 1952.

770
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Les pouvoirs propres au ministère public susceptibles de
délégation

Le principe est que le pouvoir judiciaire est incommunicable1. Mais la loi


a prévu une exception à ce principe : la réquisition d’information, qui est
l'expression de délégation des pouvoirs du ministère public à la police judiciaire.
La loi dispose que « les officiers du ministère public peuvent charger les
officiers de police judiciaire d'effectuer les devoirs d'enquêtes, de visites de lieux, de
perquisitions et de saisies qu'ils déterminent »2. La loi n'autorise ici que la
délégation dite limitée3, par laquelle l'officier du ministère public prescrit
des devoirs bien précis. N'est donc pas admise, la délégation dite générale,
par laquelle l'officier du ministère public invité l'officier de police
judiciaire à accomplir des actes nécessaires à l'enquête sur une infraction
déterminée. Ce type de délégation entraîne un glissement progressif des
pouvoirs de l'officier du ministère public entre les mains de la police
judiciaire, avec le risque de mettre en danger les libertés individuelles4.
En tout état de la procédure et quelle que soit l'infraction commise,
l'officier du ministère public peut requérir tout officier de police
judiciaire territorialement compétent pour accomplir tel devoir
d'enquête qu'il précise. L'officier de police judiciaire requis par l'officier
du ministère public est tenu de déférer à la réquisition. Il doit faire rapport
de l'exécution de ces devoirs au magistrat qui l'aura requis dans les délais
impartis par ce magistrat. À défaut de délais, les procès-verbaux doivent
lui parvenir dans les 15 jours qui suivent la réquisition5.

Point 1
L'enquête

L'enquête du ministère public l'amène à rechercher des


renseignements divers sur les circonstances de la commission de
l'infraction et la personnalité de l'auteur. Ces renseignements lui sont

1 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 74.


2 Art. 12, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Lire E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 230.
4 Idem.
5 Art. 99, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

771
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

fournis par les plaignants, dénonciateurs, témoins, ou encore par


l'accusé.
Pour ce faire, « l'officier du ministère public peut décerner mandat
de comparution contre les auteurs présumés des infractions. À défaut par
l'intéressé de satisfaire à ce mandat, l'officier du ministère public peut
décerner contre lui un mandat d'amener »1.
Le mandat de comparution a pour objet de mettre une personne en
demeure de se présenter devant l'officier du ministère public à la date et à l'heure
indiquées par ce mandat. Il est valable jusqu'à la date et à l'heure indiquées.
Le mandat d'amener est l'ordre donné à la force publique par celui qui l'a délivré
de conduire immédiatement devant lui la personne qui y est désignée. S'il a été
décerné par un officier du ministère public, il est valable pour trois mois.
S'il l'a été par un officier de police judiciaire, sa validité est limitée à deux
mois2.
Indépendamment de tout mandat de comparution antérieur,
l'officier du ministère public peut directement décerner un mandat
d'amener, lorsque l'auteur présumé d'une infraction n'est pas présent, ou lorsqu’il
existe contre lui des indices graves de culpabilité et que l'infraction est punissable de
deux mois de servitude pénale au moins3. Il faut donc, soit, que l'auteur
présumé de l'infraction ne soit pas présent sur les lieux, ou lorsque, peu
importe sa présence, il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité,
et dans le premier cas ou le second, l'infraction doit être punissable de
plus de deux mois de servitude pénale.
La personne qui est l'objet d'un mandat d'amener doit être
conduite, dans le plus bref délai, devant l'officier du ministère public qui
a décerné le mandat.
La personne qui est l'objet d'un mandat de comparution ou d'un
mandat d'amener doit être interrogée au plus tard le lendemain de son
arrivée dans le lieu où se trouve l'officier du ministère public qui a
décerné le mandat.
En ce qui concerne les témoins, « l'officier du ministère public peut faire
citer devant lui toute personne dont il estime l'audition nécessaire »4. La personne

1 Art. 15, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale. Nos
italiques.
2 Art. 115, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 15, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 16, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

772
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

régulièrement citée est tenue de comparaître et de satisfaire à la citation.


En cas de refus de comparution, l'officier du ministère public peut
décerner un mandat d'amener contre le témoin défaillant1.
Si l'officier du ministère public l'en requiert, le témoin prête
serment avant de déposer. Il « jure de dire toute la vérité, rien que la
vérité ». Toutefois l'officier du ministère public peut imposer la forme
de serment dont l'emploi, d'après les coutumes locales, paraît le plus
propre à garantir la sincérité de la déposition2.
Cela dit, sont dispensées de témoigner, les personnes qui sont dépositaires par
état ou par profession des secrets qu'on leur confie3. Ces personnes sont certes
dispensées de témoigner, mais elles restent néanmoins tenues de
satisfaire à la citation. Par ailleurs, l'officier du ministère public ne peut
entendre comme témoins les mineurs ou les personnes qui ont avec
l'inculpé des liens tels qu'il ne peut normalement pas espérer que le
serment sera respecté, dans ce cas, les personnes sont entendues à titre
de simple renseignement4.
On estime que le serment fait pendant la phase pré-juridictionnelle
est valable pour tout le procès, à telle enseigne que le témoin n'a plus à
renouveler son serment même devant le juge. Cela dit, il peut être appelé
à le renouveler, afin de maintenir fraîche dans sa mémoire les obligations
de vérité qui sont liées au serment5.

Point 2
Les visites domiciliaires et perquisitions

« L'officier du ministère public peut procéder à des visites et à des perquisitions


au domicile ou à la résidence de l'auteur présumé de l'infraction ou des tiers »6.
Ces deux opérations ne sont pas identiques, bien qu'étant soumises
au même régime juridique. Une visite domiciliaire désigne l’entrée dans un
lieu privé aux fins de constat ou de vérification7 ; tandis que la perquisition
consiste en une recherche policière ou judiciaire des éléments de preuve d’une

1 Art. 18, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 17, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 16, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 229.
5 Idem., p. 229.
6 Art. 22, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
7 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 75.

773
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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infraction1. La perquisition suppose donc qu'on est déjà entré dans la


maison et elle vise la recherche minutieuse de tous les éléments de
preuve utilisables2.
Cette violation de domicile est permise par le législateur dans de
strictes formules légales. La loi précise ainsi que « les visites domiciliaires ne
peuvent être commencées avant cinq heures et après vingt et une heures sauf
autorisation du juge président du tribunal (de grande instance) »3. L'idée étant dans
le souci de ne pas troubler l'intimité des habitants4. Toutefois, les visites
commencées pendant les heures légales peuvent se poursuivre au-delà
de celles-ci5.
Autre restriction, « les visites et perquisitions se font en présence de l'auteur
présumé de l'infraction et de la personne au domicile ou à la résidence de laquelle elles
ont lieu, à moins qu'ils ne soient pas présents ou qu'ils refusent d'y assister »6.

Point 3
Saisie de correspondance

« L'officier du ministère public peut ordonner la saisie des télégrammes, des


lettres et objets de toute nature confiés au service des postes et au service des télégraphes,
pour autant qu'ils apparaissent indispensables à la manifestation de la vérité. Il peut
en ordonner l'arrêt pendant le temps qu'il fixe »7. Cette violation du secret des
lettres est permise par la loi aux magistrats du parquet, sur l'avis
conforme de l'officier du ministère public, magistrat de carrière, sous la
direction duquel ils exercent leurs fonctions ou, en son absence, qu'en
vertu d'une ordonnance motivée du juge-président du tribunal de grande
instance.

Point 4
La réquisition à expert

« Toute personne qui en est légalement requise par un officier du ministère public
ou par un juge est tenue de prêter son ministère comme interprète, traducteur, expert

1 Idem.
2 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 231.
3 Art. 22, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 231.
5 Idem.
6 Art. 23, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
7 Art. 24, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

774
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ou médecin »1. La réquisition à expert est une procédure consistant à désigner un


expert à qui une autorité judiciaire fait recours pour obtenir un avis sur des faits dont
l’élucidation nécessite des connaissances techniques et des investigations complexes qui
ne peuvent être le fait que d’un spécialiste ou d’un homme de l’art2. L'expert est
une personne choisie en raison de ses connaissances techniques, ayant pour mission de
procéder, après prestation de serment, à des examens, consultations et appréciations
de faits dont elle consigne le résultat dans un procès-verbal ou dans un rapport3.
L'expert donne un avis purement technique de nature à éclairer cette
dernière, dans les domaines les plus divers comme la médecine, la
médecine légale, la génétique, la psychiatrie, la biologie, la psychologie,
la dactyloscopie, l’informatique, la balistique. Il doit réunir entre autres
comme qualités une compétence avérée — ressortissant notamment de
son curriculum vitæ qu'il présente à l'autorité judiciaire —, une
indépendance et une impartialité — sa crédibilité ne doit pas être mise
en cause, il doit être objectif — et de discrétion4.
Avant de procéder aux actes de leur ministère, les experts et
médecins prêtent le serment de les accomplir et de faire leur rapport en
honneur et conscience ; les interprètes et traducteurs prêtent le serment
de remplir fidèlement la mission qui leur est confiée5.

Paragraphe 3
Les pouvoirs propres du ministère public non susceptibles de
délégation

« La police judiciaire est exercée, sous la direction et la surveillance


du ministère public »6. L'officier du ministère public ne peut déléguer son
pouvoir de direction de la police judiciaire. Par ailleurs, il est le seul à pouvoir
requérir la force publique7. De même, il peut allouer une indemnité au témoin
ou à l'expert8.
L'officier du ministère public peut prononcer une condamnation contre
un témoin récalcitrant. « Le témoin qui, sans justifier d'un motif légitime

1 Art. 48, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 76.
3 Idem.
4 Ibidem., p. 77.
5 Art. 49, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
6 Art. 1, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions

d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun.


7 Art. 14, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
8 Art. 21, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

775
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'excuse, ne comparaît pas, bien que cité régulièrement, ou qui refuse de


prêter serment ou de déposer quand il en a l'obligation, peut (...) être
condamné par l'officier du ministère public à une peine d'un mois de
servitude pénale au maximum et à une amende (...) »1. C'est là une
exception au principe de séparation des fonctions judiciaires, justifiée par le fait
qu'il s'agit là non d'une peine à proprement parler, mais d'un moyen de contrainte
visant à pousser le témoin à témoigner, donné au ministère public pour les
nécessités de l’instruction, sans lequel, si l’on devait passer par une
procédure devant le tribunal, l’instruction peut être considérablement
retardée2. Raison pour laquelle la loi prévoit que « le témoin condamné pour
défaut de comparution qui, sur une seconde citation ou sur mandat d'amener, produira
des excuses légitimes, pourra être déchargé de la peine »3.

Paragraphe 4
Le particulier dans la recherche de l'infraction

Le particulier intervient exceptionnellement dans la recherche de


l'infraction en cas de flagrance. La loi dispose qu' « en cas d'infraction
flagrante ou réputée flagrante et passible d'une peine de servitude pénale de trois ans
au moins, toute personne peut, en l'absence de l'autorité judiciaire chargée de
poursuivre et de tout officier de police judiciaire, saisir l'auteur présumé et le conduire
immédiatement devant celle de ces autorités qui est la plus proche »4.

Point 1
Notion de flagrance

Est qualifiée infraction flagrante, « toute infraction qui se commet


actuellement ou qui vient de se commettre ». Dans le premier cas, l'agent est
surpris en flagrant délit en pleine commission de l'infraction, dans le
second cas, un temps bref s'écoule entre la commission de l'infraction et
sa constatation. Le législateur ne détermine pas la durée de ce temps qui
doit s'écouler entre la commission de l'infraction et sa constatation.
L'autorité judiciaire — le parquet, mais surtout le juge — a un pouvoir
souverain d'appréciation. Toutefois, le législateur précisant quant à
l'infraction réputée flagrante (ou flagrance par présomption), que la

1 Art. 19, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 80.
3 Art. 20, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 6, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

776
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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constatation doive se faire dans un « temps voisin » de la commission de


l'infraction, a contrario, en ce qui est de la flagrance proprement dite, ce
temps doit certainement être encore plus proche que le temps voisin.
D'aucuns disent qu'il doit être « très voisin », de quelques minutes, tout au
plus quelques heures1. Au demeurant, l'ordonnance relative à l'exercice
des attributions d'officier et agents de police judiciaire près les
juridictions de droit commun, précise qu'il doit s'agir d'une infraction qui
« vient tout juste de se commettre »2.
Par ailleurs, « l'infraction est réputée flagrante lorsqu'une personne est
poursuivie par la clameur publique, ou lorsqu'elle est trouvée porteuse d'effets, d'armes,
d'instruments ou papiers faisant présumer qu'elle est auteur ou complice, pourvu que
ce soit dans un temps voisin de l'infraction. »3. Dans le premier cas, il y a un
élément de publicité qui s'invite4. Dans le second, il y a découverte d'indices
apparents qui tendent à faire croire à la présence d'un comportement délictueux. La
loi ajoute ici, en plus du critère visuel, le critère temporel. La notion de «
temps voisin » ici, est plus proche que celle concernée dans l'infraction
qui vient de se commettre. La doctrine l'estime à 24h5. Cependant, la
jurisprudence n'est pas unanime sur la question. Elle va de 24h6 à 48h7,
voire même à 23 jours !8
Enfin, est assimilée à une infraction flagrante ou réputée telle, toute
infraction commise, même après un certain temps, dans une habitation
dont le chef requiert l'officier de police judiciaire de venir la constater.

1 S. OKITO'S, De la mise en œuvre de la procédure de flagrance en droit judicaire congolais,


Mémoire de Licence, , Université de Kinshasa, 2008.
2 Art. 83, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 6, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 B. BOULOC, op. cit., p. 472.
5 E.-J. LUZOLO et N-A. BAYONA, op. cit., p. 236.
6 T.G.I./Matete, R.P. 10.000, 04 nov. 2009.
7 C.A. Gombé, 10 avril 2008.
8 C.S.J., R.P. 27.

777
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Régime juridique de la flagrance

La flagrance est régie par le régime de célérité1. Il n'y a pas un instant


à perdre pour que la réaction sociale se mette en route2. La raison est
que « la lenteur de la justice congolaise a souvent fait l'objet de critique.
Le peuple congolais est déçu de constater qu'entre le moment où une
infraction est commise et celui où intervient la sanction, il s'écoule un
laps de temps trop long, à telle enseigne que le jugement qui prononce
la condamnation pénale se passe dans l'indifférence quasi totale des
citoyens. Pareille situation est de nature à faire échec à l'un des effets de
toute peine prononcée en justice à savoir son caractère intimidant. Il
s'impose donc de sanctionner dans le meilleur délai les infractions
flagrantes, de manière à rétablir chez les citoyens la confiance en la
justice ainsi que le sentiment de la crainte du châtiment »3.
La flagrance a d'abord pour effet de faire exceptionnellement intervenir
le particulier dans l'enquête. En effet, « en cas d'infraction flagrante ou réputée
flagrante et passible d'une peine de servitude pénale de trois ans au moins, toute
personne peut, en l'absence de l'autorité judiciaire chargée de poursuivre et de tout
officier de police judiciaire, saisir l'auteur présumé et le conduire immédiatement devant
celle de ces autorités qui est la plus proche »4. Le particulier à la possibilité de se
saisir de la personne de l'auteur de l'infraction sans se rendre coupable d'arrestation
arbitraire. Il est ici couvert par l'habilitation de la loi. À condition
cependant qu'il s'agisse d'une infraction punie de plus de trois ans de servitude
pénale, qu'il n'y ait aucune autorité judiciaire sur place, et à charge de le conduire
immédiatement devant l'autorité judiciaire la plus proche.
La flagrance a ensuite pour effet d'accroître sensiblement les pouvoirs de
la police judiciaire. L'idée étant qu'il y a intérêt à ce qu'il constate plus tôt
les éléments de l'infraction. C'est pourquoi, en cas d'infraction flagrante
ou réputée flagrante passible d'une peine de servitude pénale de six mois
au moins, l'officier de police judiciaire à compétence générale le plus
proche se transporte sur les lieux sans aucun retard, aux fins de constater

1 Voy. J.-M. TASOKI, op. cit., p. 65.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 471.
3 Exposé des motifs, Ordonnance-loi n° 78-001 du 24 février 1978 relative à la

répression des infractions flagrantes.


4 Art. 6, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l'infraction et de rechercher les circonstances dans lesquelles elle a été


commise1.
À cette fin, l'officier de police judiciaire dispose de tous les pouvoirs du
ministère public susceptibles de délégation. En effet, l'officier de police judiciaire
peut appeler à son procès-verbal toutes personnes présumées en état de
donner des éclaircissements et les astreindre à déposer sous serment. Il
peut aussi défendre à toute personne de s'éloigner des lieux qu'il
détermine jusqu'à clôture de son procès-verbal et, au besoin, l'y
contraindre par la force. Quiconque contrevient à ces mesures peut être
condamné sur le modèle d'un témoin récalcitrant2.
L'officier de police judiciaire peut aussi requérir toute personne de
lui prêter son ministère comme interprète, traducteur, médecin ou
expert3.
L'officier de police judiciaire peut encore, si l'auteur présumé de
l'infraction n'est pas présent, délivrer contre lui un mandat d'amener
valable pour deux mois au plus4.
L'officier de police judiciaire peut même procéder à des visites et à
des perquisitions dans la demeure de l'auteur présumé de l'infraction ou
d'un tiers, à condition de se conformer à la procédure ordinaire en la
matière, et encore que la nature de l'infraction soit telle que la preuve en
puisse vraisemblablement être acquise par des papiers ou autres pièces
et effets en la possession de l'auteur présumé ou d'un tiers5.

1 Art. 5 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 5 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 5 Al. 3, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 5 Al. 4, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 Art. 5 Al. 5, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
L'instruction du ministère public
À l'enquête de la police judiciaire se succède la phase d'instruction
au cours de laquelle le parquet rassemble les différents éléments de preuve recueillis
pendant la phase d'enquête, en vue d'éventuellement saisir la juridiction
pénale des faits reprochés à l'accusé. Au cours de cette phase peuvent
intervenir des mesures qui restreignent la liberté de l'agent avant même
que sa culpabilité n'ait été établie par un jugement définitif, constituant
par la même une atteinte manifeste à la présomption d'innocence, l'agent
pouvant subir l'équivalent d'une peine sérieuse alors qu'il n'a pas encore
été jugé coupable1, voyant ainsi peser sur lui une véritable « présomption
de culpabilité »2.
Les mesures restrictives des libertés commencent généralement par
la garde à vue prononcée par l'officier de police judiciaire, à laquelle se
suit le mandat d'arrêt provisoire de l'officier du ministère public, qui peut
déboucher à la détention préventive prononcée par le juge en chambre
de conseil.
Mais avant d'en arriver là, soulignons que les mesures restrictives
de liberté ont essentiellement un caractère exceptionnel. La Constitution
dispose en effet que « la liberté individuelle est garantie. Elle est la règle, la
détention l’exception »3. Par ailleurs, « toute personne accusée d’une infraction est
présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif
»4. Par conséquent, la restriction de la liberté avant le jugement ne peut
reposer que de de strictes conditions de juste nécessité5.
La détention préventive repose ainsi sur un certain nombre de
justifications dont la principale est de prévenir que les personnes inculpées ne se
soustraient à la justice par la fuite. Elle peut aussi empêcher d’égarer la justice en
effaçant les traces de l’infraction ou en influençant des témoins. Dans certains cas,
la détention peut influencer psychologiquement les personnes inculpées et les
amener à avouer. Elle peut aussi mettre fin à un comportement infractionnel
continu ou même empêcher d’exposer l’inculpé à la vindicte populaire6.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 797.


2 JEAN PRADEL, cité par J.-M. TASOKI, op. cit., p. 82.
3 Art. 17 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.
4 Art. 17 Al. 9, Constitution du 18 février 2006.
5 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 247.
6 B. BOULOC, op. cit., p. 797 ; E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p.

241 ; Voir Art. 27, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 1
La garde à vue opérée par l'officier de police judiciaire

« Les officiers de police judiciaire peuvent procéder à l'arrestation de toute


personne soupçonnée d'avoir commis une infraction punissable de six mois au moins
de servitude pénale, à la condition qu'il existe contre elle des indices sérieux de
culpabilité. Ils peuvent aussi, lorsque l'infraction est punissable de moins de six mois
et de plus de 7 jours de servitude, pénale, se saisir de la personne du suspect contre
lequel existent des indices sérieux de culpabilité à la condition qu'il y ait danger de
fuite ou encore que son identité soit inconnue ou douteuse »1.
La garde à vue est une mesure de contrainte par laquelle un officier de police
judiciaire maintient à la disposition des enquêteurs une personne plausiblement
soupçonnée d’avoir perpétré une infraction.
La loi exige que l'accusé soit soupçonné d'avoir commis une
infraction punissable de six mois au moins de servitude pénale. Cela dit,
la garde à vue peut être prononcée à l'égard d'une personne soupçonnée
avoir commis une infraction punissable de moins de six mois, mais à
condition qu'elle soit de plus de sept jours, et qu'il y ait danger de fuite
ou encore que son identité soit inconnue ou douteuse. Mais dans tous
les cas, peu importe le taux de la peine prévue pour l'infraction, le garde
à vue ne peut être opérée que s'il existe des indices sérieux de culpabilité
contre la personne. C'est là la condition matérielle principale de cette
restriction de liberté opérée avant jugement.
Avant le prononcé de la mesure, le suspect est préalablement
entendu dans ses explications2.
Les officiers de police judiciaire sont tenus d'acheminer immédiatement
devant l'officier du ministère public le plus proche les personnes
arrêtées. Cependant, lorsque les nécessités de l'enquête l'exigent et que
l'arrestation n'a pas été opérée à la suite d'une infraction flagrante ou
réputée telle, l'officier de police judiciaire peut retenir par-devers lui la
personne arrêtée pour une durée ne dépassant pas quarante-huit heures3.

1 Art. 72, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 Art. 72, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 73, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Quarante-huit heures est donc la durée maximale de la garde à vue. À


l'expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit obligatoirement
être laissée libre de se retirer ou mise en route pour être conduite devant
l'officier du ministère public, à moins que l'officier de police judiciaire se
trouve, en raison des distances à parcourir, dans l'impossibilité de ce
faire.
L'arrestation ainsi que la garde à vue sont constatées sur procès-verbal.
L'officier de police judiciaire y mentionne l'heure du début et de la fin
de la mesure ainsi que les circonstances qui l'ont justifiée. Le procès-
verbal d'arrestation est lu et signé par la personne arrêtée ou gardée à
vue ainsi que par l'officier de police judiciaire dans les formes ordinaires
des procès-verbaux1.
La loi détermine le point de départ de la garde à vue de la manière
suivante2 : lorsqu'un individu est surpris alors qu'il commet ou vient de
commettre une infraction — c'est-à-dire, en cas de flagrance —, la
mesure de garde à vue prend effet à partir du moment où il est
appréhendé quelle que soit la personne qui a procédé à cette mesure —
qu'il s'agisse d'une autorité publique ou d'un particulier. Lorsqu'un
individu a comparu volontairement et que l'officier de police judiciaire
décide de le retenir après son audition, la garde à vue commence du
début de cette audition. Lorsqu'une personne, après avoir été entendue
et laissée libre de se retirer, est arrêtée à la suite d'une autre audition, la
garde à vue court à partir du début de cette dernière audition. Lorsqu'une
personne a été successivement gardée à vue puis relâchée et à nouveau
gardée à vue à propos de la même infraction, la durée totale des délais
fractionnés de garde à vue ne doit pas dépasser quarante-huit heures. En
cas d'infractions multiples poursuivies simultanément ou
successivement, les durées de garde à vue ne peuvent se cumuler.
Les personnes gardées à vue sont enfermées dans un local prévu à
cet effet ou placées sous la surveillance des agents de l'ordre. Les
hommes, les femmes et les enfants sont tenus séparés3.

1 Art. 74, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 Voir Art. 75, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 77, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.

783
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'officier de police judiciaire qui procède à une arrestation est tenue


de prévenir immédiatement les membres de la famille de la personne arrêtée et
doit veiller à ce que ses biens personnels soient en sûreté1.
Toute arrestation ou garde à vue des membres de la famille du suspect au titre
de garantie de représentation de ce dernier est prohibée. L'officier de police
judiciaire qui y procède commet une arrestation arbitraire2.
Les locaux de garde à vue doivent être salubres et suffisamment
aérés. L'officier du ministère public peut interdire l'usage de tels locaux
qu'il estime incompatibles avec la dignité humaine3.

Section 2
Le mandat d'arrêt provisoire de l'officier du ministère public

Le mandat d'arrêt provisoire est l'ordre donné par l'officier du ministère


public au gardien de la maison d'arrêt de recevoir et détenir la personne qui en est
l'objet et à la force publique de l'y conduire4.
La loi dispose que « lorsque les conditions de la mise en état de détention
préventive sont réunies, l'officier du ministère public peut, après avoir interrogé
l'inculpé, le placer sous mandat d'arrêt provisoire, à charge de le faire conduire devant
le juge le plus proche compétent pour statuer sur la détention préventive »5. En fait
concrètement, le mandat d'arrêt provisoire est une condition de la détention
préventive. Appelé à statuer sur la détention préventive, le juge en chambre
de conseil vérifie préalablement si l'accusé a fait l'objet d'un mandat
d'arrêt provisoire.
Le mandat d'arrêt provisoire doit respecter les conditions matérielles
prévues pour la détention préventive. Sur le modèle de la garde à vue, la loi6

1 Art. 78, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des


attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.
2 Art. 79, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
3 Art. 81, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
4 Art. 115, Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des

attributions d’officier et agents de police judiciaire près les juridictions de droit


commun.
5 Art. 28 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
6 Lire Art. 27, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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exige que l'accusé soit soupçonné d'avoir commis une infraction


punissable de six mois au moins de servitude pénale. Mais il peut s'agir
d'une infraction punissable de moins de six mois, mais de plus de sept
jours, et qu'il y ait danger de fuite ou encore que son identité soit
inconnue ou douteuse, ou encore ici si, eu égard à des circonstances
graves et exceptionnelles, la détention préventive est impérieusement
réclamée par l'intérêt de la sécurité publique. Mais dans tous les cas, des
indices sérieux de culpabilité doivent peser sur la personne. Par ailleurs,
l'inculpé doit être préalablement entendu.
Le mandat d'arrêt provisoire a une durée de cinq jours, au-delà
duquel l'inculpé doit être conduit devant le juge pour statuer sur sa
détention préventive1. Au demeurant, à l'expiration de ces délais,
l'inculpé peut demander au juge compétent sa mise en liberté ou sa mise
en liberté provisoire2.

Section 3
La détention préventive

Paragraphe 1
Définition

La détention préventive est la situation d’une personne privée de sa liberté,


sur le fondement d’une décision juridictionnelle, avant que sa culpabilité soit tranchée3.
La loi dispose que « l'inculpé ne peut être mis en état de détention préventive
que s'il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité et qu'en outre le fait paraisse
constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six mois de servitude pénale
au moins. Néanmoins, l'inculpé contre qui il existe des indices sérieux de culpabilité
peut être mis en état de détention préventive lorsque le fait paraît constituer une
infraction que la loi punit d'une peine inférieure à six mois de servitude pénale, mais
supérieure à sept jours, s'il a lieu de craindre la fuite de l'inculpé, ou si son identité
est inconnue ou douteuse ou si, eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles,
la détention préventive est impérieusement réclamée par l'intérêt de la sécurité publique
»4.

1 Art. 28 Al. 3, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 28 Al. 5, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 85.
4 Art. 27, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Conditions

Il ressort de cette disposition légale que toute infraction d’une certaine


gravité qu’il convient d’examiner peut donner lieu à la détention
préventive1.
Quant à cette gravité, l'infraction dont est soupçonné l'auteur
présumé doit être punie d'une peine de trois mois de servitude pénale au moins.
Toutefois, il peut s'agir d'une infraction punie de moins de trois mois de
servitude pénale, mais de plus de sept jours.
Dans tous les cas, la condition matérielle principale est l'existence
d'indices sérieux de culpabilité. Il s'agit des raisons qui font croire que la personne a
commis les faits mis à sa charge ou, à tout le moins, a participé à leur commission2.
Ces indices peuvent être considérés comme existants quand, au moment
du mandat d’arrêt provisoire, il y a de fortes probabilités que l’inculpé ait
commis l’acte de façon illicite et fautive et que, pour cette raison, il sera
inévitablement condamné3. La condition matérielle de l'existence
d'indices sérieux de culpabilité concerne aussi bien les infractions punies
de plus de trois mois, que celles punies de moins de trois mois mais de
plus de sept jours.
Cependant, en ce qui concerne spécialement cette dernière
catégorie d'infractions, la loi ajoute un certain nombre de conditions
alternatives dont au moins une d'entre elles doit impérativement être
cumulée à la condition matérielle principale ci-dessus.
Ainsi, la loi exige soit qu'il ait à craindre de la fuite de l'inculpé. Cette
condition semble facile à réunir, car il va de soi que « la plupart des
inculpés, sinon tous, cherchent plus ou moins à se soustraire à la justice,
ce monde aux arcanes difficiles où ils se sentent désorientés ; aux effets
redoutables de l’arrestation et de l’incarcération, même très brève. Le
choc est en effet terrible pour le délinquant primaire, et l’innocent
redoute une éventuelle incarcération par erreur. La fuite dans ce cas
restera souvent à craindre. Et comme il est de coutume de dire que la
vérité se trouve mieux assurée lorsque l’inculpé est dans l’impossibilité
de communiquer aisément avec l’extérieur en restant à l’entière
disposition du magistrat instructeur, la détention préventive sera

1 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 281.


2 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 167.
3 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 282.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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toujours requise ; et d’exceptionnelle qu’elle devrait être, elle risque de


devenir pratiquement la règle »1.
Par ailleurs, la loi exige soit que l'identité de l'inculpé soit douteuse ou
inconnue. Une autre condition dont la réunion semble aller de soi, vu les
différentes questions liées aux pièces d'identité, à leur falsification ou
encore au manque de domicile fixe pour une grande partie de la
population.
La loi exige enfin, soit comme condition, qu'eu égard à des
circonstances graves et exceptionnelles, la détention préventive soit
impérieusement réclamée par l'intérêt de la sécurité publique. La sécurité publique
peut se confondre avec les exigences de l’action de la justice telles que la
crainte de voir l’inculpé suborner les témoins ou faire disparaître les
preuves de son infraction. Elle peut également se confondre avec les
exigences de la répression fondées sur la gravité des faits et mille autres
circonstances diverses aussi bien de fait que de droit (qui sont de nature
à influer plus ou moins sur l’ordre et le sentiment publics) telles que le
scandale que la présence de l’inculpé provoquerait parmi ses
concitoyens, la crainte que l’inculpé renouvelle ou continue ses actes
infractionnels, qu’il rende impossible la manifestation de la vérité ou
arrête le cours de la justice2.
Enfin, une autre condition matérielle présente quel que soit le degré
de la peine prévue pour l'infraction, est l'interrogatoire du prévenu. Cet
interrogatoire est à la fois un moyen d'instruction et un moyen de défense3, en
ce qu'elle permet au magistrat d'obtenir des informations sur l'inculpé,
et en même temps, à l'inculpé de présenter ses moyens de défense.

Paragraphe 3
Procédure de mise en détention préventive

« La mise en état de détention préventive est autorisée par le juge du tribunal


de paix »4, ce qui permet un contrôle juridictionnel de cette mesure
attentatoire à la liberté5.

1 Idem., p. 284.
2 Vande Meulebroeke, cité par E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p.
286.
3 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 287.
4 Art. 29, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 87.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'ordonnance statuant sur la détention préventive est rendue en


chambre du conseil sur les réquisitions du ministère public. L'inculpé est
préalablement entendu, et, s'il le désire, il est assisté d'un avocat ou d'un
défenseur de son choix1. La procédure est secrète.
Il est dressé acte des observations et moyens de l'inculpé.
L'ordonnance est rendue au plus tard le lendemain du jour de la
comparution. Le juge la fait porter au plus tôt à la connaissance de
l'inculpé, par écrit, avec accusé de réception, ou par communication
verbale, actée par celui qui la fait.
L'ordonnance qui autorise la détention préventive doit spécifier les
circonstances qui la justifient2, c'est-à-dire, démontrer la réunion des
conditions légales de la détention préventive.
Pour des raisons d'indépendance, la loi fait échapper du contrôle
du juge de paix la décision de détention préventive relative à certains
bénéficiaires de privilège de juridiction. En effet, la Cour de Cassation3 et
la Cour constitutionnelle4 sont seules à pouvoir statuer sur l'autorisation de mise en
détention préventive de leurs privilégiés de juridiction et, dans tous les cas, la
détention préventive y est remplacée par l'assignation en résidence
surveillée5. L'on pense qu'une éventuelle transformation par le parquet
de cette résidence surveillée en placement dans une maison d'arrêt
constituerait une détention illégale6.

Paragraphe 4
Durée de la détention préventive

« L'ordonnance autorisant la mise en état de détention préventive est valable


pour 15 jours, y compris le jour où elle est rendue »7.
À l'expiration de ce délai, la détention préventive peut être prorogée
pour un mois et ainsi de suite de mois en mois, « aussi longtemps que l'intérêt public
l'exige ». Ce qui peut sembler constituer une atteinte disproportionnée à

1 Art. 30, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 31 Al. 5, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 76 Al. 2, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


4 Art. 102, Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et

fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.


5 Art. 76 Al. 3, Loi organique n° 13/010du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la Cour de Cassation.


6 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 87.
7 Art. 31, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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la présomption d'innocence est tout de même tempérée par le législateur,


en deux temps, selon que l'infraction est punie de moins de deux mois
de servitude pénale, ou au-delà.
Dans le premier cas, la loi dispose que « la détention préventive ne peut
être prolongée qu'une seule fois si le fait ne paraît constituer qu'une infraction à l'égard
de laquelle la peine prévue par la loi n'est pas supérieure à deux mois de travaux
forcés ou de servitude pénale principale ». L'idée étant quelque part, que l'agent
ne puisse purger, avant jugement, l'équivalent de ce qu'il aurait purgé si
sa culpabilité avait été véritablement établie.
Dans le second cas, la loi dispose que « si la peine prévue est égale ou
supérieure à 6 mois, la détention préventive ne peut être prolongée plus de 3 fois
consécutives ». En clair, on ne pourrait être détenu pendant plus de quatre
mois — s'il faut compter la durée normale de 15 jours, le mandat d'arrêt
provisoire de 5 jours et la garde à vue de 2 jours —. Dépassé ce délai, la
prolongation de la détention est autorisée par le juge compétent statuant en audience
publique. Il ne s'agit plus ici de la chambre du conseil, mais bien du juge
naturel qui devrait être saisi en vue de se prononcer sur la responsabilité pénale
de la personne1.
Les ordonnances de prorogation sont rendues en observant les
formes et les délais prévus à l'article 30. L'assistance d'un avocat ou d'un
défenseur ne peut cependant être refusée à l'inculpé.

Paragraphe 5
Liberté provisoire

La personne détenue peut solliciter du juge sa mise en liberté provisoire.


En effet, la loi dispose que « tout en autorisant la mise en état de détention
préventive ou en la prorogeant, le juge peut, si l'inculpé le demande, ordonner qu'il
sera néanmoins mis en liberté provisoire »2. Pour ce faire, l'inculpé devra
déposer entre les mains du greffier, à titre de cautionnement, une somme
d'argent destinée à garantir la représentation sa à tous les actes de la
procédure et l'exécution par lui des peines privatives de liberté aussitôt
qu'il en sera requis.
Le juge accorde la liberté provisoire en astreignant l'inculpé à un
certain nombre de charges. En effet, la liberté provisoire sera accordée à
charge pour l'inculpé de ne pas entraver l'instruction et de ne pas
occasionner de scandale par sa conduite. En outre, le juge peut lui

1 E.-J. LUZOLO ET N.-A. BAYONA, op. cit., p. 308.


2 Art. 32, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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imposer un certain nombre de charges prévues par la loi — et seulement


celles-là — à titre de garantie de représentation. Ainsi peut-on lui
imposer d'habiter la localité où l'officier du ministère public a son siège
; de ne pas s'écarter au-delà d'un certain rayon de la localité, sans
autorisation du magistrat instructeur ou de son délégué ; de ne pas se
rendre dans tels endroits déterminés, tels que gare, port, etc., ou de ne
pas s'y trouver à des moments déterminés ; de se présenter
périodiquement devant le magistrat instructeur ou devant tel
fonctionnaire ou agent déterminé par lui ; de comparaître devant le
magistrat instructeur ou devant le juge dès qu'il en sera requis.
L'ordonnance de mise en liberté provisoire indiquera avec
précision les modalités des charges imposées à l'inculpé. L'énumération
des charges est limitative, le juge peut ne soumettre la mise en liberté
provisoire qu'à l'une ou l'autre de ces charges.
Sur requête du ministère public, le juge peut à tout moment
modifier ces charges et les adapter à des circonstances nouvelles. Le juge
peut également retirer le bénéfice de la liberté provisoire si des circonstances
nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire.
Aussi longtemps qu'il n'a pas saisi la juridiction de jugement,
l'officier du ministère public peut accorder à l'inculpé mainlevée de la détention
préventive et ordonner la restitution du cautionnement1.
Il peut aussi lui accorder la mise en liberté provisoire, dans les mêmes
conditions et sous les mêmes modalités que le juge peut lui-même le
faire. Dans ce cas la décision du ministère public cesse ses effets avec
ceux de l'ordonnance du juge qui autorisait ou prorogeait la détention
préventive, sauf nouvelle ordonnance de celui-ci.
Il peut de même retirer à l'inculpé le bénéfice de la liberté provisoire qu'il
lui avait accordée, si des circonstances nouvelles et graves rendent cette
mesure nécessaire.
Par ailleurs, l'officier du ministère public peut faire réincarcérer
l'inculpé qui manque aux charges qui lui ont été imposées. Si la liberté
provisoire a été accordée par le juge, l'inculpé qui conteste être en défaut
peut, dans les vingt-quatre heures de sa réincarcération, adresser un
recours au juge qui avait statué en premier ressort sur la mise en
détention ou sur sa prorogation. La décision rendue sur ce recours n'est
pas susceptible d'appel2.

1 Lire Art. 33, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
2 Art. 34, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 6
Recours de la décision de la chambre du conseil

Les décisions de la chambre du conseil (d'autorisation, prorogation


ou mise en liberté provisoire) sont susceptibles d'appel. La loi dispose que
« le ministère public et l'inculpé peuvent appeler des ordonnances rendues en matière
de détention préventive »1. L'appel est porté devant le tribunal de grande
instance2.
Par contre, les décisions rendues par le juge d'appel en matière de
détention préventive ne sont pas susceptibles de Cassation, la Cour jugeant
important « d’exclure du champ de jugement et arrêt toute autre
décision, notamment celle que le juge prend en chambre du conseil
(ordonnance de mise en détention préventive ou de mise en liberté
provisoire), laquelle n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée et
dont la censure risque de l’entraîner sur des questions de fait (indices
sérieux de culpabilité, crainte de la fuite, identité douteuse) qui relèvent
normalement de l’appréciation souveraine du juge de fond et qui
échappent à son contrôle »3.
Le délai d'appel est de vingt-quatre heures. Pour le ministère public,
ce délai court du jour où l'ordonnance a été rendue ; pour l'inculpé, il
court du jour où elle lui a été notifiée4. Pendant le délai d'appel et, en cas
d'appel, jusqu'à la décision, l'inculpé est maintenu en l'état où
l'ordonnance du juge l'a placé, aussi longtemps que le délai de validité de
cette ordonnance n'est pas expiré5.
Toutefois, lorsque l'infraction est de celle que la loi punit d'un an
de servitude pénale au moins, l'officier du ministère public peut, dans le
cas d'une ordonnance refusant d'autoriser la détention préventive,
ordonner que l'inculpé sera replacé sous les liens du mandat d'arrêt
provisoire et, dans le cas d'une ordonnance refusant de proroger la
détention, ordonner que l'inculpé sera replacé sous les liens de
l'ordonnance qui l'autorisait. Dans l'un ou l'autre cas, l'inculpé ne sera
replacé sous les liens du mandat d'arrêt ou de l'ordonnance antérieure
que pendant le délai d'appel et, en cas d'appel, jusqu'à la décision6.

1 Art. 37, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 38, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 C.S.J., 18 déc. 1998.
4 Art. 39 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 Art. 40 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
6 Art. 40, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Le déclenchement des poursuites
Une fois les éléments de preuve réunis dans le chef de l'agent, celui-
ci éventuellement placé en détention, l'officier du ministère public
apprécie si les charges qui pèsent sur l'inculpé sont suffisamment lourdes
pour constituer un dossier solide et saisir la juridiction de jugement aux
fins de solliciter sa condamnation. La loi dispose que « lorsque le ministère
public décide d'exercer l'action publique, il communique les pièces au juge compétent
pour en connaitre (...) »1. Et a contrario, « lorsque le ministère public décide qu'il
n'y a pas lieu de poursuivre, il doit donner en même temps mainlevée de la
mise en détention préventive et, éventuellement, ordonner la restitution
du cautionnement »2 ; on dit que le ministère public « classe l'affaire sans
suite ». Et dans le même ordre d'idées, « pour toute infraction de sa compétence,
l'officier de police judiciaire peut, s'il estime qu'à raison des circonstances la juridiction
de jugement se bornerait à prononcer une amende et éventuellement la confiscation,
inviter l'auteur de l'infraction à verser au Trésor une somme dont il détermine le
montant (...) »3 : c'est l'amende transactionnelle qui éteint l'action publique.
Ces dispositions constituent le fondement du principe de l'opportunité des
poursuites en droit congolais, par lequel le ministère public apprécie
souverainement la suite à donner à l'action publique. S'il estime qu'à la suite de
l'instruction, il y a lieu de poursuivre, il saisit la juridiction de jugement aux
fins de solliciter la condamnation. Au cas contraire, s'il estime qu'il n'y a
pas lieu de poursuivre, il peut utiliser différents alternatives aux poursuites,
telles que le classement sans suite, ou l'amende transactionnelle4.
Ainsi, les infractions qui n’ont pas gravement troublé l’ordre social
peuvent être classées5. Par ailleurs, si le préjudice social est
particulièrement faible, si l'objet de l'infraction apparaît insignifiant, si le
coupable a agi pour des motifs particulièrement louables, la poursuite
peut présenter plus d'inconvénients que d'avantages pour l'ordre

1 Art. 53, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 44, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale. Nos
italiques.
3 Art. 9, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 380 ; B. BOULOC, op. cit.,

p. 660 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p. 95 ; E. VERNY, Procédure pénale, Dalloz, Paris,
2018, p. 177.
5 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 380.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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publique1. Ce système a l'avantage de désengorger les cours et tribunaux


pour n'y laisser que des affaires particulièrement importantes. Le juge
pénal n’a donc qu’à se consacrer aux affaires qui mettent en exergue une
criminalité d’un niveau assez élevé et qui appellent une répression
exemplaire.
Il a par contre l’inconvénient d’accroitre sensiblement le pouvoir
du magistrat du parquet parfois au détriment des victimes d’infraction2.
L'opportunité des poursuites s'oppose ainsi à la légalité des poursuites,
dans lequel le parquet est tenu de poursuivre toutes les infractions commises,
quelle que soit la personnalité de leurs agents et quelle que soit leur
gravité3.
En conséquence, à la clôture de l'instruction, le ministère public
apprécie l'opportunité de poursuivre. Si elle n'y est pas, il a la possibilité
de classer l'affaire sans suite, ou de clore l'action publique sur une
amende transactionnelle. Par ailleurs — et parfois au-delà de la volonté
du parquet —, d'autres opérations, mécanismes ou faits peuvent
conduire à l'extinction de l'action publique, ou du moins faire obstacle à
son lancement. En dehors des cas cités ci-haut, lorsque le ministère
public décide d'exercer l'action publique, il communique les pièces au
juge compétent pour en connaître.

Section 1
Le ministère public décide de ne pas poursuivre

Paragraphe 1
Le classement sans suite

Le classement sans suite est une décision prise par le Ministère


Public en vertu du principe de l’opportunité des poursuites, écartant
momentanément la mise en mouvement de l’action publique4.
Elle peut être prise pour des motifs de droit — inexistence de tous les
éléments constitutifs de l'infraction, prescription, abrogation de la loi
pénale, retrait de la plainte, décès de l'inculpé, amnistie —, ou pour de

1 B. BOULOC, op. cit., p. 660.


2 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 380.
3 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 379 ; B. BOULOC, op. cit.,

p. 659 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p. 94 ; E. VERNY, op. cit., p. 203.


4 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), cités par J.-M. TASOKI, op. cit., p.

94.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pures considérations de faits liées à la liberté d'appréciation du ministère


public de l'opportunité des poursuites — équité dans l'hypothèse d'une
infraction bénigne ; retrait de la plainte —. Ainsi, les poursuites peuvent
s'avérer inopportunes à causes de considérations sociales ou politiques.
La répression serait plus punissable qu’utile à l’ordre public. Il peut
arriver des cas en effet où l’exercice des poursuites judiciaires peut être
à l’origine de graves troubles sociaux auxquels cas l’intérêt supérieur du
pays requiert que ces poursuites n’aient pas lieu afin de sauvegarder la
paix sociale1.
Il faut souligner que le classement sans suite est une mesure
administrative et non juridictionnelle, le parquet peut toujours revenir sur sa
décision et relancer l’action publique, lorsque par exemple des éléments
nouveaux aggravent le caractère du fait2.

Paragraphe 2
Amende transactionnelle

« Pour toute infraction de sa compétence, l'officier de police


judiciaire peut, s'il estime qu'à raison des circonstances la juridiction de
jugement se bornerait à prononcer une amende et éventuellement la
confiscation, inviter l'auteur de l'infraction à verser au Trésor une
somme dont il détermine le montant sans qu'elle puisse dépasser le
maximum de l'amende encourue augmentée éventuellement des décimes
légaux »3.
L'amende transactionnelle est une sanction pénale qui intervient avant
qu’un jugement définitif sur le fond ne soit prononcé4. Elle peut être prononcée
par l'officier de police judiciaire ou du ministère public.
L'infraction dont l'action est éteinte par l'amende ne peut être
qu'une, punie soit d'une peine d'amende uniquement, soit d'une peine de
servitude pénale ou d'une peine d'amende. A contrario, les infractions punies
d'une peine de servitude pénale simplement, ou d'une peine de servitude
pénale et d'amende, ou au pire, de mort, ne peuvent se solder sur une amende
transactionnelle.

1 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 381.


2 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 381 ; E. VERNY, op. cit., p.
205 ; B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 493.
3 Art. 9 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 383 ; En ce sens, J.-M.

TASOKI, op. cit., p 95.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L’épithète « transactionnelle » ne signifie pas que l’officier de police


judiciaire ou le ministère public transige sur le montant mais plutôt sur le
principe1, sur la nécessité ou non d'éteindre l'affaire par une amende.
La loi prévoit la possibilité pour l'officier de police judiciaire
d'allouer des dommages-intérêts à la victime de l'infraction2.
L'officier de police judiciaire fait connaître, sans délai, à l'officier du
ministère public auquel il transmet le procès-verbal relatif à l'infraction,
les invitations faites à l'auteur de l'infraction. Lorsqu'il a été satisfait aux
invitations faites par l'officier de police judiciaire, l'action publique s'éteint à
moins que l'officier du ministère public ne décide de la poursuivre.
Par ailleurs, le paiement de l'amende transactionnelle n'implique pas
reconnaissance de culpabilité3.

Section 2
Les obstacles à l'action publique

Si en principe, la mission du Ministère public, qui « recherche les


infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont commises sur
le territoire de la République, (...) reçoit les plaintes et les dénonciations,
fait tous les actes d’instruction et saisit les cours et tribunaux », est
inconditionnée, en ce qu'il ne lui est besoin d'autorisation quelconque, de plainte ou
de dénonciation pour les exercer et qu'il peut lancer l'action publique muto
proprio4, il est dès cas où son action prit rencontrer des obstacles liées à
la nature de l'infraction ou à la qualité de son auteur présumé.

Paragraphe 1
Les obstacles liées à la nature de l'infraction : la plainte préalable

En principe, la plainte de la victime n'est pas nécessaire à l'ouverture de


l'action publique, de même que son retrait n'a aucun effet. Elle n'a qu'un rôle
informatif à l'égard du parquet.
C'est que l'action publique ne vise pas la protection des intérêts
privés, mais plutôt de l'intérêt public.

1 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 383.


2 Art. 9 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 9 in fine, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Lire B. BOULOC, op. cit., p. 675 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p. 52.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cela dit, il est des infractions par lesquelles le législateur a plus eu


pour objectif la protection des intérêts privés1. C'est le cas de l'adultère2, de la
grivèlerie3, du harcèlement sexuel4, des outrages et les violences envers les membres de
l’assemblée nationale, du gouvernement, les dépositaires de l’autorité ou de la force
publique5, des infractions aux droits d'auteur6 et des infractions commises à
l'étranger7.

Paragraphe 2 : Les obstacles liés à la qualité de la personne


poursuivie : les privilèges de juridiction

Voir notes de cours de 3. droit judiciaire, T1, C2, SU, Par 2, Pt 1,


C., 2.

Paragraphe 3
L'extinction de l'action publique

L’extinction de l’action publique est un obstacle qui frappe l’action


publique, en empêchant définitivement son titulaire de saisir les cours et tribunaux8.
À l'opposé des obstacles à l'action publique qui sont temporaires,
l'extinction de l'action publique constitue un obstacle permanent et définitif à
cette action9.

Point 1
Le décès du délinquant

Le décès du délinquant éteint l'action publique. Elle ne peut plus être


exercée10, ni si elle l'est déjà, être poursuivie11. L'idée étant ici que la

1 Lire B. BOULOC, op. cit., p. 675.


2 Art. 459, Code de la famille.
3 Art. 102 bis, Code pénal.
4 Art. 174 d, Code pénal.
5 Art. 136, Code pénal.
6 Art. 96 et s., Ordonnance-loi n° 86-033 du 05 avril 1986 portant protection

des droits d’auteurs et des droits voisins.


7 Art. 3, Code pénal.
8 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 60.
9 B. BOULOC, op. cit., p. 183.
10 Voir Cass. fr., Crim., 27 oct. 1992.
11 Cass. fr., Crim., 21 oct. 1991.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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responsabilité pénale est individuelle1, seul l'auteur de l'infraction peut en subir


la peine, et non ses héritiers, ni les membres de sa famille.
Toutefois, cela ne s'oppose pas à la confiscation de l'objet de
l'infraction ou résultant de celle-ci, la confiscation étant une peine2, à
caractère réel3. Par ailleurs, le décès de l'auteur de l'infraction n'éteint
l'action publique que vis-à-vis de celui-ci, elle reste en vie à l'égard des
éventuels coauteurs ou complices4. Par ailleurs, l'action civile elle reste intacte
malgré le décès du délinquant, elle peut être exercée devant le juge civil
contre les héritiers ou le civilement responsable du défunt.

Point 2
L'abrogation de la loi pénale

L'abrogation de la loi pénale éteint l'action publique5. Elle fait


disparaître l'élément légal de l'infraction et empêche toute poursuite, en
vertu du principe de la légalité des délits et des peines. Cependant, l'action
civile reste possible devant le juge civil, même si, elle ne pourrait pas se
fonder sur la loi — puisque étant abrogée—, elle pourrait toujours être
fondée sur la comparaison avec le comportement d'un bon père de
famille, par exemple6.

Point 3
L'amnistie

L'amnistie est une cause d'extinction de l'action publique. Elle a


pour effet d’ôter à un fait son caractère délictueux7.

Point 4
Le retrait de la plainte

Pour certaines infractions, le législateur a conditionné les


poursuites à la plainte préalable. C'est principalement en raison de leur

1 B. BOULOC, op. cit., p. 185.


2 Lire Art. 5, Code pénal.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 185 ; Voir Cass. fr., Crim., 9 déc. 1991.
4 Cass. fr., Crim., 23 juill. 1974.
5 Cass. fr., Crim., 28 nov. 1974.
6 Cass. fr., Crim., 19 juill. 1989 ; voir B. BOULOC, op. cit., p. 187.
7 Lire B. BOULOC, op. cit., p. 186.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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caractère très privé. Cette nécessité de la plainte est exprimée de manière


expresse par le législateur. Cependant, la nécessité de la plainte pour le
lancement des poursuites, ne suppose pas forcément que le retrait de la
plainte éteint l'action publique. La loi pénale de forme étant de stricte
interprétation, cette interprétation analogique n'est pas permise. Le retrait
de la plainte n'a donc aucun effet sur l'action publique, le ministère public
pouvant poursuivre une fois la plainte déposée, peu importe si elle a par
après été retirée. Dans une matière où la loi a expressément subordonné
l’exercice de l’action publique à une plainte préalable de la victime de
l’infraction, on ne peut tolérer que le ministère public puisse encore voir
son action, une fois déposée, à tout moment mise en échec par le retrait
de la plainte1.
Cependant, des infractions subordonnées dont les poursuites sont
subordonnées à la plainte préalable, le législateur a prévu deux d'entre
elles, pour lesquelles, de son expression claire, le retrait de la plainte
éteint l'action publique. En effet, au sujet de l'adultère, la loi qui dispose
que « la poursuite (...) ne pourra avoir lieu que sur plainte de l'époux qui
se prétendra offensé », renchérit en disant que « le plaignant pourra, en tout
état de cause, demander par le retrait de sa plainte, l'abandon de la procédure ». De
même, « à la condition de consentir à reprendre la vie commune, le
plaignant pourra aussi demander l'abandon des effets de la
condamnation à la servitude pénale »2. Au sujet de la grivèlerie, la loi
dispose « les infractions prévues à l'alinéa précédent (la grivèlerie) ne
pourront être poursuivies que sur la plainte de la partie lésée ». Toutefois,
« le paiement du prix et des frais de justice avancés par la partie plaignante ou le
désistement de celle-ci éteindra l'action publique »3.
Gardons cependant à l'esprit, qu'en vertu de l'opportunité des
poursuites, le ministère public peut toujours classer l'affaire sans suite si
la victime retire sa plainte.

1 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 178.


2 Art. 468, Code de la famille.
3 Art. 102 bis Al. 2, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 4
La prescription

A. Définition

La prescription de l’action publique est un droit qui appartient à


l’auteur de l’infraction en vertu duquel il ne peut plus être poursuivi après l’écoulement
d’un laps de temps déterminé1.
L'idée est qu'au bout d'un certain temps, dans un souci de paix et de
tranquillité sociale, mieux vaut oublier l'infraction qu'en raviver le
souvenir2. Par ailleurs, le coupable en fuite a certainement dû vivre dans
l'inquiétude, l'angoisse et le remord, ce serait de trop que de la sanctionner
doublement3. L'autre idée est celle de la négligence, la société aurait, dit-on,
perdu son droit de punir parce qu'elle ne l'aurait pas exercé en temps
utile4. L'idée la plus phare est sans doute celle du dépérissement des preuves5.
En effet, après un certain temps, les preuves disparaissent ou se gâtent,
les témoins ont des souvenirs moins clairs, une action exercée dans ces
conditions risquerait de provoquer une erreur judiciaire.
La prescription constitue une exception péremptoire et d'ordre public. Elle
peut être soulevée à tout moment du procès, en appel et même en
cassation. Le juge la soulève d'ailleurs d'office si les parties ne le font pas.
Au demeurant, le ministère public établit dans ses moyens que
l'infraction n'est pas encore prescrite6. « Est à annuler, la décision du
premier juge qui a omis de constater que l'action publique était prescrite
au moment où il en a été saisi »7.
Cela étant, certaines infractions sont en droit congolais,
imprescriptibles. Elle contraignent leur auteur à une « insomnie à vie »8. Il
s'agit entre autres des infractions de la compétence de la Cour pénale
internationale9 et de certaines infractions militaires.

1 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 61.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 194.
3 Idem.
4 Ibidem.
5 Ibidem.
6 Cass. fr., Crim., 20 mai 1980.
7 C.S.J., R.P.A. 38, 23 déc. 1976 ; voir aussi C.S.J., R.P. 194, 17 mai 1978.
8 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 61.
9 Art. 29, Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale.

800
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Délai

Le délai de prescription est différent selon le degré de gravité de la


peine dont est frappée l'infraction. Le délai est de 1 an, selon que
l'infraction est punie d'une peine d'amende ou de servitude pénale allant
jusqu'à 1 an ; il est de 3 ans pour les infractions punies de moins de 5 ans,
et de 10 ans pour celles punies de 5 à 20 ans, de servitude pénale à
perpétuité, ou de mort1.
Le début de la prescription s'apprécie différemment selon qu'il
s'agit d'une infraction instantanée, continue ou d'habitude.
Le délai pour les infractions instantanées commence à courir au jour de
la commission de l'infraction — c'est-à-dire, le jour où tous les éléments
constitutifs ont été réunis—, encore que ce jour n'est pas pris en compte
dans le comptage. Ainsi pour le cas du meurtre, la prescription
commence à courir à la date du décès2.
Pour le cas des infractions continues, la prescription commence à
courir du jour où la situation délictueuse a pris fin dans ses actes constitutifs et dans
ses effets3. Ainsi pour le cas du recel, la prescription commence à courir
du jour (plus exactement du lendemain) où la détention de l'objet a cessé,
peu importe qu'à cette date, l'infraction qui a procuré la chose ait déjà
été prescrite4.
Pour les infractions d'habitude, la prescription commence à courir
du jour du dernier acte constitutif de l'habitude a été commis5.

C. Interruption et suspension

Le délai de prescription peut être interrompu ou suspendu.

1. Interruption

L’interruption de la prescription de l’action publique se produit


lorsque l’autorité compétente accomplit un acte qui dénote qu’elle n’oublie pas
l’action publique mais qu’elle veut, au contraire, la faire avancer6. La loi dispose

1 Art. 24, Code pénal.


2 Cass. fr., Crim., 4 Nov. 1985.
3 Cass. fr., Crim., 19 fév. 1957.
4 Cass. fr., Crim., 16 juill. 1964.
5 Voir par ex. Cass. fr., Crim., 16 juill. 1987.
6 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 181.

801
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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que « la prescription sera interrompue par des d'instruction ou de


poursuite faits dans les délais de un an, ou trois, ou dix ans, à compter
du jour de où l'infraction a été commise »1.
La prescription peut donc être interrompue par des actes de poursuite
ou des actes d'instruction2. Les actes d’instruction sont ceux qui ont pour objet
de recueillir les preuves de l’existence des infractions et de la culpabilité de l’auteur3.
Les actes de poursuite sont ceux par lesquels s’exercent l’action publique et
même l’action civile résultant d’une infraction et qui ont pour objet soit de traduire le
prévenu en jugement, soit de s’assurer de sa personne4. Tous ces actes doivent
émaner de l'autorité compétente, et être réguliers5.
Interrompent la prescription, un interrogatoire d’officier du
ministère public ou d’officier de police judiciaire ; les ordonnances
statuant sur la confirmation de la détention préventive ; les mandats
d’amener et d’arrêt ; les citations à prévenu ; l'appel du prévenu ; les
visites domiciliaires ; l’audition d’un témoin ; l’instruction faite à
l’audience ; la citation directe ; une commission rogatoire sur un
ensemble de faits délictueux ; les jugements de condamnation non
encore passés en force de chose jugée6.
L’interruption de la prescription a pour effet d’en arrêter le cours et de
rendre inutile le laps de temps qui s’est écoulé de sorte que toute prescription doit
recommencer7.
Toutefois, la durée de l’action publique ne peut être indéfiniment prolongée
par des actes d’instruction ou de poursuite successivement renouvelés.
Si, dans un second délai d’un, de trois ou dix ans n’intervient pas un
jugement définitif, c’est-à-dire non susceptible d’un recours, l’action
publique sera automatiquement et irrévocablement éteinte parce que les
interruptions de la prescription ne peuvent jamais avoir pour effet de
prolonger l’action publique au-delà du terme primitif8.

1 Art. 26, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 Voir par ex. C.S.J., R.P.A. 59, 27 avril 1981.
3 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 182.
4 Idem.
5 C.S.J., R.P. 2155, 3 sept. 2003.
6 Voir par ex. C.S.J., R.P. 522, 27 nov. 1984.
7 B. BOULOC, op. cit., p. 215.
8 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 181 ; voir C.S.J., R.P.. 194, 17

mai 1978.

802
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

2. Suspension

Par ailleurs, à la différence de l’interruption, la suspension ne fait


qu’arrêter pour un temps le cours de la prescription si bien que le temps déjà écoulé
avant sa survenance entre en ligne de compte pour le calcul du délai de prescription1.
C’est un arrêt, une parenthèse dans le délai de prescription2.
La législation congolaise ne contient aucune disposition sur la
suspension de la prescription. Cette suspension est d’application en tant
que principe général de droit3. La prescription peut être suspendue par
un obstacle de droit, tels que l’existence d’une question préjudicielle4, le
pourvoi en cassation (en matière pénale)5, l’existence de l’immunité
parlementaire dont on attend la levée6 ; ou un obstacle de fait, à condition
qu'il soit insurmontable7, tels que l’invasion de territoire par des armées
ennemies8, l’inondation, l’inaction du magistrat instructeur, la démence
du prévenu après la commission de l’infraction9.

Section 3
Le ministère public décide de poursuivre

« Lorsque le ministère public décide d'exercer l'action publique, il communique


les pièces au juge compétent pour en connaitre. Celui-ci fixe le jour où l'affaire sera
appelée »10. Ce dossier est transmis par la requête aux fins de fixation de la date
d’audience11.
La requête contient l’identité du Magistrat instructeur ; l’adresse du
tribunal compétent ; le n° du registre du ministère public ; l’identité
complète de l’inculpé ; le libellé de la prévention avec référence aux
articles du code pénal qui ont été violés.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 217.


2 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 183.
3 Idem.
4 Cass. fr., Crim., 29 mai 1897.
5 Cass. fr., Crim., 8 Nov. 1955.
6 Cass. fr., Crim., 24 juill. 1952.
7 Cass. fr., Crim., 11 juill. 1985.
8 Cass. fr., Crim., 1e août 1919.
9 Cass. fr., Crim., 11 juill. 2007.
10 Art. 53, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
11 Lire Art. 23, Arrêté d’organisation judiciaire du 20 août 1979 portant

règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets.

803
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le dépôt du dossier au tribunal dessaisit le parquet. L’action publique


est irrévocablement déclenchée en ce sens que le ministère public ne peut plus
retirer le dossier ni pour le compléter, ni pour le classer sans suite ou
pour le classer par le paiement de l’amende transactionnelle. Par ailleurs,
la phase inquisitoriale et secrète de la procédure est terminée : les parties privées
(prévenu, partie civile et partie civilement responsable) peuvent prendre
connaissance de toutes les pièces que le ministère public entend verser
aux débats1.

1 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 385 ; J.-M. TASOKI, op.
cit., p. 95.

804
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

TITRE 2
LE PROCÈS
Le procès pénal ayant pris sa source dans la commission de
l'infraction, il a suivi son cheminement, du bureau de l'officier de police
judiciaire à celui de l’officier du ministère public. Dans sa phase
juridictionnelle, le procès pénal voit intervenir un organe nouveau dans
l'œuvre de la répression — sans parler du particulier — : le juge.
Le juge est un magistrat assis chargé de dire le droit en se prononçant sur la
solution à donner à un litige. Dans sa mission de garantie des droits et libertés
fondamentaux, le juge tient entre ses mains la liberté, la vie ou le
patrimoine du prévenu. Il tient aussi entre ses mains le sort de la partie
civile dont le droit — fondamental généralement — a été atteint par la
commission de l'infraction. Il tient encore entre ses mains l'équilibre
social qui a été rompu par la commission de l'infraction. C’est ainsi que,
se plaçant au centre des parties, le juge écoute chacune dans leurs
prétentions : le ministère public dans son réquisitoire, par lequel il
demande — généralement — l'application de la peine — souvent la
peine maximale — ; la partie civile dans sa plaidoirie, requérant la
réparation du dommage lui causé par la commission de l'infraction ; et

805
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

la partie prévenue, dans sa plaidoirie, qui a la double charge de réagir à


la fois aux prétentions du ministère public et à celles de la partie civile,
soit qu'elle demande l'acquittement et le déboutement de la partie civile,
soit qu'elle tente de négocier une peine et des dommages intérêts un peu
plus supportables. Le prévenu, qui risque donc le plus, dans ses droits
fondamentaux, a tout intérêt à être entendu dans un combat à armes
égales. Ainsi dit-on que « l’enjeu du droit pénal réside dans cette ultime occasion
accordée aux protagonistes du drame pénal de s’exprimer, surtout lorsque l’auteur des
faits parle. Car, en effet, juger c’est d’abord écouter et non appliquer un tarif. Juger
c’est aussi comprendre sans excuser. Juger c’est encore sanctionner sans blâmer. Juger
c’est enfin libérer sans pardonner. C’est pourquoi, un procès pénal s’affadit et
s’enlaidit lorsqu’il poursuit son cours sans la présence de la personne mise en cause »1.
La phase juridictionnelle rompt avec les caractéristiques de la phase
préjuridictionnelle. Elle devient publique, permettant à la société d'avoir
une emprise sur le déroulement du procès, et orale, permettant aux
parties, principalement au prévenu, de s'expliquer sur les circonstances
de la commission de l'infraction. Le juge joue ici un rôle actif. Détenant la
police des débats, il apprécie les éléments de preuve lui apportés par les
parties et fait produire ceux qu'il juge nécessaires à la manifestation de la
vérité. Le juge procède à l'évaluation in concreto des éléments de
l'infraction — circonstances de sa commission, personnalité de l'agent,
motivation — en vue d'aboutir à une « peine appropriée »2.

1 J.-M. TASOKI, op. cit., pp. 7-8.


2 Jean-Marie Carbasse, cité par J.-M. TASOKI, op. cit., p. 97.

806
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 1
Les parties au procès pénal

Section 1
Le ministère public et l'action publique

De la commission de l'infraction naît l'action publique1. Elle vise le


rétablissement de l'équilibre social rompu par la commission de l'infraction, au
moyen de sa répression. Exercée par le ministère public, avocat de la
société, l'action publique est d'ordre public, en ce sens que le ministère
public ne peut transiger sur son exercice, ni y renoncer.
L'action publique exercée par le ministère public qui a pris
naissance dès la commission de l'infraction, se concrétise réellement
devant le juge dont la saisine constitue par ailleurs son point culminant.
À ce stade, le ministère public adresse au juge un réquisitoire contenant
une relation du déroulement des évènements ayant conduit à la
commission de l'infraction. Posant ces faits en droit, le ministère public
opère leur qualification juridique, en démontrant qu'ils réunissent bien
les éléments constitutifs de l'infraction pour laquelle est poursuivie le
prévenu. Au crépuscule de ses moyens, le ministère public demandera
au juge l'application d'une sanction pénale.

Section 2
La partie civile et l’action civile

Paragraphe 1
Définition

Action principale du procès pénal qui ne peut se poursuivre sans elle


— puisque d'ailleurs, ils sont consubstantiels l'un à l'autre —, l'action
publique est parfois suivie d'une action civile. C'est que la commission de
l'infraction constitue généralement une atteinte en un droit
juridiquement, souvent fondamentalement protégé — ainsi le meurtre
attente au droit à la vie, les coups et blessures à l'intégrité physique, le
vol à la propriété —. Cette atteinte fait naître un dommage dont la
victime vient demander réparation par l'exercice de l'action civile.

1Lire B. BOULOC, op. cit., pp. 149-155 ; E. VERNY, op. cit., pp. 145-147 J.-M.
TASOKI, op. cit., p. 9.

807
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L’action civile est celle qui appartient à la victime de l’infraction. Elle


tend à la réparation du dommage subi du fait de l’infraction.
L'action civile est accessoire à l'action publique, elle vient se greffer à
celle-là qui peut d'ailleurs se poursuivre sans elle — l'opposé étant
inconcevable, sauf pour la victime à choisir la voie civile —. Auteur de
cette action, la victime conserve le droit d'y renoncer à tout moment, sans
que cela n'ait une incidence sur le procès en cours.
« Tout fait quelconque de l'homme qui cause dommage à autrui
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». De même, «
chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par
son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Les
articles 258 et 259 du Code Civil Livre 3 constituent le fondement de
l'action civile de la victime de l'infraction. De son expression, la loi pose
au requérant trois conditions nécessaires à l'obtention d'une créance en
réparation : le dommage, la faute et le lien et causalité.
Pour exposer ses prétentions, la partie civile commence par une
narration des faits soulevant les points pertinents en rapport avec ses
arguments, lesquels seront habillés en droit en posant les trois conditions
de la responsabilité délictuelle, et demandera au juge de condamner la
partie prévenue à la réparation du dommage subi par elle.

Paragraphe 2
Modes d’exercice de l’action civile

La victime exerce l'action civile de trois manières.


L'action civile est exercée par voie d'intervention. La loi dispose que «
lorsque la juridiction de jugement est saisie de l'action publique, la partie lésée peut la
saisir de l'action en réparation du dommage en se constituant partie civile. La partie
civile peut se constituer à tout moment depuis la saisine du tribunal jusqu'à la clôture
des débats, par une déclaration reçue au greffe ou faite à l'audience, et dont il lui est
donné acte (...) »1. La victime exerce donc l'action civile en se greffant à
l'action publique. On dit qu'elle se constitue partie civile.
La victime peut encore exercer l'action civile par voie d'action. La loi
dispose que « la juridiction de jugement est saisie par la citation donnée au prévenu,
et éventuellement à la personne civilement responsable, à la requête de l'officier du
ministère public ou de la partie lésée »2. Ce mode de saisine du tribunal qu'est
la citation directe permet à la victime de court-circuiter l'action publique si

1 Art. 69, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 54, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

808
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

le parquet est en sommeillement. Dans l'hypothèse par exemple d'un


classement sans suite, d'une action soldée sur une amende
transactionnelle ou d'interminables enquêtes, la victime peut
directement saisir la juridiction répressive pour obtenir réparation,
contraignant ainsi le parquet à intervenir dans l'affaire. Une fois la
juridiction répressive saisie de l'action, le ministère public est contraint
d'intervenir. Toutefois, il n'est pas exclu que dans ces circonstances, il
puisse instruire à décharge et réclamer l'acquittement, s'il est convaincu
de l'innocence du prévenu.
Enfin, les dommages-intérêts peuvent être alloués d'office par le juge à la
partie civile, sans que celle-ci ne se soit constituée partie civile ou n'ait
exercé une citation directe. La loi dispose que « sans préjudice du droit des
parties de se réserver et d'assurer elles-mêmes la défense de leurs intérêts et de suivre
la voie de leur choix, les tribunaux répressifs saisis de l'action publique prononcent
d'office les dommages-intérêts et réparations, qui peuvent être dus en vertu de la loi,
de la coutume ou des usages locaux »1.

Paragraphe 3
L’action civile au parquet

Il ressort ces dispositions et de certains principes généraux de droit,


tels que l'indépendance du ministère public, la concentration entre ses
mains des fonctions d'instruction et de poursuites et le secret de
l'instruction2, que l'exercice de l'action civile ne concerne que la
juridiction de jugement, il n'est donc pas possible devant le parquet3.
Toutefois, une exception pourrait exister en ce qui concerne
l'amende transactionnelle. En effet, la loi dispose que, après avoir transigé
avec l'auteur présumé de l'infraction sur le montant de l'amende à verser
pour le compte du trésor public, « l'officier de police judiciaire invite l'auteur de
l'infraction à verser à cette personne ou à consigner les dommages-intérêts qu'il
détermine »4.

1 Art. 108, Loi organique n° 13/001-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Lire E. FORTEMAISON, « La constitution de partie civile devant le magistrat

instructeur », in R.J.C.B., n° 2, Mars-avril, 1939, pp. 41-47.


3 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 28.
4 Art. 9 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

809
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 4
L’action publique devant la Cour de cassation

En ce qui concerne la Cour de Cassation et la Cour


constitutionnelle, la loi dispose que « la constitution de partie civile est
irrecevable devant la Cour de Cassation »1. Il en est de même devant la Cour
constitutionnelle.
Une exception est toutefois possible devant la Cour de cassation,
dans l'hypothèse d'une révision d'un jugement définitif, et dans
l'hypothèse où la Cour statue au second degré en appel d'un arrêt rendu par
une cour d'appel.

Section 3
La partie prévenue

La partie prévenue a la plus lourde des charges. Elle doit réagir en


même temps aux prétentions du ministère public et à celles de la partie
civile. L'angle qu'elle donne à sa plaidoirie est tributaire de ses moyens
de défense, qui sont différents, selon qu'il nie les faits qui lui sont
reprochés — il plaide non-coupable —, ou qu'il reconnaît ces faits — il
plaide coupable —2.
Dans l'hypothèse où le prévenu nie les faits qui lui sont reprochés
et demande acquittement, il doit contester les prétentions du ministère
public et de la partie civile. Dans le premier cas, il doit démontrer qu'au
moins un élément constitutif de l'infraction pour laquelle il est poursuivi
fait défaut. Soit que l'élément légal manque, qu'il y a mauvaise
qualification, mauvaise interprétation de la loi ; soit que l'élément
matériel manque, le prévenu n'ayant pas accompli tous les actes et dans
toutes les formes prescrites par la loi ; soit encore que l'élément moral
manque, le degré de dol requis par la loi n'étant pas constitué dans le cas
sous examen. Le prévenu peut aussi arguer une cause de justification,
objective ou subjective. Soit qu'il a agi en légitime défense, en état de
nécessité, ou en exécution d'un ordre de la loi ou d'un commandement
manifestement légal d'une autorité légitime ; soit encore qu'il souffrait de
démence au moment des faits, qu'il a agi par contrainte irrésistible ou
par erreur invincible.

1 Art. 78, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la cour de cassation.
2 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., pp. 423-424.

810
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'absence d'infraction entraînera certainement avec elle


l'inexistence de la faute sur le plan civil. Sinon, le prévenu peut encore
avancer l'inexistence du dommage, ou l'absence d'un lien causal entre le
dommage et la faute par lui commise.
En revanche, quand il reconnaît les faits qui lui sont reprochés, c'est
la clémence du juge que recherche le prévenu. En vue de son obtention,
il décrira sa personne sous son plus beau jour pour amener le juge à
prononcer la peine appropriée. Il demandera des circonstances
atténuantes pour se voir accorder un allègement de la peine, et
certainement des dommages-intérêts. Le prévenu présentera au juge son
passé irréprochable, ses qualités de bon citoyen, de bon père de famille,
et les circonstances de fait ayant pu avoir une influence sur sa
psychologie — vie difficile et agitée durant l’enfance par exemple —.

Section 4
La partie civilement responsable

La partie civilement responsable est celle qui vient répondre civilement


des condamnations prononcées à l’égard du prévenu. Elle ne répond que des
condamnations civiles, c’est-à-dire des dommages-intérêts, prononcés à
l’égard du prévenu, et non pénalement, car la responsabilité pénale est
individuelle. Il peut s’agir des parents pour le prévenu mineur, ou du
commettant ou de l’Etat pour le préposé. Ces personnes répondent
civilement pour autrui.
Pour sa défense, le civilement responsable tentera de démontrer
l’absence de lien de parenté ou de préposition selon le cas, entre lui et le
prévenu ; ou bien, il arguera l’absence de faute dans le chef de celui-ci ;
ou encore, que la faute est arrivée, alors même qu’il a pris toutes les
précautions nécessaires pour l’éviter.

811
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

812
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 2
La saisine de la juridiction de jugement
Section 1
Notions

Paragraphe 1
Définition

La saisine est une procédure qui consiste en une « formalité par


laquelle un plaideur porte son différend devant une juridiction afin que celle-ci examine
la recevabilité et le caractère fondé de ses prétentions »1. Elle emporte liaison de
l’instance2, en ce qu'elle permet au plaideur de soumettre à la juridiction
ses prétentions afin que celle-ci les dise bien ou mal fondées3.

Paragraphe 2
Conséquences de la saisine

Dans ses conséquences, la saisine opère in rem et in personam.

Point 1
La saisine opère in rem

La saisine opère in rem en ce que le juge saisi doit examiner tous les faits
des faits contenus dans le libellé de la prévention et seulement ceux-là4. Le jugement
qui manque d'examiner les prétentions d'une partie correspondant aux
faits dont il est régulièrement saisi encourt cassation5. On dit que le juge
doit « vider sa saisine », pour exprimer que le juge résout en entier le litige
dont il est saisi, tranche tous les points soumis à son examen6. Le juge
doit examiner les faits dont il est saisi sur toutes leurs qualifications

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), cités par J.-M. TASOKI, op. cit., p.


109.
2 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1982.
3 J.-M. TASOKI, op cit p. 109.
4 Lire G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1983 ; B. BOULOC, op. cit., p. 965 ; J.-M.

TASOKI, op cit p. 109.


5 Voir par ex. Cass. fr., Crim., 29 Nov. 1972.
6 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 2235.

813
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

possibles1. Elle peut par exemple passer d'une qualification de vol au cel
frauduleux, substituer une prévention à titre de complice à une
prévention à titre d'auteur principal2, du moment que ça correspond aux
faits dont il a été saisi. Dans ces cas, le prévenu doit être invité à présenter
ses moyens de défense3.
De même, a contrario, le juge ne peut sans outrepasser sa saisine
statuer sur une demande différente de celle qui a été portée devant lui
par les parties au procès4. La règle selon laquelle le juge ne peut pas statuer
ultra petita a valeur de principe général de droit susceptible de fonder la
cassation5. Ainsi, en statuant en appel, sur le seul appel du prévenu limité
aux intérêts civils, la juridiction d'appel en modifiant les condamnations
pénales a dépassé l'étendue de sa saisine6.

Point 2
La saisine opère in personam

Par ailleurs, la saisine opère in personam, en ce que le juge est saisi et


ne peut juger que la personne qui lui a été déférée et dont l’identité est indiquée dans
l’exploit introductif d’instance7.
Ainsi, est un moyen d'ordre public à soulever d'office, entraînant
pour excès de pouvoir, cassation sans renvoi, l'absence complète de
saisine de la juridiction par rapport à une partie qui fut néanmoins
condamnée8. De même, est un moyen d'ordre public relatif à la saisine,
à devoir soulever d'office, celui qui constate qu'une personne étrangère
à un procès en premier degré a été mise à la cause en appel, moyen
entraînant cassation sans renvoi en faveur de cette personne9.

1 Voir par ex. Cass. fr., Crim., 1e mars 1960.


2 Crim 11 mai 1971.
3 Crim 16 mai 2001.
4 C.S.J., R.C. 95, 22 janv. 1975.
5 Voir par ex. C.S.J., R.C. 204, 21 déc. 1978 ; C.S.J., R.C. 201, 29 août 1979.
6 C.S.J., R.P. 51, 7 juin 1972.
7 Lire G. CORNU (dir.), op. cit., p. 1983 ; B. BOULOC, op. cit., p. 967 ; J.-M.

TASOKI, op cit p. 109.


8 C.S.J., R.P. 142, 3 avril 1974.
9 C.S.J., R.P. 220, 4 juill. 1977.

814
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 2
Les modes de saisine de la juridiction de jugement

En principe, le juge ne peut se saisir lui-même. On dit que la juridiction


de jugement est « un rouage inerte »1. Sa saisine émane de l'extérieur. La loi
a institué une force extérieure qui sert de poussoir au tribunal en vue de
déclencher le mécanisme de l’action publique2. Cette force extérieure est
principalement le ministère public et la partie civile. La loi dispose que «
la juridiction de jugement est saisie par la citation donnée au prévenu, et
éventuellement à la personne civilement responsable, à la requête de
l'officier du ministère public ou de la partie lésée »3. La citation à prévenu
et la citation directe sont donc les deux modes principaux de saisine du
tribunal. Ces modes peuvent être corrigés par l'acceptation volontaire du
prévenu de comparaître en cas de vice contenu dans la citation. Cette
acceptation vaudra saisine du tribunal. Par ailleurs, la citation à prévenu
peut suivre une procédure accélérée en cas de flagrance. Enfin,
exceptionnellement, le juge peut se saisir d'office en cas de délit
d'audience.

Paragraphe 1
La citation à prévenu

« La juridiction de jugement est saisie par la citation donnée au prévenu (...) à


la requête de l'officier du ministère public (...) ».
La citation doit indiquer à la requête de qui elle est faite. Elle énonce
les nom, prénoms et demeure du cité, l'objet de la citation, le tribunal
devant lequel la personne citée doit comparaître, le lieu et le moment de
la comparution. Elle indique la qualité de celui qui l'effectue et la façon
dont elle est effectuée. La citation à prévenu contient, en outre,
l'indication de la nature, de la date et du lieu des faits dont il aura à
répondre4.

1 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 109.


2 Idem.
3 Art. 54, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 57, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

815
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La citation à prévenu est obligatoire pour les personnes bénéficiant d'un


privilège de juridiction1. De même l'est-elle aussi dans l'hypothèse d'une
infraction dont les poursuites sont subordonnées à la plainte préalable2.

Paragraphe 2
La citation directe

« La juridiction de jugement est (aussi) saisie par la citation donnée au prévenu


(...) à la requête de la partie lésée (...) ». La citation directe est une procédure
consistant pour la victime de porter directement son affaire devant le juge répressif qui
doit en examiner le bien-fondé3.
La citation directe devra donc mentionner ces faits avec indication
du lieu et de la date de leur commission. Elle doit également mentionner
le préjudice invoqué avec évaluation provisoire de sa hauteur. Enfin, elle
doit indiquer le lien de causalité entre le fait infractionnel et le préjudice
vanté. A défaut de l’un de ces éléments, l’action civile sera irrecevable et
n’aura pas déclenché des poursuites4.
L’avantage que cette procédure présente est qu’elle peut court-
circuiter les manœuvres d’un magistrat du parquet tendant à classer une
affaire sans suite ou paiement d’amende transactionnelle5.
Toutefois, la partie civile doit se garer des citations impertinentes faites
dans le seul but d'intenter un procès téméraire et vexatoire au prévenu. En
effet, si plaider c'est user de son droit, il n'en est pas moins certain que
le plaideur téméraire lèse injustement le droit qu'a toute personne de
vivre tranquillement6. Il s'agit là d'une faute abus de droit. L'action du
prévenu contre la partie civile, dite reconventionnelle, est portée devant le

1 Art. 54 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Lire sur l'adultère, Art. 468, code de la famille. Sur la grivèlerie, Art. 102 bis, Al.
2, code pénal. Sur les infractions commises à l'étranger, Art. 3, Al. 2, code pénal.
Sur le harcèlement sexuel, Art. 174 d, code pénal. Sur les infractions de droit
d'auteur, Art. 102, ordonnance-loi n° 86-033 du 5 avril 1986 portant protection
des droits d’auteurs et des droits voisins. Sur l'outrage aux membres de
l’assemblée nationale, du gouvernement, et des dépositaires de l’autorité ou de
la force publique, Art. 138ter, code pénal.
3 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 111.
4 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 388.
5 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 111.
6 Ie Inst., Elis, 15 janv. 1929.

816
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

tribunal qui se prononce sur l'action pénale1. Le prévenu fonde son


action sur les articles 258 et 259 du Code Civil Livre 3. Il a été jugé que
le juge a le devoir de statuer sur la demande reconventionnelle d'un
prévenu qu'il a acquitté et renvoyé des fins de poursuites2.
Toutefois, l'action reconventionnelle ne peut être initiée si les poursuites
judiciaires qui se sont révélées non fondées ont été déclenchées par le
fait du ministère public, organe de la loi, défenseur des intérêts de la
société et protecteur de l'ordre public3.
Rattachée à l'action publique dont elle est l'accessoire, le destin de
l'action civile suit souvent celui de l'action publique. Ainsi, lorsque le juge déclare
fondée l'action publique, c'est-à-dire, dit établie en fait comme en droit
l'infraction mise à charge du prévenu, le juge pénal se déclare compétent
sur l'action civile4. A contrario, lorsque l'action publique est non fondée,
c'est-à-dire, acquitte le prévenu, le juge pénal se déclare incompétent sur
l'action civile5.

Paragraphe 3
La comparution volontaire

« La juridiction de jugement est également saisie par la comparution volontaire


du prévenu et, le cas échéant, de la personne civilement responsable sur simple
avertissement »6.
Si la peine prévue par la loi est supérieure à cinq ans de servitude
pénale, la comparution volontaire du prévenu ne saisit le tribunal que si,
avisé par le juge qu'il peut réclamer la formalité de la citation, le prévenu
déclare y renoncer. Il en est de même, quelle que soit la peine prévue par
la loi, si l'intéressé est détenu ou si, à l'audience, il est prévenu d'une
infraction non comprise dans la poursuite originaire.
Le procédé de saisine du tribunal par comparution volontaire est
souvent utilisé dans l’hypothèse où le prévenu décide de couvrir les irrégularités
contenues dans une citation, généralement lorsque le délai de signification de

1 Lire Art. 107 Al. 2, Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire ; Voir C.S.J., DC, 24 fév. 1972.
2 C.S.J., R.P. 26/T.S.R., 30 déc. 1997.
3 C.S.J., R.P.A. 342, 8 janv. 2008.
4 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 259 ; Boma, 10 oct. 1911.
5 Léo., 9 août 1951.
6 Art. 55, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

817
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ladite citation n’a pas été respecté1. On peut encore recourir à la


comparution volontaire dans l'hypothèse de la découverte à l’audience du
tribunal d’un fait nouveau à charge du prévenu. Si celui-ci consent à être
jugé sur ce fait supplémentaire et non compris dans la poursuite
originaire, son acceptation vaut saisine du tribunal2.

Paragraphe 4
La saisine d'office

« Toute infraction commise dans la salle d'audience et pendant la durée de


l'audience pourra être jugée, séance tenante »3.
On appelle délit d’audience toute infraction commise dans la salle et pendant
la durée de l’audience4. Cette procédure constitue une exception au principe de
séparation des fonctions judiciaires, en ce que le juge de saisit d'office, alors
qu'il est en principe un rouage inerte et qu'il doit attendre une action
venant de l'extérieur.
Le président fera dresser un procès-verbal par le greffier, entendra
le prévenu et les témoins le cas échéant. Après avoir entendu le
représentant du ministère public s'il est présent, le tribunal prononcera,
sans désemparer, les peines prévues par la loi. L’expression « sans
désemparer » veut dire que le tribunal doit, le jour même statuer pour
permettre une remise d’audience. Toutefois, la doctrine pense que cette
expression ne s’oppose pas à ce que le tribunal puisse surseoir
momentanément l’audience pour délibérer et rendre le jugement sur ce
délit d’audience le même jour5. Le délit d’audience est concevable même
si le tribunal siège en matière commerciale, civile ou coutumière6.
La loi fixe deux conditions cumulatives à cette procédure7. La première
est négative. Le prévenu ne doit pas être bénéficiaire d'un privilège de juridiction
reconnu par la Constitution. La seconde est positive, le fait dont est poursuivi
le prévenu doit être punissable d'une peine rentrant dans le champ de
compétence matérielle de la juridiction concernée.

1 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 388 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p.
112.
2 Art. 55, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 1, Ordonnance-loi 70-012 relative aux infractions d'audience.
4 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 389.
5 Idem., p. 390.
6 Ibidem., p. 391.
7 Art. 2, Ordonnance-loi 70-012 relative aux infractions d'audience.

818
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il en découle qu'il ne peut par exemple y avoir de délit d'audience


devant la Cour de Cassation, cette juridiction n'ayant aucune
compétence matérielle. Pareil pour la Cour d'appel, sauf en cas de crimes
rentrant dans la compétence de la Cour pénale internationale. Par
ailleurs, le Président de la République, les ministres ou députés par
exemple, ne peuvent être jugés sous cette procédure, car bénéficiant d'un
privilège de juridiction reconnu par la Constitution.

Paragraphe 5
La conduite immédiate du délinquant devant le tribunal

Cette modalité particulière de saisine du tribunal s’applique pour la


procédure accélérée du jugement des infractions intentionnelles flagrantes. La
loi dispose que « toute personne arrêtée à la suite d'une infraction
intentionnelle flagrante ou réputée telle, sera aussitôt déférée au parquet
et traduite sur-le-champ à l'audience du tribunal ». S'il n'est point tenu
d'audience, le tribunal siégera spécialement le jour même ou au plus tard
le lendemain1.
Si l'affaire n'est pas en état de recevoir jugement, le tribunal en
ordonne le renvoi à l'une de ses plus prochaines audiences pour plus
amples informations et commet, s'il échet, l'officier du ministère public
pour procéder, toutes affaires cessantes, aux devoirs d'instructions qu'il
précise2. Il s'agit là encore d'une exception au principe de séparation des fonctions
judiciaires, en ce que les fonctions judiciaires étant indépendantes, le juge
enjoint ici un magistrat du parquet à accomplir les devoirs de son office.
Le jugement est rendu sur dispositif — c'est-à-dire, sans motivation
— immédiatement après la clôture des débats ; il est rédigé dans les
quarante-huit heures3. Si l'auteur de l'infraction déféré devant le tribunal
a pu s'enfuir, la décision rendue contre lui est toujours réputée
contradictoire4.

1 Art. 1, Ordonnance-loi 78-001 du 24 février 1978, relative à la répression des


infractions flagrantes.
2 Art. 6, Ordonnance-loi 78-001 du 24 février 1978, relative à la répression des

infractions flagrantes.
3 Art. 9, Ordonnance-loi 78-001 du 24 février 1978, relative à la répression des

infractions flagrantes.
4 Art. 10, Ordonnance-loi 78-001 du 24 février 1978, relative à la répression des

infractions flagrantes.

819
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 3
Signification de la citation

Paragraphe 1
Définition et modes de signification

La citation est signifiée par un huissier ; elle peut l'être aussi par
l'officier du ministère public ou par le greffier1.
Elle est d'abord signifiée à personne. L’huissier de justice rencontre
personnellement le prévenu ou le civilement responsable, à n'importe
quel endroit où il se trouve, et lui remet l’exploit de procédure contre
accusé de réception, à condition que ce prévenu ou ce civilement
responsable se trouve sur le territoire congolais.
Autrement, la citation est faite à domicile ou résidence. À la résidence
ou au domicile, la citation est signifiée en parlant à un parent ou allié, au
maître ou à un serviteur. À défaut de l'un d'eux, elle est signifiée à un voisin
ou, à l'autorité communale2.
La signification peut encore se faire par voie postale. La citation est
signifiée par l'envoi d'une copie de l'exploit, sous pli fermé mais à
découvert, soit recommandé à la poste avec avis de réception, soit remis
par un messager ordinaire contre récépissé, daté et signé, par le cité ou
par une des personnes mentionnées à l'article 59 du Code de procédure
pénale, avec indication éventuelle de ses rapports de parenté, d'alliance,
de sujétion ou de voisinage avec le cité3.
Si la personne n'a pas de domicile connu au pays, mais a une résidence
connue à l'étranger, on procède à la signification par édit et missive. Une copie
de l'exploit est affichée à la porte principale du tribunal qui doit connaître
de l'affaire ; une autre copie est immédiatement expédiée à la personne
que l'exploit concerne, sous pli fermé mais à découvert recommandé par
la poste4.
Par contre, si le cité n'a ni résidence ni domicile connus au pays ou à
l'étranger, on procède à la signification par édit et publication. Une copie de
l'exploit est affichée à la porte principale du tribunal qui doit connaître

1 Art. 58, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 59, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 60, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 61 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

820
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de l'affaire et un extrait en est envoyé pour publication au Journal


officiel1.

Paragraphe 2
Délai de citation

La citation a pour but d’avertir qu’une instance judiciaire s’ouvre et que la


personne citée doit se présenter. La comparution à l’audience fixée ne peut
donc avoir lieu qu’après un délai, qui est nécessaire à la personne citée
pour préparer sa défense2. L'importance est telle que l’inobservance de délai
entraîne la non-saisine du tribunal3.
Le délai de citation est de huit jours francs entre la citation et la
comparution4. Le jour de la signification et celui de la comparution ne sont
pas comptés5. Ce délai est augmenté d'un jour par cent kilomètres de
distance, et de trois mois si le concerné se trouve à l'étranger.
La doctrine estime que le délai de distance ne doit pas se calculer
de manière abstraite sur la droite la plus directe entre la distance du cité
et le lieu du tribunal. Il faut tenir compte des ressources du cité en
rapport avec les divers moyens de transport utilisables dans la région.
Dans cette optique, la distance varie selon l’état des ressources de la
personne citée6.
Notons que dans les cas qui requièrent célérité, le juge, par décision
motivée dont connaissance sera donnée avec la citation au prévenu et, le
cas échéant, à la partie civilement responsable, peut abréger le délai de huit
jours prévu à l'article 62 du Code de procédure pénale lorsque la peine
prévue par la loi ne dépasse pas cinq ans de servitude pénale ou ne
consiste qu'en une amende7.

1 Art. 61 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 398.
3 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 115.
4 Art. 62, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 398 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p.

115.
6 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 398.
7 Art. 63, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

821
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 4
Les débats à l'audience

Paragraphe 1
Comparution des parties

En principe, « le prévenu comparaît en personne »1. Toute personne ayant


le droit de de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur
de son choix2, il sera donc assisté. Toutefois dans les poursuites relatives
à des infractions à l'égard desquelles la peine de servitude pénale prévue
par la loi n'est pas supérieure à deux ans, le prévenu peut comparaître par un
avocat porteur d'une procuration spéciale3. On dit qu'il sera représenté. L'absence
de procuration spéciale ou une procuration non-spéciale entraîne
l'irrecevabilité de la requête4.

Paragraphe 2
Les incidents de procédure

Point 1
Définition

Un incident est tout événement qui vient troubler le déroulement normal d’un
procès5. Il survient souvent sous forme d’exceptions soulevées par les parties
au procès. Une exception est un moyen par lequel la défense tend à faire déclarer
la procédure irrégulière ou éteinte, ou à en suspendre le cours, indépendamment de tout
examen du fond du droit6. L’usage raisonnable, parfois abusif ou dilatoire
des prescriptions procédurales peut l’emporter sur le traitement du fond
de litige. S’ils sont directement intéressés par un triomphe formel, les
avocats, surtout ceux de la défense, chercheraient à éviter un débat
redouté sur le fond en soulevant des exceptions7.

1 Art. 71 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 19 Al. 4, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 71 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 C.S.J., R.C. 77, 6 fév. 1974 ; C.S.J. R.P. 976, 17 juin 1986.
5 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 409.
6 Bruno Mbiango, cité par J.-M. TASOKI, op. cit., p. 117.
7 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 117.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Types d’incidents de procédure

Ces exceptions sont de trois espèces : elles sont dilatoires, déclinatoires


et péremptoires1.
L'exception dilatoire est un moyen de droit soulevé par une partie
au procès en vue de gagner du temps. Il empêche momentanément le tribunal
de suivre la procédure, mais dès que cette situation juridique aura cessé,
l’instance pourra reprendre2.
On distingue ici, la question préjudicielle de la question préalable. La
première est celle qui relève de la compétence d'un autre juge que le juge saisi du
fond de l'affaire. Elle contraint le juge à surseoir à statuer en vue
d'attendre la solution émanant d'un autre juge — qui peut être pénal, ou
même civil et qui, de cette manière, tiendra le pénal sous examen en état
—, laquelle solution est déterminante au niveau des éléments constitutifs
de l'infraction concernée au fond. À l'opposé, la question préalable est
celle qui relève de la compétence du juge de fond.
Sont des exceptions dilatoires3, la démence du prévenu survenue
après la commission des faits : si le dément retrouve sa lucidité avant la
prescription de l’action publique, le procès pourra reprendre ; l’immunité
parlementaire lorsque l’infraction n’est pas flagrante ; l'exception
d'inconstitutionnalité ; la litispendance ou la connexité ; la récusation et
le déport.
L'exception déclinatoire est celle qui consiste à contester la saisine du
tribunal ou sa compétence. Cette exception ne permet pas la recevabilité de
l’action publique. Dans ce cas, le tribunal est dessaisi soit provisoirement,
soit définitivement4.
Au titre d’exception déclinatoire on peut citer5 le défaut
d’accomplissement d’une formalité préalable à la saisine de la juridiction
: tel est le cas du défaut d’accomplissement des formalités de mise en
accusation de certains titulaires des privilèges de juridiction. L’action
pourra être réintroduite lorsque les formalités seront accomplies ; le non-
respect des règles de signification des citations : si elles ne comparaissent

1 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 410 ; J.-M. TASOKI, op.
cit., p. 117 ; NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 195.
2 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 410.
3 Lire NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 196.
4 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 410.
5 Lire NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 196.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

pas volontairement, l’affaire sera renvoyée pour permettre la


régularisation de la signification à l’endroit des parties qui n’auront pas
été régulièrement atteintes ; le défaut de consignation : lorsque la partie
civile citante n’a pas consigné, l’affaire devra être biffée du rôle si elle ne
consigne pas sur le banc. Elle pourra toujours, lorsque l’affaire est biffée,
la réintroduire après avoir consigné.
L'exception péremptoire est celle qui écarte ou qui met définitivement
fin à l’action publique1. C’est le cas de la prescription de l’action publique2.
Au titre d’exceptions péremptoires on peut citer3 : la prescription
de l’action publique, le décès du prévenu ; la démence du prévenu au
moment de la commission des faits ; la chose jugée ; l'amnistie ;
l’abrogation de la loi pénale ; le retrait de la plainte en cas d’adultère et
de grivèlerie ; la transaction intervenue avec certaines administrations.
Il a par exemple été jugé qu'est fondée, l'exception tirée de
l'irrégularité des citations à prévenus qui auraient pu saisir la Cour, en ce
que le magistrat signataire de la requête aux fins de fixation d'audience
n'a pas encore prêté serment et dès lors, les actes juridictionnels par lui
accompli avant sont radicalement nuls4. Par contre, est non fondée,
l'exception d'irrecevabilité tirée de la mauvaise application de l'article 180
du Code pénal et du caractère non répressif des faits mis à charge du
prévenu, en ce que la mauvaise application de la loi et le caractère civil
des faits ne rendent pas l'action publique irrecevable mais plutôt non
fondée dans la mesure où le juge usant de son pouvoir d'appréciation a
déclaré les faire à lui soumis non constitutifs d'infraction prévue et punie
par la disposition susvisée5.

Point 3
Régime juridique des incidents de procédure

D’une manière générale, les incidents doivent être soulevés in limine


litis c’est-à-dire avant tout examen au fond6. Devant une exception
soulevée par une partie, le tribunal peut adopter deux attitudes : soit

1 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 410.


2 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 118.
3 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 197.
4 C.S.J., R.P. 041 CR, 26 mars 1999.
5 C.S.J., R.P.A., 8 janv. 2008.
6 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 410.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

joindre l’incident au fond, soit rendre un jugement sur incident1. Le juge répond
aux exceptions par un jugement avant-dire-droit préparatoire2.
Toutefois, certaines exceptions sont d'ordre public. Elles peuvent être
soulevées à n'importe quelle étape de l'instruction à l'audience — y compris au
fond —, et d'office par le juge. Tel est le cas de la prescription de l'action
publique3. Il en est de même en ce qui concerne l'exception
d'inconstitutionnalité. Alors que la pratique judicaire ne l'admet que quand
elle est soulevée in limine litis4, se fondant sur une circulaire du Premier
Président de la Cour de Cassation, qui, voulant lutter contre les abus par
les avocats de cette exception, recommandait aux juridictions de ne les
admettre qu'in limine litis5, la Cour constitutionnelle, interprétant l'article
162 de la Constitution6, dans un arrêt de principe rendu sur un ton ferme
imprimé de la plume du juge Kaluba, désigné rapporteur, disait que « la
saisine par voie d'exception d'inconstitutionnalité n'est possible et réalisée que sur
production d'un arrêt ou jugement avant dire droit rendu par la juridiction saisie de
la cause lors de l'examen de laquelle cette question prioritaire préjudicielle est invoquée
non pas in limine litis mais à toute hauteur de la procédure, ce moyen étant d'ordre
public »7. La circulaire semble donc manifestement contraire à la
Constitution.

1 Idem ; voir C.S.J., R.P.A. 391, 16 juill. 2010.


2 C.S.J., R.P.A. 381, 2 avril 2010.
3 Voir par ex. C.S.J., R.P. 194, 17 mai 1978.
4 Voir récemment, TGI/GOMBE, R.P. 26.931, 20 juin 2020. Affaire dite « 100

jours ».
5 Circulaire n° 001 du Premier Président de la Cour de cassation du 7/03/2017

portant transmission des dossiers à la Cour Constitutionnelle pour examen de


l’exception d’inconstitutionnalité après surséance.
6 Art. 162 : « La Cour constitutionnelle est juge de l’exception

d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction. Toute personne


peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte
législatif ou réglementaire. Elle peut en outre, saisir la Cour constitutionnelle par
la procédure de l’exception de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire
qui la concerne devant une juridiction. Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes
affaires cessantes, la Cour constitutionnelle ».
7 C.C., R. Const. 1272, 4 déc. 2020.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
L’ordre légal de l’instruction à l’audience

Aux termes de l'article 74 du Code de procédure pénale,


l'instruction à l'audience se fera dans l'ordre suivant : les procès-verbaux
de constat, s'il y en a, sont lus par le greffier ; les témoins à charge et à
décharge sont entendus s'il y a lieu et les reproches, proposés et jugés ;
le prévenu est interrogé ; la partie civile, s'il en est une, prend ses
conclusions ; le tribunal ordonne toute mesure d'instruction
complémentaire qu'il estime nécessaire à la manifestation de la vérité ; le
ministère public résume l'affaire et fait ses réquisitions ; le prévenu et la
personne civilement responsable, s'il y en a, proposent leur défense ; les
débats sont déclarés clos.

Paragraphe 4
La question centrale des débats : la preuve en matière pénale

Tout le procès pénal est dominé par le problème de la preuve1 qui


est la question centrale des débats en matière pénale2. La preuve confronte le
juge pénal au prévenu soupçonné d'avoir accompli un ou plusieurs
forfaits3. Elle permet de s'assurer de la responsabilité pénale et civile du
prévenu.
La preuve peut être définie comme étant la démonstration de la véracité
d'un fait4 ou la démonstration d'une vérité, en vue de persuader le juge5. La
preuve consiste à déterminer l'existence de certains faits pénalement
répréhensibles par une personne identifiée qui a eu l'intention de les
commettre6.

Point 1
La charge de la preuve

Le principe de la présomption d'innocence domine la question de la


preuve. Toute personne étant présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit

1 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 307.


2 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 274.
3 Idem.
4 Géraldine Danjaume, cité par J.-M. TASOKI, op. cit., p. 275.
5 Dénis Alland et Stéphane Rials, cités par J.-M. TASOKI, op. cit., p. 275.
6 Gérard Lopez et Stamatios Tzitzis, cités par J.-M. TASOKI, op. cit., p. 275.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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établie par un jugement définitif1, c’est la partie poursuivante — le ministère public


et éventuellement la partie civile — qui doit rapporter la preuve de tous les éléments
de l’infraction et de tous ceux qui permettent d’apprécier la responsabilité du
coupable2. On dit que la charge de la preuve incombe à l'accusateur. Ainsi,
encourt cassation, le jugement qui a déclaré l'infraction de faux en
écriture établie faute pour le prévenu d'avoir apporté la preuve contraire
des faits mis à sa charge, alors qu'en matière pénale, la charge de la
preuve incombe à la partie poursuivante3. La partie poursuivante doit
rechercher et rapporter la preuve de la responsabilité du prévenu —
responsabilité pénale s’il s’agit du ministère public ; la partie civile doit
rapporter en plus la preuve du dommage qu’elle a subi et celle du rapport
de cause à effet avec l’infraction commise —4. Cette tâche sera
certainement facilitée par le rôle actif du juge pénal dans la recherche des
preuves5.
La preuve doit porter sur l’existence de tous les éléments de l’infraction.
De l'élément légal, le ministère public doit établir la preuve de l'existence
de la loi violée. Il doit en plus établir la preuve que cet élément n'a pas
disparu par l'effet de l'amnistie ou de la prescription6. Il doit apporter la
preuve de l'élément matériel, l'action ou l'omission punie par la loi. Cette
matérialité peut être apportée par tout moyen de preuve de droit
commun7. Il doit enfin prouver l'élément moral de l'infraction, le dol
puni par la loi. Ainsi par exemple, en cas de meurtre, le ministère public
doit prouver la caractérisation du dol spécial dans le chef du prévenu, en
démontrant qu'il a agi dans l'intention de donner la mort8.
Toutefois, la charge de la preuve peut être renversée sur le prévenu, quand
celui-ci invoque un fait justificatif — légitime défense, état de nécessité,
ordre de la loi ou commandement de l'autorité légitime —9 ou cause de
non-imputabilité — démence, contrainte irrésistible —10.

1 Art. 17 Al. 9, Constitution du 18 février 2006.


2 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 308.
3 C.S.J., R.P. 3483, 26 sept. 2012.
4 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 308.
5 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 411.
6 Cass. fr., Crim., 16 déc. 1964.
7 Cass. fr., Crim., 25 fév. 1986.
8 Cass. fr., Crim., 9 janv. 1990 ; C.S.J., 01 Juin 1972.
9 Cass. fr., Crim., 22 mai 1959.
10 Cass. fr., Crim., 20 déc. 1949.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Les modes de preuve

A. Principe

Contrairement au comportement du juge civil, en matière de


preuve, le juge pénal est régi par le principe de la liberté des preuves1.
En fait, lorsque les moyens de preuve sont préalablement
déterminés et imposés par la loi, la preuve est dite légale. Dans le cas
contraire, elle est dite libre ou morale2. Avec le système de la preuve
légale, la valeur des preuves est tarifée. À chaque moyen de preuve, la loi ou
la coutume attachait telle valeur probante, et dès qu'elle était produite,
elle s'imposait au juge qui devait condamner. Et quand elle n'était pas
rapportée, il devait acquitter, qu'elle que soit par ailleurs sa conviction
personnelle3.
Le principe de la preuve morale s'applique en droit pénal congolais
à titre de principe général de droit — contrairement au droit français par
exemple où, il est consacré par la loi4 —. La jurisprudence considère en
effet que « le juge de fond apprécie souverainement les moyens de preuve qu'il lui
sont soumis »5. En matière répressive, un fait allégué est établi ou non
d'après l'intime conviction du juge, pourvu que son raisonnement soit motivé6.
C'est que, tous les moyens de preuve ont une force probante égale7. Il
est donc possible de recourir à tout ce qui peut établir la vérité8.
C'est ainsi que « le fait que l'arme du crime n'a pas été saisie ne
disculpe pas le prévenu dès lors que les témoignages concordants et les

1 C.S.J., R.P. 324, 7 oct. 1980.


2 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1482.
3 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 463.
4 Art. 353 Al. 2, Code de procédure pénale français : « La loi ne demande pas

compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus (...) ; elle leur
prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et dans le recueillement et de
rechercher, dans la sincérité de leur conscience, qu'elle impression ont faite, sur
leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense.
La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs
devoirs : “ avez-vous une intime conviction ? ” ».
5 C.S.J., 23 fév. 1971.
6 C.S.J., R.P. 97, 27 janv. 1976.
7 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 329.
8 B. BOULOC, op. cit., p. 126.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

autres éléments du dossier concourent à sa détention par le prévenu »1.


De même, les tribunaux évaluent librement la valeur probante de l'aveu
et celle de la rétractation2. Il peuvent même écarter cet aveu s'il leur paraît
suspect ou contredit par les autres éléments du procès3. Non plus ne
sont-ils liés par un rapport d'expertise qui constitue seulement un
élément de leur conviction4. Ils jugent souverainement la force probante
des témoignages produits devant eux5. Ainsi par exemple ont été rejetées
par le juge d'appel, comme moyen tendant à prouver le viol, la jupe et le
sous-vêtement déchirés de la victime, préférant se fonder sur les
témoignages concordants des voisins et du gérant d'hôtel qui disaient
avoir plusieurs fois vu la victime et le prévenu entretenir des relations de
concubinage, rajoutés aux propos contradictoires de la victime sur le lieu
et les circonstances du viol6.
En clair, « en matière répressive, le juge doit tirer son intime
conviction sur la responsabilité pénale du prévenu de l'ensemble des
éléments du dossier, cela de manière libre, et il n'est donc pas obligé de
tenir compte uniquement des éléments de défense présentés par le
prévenu »7.

B. Exceptions

Toutefois, le principe de l'intime conviction est limité dans certains


cas. En effet, certains procès-verbaux lient le juge, pour les uns, jusqu'à preuve
littérale contraire, et pour les autres, jusqu'à leur inscription en faux.
Quant à lui par ailleurs, le principe de la liberté de preuve est limité
lorsque la preuve à apporter n'est pas de nature pénale. Ainsi par exemple, le
contrat, requis pour l'établissement de l'infraction d'abus de confiance,
se prouve conformément aux règles de droit civil8.

1 C.S.J., R.P. 27/CR, 30 juill. 1985.


2 Cass. fr., Crim., 31 mai 1949.
3 Cass. fr., Crim., 3 juill. 1920.
4 Cass. fr., Crim., 12 juin 1958.
5 Cass. fr., Crim., 27 mars 1931.
6 C.A. Kananga.
7 C.S.J., R.P. 277, 18 juill. 1980.
8 B. BOULOC, op. cit., p. 134 ; B. BOULOC ET H. MATSOPOULOU, op. cit.,

p. 131.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 3
Quelques moyens de preuve

Les preuves en droit pénal peuvent être regroupées en des


constatations, des déclarations ou des indices. Toutefois, disons dès à
présent qu'un moyen de preuve se suffit rarement, et que, souvent, le magistrat
instructeur ou le juge doivent assurer la jonction des preuves1. Disons encore, à
titre de rappel, que la phase d'enquête précédemment étudiée est
consacrée à la recherche des preuves ci-dessous étudiées.

A. Les constatations

Les constatations portent sur les données matérielles qui font l'infraction
ou entourent sa commission2. Elles forment la preuve la plus simple et la plus
sûre car elles donnent une vue directe et immédiate sur l'activité
infractionnelle, l'auteur matériel et les circonstances du fait. Elles
peuvent porter sur l'objet ou l'instrument de l'infraction, le plan des
lieux, bref sur toute personne a priori impliquée dans la commission de
l'infraction, sur toute chose ayant fait l'objet de l'infraction ou ayant servi
à sa réalisation3.
Les constatations matérielles peuvent être faites par la police
judiciaire, le parquet ou par des experts désignés par ces autorités. Ce
sont ces constatations qui vont permettre de relever certaines traces ou indices
et de découvrir des pièces à conviction4. Les constatations sont relatées dans des
procès-verbaux, lesquels doivent respecter les conditions de forme prévues
par la loi pour leur admission. Il a été jugé que, manque en fait, le grief
fait au juge de n'avoir pas entendu un témoin dont l'audition était
sollicitée par des parties, dès lors qu'aucune pièce du dossier n'établit que
celles-ci ont sollicité telle audition, et que par ailleurs le juge a entendu
des témoins cités devant lui et a librement apprécié leurs dépositions
ainsi que celles consignées aux procès-verbaux, produits aux débats5.
La preuve biologique est devenue une armé quasi infaillible6. On estime
en effet que tout individu, à l'occasion de ses actions criminelles en un

1 F. Gorphe, cité par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 465.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 464.
3 Idem., p. 465.
4 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 314.
5 C.S.J., R.P. 521, 12 nov. 1980.
6 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 289.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

lieu donné, dépose et emporte à son insu des traces et des indices : sueur,
sang, poussière, fibre, sperme, salive, poils, squames, terre1.
Le caractère trop sommaire d'une expertise concluant
laconiquement à ce qu'il ne fut découvert aucune trace d'argent dans les
cendres d'un coffre-fort, alors qu'il a fallu des produits chimiques pour
éteindre le feu qui brûlait dans le coffre-fort et que des cartouches de
chasse y ont explosé, rend incertaine pareille conclusion2.
Constituent des motivations insuffisantes le rejet par un jugement
d'un rapport d'expertise uniquement basé sur la seule contestation du
défendeur3.

B. Les déclarations

Le témoin est une personne qui rapporte ce qu’elle a vu ou entendu


personnellement4.
Les témoins déposent sous serment. On considère que « le serment
améliore le témoignage, non seulement sous le rapport de la sincérité,
mais même sous celui de l'exactitude, en attirant l'attention du témoin
sur l'importance de ses déclarations et en rendant ses assertions plus
réservées, de façon à ne pas donner pour certain ce dont il n'est pas bien
sûr »5. Les déclarations des personnes qui déposent sans avoir prêté
serment sont reçues à titre de simples renseignements.
Le témoignage est un mode de preuve fragile. Non seulement
certains témoins sont de mauvaise foi et altèrent la vérité, mais ceux qui
sont de bonne foi peuvent commettre des erreurs, et cela d’autant plus
facilement que le temps écoulé depuis les événements est plus long6. Par
ailleurs, il faut se méfier des dispositions des enfants, à cause de leur
extrême suggestibilité, des personnes âgées, à cause de leur perte de
mémoire7.

1 Idem.
2 C.S.J., R.P. 1/213, 13 mai 1976.
3 C.S.J., R.C. 202, 1e sept. 1977.
4 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 316.
5 Gorphe, cire par R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 468.
6 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 316.
7 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 469.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C. L'aveu

L'aveu est la reconnaissance par un délinquant du ou des faits délictueux qui


lui sont imputés. L’aveu ne lie pas le juge pénal1. L'aveu a longtemps été
considéré comme la reine des preuves, d'une part parce qu'il était de
nature à rassurer la conscience du juge, et d'autre part parce qu'on
estimait que personne n'avait pas intérêt à témoigner contre soi-même2.
Il a été jugé que les aveux, même libres et spontanés, ne constituent
pas toujours une preuve absolue de culpabilité ; ils constituent
néanmoins des éléments de conviction pour le juge qui les apprécient
souverainement, même en cas de rétractation ultérieure3
En effet, selon les circonstances, il peut s'avérer moins probant.
C'est le cas de l'aveu extorqué par le fait de la torture, de l'aveu d'un
malade mental, de l'aveu de jactance, de désespoir, de complaisance ou
même de m'as-tu-vu4. La longueur d'un interrogatoire peut
compromettre également la qualité intrinsèque de l'aveu5. Il est donc
recommandé au juge de se montrer prudent et réservé face à un aveu,
surtout lorsqu'il a des raisons plausibles de mettre en doute sa sincérité
et sa véracité6.
C'est pourquoi, l'aveu doit être relativisé et soumis à la critique,
comme n'importe quel autre moyen de preuve. L'aveu doit être certain,
sincère et vrai7. N'étant qu'un élément de conviction parmi d'autres, il ne
dispense pas le ministère public d'établir l'existence de l'infraction et la
culpabilité de l'accusé, ni le juge d'instruire le procès à l'audience pour
fonder, avec le concours d'autres moyens de preuve disponibles, son
intime conviction8.

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 226.


2 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 467.
3 Kin., 16 juin 1966.
4 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 289 ; R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 467 ; B.

BOULOC, op. cit., p. 128.


5 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 289.
6 Idem.
7 R. NYABIRUNGU, op. cit., p. 468.
8 Idem.

832
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

D. Indices et présomptions

Les indices sont des faits matériels dont l’existence est établie et qui, sans
valeur démonstrative par eux-mêmes, peuvent, rapprochés les uns des autres, permettre
de présumer l’existence de certains faits. Ces indices peuvent donc donner lieu
à des présomptions de fait obtenues par raisonnement, déductions,
comparaisons. Ils peuvent confirmer ou infirmer les déclarations du
prévenu ou des témoins1.
Le juge recourt très fréquemment à la preuve par indices pour
parvenir à déterminer aussi exactement que possible les circonstances
dans lesquelles les faits se sont produits. Les constatations matérielles
sur place, l’examen des pièces à conviction, leur exploitation par des
experts, etc., figurent parmi les principales sources d’indices2.
Les présomptions de fait qui découlent des constatations et autres
investigations de l’enquête permettent parfois d’entraîner l’intime
conviction du juge quant à l’existence de l’élément intentionnel de
l’infraction en dépit des dénégations du suspect. Ainsi la constatation de
ce que cinq coups de feu ont été tirés sur le véhicule de la victime,
mortellement atteinte de quatre balles, constitue une forte présomption
d’intention homicide3.
La preuve par présomption est admise lorsque les présomptions
sont graves, précises et concordantes ou lorsque ces présomptions sont
déduites de contradictions dans les explications du prévenu4.

E. Quelques cas pratiques

Ainsi par exemple, bien que, interrogé sur les faits de meurtre mis
à sa charge, le prévenu a chaque fois voulu donner l'impression de ne
pas s'en souvenir (...), les dépositions convaincantes des témoins,
corroborée par les rapports médicaux versés au dossier et les objets saisis
(une manette et une lance trouvés entre les mains du prévenu au moment
de son arrestation) ont convaincu le tribunal de la matérialité des faits
mis à charge du prévenu5.

1 B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 320.


2 Idem.
3 Cass. fr., Crim., 22 mai 1989.
4 C.S.J., R.P.A. 26, 4 mai 1974.
5 T.G.I. KISANGANI, R.P. 10446, 24 oct. 2003.

833
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il sied de préciser que nonobstant les dénégations du prévenu qui


soutient qu'il n'a jamais administré des coups à la victime, le rapport
médical, les témoignages du renseignant précité — le médecin —
recueillis au cours de l'audience publique et les présomptions graves
précises, sérieuses et concordantes retenues à charge du prévenu
établissent d'une manière précise que la victime était décédée suite aux
coups de poings volontaires lui administrés en désordre par le prévenu
avec cette conséquence que bien que n'ayant pas cherché la mort de la
victime, cette dernière a succombé des suites des coups et blessures
essuyés1.
Les éléments de l'instruction préjuridictionnelle renseignent que les
prévenus ne reconnaissent pas la réalité des faits leur imputés arguant
qu'ils avaient agi en exécution d'un jugement par le tribunal et dont copie
du procès-verbal et du jugement déposé au dossier et que l'élément
intentionnel fait défaut ; la partie civile constate cette version des faits
arguant avoir été rétablie dans ses droits par une autre décision sans en
fournir la preuve2.
Quant aux déclarations, il a été jugé que l'appréciation faite par une
juridiction de fond au sujet de l'aveu ou de la dénégation du prévenu est
une question de fait qui échappe au contrôle du juge de cassation3. De
même que la valeur accordée à un témoignage4.
En pratique par exemple, interrogé devant l'officier de police
verbalisant, le prévenu a reconnu le fait infractionnel mis à sa charge —
le vol — dans toute sa matérialité ; le tribunal en a relevé que l'aveu du
prévenu est appuyé par le procès-verbal de saisie d'objets dressé par
l'officier de police judiciaire verbalisant, de même que le procès-verbal
de restitution5. De même, a été condamné du chef de cel frauduleux, le
prévenu qui, interrogé à l'audience publique, a reconnu s'être approprié
des tuyaux de la victime qu'il a trouvés dans la parcelle que sa société a
acquise6. De manière similaire, il résultait de l'audition du prévenu devant
l'OPJ et au parquet qu'il est aux aveux et a même signé une décharge en
guise de reconnaissance de dette7.

1 T.G.I. LUEBO, R.P. 2570, 20 sept. 2004.


2 T.G.I. UVIRA, R.P. 1786, 23 juill. 2004.
3 C.S.J., R.P. 276, 13 mai 1980.
4 C.S.J., R.P. 103, 22 janv. 1975.
5 T.G.I. UVIRA, R.P. 330, 24 mars 2004.
6 TRIPAIX KISANGANI, R.P. 1718, 16 juill. 2004.
7 T.G.I. UVIRA, R.P. 375, 29 mars 2004.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Par ailleurs, après un interrogatoire à l'audience, le tribunal a estimé


que le fait de priver à une petite enfant de deux ans d'âge à boire et à
manger pendant trois jours pour raison de jeûne et de prière devant
aboutir à sa délivrance, constitue un défaut de prévoyance, une
imprudence dans le chef des prévenus ; qu'à cet égard, le rapport médical
d'expertise versé au dossier est formel quand il constate la perte de
connaissance après jeûne de prière de trois jours1.
Pour ce qui est des présomptions, il a été jugé qu'attendu que de
fortes présomptions font croire au tribunal que le fait pour la prévenue
de nier, de même que le concubin commun aux deux parties que
l'infraction est établie à charge de la prévenue ; attendu qu'un passant,
policier de son état avait étendu ses injures2, l'infraction est établie.
Au demeurant, le juge acquitte en cas d'insuffisance de preuves.
Ainsi a-t-il été jugé qu'attendu qu'aucune preuve n'a été apportée quant
aux coups portés sur la victime, moins encore les injures lui proférées ;
que les coups portés sur la victime sont dépourvus de preuve3,
l'infraction est non établie. Pareillement, attendu que devant l'OMP, le
prévenu dit avoir administré des produits à la victime pour soigner les
fièvres et malaria ; que le prévenu a déclaré devant l'OMP que la victime
n'était pas enceinte à cette occasion ; que des éléments recueillis, il est
difficile d'établir qu'il y a eu avortement ; qu'en vertu du principe in dubio
pro reo, il n'y a pas lieu de condamner le prévenu4.

Point 4
La recherche des preuves

Si la preuve est libre dans son administration, il n'en est pas ainsi
dans sa recherche. La recherche de la preuve est régie par le principe de
loyauté5. Pierre Bouzat6 définit la loyauté comme « une manière d’être de la
recherche des preuves, conforme au respect des droits de l’individu et à la dignité de la
justice ».

1 T.G.I. KISANGANI, R.P. 1633, 7 nov. 2003.


2 T.G.I. UVIRA, R.P. 430, 29 mars 2004.
3 T.G.I. KANANGA, R.P. 015, 17 fév. 2005.
4 T.G.I. UVIRA, R.P. 399, 23 nov. 2004.
5 Lire B. BOULOC, op. cit., p. 134 ; B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op.

cit., p. 322 ; E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., 403 ; J.-M. TASOKI, op.
cit., p. 286.
6 Cité par B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 322.

835
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En droit congolais, comme en droit français d'ailleurs, le principe


de loyauté n'a pas d'assise légale. La loi congolaise réglemente seulement
çà et là les notions relatives aux mesures restrictives des libertés, des
témoignages devant être faits sous serment, des procès-verbaux, et
interdit la torture… À l'exclusion de ces cas — et peut-être d'autres —,
la question de la loyauté dans la recherche des preuves n'est pas régie par
la loi. La jurisprudence est toute autant muette en la matière. À peine
fait-elle savoir que « le caractère illégal des devoirs d'instruction enlève toute force
probante aux constatations effectuées ainsi qu'à l'aveu du prévenu, obtenu à la suite
de l'illégalité commise »1.
Cela dit, la doctrine congolaise n'a pas manqué de se préoccuper de
la question. José-Marie Tasoki dit que « la vérité est une belle chose qui ne peut
pas être recherchée de n’importe quelle manière »2. Par conséquent, la preuve
doit être recueillie et administrée en justice de manière loyale. Il est dès
lors interdit au juge de déclarer un élément de preuve recevable si son admission,
allant à l'encontre d'une bonne administration de la justice, lui porterait gravement
atteinte3. Antoine Rubbens soutient qu' « un tribunal ne peut recevoir des
preuves ou des présomptions qui ont été obtenues par des voies illicites telles que les
aveux et les dénonciations obtenus sous l’effet de la torture et les procédures déloyales.
Il en est ainsi de l’enregistrement des propos confidentiels par microphones dissimulés,
des tables d’écoute téléphoniques, des pressions morales, car il s’agit là des manœuvres
indignes de la justice et de la police »4. Partageant ces opinions, Emmanuel-
Janvier Luzolo et Nicolas-Abel Bayona réitèrent également qu' « en aucun
cas les magistrats ne peuvent utiliser des moyens déloyaux ». Toutefois, nuancent-
ils, « l'on doit cependant se montrer plus tolérant vis-à-vis de la police
judiciaire qui, de plus en plus fait face aux délinquants qui n’hésitent pas
à utiliser des moyens sophistiqués sur le plan scientifique pour réussir
leurs méfaits. C’est pourquoi, elle peut être autorisée à recourir à certains
moyens à la limite de la loyauté »5. Les mêmes considérants sont
d'ailleurs partagés par la doctrine en droit comparé. Bernard Bouloc dit
en effet que, « quoi que la manifestation de la vérité soit l'objectif principal du
procès répressif, cette vérité ne peut être recherchée par n'importe quel moyen (…) Il
importe à la dignité de la justice et au respect qu'elle doit inspirer, de ne mettre en

1 Ie Inst., appel Coq., 10 juill. 1931.


2 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 279.
3 Idem.
4 Antoine Rubbens, cité par E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., 403.
5 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., 403.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

œuvre aucun moyen qui attente aux droits fondamentaux de la personne humaine ou
aux droits de la défense »1.
La jurisprudence française est plus illustrative de la question de la
loyauté dans la recherche des preuves. Elle consacre le principe de loyauté
dans la recherche des preuves, avec cependant quelques restrictions quant aux
preuves obtenues par les particuliers2.
À l'égard des autorités publiques (police, parquet), il résulte de la
jurisprudence de la Cour de Cassation française que le principe de
loyauté des preuves figure parmi les principes directeurs du procès pénal3. Ainsi
a-t-il été jugé que « porte atteinte aux droits de la défense l'officier de
police judiciaire commis rogatoirement qui provoque et intercepte une
communication téléphonique entre un témoin et un suspect pour inciter
ce dernier à faire des aveux (...) L'interception de communications
téléphoniques à la demande d'un juge d'instruction est licite, sauf en cas
de mise en œuvre d'un stratagème ou en cas d'atteinte aux droits de la
défense »4. La jurisprudence a fermement condamné des machinations,
des stratagèmes ou artifices, voire tout procédé déloyal, en tenant compte
des conséquences de leur utilisation soit sur la manifestation de la vérité,
soit sur l’exercice des droits de la défense5.
Au demeurant, la jurisprudence autorise dans certaines conditions,
les provocations passives, c'est-à-dire, les provocations à la preuve. Ainsi a-t-elle
décidé que le fait pour un agent de police judiciaire ou d’un service
spécialisé de se présenter comme acheteur ou intermédiaire n’est pas une
provocation emportant anéantissement de la volonté du délinquant et
n’est qu’une méthode pour faciliter la découverte et la constatation d’une
infraction6. Il a aussi été considéré qu’il n’y avait aucune irrégularité
lorsque des inspecteurs de police se cachent dans un placard afin
d’écouter une conversation, puis font irruption dans la pièce pour
constater un délit de corruption active, dès lors que les enquêteurs
étaient demeurés passifs7.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 134 ; Lire en ce sens, J. PRADEL, op. cit., pp. 333-334.
2 Lire B. BOULOC, op. cit., pp. 134 et s ; B. BOULOC et H.
MATSOPOULOU, op. cit., pp. 322 et s.
3 Cass. fr., Crim., 11 mai 2006 ; Cass. fr., Crim., 9 août 2006 ; Cass. fr., Crim.,

20 sept. 2016.
4 Cass. fr., Crim., 12 juin 1952 ; Voy. aussi Cass. fr., Crim., 9 oct. 1980.
5 Cass. fr., Crim., 27 févr. 1996 ; Cass. fr., Crim., 16 déc. 1997 ; Cass. fr., Crim.,

5 mars 2013.
6 Cass. fr., Crim., 2 mars 1971.
7 Cass. fr., Crim., 22 avr. 1992.

837
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Toutefois, la provocation active, c'est-à-dire, provocation à la commission


de l'infraction, n'est pas admise. Celle-ci est pratiquée par un agent de
l’autorité publique ou par son intermédiaire, qui a pour objet, non pas
de constater une infraction sur le point de se commettre, mais d’inciter
une personne à accomplir des faits pénalement répréhensibles, et de
mettre en place une souricière en vue de son interpellation1. La
jurisprudence estime que « la déloyauté d’un tel procédé rend
irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus »2.
Néanmoins, la jurisprudence est moins stricte à l'égard des moyens de preuve
obtenus par les particuliers. À cet égard, il a été jugé que « le plaignant peut
produire à l'appui de sa plainte des enregistrements qu'il a établis lui-
même (...) Une partie civile peut communiquer au juge d'instruction des
enregistrements qu'elle n'a pu obtenir qu'au prix d'une infraction pénale
(...) Une partie peut produire des moyens de preuve obtenus de façon
illicite ou déloyale et il appartient au juge d'en apprécier la valeur
probante en respectant le principe du contradictoire »3.
Par de nombreuses décisions, la Cour de Cassation a affirmé qu’«
aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les
moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient
été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en
application de l’article 427 du Code de procédure pénale, d’en apprécier
la valeur probante ». Ainsi la Cour de Cassation a admis la production
par une partie civile d'une lettre confidentielle qui lui était parvenue de
manière anonyme4, la transcription des enregistrements de
conversations téléphoniques remis par une partie civile qui les avait
effectués à l’insu de ses interlocuteurs5, la production des
enregistrements d’une caméra équipant un local professionnel, qui
montraient qu’un salarié s’appropriait diverses sommes d’argent au cours
de manipulations de caisse occasionnées par son activité6, le procédé dit
« testing », consistant à solliciter la fourniture d’un bien ou d’un service
à seule fin de constater d’éventuels comportements discriminatoires7.

1 Cass. fr., Crim., 27 févr. 1996.


2 Cass. fr., Crim., 11 mai 2006.
3 Cass. fr., Crim., 23 juill. 1992 ; Cass. fr., Crim., 6 avril 1993 ; Cass. fr., Crim.,

11 juin 2002.
4 Cass. fr., Crim., 15 juin 1993.
5 Cass. fr., Crim., 30 mars 1999.
6 Cass. fr., Crim., 6 avr. 1994.
7 Cass. fr., Crim., 11 juin 2002.

838
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

D'ailleurs, les juridictions répressives n’accueillent pas uniquement


les preuves constituées par les parties civiles mais également celles
obtenues par des personnes poursuivies1, des témoins2, voire des tiers à
la procédure3.

Paragraphe 5
La clôture et la réouverture des débats

Avant la clôture des débats, le Président donne la parole en dernier au


prévenu personnellement. Cela se fait selon l’interpellation formulée comme
suit : « avez-vous encore quelque chose à ajouter pour votre défense ?
»4 .
Souvent le prévenu en profite pour mieux crier son innocence s’il
a plaidé non coupable soit pour implorer la clémence des juges lorsqu’il
a reconnu avoir commis l’infraction5.
Le tribunal peut ordonner la réouverture des débats après avoir
prononcé la clôture. Les parties (le ministère public ou les parties
privées) peuvent obtenir, après la clôture des débats, des renseignements
ou des moyens de preuve nouveaux qui sont susceptibles d’influencer
sur le cours du délibéré. Il peut arriver qu’au cours de délibéré, les juges
se rendent compte qu’ils ne sont pas éclairés à suffisance des faits ou de
droit, dans ce cas, ils peuvent rouvrir les débats. Au demeurant, la
réouverture des débats est obligatoire en cas de changement dans la
composition du siège, sous peine de cassation6.
Après éventuelle réouverture, le juge prend la cause en délibéré.
Délibérer, c'est confronter les opinions des juges pour aboutir au jugement7. Le
délibéré est la phase de l’instance au cours de laquelle, les pièces du
dossier ayant été examinées, les plaidoiries entendues, les magistrats se
concertent avant de rendre leur décision à la majorité8.

1 Cass. fr., Crim., 30 mars 1999.


2 Cass. fr., Crim., 28 avr. 1987.
3 Cass. fr., Crim., 1er oct.2003.
4 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 425.
5 Idem ; J.-M. TASOKI, op. cit., p. 291.
6 C.S.J., R.P. 78 et 86, 22 Nov. 1972.
7 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 293.
8 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 648.

839
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les délibérés sont secrets. Le juge le moins ancien du rang le moins élevé
donne son avis en premier, le président en dernier1. Les décisions sont prises à la
majorité des voix. Toutefois, en matière pénale, s'il se forme plus de deux
opinions, le juge qui a émis l'opinion la moins favorable au prévenu est tenu de se
rallier à l'une des deux autres opinions2.
Le juge qui prend la cause en délibéré doit indiquer la date du
prononcé, celui-ci doit intervenir dans les dix jours3. Toutefois, la loi n'a
pas prévu de sanction en cas de violation de ce délai, et il a été jugé qu'un
grief formulé contre une décision rendue hors délai est fondé, mais
demeure sans intérêt à cassation4. Cela constitue tout de même une faute
disciplinaire5.

1 Art. 41, Loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences


des juridictions de l’ordre judiciaire.
2 Art. 42, Loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences

des juridictions de l’ordre judiciaire.


3 Art. 43, Loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences

des juridictions de l’ordre judiciaire.


4 C.S.J., R.P. 1777, 17 juin 1997.
5 Circulaire n° 07 du 27 septembre 2011 sur le respect de délais de prononcé des

décisions judiciaires.

840
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 3
Le jugement
Section 1
Définition et parties du jugement

Paragraphe 1
Définition

Le jugement est un terme général pour désigner toute décision prise par
un collège de magistrats ou par un magistrat statuant comme juge unique1.
Le jugement poursuit une double finalité courte et longue. Si dans la
première, il s'agit simplement de départager les parties au procès, dans la
deuxième, le juge transmet par son œuvre un message à la société toute
entière2.
Les jugements indiquent le nom des juges qui les ont rendus et, s'ils
ont siégé dans l'affaire, celui de l'officier du ministère public, du greffier
et des assesseurs, l'identité du prévenu, de la partie civile et de la partie
civilement responsable. Ils contiennent l'indication des faits mis à charge
du prévenu, un exposé sommaire des actes de poursuite et de procédure
à l'audience, les conclusions éventuelles des parties, les motifs et le
dispositif. Les jugements sont signés par le président ou par le juge, ainsi
que par le greffier, s'il était présent, lorsque le jugement a été prononcé3.

Paragraphe 2
Parties du jugement

En gros, un jugement comprend trois parties : le préambule, la


motivation et le dispositif4.
Le préambule est la partie préliminaire d'un jugement. Elle contient
notamment l'énumération des parties au procès, l'exposé des faits et
l'objet de la cause, les rétroactes de la procédure. Cette partie est l'œuvre
du greffier.

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1106.


2 Paul Ricoeur, cité par J.-M. TASOKI, op. cit., p. 293.
3 Art. 87, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Lire E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 433 ; J.-M. TASOKI, op. cit.,

p. 295.

841
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La motivation est l'ensemble de motifs ou raisons qui constituent le soutien


rationnel de l'argumentation développée par le juge dans son jugement1. Plus
précisément, la motivation désigne les raisons de fait et de droit que doit
exposer le jugement après l’exposé succinct des prétentions respectives
des parties et de leurs moyens et avant l’énoncé de la solution dans le
dispositif. Les motifs ne doivent pas être d’ordre général, dubitatifs,
hypothétiques, erronés, insuffisants ou contradictoires. Les vices de
motivation justifient un pourvoi en cassation2. Le droit à un jugement
motivé est constitutionnellement garanti3. La motivation permet ou
facilite le contrôle juridique d'un jugement par les juridictions
supérieures4.
Le juge motive sa décision en fait et en droit.
La motivation en fait consiste à reconstituer les faits après instruction
de la cause. Le juge doit justifier s'il considère les faits comme établis ou
non. Il procède souverainement à une évaluation subjective et
personnelle des faits, en s'appuyant néanmoins sur des éléments qui
apportent à sa motivation une conclusion cohérente, rigoureuse et
logique5. Dans la discussion des faits, la juridiction fait appel aux
données de l’instruction préparatoire ainsi qu’aux éléments
d’information recueillis au cours de l’instruction à l’audience. Il peut
arriver que la juridiction se trouvant en face des faits confus, ait recours
à un raisonnement logique ou se base sur des présomptions constantes,
graves et concordantes6.
Le juge motive ensuite en droit. Après l'établissement des faits, le
juge a la charge d'analyser chacun des éléments constitutifs d'une infraction, les
appliquer aux faits de la cause et donner à ces faits une qualification pénale
appropriée7.
Ainsi, le juge ne peut retenir l'infraction d'extorsion sans avoir
relevé la réunion de tous les éléments constitutifs de cette infraction,
notamment la violence et/ou les menaces auxquelles le prévenu a
recouru ainsi que la remise forcée de la somme litigieuse8. De même, les

1 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 296.


2 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1261.
3 Art. 21, Constitution du 18 février 2006.
4 C.S.J., R.P. 2 et 9, 8 oct. 1969.
5 C.S.J., R.P. 40, 7 fév. 1973.
6 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 435.
7 Voir C.S.J., R.P. 109, 6 mars 1974.
8 C.S.J., R.P. 396, 7 oct. 1980.

842
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

infractions d'injures publiques et d'imputations dommageables exigeant


la publicité comme élément particulier, le juge saisi de ces faits doit
ressortir desdits faits cet élément capital1. Quand le juge retient la
participation criminelle, il doit isoler le mode de commission (corréité
ou complicité) tout en démontrant comment chaque délinquant a agi2.
De le même ordre d'idées, le juge doit rencontrer les demandes des
parties, qu'il s'agisse des demandes de dommages-intérêts soulevées par
la partie civile3 ou tout moyen de défense soulevé par les parties
prévenue et civilement responsable4.
Au-delà de tout, la motivation du juge se fonde sur son intime
conviction5. Le juge doit, en exprimant sa conviction, justifier celle-ci par
les éléments de preuve que lui ont fourni le dossier et les débats6. Sa
motivation ne doit pas être ambiguë, contradictoire ou insuffisante. En ces cas,
elle serait assimilée à l'absence totale de motivation7. Il en est ainsi lorsque la
motivation est sans rapport avec le dispositif où en contradiction avec
lui.
Enfin, le dispositif contient la solution du litige ou la décision-
conséquence et à laquelle est attachée l'autorité de la chose jugée.

Section 2
Typologie des décisions

Dans la typologie des jugements, on distingue les décisions avant-


dire droit, des décisions d'incompétence, d'irrecevabilité, et des décisions
rendues sur le fond.

Paragraphe 1
Les décisions avant-dire droit

Les décisions avant-dire droit sont celles qui ne tranchent pas le fond
du procès, mais préparent simplement la solution de celui-ci. Elles tranchent certains
incidents contentieux ou ordonnent des mesures permettant d'éclairer la juridiction.

1 C.S.J., R.P. 1083, 26 juin 1990.


2 C.S.J., R.P. 212, 7 oct. 1980.
3 C.S.J., R.P. 72, 6 fév. 1974.
4 C.S.J., R.P. 42/43, 5 avril 1972.
5 C.S.J., R.P. 104, 18 mars 1975.
6 B. BOULOC, op. cit., p. 1016.
7 C.S.J., R.P. 104, 8 oct. 1969.

843
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Ce sont des décisions que la juridiction prend « avant de dire le droit » sur
la demande principale dont elle est saisie. Ces décisions ne dessaisissent
pas du procès la juridiction qui les a rendues. Lorsque les mesures
ordonnées auront été exécutées, ou après que l'incident aura reçu sa
solution, l'affaire reviendra à l'audience de la même juridiction et les
débats sur le fond reprendront1.
Parmi ces décisions se trouvent celles qui règlent un incident ou
rejettent une exception, statuant par exemple sur la recevabilité de la
partie civile, rejetant l'exception d'incompétence, de prescription, etc.
On voit aussi celles qui ordonnent une mesure d'instruction.
On distingue le jugement avant-dire droit interlocutoire, qui préjuge
sur le fond et partant, est appelable ; du jugement avant-dire droit
préparatoire qui ne donne aucune idée sur la décision de fond, et partant,
n'est pas appelable, cas de la décision par laquelle le juge joint une
exception au fond2.

Paragraphe 2
Les décisions d’incompétence et d’irrecevabilité

Point 1
Les décisions d'incompétence

La juridiction de jugement vérifie toujours sa compétence,


l'incompétence d'une juridiction constituant motif à cassation. La
décision d'incompétence dessaisit la juridiction qui l'a rendue. Cette
décision est appelable.

Point 2
Les décisions d'irrecevabilité

La juridiction de jugement rend une décision d'irrecevabilité


lorsqu'elle constate qu'elle n'a pas été saisie régulièrement. C'est le cas par
exemple lorsque la poursuite a été intentée sans plainte préalablement
exigée, ou sans autorisation d'une autorité supérieure (en cas de privilège
de poursuites), ou encore que la partie civile cite directement alors que
la citation à prévenu est obligatoire, etc.

1 B. BOULOC, op. cit., pp. 1022-1023 ; J.-M. TASOKI, op. cit., pp. 300-301.
2 C.S.J., R.P. 1695, 27 fév. 1996.

844
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La décision d'irrecevabilité dessaisit la juridiction qui l'a rendue.


Toutefois, ce dessaisissent n'est pas toujours définitif. Il est possible que
les conditions légales se trouvant ultérieurement réunies — la victime a
porté plainte, l'assemblée nationale a levé les immunités, la partie civile
a consigné les frais —, l'affaire soit de nouveau portée devant la
juridiction qui avait refusé de s'en saisir.

Paragraphe 3
Les décisions sur le fond

Point 1
Les décisions d'acquittement

L'acquittement est la décision d'un tribunal déclarant non coupable l’accusé


traduit devant elle1. L'action publique est jugée mal fondée et renvoyée de la
poursuite sans peine, amende ni dépens.
La décision d'acquittement peut être fondée sur des raisons de droit
— si le fait n'est pas incriminé et sur ce point, la juridiction doit s'assurer
qu'aucune qualification n'est applicable2, ou si l'action publique se trouve
éteinte —. Elle peut également être fondée sur des circonstances de fait,
si la juridiction a estimé que la preuve de la culpabilité du prévenu n'avait
pas été rapportée3. Le doute suffit à cet égard, pour justifier
l'acquittement, peu importe l'élément constitutif de l'infraction sur lequel
porte ce doute4.
Sur les intérêts civils, la juridiction de jugement qui acquitte le
prévenu ne peut prononcer une condamnation à des dommages-intérêts
au profit de la victime, puisqu'elle ne peut statuer sur l'action civile
qu'autant qu'elle reconnaît la culpabilité du prévenu au titre de l'action
publique. Elle se déclarera incompétente pour en connaître5. La victime
pourra éventuellement se diriger devant le juge civil.
Toutefois, si l'acquittement résulte de la prescription de la peine, le
juge statue sur les intérêts civils6. Il en est de même lorsque l'action

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 48.


2 Cass. fr., Crim., 11 fév. 1991.
3 Cass. fr., Crim., 1e sept. 2015.
4 C.S.J., R.P.A. 22, 1 fév. 1973 ; C.S.J., R.P.A. 30, 10 août 1974 ; C.S.J., R.P.A.

59, 27 avril 1981.


5 C.S.J., R.P. 1243, 22 août 1997.
6 Léo., 10 juill. 1947.

845
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

publique est éteinte par le décès du prévenu survenu en cours


d'instance1.
Cependant, lorsque l'action civile est introduite alors que l'action
pénale était déjà éteinte, elle est déclarée irrecevable2.

Point 2
Les décisions de condamnation

Ces décisions sont plus fréquentes devant les juridictions pénales3.


La décision de condamnation fixe la peine appliquée à la personne poursuivie.
Le juge peut prononcer une peine principale, à laquelle peuvent s'ajouter
des peines complémentaires.
Quand il prononce la condamnation du prévenu, le juge pénal est
compétent pour examiner l'action civile4. En effet, dans la mesure où il dit
établie en fait comme en droit l'infraction mise à charge du prévenu, il a
le devoir de se déclarer compétent sur l'action civile et allouer les
dommages-intérêts à la victime si les autres conditions de la
responsabilité délictuelle — dommage et lien de causalité — sont
réunies.

1 Ie Inst., Ruanda-Urundi, 29 nov. 1951.


2 C.S.J., R.P.A. 38, 23 déc. 1976.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 1032.
4 Boma, 10 oct. 1911 ; Élis., 10 fév. 1912.

846
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 4
Les voies de recours
« Le droit de former un recours contre un jugement est garanti à tous »1. Les
voies de recours désignent les procédures par lesquelles les parties
attaquent une décision rendue afin de la faute modifier ou réformer2.
On distingue les voies de recours ordinaires des voies de recours
extraordinaires.
Les premières, largement ouvertes, et pour n'importe quel motif, ont pour
but de faire juger une nouvelle fois, sous tous ses aspects, une affaire qui a été
déjà jugée3. Ce sont l'opposition et l'appel.
Les voies de recours extraordinaires, admises que dans des cas
limitativement énumérées par la loi, et seulement lorsque les voies de recours
ordinaires ne sont plus possibles, tendent à faire apprécier par la Cour
de cassation la régularité de la décision, au point de vue du droit et
quelque fois au point de vue du fait4. Ce sont, pour erreur de droit, le
pourvoi en cassation et pour erreur de fait, le pourvoi en révision.

Section 1
Les voies de recours ordinaires

Paragraphe 1
L'opposition

L'opposition est une voie de recours ordinaire de rétractation ouverte


au plaideur contre lequel a été rendue une décision par défaut, lui
permettant de saisir le tribunal qui a déjà statué, en lui demandant de juger
à nouveau l’affaire en fait et en droit5.

1 Art. 21 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 1045.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 1045.
4 Idem.
5 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.) (dir), op. cit., p. 1332.

847
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 1
Condition de l’opposition : le défaut

L'opposition exige que le jugement ait été rendu par défaut1. Un


jugement est rendu par défaut lorsqu'une partie n'a pas comparu pour
présenter ses moyens. Il s'oppose au jugement contradictoire, dans
lequel toutes les parties ont comparu2. Il a été jugé que le jugement est
toujours par défaut, lorsqu'après avoir comparu à toutes les audiences
d'instruction de la cause, les prévenus se sont abstenus de comparaître
en personne à l'audience fixée pour les plaidoiries et réquisitions du
ministère public, et n'ont ainsi pas pu présenter leurs moyens de
défense3.

Point 2
Les parties pouvant faire opposition

Seules les parties privées peuvent faire défaut, les parties prévenue4,
civile et civilement responsable5. Aucune audience ne pouvant se tenir
sans lui, le ministère public ne peut faire défaut6.
Toutefois, n'a pas intérêt à faire opposition, le prévenu qui a été
acquitté et renvoyé de toutes fins de poursuites7.
Le condamné par défaut peut faire opposition au jugement dans les
dix jours qui suivent celui de sa signification à personne, outre les délais
de distance. Lorsque la signification n'a pas été faite à personne,
l'opposition peut être faite dans les dix jours, outre les délais de distance,
qui suivent celui où l'intéressé aura eu connaissance de la signification.
S'il n'a pas été établi qu'il en a eu connaissance, il peut faire opposition
jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine quant aux
condamnations pénales et jusqu'à l'exécution du jugement, quant aux
condamnations civiles8. La partie civile et la partie civilement

1 Art. 88, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Lire J.-M. TASOKI, op. cit., p. 302.
3 C.S.J., R.P.A. 4, 22 juin 1972.
4 Art. 89, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 Art. 90, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
6 Art. 9, Code d'OCFJ.
7 Léo., 7 oct. 1941.
8 Art. 89, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

848
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

responsable ne peuvent faire opposition que dans les dix jours qui
suivent celui de la signification, outre les délais de distance1.

Point 3
La procédure en opposition

L'opposition peut être faite, soit par déclaration en réponse au bas de


l'original de l'acte de signification, soit par déclaration au greffe du tribunal qui a
rendu le jugement, soit par lettre missive adressée au greffier du même tribunal2.

Point 4
Effets de l’opposition

A. Effet suspensif

L'opposition a pour effet de suspendre le jugement rendu par défaut. Il


est sursis à l'exécution du jugement par défaut jusqu'à l'expiration du
délai d'opposition, et, en cas d'opposition, jusqu'au jugement sur
opposition3.
Toutefois, lorsque le jugement n'est par défaut qu'à l'égard de la
partie civilement responsable ou de la partie civile, l'opposition de ces
dernières ne suspend pas l'exécution du jugement contre le prévenu4.
L'opposition suspend également la poursuite de la procédure en
appel engagée par le ministère public, la partie civilement responsable ou
la partie civile contre un jugement de condamnation prononcé par défaut
à l'égard du prévenu5.
Le président ou le juge fixe le jour où l'affaire sera appelée. Le
greffier fait citer l'opposant, les témoins dont l'opposant ou le ministère
public requiert l'audition et, le cas échéant, la partie civile et la partie
civilement responsable6.

1 Art. 90, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 91, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 94 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 94 Al. 3, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 Art. 94 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
6 Art. 92, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

849
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Effet extinctif

L'opposition produit un effet extinctif. Son exercice a pour effet


d'anéantir la décision rendue par défaut. La condamnation prononcée est non
avenue et les débats non contradictoires qui ont précédé cette
condamnation sont dépourvus de force probante et doivent
recommencer depuis le début. La loi dispose que « lorsque l'opposition
émane du prévenu et qu'elle est reçue, le jugement par défaut est
considéré comme non avenu et le juge statue à nouveau sur l'ensemble
de l'affaire »1. Cependant, lorsqu'elle émane de la personne civilement
responsable ou de la partie civile, l'opposition reçue ne met le jugement
à néant que dans la mesure où il statue à l'égard de ces parties2.

Paragraphe 2
L'appel

L'appel est une voie de recours de droit commun (ordinaire) de


réformation ou d’annulation par laquelle un plaideur porte le procès devant
une juridiction du degré supérieur3.

Point 1
Les jugements susceptibles d'appel

Tout jugement rendu au premier degré est susceptible d'appel. Il peut être
contradictoire ou par défaut, et dans ce dernier cas, la partie défaillante aura
droit d'être jugée trois fois, car elle a le choix entre les deux voies de
recours ordinaires que sont l'appel et l'opposition4. Il ne pourra modifier
le choix fait, et s'il a fait opposition, son appel subséquent doit être dit
non recevable à moins que le premier juge, saisi de l'opposition, déclare
celle-ci non recevable5. Il peut encore s’s’agir d’agir d’un jugement réputé
contradictoire6.

1 Art. 95 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 Art. 95 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 152.
4 Élis., 14 juillet 1914.
5 Élis., 25 janv. 1958.
6 Voy. C.S.J., R.P. 1685, 30 sept. 1997.

850
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Les parties pouvant faire appel

La faculté d'interjeter appel appartient au prévenu ; à la personne


déclarée civilement responsable ; à la partie civile ou aux personnes auxquelles
des dommages et intérêts ont été alloués d'office, quant à leurs intérêts
civils seulement ; au ministère public1. En clair, elle appartient à toute personne
qui a été partie au premier degré2.

A. L’appel du ministère public

Le ministère public peut former appel dans la mesure où il n'a pas


été satisfait de la suite réservée à l'action publique, ou pour s'assurer du
respect de l'intérêt de la loi3. Il lui est donc interdit de former son appel
contre la décision portant sur l'action civile, qui ne vise que les intérêts
privés. Un tel appel serait irrecevable pour défaut de qualité4.
Cela dit, l'appel du ministère public produit un effet général et absolu5.
Il permet au juge d'appel d'examiner de nouveau tous les aspects du
premier jugement (action publique et action civile) avec la conséquence
d'aggraver la situation du prévenu6. Toutefois, dans la pratique, il semble
improbable que le juge d'appel inflige au prévenu une peine supérieure
à celle prononcée par le premier juge. Le juge d'appel a souvent
tendance, à défaut d'adoucir la peine du prévenu, à garder la peine
prononcée par le premier juge7.

B. L’appel du prévenu

L'appel du prévenu peut porter aussi bien sur l'action publique que sur
l'action civile, ou sur les deux en même temps. Ainsi, lorsque le prévenu a limité
son appel aux intérêts civils, le juge d'appel ne peut modifier les
condamnations pénales, sous peine d'excès de pouvoir8.

1 Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.


2 C.S.J., R.P. 1709/94, 23 mai 1995.
3 Léo., 25 oct. 1956.
4 Léo., 8 juin 1933.
5 C.S.J., R.P.A. 112, 20 nov. 1985.
6 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 324.
7 Idem., p. 325.
8 C.S.J., R.P. 51, 5 juillet 1972.

851
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Par ailleurs, le prévenu ne peut souffrir de son appel. En effet, il est interdit
au juge d'aggraver la situation du prévenu sur son seul appel, sous peine
d'excès de pouvoir1. Il a été jugé que « les prévenus étant seuls en appel,
les peines à infliger ne peuvent être supérieures à celles prononcées par
le premier juge »2. Ainsi par exemple, « sur le seul appel du prévenu,
délinquant mineur, la juridiction d'appel par aggravation de la mesure de
sûreté prise contre lui en supprimant le bénéfice de son sursis à
l'exécution de cette mesure accordée par le premier juge, a commis un
excès de pouvoir »3.

C. L’appel de la partie civile

Quant à elle, l'appel de la partie civile ne peut s'exercer qu'à l'égard


des condamnations civiles4. Elle ne peut avoir pour effet de remettre en
cause la condamnation pénale, soit de décharger le prévenu des
condamnations à sa charge sur l'action publique5, soit d'aggraver le sort
du prévenu. En effet, il est un principe général de droit selon lequel la
situation du prévenu ne peut être pénalement aggravée au degré d'appel
sur le seul appel de la partie civile6.

Point 3
Les délais d'appel

Le délai d'appel est de dix jours qui suivent le prononcé du jugement


ou sa signification, selon qu'il est contradictoire ou par défaut. Ce délai
est augmenté de délai de distance7. Toutefois, le ministère public près la
juridiction d'appel dispose d'un délai extraordinaire de trois mois8.

1 C.S.J., 8 août 1969.


2 C.S.J., R.P. 142, 4 mai 1974.
3 C.S.J., R.P. 42 et 43, 5 avril 1972.
4 Léo., 15 janv. 1952.
5 C.S.J., R.P. 211, 25 fév. 1977.
6 C.S.J., R.P. 191, 4 juillet 1977.
7 Art. 97, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
8 Art. 99 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

852
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 4
Saisine du juge d'appel et déclaration d'appel

La juridiction d'appel est saisie par l'acte d'appel de la partie


appelante1. L'appel peut être fait, soit par déclaration en réponse au bas de
l'original de l'acte de signification, soit par déclaration au greffe de la juridiction qui
a rendu le jugement ou de la juridiction qui doit connaître de l'appel, soit par lettre
missive adressée au greffier de l'une ou l'autre de ces juridictions. La date de
la réception de la lettre missive par le greffier détermine, dans ce dernier
cas, la date à laquelle l'appel doit être considéré comme fait. Le jour
même où il reçoit la lettre missive, le greffier y inscrit la date où il l'a
reçue et la fait connaître à l'appelant. L'appel est notifié par les soins du
greffier aux parties qu'il concerne2.

Point 5
Les effets de l'appel

A. Effet suspensif

L'appel produit un effet suspensif. La loi dispose que « il est sursis à


l'exécution du jugement jusqu'à l'expiration des délais d'appel et, en cas d'appel,
jusqu'à la décision sur ce recours »3.
Cependant, le délai extraordinaire d'appel du ministère public près la
juridiction d'appel n'a pas d'effet suspensif4. De même, l'appel interjeté quant
aux intérêts civils ne fait pas obstacle à l'exécution des condamnations
pénales5. Enfin, le prévenu qui était en état de détention au moment du
jugement ou dont l'arrestation immédiate a été ordonnée par le
jugement, demeure en cet état nonobstant l'appel6.

1 C.S.J., R.P.A. 307, 16 fév. 2005.


2 Art. 100, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 102 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 102 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 Art. 103 Al. 3, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
6 Art. 103, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

853
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Effet dévolutif

L'appel produit ensuite un effet dévolutif. L'appel ne saisit la


juridiction d'appel que dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité de
l'appelant.
La déclaration d'appel indique si l'appel porte sur l'action publique
ou sur l'action civile ou sur les deux. Si l'appel concerne l'action publique,
la déclaration doit indiquer si elle porte sur l'ensemble de la décision, ou
aux peines prononcées ou à certaines d'entre elles ou aux modalités
d'application. Si le prévenu a été déclaré coupable de plusieurs
infractions, la déclaration d'appel doit préciser si l'appel porte sur
certaines infractions. À défaut de précision, l'appel porte sur le tout1.
Ainsi, encourt cassation, la décision qui, statuant sur le seul appel
du prévenu limité aux intérêts civils, modifié les condamnations pénales.
En décidant de la sorte, le juge d'appel a dépassé l'étendue de sa saisine2,
car le seul appel du prévenu limite l'examen de la juridiction d'appel aux
faits pour lesquels il a été condamné3.

C. L’évocation

L'évocation est le troisième effet de l'appel. La loi dispose que « la


juridiction d'appel qui réforme la décision entreprise pour un motif autre que la saisine
irrégulière ou l'incompétence du premier juge, connaît du fond de l'affaire »4.
L'évocation désigne une obligation faite au juge d'appel de statuer au fond
chaque fois qu'il annule un jugement du premier degré5. L'évocation exige
préalablement quelle juge d'appel ait annulé la décision déférée devant lui.
À ce jugement sera substitué un tout nouveau. En d'autres termes,
évoquer c'est s'emparer de l'ensemble d'une affaire pour connaître de l'entièreté du
dossier de la procédure et exercer son pouvoir de revisitation du fond6.
Toutefois, le juge d'appel ne doit pas évoquer lorsqu'il annule le premier
jugement pour incompétence ou irrecevabilité. Dans ces cas, il revient aux parties
de régulariser la procédure, soit devant une juridiction compétente, soit
devant la même juridiction.

1 B. BOULOC, op. cit., p. 1068.


2 C.S.J., R.P. 51, 5 juill. 1972.
3 C.S.J., R.P.A. 41, 16 janv. 1976.
4 Art. 107, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 335.
6 Idem.

854
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 6
La procédure d'appel

La procédure d’appel se déroule de la même manière que toute procédure


ordinaire1. Le président de la juridiction d'appel fixe le jour de l'audience2.
La juridiction d'appel peut statuer sur la seule notification par les
soins du greffier, aux parties en instance d'appel, de la date à laquelle
l'affaire sera appelée, pourvu que les délais entre cette notification et la
date de l'audience soient égaux à ceux des citations3 étudiés
précédemment.
Toutefois, lorsque la juridiction d'appel estime que la situation du
prévenu pourrait être aggravée ou lorsqu'il s'agit d'une infraction pouvant
entraîner la peine capitale, il ne sera statué qu'après citation du prévenu et, le
cas échéant, de la partie civilement responsable de l'amende et des frais4.
L'intérêt de la distinction entre notification d'appel — qui est le
principe — et citation d'appel — l'exception —, réside au niveau de la
nécessité de la présence du prévenu à l'audience. En effet, si au premier degré,
le principe est la comparution personnelle du prévenu, en appel, le
principe est que le prévenu n'a pas à être présent à l'audience. La loi dispose
qu' « à moins que la juridiction d'appel n'ait ordonné la comparution
personnelle du prévenu, ou à moins qu'il ne s'agisse d'une infraction
pouvant entraîner la peine capitale, le prévenu pourra également et en
toute hypothèse, comparaître par un fondé de pouvoir agréé par le
président de la juridiction d'appel »5. Toutefois, si la juridiction a ordonné la
comparution personnelle du prévenu, ou que l'infraction peut entraîner la peine
capitale, sa présence à l'audience est obligatoire.
Cela s'explique davantage au niveau des effets de la décision rendue
dans l'un ou l'autre cas. En effet, en principe, la décision rendue sur appel est
réputée contradictoire6. Le prévenu ne pourra faire opposition, sauf lorsqu'il a
été délivré à la partie une citation d'appel7.

1 Ibidem., p. 336.
2 Art. 104 Al. 1, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
3 Art. 104 Al. 2, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
4 Art. 104 Al. 3, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
5 Art. 104 Al. 4, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
6 Art. 104 Al. 5, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.
7 Art. 104 Al. 5, Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure pénale.

855
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 2
Les voies de recours extraordinaires

Paragraphe 1
Le pourvoi en révision

Le pourvoi en révision vise à corriger les erreurs de fait contenues dans


une décision de justice revêtue pourtant de l'autorité de la chose jugée1.
Il est initié contre une condamnation coulée en force de chose jugée, quelle que
soit la juridiction qui a statué et la peine qui a été prononcée2. La révision
permet de passer outre au caractère définitif d'une décision de
condamnation afin de faire rejuger l'affaire, notamment lorsque vient à
se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la
juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité
du condamné3.

Point 1
Cas d'ouverture du pourvoi en révision

Le pourvoi en révision n’est possible que dans des cas suivants4 :


après une condamnation, un nouvel arrêt ou un jugement condamne, pour les
mêmes faits, un autre prévenu, et que, les deux condamnations ne pouvant se concilier,
leur contradiction est la preuve de l’innocence de l’un ou de l’autre
condamné ; postérieurement à la condamnation, un des témoins entendus a
été poursuivi et condamné pour faux témoignage contre le prévenu ; après une
condamnation pour homicide, il existe des indices suffisants propres à faire
croire à l’existence de la prétendue victime de l’homicide ; après une
condamnation, un fait vient à se révéler ou des pièces inconnues lors des débats sont
présentées et que ce fait ou ces pièces sont de nature à établir l’innocence
du condamné.
Dans ce dernier cas, un fait nouveau est entendu comme un nouvel
élément d'information tendant à prouver un fait qui n'a pas été soulevé lors de la
procédure en instance ou en appel, peu importe que ce fait nouveau ait été survenu

1 B. BOULOC, op. cit., p. 1127 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p. 339.


2 J.-M. TASOKI, op. cit., p. 339.
3 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1589.
4 Art. 67, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

avant ou pendant la procédure initiale1. Un fait nouveau est tout fait qui n'était
pas connu des premiers juges ou toute pièce nouvelle de nature à innocenter le condamné
ou à faire naître un doute sur sa culpabilité2. Le fait nouveau est interprété
largement, il suffit qu'il soit de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du
condamné3.
Il a été jugé qu'est un fait nouveau dont peut se prévaloir le
condamné pour complicité d'escroquerie, la relaxe intervenue en appel
au profit de l'auteur principal, au motif que l'infraction n'était pas
caractérisée en tous ses éléments matériels4. De même est un fait
nouveau, le fait que le militaire condamné pour désertion était, à l'époque
prisonnier de l'ennemi5.
Par ailleurs, est un fait nouveau de nature à faire naître un doute sur
la culpabilité du condamné, la découverte de l'altération des facultés
mentales du prévenu ou du seul témoin dont la déclaration a servi de
base à la conviction du juge pénal6. Est aussi un fait nouveau, des aveux
inconnus du juge7, ou encore la production de deux expertises faisant
naître un doute sur la culpabilité8. Il en est de même des documents
établissant l'éloignement du prévenu du lieu de commission9, ou une
enquête ayant révélé des pressions exercées sur des témoins et des
personnes interpellées10.

Point 2
Les requérants en révision

Le droit de demander la révision devant la cour de cassation


appartient : au Ministre de la Justice ; et au condamné ou, en cas d’incapacité,
à son représentant, après la mort ou l’absence déclarée du condamné, à
son conjoint, à ses descendants, à ses ascendants, à ses ayants-droit et à

1 H.C.M., Révision, matière répressive, 22 juillet 2011.


2 B. BOULOC, op. cit., p. 1129.
3 B. BOULOC, op. cit., p. 1129 ; Voy. par ex. Cass. fr., Crim., 28 juin 1996 ; Cass.

fr., Crim., 30 oct. 2000 ; Cass. fr., Rev., 20 nov. 2002 ; Cass. fr., Rev., 14 déc.
2005 ; Cass. fr., Crim., 6 avril 2011.
4 Cass. fr., Crim., 26 juin 1991.
5 Cass. fr., Crim., 25 Nov. 1991.
6 Cass. fr., Crim., 26 juin 1991.
7 Cass. fr., Rev., 29 juin 2009.
8 Cass. fr., Rev., 25 juin 2001.
9 Cass. fr., Rev., 15 nov. 2006.
10 Cass. fr., Rev., 25 oct. 2018.

857
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ses légataires universels. La cour de cassation est saisie par le procureur


général en vertu de l’injonction du Ministre de la justice, ou par la requête
du condamné ou, en cas d’incapacité, de son représentant, après la mort
ou l’absence déclarée du condamné, de son conjoint, ses descendants,
ses ascendants, ses ayants-droit et à ses légataires universels1.

Point 3
La forme et le délai de révision

La loi n’impose ni une forme ni un délai au requérant pour introduire


sa demande en révision. Néanmoins, sauf lorsqu’elle émane du ministère
public, la requête introductive de pourvoi est signée, sous peine
d’irrecevabilité, par un avocat à la cour de cassation. La requête ainsi
signée doit être datée et mentionne le nom, s’il y a lieu, le prénom du
requérant ; la qualité, la demeure ou le siège de la partie requérante ;
l’objet de la demande ; s’il échet, le nom, le prénom, la qualité, la demeure
ou le siège de la partie adverse ; l’inventaire des pièces formant le
dossier2.

Point 4
Effets d'une action en révision

Le pourvoi en révision ne suspend pas l'exécution d'une condamnation


pénale.
Toutefois, le juge saisi en révision peut, si la condamnation n'est
pas encore exécutée, décider de la suspension du jugement qui porte cette
condamnation3. Néanmoins, en procédure pénale militaire, la loi autorise
une suspension de plein droit du jugement attaqué en révision dès le moment
où l'auditeur général des forces armées a formulé sa demande en
révision4.

1 Art. 68, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la cour de cassation.
2 Art. 2, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


3 Art. 69 Al. 2, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


4 Art. 312, Loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire

militaire.

858
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Si la Cour de cassation prononce l'innocence du condamné, elle


pourra, à sa demande, lui allouer des dommages-intérêts en raison du
préjudice que lui a causé la condamnation. Le juge décharge s'il y a lieu, la
mémoire des morts1.
Si la victime de l’erreur judiciaire est décédée, le droit de demander
des dommages-intérêts appartient à son conjoint, à ses descendants ainsi
qu’à ses ascendants et ses ayants droit. Ce droit n’appartient aux autres
personnes que pour autant qu’elles justifient d’un préjudice matériel
résultant pour elles de la condamnation2. Les dommages intérêts sont à
charge de l’Etat, sauf son recours contre la partie civile, les dénonciateurs
ou les faux témoins par la faute desquels la condamnation a été
prononcée3.
Par contre, le demandeur en révision qui succombe à son
innocence est condamné à tous les frais.

Point 5
La procédure en révision

La procédure de révision se déroule en deux phases que sont le


rescindant et le rescisoire4.
Dans la première phase, le juge examine les questions de forme
relatives à sa compétence et la recevabilité de la requête. En cas de
recevabilité, si l'affaire n'est pas en état, le juge procède directement, ou
par commission, à toutes enquêtes sur les faits, confrontation,
reconnaissance d'identité et devoirs propres à la manifestation de la
vérité5.
Dans la deuxième phase, le juge aborde le fond de l'affaire et la juge.

1 Art. 70 Al. 5, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la cour de cassation.
2 E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p. 512.
3 Art. 71 Al. 3, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


4 Lire J.-M. TASOKI, op. cit., p. 341 ; E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit.,

p. 511.
5 Art. 70 Al. 1, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Le pourvoi en cassation

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaires


ouverte devant la cour de cassation qui vérifie si la loi a été bien appliquée. Le
juge de cassation n'apprécie pas les faits ni ne décide de la culpabilité et
de la peine. Elle ne juge pas le procès en lui-même ; elle juge, uniquement
au point de vue du droit, le jugement ou l'arrêt auquel il a donné lieu. Si elle
estime que la loi a été correctement appliquée, elle rejette le pourvoi. En
cas de violation de la loi, elle casse la décision attaquée, et, comme elle
ne juge pas en fait, elle renvoie généralement l'affaire devant une
juridiction du même degré que celle qui l'avait déjà examinée (sauf en cas
d'incompétence de la juridiction), pour qu'elle juge à nouveau au point
de vue du fait et du droit1. La cassation vise à corriger les erreurs de droit
contenues dans une décision rendue en dernier ressort. Autrement, si la
décision n’est pas rendue en dernier ressort, le pourvoi sera déclaré
irrecevable2.

Point 1
Les cas d'ouverture du pourvoi en cassation

L'erreur de droit consiste en la violation de la loi ou de la coutume.


Elle comprend l'incompétence, l'excès de pouvoir, la fausse application
ou fausse interprétation de la loi, la non-conformité aux lois ou à l'ordre
public de la coutume, la violation des formes substantielles ou prescrites
à peine de nullité3.

A. L'incompétence

La compétence étant d'attribution en droit public, l'incompétence


de la juridiction de jugement est un grief important et d'ordre public qui
peut être soulevée pour la première fois en cassation, ou d'office par la
juridiction de cassation4.

1 Lire B. BOULOC, op. cit., p 1086 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p. 343.
2 C.S.J., R.C. 1681, 24 juillet 1998.
3 Art. 96, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


4 C.S.J., RC 109, 20 fév. 1975.

860
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. L'excès de pouvoir

Une juridiction commet un excès de pouvoir lorsqu'elle procède à des


actes qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire1. Il en est ainsi lorsqu'elle aggrave le
sort du prévenu sur son seul appel2. De même, il a été jugé qu'est un
moyen d'ordre public à soulever d'office, entraînant pour excès de
pouvoir, cassation sans renvoi, l'absence complète de saisine de la
juridiction par rapport à une partie qui fut néanmoins condamnée3.
Constitue également un excès de pouvoir, le fait pour le juge de ne pas
avoir vidé sa saisine4. C'est le cas du juge d'appel qui a omis de statuer
sur la demande reconventionnelle d'un prévenu qu'il a pourtant acquitté
et renvoyé des fins de poursuites, et qu'il a statué infra petita, puisqu'il
n'a pas statué sur ladite demande5.

C. Violation des formes substantielles ou prescrites


à peine de nullité

La Cour casse les décisions qui portent atteintes à des formalités


substantielles prescrites à peine de nullité. C'est le cas de la composition
régulière du siège. Ainsi a-t-il été jugé qu'une décision judiciaire ne peut
être rendue que par les juges qui ont assisté à toute l'instruction de la
cause, tant dans l'intérêt des parties elles-mêmes que dans celui d'une
bonne justice6 ; en pareille occurrence, une reprise d'audience est
nécessaire, ce moyen est d'ordre public et peut être soulevé d'office par
le juge de cassation7.
La motivation est une forme substantielle prescrite à peine de nullité.
Ainsi, constitue une erreur et un vice de motivation et viole ainsi la loi,
l'omission des juges de répondre dans un jugement aux conclusions
régulièrement prises8. N'est pas motivée ou est insuffisamment motivée,
la décision judiciaire qui ne rencontre pas un moyen, soulevé par une

1 B. BOULOC, op. cit., p. 1087 ; E.-J. LUZOLO et N.-A. BAYONA, op. cit., p.
492 ; J.-M. TASOKI, op. cit., p 344.
2 C.S.J., R.P. 42 et 43, 5 avril 1972 ; C.S.J., R.P. 106, 4 juillet 1975.
3 C.S.J., R.P. 142, 3 avril 1974.
4 C.S.J., R.P. 338, 7 oct. 1980.
5 C.S.J., R.P. 26.T.S.R., 30 déc. 1997.
6 C.S.J., 30 juill. 1969 ; C.S.J., R.P.A. 17, 26 juill. 1972.
7 C.S.J., R.C. 27, 1 janv. 1973 ; C.S.J., R.P. 55, 10 janv. 1973.
8 C.S.J., R.P. 94, 20 fév. 1975.

861
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

partie en conclusions1. Pareil, encourt cassation, la décision du juge


d'appel rendue sans que le ministère public ait requis, en violation des
formes substantielles, lorsqu'il résulte de la feuille d'audience, à laquelle
la cause a été prise en délibéré, que le ministère public n'a pas requis et
qu'il s'est limité à demander la communication du dossier ou la remise
de la cause aux fins de ses réquisitions2.
Par ailleurs, il a été jugé qu'en déclarant d'une part, recevable l'appel
formé contre un jugement préparatoire et, en évoquant la cause sans
motivation d'autre part, pour d'autres motifs que la saisine irrégulière et
l'incompétence du premier juge, la juridiction d'appel a violé la loi3. Il en
est de même de la décision appliquant la coutume sans préciser laquelle,
met la Cour suprême dans l'impossibilité de vérifier la correcte
application de la coutume au point de vue de sanction et entraîne
cassation d'office pour défaut de motivation4.
À l'absence totale de motivation, il faut assimiler l'ambiguïté dans
la motivation, la motivation sans rapport avec le dispositif ou en
contradiction avec lui, la constatation insuffisante ou imprécise des
éléments matériels de la qualification, empêchant la Cour suprême
d'exercer son contrôle5.
N'est pas légalement motivé et doit être cassé, l'arrêt d'une cour
d'appel qui, sur recours du prévenu, se borne, à confirmer le jugement
rendu par le tribunal de grande instance, à adopter la motivation émise
par le premier juge en s'abstenant de répondre aux moyens développés
pour la première fois dans les conclusions de l'appelant et sans donner à
l'appui de sa décision, des motifs suffisants pour permettre le contrôle
de la Cour suprême de justice sur la légalité des condamnations
intervenues6.
N'est pas motivée, la décision judiciaire qui ne constate pas
l'existence des divers éléments de l'infraction retenue par elle7. C'est le
cas de la décision qui retient l'infraction d'extorsion sans avoir relevé la
réunion de tous les éléments constitutifs de cette infraction, notamment

1 C.S.J., R.C. 34, 29 juill. 1971 ; C.S.J., R.P. 43, 5 avril 1972 ; C.S.J., R.P. 161, 18
mars 1975.
2 C.S.J., R.P. 34/T.S.R., 23 déc. 1997.
3 C.S.J., R.P. 1695, 27 fév. 1986.
4 C.S.J., R.P. 212, 2 avril 1977.
5 C.S.J., R.P. 2, 7 et 9, 8 sept. 1969.
6 C.S.J., R.P. 25, 3 mai 1972.
7 C.S.J., R.P. 171, 18 mars 1975.

862
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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la violence et/ou les menaces auxquelles le demandeur a recouru ainsi


que la remise forcée de la somme litigieuse1.
Est ambiguë, le jugement qui déclare au même moment dans sa
motivation l'appel de la partie civile recevable, car formé dans les délais
légaux et irrecevable puisque formé hors délais légaux et irrecevable dans
le dispositif2.

Point 2
Les requérants, le délai et la forme de la demande en cassation

Le droit de se pourvoir en cassation appartient à toute personne qui a


été partie à la décision entreprise, ainsi qu'au procureur général près la cour de
cassation3.
Le délai pour se pourvoir en cassation est de quarante jours francs à
dater du prononcé de l'arrêt ou du jugement rendu contradictoirement4.
Le pourvoi formé hors délai est irrecevable5.
La Cour juge qu'à défaut pour le requérant de prouver la force
majeure qui l'aurait empêché de se pourvoir dans les délais impartis, le
pourvoi en cassation introduit hors délai n'est pas recevable6. La force
majeure est tout événement imprévisible et insurmontable, empêchant
l'exécution d'une obligation, elle est d'origine extérieure en ce sens qu'elle
est absolument étrangère à la personne qui l'invoque7.
Est recevable pour raison de force majeure le pourvoi introduit
hors délai légal contre une décision contradictoire rendue à une date non
communiquée aux parties8. De même, est fondée, la demande de
relèvement de la déchéance encourue pour tardiveté basée sur un cas de

1 C.S.J., R.P. 396, 7 oct. 1980.


2 C.S.J., R.P. 2029, 14 avril 2004.
3 Art. 35 Al. 1, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


4 Art. 45 Al. 1, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


5 C.S.J., R.P. 96, 6 fév. 1974 ; C.S.J., R.P. 117, 25 janv. 1977 ; C.S.J., R.P. 219, 22

août 1978 ; C.S.J., R.P. 2677, 21 août 2009.


6 C.S.J., R.P. 140, 22 avril 1976.
7 C.S.J., R. Const. 38/T.S.R., 15 sept. 2006.
8 C.S.J., R.P. 1340, 3 nov. 1989.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

force majeure, lorsque le jugement attaqué a été rendu hors délai légal et
hors présence des parties et la signification étant intervenue plus tard1.
Par contre, l'invocation de l'ignorance de la procédure devant la
juridiction de cassation ne peut être retenue comme cas de force
majeure, puisque cette procédure est censée être connue de tous depuis
sa publication au journal officiel2.
Le procureur général près la cour d'appel dispose d'un délai fixe de
trois mois à partir du prononcé du jugement ou de l'arrêt3.
Lorsque l'arrêt ou le jugement a été rendu par défaut, le pourvoi
n'est ouvert et le délai ne commence à courir à l'égard du condamné que
du jour où l'opposition n'est plus recevable4. Pour la partie civile et la
partie civilement responsable, le délai prend cours le dixième jour qui
suit la date de la signification de l'arrêt ou du jugement5.
Sauf lorsqu’elle émane du Ministère public, la requête introductive
de pourvoi doit être signée, sous peine d’irrecevabilité, par un avocat à la
Cour de Cassation. La requête est datée et mentionne le nom et, s’il y a lieu,
le prénom ; la qualité, la demeure ou le siège de la partie requérante ;
l’objet de la demande ; s’il échet, le nom, le prénom, la qualité, la demeure
ou le siège de la partie adverse ; l’inventaire des pièces formant le
dossier6.
Le pourvoi contre les arrêts ou les jugements rendus par les
juridictions répressives peut être formé par une déclaration verbale ou
écrite des parties faite au greffe de la juridiction qui a rendu la décision
entreprise. La déclaration est verbale par la seule indication de l’intention
de former un pourvoi et par la désignation de la décision entreprise. Le
condamné en état de détention peut faire la déclaration devant le gardien
de l’établissement pénitentiaire ou il est incarcéré. Le gardien dresse
procès-verbal de la déclaration et le remet, sans délai, au Greffier de la
juridiction qui a rendu le jugement. Le Greffier dresse acte de la

1 C.S.J., R.P. 2029, 14 avril 2004 ; C.S.J., R.P. 2076, 20 oct. 2004 ; C.S.J., R.P.
1987/2026, 3 nov. 2004.
2 C.S.J., R.C. 522, 30 mai 1984.
3 Art. 45 al. 2, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


4 Art. 45 al. 3, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


5 Art. 45 al. 4, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.


6 Art. 2, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.

864
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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déclaration. Il délivre copie de cet acte au déclarant et au Ministère public


près la juridiction qui a rendu la décision entreprise. Il transmet
immédiatement une expédition de cet acte au Greffier de la Cour de
Cassation en y joignant le dossier judiciaire de l’affaire. Le pourvoi en
cassation formé par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu le
jugement doit, sous peine d’irrecevabilité, être confirmé, dans les trois
mois, par une requête faite en la forme prévue aux articles 1er à 3 de la
Loi organique relative à la procédure devant la cour de cassation1.

Point 3
Effets d'une action en cassation

Le délai de cassation et l'exercice de ce délai ont un effet suspensif.


La loi dispose que « le délai et l’exercice du pourvoi sont suspensifs de l’exécution
de la décision à l’égard de toutes les parties ».
Toutefois, le condamné qui se trouve en détention préventive ou
dont l’arrestation immédiate a été prononcée par la juridiction d’appel
est, toutefois, maintenu en cet état jusqu’à ce que la détention subie ait
couvert la servitude pénale principale prononcée par la décision
entreprise.
En outre, lorsqu’il y a des circonstances graves et exceptionnelles
qui le justifient ou lorsqu’il y a des indices sérieux laissant croire que le
condamné peut tenter de se soustraire, par la fuite, à l’exécution de la
servitude pénale, le Ministère public près la juridiction d’appel qui a
rendu la décision peut ordonner, par Ordonnance motivée, son
incarcération pendant le délai et l’exercice de pourvoi, laquelle se
maintient jusqu’à ce que la détention subie ait couvert la servitude pénale
principale prononcée par la décision entreprise.
Néanmoins, le condamné qui se trouve en état de détention
préventive ou dont l’arrestation a été ordonnée par la juridiction d’appel
ou par le Ministère public près cette juridiction peut introduire, devant
la Cour de Cassation, une requête de mise en liberté ou de mise en liberté
provisoire, avec ou sans cautionnement2.

1 Art. 49, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la cour de cassation.
2 Lire Art. 47, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure

devant la cour de cassation.

865
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 4
La procédure en cassation

Dès la réception de la requête, le greffier de la Cour réclame au


greffier de la juridiction qui a rendu la décision le dossier judiciaire et
l’expédition de la décision entreprise, si ces pièces ne lui ont pas été
remises avec la déclaration de pourvoi1. Le greffier en avise le procureur
et toutes les parties concernées2.
A dater de la signification de la requête, les parties disposent de
trente jours pour déposer un mémoire3. Toutefois, ici aussi, la déchéance
peut être relevée pour force majeure par la juridiction de cassation. Ainsi
par exemple a-t-il été jugé fondée, la force majeure invoquée pour
justifier le dépôt tardif du mémoire en réponse en ce que le défendeur
en avait été empêché par les troubles qui ont eu lieu au moment de la
guerre de libération et qui l'avaient empêché d'être en contact avec son
conseil, tous les transports et communications ayant été perturbés4.
Après un délai de vingt jours à compter du jour où a été faite la
dernière notification des mémoires en réponse, la cause est réputée en
état d’être jugée. Le greffier transmet le dossier au Procureur Général
près la Cour de Cassation, celui-ci rédige ses réquisitions et dépose
ensuite le dossier au greffe, aux fins de poursuite de la procédure5.
Après cette étape, le greffier transmet le dossier au Premier
Président aux fins de désignation d’un Conseiller rapporteur. Celui-ci
rédige un rapport sur les faits de la cause, sur la procédure en cassation,
sur les moyens invoqués et propose la solution qui lui paraît devoir être
réservée à la cause.
Il transmet ensuite le dossier, dans les trente jours de sa désignation,
au Premier Président qui le soumet, pour avis, à l’assemblée plénière des
magistrats de la Cour de Cassation. Lorsque l’avis de l’assemblée plénière

1 Art. 51, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la cour de cassation.
2 Art. 52, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.
3 Art. 53, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.
4 C.S.J., R.C. 2233, 24 mars 2006.
5 Art. 54, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.

866
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

est donné, le Premier Président de la Cour de Cassation fixe la date à


laquelle la cause sera appelée à l’audience1.
Le greffier notifie l’ordonnance de fixation aux parties et au
Procureur Général huit jours au moins avant la date de l’audience2.
Les audiences de la Cour sont publiques, à moins que cette publicité
ne soit dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs, auquel cas,
la Cour ordonne le huis clos par un arrêt motivé3.
Les débats se déroulent comme suit : à l’appel de la cause, un
Conseiller résume les faits et les moyens et expose l’état de la procédure
; les avocats des parties peuvent présenter des observations orales ; il ne
peut être produit à l’audience d’autres moyens que ceux développés dans
la requête ou les mémoires ; chaque partie n’a la parole qu’une fois, sauf
s’il y a lieu de conclure sur un incident ; le Ministère public donne son
avis ; le Président de l’audience prononce la clôture des débats et la cause
est prise en délibéré ; le Président de l’audience fixe la date du prononcé4.
La Cour se prononce sur les moyens présentés par les parties et par
le Ministère public. Aucun moyen autre que ceux repris aux requêtes et
mémoires déposés dans les délais prescrits ne peut être reçu. Toutefois,
la Cour peut soulever tout moyen d’ordre public. En ce cas, elle invite
les parties à conclure sur ce moyen5.
Avant la clôture des débats, la Cour invite les parties à conclure sur
un incident ou sur les moyens d’ordre public soulevés d’office. De
même, après la clôture des débats, la Cour ordonne leur réouverture
pour permettre aux parties de conclure sur un incident ou sur les moyens
d’ordre public soulevés d’office6.

1 Art. 10, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la cour de cassation.
2 Art. 11, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.
3 Art. 14, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.
4 Art. 15, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.
5 Art. 16, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.
6 Art. 17, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.

867
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 5
L'arrêt de la Cour

En principe, la Cour de Cassation ne connaît pas du fond des affaires1, Elle


juge le jugement.
Si un pourvoi introduit pour tout autre motif que l’incompétence
est rejeté, le demandeur ne peut plus se pourvoir en cassation dans la
même cause sous quelque prétexte et pour quelque motif que ce soit.
Si après cassation il reste quelque litige à juger, la Cour renvoie la cause
pour examen au fond à la même juridiction autrement composée ou à une juridiction
de même rang et de même ordre qu’elle désigne. Cependant, dans le cas où la
décision entreprise est cassée pour incompétence, la cause est renvoyée
à la juridiction compétente qu’elle désigne. La juridiction de renvoi ne
peut décliner sa compétence.
La juridiction de renvoi est tenue de se conformer à la décision de la Cour
sur le point de droit jugé par la Cour.
Exceptionnellement, la Cour juge le fond, lorsque la cause lui est
renvoyée par les chambres réunies, dans une affaire qui a déjà fait l’objet
d’un premier pourvoi, ou dans une affaire qui a fait l’objet d’un pourvoi
formé par le Procureur Général sur injonction du Ministre de la Justice.

1Lire Art. 37, Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la cour de cassation.

868
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Statut de Rome portant création de la Cour pénale
internationale.
3. Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la cour de cassation.
4. Loi organique n° 13/001-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions
de l’ordre judiciaire.
5. Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
6. Décret du 6 août 1959 portant le Code de procédure
pénale.
7. Loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant code
judiciaire militaire.
8. Ordonnance 78-289 du 3 juillet 1978 relative à
l’exercice des attributions d’officier et agents de police
judiciaire près les juridictions de droit commun.
9. Ordonnance-loi 70-012 relative aux infractions
d'audience.
10. Ordonnance-loi n° 86-033 du 05 avril 1986 portant
protection des droits d’auteurs et des droits voisins.
11. Arrêté d’organisation judiciaire du 20 août 1979
portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets.
12. Circulaire n° 001 du Premier Président de la Cour de
cassation du 7/03/2017 portant transmission des dossiers à la
Cour Constitutionnelle pour examen de l’exception
d’inconstitutionnalité après surséance.
13. Circulaire n° 07 du 27 septembre 2011 sur le respect
de délais de prononcé des décisions judiciaires.

B. DOCTRINE

1. B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, Paris, 2020.


2. B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal
général et procédure pénale, Sirey, Paris, 2018.

869
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

3. G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, Paris,


2018.
4. E. FORTEMAISON, « La constitution de partie
civile devant le magistrat instructeur », in R.J.C.B., n° 2, Mars-
avril, 1939, pp. 41-47.
5. S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des
termes juridiques, Dalloz, Paris, 2017-2018.
6. E.-J. LUZOLO BAMBI et N.-A. BAYONA Ba
MEYA, Manuel de procédure pénale, PUC, Kinshasa, 2011.
7. NGOTO NGOIE NGALINGI, L'essentiel du Droit
pénal congolais, PUC, Kinshasa, 2018.
8. S. OKITO'S, De la mise en œuvre de la procédure de
flagrance en droit judicaire congolais, Mémoire de Licence,
Université de Kinshasa, 2008.
9. J.-M. TASOKI, Procédure pénale congolaise,
L'Harmattan, Paris, 2017.
10. E. VERNY, Procédure pénale, Dalloz, Paris, 2018.

870
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

7. Le droit pénal spécial


Nous avons dit de l'infraction qu'elle est l'action ou l'omission
prévue et punie par la loi pénale. Entre sa commission et le prononcé de
la sanction s'échelonne une procédure dont le procès pénal constitue la
clé de voûte. Par lui sont élucidés les circonstances de commission de
l'infraction, les raisons, les motifs, et toutes les autres considérations
susceptibles d'influer sur le prononcé de la sanction afin d'aboutir à une
peine véritablement appropriée.
Mais la peine varie selon chaque infraction. En fait, elle varie selon
le taux de la valeur que le législateur a voulu protéger. En effet, le droit
pénal est un droit protecteur des valeurs. En instituant l'infraction, le
législateur réprime en fait l'atteinte à une valeur qu'il protège. Ces valeurs
coïncident souvent avec les droits fondamentaux de la personne
humaine, mais aussi avec d'autres considérations d'ordre public

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

constituant des objectifs à valeur constitutionnelle. C'est la fonction


axiologique du droit pénal1.
C'est ainsi que le taux de la peine varie selon que l'acte infractionnel
porte atteinte à la vie, à l'intégrité physique — volontairement ou
involontairement —, à la propriété, aux intérêts publics.

1P. AKELE, Droit pénal spécial, Université Protestante au Congo, Kinshasa,


2003-2004, p. 24.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
LES ATTEINTES À LA VIE ET À
L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les atteintes volontaires à la vie
Le droit à la vie est un droit fondamental. La Constitution dispose que
« la personne humaine est sacrée (...) Toute personne a droit à la vie »1. En tant
que telle, la vie constitue une des valeurs les plus importantes de la
société africaine, si ce n'est la plus importante2. En tout cas, c'est la toute
première valeur que le législateur s'est empressé de protéger.
L'importance est telle que les atteintes volontaires à la vie, sous quelques
formes que ce soit — qu'il s'agisse du meurtre, de l'assassinat ou de
l'empoisonnement — sont toutes punies de mort.

Section 1
Le meurtre

Le meurtre est l’acte d’une personne qui consiste à donner


volontairement la mort à autrui3. « L'homicide commis avec l'intention de donner la
mort est qualifié meurtre »4. La loi qualifie de volontaire, l'homicide commis
avec le dessein d'attenter à la personne d'un individu déterminé ou de
celui qui sera trouvé ou rencontré, quand même ce dessein serait
dépendant de quelque circonstance ou de quelque condition et lors
même que l'auteur se serait trompé dans la personne de celui qui a été
victime de l'attentat5.

Paragraphe 1
Élément matériel

Le meurtre est une atteinte à la vie d’autrui. Il suppose donc le « fait


de donner la mort » à « autrui ».

1 Art. 16 al. 1, Constitution du 18 février 2006.


2 P. AKELE, op. cit., p. 39.
3 B. CIZUNGU, Les infractions de A à Z, Éd. Laurent NYANGEZI, Kinshasa,

2011, p. 391.
4 Art. 44 al. 1, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
5 Art. 43, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
L’acte de donner la mort

Il s'agit, primo, du fait de donner la mort. L'élément matériel du


meurtre est un acte matériel1. Des tortures morales ne sauraient constituer
le meurtre. Il en est de même d'envoûtement ou de sorcellerie. Les
tortures ou souffrances morales même intolérables qui peuvent
provoquer la mort ne sont jamais retenues, compte tenu de
l'impossibilité d'établir une relation de cause à effet entre les douleurs
morales et la mort de la victime2.
L'acte doit être positif3. Il s'agit d'acte de toute nature s’apparentant
à des violences ayant entraîné la mort de la victime4. Le meurtre est une
infraction de commission. Ainsi, le fait de laisser une personne mourir
impassiblement n'est pas constitutif de meurtre. Comme nature de l’acte
matériel, il doit s’agir obligatoirement d’un acte matériel de violence
physique. Les actes matériels sont entendus comme l’accomplissement
à l’encontre d’une personne vivante d’un acte quelconque de nature à
causer la mort et l’ayant effectivement et matériellement entraînée5.
L’acte de nature à causer la mort peut revêtir une forme
quelconque. Les moyens le plus souvent employés sont les coups de
pistolet ou de fusil, les coups de couteau ou de poignard, les coups de
hache, les coups de marteau, la strangulation, la noyade. Hormis
l’empoisonnement qui tombe sous une qualification particulière, les
moyens utilisés pour donner la mort importent peu6.
On estime que le meurtre peut résulter d'actes géminés, de moyens
multiples ou successifs employés pendant un certain temps si leur

1 M.-L. RASSAT, Droit pénal spécial. Infractions du Code pénal, Dalloz, Paris, 2018,
p. 378 ; P. AKELE, op. cit., p. 41.
2 LIKULIA BOLONGO, Droit pénal spécial zaïrois, T. 1, 2e éd., LGDJ, Paris,

1985, p. 19.
3 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 378.
4 C. AMBROISE-CASTEROT, Droit pénal spécial et droit pénal des affaires,

Gualino, Paris, 2019, p. 21.


5 B. CIZUNGU, op. cit., p. 392.
6 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 247. Sur les actes mortifères : voir

sur le meurtre avec arme à feu, C.S.J., 8 août 1969 ; les coups de poings, T.G.I.
KANANGA, R.P. 9478/9500, 27 août 2004 ; avec la machette, T.G.I.
KISANGANI, R.P. 10446, 24 octobre 2003 ; avec le couteau, Cass. fr., Crim.,
15 mars 2017.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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réunion ou répétition revêt une puissance homicide1. Il en est ainsi du


mari qui, dans l'intention de tuer son épouse, la soumet continuellement
à des tortures corporelles qui provoquent la mort de la victime, même
s'il est établi que, pris isolément, aucun des actes était incapable
d'occasionner la mort2.

Point 2
La personne d’autrui

Il doit s'agir ensuite de la personne d'autrui3. Ainsi, le suicide n'est pas


réprimé. Par voie de conséquence, la tentative de suicide n'est pas
envisageable. De même, on ne peut concevoir de participation au
suicide.
Par ailleurs, le meurtre d'un fœtus est puni sous le coup de
l'avortement. Le fœtus n'est donc pas une personne humaine.
Il n'est pas utile que le prévenu ait connu de façon précise la
victime4 du moment qu'on est sûr qu'elle a existé et qu'elle a bien été
tuée par le prévenu. Au demeurant, il n'est pas utile que le prévenu ait
visé telle ou telle personne de façon déterminée5.
La question du meurtre commis sur une personne déjà morte
soulève la controverse relative à l'infraction impossible.

Paragraphe 2
L'élément moral

L'élément moral du meurtre est double : il consiste d'abord, dans le


caractère volontaire de l'atteinte portée (dol général) et ensuite dans un dol
spécial : la volonté de tuer6.
La preuve de ce dol résulte souvent d'indices, telles que l'emploi de
certains moyens particulièrement dangereux, et l'atteinte portée à certaines parties
du corps.

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 18.


2 Conseil de guerre de région siégeant à Mbandaka, 13 oct. 1972.
3 C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 21.
4 Cass. fr., Crim., 15 mai 1946.
5 C.S.J., R.P. 27/CR, 30 juill. 1985.
6 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 379.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Il a été jugé que l'agent qui atteint, avec une arme à feu, des parties
vitales de la victime, doit être réputé avoir voulu la tuer1. De même, en
mettant en œuvre des moyens de donner la mort, à savoir l'usage d'un
revolver chargé et atteignant avec celui-ci une partie délicate du corps de
la victime pouvant entraîner des risques graves de mort, en l'occurrence
la région de l'abdomen, l'intention de donner la mort est établie2.
L'intention de donner la mort peut résulter du degré de la violence
ou de la gravité3, soit encore de l'état physique de la victime — âge, état
de santé —. Ainsi a été condamné pour meurtre un soldat qui a tué un
jeune enfant de 13 mois en le frappant avec son ceinturon weeb4.
Le mobile est indifférent à la qualification de meurtre5.

Section 2
L'assassinat

Le meurtre commis avec préméditation est qualifié d'assassinat6. Le


meurtre et l'assassinat sont punis de mort7.
La préméditation résulte du dessein mûri et réfléchi d'accomplir
l'infraction ; le dessein formé avant l'action, de façon réfléchie, délibérée
et de sang-froid, c'est-à-dire avec calme, d'attenter à la vie d'une
personne8.
Il n'y a pas préméditation lorsque l'acte homicide a été commis sous l'impulsion
de la colère sans dessein réfléchi d'homicide9. La décision de donner la mort doit

1 Cass. fr., Crim., 20 oct. 1956.


2 C.S.J., R.P. 2, 10 juin 1972.
3 Élis., 14 nov. 1963.
4 Cons. de guerre de Région, Mbanza-Ngungu, 22 juill. 1974.
5 Voy. la célèbre Affaire Gorguloff, Cass. fr., Crim., 20 août 1932. En l'espèce, le

sieur Gorguloff avait commis un meurtre sur le Président de la République


française. À l'époque, la peine de mort était abolie pour les infractions politiques,
en France. Le prévenu tentait donc de faire admettre que le meurtre qu'il avait
commis avait un mobile politique afin d'éviter la peine de mort. La Cour de
cassation avait répondu que le meurtre était, par nature, une infraction de droit
commun et que seul le mobile était, dans cette affaire, politique, en sorte que le
mobile étant indifférent, la condamnation à mort était régulière. Voy. sur le rejet
de la vengeance : T.G.I. KANANGA, R.P. 9478/9500, 27 août 2004.
6 Art. 44 Al. 2, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
7 Art. 44 Al. 3, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
8 Élis., 30 déc. 1913 ; Boma, 26 déc. 1913.
9 L’shi., 14 nov. 1968.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

être prise de sang froid et de façon réfléchie et délibérée. Peu importe qu'elle soit
arrêtée par l'agent ou subordonnée à un évènement futur et incertain1.
La préméditation nécessite une certaine durée du temps plus ou moins longue,
en tout cas variable dans chaque cas, entre la conception de l'infraction
et son accomplissement2.
Le laps de temps dont question doit être consacré à la réflexion, c'est-
à-dire à une longue méditation. Celle-ci doit précéder l'acte, elle être
mûrie. Ainsi, il n'y a pas d'assassinat lorsque entre le moment du dessein
homicide, conclu sous l'empire d'un vif ressentiment, et celui de sa
réalisation, le prévenu n'a pas retrouvé son calme3.
Le fait que l'intention de commettre l'infraction soit conditionnelle ne lui enlève
pas son caractère d'assassinat. Ainsi, prémédite son crime l'individu qui, se
proposant de commettre un vol dans une maison habitée, prévoit le cas
où il serait surpris et prépare l'arme dont il doit se servir, le cas échéant,
pour tuer la personne qui le surprendrait. Tout en état conditionnelle, la
résolution est néanmoins le résultat d'une volonté non subite et
momentanée mais antérieure et mûrement réfléchie et par conséquent,
constitutive d'assassinat4.
La préméditation implique non seulement l'antériorité de
l'intention, mais encore sa persistance jusqu'à la réalisation de l'acte5. Il a été
jugé que la préméditation est établie par une succession d'actes
préparatoires au moins 24 heures à l'avance, à savoir le fait d'avoir déjà
attiré la victime sur les lieux du crime, porteur d'un revolver chargé6.
Quant au guet-apens, il doit être accompagné d'un laps de temps plus
ou moins long pour qu'il soit constitutif de la préméditation7.

Section 3
L'empoisonnement

Aux termes de la loi, « est qualifié empoisonnement, le meurtre commis par


le moyen de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement, de

1 Ie Inst., Kin., 19 fév. 1965.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 28.
3 C.A. Kin., 19 janv. 1967.
4 Ie Inst., Kin., 19 fév. 1965.
5 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1466.
6 C.S.J., R.P. 2, 10 juin 1972.
7 Trib. Ie Inst., Léo., 2 nov. 1951.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées »1.
L’empoisonnement est puni de mort2.
L’empoisonnement est l’administration volontaire à une autre personne,
d’une substance de nature à causer la mort, et l’ayant effectivement et matériellement
entraînée3. C'est donc le meurtre commis par le moyen de substances qui
peuvent donner la mort plus ou moins promptement, de quelque
manière qu’elles aient été employées ou administrées4. Un homicide
intentionnel qui est commis par le moyen du poison5.

Paragraphe 1
Élément matériel

L'élément matériel est l'administration à une autre personne — que


soi — de substances mortifères qui causent effectivement la mort. La
mort de la victime doit être constatée, ce qui fait de l'empoisonnement
une infraction matérielle.

Point 1
La substance mortifère

La mort doit avoir été causée par des substances mortifères. Il doit s’agir
d’une substance reconnue comme poison et capable de donner la mort : substance
toxique ou vénéneuse, des bacilles ou des virus… Le produit doit être
objectivement mortifère, c’est-à-dire mortel par nature. Il faut que la substance
soit intrinsèquement un poison. À défaut, la qualification adéquate est
tout simplement le meurtre6.
Le caractère mortifère d'une substance est déterminé par expertise
médicale. À défaut de preuve du caractère mortifère, le juge acquitte le
prévenu7. Ainsi par exemple, une personne a été reconnue coupable de
crime d’empoisonnement pour avoir administré à sa victime une
infusion d’allumettes phosphoriques, trempées dans de l’eau chaude8 ;

1 Art. 49, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 Art. 49, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 250.
4 Idem.
5 P. AKELE, op. cit., p. 45.
6 C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 27.
7 Kis., 26 oct. 1972 ; T.G.I. UVIRA, R.P. 1818/FLAG, 23 juill. 2004.
8 Cass. fr., Crim., 2 juill. 188.

880
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ou lui avoir fait ingérer un cocktail mortel de médicaments1, des


médicaments en surdose mortelle ou en mélange fatal étant bien « de
nature à entraîner la mort ».
A contrario, un juge a estimé que le fait de faire ingérer à sa victime
du verre pilé constituait un meurtre, et non un empoisonnement, car «
la substance administrée [le verre pilé], dénuée en elle-même de toute
propriété toxique, est incapable de nuire comme poison, et ne peut tuer
que comme instrument déchirant les tissus du tube intestinal »2. De
même, il a pu être jugé que commet un meurtre une femme qui fait boire
son mari, à tendance alcoolique, jusqu’à ce qu’il rende l’âme. Le juge a
estimé que « le fait de causer la mort d’une personne en la poussant à
boire une trop forte quantité d’eau-de-vie, constitue un crime de meurtre
et non celui d’empoisonnement »3.

Point 2
L’administration

La substance mortelle doit avoir été administrée à la victime. La


manière importe peu. Il s'agit de tous les moyens permettant de faire passer le
poison dans le corps de la victime4. Il peut s'agir du fait de faire absorber, faire
manger, injecter, faire consommer ou faire boire des substances
mortelles5.

Point 3
La mort de la victime

L’empoisonnement est une atteinte à la vie. La mort de la victime


doit être constatée, ce qui fait de l'empoisonnement une infraction
matérielle.

1 Cass. fr., Crim., 8 juin 1993.


2 C.A. Riom, 25 avr. 1855.
3 C.A. Poitiers, 14 janv. 1850.
4 C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 27.
5 C.A. KIS., 20 juill. 1974.

881
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
L'élément moral

L'élément moral de l'empoisonnement consiste en un dol plus spécial


: l'intention de donner la mort1. Sur le modèle du meurtre, l'agent doit avoir
l'intention d'administrer des substances mortifères, et en plus, d'obtenir
par-là la mort de la victime.
Il a été jugé que « l’empoisonnement implique, pour être constitué,
que soit rapportée la preuve, chez son auteur, de la volonté de donner la
mort »2. La seule connaissance du pouvoir mortel de la substance
administrée ne suffit pas à caractériser l’intention homicide »3. Il ne doit
donc pas s’agir d’un acte posé par erreur ou imprudence, inattention,
maladresse ou négligence, auquel cas il s'agirait d'homicide involontaire.
L’élément moral est déduit des circonstances matérielles de la
perpétration de l’infraction, notamment de la quantité ou la qualité des
substances mortelles4.

Section 4
La protection pénale des morts

Si en principe, la personnalité juridique prend fin à la mort de la


personne humaine5, emportant par-là les droits et obligations dont elle
était titulaire de son vivant, il reste cependant incorrect — pénalement
du moins — de considérer que « les morts ne sont plus des personnes ;
ils ne sont plus rien »6.
En effet, le droit pénal intervient pour protéger la personne
humaine bien au-delà de sa vie. Ainsi réprime-t-il les mutilations des
cadavres, les actes d'anthropophagie ou encore, la destruction des
tombeaux. On fait alors remarquer que « la sépulture est, pour le juriste,
un lieu étrange où le droit des personnes, le droit des biens, l’ordre public

1 B. CIZUNGU, op. cit., p. 263 ; NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p.


251.
2 C.A. Paris, 13 juill. 1993 ; Cass. fr., Crim., 22 juin 1994.
3 Cass. fr., Crim., 2 juill. 1998.
4 B. CIZUNGU, op. cit., p. 263.
5 J.-P. KIFWABALA, Droit civil congolais. Les personnes, les incapacités, la famille, PUL,

Lubumbashi, 2018, p. 46.


6 Paniol, cité par C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 31.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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et la morale vont venir se juxtaposer jusqu’à se confondre, et cela dans


un seul but : Il ne faut pas troubler le sommeil des morts… »1.

Paragraphe 1
Mutilation de cadavre

Aux termes de la loi, « sera puni (...) quiconque aura méchamment mutilé
un cadavre humain »2. Le coupable encourt une peine de servitude pénale
de deux mois à deux ans et d'une amende de vingt-cinq à cinq cents
zaïres, ou une de ces peines seulement.

Point 1
Élément matériel

Il faut physiquement avoir mutilé un cadavre humain. Le mot «


cadavre » désigne le corps humain privé de vie, aussi longtemps qu’il peut être
considéré comme un corps humain. Par contre, quelques ossements ne peuvent
être considérés comme constituant un cadavre3.
Le sens du mot « mutilation » est large. Il n’est pas à restreindre au
simple fait de retrancher ou de priver un cadavre de quelque membre.
Par mutiler, il faut entendre le fait de retrancher certaines parties du
corps, faire des incisions à l’aide d’objets tranchants ou contondants sans
avoir nécessairement à retirer une partie4. Il s'agit en fait de toute atteinte
à l’intégrité du cadavre par quelque moyen que ce soit5. Ainsi par
exemple, le fait de démembrer le corps est constitutif de l’infraction6. Il
en est de même d'un prélèvement d’organes illicitement réalisé par les
médecins d’un hôpital ou d’une clinique (en violation des souhaits de la
famille, par exemple)7.

1 Xavier Labbée cité par M. PERCHEY, « Les profanations de sépulture :


Quelles sanctions ? », in Résonnance funéraire [https://www.resonance-
funeraire.com/index.php/reglementation/2872-les-profanations-de-sepulture-
quelles-sanctions].
2 Art. 61, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 B. CIZUNGU, op. cit., p. 402.
4 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 286.
5 C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 33.
6 Cass. fr., Crim., 10 févr. 2016.
7 C.A. Amiens, 26 nov. 1996.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Élément moral

L’élément moral de cette infraction est l’intention méchante1. L’agent


doit agir intentionnellement et méchamment. D’une part le coupable a
conscience qu’il pose un acte interdit par la loi et, d’autre part, il pose cet
acte interdit avec penchant à faire du mal.
Cette méchanceté caractéristique exclut les cas accidentels et les cas
où un but scientifique ou sanitaire est poursuivi — étude anatomique,
autopsie légale, incinération de cadavres en cas d’épidémie, etc. —. N’est
pas non plus infractionnelle la mutilation résultant des pratiques
religieuses admises (incinération) ou du respect des dernières volontés
du défunt ou de sa famille.
L'intention méchante a été décelée dans le chef de celui qui extrait
un organe du cadavre afin de se procurer des médicaments pour diverses
pratiques superstitieuses2.

Paragraphe 2
Anthropophagie

Aux termes de la loi, « sans préjudice à l'application des peines frappant


l'assassinat ou le meurtre, sera puni d'une servitude pénale de six mois à trois ans
(...) quiconque aura provoqué ou préparé des actes d'anthropophagie, y aura participé,
ou aura été trouvé en possession de chair destinée à des actes d'anthropophagie »3. Le
coupable d'anthropologie sera puni d'une servitude pénale de six mois à
trois ans et d'une amende de cent à mille zaïres, ou d'une de ces peines
seulement.
L’anthropophagie est le fait de manger, de consommer, de se restaurer, de
se nourrir de la chair humaine ou d’absorber du sang ou de la cervelle humaine. On
l'appelle aussi cannibalisme4.

1 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 286 ; B. CIZUNGU, op. cit., p.


402.
2 1ère inst. App. Buta., 10 déc. 1924.
3 Art. 62, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
4 B. CIZUNGU, op. cit., p. 50.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Élément matériel

L'anthropophagie suppose d'abord de la chair humaine. La chair


humaine est toute partie du corps humain. La jurisprudence interprète très
largement cette notion, allant jusqu’à retenir même du sang et de la cervelle.
Ainsi tombe sous le coup de cette incrimination celui qui absorbe du
sang et de la cervelle d’un cadavre humain1.
Est puni, le fait de manger la chair humaine, d’absorber du sang ou
de se nourrir de toute partie des restes humains.
Est aussi puni, le fait de préparer, d’inciter par des propos, des
gestes ou des attitudes à des actes d’anthropophagie. L'agent qui pose
ces actes est auteur-même de l'infraction, et non coauteur. Ainsi a-t-il été
jugé que doit être puni comme auteur moral de l’infraction
d’anthropophagie le chef indigène qui, par abus d’autorité, provoque
directement ses sujets à dépecer un cadavre humain et à en manger2.
Est encore puni le fait de coopérer avec celui qui commet un acte
d’anthropophagie, de l’aider, de l’assister. L'agent ici est auteur, et non
complice.
Est enfin puni le fait d’être trouvé en possession de la chair
humaine destinée à des actes d’anthropophagie. Il en est ainsi du fait
pour le prévenu de remettre à d’autres des cadavres humains destinés à
être mangés, sans prendre part lui-même au repas3.
Les actes ci-dessus sont alternatifs et non cumulatifs.

Point 2
Élément moral

L'anthropophagie est une infraction intentionnelle. La simple


connaissance par l’agent qu’il s’agit de la chair humaine suffit à caractériser
l’infraction d’anthropophagie. Le mobile est inopérant4.

1 Distr. Kivu., 17 janvier 1938.


2 Boma., 14 Avril 1908.
3 Boma., 03 mars 1903.
4 Distr. Kivu., 17 janvier 1938.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Destruction des tombeaux

Aux termes de la loi, « sera puni d'une servitude pénale d'un mois à un an
(...) quiconque aura détruit, abattu, mutilé ou dégradé : des tombeaux, signes
commémoratifs ou pierres sépulcrales »1. Le coupable sera puni d'une servitude
pénale d'un mois à un an et d'une amende de vingt-cinq à cinq cents
zaïres.
Tombe sous le coup de cette incrimination, le fait de desceller une
pierre tombale2, de la maculer de boue et y apposer des inscriptions3,
détruire les fleurs fraîches déposées sur les tombes4 ou encore le fait
d’endommager le tombeau et les éléments funéraires posés dessus en
frappant ceux-ci5.
L’intention de nuire n’est pas requise. Seule la volonté de détruire ou
tout au moins de détériorer suffit.

Section 5
La protection pénale de l'être prénatal : l'avortement

Sous réserve de la controverse autour de la naissance de la


personnalité juridique, le droit pénal protège la vie humaine dès sa
conception, avant même la naissance. Aux termes de la loi, « celui qui, par
aliments, breuvages, médicaments, violences ou par tout autre moyen aura fait avorter
une femme, sera puni d'une servitude pénale de cinq à quinze ans »6. De
même, « la femme qui volontairement se sera fait avorter, sera punie d'une
servitude pénale de cinq à dix ans »7.
L'avortement peut être défini comme l'expulsion prématuré du fœtus
volontairement provoqué par un procédé artificiel quelconque quel que soit le stade de

1 Art. 111, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 T. corr. Villefranche, 8 mars 1949 : en l'espèce, le prévenu a descellé une tombe
et exhumé le cadavre. V. aussi T.G.I. Arras, 27 oct. 1998 : le prévenu a ouvert
une tombe, déshabillé le cadavre d’une jeune fille de quinze ans, déplacé ses
jambes afin de photographier son sexe et publié ces photographies dans une
revue spécialisée en Italie.
3 Cass. fr., Crim., 2 juin 1953.
4 Cass. fr., Crim., 8 févr. 1977.
5 C.A. Paris, 22 nov. 1990.
6 Art. 165, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
7 Art. 166, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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son développement et indépendamment de sa viabilité1. Il a été jugé que «


l'avortement doit être considéré comme un accouchement avant terme
volontairement provoqué ou procuré par un procédé quelconque
notamment par la violence ou par l'administration d'aliments, breuvages
et médicaments »2.

On distingue l'avortement avortement par autrui de l'avortement


sur soi-même.

Paragraphe 1
Éléments constitutifs

Point 1
Éléments distincts

A. Avortement sur soi-même

L'avortement sur soi-même est le fait de la femme qui se sera fait avorter.
C'est le cas d'une femme qui prend des aliments, médicaments, breuvages
ou use de tout autre moyen dans le but de se faire avorter. Il en est de
même de celle qui consent à faire usage des moyens à elle de indiqués ou
administrés à cet effet.

B. Avortement par autrui

L'avortement par autrui est le fait de quiconque qui par aliments,


breuvages, médicaments, violences ou par tout autre moyen aura fait
avorter une femme.
Le consentement de la femme est indifférent.

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 247.


2 C.S.J., R.P. 290, 20 déc. 1978.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Éléments constitutifs communs

A. Un élément matériel

L'élément matériel de l'avortement consiste dans des pratiques ou


manœuvres destinées à interrompre artificiellement la grossesse en provoquant
l'expulsion prématurée du produit de la conception.

B. Résultat

Le résultat peut être atteint ou non1. Dans le premier cas, le fœtus


peut avoir été effectivement expulsé. Il importe peu, d'ailleurs, qu'il soit
mort antérieurement aux pratiques abortives2.
Lorsque le résultat n'est pas atteint, il y a tentative, qui est punie de
la même peine que l'infraction consommée.

C. Moyens utilisés

La loi vise tout moyen employé, notamment les aliments, breuvages,


médicaments ou violences.
On distingue généralement les moyens chimiques (quinine, eau de vie
allemande, antimoine) mécaniques (sonde, injection d'eau savonneuse de
permanganate, crayon introduit dans l'utérus pour provoquer
contraction et expulsion, exercices physiques divers suivis d'hémorragie
et de curetage).
Quant aux médicaments, on retient toutes substances solides ou
liquides simples ou composées, auxquelles l'art de guérir attache un effet
déterminé sur l'organisme et, en matière d'avortement, l'effet d'expulser
le fœtus.
Par breuvage, on entend toute boisson capable de provoquer
l'avortement.
Par aliments, on entend tout ce qui sert de nourriture.
Le terme violence invoque l'idée de force ou de sévices, tels que les
coups et autres actes de même nature.

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 249.


2 Idem., p. 250.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Élément moral

L'intention coupable est exigé. L'auteur doit avoir agi sciemment, avec
l'intention de provoquer l'avortement1.
En résulte que si l'avortement a été fait pour sauver la vie de la mère
gravement menacée, il n'y a pas infraction, faute d'intention délictueuse2.
D'autre part, si l'avortement est le résultat de violences volontaires,
portées non dans le but de provoquer l'avortement mais dans l'intention
générale d'attenter à la personne d'autrui, il y a lieu d'appliquer non pas
l'article 165 mais les articles 46 et suivants du code pénal3.

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 255.


2 Idem.
3 Ie Inst., Élis., 22 avr. 1948 ; Ie Inst., R.U., 19 mars 1952 ; Ie Inst., Eq., 11

août 1955.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Les atteintes volontaires à l'intégrité physique
La Constitution dispose que « toute personne a droit (...) à l'intégrité
physique »1. Elle protège cette valeur en réprimant différents moyens d'y
porter atteinte, par des coups et blessures, simples ou aggravés, ou par
de simples violences ou voies de fait, ou encore, par l'administration de
substances nuisibles.

Section 1
Les coups et blessures

La loi punit « quiconque a volontairement fait des blessures ou porté des coups
»2. Aux termes de la loi, « sont qualifiés volontaires (...) les lésions causées avec le
dessein d'attenter à la personne d'un individu déterminé ou de celui qui sera trouvé ou
rencontré, quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou de
quelque condition et lors même que l'auteur se serait trompé dans la personne de celui
qui a été victime de l'attentat »3.
Le coupable est puni d'une servitude pénale de huit jours à six mois
et d'une amende de vingt-cinq à deux cent zaïres ou d'une de ces peines
seulement4.

Paragraphe 1
Élément matériel

L'infraction de coups et blessures volontaires est proche du


meurtre. Il s'agit d'atteintes positives volontaires faits à la personne d'autrui.
L'agent cherche à faire mal exprès, mais ne recherche pas la mort de la
victime5.
Les coups désignent des chocs sans effusion de sang, et les blessures,
une rupture des téguments avec plaie et effusion de sang6. Le coup ne doit pas
nécessairement laisser de trace mais il doit produire une impression
physique sur la victime. Il ne doit pas nécessairement causer des blessures.

1 Art. 16 Al. 2, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 46 Al. 1, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 Art. 46, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
4 Art. 46 Al. 1, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
5 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 402.
6 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L’expression « coups et blessures volontaires » peut prêter à confusion,


dans la mesure où elle laisse penser que, pour être réalisée, les coups
doivent avoir causé des blessures. C’est d’autant que le législateur
dispose que « quiconque aura volontairement fait des blessures ou porté
des coups »1. Le coup se réalise par le heurt ou choc infligé par l’agent à
la victime soit directement (par exemple un coup de poing, une gifle),
soit à l’aide d’un instrument ou objet quelconque : armes ou divers objets
détournés pour frapper, ou encore avec un animal. Une seule blessure
ou un coup isolé constitue « des coups et blessures »2.
Il a été jugé que cette infraction requiert un « acte matériel et positif
entendu comme une action ou une omission ou abstention, qui consiste
en des coups et blessures : le coup s'entend ici de tout heurt ou choc que
l'agent inflige à la victime tandis que par blessure on voit toute lésion
externe ou interne à la victime produite sur le corps humain, peu importe
le moyen ou instrument utilisé, la gravité du choc »3.
Likulia Bolongo4 explicite largement la question : « par coup, il faut
entendre toute atteinte matérielle ou physique résultant du
rapprochement violent de deux corps. Il en est ainsi de tout heurt ou
choc subi par la victime. Le coup peut être infligé soit directement soit
au moyen d'un objet quelconque.
La blessure s'entend de toute lésion externe ou interne produite
dans l'organisme humain soit par un coup, soit par un choc ou
rapprochement, soit par une arme ou un instrument tranchant, perçant,
contondant, piquant, soit par tout autre objet ou moyen susceptible de
laisser une trace apparente ou durable tels que les dents. Il en est ainsi
naturellement de toute déchirure de la peau ou de la chair, notamment
la plaie, l'égratignure, l'ecchymose, l'écorchure, l'éraflure. Il convient d'y
ajouter toute brûlure, contusion, meurtrissure. Une blessure légère peut
être retenue. Il en est de même d'une piqûre ou d'une morsure d'un
animal volontairement excité par son propriétaire ou une tierce
personne. Peu importe l'instrument utilisé, liquide corrosif, jet de vapeur,
animal. Peu importe le moyen utilisé, matériel ou chimique ».

1 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 252.


2 H.C.M., R.P. 00I/2004, 05 octobre 2004.
3 T.M.G. UVIRA, R.P. 060/07, 23 avril 2008.
4 Cité par P. AKELE, op. cit., p. 55.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'infraction est constituée par des coups de poing1, de pied2, gifles3.


Les blessures peuvent avoir été causées au moyens d'une arme4, de la
morsure d'un animal volontairement excité5 ou de jets de pierres6. Le
coupable peut avoir cogné son adversaire contre un bananier au point
que ce dernier a eu un choc sur les deux incisives inférieures dont l'une
a été arrachée et l'autre placée sous observation7, arraché deux dents à sa
victime8, lui avoir asséné des coups de pied au bas-ventre9, ou avoir tiré
un coup de balle dans sa cuisse10.

Paragraphe 2
Élément moral

L'infraction est intentionnelle. Elle comprend l’intention de commettre


l’acte volontairement et la volonté d’obtenir un résultat préjudiciable à victime. Il y a
donc en plus d'un dol général, un dol spécial11.

Paragraphe 3
Les circonstances aggravantes : les coups et blessures aggravés

Les coups et blessures peuvent être aggravés par la préméditation,


la nature du préjudice ou la qualité de la victime.

Point 1
La préméditation

Les coups et blessures sont aggravés en cas de préméditation. La


loi dispose « qu'en cas de préméditation, le coupable sera condamné à une servitude
pénale d'un mois à deux ans et à une amende de cinquante à cinq cents zaïres »12.

1 Cass. fr., Crim., 24 janv. 1863.


2 Cass. fr., Crim., 25 juill. 1884.
3 Cass. fr., Crim., 11 mai 1929.
4 Cass. fr., Crim., 12 août 1853.
5 Cass. fr., Crim., 7 avr. 1967.
6 Cass. fr., Crim., 10 nov. 1900.
7 C.A. BUKAVU, R.P. 1938, 24 fév. 2005.
8 T.G.I. UVIRA, R.P. 440, 27 mars 2004.
9 C.A. KISANGANI, R.P.A. 1725, 10 mars 2005.
10 T.M.G. UVIRA, R.P. 053/07, 23 mars 2008.
11 B. CIZUNGU, op. cit., p. 152.
12 Art. 46 Al. 2, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La préméditation est une circonstance aggravante personnelle, elle ne


se transmet aux autres participants que s'ils ont aussi personnellement
prémédité l'infraction1.

Point 3
La qualité de la victime

Les coups et blessures volontaires sont aggravés lorsqu'ils ont été


portés notamment sur l'auteur d’un accident de circulation routière2 ; sur un
enfant3 ; sur les parlementaires, les membres du gouvernement, les dépositaires de
l’autorité ou de la force publique dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs
fonctions4 ; sur un membre des cours et tribunaux, soit un Officier du Ministère
public, soit un Officier supérieur des forces armées et de la police, soit un
gouverneur dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions5 ;
sur les autres dépositaires de l’autorité ou de la force publique dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions6.

Point 3
La nature du préjudice

A. La maladie, l'incapacité de travail personnel, la


perte de l’usage absolu d’un organe ou la mutilation grave

Les coups et blessures simples sont aggravés « si les coups et blessures


ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, ou s'il en est résulté la
perte de l'usage absolu d'un organe ou une mutilation grave » ; en ce cas, les peines
seront une servitude pénale de deux ans à cinq ans et une amende qui ne
pourra excéder mille zaïres7.
Likulia Bolongo8 explique que la maladie doit être une altération
grave ou sérieuse de la santé de la victime. Quant à l'incapacité de travail,
elle doit être sérieuse, soit par sa durée, soit par ses modalités. Elle n'est

1 P. AKELE, op. cit., p. 56.


2 Art. 1e, Décret du 3 décembre 1956.
3 Art. 153 Al. 1, Loi n° 09/001 portant protection de l’enfant.
4 Art. 138 Al. 1, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
5 Art. 138 Al. 2, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
6 Art. 138 Al. 3, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
7 Art. 47, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
8 LIKULIA BOLONGO, op. cit., pp. 97 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pas nécessairement totale. Il suffit que la victime soit dans l'impossibilité


de s'adonner à ses activités habituelles pour une durée assez longue. À
propos de la perte de l'usage absolu d'un organe, il doit s'agir d'une
infirmité permanente de toute partie du corps servant à remplir une
fonction nécessaire et utile. Il s'agit donc de la perte absolue d'un sens,
de l'ouïe, de la vue, de l'odorat, de la parole, la perte des facultés
mentales, la paralysie d'un membre, etc. Il ne suffit pas d'une difformité
permanente tel qu'un nez cassé, une oreille déchirée, un doigt coupé ou
la seule diminution visuelle. Enfin, sur la mutilation grave, il s'agit de
l'amputation d'un membre du corps — nez, bras, main, jambe, pied —
ou de la diminution sensible de l'usage d'un membre. C'est le cas de la
perforation du tympan ayant entraîné une diminution sensible de l'ouïe.

B. La mort : l'homicide préterintentionnel

« Lorsque les coups portés ou les blessures faites volontairement mais sans
intention de donner la mort l'ont pourtant causée, le coupable sera puni d'une servitude
pénale de cinq ans à vingt ans et d'une amende qui ne pourra excéder deux mille
zaïres »1. L'homicide préterintentionnel est une infraction particulière et
non de coups et blessures volontaires affectés d'une circonstance
aggravante. Elle consiste en des de coups et blessures volontaires ayant entraîné
la mort sans intention de la donner2. La mort n'est pas ici le résultat de la volonté de
l'agent, elle se trouve au au-delà de son intention.
L'homicide préterintentionnel requiert comme éléments
constitutifs : un acte matériel et positif, le résultat — la mort —, le lien
de causalité entre l'acte posé et la mort de la victime, et l'intention
criminelle3.

1. Élément matériel

L'acte matériel et positif est entendu ici, sur le modèle des coups et
blessures simples, comme « une action ou une omission ou abstention,
qui consiste en des coups et blessures : le coup s'entend ici de tout heurt
ou choc que l'agent inflige à la victime tandis que par blessure on voit

1 Art. 48, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 P. AKELE, op. cit., p. 58.
3 T.M.G. UVIRA, R.P. 060/07, 23 avril 2008.

895
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

toute lésion externe ou interne à la victime produite sur le corps humain,


peu importe le moyen ou instrument utilisé, la gravité du choc »1.
Sur le modèle du meurtre, la mort de la victime est le résultat de cette
infraction.
L'infraction requiert un lien de causalité entre l'acte posé et la mort de la
victime. La mort doit résulter directement des coups portés à la victime. Il a
été jugé que « la jurisprudence étend cette notion d'une façon très souple.
C'est ainsi qu'elle s'applique également si les coups, tout en n'étant pas mortels
en eux-mêmes, le sont devenus en raison de l'état morbide, de la prédisposition de la
constitution débile, de l'état pathologique de la victime ou encore si la mort est due à
des causes mises en activité par les coups »2. Peu importe le temps écoulé entre
la perpétration de l'acte incriminé et la mort, la loi n'ayant fixé aucun
délai. Il suffit qu'il ait un lien de causalité entre l'acte matériel et la mort
de la victime3.

2. Élément moral

L'intention doit avoir porté sur l'acte et non sur la mort, peu importe
que l'auteur des coups ait dû ou pu savoir que les coups auraient pour
résultat la mort de la victime, peu importe aussi le mobile4. L'auteur doit
avoir eu l'intention de faire du mal à la victime et non de la tuer. Il doit avoir
volontairement porté des coups sans intention de donner la mort.
L'intention doit avoir porté sur l'acte et non sur la mort qui en est
la conséquence — non voulue —. En effet, s'il ressort que l'auteur a
voulu la mort, il s'agira d'un meurtre. Cette différence d'intention est
cruciale, car selon que l'agent a eu ou non l'intention de donner la mort,
on peut passer de la qualification de meurtre — et la peine de mort — à
homicide préterintentionnel — entre cinq et vingt ans —, et vice versa5.

1 T.M.G. UVIRA, R.P. 060/07, 23 avril 2008.


2 T.M.G. UVIRA, R.P. 060/07, 23 avril 2008. Nos italiques.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 105.
4 T.M.G. UVIRA, R.P. 060/07, 23 avril 2008.
5 Voir par ex. T.G.I. KANANGA, R.P. 9478/950, 27 août 2004. En l'espèce, le

tribunal. a déterminé « qu'en date du 16 janvier 2003, [la victime] trouva la mort
à la suite des coups lui administrés par [le prévenu]. Que le prévenu, qui était allé
à la recherche de sa victime y était parti avec l'intention de le tuer, pour venger
son frère qui, semble-t-il, avait aussi trouvé la mort quelques heures auparavant
à la suite des agissements de [la victime] (...) que le prévenu n'a pas camouflé son
intention car à la question lui posée par le Tribunal. de savoir avec quelle
intention il suivait [la victime] ? Il a répondu (...) : avec intention de le tuer aussi

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Est reconnu coupable d'homicide préterintentionnel, le prévenu


qui déclare avoir brusquement tiré la victime, laquelle s'est cogné contre
mur. Après deux jours de malaises dus à ses coups, la victime est morte.
Le prévenu déclare que la victime était sérieusement ivre, cet état suivi
de ce heurt ne pouvant qu'entrainer la mort. Le prévenu pour lui, il tirait
violemment la victime, ne sachant pas que ce mouvement, ce heurt
contre le mur pouvait entraîner la mort, pourtant l'ayant entraîné1.
Il en est de même du prévenu qui avait sérieusement tabassé son
épouse en lui portant des coups de poings en désordre, lesquels coups
ont provoqué par la suite la maladie de cette dernière. Quelques temps
après, la victime précitée sera transférée dans un centre de santé du fait
que sa santé ne faisait que s'aggraver et de là, après avoir été soignée sans
succès, elle fut de nouveau transférée à l'hôpital dans un état de coma
pour enfin rendre l'âme2.
Pareil pour celui qui, en donnant un coup de pied au bas-ventre de
sa femme, endroit très délicat et très sensible, aurait dû avoir conscience
de la possibilité ou de la probabilité du résultat funeste que pouvait
produire directement ou indirectement son action, sans pour autant
avoir voulu ce dit résultat funeste3.

Section 2
L'administration de substances nuisibles

Aux termes de la loi, « sera puni d'une servitude pénale de un an à


vingt ans et d'une amende de cent à deux mille zaïres quiconque aura
administré volontairement des substances qui peuvent donner la mort ou des substances

comme il a tué mon grand frère ». En conséquence, il a requalifié la prévention


d'homicide préterintentionnel en meurtre.
À l'opposé, quand l'intention de donner la mort n'est pas établie, le juge
disqualifie la prévention de meurtre en homicide préterintentionnel. Dans une
espèce, il a jugé « qu'en donnant un coup de pied au bas-ventre de sa femme,
endroit très délicat et très sensible, le prévenu aurait dû avoir conscience de la
possibilité ou de la probabilité du résultat funeste que pouvait produire
directement ou indirectement son action, sans pour autant avoir voulu ce dit
résultat funeste » [C.A. KISANGANI, R.P.A. 1725, 10 mars 2005].
1 T.M.G. UVIRA, R.P. 060/07, 23 avril 2008.
2 T.G.I. LUEBO, R.P. 2570/RTE, 20 sept. 2004.
3 C.A. KISANGANI, R.P.A. 1725, 10 mars 2005.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

qui, sans être de nature à donner la mort, peuvent cependant gravement altérer la
santé »1.

Paragraphe 1
Élément matériel

L’élément matériel consiste en l’administration, par quelque procédé


que ce soit, des substances mortelles ou nuisibles. L'administration de
substances nuisibles suit ici le même régime que l'empoisonnement.
Il doit s’agir des substances nocives capables, soit de donner la mort, ou,
bien qu’incapables de donner la mort, peuvent néanmoins altérer gravement la santé.
Contrairement à l'empoisonnement qui est une infraction
matérielle, l'administration de substances nuisibles est une infraction
formelle. Alors que pour l’empoisonnement, la loi exige la mort de la
victime, ici, le simple fait d’administrer les substances susceptibles de donner la mort
sans que celle-ci s’en suive ou d’altérer gravement la santé suffit2.

Paragraphe 2
Élément moral

L’élément moral ou intentionnel réside dans la volonté de nuire par des


substances nocives. Le prévenu connaît l’effet nuisible de ces substances sur
la santé physique d’une personne humaine. Il agit avec l’intention de
nuire à la santé de la victime, mais non avec l'intention de tuer3 — car
dans ce cas, et lorsque la mort s'ensuit, il se rendrait coupable
d'empoisonnement —.

Section 3
Voies de fait ou violences légères

Aux termes de la loi, « sont punissables au maximum d'une


servitude pénale de sept jours et d'une amende de cent zaïres ou d'une
de ces peines seulement les auteurs de voies de fait ou violences légères exercées
volontairement, pourvu qu'ils n'aient blessé ni frappé personne, particulièrement, mais

1 Art. 50, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais. Nos
italiques.
2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 83.
3 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 254.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

sans intention de l'injurier, lancé sur une personne un objet quelconque de nature à
l'incommoder ou à la souiller »1.
Une voie de fait ou une violence légère, un acte volontaire autre qu’un coup qui,
par contact, atteint et incommode la personne physique sans la blesser, ni la frapper,
constitue l’infraction de violences légères et voies de fait. Les violences
légères et voies de fait sont des offenses physiques exclusives de coups
et blessures2.

Paragraphe 1
Élément matériel

Peut être qualifié de violence légère et voie de fait, le fait de crier à


l’oreille d’une personne à son insu. Il est en de même du fait d’embrasser
de force ou à l’improviste quelqu’un. Jeter quelqu’un par terre ou le
secouer ; pour un receveur de taxi bus, arracher une chemise ou des
chaussures à un client voyageur insolvable. Ces exemples constituent
également l’infraction. Cracher sur une personne, l’éclabousser ou
arroser volontairement un passant rentrent dans la même qualification.

Paragraphe 2
Élément moral

Les voies de fait ou violences légères doivent avoir été exercées


volontairement, c'est-à-dire, intentionnellement. Peu importe le mobile ; le
dol général suffit.

1 Art. 51, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 B. CIZUNGU, op. cit., p. 611.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Les atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité
physique

Aux termes de la loi, « est coupable d'homicide ou de lésions involontaires


celui qui a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention
d'attenter à la personne d'autrui »1.
Les atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique sont les
seules rares cas dans lesquels le législateur réprime un comportement posé
sans intention. Tombe ici sous le coup de la loi, le défaut de prévoyance ou de
précaution.
L'établissement de ces infractions requiert la réunion de la faute — le
manque de prévoyance ou de précaution —, le dommage et le lien de causalité.
Ces infractions se distinguent au niveau du préjudice.

Section 1
L’homicide involontaire

« Quiconque aura involontairement causé la mort d'une personne sera puni


d'une servitude pénale de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante à mille
zaïres »2.
Est ainsi coupable de cette prévention, le propriétaire d’un chien
enragé qui a causé la mort de la victime des morsures, s’il est établi que
ce chien n’était pas vacciné et qu’il a profité de la liberté lui accordée par
son maître qui n’avait pas pris les précautions d’enfermer son chien dans
sa maison ni de le tenir en laisse3. Il en est de même des prévenus qui
ont soumis une fillette à un jeûne et à la prière aux fins de la délivrer et
mort s’en est suivie4.

1 Art. 52, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 Art. 53, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 C.S.J., R.P. 288, 25 mars 1980.
4 TRIPAIX Kisangani/Makiso, R.P. 1633, 07 novembre 2003.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Les coups et blessures involontaires

« S'il n'est résulté du défaut de prévoyance ou de précaution que des coups ou


des blessures, le coupable sera puni d'une servitude pénale de huit jours à un an et
d'une amende de cinquante à cinq cents zaïres, ou d'une de ces peines seulement »1.
L’élément matériel est le même que pour les lésions corporelles
volontaires. Il s’agit des coups portés ou des blessures faites à un être
humain2.

Section 4
L’administration involontaire de substances nuisibles

« Sera puni des mêmes peines ou de l'une d'elles seulement celui qui aura
involontairement causé à autrui une maladie ou une incapacité de travail personnel
en lui administrant des substances qui sont de nature à donner la mort ou à altérer
gravement la santé »3.
L’élément matériel est l’administration des substances nocives,
c’est-à-dire, un agissement par lequel l’agent fait absorber à autrui, de
quelque manière que ce soit, une substance de nature à donner la mort
ou à altérer gravement la santé4.

Section 5
Le jet involontaire sur une personne d’une chose de nature à
l’incommoder ou à la souiller

« Sont punissables au maximum d'une servitude pénale de deux jours ou d'une


amende de vingt-cinq zaïres ceux qui, imprudemment, auront jeté sur une personne
une chose quelconque pouvant l'incommoder ou la souiller »5.
L’élément matériel de cette infraction est, comme son nom
l’indique, le fait de jeter sur une personne une chose de nature à
l’incommoder ou à la souiller. Tel est le cas du fumeur qui jette son
mégot par la fenêtre et brûle le chapeau d’un passant6.

1 Art. 54, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 260.
3 Art. 55, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
4 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 260.
5 Art. 56, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
6 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 261.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
LES ATTEINTES AUX LIBERTÉS ET À LA
DIGNITÉ
La Constitution proclame que « tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droits »1. Il en découle pour chaque être humain, la
liberté de circulation ou liberté d'aller et venir, la dignité humaine, le
respect de la vie privée et l'inviolabilité de son domicile. Le législateur
s'est posé en rempart contre les différentes atteintes à ces droits, en
réprimant les arrestations arbitraires, violations de domicile, diffamation
et injures.

1 Art. 11, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les atteintes à la liberté d'aller et venir : arrestation et
détention arbitraires

Aux termes de la Constitution, « tous les êtres humains naissent libres et


égaux en dignité et en droits »1. Par conséquent, « la liberté individuelle est
garantie. Elle est la règle, la détention l’exception »2. Le législateur
intervient dans la protection de cette liberté en pénalisant l'arrestation et
la détention arbitraires.
Aux termes de la loi, « est puni d'une servitude pénale d'un à cinq
ans, celui qui, par violences, ruses ou menaces a enlevé ou fait enlever, arrêté ou fait
arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une personne quelconque »3.

Section 1
Élément matériel

Paragraphe 1
Les actes matériels d'enlèvement, d'arrestation ou de détention

L'élément matériel est constitué par des actes d'enlèvement, d'arrestation


ou de détention.
L'enlèvement consiste dans le fait d'entraîner, de détourner, d'amener,
d'emmener, de déplacer une personne de l'endroit où elle se trouvait4.
L'arrestation consiste dans le fait de se saisir d'une personne, de
l'appréhender matériellement, c'est-à-dire au corps, l'empêcher de
continuer sa route, la priver physiquement de sa faculté, c'est-à-dire de
sa liberté d'aller et de venir à son gré5. La détention est le fait de retenir
une personne pendant une durée plus ou moins longue, en un lieu qui
peut être sa propre maison, une prison ou un lieu quelconque6.

1 Art. 11, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 17, Constitution du 18 février 2006.
3 Art. 67 Al. 1, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais. Nos

italiques.
4 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 112. Voir Ie Inst., Eq., 9 mars 1950 ; Ie Inst.,

Eq., 31 oct. 1956. Tombe également sous le coup, celui qui a surveillé la personne
illégalement détenue afin d'empêcher sa fuite [Boma, 3 nov. 1908].
5 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 113.
6 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Il a été jugé que le fait d’appréhender quelqu’un au corps, de


l’empêcher de se mouvoir et de l’enfermer dans une maison, est
constitutif de détention illégale1.
Un seul de ces faits suffit pour constituer l'infraction. Peu importe que
l'attestation ou l'enlèvement soit suivie d'une mise en liberté immédiate2.
Peu importe également, que la détention n'ait pas été précédée d'une
attestation ou d'un enlèvement. C'est le cas d'un bandit qui empêche des
citoyens de sortir d'un bar.
L'infraction n'existe pas seulement dans le chef de celui qui a posé
l'acte matériel, mais aussi dans le cas de celui qui fait enlever, arrêter ou
détenir. Dans ce dernier cas, l'agent doit avoir donné un ordre ou une
injonction ou encore une pression. Il n'est pas nécessaire que l'acte de
provocation soit caractérisé. Ainsi, constitue un acte de participation
criminelle à l'infraction d'arrestation arbitraire un ordre illégal de saisir la
victime donné par le prévenu dans une lettre trompeuse3.
À propos de cette pluralité de comportements, la Cour de cassation
de France a apporté quelques précisions fondamentales, dans le célèbre
arrêt Ben Barka, rendu en 1966, indiquant clairement qu’il existe en
réalité deux infractions contenues dans cette disposition : l’infraction
d’enlèvement, et celle de séquestration. En effet, selon la chambre
criminelle, « les crimes d’arrestation illégale et de séquestration illégale,
bien que prévus et réprimés par le même texte, n’en constituent pas
moins deux crimes distincts dont la nature et les éléments constitutifs
sont différents ; l’arrestation illégale est une infraction instantanée qui
consiste à appréhender au corps un individu, sans ordre des autorités
constituées et hors les cas où la loi ordonne de saisir des prévenus ; la
séquestration illégale est une infraction continue qui consiste à retenir
une personne dans un lieu quelconque, sans ordre des autorités
constituées, et hors les cas prévus par la loi »4.
Les différentes infractions sont donc autonomes : elles peuvent
exister l’une sans l’autre — arrêter illégalement, mais sans séquestrer, ce
comportement étant réalisé par un autre auteur, par exemple —, ou
cumulativement : « les crimes d’arrestation illégale, d’une part, enlèvement,
d’autre part, détention et séquestration illégales, de troisième part, bien

1 TRIPAIX Kananga, R.P. 683/CD, 22 déc. 2004.


2 Idem.
3 C.S.J., R.P., 15 mars 1975.
4 Cass. fr., Crim., 26 juill. 1966.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

que prévus et réprimés par le même texte, n’en constituent pas moins
des crimes distincts »1.

Paragraphe 2
Les moyens utilisés

Les moyens utilisés doivent être la violence, la ruse ou les menaces.


La violence s'entend de tout emploi de force, tout moyen de coercition
mettant un obstacle matériel à la liberté d'aller et de venir2. La violence
renferme les actes de contrainte physique tels que lier la victime,
l’enfermer ou la maintenir dans une pièce fermée à clé. Il en est ainsi du
seul fait de maintenir en prison un détenu acquitté par un tribunal ou
dans une maison d'arrêt3. L'infraction d'arrestation arbitraire existe dès
qu'il y a coercition, celle-ci équivaut à la violation prévue à l'article 67 du
code pénal4.
La ruse qui consiste dans des manœuvres tendant à paralyser la
volonté d'une personne ou la mettant dans l'impossibilité morale d'user
de sa liberté5. Il en est ainsi de l'usage d'une fausse qualité, de faux
uniformes pour faire croire à un ordre de l'autorité6. C'est également le
cas de celui qui fait croire à une personne que ses services sont sollicités
en contrepartie d’une rémunération alléchante et l’invite à se rendre dans
un local — bureau, hôtel, etc. — pour y signer le contrat de prestation7.
La menace consiste dans l'annonce d'un mal imminent que l'on veut faire
; elle trouble celui qui en est l'objet et constitue à son égard une violence
morale. Elle peut être faite par la parole, par geste ou en des termes
quelconques même sous forme déguisée. Elle peut être adressée soit
directement à la victime, soit par l'intermédiaire d'une tierce personne et
il suffit alors que cette menace ait été dans l'esprit de l'auteur, destinée à
parvenir à la victime même s'il n'est pas établi que celle-ci en a eu
effectivement connaissance8.

1 Cass. fr., Crim., 30 oct. 1996.


2 Léo., 30 déc. 1943.
3 C.S.J., 5 avr. 1973.
4 C.S.J., R.P.A. 18, 28 mars 1973.
5 Léo., 30 déc. 1943.
6 Élis., 20 janv. 1912.
7 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 275.
8 Ie Inst., Buk., 2 mai 1953.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'infraction est établie, peu importe que ces violences, ruses ou


menaces aient été exercés directement ou non sur la personne de la victime. Il
suffit qu'elles l'aient été sur la personne de ceux qui ont autorité sur elle
ou en ont la direction1.

Section 2
Élément moral

Paragraphe 1
L'intention criminelle

L’élément moral requis consiste dans la volonté de commettre un acte


illégal et arbitraire. En d’autres termes, l’auteur doit avoir connaissance
qu’il commet une arrestation ou une détention illégale.
Une arrestation ou une détention est illégale lorsqu’elle est faite en
dehors des cas autorisés par la loi. L’arrestation arbitraire suppose, dans le
chef de son auteur, l’intention de porter atteinte à la liberté individuelle
ainsi que la conscience effective de l’illégalité de l’acte posé2.

Paragraphe 2
Cas d'absence d'intention criminelle

Point 1
L'erreur de fait

L'intention ferait défaut et il n'y aurait par conséquent pas


infraction si l'agent a agi par erreur de fait3. Cas de celui qui, victime
d'une infraction, croit de bonne foi reconnaître un coupable, procède ou
fait procéder à son arrestation4.

Point 2
L'arrestation ou la détention justifiée par la loi

Lorsque l'arrestation ou la détention est justifiée par la loi, elle n'est


pas arbitraire. C'est le cas des arrestations et détentions faites par les

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 116.


2 C.S.J., R.P.A. 112, 20 nov. 1985.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 119.
4 C.S.J., 8 janv. 1970.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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officiers de police judiciaire ou du ministère public conformément aux


règles de procédure. C'est le cas également de l'arrestation opérée par un
particulier en cas de flagrance. C'est le cas encore de la détention d'un
enfant par ses parents en vertu de leur droit de correction.
Ainsi, ne tombent pas sous le coup de l’article 67, une arrestation
et une détention qui sont ordonnées ou seulement permises par la loi,
telles celles qui, pour des raisons de nécessités d’instructions judiciaires,
sont opérées par un magistrat du parquet ou un OPJ1.
La détention de l'enfant par ses parents doit être faite dans l'intérêt
supérieur de l'enfant et dans le bon sens. Ainsi, la détention à laquelle les
pères… peuvent soumettre leur enfant tomberait sous le coup de la loi
si elle excédait les limites du droit de correction2. Ce qui est le cas de
parents qui ont enfermé leur enfant plus d'un mois dans une pièce de
leur habitation3.
Hors des cas prévus par la loi donc, l'arrestation ou la détention est
arbitraire. Il a été jugé qu'un acte est arbitraire lorsque l'agent a agi par
caprice ou par dol, sas pouvoir indiquer aucune justification à l'appui de
son action4. Est arbitraire, l'arrestation d'un prévenu opéré par l'officier
du ministère public en instruction d'un litige à caractère civil5. L'ordre
donné par un supérieur hiérarchique n'est pas considéré comme
exonérant l'exécutant de sa responsabilité pénale dans le cas si
l'exécutant, chargé d'une mission importante de sécurité publique dans
une ville, arrête, détient arbitrairement et brutalise des personnes jusqu'à
ce que la mort s'en suive6.
Par contre, ne commet pas l'infraction, celui qui de bonne foi,
arrête un individu suspect pour assurer sa comparution devant
l'autorité7.

1 T.G.I. Bukavu, R.P. 83 84, 23 juin 1989.


2 Rennes, 19 fév. 1979.
3 Cass. fr., Crim., 27 sept. 1938.
4 C.S.J., 26 sept. 1974.
5 C.S.J., R.P.A. 106/107/108/109/110, 22 nov. 1985.
6 C.S.J., R.P.A. 16, 12 mai 1972.
7 Ie Inst., Cost., 8 déc. 1939.

909
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 3
Cas du simple dépôt d'une plainte

La jurisprudence considère que le simple dépôt d'une plainte par le


prévenu, même si par la suite il a fourni aux agents de l'ordre un moyen
de déplacement, ne saurait suffire pour établir l'infraction dans son chef1.
Le simple dépôt d'une plainte ne constitue pas un acte de complicité ou
de corréité dans l'arrestation ultérieure par les agents de l'ordre en vertu
de leurs pouvoirs propres2. Le dépôt d'une plainte contre quelqu’un ainsi
que le fait d'avoir à leur demande fourni aux agents de l'ordre le moyen
de déplacement n'établissent pas à suffisance qu'il savait qu'en agissant
de la sorte, son acte était illégal et arbitraire3. A faussement appliqué la
loi, la décision qui a condamné, pour avoir fait arrêter illégalement et
arbitrairement, celui qui ayant constaté que son domicile avait été violé
en son absence et ayant de ce chef déposé plainte, fut à la base de
l'arrestation de deux personnes par l'officier de police judiciaire
instrumentant4.

1 C.S.J., R.P. 15, 10 avr. 1975.


2 C.S.J., R.P. 144, 10 avr. 1976.
3 C.S.J., R.P. 15, 10 avr. 1976.
4 C.S.J., 8 janv. 1970.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Les atteintes à la liberté de domicile
La Constitution protège le domicile. Elle dispose que « le domicile est
inviolable. Il ne peut y être effectué de visite ou de perquisition que dans les formes et
les conditions prévues par la loi »1.
Aux termes de la loi, « tout individu qui, hors les cas prévus à
l'article 69, pénètre contre la volonté de l'occupant dans une maison, un appartement,
une chambre, une case, une cabane, un logement ou leurs dépendances clôturées, est
puni d'une servitude pénale de sept jours au maximum et d'une amende
de deux cents zaïres au plus ou d'une de ces peines seulement »2.
La violation de domicile consiste dans le fait de pénétrer dans un domicile
privé, sans permission de l’occupant ou de la loi3, mais sans emploi de violences,
menaces, effraction, escalade ou fausses clés.

Section 1
Élément matériel

Le mot domicile employé ici doit être entendu dans son sens le plus
large. Ainsi, il comprend non seulement le sens du Code de la Famille
mais aussi tout lieu, maison, appartement ou chambre où un individu,
soit seul, soit accompagné, a établi sa demeure ou sa résidence même
momentanée. La Cour de cassation de France a jugé que « le terme de
domicile ne signifie pas seulement le lieu ou une personne a son principal
établissement, mais encore le lieu où, qu’elle y habite ou non, elle a le droit de se
dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et
l’affectation donnée aux locaux »4. C’est ainsi qu’un bailleur ne peut pas
pénétrer de son propre gré dans la maison de son locataire ou encore un
hôtelier dans la chambre de son passager5.
C'est que, cette disposition n'a pas pour objet de garantir, d'une
manière générale, les propriétés immobilières des citoyens contre une
usurpation, même violente, mais seulement leurs demeures6.

1 Art. 29, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 70, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais. Nos
italiques.
3 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 552.
4 Cass. fr., Crim., 26 fév. 1963. Nos italiques.
5 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 288.
6 Cass. fr., Crim., 3 fév. 1955.

911
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le critère revient en pratique à appliquer ou non la qualification


selon qu'un local contient ou non des meubles meublants1.
Il importe peu que le local serve à l'exercice d'une profession s'il est
par ailleurs habité2. De même, peu importe que l'habitation soit
permanente, temporaire ou épisodique3.
Le domicile comprend aussi les dépendances qui sont les jardins,
cours, granges, parcs, etc. situés à l’intérieur de la même clôture que la
maison en cause.
Par contre, ne constitue pas un domicile, un bar qui par sa
destination est ouvert et accessible à tous4.

Section 2
Élément moral

L’élément moral de cette infraction est la conscience de pénétrer un


domicile sans la permission de la loi ou de son occupant. En d’autres termes, pour
que l’infraction soit établie, l’auteur doit savoir qu’il pénètre illégalement
dans le domicile d’autrui.
La qualité de propriétaire ne peut justifier la violation de domicile commise à
l'encontre des droits d'un autre. Ainsi un bailleur ne peut entrer contre le gré
du locataire dans la maison qu'il a donnée en location, ni un hôtelier dans
la chambre qu'un passager occupe dans son établissement, ni même un
employeur dans l'habitation que son serviteur occupe dans les
dépendances de sa maison5.
L'infraction de violation de domicile n'est pas établie lorsqu'il n'est
pas prouvé que le prévenu se soit introduit dans la demeure de son
occupant contre la volonté de ce dernier6. Cette autorisation doit
évidemment être valable, ce qui ne saurait être le cas si elle est donnée
par un enfant7. Par contre, commet la violation simple de domicile, celui
qui, devant le refus initial de l'occupant de lui ouvrir, le contraint par la

1 Cass. fr., Crim., 13 oct. 1982.


2 Cass. fr., Crim., 7 fév. 1994.
3 Cass. fr., Crim., 4 janv. 1977.
4 C.S.J., R.P. 144, 10 avr. 1976.
5 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 134.
6 C.S.J., R.P.A. 4, 22 juin 1972.
7 C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 155.

912
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

suite à le faire en créant du vacarme alertant voisins et curieux et


déterminant la victime à lui ouvrir pour faire cesser le scandale1.

Section 3
Circonstances aggravantes

Aux termes de la loi, « sera puni d'une servitude pénale de huit jours
à deux ans et d'une amende de trois cents zaïres au maximum ou d'une
de ces peines seulement celui qui, sans ordre de l'autorité et hors les cas
où la loi permet d'entrer dans le domicile des particuliers contre leur
volonté, se sera introduit dans une maison, une chambre ou un logement
habité par autrui ou leurs dépendances, soit à l'aide de menaces ou de violences
contre les personnes, soit au moyen d'effraction, d'escalade ou de fausses clefs »2.
L’escalade est l’action de s’introduire dans une maison, un bâtiment,
une cour, un édifice quelconque, un jardin, un parc, un enclos en passant
d’une part par-dessus les murs, portes, toitures, ou toute autre espèce de
clôture et, d’autre part, par une ouverture souterraine autre que celle qui
a été établie pour servir d’entrée3.
L’effraction est le fait de forcer, rompre, dégrader, démolir ou enlever toute
espèce de clôture extérieure ou intérieure d’une maison, édifice, construction
quelconque ou de ses dépendances4.
Les fausses clés sont des clés autres que celles destinées à la serrure, ou tout
instrument permettant d’ouvrir la serrure : passe-partout, crochet, clé
fabriquée5.

1 C.S.J., R.P.A. 16, 12 mai 1972.


2 Art. 69, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais. Nos
italiques.
3 Ie Inst., App Coq., 6 nov. 1931.
4 Léo., 10 fév. 1944.
5 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 290.

913
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

914
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Les atteintes à l'honneur : les imputations
dommageables et injures
Aux termes de la loi, « celui qui a méchamment et publiquement imputé à
une personne un fait précis qui est de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la
considération de cette personne, ou à l'exposer au mépris public, sera puni d'une
servitude pénale de huit jours à un an et d'une amende de vingt-cinq à
mille zaïres ou d'une de ces peines seulement »1. De même, « quiconque
aura publiquement injurié une personne sera puni d'une servitude pénale de
huit jours à deux mois et d'une amende n'excédant pas cinq cents zaïres
ou d'une de ces peines seulement »2.
La diffamation est toute imputation d'un fait de nature à porter atteinte à
l'honneur ou à la considération d'une personne ou à l'exposer au mépris3. L'injure
est toute expression outrageante, terme de mépris ou invective4.
La différence essentielle entre les deux réside au niveau de la nature
du fait imputé : alors diffamation exige l'imputation d'un fait précis dont
il est possible de prouver la véracité, l'injure ne requiert que l'expression
de propos outrageants sans se référer à un fait déterminé ou précis5.
D'élément moral commun, les deux infractions se distinguent sur
leurs éléments matériels.

Section 1
Les éléments matériels

Paragraphe 1
La diffamation

La diffamation est toute imputation d'un fait de nature à porter


atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou à l'exposer
au mépris

1 Art. 74, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 Art. 75, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 165.
4 Idem.
5 Ibidem., p. 165 ; M.-L. RASSAT, op. cit., p. 616 ; P. AKELE, op. cit., p. 84.

915
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
L'acte d'imputation

Imputer, c'est attribuer ou mettre au compte d'une personne déterminée un


fait quelconque. Le droit emploie indifféremment imputation et allégation1.
Une doctrine établit cependant une différence entre le deux : d'après
Michèle-Laure Rassat, il y a imputation dans l'expression d'une chose
qu'on dit avoir eu une connaissance personnelle ; tandis qu'il y a
allégation lorsqu'on traite d'une chose qu'on a pas personnellement eu
connaissance2.
Peu importe la façon dont l'imputation est formulée, de façon
interrogative, négative, conditionnelle ou hypothétique3. Peu importe également
que l'imputation soit directe ou indirecte4, ou qu'elle soit la reproduction
d'une diffamation antérieure5.
Il suffit que la victime soit désignée de façon suffisamment claire6.
Peu importe d'ailleurs qu'elle soit vivante ou déjà morte7.
Cette identification de la personne visée ne nécessite pas qu’elle ait
été nommément désignée, du moment qu’elle est reconnaissable8.
L'imputation peut être adressée à un individu, à une personne morale9,
ou à un groupe d’individus, du moment que, dans ce dernier cas,
l’individualisation est possible10.
L’auteur peut lui-même être à l’origine de l’insinuation ou de
l’allégation, ou bien l’attribuer à un tiers, réel ou fictif ou non identifiable
(« on dit que. »).

1 Élis., 18 mai 1943.


2 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 613.
3 Élis., 18 mai 1943.
4 Élis., 11 avr. 1944.
5 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 172.
6 Idem.
7 Élis., 18 mai 1913.
8 Cass. fr., Crim., 22 sept. 1998.
9 Cass. fr., Crim., 10 juill. 1937.
10 Cass. fr., Crim., 15 sept. 2009.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Le fait imputé

La loi exige que le fait imputé soit précis1. Un fait est précis lorsque
sa véracité ou sa fausseté peut faire l'objet d'une preuve directe ou d'une preuve
contraire, lorsqu'il est susceptible d'être positivement contrôlé ou éventuellement
démenti2. La Cour de cassation de France a rappelé ce principe dans un
arrêt rendu en assemblée plénière le 25 juin 2010 : « attendu qu’ayant
exactement retenu que les écrits incriminés n’imputaient aucun fait
précis, de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat
contradictoire, la cour d’appel en a déduit à bon droit que ces écrits, s’ils
revêtaient un caractère injurieux, ne constituaient pas le délit de
diffamation envers une administration publique »3.
Le fait précis peut être positif ou négatif, c'est-à-dire constituer en une
omission — reprocher à quelqu’un de ne pas avoir fait quelque chose —
4.

Point 3
Le préjudice

Le fait imputé doit porter atteinte à l’honneur — personnel — ou à


la considération — au regard du public —. Une appréciation objective est
nécessaire5.
Il y aura donc diffamation de dire à un écrivain qu'il n'est pas
l'auteur de ses livres6, mais non d'un homme politique qu'il est le
protecteur d'un lobby pétrolier7, ou qu'il a participé à une mission de
nature officielle, même de nature contestable8.
Un simple préjudice moral suffit. Il n'est pas nécessaire que la
victime soit exposée à des sanctions de quelconque nature9. Peu importe
que la victime soit attaquée dans sa vie privée, publique ou
professionnelle.

1 C.S.J., 4 avr. 1973.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 172.
3 Cass. fr., Ass. Plén., 25 juin 2010.
4 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 172.
5 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 617.
6 Cass. fr., Crim., 10 oct. 1972.
7 Cass. fr., Crim., 1e déc. 1998.
8 Cass. fr., Crim., 16 oct. 2001.
9 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 617.

917
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
L'injure

L'injure ne requiert pas l'imputation d'un fait précis. Un fait vague


suffit — traiter quelqu’un de voleur1 —.
Il n'est pas requis que l'expression porte atteinte à l'honneur ou à la
considération d'une personne, il suffit qu'elle soit outrageante ou offensante2.
Le juge apprécie souverainement le caractère injurieux d'une
expression.
Par exemple, dire « vous n’êtes que des putains et des grues »3, ou
bien qu’une personne « est la dernière des pourritures »4 constituent des
injures. Caractérise également une injure le fait pour un magistrat,
supérieur hiérarchique, de traiter un juge d’irresponsable, puisqu’une
telle qualification ne contient l’imputation d’aucun fait précis5.

Paragraphe 3
Un élément commun : la publicité

La publicité est requise. Sans elle, le fait ne pourrait constituer


qu'une injure simple.
La publicité est définie d'après les circonstances et le lieu. Ainsi la
publicité peut résulter soit de propos proférés, soit d'écrits ou images
distribués, vendus ou exposés dans des lieux ou réunions publiques. S'il s'agit
de paroles, elles doivent être proférées à haute voix dans les lieux publics
ou en présence de la victime et d'une tierce personne6.
Par lieux publics, on entend outre les lieux publics par nature, c'est-à-
dire affectés à l'usage de tous et accessibles à chacun à tous moments
(voie publique) ; les lieux publics par destination (bureau, salles d'audience,
salles des cours) ouverts au public à certains moments déterminés7 ; et
aussi les lieux publics par accident, privés en principe, mais devenant

1 Cass. fr., Crim., 31 janv. 1867.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 175.
3 Cass. fr., Crim., 6 janv. 1949.
4 Cass. fr., Crim., 24 nov. 2009.
5 Cass. fr., Crim., 13 avr. 2010.
6 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 166.
7 C.S.J., 28 mars 1973.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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occasionnellement publics par le fait de la présence d'un certain nombre


de personnes1.
Les propos doivent être prononcés de telle sorte qu'ils soient
entendus par des tierces personnes2.
La présence d'une seule personne — un tiers — suffit pour
caractériser la publicité3.
S'il s'agit d'écrits ou d'images, l'exposition doit avoir eu lieu dans un
lieu public. La vente et la distribution d'écrits ou images réalisent par
elles-mêmes la publicité même si elles n'ont pas eu lieu dans un lieu
public4.
Mais un écrit adressé à la seule personne injurieuse ne peut
constituer l'infraction d'injure publique sauf s'il a été adressé à plusieurs
personnes5.

Paragraphe 4
L'injure non publique

Lorsque les propos n'ont pas été proférés en public, le fait constitue
la prévention d'injure non publique punie à l'article 77.
Tombent sous le coup de cette disposition, les injures par
téléphone6. Il n'est pas nécessaire que la personne injuriée soit citée
nommément7.

Section 2
L'élément moral

L'agent doit avoir agi « méchamment », c'est-à-dire dans l'intention


de nuire. Ainsi, les propos adressés par simple plaisanterie ne sont pas
des injures au sens de la loi8.

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 167.


2 Idem.
3 C.S.J., 28 mars 1973.
4 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 167.
5 Idem., p. 168.
6 C.S.J., 12 mai 1972.
7 Léo., 8 mars 1956.
8 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 169.

919
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La vérité est indifférente à la constitution de l'infraction1. Peu importe


donc, que le fait allégué soit exact ou inexact2.
La diffamation se distingue, cependant, de la simple critique. En
réprimant la diffamation, le législateur n'a pas entendu interdire toute
critique. Il existe en effet un droit de critique à l'égard de toute activité
— politique, artistique, commerciale —. Des propos défavorables ne
deviennent donc diffamatoires que dans la mesure où ils excédent ce qui
est admissible dans cette critique, ou bien parce qu'ils visent la personne
et non l'activité3.

1 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 616.


2 Cass. fr., Crim., 15 fév. 1901.
3 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 618.

920
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 4
Les atteintes à la liberté sexuelle, à la pudeur et à la
moralité sexuelle
Section 1
Le viol

Le viol est une conjonction sexuelle qui suppose l’absence de consentement de


la victime1.
Quiconque sera reconnu coupable de viol sera puni d'une peine de
servitude pénale de cinq à vingt ans et d'une amende ne pouvant être
inférieure à cent mille francs congolais constants2.

Paragraphe 1
Éléments matériels

Point 1
Les actes matériels

La nouvelle écriture de l'article 170 du Code pénal a largement


étendu la définition des actes matériels du viol, pour être sûr de viser
tous les types de comportements sexuels à l'ère de l'évolution du temps.
Cette disposition vise en effet, « le fait pour tout homme, quel que
soit son âge, d’introduire son organe sexuel, même superficiellement dans celui d’une
femme ou du fait pour toute femme, quel que soit son âge, d’obliger un
homme à introduire même superficiellement son organe sexuel dans le
sien ; le fait pour tout homme de pénétrer, même superficiellement l’anus, la
bouche ou tout autre orifice du corps d’une femme ou d’un homme par un organe
sexuel, par toute autre partie du corps ou par un objet quelconque ; le
fait pour toute personne d’introduire, même superficiellement, toute autre
partie du corps ou un objet quelconque dans le vagin ; le fait pour toute personne
d’obliger un homme ou une femme à pénétrer, même superficiellement
son anus, sa bouche ou tout orifice de son corps par un organe sexuel,
par toute autre partie du corps ou par un objet quelconque »3.

1 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 277.


2 Art. 170 al. 2, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 Nos italiques.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le législateur réprime donc l'introduction par l'homme de son


organe sexuel dans celui de la femme, même superficiellement, ou le fait
de la femme de l'y contraindre. Il vise également l'introduction par
l'homme, de son organe sexuel, ou de toute autre partie du corps, ou
encore de tout objet quelconque, dans le vagin, l'anus, la bouche, ou tout
autre orifice du corps de la femme ou de l'homme selon le cas.
On peut donc grouper ces situations en viol avec ou sans sexe —
c'est-à-dire avec un objet quelconque —, par l'homme ou la femme, dans
le sexe ou dans tout autre orifice du corps de la victime — l'homme ou
la femme —.

Point 2
L'absence de consentement

Pour constituer le viol, les actes ci-dessus énumérés doivent l'avoir


été « à l’aide de violences ou menaces graves, ou par contrainte, par
surprise, par pression psychologique, soit à l’occasion d’un
environnement coercitif, soit en abusant d’une personne malade, altérée
mentale ou victime de toute autre cause accidentelle ou privée de ses
sens par quelques artifices ». Le législateur vise donc un large éventail de
situations qui peuvent se résumer en l'absence de consentement1.
Ainsi, pour le cas de la violence, il a été jugé que l'élément moral
caractérisant le viol est l’intention coupable résultant de la violence
physique exercée par le prévenu sur la personne de la victime2.
C’est aussi l’intention coupable résultant manifestement de la
violence et des menaces à l’aide de l’arme exhibée par le prévenu ainsi
que la présence d’une section des militaires sous son commandement3,
impliquant l’environnement coercitif.
Un exemple de la surprise est constitué par un cas où, le prévenu a
été condamné pour s’être introduit nuitamment par effraction de la porte
dans la chambre de sa victime, alors qu’elle était profondément
endormie, lui a ôtée subrepticement et à son insu vêtements et sous-
vêtement, puis a introduit le pénis dans le vagin et a enfin éjaculé, au
moment où réveillée en sursaut par le liquide séminal la victime a surgi
de son sommeil et crié au secours4.

1 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 686.


2 T.G.I. Ituri, R.P. 14565, 30 janvier 2008.
3 T.M.G. Ituri, R.P. n° 062/07, 14 mars 2008.
4 T.G.I. Kinshasa/Gombe, R.P. 18667, 17 juill. 2009.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Constitue tout de même une tentative, le fait pour un agent qui


tente d'imposer des relations sexuelles à une fille, d'entraîner la victime
dans un lieu écarté, notamment en brousse, de la coucher par terre, de
la déshabiller1.
Par contre, le fait pour une fille âgée de dix-neuf de passer toute la
nuit dans la chambre du prévenu, avec la bénédiction de sa grande sœur
et d’y consommer des relations sexuelles avec le prévenu sans
administrer la preuve d’avoir subi des violences ou d’avoir été forcée,
n’est pas constitutive d’infraction2.

Paragraphe 2
Élément moral

L’élément moral est l’intention d’imposer à la victime des rapports sexuels3.


L’absence de consentement de la victime doit apparaître au travers des
moyens utilisés ci-dessus.
L'infraction est réalisée, peu importe que la jouissance sexuelle ait
été ou non obtenue4.
L'infraction existe, peu importe que la victime soit ou non vierge,
mariée, prostituée ou qu'elle se livre habituellement à la débauche, jeune
ou vielle. Toutefois, le caractère de basses mœurs de la victime peut
constituer une circonstance atténuante.

Section 2
L'attentat à la pudeur

Aux termes de la loi, « tout acte contraire aux mœurs exercé


intentionnellement, et directement sur une personne sans le consentement valable de
celle-ci constitue un attentat à la pudeur »5. L'attentat à la pudeur commis avec
violences, ruses ou menaces sur des personnes de l'un ou l'autre sexe sera puni
d'une servitude pénale de six mois à cinq ans6.
L’attentat à la pudeur est tout acte contraire aux mœurs exercé
intentionnellement et directement sur une personne sans son

1 C.A. Kis., 18 sept. 1969.


2 T.G.I. Goma, R.P. 18.988, 5 août 2008.
3 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 279.
4 Boma, 7 fév. 1905.
5 Art. 167 Al. 1, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
6 Art. 168 Al. 1, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

consentement valable. Cet acte doit être de nature à procurer du plaisir


à son auteur ou à inciter le désir sexuel de la victime1.

Paragraphe 1
Éléments matériels

L'attentat à la pudeur est constitué par tout acte contraire aux


mœurs exercé directement sur une personne sans le consentement
valable du celle-ci.

Point 1
L'acte matériel

L'attentat à la pudeur est constitué par tout acte contraire aux


mœurs. Il doit s'agir d'un acte impudique, de nature à offenser la pudeur,
d'un acte réellement immoral2. La loi vise ici la notion générale de pudeur,
de façon objective3. Le juge apprécie. Toutefois, cette notion n'est pas
moins relative, elle varie selon le temps et le lieu.
Il a été jugé qu'un fait trop peu grave peut constituer une infraction
d’attentat à la pudeur. Il peut présenter un degré d’impudicité suffisant
pour outrager la pudeur publique4.
Il s'agit en général d'actes de nature sexuelle. Ainsi, constitue des faits
matériels d'attentats à la pudeur, le fait de souiller par attouchements
obscènes, le bas-ventre d'une personne5 ; le fait de rapprocher ses parties
sexuelles de celles de la victime6 ; le fait d’exhiber sa nudité et de frotter
son pénis contre les parties intimes de la victime7 ; le fait de relever les
vêtements d'une fillette, de lui mettre les cuisses à nu, de passer à
plusieurs reprises sa main sur les parties sexuelles de l'enfant en
l'embrassant, d'y introduire l'un de ses doigts ou de sortir son membre
viril et de chercher à le lui faire toucher8.

1 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 277.


2 Élis., 13 avr. 1943.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 318.
4 Elis.,13 avril 1943.
5 Ie Inst., App., Kasaï, 19 déc. 1951.
6 C.A. Kis., 11 sept. 1969.
7 T.G.I. Kinshasa-Kalamu, R.P. 7691, 8 juin 2000.
8 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 319.

924
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'attentat à la pudeur ne se distingue du viol que par l'absence de


pénétration sexuelle.
Aux termes de la loi, l'attentat existe dès qu'il y a commencement
d'exécution1. Il y a donc inexistence de la tentative punissable de
l’infraction d’attentat à la pudeur.

Point 2
Acte exercé directement sur la personne

L'adverbe « directement » signifie que la loi exige un contact avec le


corps de la victime. L'acte doit avoir été commis « sur la personne de la
victime », peu importe que ce soit en public ou en privé, peu importe
qu'il y ait caresse ou brutalité2. Il a été jugé que l'acte matériel est
constitué par toute action physique et immédiate contraire aux mœurs
exercée sur une personne3. Il importe peu que l'acte ait eu lieu en public
ou en privé.

Point 3
Absence de consentement

L'acte impudique doit être exercé sans le consentement valable de la


victime. Cette absence de consentement se caractérise par les violences,
ruses ou menaces, à l'instar du viol.

Paragraphe 2
Élément moral

L'intention coupable est requise. L'agent doit avoir agi sciemment,


avec volonté d'enfreindre la loi4. A ce sujet, il a été jugé que l’intention
coupable de l’attentat à la pudeur se manifeste par la connaissance du
caractère criminel ou immoral de l’acte5.

1 Art. 169, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 320.
3 Élis., 12 fév. 1916.
4 C.A. Kis., 11 sept. 1969.
5 T.M.G. Bukavu, R.P. 178/07, 27 mars 2008.

925
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 3
Les outrages

On distingue l'outrage public à la pudeur et l'outrage public aux


bonnes mœurs.

Paragraphe 1
L'outrage public à la pudeur

L'outrage public à la pudeur suppose nécessairement un acte, une


attitude ou un geste impudique. Cet acte impudique doit avoir été
commis en public. L'agent doit avoir agi avec conscience d'offenser la
pudeur d'autrui. L'acte doit avoir pour effet de corrompre les mœurs1.

Point 1
Les éléments matériels

A. L'acte matériel

L'acte matériel est constitué par toute action susceptible de blesser la


pudeur.
L'acte peut constituer en une attitude ou un geste, ce qui exclut des
discours, propos, paroles, images ou chansons obscènes ou impudiques
qui ne peuvent être retenues que comme outrages aux bonnes mœurs.
L'acte d'outrage à la pudeur ne suppose pas un contact entre le corps de
la victime et celui du coupable.
L'outrage est commis par la personne qui se fait voir et non par
celle qui regarde.
Par sa nature, l'acte matériel doit être de nature à blesser la pudeur,
d'une part, et doit avoir pour effet de corrompre les mœurs, d'autre part.
L'acte susceptible de blesser la pudeur se caractérise par l'effet que
l'acte peut avoir sur ceux qui en sont les témoins : scandale, acte qui
choque l'honnêteté ou la pudeur.
Il en est ainsi du fait de passer la main avec une insistance
outrageante sous la robe d'une femme.
L'outrage se rencontre généralement dans l'exhibition de la nudité
du corps2.

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 327.


2 Idem., p. 329.

926
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Dans certains milieux, certains actes considérés comme obscènes


ne peuvent aux yeux des natifs, ni blesser la pudeur, ni corrompre les
témoins.

B. La publicité

L'acte ne peut être réprimé que s'il a été accompli publiquement.


La publicité peut concerner les milieux publics ou privés1.

1. Dans un milieu public

Dans les milieux publics, la publicité est constituée, peu importe


que l'acte ait été aperçu ou non
Ainsi, un individu a été condamné pour avoir commis un acte
obscènes dans les bois à 30 mètres du chemin2.
Il s'agit là des lieux publics par nature, tels que la route par exemple.
Dans les lieux publics par destination, tels que l'église, ou le stade, la
publicité est constituée lorsque l'acte a été commis pendant les heures
d'ouverture.
Dans les lieux publics par accident comme l'hôpital, la voiture, la
publicité est constituée dès l'instant où l'agent a prévu ou a pu prévoir qu'il serait
surpris par une personne.

2. Dans les milieux privés

Dans les lieux privés, la publicité peut résulter de la disposition même


des lieux. Il en est ainsi lorsque les fenêtres de la maison donnent sur la
rue.
La publicité peut encore résulter d'un défaut de précaution. C'est le cas
d'une négligence à fermer la porte d'une chambre d'hôtel.

3. Cas de la présence des témoins

La publicité peut encore résulter de la présence de témoins3. On


distingue ici les témoins volontaires des témoins involontaires. Dans le
premier cas — cas des personnes curieuses —, il n'y a pas publicité. Dans

1 Ibidem., pp. 332-335.


2 Boma, 12 déc. 1905.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 335.

927
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

le second, l'infraction est retenue même si l'outrage a été commis dans un lieux privé
et clos. Il n'est pas nécessaire que le témoin ait aperçu les actes obscènes,
il suffit qu'ils aient pu se rendre compte des faits immoraux qui
s'accomplissent en leur présence.

Point 2
Élément moral

L'élément moral réside dans la volonté de l'auteur d'offenser, de blesser ou


de froisser la pudeur, soit dans la négligence apportée pour cacher l'acte
obscène.

Paragraphe 2
L'outrage public aux bonnes mœurs

Point 1
L'élément matériel

L'infraction peut être commise par un objet quelconque — écrit,


chansons, figures, images, emblèmes, etc. — contraire aux bonnes
mœurs.
Les bonnes mœurs sont une notion relative, variable dans le temps
et dans l'espace. 338
À son époque déjà, Likulia Bolongo renseignait que cette notion va
en se rétrécissant chaque jour, car on admet à l'heure actuelle, ce qui
pouvait faire autrefois frémir1.
Le juge apprécie.
Constituent l'acte, des photographies représentant des personnes
nues.
L'acte est constitué par l'exposition, la vente et la distribution (l'élément
publicité n'est pas nécessairement requis2 — ; la détention, distribution,
importation, transport et annonce en vue du commerce. La publicité est
requise ici3 ; l'impression, la reproduction et la fabrication.

1 Idem., p. 339.
2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 340.
3 Idem.

928
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Élément moral

L'infraction est intentionnelle. Le simple dol général suffit1.

1 Ibidem., p. 342.

929
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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930
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 4
LES ATTEINTES À LA PROPRIÉTÉ
Le droit de propriété est un droit fondamental. La Constitution
dispose que « la propriété privée est sacrée »1. Le législateur réprime les
différentes formes d'atteintes à ce droit. Elles ont pour élément commun
une dépossession de sa chose par le propriétaire en l'absence de son
consentement. En fait, il s'agit d'un transfert — illégal — de la propriété
d'une chose — en réalité, de la possession d'une chose — réalisée sur un
vice de consentement — la fraude, le dol, la violence, un consentement
dépassé —.

1 Art. 34 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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932
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Le vol
Le vol peut être simple ou aggravé.

Section 1
Le vol simple

Paragraphe 1
Éléments matériels

L’élément matériel du vol consiste en la soustraction d’une chose


mobilière appartenant à autrui1. Les vols commis sans violences ni menaces
sont punis de cinq ans au maximum de servitude pénale et d'une amende
de vingt-cinq à mille francs, ou d'une de ces peines seulement2.

A. Acte de soustraction

« Le vol consiste à soustraire frauduleusement la chose d’autrui, d’où il suit


qu’il n’y a de vol dans le sens de la loi que lorsque la chose, objet du délit, passe de la
possession de légitime détenteur dans celle de l’auteur du délit, à l’insu ou contre le gré
du premier ; pour soustraire, il faut prendre, enlever, ravir »3. L'élément
caractéristique du vol est la soustraction. Il est constitué lorsque la chose
passe de la possession du légitime détenteur dans celle de l'auteur de l'infraction, à
l'insu et contre le gré du premier4.
Il y a donc une indication matérielle : il faut une manipulation
matérielle, manuelle de la chose ; une indication juridique : cette
manipulation doit manifester la contestation de la propriété d'autrui ; une
indication criminologique : le vol est, dans sa nature, une infraction
violente, même s'il se réalise sans violence directe contre les personnes
ou les biens5.
Ainsi pour soustraire une chose, il faut la prendre, la subtiliser, la
dissimuler, l'enlever, l'appréhender, la ravir à son légitime possesseur6. Ainsi

1 Art. 79, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.


2 Art. 80, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
3 Cass. fr., Crim., 18 nov. 1837.
4 Boma, 26 mars 1901.
5 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 143.
6 Distr., Luapula-Moero, 11 fév. 1958.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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est coupable de vol, celui qui s'empare d'un billet de banque glissé dans
la poche d'un vêtement1.
Il faut donc un déplacement de la chose. Et comme l’infraction de
vol est une infraction instantanée, il importe peu que le voleur restitue
ensuite la chose soi-disant « empruntée » : le vol d’usage est bien un vol2.
Détenir ou retenir même injustement la chose d'autrui n'est pas
soustraire au sens de la loi. Mais si l'agent retient la chose d'autrui se
trouvant en sa possession dans l'intention de se l'approprier, cette
rétention devient frauduleuse et est, par conséquent, assimilée à la
soustraction frauduleuse constitutive de vol3.
Ainsi, sera coupable de vol celui qui, après avoir vendu à un tiers
un objet, se l'approprie ensuite sciemment et subrepticement, pour se
tenir indemne de la somme rendue sur le prix de vente4.
Sera coupable également de vol, le créancier qui, dans une pensée
de fraude, s'approprie volontairement le bien d'autrui sous le prétexte
qu'il possède une créance contre sa victime5.
Le vol est constitué en cas de remise involontaire, soit contrainte —
par la violence6 ; la menace7 —; soit inconsciente — comme celle faite
par un jeune enfant8 ; ou par un dément —.
Le vol est également constitué en cas de remise précaire ou temporaire.
En effet, si la remise volontaire exclut la soustraction frauduleuse, il ne
peut en être de même dans le cas où cette remise ne porte que sur la
détention matérielle et précaire de la chose9.
Ainsi, s'est rendu coupable de vol, le débiteur qui s'est fait remettre
sous prétexte de le vérifier avant de payer, le titre en vertu duquel le
paiement lui est réclamé, telle la facture acquittée, puis refuse ensuite de
payer en prétendant qu'il a en mains la preuve de sa libération10. C'est le
cas également du facteur qui s'approprie un objet confié à la poste11. Cas

1 District Nord-Kivu, 18 nov. 1957.


2 C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 201.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 376.
4 Idem., p. 377.
5 Trib Ie Inst., Cost., 21 mai 1952.
6 Ie Inst., Cost., 8 juill. 1936.
7 Boma, 3 nov. 1908.
8 Ie Inst., app., Élis., 8 fév. 1943.
9 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 378.
10 Ie Inst., app., Coq., 21 août 1958.
11 Ie Inst., app., Coq., 21 août 1958.

934
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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également du domestique qui s'approprie une somme que le maître lui


avait remise pour les dépenses du ménage1.
Il y a également vol en cas de remise conditionnelle. C'est le cas de celui
qui, présentant un gros billet de banque en vue d'obtenir la monnaie,
emporte et la monnaie à lui rendre et le billet remis mais subtilisé aussitôt
en profitant de l'intention de la victime. C'est le vol au rendez-vous2.

B. La chose susceptible de vol

En principe, seuls les biens meubles sont susceptibles de vol3. Le droit


pénal est ici autonome par rapport au droit civil relativement à la
distinction entre bien meuble et immeuble. Le droit pénal distingue
plutôt les biens mobiles de ceux qui sont réellement immobiles, c'est-à-
dire fixe par leur nature-même et insusceptibles de toutes appréhension
matérielle. On parle plutôt de stellionat, pour désigner le « vol » des
immeubles.
Sur la question des choses immatérielles, la jurisprudence consacrait
déjà depuis bien longtemps le vol d'eau, d'électricité4, de gaz5. La
répression se justifiait dans la perte de la valeur économique que
représentent ces choses6. On parlait même de vol d'énergie7 dans le chef
de celui qui s'empare d'une automobile pour la restituer ou l'abandonner
après s'en être servi un certain temps8 ; ou dans celui qui utilise
frauduleusement une auto9.

C. La propriété d'autrui

Le vol exige que la chose appartienne à autrui.


Il importe peu que l'auteur soit connu ou non10. Il suffit de
constater que la chose ne pouvait appartenir à celui qui l'a prise11.

1 Ie Inst., Élis., 13 avr. 1937.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 379.
3 M-L. RASSAT, op. cit., p 132 ; LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 379.
4 Élis., 27 fév. 1940.
5 C.G. Garnison Gombé, 11 juin 1983.
6 Ie Inst., Élis., 22 mai 1944.
7 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 381.
8 Élis., 30 nov. 1954.
9 Ie Inst., Élis., app., 22 mai 1944.
10 Cass. fr., Crim., 23 déc. 1963.
11 Cass. fr., Crim., 16 mars 1923.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ainsi, ne commet pas le vol, la personne qui soustrait sa propre chose qui se
trouve entre les mains d'une autre personne. Le prêteur qui reprend
subrepticement la chose empruntée, viole les règles de droit civil, mais
ne commet pas de vol1. Toutefois, tel n'est pas le cas du vendeur à crédit
qui a perdu, avec la vente, sa propriété2. Par ailleurs, la loi punit, le
débiteur saisi qui récupère subrepticement ses biens est puni sous le coup
de détournement des objets saisis, puni de la même peine que le vol3.
En cas de copropriété, il y a vol pour la part de la chose qui ne lui
appartient pas4. Ainsi sera poursuivi pour vol, le cohéritier qui s'empare
de la totalité de la chose reçue en héritage5.
La chose volable doit être susceptible d'appropriation juridique6. Il n'y a
pas vol — mais peut-être d'autres incriminations — à soustraire le corps
humain ou ses organes, par exemple. Lorsque l'appropriation juridique
est constituée, il y a vol, même si la détention de la chose est illicite. Ainsi
peut-on voler des stupéfiants7.
Il n'est pas nécessaire que le propriétaire ait subi un préjudice du
fait du vol de la chose. Ainsi y a-t-il eu vol dans la soustraction des copies
du baccalauréat qui sont la propriété de l'État, mais dont ce sont les
élèves qui ont subi le préjudice8.
Il n'y a pas non plus vol lorsque la chose n'appartient à personne, soit
qu'elle n'a pas encore été appropriée — res nullius, comme les gibiers (dans
le respect des règles en la matière) — ; soit qu'elle a été abandonnée — res
derelictae, telles que les ordures, épaves, vieux vêtements jetés —9, ce
qui n'est pas le cas lorsqu'elle a simplement été perdue10.

Paragraphe 2
Élément moral

Il s’agit d’une infraction intentionnelle. Il faut que l’agent ait eu


conscience de l’appartenance de la chose à autrui et qu’il ait eu la volonté de se

1 M-L. RASSAT, op. cit., p 138. Voy. Cass. fr., Crim., 13 janv. 1971.
2 Cass. fr., Crim., 12 oct. 1976.
3 Art. 83, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
4 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 382.
5 C.S.J., 28 janv. 1976.
6 M-L. RASSAT, op. cit., p 140.
7 Cass. fr., Crim., 3 avr. 1909.
8 Paris, 24 juin 1965.
9 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 382.
10 M-L. RASSAT, op. cit., p 142.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l’approprier. Cette volonté coupable doit se manifester par l’intention de se


comporter en propriétaire de la chose, ne serait-ce qu’un instant1. L'élément
moral, non seulement un dol général, mais aussi un dol spécial consistant
dans la volonté d'appropriation de la chose d'autrui2.
Ainsi n'y a-t-il pas vol lorsque l'agent, créancier de la victime, a eu
uniquement en vue de se procurer un gage3.
Il a été jugé que pour qu'il y ait vol, il faut que l'agent s'empare de
la chose comme propriétaire alors qu'il sait qu'elle est à autrui et que le
propriétaire n'y consent pas4.
Le vol suppose donc une triple intention qui consiste dans la
connaissance que la chose soustraite appartient à autrui ; la connaissance
du défaut de consentement du propriétaire de la chose ; le fait de se
comporter ou d'user de la chose comme un propriétaire5.
Ainsi n'y a-t-il pas vol lorsque l'agent ignore par erreur de fait la
propriété d'un autre sur la chose. Cas d'un chasseur qui confond le gibier
d'un autre au sien et s'en empare6.
Il n'y a pas non plus vol lorsque l'agent n'avait pas connaissance du
défaut de consentement du propriétaire7.
Le repentir actif est inopérant, bien que pouvant jouer comme
circonstance atténuante8.

Section 2
Les vols aggravés

Le vol peut être aggravé par des circonstances tenant aux moyens
utilisés, aux modes d'exécution, à la qualité de l'agent, au lieu et au temps,
ainsi qu'aux effets9.

1 C. AMBROISE-CASTEROT, op. cit., p. 203.


2 Boma, 14 mars 1911.
3 Ie Inst., Stan, 19 avr. 1955.
4 Ie Inst., Stan, 7 sept. 1954.
5 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 390.
6 Boma, 14 mars 1911.
7 Boma, 4 déc. 1900.
8 Léo., 27 janv. 1955.
9 Voy. Art. 82-85, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Les moyens utilisés

Le vol est aggravé s'il est commis à l'aide d'effraction, d'escalade ou


de fausses clés.

Point 1
L'effraction

On entend par effraction, la rupture, le bris, la démolition, l'enlèvement,


la dégradation d'une clôture ou de tout autre dispositif servant à fermer un passage,
ou à protéger des objets susceptibles de vol1. L'effraction peut être extérieure ou
inférieure selon qu'elle permet l'accès au lieu du vol ou s'accomplit dans
ce lieu.
Lorsque la protection de l'objet n'est pas sérieuse, c'est-à-dire, lorsqu'il n'y a
pas un obstacle matériel, il ne saurait y avoir effraction2. Il en est ainsi d'une
simple caisse dont on ne détermine ni le système de fermeture, ni la
résistance et l'épaisseur des planches3 ou d'une valise4, ou encore de la
fracture d'un cadenas fixé à la chaîne qui attache une pirogue à la rive5.
Le fait d'ouvrir une porte au moyen d'un verrou qu'il suffit de tirer ne
peut être retenu comme effraction. De même du fait d'éventrer un sac
au moyen d'un couteau6, ou encore de dégarnir méthodiquement les
carreaux d'une porte et des fenêtres en vue de se les approprier7. Il n'y a
pas effraction lorsqu'il n'existe pas une défense sérieuse contre les
tentatives des délinquants8. Il n'y a pas non plus effraction lorsque le bris
se situe après la consommation du vol, alors que le voleur a déjà mis en
sécurité la chose soustraite9.

1 Léo., 10 fév. 1944.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 388.
3 Léo., 10 fév. 1944.
4 Ie Inst., Elis, 14 déc. 1930.
5 Ie Inst., Coq., 12 août 1948.
6 Ie Inst., app., Stan, 2 déc. 1924.
7 Distr., Luapula-Moero, 11 fév. 1958.
8 Ie Inst., App., Élis., 14 oct. 1930.
9 Ie Inst., Stan, 12 août 1948.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Par contre, constituent une effraction, le fait de dégrader une


clôture extérieure d'une propriété pour permettre le passage1 ou de briser
une vitre pour entrer dans une maison2.
La circonstance que le voleur était copropriétaire de la clôture, de
l'armoire ou du meuble forcé pour commettre le vol n'exclut pas
l'existence de l'effraction3.

Point 2
L'escalade

Il y a escalade dans le fait de pénétrer dans le lieu du vol par une entrée
autres que celles destinée à cet usage, et en tout cas en dehors de la voie d'accès
normale4. Il en est ainsi du fait d'entrer dans un lieu en rampant dans une
conduite d'aérage5, ou en se frayant un passage sous la porte de
l'habitation6, en passant par le trou de la vitre brisée d'une fenêtre7.
Il n'y a pas escalade si le voleur a recours à cette voie non pour
entrer mais pour sortir du lieu du vol8.
L'escalade ne peut être qu'extérieure, et non intérieure. Ainsi n'y a-t-
il pas escalade lorsque le voleur, qui se trouve à l'intérieur de l'habitation,
s'introduit dans une pièce par l'imposte d'une fenêtre intérieure9.
Toutefois, il y a escalade lorsque l'agent qui, après avoir pénétré dans une
habitation, s'introduit par cette voie dans le logement de la victime, qui
occupe une chambre d'une maison, qui comporte plusieurs pièces ayant
chacune un locataire différent10.

1 Ie Inst., Élis., 12 août 1948.


2 Léo., 15 avr. 1950.
3 Léo., 15 avr. 1950.
4 Distr., Lualaba, 13 janv. 1962.
5 Ie Inst., app., Coq., 6 nov. 1931.
6 Distr., Maniema, 25 nov. 1943.
7 Kin., 12 mai 1972.
8 Distr., Kibali-Ituri, 9 mars 1945.
9 Élis., 15 avr. 1950.
10 Ie Inst., Léo., 18 fév. 1955.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 3
les fausses clés

Les fausses clés désignent toutes les clés imitées, contrefaites, altérées,
perdues, égarées, volées et celles qui n'ont pas été destinées par le propriétaire aux fins
auxquelles le coupable les a employées1.
Il a été jugé que constitue l'usage de fausses clés, l'utilisation d'une
clé cachée par le propriétaire et soustraite par le voleur2.
Par contre, il n'y a pas usage de fausses clés lorsque l'agent utilise la
véritable clé que le propriétaire avait laissé trainer par négligence3.

Paragraphe 2
Circonstances aggravantes tenant au lieu et au temps

Le vol est aggravé lorsqu'il est commis la nuit dans une maison
habitée. Les deux conditions sont cumulatives.

Point 1
Le temps : la nuit

Le vol commis la nuit est aggravé, lorsqu'il est commis dans une
maison habitée ou ses dépendances.
La nuit désigne « la période de temps comprise entre le coucher et le lever du
soleil pendant laquelle l'obscurité favorise les activités du délinquant en lui permettant
de passer inaperçu »4, peu importe que l'endroit soit ou non éclairé.

Point 2
Le lieu : une maison habitée

Le vol doit être commis dans une maison habitée ou ses


dépendances.
La maison habitée est tout lieu quelconque servant à habitation. Il n'est
pas nécessaire que le lieu ait été effectivement habité pendant le vol.
Cette circonstance existe même s'il n'y a personne. Il suffit qu'elle lieu

1 Ie Inst., 14 janv. 1930.


2 Ie Inst., 14 janv. 1930.
3 Ie Inst., Élis., 12 mai 1925.
4 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 391.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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soit habituellement occupé1. Constituent une maison habitée, une tente2,


le bateau qui sert d'habitation notamment au capitaine3, un hôpital4, un
poste de police où fonctionne une permanence, mais non un bureau
occupé seulement pendant le jour pour des fonctions administratives5.
Les dépendances d'une maison habitée sont toutes les constructions
ou terrains qui se trouvent dans le voisinage immédiat d'une maison habitée6. Cas
de la véranda non clôturée d'une habitation7, du jardin attenant à la
maison8, le garage attenant à la maison9.

Paragraphe 3
Circonstance tenant à la qualité de l'agent

Le vol est aggravé lorsqu'il est commis par un fonctionnaire public à


l'aide de ses fonctions ou par une personne ayant pris le titre ou les insignes d'un
fonctionnaire public ou allégué un faux ordre de l'autorité publique.
Le vol peut être commis par un fonctionnaire à l'aide de ses
fonctions. Le fonctionnaire est entendu ici largement. Le vol doit avoir
été commis à l'aide de ses fonctions. C'est le cas du gendarme qui profite
d'une visite domiciliaire pour s'emparer d'un objet dans la maison où il
perquisitionne10.
Par ailleurs, le vol peut être commis par un faux fonctionnaire
public. L'agent doit avoir déclaré à la victime qu'il était fonctionnaire
alors qu'il ne l'est pas. Cette manœuvre doit avoir déterminé la
soustraction11.

1 Idem.
2 Distr., Maniema, 27 mai 1935.
3 Ie Inst., Eq., 21 avr. 1955.
4 Ie Inst., app., Coq., 25 juillet 1935.
5 C.G. Maniema, 16 déc. 1935.
6 Ie Inst., Coq., 26 août 1933.
7 Ie Inst., Coq., 26 août 1933.
8 Ie Inst., Élis., 21 sept. 1937.
9 Ie Inst., Stan, 20 janv. 1953.
10 Cons. guerre, 4 mai 1969.
11 Kin., 21 août 1974.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
Circonstances tenant aux modes d'exécution

Point 1
Le vol à mains armées

L'arme comprend toutes machines, instruments, ustensiles ou autres objets


tranchants, perçants ou contondants1, telle une hache2. Le juge appréciera au
regard de la nature de l'objet. Ainsi, constitue un vol à mains armées, le
vol réalisé à l'aide d'un coup mortel de pierre porté à la victime3.
Au sujet du moment où se placer pour caractériser cette
circonstance aggravante, Likulia Bolongo4 estime qu'il faut scruter
l'intention de l'agent, il faut qu'à la détention se joigne l'intention coupable. La
circonstance est réunie lorsque l'agent s'est muni de l'arme spécialement
pour réaliser son crime, dans l'intention de faciliter l'exécution du vol,
peu importe l'usage.

Point 2
Le vol à l'aide de violence ou de menace

La violence ou la menace aggrave le vol. Ainsi, le fait d'immobiliser


la victime pendant le vol, de lui boucher la bouche, lui arracher le sac à
main, la fouiller, la dépouiller, la gifler et lui donner des coups légers
caractérisent la violence5. La violence peut être légère6.
Quant à la menace, elle doit avoir déterminé l'agent à ne pas résister
à l'attaque7.

1 Ordonnance-loi n° 299 du 16 décembre 1963.


2 C.S.E., 21 juin 1974.
3 C.S.E., 21 juin 1974.
4 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 396.
5 Ie Inst., Léo., 21 juin 1946.
6 Boma, 14 déc. 1911.
7 Boma, 3 nov. 1908.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 5
Circonstances tenant aux effets : le meurtre commis pour faciliter
le vol ou pour en assurer l'impunité

Dans le premier cas du meurtre commis pour faciliter le vol, la


circonstance est réunie peu importe que le meurtre soit réalisé avant ou
après le vol1.
Dans le deuxième cas du meurtre commis pour en assurer
l'impunité, la circonstance est réunie lorsque l'agent, après avoir réalisé
son vol, s'aperçoit qu'il a été vu par un témoin qui le connait et tue ce
dernier2.

1 L’shi., 11 déc. 1969.


2 C.S.E., 21 juin 1974.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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944
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
L'escroquerie

L'escroquerie est le fait de se faire remettre volontairement une


chose appartenant à autrui soit en faisant usage d'un faux nom ou d'une
fausse qualité, soit en employant des manœuvres frauduleuses1.
Elle se distingue de l'abus de confiance en ce que la remise est
obtenue irrégulièrement, par des manœuvres frauduleuses. Le
consentement de la victime à remettre sa chose est vicié. Elle se distingue
également du vol en ce qu'elle suppose la remise de la chose, alors que
dans le vol, la chose est soustraite.

Section 1
Élément matériel

L'escroquerie suppose la remise d'une chose, une chose


escroquable, et l'emploi de moyens frauduleux.

Paragraphe 1
L'emploi de moyens frauduleux

L'escroquerie suppose que la remise a été obtenue par l'emploi de


certains procédés bien déterminés de nature à vicier le consentement de la victime.
Il s'agit de l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, ou de
manœuvres frauduleuses. Ainsi, tout mensonge n'est pas forcément constitutif
d'escroquerie.
Est un faux nom ou une fausse qualité, ceux dont l'intéressé n'a pas
le droit de se prévaloir. Il en est ainsi d'un nom ou d'une qualité imaginaires,
du nom d'autrui ou d'un nom qu'on a plus le droit d'utiliser — cas d'une
femme divorcée —.

1 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 319.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 1
Usage de faux noms ou de fausse qualité

A. Usage de faux noms

Par faux nom, il faut entendre un nom autre que le nom véritable de la
personne qui l'utilise. Il peut s'agir d'un nom patronymique, post-nom,
prénom, ou même pseudonyme, pourvu qu'il soit susceptible de provoquer
une erreur sur l'identité d'une personne1. Il importe peu que ce faux nom soit
réel ou imaginaire, qu'il soit usurpé verbalement ou par écrit, avec ou
sans le consentement de la personne dont le nom a été usurpé2. Porter
son propre nom ne peut constituer l'infraction, même s'il est homonyme
à celui d'une personne plus célèbre, à moins que l'agent ait cultivé la
confusion3.
Par ailleurs, il importe peu que l'usage d'un faux nom ou d'une
fausse qualité soit accompagné d'autres manœuvres frauduleuses. Il
suffit à lui seul pour caractériser l'infraction4.
Il a été jugé que le fait de se faire remettre dans une intention
frauduleuse une attestation au nom d'un tiers, en se faisant passer pour
celui-ci constitue une escroquerie5.
Mais il est nécessaire que l'usage soit déterminant. Ainsi ne commet
pas une escroquerie celui qui n'use d'un faux nom que pour vivre
commodément une aventure amoureuse6.

B. Usage de fausse qualité

La qualité dont question ici n'est pas une qualité morale7. Ainsi, ne
commet pas l'infraction, celui qui se prétend faussement économe,
sérieux ou diligent. La fausse qualité est entendue généralement comme
un faux état civil, un faux titre, une fausse profession ou fonction, un faux diplôme8.

1 Distr., Lualaba, 5 août 1961.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 404.
3 Cass. fr., Crim., 5 sept. 1901.
4 Boma, 8 sept. 1908.
5 C.A. Kin., 29 déc. 1966.
6 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 405.
7 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 181.
8 L’shi., 11 oct. 1969.

946
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Peu importe que la qualité soit réelle ou imaginaire, que l'usage soit
verbal ou écrit. Peu importe encore que l'usage de fausse qualité soit
accompagné ou non d'autres manœuvres frauduleuses. Mais il suffit que
l'usage soit déterminant et qu'il tende au but de l'escroquerie, c'est-à-dire à la
remise des fonds, meubles ou valeurs1. Ne commet donc pas l'infraction
celui qui se vante d'une fausse qualité en vue de jouir de la considération
dans son quartier. Par contre, commet l'infraction, celui qui prend la
fausse qualité de représentant d'une firme afin d'encaisser chez un client
de cette firme le prix des marchandises fournies par elle2. De même de
celui qui s'attribue la qualité de guérisseur et prétend guérir et soulager
en faisant des invocations, en accompagnant ces prières de passes ou de
gestes mystérieux et se fait ainsi remettre des fonds comme prix de ces
consultations3.
En revanche, ne constitue pas l'usage de fausse qualité, le fait de se
prétendre à tort solvable ou faussement riche4. De même, ne caractérise
pas la fausse qualité, l’affirmation d’un droit. Cas de celui qui se prétend
créancier d'un autre5, ou propriétaire d'un bien6. Il a été jugé que celui
qui vend un vélo volé en s'en prétendant faussement propriétaire, ne
commet pas une escroquerie, le prix lui a été remis par l'acheteur en
contre-valeur de l'objet cédé, il n'a porté aucunement atteinte à la
propriété d'autrui7.
L'usage d'une qualité perdue est assimilée à la fausse qualité8.
Il en est de même de l'usage abusif d'une vraie qualité9. L’abus de qualité
vraie consiste en un détournement, par l’auteur de l’infraction, de sa propre qualité
afin de se faire remettre indûment des fonds, valeurs ou des biens
quelconques10. La notion de qualité est ici prise dans un sens étroit. Seuls
les membres de professions inspirant une confiance particulière au
public sont concernés : avocat, médecin, dentiste, maire, etc. Ainsi, un
avocat qui persuade son client (et victime) que pour gagner son procès
en droit des affaires il faut corrompre un administrateur judiciaire

1 L’shi., 11 oct. 1969.


2 Léo., 5 nov. 1951.
3 C.G., 14 fév. 1943.
4 Ie Inst., Léo., 6 oct. 1951.
5 Cass. fr., Crim., 6 oct. 1980 ; Ie Inst., Élis., 21 déc. 1936.
6 Cass. fr., Crim., 5 oct. 2005.
7 Ie Inst., Élis., 21 déc. 1936.
8 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 406.
9 Idem.
10 C. AMBROISE-CASTÉROT, op. cit., p. 216.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

commet un abus de qualité vraie en recevant ainsi des sommes indues


de la part de son client1.
La fausse qualité, ou le faux nom, doit seulement avoir été
déterminante : si le mensonge a été déterminant, il est suffisant. Ainsi, a-t-
on jugé que le fait d’utiliser un faux nom pour réserver une chambre
d’hôtel est un élément indifférent et ne constitue pas une escroquerie,
car l’identité d’un client n’est jamais déterminante de l’acceptation d’une
réservation2.

Point 2
Manœuvres frauduleuses

Les manœuvres frauduleuses peuvent être définies comme des


éléments extérieurs qui crédibilisent le mensonge dolosif. Elles s’ajoutent au mensonge
et permettent la caractérisation de l’infraction. L’équation est la suivante
: mensonge + manœuvres = escroquerie3.
Pour que l'infraction soit retenue, il faut que ces manœuvres soient
antérieures à la remise et constituent une cause déterminante de celle-ci4,
mais aussi tendent au but de l'escroquerie5, c'est-à-dire, à persuader l'existence
de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, pour faire
naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre
événement chimérique pour abuser autrement de la confiance ou de la
crédulité.

A. Caractères des manœuvres frauduleuses

La manœuvre frauduleuse doit constituer un acte positif ou actif. La


simple abstention ne constitue pas l'infraction6. La manœuvre doit être
antérieure à la remise et déterminante de celle-ci. La manœuvre doit
constituer en une mise en scène, une série de faits qui s'appuient les uns sur
les autres pour arriver à créer une impression d'ensemble7.

1 Cass. fr., Crim., 30 juin 1999.


2 T. corr. Grasse, 1er sept. 1948.
3 C. AMBROISE-CASTÉROT, op. cit., p. 216.
4 Boma, 7 janv. 1913.
5 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 407.
6 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 407.
7 Cost., 5 mars 1951.

948
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Nature des manœuvres frauduleuses

La manœuvre renvoie au fait matériel et extérieur destiné à appuyer le


mensonge générateur d'escroquerie1. Les mensonges verbaux ou écrits doivent
être corroborés par d'autres faits extérieurs qui ont pour but de les rendre
vraisemblables et de surprendre la bonne foi2.
C'est qu'en effet, l'escroquerie se distingue du simple mensonge.
Les simples allégations mensongères, même formulées dans l'intention
coupable en vue de s'approprier la chose d'autrui, ne sont pas des
manœuvres frauduleuses3. On estime qu'une personne normalement
prudente, équilibrée et sensée ne peut se laisser prendre à de simples
propos grossièrement mensongers.
Il a ainsi été jugé que les machinations des féticheurs et sorciers qui,
moyennant rétribution, promettent la pluie, écartent ou jettent des
mauvais sorts ou se livrent à d'autres pratiques absurdes, ne tombent
sous le coup de la loi, que pour autant que leurs allégations mensongères
soient accompagnées d'une mise en scène destinée à leur donner du
crédit et soient faites de mauvaise foi, c'est-à-dire avec la connaissance
de l'absurdité de ces pratiques4. Ne commet pas l'infraction la personne
qui, sans employer de manœuvre pour persuader qu'elle possède un
pouvoir imaginaire, remet à autrui, dans un but de lucre, des
médicaments qu'elle sait sans valeur5.
Le fait matériel et extérieur qui caractérise la manœuvre frauduleuse
se présente sous diverses formes : mise en scène, production des pièces
ou documents, abus de qualité vraie, publicité, intervention d'un tiers,
etc.

C. But des manœuvres frauduleuses

L'agent doit avoir employé ces manœuvres pour persuader


l'existence de fausses entreprises, persuader d'un pouvoir ou d'un crédit
imaginaire, faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident
ou de tout autre événement chimérique, abuser autrement de la
confiance et de la crédulité.

1 Boma, 19 mars 1901.


2 Ie Inst., Eq., 13 nov. 1952.
3 Ie Inst., Eq., 13 nov. 1952.
4 Parq. Haut-Lomami, 4 janv. 1949.
5 Élis., 16 déc. 1913.

949
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Remise ou délivrance de la chose

La remise consiste en une tradition. L'agent doit s'être fait remettre la


chose convoitée1, soit directement, soit indirectement par la poste par
exemple. L'agent peut avoir reçu la chose lui remise en personne, ou par
un intermédiaire. Il a été jugé que le premier élément constitutif à retenir
en matière d'escroquerie est la remise d'une chose mobilière par la
personne escroquée. À défaut de cette remise, l'infraction d'escroquerie
ne peut être retenue2.
Si la remise a été empêchée par des circonstances extérieures à la
volonté de l'agent, la tentative est constituée.

Paragraphe 3
La chose objet de la remise

Les choses objets de la remise sont limitativement énumérées par


la loi. Il doit s'agir de fonds ou argent, meubles, obligations, quittances, décharges.
La valeur vénale de la chose importe peu. Il peut s'agir d'une lettre
quelconque3. Il doit s'agir d'une chose matérielle, et non des services. Il n'y
a pas infraction dans le chef de celui qui obtient de sa victime qu'elle
consente à une aventure amoureuse, de se faire transporter gratuitement,
ou d'entrer dans un cinéma4.
La quittance renvoie à tout acte qui crée, établit, constate, supprime
une obligation. Cas de la décharge éteignant une obligation, la conclusion
d'un contrat de vente, de prêt, tout document portant remise de dette,
tout autre titre permettant d'obtenir une somme d'argent ou une remise
de dette.

Section 2
Élément moral

L'intention coupable est exigée. Elle se caractérise par la volonté, la


conscience de s'approprier une chose appartenant à autrui par l'un des

1 Ie Inst., app., Kiv., 26 juin 1957.


2 C.S.J., R.P. 130, 15 avr. 1975.
3 Kin., 29 déc. 1966.
4 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 415.

950
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

procédés ci-dessus. L'élément moral ne saurait résulter de la simple


imprudence ou négligence commise par l'agent1.

1 Idem., p. 416.

951
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

952
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 3
L'abus de confiance
L'abus de confiance consiste à détourner ou dissiper au préjudice d'autrui,
l'une des choses énumérées par la loi (disons, un « bien »), remise par la victime à
l'auteur de l'infraction en vertu d'un contrat, à charge, pour le détenteur, de rendre
cette chose ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé1. En clair, l'abus de
confiance est le détournement d'un bien qui avait été remis dans un but précis2.
L'abus de confiance se distingue du vol et de l'escroquerie. Alors
que le voleur soustrait, enlève, appréhende la chose à l'insu et contre le gré
de la victime, alors que l'escroc l'obtient en agissant sur la volonté de
celle-ci antérieurement à cette remise déterminée par les procédés
frauduleux, l'auteur de l'abus de confiance, lui, se fait remettre régulièrement
la chose en vertu d'un contrat, chose qu'il conserve, c'est-à-dire, qu'il
détourne ou dissipe.

Section 1
Conditions préalables

L'infraction suppose trois conditions préalables : un contrat, une


remise et une chose objet de la remise.

Paragraphe 1
Un contrat

Point 1
Nature du contrat : contrat translatif de la détention ou de la
possession d'une chose

L'abus de confiance requiert l'existence d'un contrat3, un accord de


volonté en vertu duquel la chose a été remise à titre précaire. L'absence de contrat
empêche l'existence de l'infraction4.
L'abus de confiance implique la violation d'un contrat translatif de la
détention ou de la possession d'une chose5.

1 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 418.


2 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 418.
3 Boma, 25 oct. 1904 ; Boma, 7 avr. 1908.
4 C.S.J., R.P.A. 66, 5 déc. 1980.
5 Boma, 25 oct. 1904 ; Kiv., 13 mars 1977.

953
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Ce contrat ne confère à l'accipiens que des droits limités sur la chose,


consistant en une simple détention ou possession précaires. Il ne reçoit la chose
qu'à la charge de la rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé.
Il n'y a donc pas infraction si le contrat avait pour but un transfert de propriété1.
Il doit s'agir d'un accord de volonté en vertu duquel la chose n'a été
remise qu'à titre précaire2.
Il en est ainsi du gagiste qui détourne et vend les choses à lui
remises.
C'est aussi le cas en matière de prêt à usage, lorsque par exemple le
bénéficiaire remet l'objet prêté en gage3. La chose donnée en gage ne
doit pas être consomptible, auquel cas il y a prêt de consommation qui
est exclusif de l'abus de confiance4.
Il en est de même en matière de mandat. Le mandataire qui détourne
les objets à lui remis commet l'infraction. C'est le cas de celui qui, chargé
de gérer une entreprise, détourne à son profit tout ou partie des
bénéfices5, ou de celui qui détourne de l'argent qui n'était entre ses mains
que pour remettre au propriétaire6. Peu importe si le montant détourné
au supérieur à celui remis. Ainsi commet l'abus de confiance le
mandataire qui, pratiquant en cette qualité des prix illicite de vente,
détourne à son profit la différence entre le prix légal et le prix illicite7.
De même en matière de transport. Le transporteur qui s'approprie,
ou détruit une partie de la chose transportée commet l'abus de
confiance8.
Aussi, en matière de travail, il y a abus de confiance dans le
détournement de la chose remise en vue d'un certain travail. Peu importe
qu'il soit salarié, rémunéré ou gratuit. Ainsi commet l'infraction le
courrier qui détourne le tissu qui lui était remis pour confection.
Les contrats de louage et de dépôt peuvent également donner lieu à
l'abus de confiance, lorsque le locataire par exemple détourne la chose
en location.

1 Ie Inst., Eq., 13 mai 1954.


2 Kin., 13 mars 1977.
3 Ie Inst., Coq., 20 sept, 1934.
4 Ie Inst., Eq., 13 mai 1954.
5 C.S.J., 1 déc. 1976.
6 Distr., Luebo, 26 avr. 1968.
7 Léo., 13 mai 1948.
8 Ie Inst., R.-U., 7 mai 1948.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Par contre, les contrats d'échange, de prêt à consommation ou de


vente, ne peuvent en principe donner lieu à l'abus de confiance. Mais si
le vendeur qui conserve provisoirement à titre de dépositaire ou de
mandataire, détourne l'objet remis dont l'acquéreur est déjà devenu
propriétaire, il y a abus de confiance1.

Point 2
Preuve du contrat

En vertu du principe « le juge de l'action est aussi juge de l'exception


», toutes les contestations sur l'existence et les conditions du contrat sont
de la compétence de la juridiction répressive saisie de la poursuite et qui
les examine souverainement2. La preuve est apportée par toutes voies de
droit3.

Point 3
Nullité du contrat

La nullité du contrat ne supprime pas l'infraction, peu importe


qu'elle soit absolue ou relative4.

Paragraphe 2
La remise de la chose

La remise volontaire en vertu d'un contrat de la chose détournée est


nécessaire à l'existence de l'infraction. Cette remise doit être faite à titre
précaire. Peu importe que la chose n'ait pas été remise à l'agent lui-même,
mais à son auteur, ou qu'elle ait été remise à l'agent par un tiers et non
par celui avec lequel il a contracté5.

1 Ie Inst., Élis., 9 janv. 1913.


2 Kin., 13 mars 1977.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 425.
4 Cass. fr., Crim., 18 fév. 1937 ; LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 425.
5 Cass. fr., Crim., 15 avr. 1899.

955
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 3
La chose, objet de la remise

La chose doit être effet, denier, marchandise, billet, quittances,


écrits de toute nature contenant ou opérant obligation ou décharge. Les
effets sont des objets mobiliers commercialisables, telle une voiture. Les
deniers sont des sommes d'argent. Le point commun de ces choses, est
qu'il s'agit de biens meubles, mais de meubles incorporels1 — mise à part la
marchandise —.

Section 2
Éléments constitutifs

Paragraphe 1
L'élément matériel

Point 1
Acte de dissipation ou acte de détournement

L'élément matériel est caractérisé par le détournement ou la


dissipation2.

A. L'acte de dissipation

La dissipation consiste en un acte de disposition mettant l'agent dans


l'impossibilité de rendre ou restituer la chose reçue3.
La dissipation peut consister en un acte matériel ou juridique.
Un acte matériel de consommation, de destruction, de
détérioration ou d'abandon. Un acte juridique de vente4, de donation, de
remise en gage5.
Pour les choses non-fongibles, telle une voiture louée, l'infraction est
établie peu importe que l'agent soit solvable ou en mesure de réparer le préjudice
causé6. Mais pour les choses fongibles, telle une somme d'argent,

1 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 222.


2 Kin., 13 mars 1977.
3 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 428.
4 Boma, 26 mars 1901.
5 Ie Inst., Coq., 20 sept. 1934.
6 Kin., 3 nov. 1972.

956
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'infraction n'est retenue que lorsque l'agent se trouve dans l'impossibilité


de restituer en valeur la chose reçue, par exemple lorsqu'il est insolvable1.

B. Acte de détournement

L'acte de détournement peut être établi dans l'usage abusif de la


chose. Il en est ainsi lorsque l'affectation d'un bien n'est pas respectée. C'est le
cas de l'administrateur d'une société qui utilise à son profit personnel les
biens de la société2.
L'acte de détournement peut encore être établi dans le refus de
restitution. Le simple retard ne suffit pas, il faut qu'il y ait appropriation3.
Il y a appropriation injuste lorsque l'agent nie par exemple avoir reçu la
chose alors qu'il est établi qu'elle lui a été remise ou lorsqu'il ne justifie
pas l'usage qu'il en a fait4. Dans ce cas, l'infraction existe peu importe la
solvabilité de l'agent5.
Il y a également refus de restitution en cas de rétention injuste de la
chose au-delà du cadre conventionnel6.

Point 2
Le préjudice

La loi punit quiconque a frauduleusement soit détourné, soit dissipé


« au préjudice d'autrui » des effets. Le préjudice est exigé.
L'infraction peut être établie lorsque la victime est propriétaire,
possesseur ou détenteur, peu importe7. Peu importe également que la
personne qui a contracté ne soit ni propriétaire, ni possesseur, ni même
détenteur8.

Le préjudice subi est large. Il peut être réel ou simplement éventuel9.


Peu importe que l'agent soit en mesure de réparer10.

1 C.S.J., 1e déc. 1976.


2 C.S.J., 1e déc. 1976.
3 C.S.J., 1e déc. 1976 ; Kin., 3 nov. 1972.
4 C.S.J., 1e déc. 1976.
5 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 430.
6 Boma, 3 janv. 1901.
7 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 431.
8 C.G., App., 10 juill. 1901.
9 Kin., 3 nov. 1972.
10 C.G., App., 10 juill. 1901.

957
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il n'est pas nécessaire que la victime ait été privée définitivement de


la propriété, il suffit qu'elle ait été empêchée, même temporairement,
d'exercer ses droits sur la chose1.
Le préjudice n'a pas forcément à correspondre à un enrichissement
corrélatif du patrimoine de l'auteur. Ainsi, il importe peu que l'auteur se
soit appropriée l'objet2, ou qu'il en ait tiré un profit personnel3.
Le préjudice doit être direct, et non par ricochet4. Ainsi les
créanciers ne peuvent se plaindre du préjudice subi par le patrimoine du
débiteur, à moins qu'ils aient eu sur la chose précisément détournée un
droit particulier5.

Paragraphe 2
L'élément moral

L'infraction requiert une intention frauduleuse. Cette intention


consiste dans la connaissance de violer le contrat en ayant conscience qu'il causait
un préjudice6.
Cette intention se déduit de l'impossibilité de restituer la chose ou
d'en faire un usage déterminé7. L'agent devra s'être conduit sciemment
comme propriétaire de la chose8, notamment par la vente de la chose ou
par l'utilisation des sommes d'argent9.
L'intention frauduleuse doit être établie. Elle ne peut être présumée10.
Ainsi la simple constatation d'un déficit, même inexpliqué, ne suffit
pas11.
L'intention peut se déduire des dépenses excessives jointes à un
manquant, d'irrégularités, du désordre dans la comptabilité pour autant
qu'elles soient voulues et non le résultat de l'inexpérience, de l'ignorance,
de la distraction12.

1 Cass. fr., Crim., 16 fév. 1977.


2 Cass. fr., Crim., 19 oct. 1944.
3 Cass. fr., Crim., 9 avr. 1973.
4 M.-L. RASSAT, op. cit., p. 240.
5 Cass. fr., Crim., 8 juin 1849.
6 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 413.
7 C.S.J., 1e déc. 1976.
8 Ie Inst., Stan., 24 août 1954.
9 C.S.J., 1e déc. 1976.
10 C.S.J., 8 oct. 1969.
11 Élis., 11 oct. 1921.
12 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 432.

958
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il n'y a pas non plus intention frauduleuse si la restitution a été


empêchée par un cas de force majeure1.
L'intention n'existe donc que si l'agent était conscient de la précarité de
la détention et du préjudice qu'il pouvait causer2, peu importe qu'il ait tiré profit
ou non de l'acte. La destination donnée à l'objet n'a aucune incidence sur
le caractère délicieux de l'acte3. La solvabilité de l'agent n'exclut pas
forcément l'intention frauduleuse4.
Le mobile et le repentir actif sont inopérants. Ainsi, la restitution
de la chose détournée postérieurement à l'infraction est sans influence
sur l'existence de l'abus de confiance5.
L'agent peut opposer aux poursuites engagées contre lui la
compensation, la remise de la dette, la confusion ou encore la
prescription.

1 Distr., Jadot., 26 sept. 1963.


2 C.S.J., 1e déc. 1976.
3 Ie Inst., 24 août 1954.
4 Kin., 3 nov. 1972.
5 Boma, 18 mars 1899.

959
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

960
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 4
L'extorsion

L'extorsion est le fait de se faire remettre ou d'obtenir par la force, c'est-à-


dire à l'aide de violences ou de menaces, soit une chose appartenant à autrui, soit
signature d'un document contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge1.
L'extorsion requiert que la chose soit obtenue par la force. Elle se
distingue du vol avec violences par le fait que si le voleur opérant avec
violence et profitant de l'impuissance de la victime, s'empare lui-même
de la chose, l'extorqueur, quoique recourant au même moyen, ne
soustrait pas lui-même la chose désirée, il se la fait remettre par le
légitime propriétaire ou détenteur2.

Section 1
Élément matériel

Paragraphe 1
Acte d'extorsion

Extorquer, c'est obtenir, soutirer, arracher, spolier, dépouiller, tirer


quelque chose de quelqu’un par force, violences, menaces ou par toute autre voie
qui exclut la liberté du consentement chez la victime3.
Il en est ainsi du fait d'arrêter une personne dans l'unique but de se
faire remettre la chose qu'elle détient, sous l'influence de la crainte
provoquée par ladite attestation4. Il en est de même du citoyen qui
menace la victime de la dénoncer à la justice pour avoir commis une
infraction si elle ne lui remettait pas l'objet convoité5.
Les violences ou menaces doivent être déterminantes6.

1 C.S.J., 22 juin 1972.


2 LIKULIA BOLONGO, op. cit., p. 442.
3 Idem., p. 443.
4 Ie Inst., app., Élis., 26 mai 1925.
5 Léo., 13 août 1925.
6 L’shi., 20 juill. 1972.

961
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
La chose objet de la remise

Il s'agit de la remise des fonds, valeurs, objets mobiliers, billets,


promesses, quittances, signature ou remise d'un document quelconque
contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge.
Les moyens déployés par le racketteur doivent « conduire la victime
à lui obéir » par la remise de la chose selon l’une des modalités ci-dessus.
Autrement dit, l’infraction est matérielle : elle suppose la réalisation d’un
préjudice effectivement subi par la victime. À défaut, il ne s’agit que
d’une tentative d’extorsion1.

Section 2
Élément moral

L'intention frauduleuse est requise. Elle consiste dans la volonté de


s'approprier injustement la chose d'autrui.
Ainsi, ne commet pas l'infraction, celui qui menace dans le seul but
d'obtenir son dû2.

1 C. AMBROISE-CASTÉROT, op. cit., pp. 208-209.


2 Léo., 7 déc. 1933.

962
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

TITRE 5
LES ATTEINTES À L'ORDRE PUBLIC

963
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

964
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-titre 1
Les atteintes à la probité

Chapitre 1
Le détournement des deniers publics ou privés
Le détournement suppose un fonctionnaire qui a eu l’argent ou les
biens à sa disposition, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions dont les
choses lui ont été confiées, soit par l’État ou une autre collectivité
publique, soit par les particuliers (administrés, contribuables, etc.), soit
par les utilisateurs d’un service qui peuvent opérer des transferts de
fonds dont l’usage ou la disposition ont été distrait de leur destination et
est sorti de la droite voie1. En clair, c'est une sorte d'abus de confiance
commis par un agent public sur des biens de l'État.
Aux termes de la loi, « tout fonctionnaire ou officier public, toute personne
chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant les intérêts de
l’État ou d’une société étatique au sein d’une société privée, parastatale ou d’économie
mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou tout
autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, qui aura
détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes,
effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge,
sera puni de un à vingt ans de travaux forces »2.

Section 1
L'élément matériel

Paragraphe 1
La qualité de l’agent

L'infraction s'applique d'abord aux agents publics. Le Décret-loi


numéro 017/2002 du 03/10/2002 portant code d’éthique de l’agent
public définit l’agent public de l’Etat comme L'agent public désigne «
toute personne qui exerce une activité publique de l’État et ou rémunérée par ce dernier
». Il résulte de l’examen de ce décret que le personnel politique et
administratif de la Présidence de la République, par exemple, est
considéré comme un agent public.

1 B. CIZUNGU, op. cit., p. 220.


2 Art. 145, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Par ailleurs, les personnes chargées d’un service public désignent


celles qui sont dépositaires ou comptables qui, sans être fonctionnaires
ou officiers publics, sont instituées pour un intérêt d’ordre public et qui
reçoivent des deniers ou effets en vertu de leur charge.
Il a été jugé que la qualité de fonctionnaire ou de personne chargée
d’un service public est un élément essentiel pour justifier l’application de
l’article 145 du code Pénal1.

Paragraphe 2
L’objet de l’infraction

Pour que l’infraction de détournement des deniers publics soit


établie, il faut qu’il s’agisse de certains biens, c’est-à-dire, des biens d’une
nature donnée, et que lesdits biens aient été confiés à la personne qui les
a détournés.
Le législateur congolais parle des « deniers publics ou privés ». Il
importe que les deniers qui sont l’objet de l’infraction, soient la propriété
de l'État, d’une province, d’un ministre, d’une commune, d’un territoire,
d’un établissement public ou des simples particuliers2.
Il est question de deniers qui ont été remis ou confiés à l’agent
public ou assimilé qui les a détournés, et que cette remise ait eu lieu à
raison des fonctions officielles ou de l’emploi dont il était investi.
Toutefois, contrairement au vol où on doit trouver le bien volé entre les
mains du voleur, la jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire que
les biens détournées soient entre les mains du détourneur, mais il suffit
qu’en vertu de sa charge, il exerce une certaine autorité sur lesdits biens3.

Paragraphe 3
La victime

La loi exige que la victime du détournement soit l’État ou ses


démembrements. En plus, la doctrine dit que dans d'autres cas, il peut s’agir
d’une personne morale semi-publique4. Cela étant, il n'est pas exclu qu'un
particulier soit victime de détournement de deniers privés5.

1 C.S.J., R.P. 271, 27 juin 1979.


2 B. CIZUNGU, op. cit., p. 222.
3 C.S.J., R.P.A. 89, 20 janv. 1984 in B.A 1980-1984, Kin 2001, p.436.
4 B. CIZUNGU, op. cit., p. 225.
5 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
L’acte incriminé

L'acte incriminé est le détournement. On entend par là l’usage ou la


disposition de deniers qui sont dans les mains ou au contrôle de l’auteur,
à une fin autre que celle qui leur était destinée.
Il y a détournement dès que le bien a été détourné de sa destination
et est sorti de la droite voie1.
Le détournement est le fait pour l'auteur de s'approprier du bien. Il
existe dès lors que le propriétaire de la chose confiée ne peut plus exercer
ses droits sur la chose et que le fonctionnaire se trouverait dans
l’impossibilité de rendre la chose d’autrui.
L'infraction réclame comme condition, la détention précaire des biens
mobiliers en vertu d'un titre conférant celle-ci. Elle exige ensuite la translation
frauduleuse par détournement ou dissipation de cette possession précaire en possession
définitive au profit de l'auteur ou d'un tiers2.

Section 2
L'élément moral

L'infraction exige l’intention frauduleuse ou méchante, qui est réalisée


lorsque l’auteur agit pour procurer un bénéfice illicite, soit à lui-même, soit à autrui.
Constituent les éléments de l'infraction, la disposition à sa guise des
fonds à lui remis et la volonté de se les approprier3.
Il a été jugé que la preuve de l’intention frauduleuse de l’infraction
de détournement est établie soit sur base de présomptions graves,
précises et concordantes, soit sur base de présomptions déduites des
contradictions dans les explications du fonctionnaire tant à l’instruction
préparatoire qu’aux audiences, soit aussi sur base de présomptions
résultant de la non justification concluante de sommes détenues à titre
précaire4.

1 Ibidem., p. 225.
2 C.S.J., R.P.A. 22, 1e fév. 1973.
3 C.S.J., R.P. 81, 23 mars 1984.
4 C.S.J., R.P.A. 26, 04 mai 1974.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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De même, a-t-il été jugé que par le fait des dépenses pour son
propre compte, non justifiées et en accordant un avantage à un tiers
auquel celui-ci n'avait pas droit, l'élément moral est établi1.
Encore, la preuve de l'intention peut être établie par le fait de la
violation des instructions administratives relatives à la gestion des
fonds2.

1 C.S.J., R.P. 16, 10 juil. 1976.


2 C.S.J., R.P. 197, 21 nov. 1975.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La corruption
La corruption désigne « le comportement par lequel sont sollicités, agréés ou
reçus des offres, promesses, dons ou présents, à des fins d’accomplissement ou
d’abstention d’un acte, d’obtention de faveurs ou d’avantages particuliers ». La
corruption est dite passive lorsqu’elle est le fait du corrompu, elle est dite
active lorsqu’elle est le fait du corrupteur1.
Aux termes de la loi, « tout fonctionnaire ou officier public, toute personne
chargée d'un service public ou parastatale, toute personne représentant les intérêts de
l'État ou d'une société étatique au sein d'une société privée, parastatale ou d'économie
mixte en qualité d'administrateur, gérant, commissaire aux comptes ou à tout autre
titre, tout arbitre ou tout expert commis en justice qui aura agréé des offres ou des
promesses de son emploi ou de sa mission, même juste mais non sujet à salaire, sera
puni de six mois à deux ans de servitude pénale ou d'une amende de cinq à vingt
zaïres »2.

Section 1
L'élément matériel

Paragraphe 1
Éléments propres à la corruption active

L'élément matériel de la corruption active est constitué par le fait


d’offrir ou d’octroyer directement ou indirectement, à un agent public ou à
tout autre personne, des sommes d’argent tout bien ayant une valeur
pécuniaire ou tout autre avantage, tel qu’un don, une faveur, une
promesse ou un gain pour lui-même ou pour autrui, personne physique
ou morale, en vue de l’accomplissement ou de l’omission d’un acte dans
l’exercice de ses fonctions.

Paragraphe 2
Éléments propres à la corruption passive

L’élément matériel de la corruption passive de l’agent public est le


fait pour celui-ci ou toute autre personne, de solliciter ou d’accepter,

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.) (dir.), op. cit., p. 467.


2 Art. 147, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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directement ou indirectement, des sommes d’argent, tout bien ayant une


valeur pécuniaire ou tout autre avantage, tel qu’un don, une faveur, une
promesse ou un gain pour lui-même ou pour autrui, personne physique
ou morale, en contrepartie de l’accomplissement ou de l’omission d’un
acte dans l’exercice de ses fonctions.

Paragraphe 3
Éléments communs à la corruption passive et active

Point 1
L'entente préalable

L'entente préalable entre le corrupteur et le corrompu est nécessaire à


l'existence de l'infraction. La corruption exige un pacte entre le corrupteur
et le corrompu. Cette entente peut d'ailleurs ne pas être directe. L'essentiel
est qu'elle existe.
Il a été jugé que l'infraction de corruption est établie dans le chef
du fonctionnaire dès qu'il est établi que celui-ci, « à la suite d'une entente
préalable avec son corrupteur », a agréé des dons et promesses, reçu des dons
ou des présents, soit pour accomplir dans le cadre de son emploi, un acte
de sa fonction juste mais non sujet à salaire, soit pour accomplir dans le
cadre de son emploi, un acte injuste ou pour s'abstenir de faire un acte
qui entre dans le cadre de ses devoirs, soit pour commette une infraction
dans l'exercice de sa charge1.
Ainsi, doit être acquitté des faits de corruption passive portés à sa
charge, le prévenu contre lequel l'officier du ministère public n'a ni
apporté la preuve de l'entente préalable entre lui et les corrupteurs
prévenus ni produits à l'appui de ses poursuites des présomptions graves
et concordantes de sa culpabilité2.
La seule preuve à faire tant dans le chef du corrupteur que du
corrompu, pour établir l'infraction de corruption, consiste dans la
démonstration d'une adhésion préalable par le fonctionnaire à des
propositions vénales. Tel n'est pas le cas du fonctionnaire qui reçoit à
titre d'étrennes ou comme marques de gratitude, des dons ou présents,
sans qu'il y ait entre lui et le particulier reconnaissant, une convention
préalable illicite3.

1 C.S.J., R.P.A. 22, 1e fév. 1973. Nos italiques.


2 C.S.J., R.P.A. 65, 4 sept. 1981.
3 C.S.J., R.P. 135, 8 mars 1973.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Les moyens de la corruption

Les avantages découlant de l'acte de corruption peuvent être


octroyés directement sur la personne du corrompu, ou indirectement par le
canal d'une autre personne. En effet, le corrompu peut très bien
demander qu’un de ses proches — époux, enfant, etc. — bénéficie de
l’avantage ou du versement indu1.
Par ailleurs, la nature des bénéfices est large. La loi vise « des sommes
d’argent, tout bien ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage, tel qu’un don,
une faveur, une promesse ou un gain pour lui-même ou pour autrui ».
Ainsi, a-t-on jugé que le fait de demander et de recevoir d'un
suspect la remise d'une somme d'argent pour ne pas procéder à son
arrestation ni ouvrir une instruction à sa charge constitue l'infraction de
corruption2. De même, l'infraction est établie dans le chef des prévenus
lorsqu'ils ont activement sollicité et obtenu de leur co-prévenu, personne
chargée d'un service public, d'agréer des sommes d'argent offertes par
eux dans le but d'obtenir l'abstention de dénoncer les détournements des
deniers publics dont ils s'étaient rendus coupables et de garder sa
bienveillance dans les actes rentrant dans ses fonctions3.
Cependant, il existe des exclusions. Ainsi, la Cour de cassation de
France a pu juger que des « cadeaux » de faible valeur ne pouvaient
constituer l’objet du pacte de corruption4.

Point 3
La contrepartie espérée

Le corrupteur, par la rémunération, la rétribution ou les avantages


qu’il propose, veut obtenir l’accomplissement d’un acte de la fonction, de la
mission ou du mandat, ou une abstention du corrompu. Les actes de corruption
doivent être passés « en contrepartie de l’accomplissement ou de l’omission d’un
acte dans l’exercice de ses fonctions ».

1 C. AMBROISE-CASTÉROT, op. cit., n° 582.


2 C.S.J., R.P. 12, 2 fév. 1972.
3 C.S.J., R.P. 21/CR, 5 oct. 1979.
4 Cass. fr., Crim., 12 oct. 1993.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La loi est très large : il s’agit d’obtenir n’importe quelle décision ou


abstention, des actes administratifs, une promotion dans une entreprise
privée, une baisse d’impôts, ou des renseignements.
Il a été jugé que l'infraction est consommée dès que le prévenu a
agréé l'offre. Il est indifférent que le prévenu ait ensuite accompli l'acte
dont il avait promis de s'abstenir1.

Section 2
L'élément moral

Le dol simple suffit. La conscience d’agir dans un sens contraire à sa fonction


ou sa mission constitue l’élément moral de l’infraction2.

1 C.S.J., R.P. 21/CR, 5 oct. 1979.


2 NGOTO NGOIE NGALINGI NGALINGI, op. cit., n° 927.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-titre 2
Les atteintes à la foi publique
Chapitre unique
Le faux et l'usage de faux
Section 1
Le faux en écriture

Le faux en écriture consiste en une altération de la vérité dans un écrit,


ayant causé un préjudice à autrui1.

Paragraphe 1
L'élément matériel

L'élément matériel consiste en des actes matériels d'altération de la


vérité, ayant pour objet un écrit, et ayant causé un préjudice à autrui.

Point 1
Actes matériels d'altération de la vérité

On distingue ici le faux matériel du faux intellectuel.


Un faux matériel est celui qui touche à l’aspect physique du
document2. Le faux matériel consiste en une altération matérielle de
l’écrit qui peut résulter d’un grattage, d’une surcharge, de la suppression
d’une partie du texte, de la fabrication intégrale d’un écrit, de l’apposition
d’une fausse signature, voire de l’insertion après coup d’une fausse
clause3.
Ainsi, est un faux par adjonction, le fait d'ajouter avant paiement
sur des factures approuvées par fournitures reçues, soit en chiffres, soit
en lettres, des quantités de marchandises et des prix correspondant,
dépassant largement la réalité4.
Un faux intellectuel résulte d’un défaut de véracité du document :
c’est le contenu qui est altéré au moment même de sa rédaction, par

1 Idem., p. 392.
2 C. AMBROISE-CASTÉROT, op. cit., p. 291.
3 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 393.
4 C.S.J., R.P. 3, 26 juill. 1972.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l’introduction de mentions mensongères ou par des omissions1. Le faux


intellectuel consiste en une altération des énonciations de l’écrit sans que
la matérialité de celui-ci soit falsifiée. Il résulte de l’inscription dans l’acte
d’une mention contraire à la vérité ou de la non-insertion d’une mention
nécessaire pour que l’acte reflète la vérité2.
Ainsi a-t-on jugé qu'en souscrivant une police d'assurances contre
l'incendie sur des biens qu'ils savaient inexistants parce qu'ils avaient été
incendiés, le prévenu, dans le but frauduleux de se procurer un avantage
illicite, à savoir l'indemnisation de la SONAS, a commis un faux en
écriture3. De même, le président de la juridiction, en modifiant à l'insu
de ses collègues, sur la minute du jugement, la décision prise
collégialement en délibéré au sujet des dommage-intérêts à allouer à des
parties civiles, a commis dans l'exercice de ses fonctions un faux en
écritures intellectuelles4.

Point 2
Objet de l'altération de la vérité : l'écrit

L'écrit est entendu largement. Il s'agit d'un assemblage de signes


couché sur divers matériaux : papiers, bois, pierres. Mais l'écrit n'est pas
seulement une écriture, ça peut aussi être un dessin. Ce qui importe est
que cet écrit soit un titre, c'est-à-dire, constitue la source ou la preuve
d’un droit, qu’il ait une valeur probatoire, une portée juridique5.

Point 3
Le préjudice

Le faux doit pouvoir causer un préjudice6. Le préjudice est entendu


largement.
Toutefois, il n’est pas nécessaire que le préjudice ait été réalisé ; il
suffit que, lors de l’acte, il ait été possible. Dès lors que le préjudice est
possible, le faux doit être retenu7.

1 C. AMBROISE-CASTÉROT, op. cit., p. 291.


2 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 393.
3 C.S.J., R.P. 14, 22 janv. 1976.
4 C.S.J., R.P.A. 46, 19 mai 1977.
5 B. CIZUNGU, op. cit., p. 312.
6 C.S.J., R.P.A. 310, 7 sept. 2007 ; C.S.J., R.P.A. 342, 8 janv. 2008.
7 B. CIZUNGU, op. cit., p. 314.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
L'élément moral

L’auteur doit avoir agi non seulement en sachant qu’il altérait la vérité,
mais aussi dans la connaissance que cette altération de la vérité était susceptible de
nuire soit matériellement, soit moralement à un tiers ou à la société1. Ainsi
ne commet pas le faux, la personne qui légalise un document dont elle
ignore le caractère faux2.

Section 2
L'usage de faux

Le législateur punit le fait de faire usage de l'acte issu de l'altération de la


vérité dans un écrit.
Si le faux et l’usage peuvent être réalisés par la même personne, ils
peuvent l’être aussi par deux personnes différentes : l’une réalisant le
faux document, l’autre l’utilisant. Et, si l’une des infractions est prescrite
– le faux –, la disparition de l’action publique n’a pas d’influence sur
l’autre, c’est-à-dire sur l’usage de faux. Il faut encore noter qu’un individu
fabriquant lui-même un faux et l’utilisant par la suite peut être condamné
du chef des deux infractions, en concours idéal : l’une n’est pas exclusive
de l’autre. De plus, le concepteur du faux peut être poursuivi pour usage
de faux des années après la fabrication du document falsifié, cette
infraction étant depuis longtemps prescrite. Il a été jugé que l'usage de
faux est une infraction instantanée (comme le faux) et non continue, il
se réalise en un trait de temps, au moment où l'auteur utilisé la pièce
fausse, et ne constitue nullement une activité délictueuse permanente,
son auteur n'ayant pas la volonté constante de demeurer ou de persister
dans un état contraire à la loi3.

Paragraphe 1
L'élément matériel

L'usage de faux est un acte positif qui se consomme par un acte de


production ou de présentation. Un acte d'usage de faux désigne une utilisation

1 C.S.J., R.P. 14, 22 janv. 1976.


2 T.G.I. Kinshasa/Gombe, R.P. 16.990/IV, 24 oct. 2000.
3 C.S.J., R.P.A. 352, 10 avr. 2008.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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ou une présentation du document falsifié en vue de lui faire produire


tous les effets attachés à sa destination : obtenir une remise ou une
somme d'argent ou éviter de payer une telle somme. Il a été jugé qu' « il
suffit, pour constituer l’usage de faux, que le détenteur de cette pièce l’ait
utilisée par un acte quelconque en vue du résultat final qu’elle était censée
produire »1.

Paragraphe 2
Élément moral

Pour que l’usage de faux soit punissable, l’auteur doit avoir


sciemment fait usage d’un écrit qu’il sait faux2.
Il a été jugé qu'en usant des documents dont la fausseté est avérée,
le prévenu sera retenu dans les liens de la prévention d'usage de faux3.

1 Cass. fr., Crim., 15 juin 1939.


2 NGOTO NGOIE NGALINGI, op. cit., p. 394.
3 C.S.J., R.P.A. 111, 20 nov. 1985.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal
congolais.

B. DOCTRINE

1. P. AKELE, Droit pénal spécial, Université Protestante


au Congo, Kinshasa, 2003-2004.
2. C. AMBROISE-CASTEROT, Droit pénal spécial et
droit pénal des affaires, Gualino, Paris, 2019.
3. B. CIZUNGU, Les infractions de A à Z, Éd. Laurent
NYANGEZI, Kinshasa, 2011.
4. S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des
termes juridiques, Dalloz, Paris, 2017-2018.
5. J.-P. KIFWABALA, Droit civil congolais. Les personnes,
les incapacités, la famille, PUL, Lubumbashi, 2018.
6. LIKULIA BOLONGO, Droit pénal spécial zaïrois, T.
1, 2e éd., LGDJ, Paris, 1985.
7. NGOTO NGOIE NGALINGI, L'essentiel du Droit
pénal congolais, PUC, Kinshasa, 2018.
8. M. PERCHEY, « Les profanations de sépulture :
Quelles sanctions ? », in Résonnance funéraire
[https://www.resonance-
funeraire.com/index.php/reglementation/2872-les-
profanations-de-sepulture-quelles-sanctions].
9. M.-L. RASSAT, Droit pénal spécial. Infractions du Code
pénal, Dalloz, Paris, 2018.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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PARTIE 2
LE DROIT PRIVE
Le droit privé est la branche du droit qui étudie les rapports des
particuliers entre eux. Ces règles visent l’intérêt des particuliers.
Seront étudiés ici, le droit civil et la procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le droit civil
Le droit civil est une branche de droit privé qui étudie la personne
dans ses relations avec elle-même et sa famille, et dans ses rapports
d'ordre patrimonial avec ses biens et ses obligations avec les autres.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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8. Le droit des personnes


Le droit civil des personnes étudie les règles régissant la personne en elle-
même et dans ses rapports avec sa famille.
Toute personne acquiert, en naissant, la personnalité juridique. La
personnalité juridique est un attribut reconnu à toute personne humaine,
qui lui vaut d’être capable de jouir des droits (capacité de jouissance) et
de les exercer (capacité d’exercice).
La personne ainsi existante, est déterminée dans la société, par
rapport à elle-même et par rapport à sa famille.
Par rapport à elle-même, la personne est identifiée par son nom,
son état-civil, sa nationalité, son domicile. L’individu en tant que tel est
présumé capable, sauf s’il s’agit d’un mineur, ou de majeurs que la loi a
entendu protéger, en raison de leur vulnérabilité.
Par rapport à sa famille, l’individu est un être social. Il entretient
des rapports avec des personnes auxquelles il est lié, soit par les liens du
mariage, soit par les liens de filiation.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
LA PERSONNE
Toute personne est dotée de la personnalité juridique dès sa
conception. Elle est dotée de la capacité de jouir des droits — et en
principe, de les exercer — au sein d'une société dans laquelle elle doit
être identifiée pour être distinguée des autres individus.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-titre 1
L'identification
Les éléments d'identification de la personne sont : le nom, l'état
civil, le domicile et la nationalité.

Chapitre 1
Le nom
Section 1
Notions

Paragraphe 1
Définition

Le nom est une appellation servent à désigner une personne dans la vie sociale
et juridique en vue de lui permettre d'exercer ses droits et d'accomplir ses devoirs1
Du point de vue de l'intérêt public, le nom contribue à l'identification
de la personne dans la société. Institution de police civile, il constitue un
facteur d'ordre et un élément d'individualisation2.
Le nom est la moins rationnelle et la plus culturelle des
identifications, ce qui en explique la richesse. Sa valeur sociale tient à ce
qu’il implique, plus ou moins, le rattachement d’une personne à un
groupe social ; il évoque l’histoire familiale de la personne qu’il désigne,
en même temps, mais de manière incertaine, il en suggère l’origine
territoriale, l’appartenance à une culture, à une région ou à un État ;
maintenant, il traduit aussi une des idéologies de notre temps, l’égalité
entre les sexes et entre les filiations3.

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1277.


2 G. CORNU, Droit civil. Introduction, les personnes, les biens, Montchrestien, Paris,
1999, p. 249.
3 P. MALAURIE et L. AYNÈS, Droit des personnes. La protection des mineurs et des

majeurs, LGDJ, Paris, 2015, p. 42.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Principes généraux

Aux termes de la loi, « tout congolais est désigné par un nom composé d'un
ou de plusieurs éléments qui servent à l'identifier »1. Le prénom, le nom et le
post nom constituent les éléments du nom.
La loi a posé le principe de l'immutabilité des éléments du nom2. Elle
dispose que « l'ordre et l'orthographe du nom sont immuables »3.
Si des personnes d'une même famille portent un même nom, ils
sont tenus de lui adjoindre des éléments complémentaires différents4.

Section 2
Attribution et changement du nom

Paragraphe 1
Attribution du nom

Point 1
Principe : attribution du nom par les père et mère

Le législateur a posé le principe de la liberté de l'attribution du nom par


les parents. Aux termes de la loi, « l'enfant porte dans l'acte de naissance le nom
choisi par ses parents »5. La loi exige uniquement que les noms soient « puisés
dans le patrimoine culturel congolais » et qu'ils ne puissent en aucun cas « être
contraires aux bonnes mœurs ni revêtir un caractère injurieux, humiliant ou
provocateur »6.
Le patrimoine culturel congolais renvoie à l'héritage nous légué par
nos ancêtres dans le domaine tant culturel qu'historique. On peut penser
à tout ce qui fait l'individualité nationale congolaise en particulier les
noms ancestraux et ceux issus de notre histoire7.

1 Art. 56 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 J.-P. KIFWABALA, Droit civil. Les personnes, les incapacités, la famille, PUL,
Lubumbashi, 2018, p. 73.
3 Art. 56 al. 2, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 57, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 59 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 58, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
7 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 76.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Exceptions

Toutefois, si le père de l'enfant n'est pas connu ou lorsque l'enfant


a été désavoué, l'enfant porte le nom choisi par la mère1. Lorsque la
filiation paternelle est établie après la filiation maternelle, le père pourra
adjoindre un élément du nom choisi par lui. Si l'enfant a plus de quinze
ans, son consentement personnel est nécessaire2.
L'enfant dont on ne connaît ni le père ni la mère a le nom qui lui
est attribué par l'officier de l'état civil dans son acte de naissance3.
La femme mariée conserve son nom. Toutefois, pendant la durée
du mariage, elle acquiert le droit à l'usage du nom de son mari. Dans ce cas,
elle adjoint le nom de son mari au sien. La veuve non remariée peut
continuer à faire usage du nom de son mari4.
L'adopté peut prendre le nom de l'adoptant5.

Paragraphe 2
Changement du nom

Point 1
Le principe de l'immutabilité du nom

Aux termes de loi, « il n'est pas permis de changer de nom en tout ou en


partie ou d'en modifier l'orthographe ni l'ordre des éléments tel qu'il a été déclaré à
l'état civil »6. La loi pose là le principe de l'immutabilité du nom.
En effet, justifie Mulumba Katchy7, « les hommes concluent entre eux
toutes sortes d'engagement. Cela suppose qu'il soit aisé de se connaître, de s'identifier
et de se repérer. L'on se demande comment pourrait être assurée l'identité civile des
personnes si celles-ci avaient loisir de changer de nom d'origine et prendre un autre à
tout moment de leur existence, comme bon leur semble. Combien des gens ne verraient-
on pas abandonner leur nom d'origine et prendre celui qui leur permettrait de

1 Art. 59 al. 2, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 59 al. 3, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 60, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 62, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 63 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 64 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
7 Cité par J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 76.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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dissimuler leur identité… Telles sont les raisons qui ont incité les législateurs de divers
pays à garantir efficacement l'immutabilité du nom ».

Point 2
Exceptions

Toutefois, le changement ou la modification peut être autorisée par


le tribunal de paix, pour « juste motif » et « en conformité avec les dispositions de
l'article 58 »1.
Il a été jugé que le changement peut être autorisé lorsque le nom
actuel est contraire aux bonnes mœurs et porte malheur2. De même, le
changement du nom peut être décidé pour justes motifs liés notamment
aux convictions religieuses, à l'abandon d'un nom à caractère injurieux3.
Le tribunal refuse d'accorder le changement du nom lorsque le
nouveau nom est contraire à l'article 58, notamment lorsqu'il n'est pas
tiré du patrimoine culturel congolais4.

1 Art. 64 al. 2, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Tripaix Gombé, R.C. 2735/IX, 13 janv. 1994
3 Tripaix Gombé, R.C. 2796, 8 avr. 1994
4 Tripaix Gombé, R.C. 2759/VI, 25 janv. 1994

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
L'état civil
L'état civil est l'ensemble des qualités juridiques inhérentes à une personne
que la loi civile prend en considération pour attacher des effets et aussi
établir sa situation dans la famille et dans la société. L'état civil prend son
siège dans les actes de l'état civil. On y trouve les informations relatives
à l'état des personnes, notamment leurs éléments d'identification —
nom, domicile, nationalité —.

Section 1
Office de l'état civil

Paragraphe 1
Bureaux de l'état civil

Il est créé un bureau de l'état civil au siège administratif de la


commune, du secteur, de la chefferie, qu'on appelle « bureau principal
de l'état civil ». Le ressort de chaque bureau principal est déterminé par
les limites territoriales de cette commune, de ce secteur ou de cette
chefferie-là1.
S'il s'avère nécessaire, le gouverneur de province, sur proposition
du bourgmestre, du chef de secteur ou de chefferie, peut créer des
bureaux secondaires dont les limites du ressort sont précisées par l'acte
de création2.

Paragraphe 2
Officiers de l'état civil

Les officiers de l'état civil sont les maires, les bourgmestres, les
chefs de commune et de secteur, les chefs des missions diplomatiques
ou ambassadeurs. Le cas échéant, l'officier de l'état civil peut déléguer
ses fonctions à un agent de l'état civil sous sa responsabilité3.
Le cas échéant, le gouverneur peut, sur proposition du maire, du
bourgmestre ou des autres officiers de l'état civil cités ci-haut, nommer
un agent de service spécialisé qui s'occupera des fonctions d'officier de l'état

1 Art. 73, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 75, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 76, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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civil qui pourra être affecté dans un groupement, un hôpital ou un centre


de santé1.
Les officiers de l'état civil sont seuls compétents pour recevoir les
déclarations et dresser les actes de l'état civil auxquels ils confèrent un
caractère authentique2.
Il leur est cependant interdit de recevoir tout acte qui les concerne
personnellement ou concerne leurs épouses, leurs ascendants ou leurs descendants. Ils
ne peuvent non plus intervenir dans un même acte en cette qualité ou à
un autre titre3.

Section 2
Les actes de l'état civil

Paragraphe 1
Les actes de l'état civil proprement dits

Aux termes de la loi, « sauf dispositions spéciales prévues par la loi, l'état
civil des citoyens n'est établi et ne peut être prouvé que par les actes de l'état civil »4.
Toutes les naissances, tous les mariages, tous les décès sont inscrits
sous forme d'actes dans un registre de l'état civil distinct, qualifié registre
de naissance, de mariage, de décès. Les autres faits ou actes concernant l'état
des personnes sont inscrits dans un registre supplétoire et font également
l'objet d'une mention éventuelle aux autres registres5.

Paragraphe 2
Les actes de notoriété

À défaut d'acte de l'état civil, les mentions relatives au statut des


personnes peuvent être prouvées par un acte de notoriété. Cet acte peut être
établi pour des faits antérieurs à la loi de 1987, ou postérieurs à elle.

1 Art. 77, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 78, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 79, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 72, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 82, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

992
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Acte de notoriété pour faits antérieurs à la loi

Aux termes de la loi, « à défaut d’acte de l’état civil constatant la


naissance, le décès ou le mariage, sur la base des dispositions légales ou
réglementaires antérieures à la présente loi, toute personne y ayant
intérêt peut demander à l’officier de l’état civil du lieu de naissance, de
décès ou de mariage, d’établir un acte de notoriété le suppléant ».
Toutefois, le défaut d’acte de notoriété peut être suppléé par jugement
rendu par le Tribunal de paix1.
Les actes de notoriété sont inscrits dans les registres supplétoires du
lieu de la naissance, du décès ou du mariage.
Tout acte de notoriété doit être homologué, à la requête de la partie
qui le demande, par le Président du Tribunal de paix ou celui de Tribunal
pour enfants où cet acte a été établi. Avant l’homologation, l’acte de
notoriété n’a de valeur que celle d’un simple renseignement. Après
homologation, l’acte de notoriété est assimilé à tous égards à un acte de
l’état civil2.

Point 2
Acte de notoriété pour faits postérieurs à la loi

A défaut d’acte de l’état civil constatant la naissance, le décès ou le


mariage postérieur à la présente loi, toute personne étant dans
l’impossibilité de se procurer l’acte de l’état civil peut demander, par
requête motivée, au Président du Tribunal de paix ou celui du Tribunal
pour enfants, selon le cas, l’établissement d’un acte de notoriété supplétif en
précisant à quelles fins celui-ci est destiné3.

1 Art. 153, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 155, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 157, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 3
Le domicile et la résidence
Section 1
Le domicile

Paragraphe 1
Notions

Point 1
Définition

Le domicile identifie la personne géographiquement. Auby et Rau1


le définissent comme « le lieu auquel une personne est rattachée ».
Aux termes de la loi, « le domicile d'une personne se trouve au lieu de son
principal établissement »2.
Le domicile d'une personne est à considérer comme le lieu où cette
personne est située juridiquement même si elle n'y est pas réellement
présente3. C'est un « chez soi », un asile privé où chacun est en droit de
se dire chez lui, qu'il en soit propriétaire, locataire ou occupant à quelque
titre que ce soit, un lieu dont il est libre d'interdire l'accès à qui il veut4.
Sa fonction est de servir d'élément d'individualisation de la
personne : le domicile a pour fin de rattacher un individu, pour l'exercice
de ses droits civils, à un point déterminé du territoire ; le domicile opère
ainsi la localisation juridique de chaque individu5.
De la sorte, le domicile a un important intérêt pratique. C'est en effet,
un des principaux critères de compétence territoriale des juridictions. C’est
également le lieu qui détermine le lieu d’accomplissement de certains actes
juridiques tels que le mariage. C’est encore le lieu où doivent être signifiés
les actes de procédure. C’est enfin le lieu où doit se rendre le créancier d’une
dette pour réclamer celle-ci6.

1 Cités par P. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., p. 77.


2 Art. 161, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 A. HERADY, Droit civil. Vol. 1 : Les personnes, les incapacités, la famille, EDUPC,

Kinshasa, 2014, p. 104.


4 Idem.
5 A. HERADY, op. cit., p. 104.
6 A. DIONISI-PEYRUSSE, Droit civil, tome 1 : les personnes, la famille, les biens,

CNFPT, Paris, 2007, p. 25.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Éléments constitutifs

Le domicile est composé de deux éléments constitutifs : un élément


matériel et un élément intentionnel1. L'élément matériel consiste pour la
personne à effectivement habiter à l'endroit concerné. Cet endroit réunit
entre autres comme éléments : la demeure, les affaires, le siège de la
fortune, la famille, les attaches permanentes, les habitudes, les
occupations, etc. L'élément intentionnel consiste pour la personne à
avoir la volonté de fixer à cet endroit le siège de ses activités principales.
Ainsi, il a été jugé que, ne constitue pas un domicile, un bar qui, par
sa destination, est ouvert et accessible à tous2.
La loi dispose que lorsqu'une personne a ses occupations
professionnelles dans un lieu et sa vie familiale ou sociale dans un autre,
son domicile est présumé, en cas de doute, se trouver au lieu de ses intérêts
familiaux ou sociaux3.

Paragraphe 2
Caractères du domicile

Le domicile réunit les caractères d'unicité, de nécessité et de fixité4.


Le domicile est unique. Aux termes de la loi, « nul ne peut, sauf en cas
d'élection de domicile, avoir au même moment son domicile en plusieurs lieux »5.
Toute personne ne peut donc avoir qu'un seul domicile.
Ce domicile est par ailleurs nécessaire à toute personne. De même
que chaque personne a une personnalité et un patrimoine, en droit, toute
personne a un domicile : il s’agit d’une nécessité de police qui en même
temps constitue une commodité pour les intérêts des particuliers6.
Enfin, le domicile est fixe. Conséquence de l'unicité du domicile, la
fixité pose qu'une fois le domicile fixé en un lieu, la personne y demeure
lorsqu'elle n'a pas déplacé son domicile en un autre endroit — avec ses

1 Voy. J.-P. KIFWABALA, op. cit , pp. 87-88.


2 C.S.J., R.P. 144, 10 avr. 1976.
3 Art. 163, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 G. KABWA KABWE, Droit civil congolais. Tome 1 : Les personnes, les incapacités,

PFDUC, Kinshasa, 2016, pp. 59-60.


5 Art. 164, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 P. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., p. 79.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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éléments matériel et intentionnel —. Il est dans l'intérêt (sécurité


juridique) de la personne et de son entourage d'avoir un domicile fixe.

Paragraphe 3
Sortes de domicile

Le domicile est en principe libre. Mais cette liberté peut être limitée
par la loi : on parle de domiciles légaux.
Le domicile est en effet, en principe libre. Toute personne est libre
de choisir son domicile et de le changer, sous réserve pour lui de
respecter les éléments matériel et intentionnel.
Ainsi, la femme mariée a son domicile chez son mari, à moins que la
loi n'en dispose autrement1.
L’interdit a son domicile chez la personne qui exerce la tutelle sur
lui. Le mineur a son domicile, selon le cas, chez ses parents ou chez la
personne qui assume l’autorité tutélaire sur lui2.
Par ailleurs, toute personne peut élire domicile pour l'exécution de
tous actes. L’élection doit être expresse et ne peut se faire que par écrit.
Toutes significations, demandes et poursuites pour l'exécution d'un acte
pour lequel domicile a été élu, peuvent être valablement faites à ce
domicile et devant le juge dudit domicile3. C'est le domicile d'élection. Le
domicile d'élection est un domicile de circonstance, établi entre deux
parties à un contrat pour l'exécution de celui-ci. Il se rencontre
notamment en matière de représentation en justice. Le client élit domicile au
cabinet de son avocat. Ainsi, les exploits relatifs à la procédure en cours
seront valablement signifiés à ce domicile-là. Au demeurant, la loi exige
le recours au domicile d'élection pour certaines procédures, telle que la
requête devant la Cour de cassation.

Section 2
La résidence

La résidence est le lieu où la personne demeure effectivement,


pourvu que ce soit d'une manière assez stable et habituelle4. La loi

1 Art. 165, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 166, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 168, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 A. HERADY, op. cit., p. 112.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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dispose que « la résidence est le lieu où une personne a sa demeure habituelle »1.
Une personne peut avoir plusieurs résidences2.

1 Art. 169, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 171, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 4
La nationalité
La question de la nationalité est régie par la Loi n° 04/024 du 12
novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, intégrée au Code de
la famille.

Section 1
Notions

Paragraphe 1
Définition

La nationalité peut être définie sous un double angle sociologique


et juridique1. Sous l'angle sociologique, la nationalité désigne le lien
unissant un individu à une nation. La nation est un groupe de personnes
unies par la tradition, des aspirations, sentiments d'appartenir au groupe
et de le défendre, des intérêts communs. C'est cette volonté de vivre
ensemble qui est à la base d'une nationalité.
Sous l'angle juridique, la nationalité est un lien juridique et politique
unissant un individu à la population constituant un État et selon les lois
de cet État-là.

Paragraphe 2
Options fondamentales de la nationalité congolaise

La loi de 2004 relative à la nationalité congolaise renseigne que le


régime juridique de la nationalité est posé sur deux principes
fondamentaux : le principe de l'unité et de l'exclusivité de la nationalité
congolaise et le principe de la reconnaissance collective avec effet
rétroactif de la nationalité congolaise.

1 Voy. A. HERADY, op. cit., p. 81.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Le principe de l'unité et de l'exclusivité de la nationalité
congolaise

Aux termes de la loi, « la nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne


peut être détenue concurremment avec une autre »1. La loi pose ainsi le principe de
l'unité et de l'exclusivité de la nationalité congolaise.
L'unité de la nationalité congolaise signifie, qu'au Congo, il n'existe
qu'une seule nationalité consacrée par la loi, de la sorte qu'il ne peut être
envisagé deux ou plusieurs nationalités ou sous-nationalités2. Le principe
d'exclusivité signifie qu'il n'y a pas de double nationalité en droit
congolais3.

Point 2
Le principe de la reconnaissance collective avec effet rétroactif de
la nationalité congolaise.

Aux termes de la loi, « tous les groupes ethniques et nationalités dont les
personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la
République démocratique du Congo) à l'indépendance, doivent bénéficier de l'égalité
des droits et de la protection aux termes de la Loi en tant que citoyens. À ce titre, ils
sont soumis aux mêmes obligations »4. La loi reconnaît par-là la nationalité
congolaise de manière collective à une frange de la population.
Quiconque se trouvant dans ce cas, peut revendiquer la citoyenneté
congolaise en prouvant simplement qu'il appartient à un groupe
ethnique dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est
devenu le Congo5.
Cela relève d'un compromis politique sanctionné par l'accord
global et inclusif du dialogue inter-congolais relatif à la problématique de
la nationalité. Ce compromis avait pour objectif de mettre fin à la
fracture sociale créée par la question de la nationalité, afin d'établir la

1 Art. 1e al. 1&2, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 A. HERADY, op. cit., p. 89.
3 Idem.
4 Art. 4, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 G. KABWE, op. cit., p. 66.

1000
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

coexistence pacifique de toutes les couches sociales sur l'ensemble du


territoire national1.

Section 2
Statuts de la nationalité congolaise

Paragraphe 1
La nationalité congolaise d'origine

La nationalité congolaise est reconnue aux seuls congolais d'origine.


On est congolais d'origine soit par : appartenance, par filiation, ou par
présomption de la loi.

Point 1
Le droit du sang et le droit du sol

En matière de nationalité, on distingue deux types de statuts : le


droit du sang et le droit du sol2.
Le droit du sang est celui qui est reconnu à un individu d'avoir, à la
naissance, la nationalité qu'ont ses père et/ou mère. Le lien de nationalité
est transmis ici suivant un critère biologique ou sanguin.
Le droit du sol est celui qui est reconnu à un individu d'avoir, à la
naissance, la nationalité du lieu sur lequel il naît. Le lien de nationalité est
transmis ici suivant un critère géographique. La naissance dans un lieu
établit un lien de rattachement entre l'individu et ce lieu-là.

Point 1
Les modes de reconnaissance de la nationalité congolaise
d'origine

Le droit congolais fait une mixture des deux systèmes ci-dessus.

A. Le droit du sang ou la nationalité par filiation

Il reconnaît d'abord, la nationalité congolaise aux individus nés de


parents congolais. Aux termes de la loi « est congolais d'origine dès la naissance,

1 Exposé des motifs, Loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative a la nationalite


congolaise.
2 Voy. G. KABWE, op. cit., pp. 64-65.

1001
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'enfant dont l'un des parents est congolais »1. Toutefois, la filiation de l'enfant
n'a d'effet sur la nationalité congolaise que si elle est établie durant sa
minorité.

B. Le droit du sol ou la nationalité par présomption


de la loi

Il reconnaît ensuite, la nationalité à des individus nés sur le territoire du


Congo, mais pas forcément de parents congolais2. Le but ici est en effet
de se conformer aux exigences internationales en matière de lutte contre
l'apatridie3.

1. Les parents inconnus

Ainsi, est congolais par présomption de la loi, l'enfant nouveau-né


trouvé en République démocratique du Congo dont les parents sont
inconnus. Du fait de l'ignorance de l'identité de ses parents, il n'est pas
possible leur reconnaître la nationalité congolaise par voie de filiation. Il
y a donc un risque qu'ils se retrouvent sans nationalité.

2. Les parents apatrides

Est aussi congolais par présomption de la loi, l’enfant né en


République démocratique du Congo de parents ayant le statut d'apatride. En
effet, étant dépourvus de nationalité, les parents apatrides ne peuvent
transmettre une quelconque nationalité à leur enfant. Celui-ci naîtrait
donc apatride.
— et se trouvant ainsi, dans l'impossibilité de lui transmettre une.

3. Les parents dont la législation nationale ne


prévoit pas le droit du sang

Est enfin congolais par présomption de la loi, l'enfant né en


République démocratique du Congo de parents étrangers dont la nationalité
ne se transmet pas à l'enfant du fait de la législation de l'Etat d'origine qui ne
reconnaît que le jus soli ou ne reconnaît pas d'effet sur la nationalité à la filiation

1 Art. 7, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Voy. Art. 8&9, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 G. KABWE, op. cit., p. 69.

1002
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

naturelle. En clair, un enfant naît au Congo de parents étrangers. La


législation civile des pays de ces parents-là, ne prévoit pas l'acquisition
de la nationalité par le sang, elle ne prévoit que par le sol. Il faut naître
dans e pays-là, pour avoir sa nationalité. L'enfant en pareille situation
risquera donc de se retrouver apatride. La loi lui accorde alors la
nationalité congolaise.

C. Le droit du sang et le droit du sol ou la nationalité


par appartenance

Il s'agit du principe de la reconnaissance collective avec effet


rétroactif de la nationalité congolaise ci-dessus étudié. Aux termes de la
loi, « est Congolais d'origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques et
nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo
(présentement la République démocratique du Congo) à l'indépendance »1.
Il a été jugé que la nationalité congolaise ne peut être attribuée à
une personne qui n'apporte pas la preuve que l'un de ses ascendants
faisait partie d'une partie d'une ethnie établie en totalité ou en partie sur
le territoire congolais avant le 18 octobre 19082.
En l'espèce, Sieur André Souza, né de père inconnu et de mère S,
sollicitait l'annulation de la décision du ministre de la justice refusant
l'enregistrement de la déclaration acquisitive de la nationalité congolaise
introduite par lui en application de l'article 6 de la Constitution de 1964
et 3 du décret-loi de 19653. Après examen des pièces produites au
dossier, il se dégage que, André Souza est originaire du village Cabinda,

1 Art. 6, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 C.A. Kinshasa/Gombé, 14 avr. 1967.
3 Signalons que cette option de la reconnaissance collective avec effet rétroactif

de la nationalité congolaise a été instituée en droit objectif congolais depuis la


Constitution du 1e août 1964. Elle est restée en vigueur jusqu'à 2004. Seule la
date fixe d'établissement de la population a varié : 1908 avec la Constitution de
1964, 1950 avec l'ordonnance-loi du 26 mars 1971, 1985 avec la loi du 5 janvier
1972. En l'espèce, la Constitution de 1964 disposait, en son article 6, que « la
nationalité congolaise est attribuée, à la date du 30 juin 1960, à toute personne dont l'un des
ascendants est ou a été membre d'une tribu établie sur le territoire du Congo avant le 18 octobre
1908 ». La loi de 1972, elle, est celle qui identifie directement et précisément le
problème. Elle attribue, en son article 15, sans aucune condition, la nationalité
congolaise aux « originaires du Rwanda-Urundi établis dans la province du Kivu, avant le
1e janvier 1950 ». Voy. pour une approche diachronique de la nationalité en droit
congolais : A. HERADY, op. cit., pp. 83-88.

1003
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

chefferie Pingila, territoire Cabinda et appartient à l'ethnie de Bawoyo


en colonie portugaise en Angola.
Mais le requérant prétend que la tribu Bawoyo dont est membre sa
mère par appartenance au clan Yombe est établie sur le territoire du
Congo, sans en apporter la preuve.
Pour la Cour, même si cette partie de tribu était établie sur le
territoire du Congo, le requérant n'a pas prouvé que cet établissement
s'est effectué avant le 18 octobre 1908. Qu'en conséquence, il y a lieu de
déclarer nulle la déclaration en acquisition de la nationalité congolaise en
vertu de l'article 6.

Paragraphe 2
La nationalité congolaise d'acquisition

L'acquisition se distingue de la reconnaissance en ce que par


l'acquisition, l'intéressé a la qualité d'étranger jusqu'au moment où il acquiert la
nationalité congolaise.
La nationalité congolaise s'acquiert par l'effet de la naturalisation, de
l'option, de l'adoption, du mariage ou de la naissance et de la résidence en
République démocratique du Congo.

Point 1
La naturalisation

La naturalisation est l'octroi discrétionnaire de la nationalité d'un État par


les autorités de celui-ci à un étranger qui la demande.
La nationalité congolaise peut être conférée par naturalisation, à
tout étranger qui a rendu « d'éminents services » à la République, ou à celui
dont la naturalisation présente pour la République « un intérêt réel à impact
visible ».
La naturalisation s'acquiert par ordonnance du Président de la
République après avis de l'Assemblée nationale.
L'étranger qui a acquis la nationalité congolaise jouit de tous les droits
et est tenu à toutes les obligations y attachées. Toutefois, certains droits civils
et politiques peuvent n'être reconnus qu'aux seuls congolais d'origine.

1004
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
L'option

Peut acquérir la nationalité congolaise par option : l’enfant né en


République démocratique du Congo ou à l'étranger de parents dont l'un
a eu la nationalité congolaise ; l'enfant adopté légalement par un
Congolais ; l'enfant dont l'un des parents adoptifs a acquis ou recouvré
volontairement la nationalité congolaise. L'enfant mineur non émancipé
dont le père ou la mère a obtenu la nationalité congolaise par l'effet de
l'option acquiert de plein droit la nationalité congolaise en même temps
que son parent.
La nationalité est acquise par l'option, à condition notamment de
résider en République démocratique du Congo depuis au moins 5 ans,
et de parler une des langues congolaises.

Point 3
L'adoption

Peut acquérir la nationalité congolaise par l'effet de l'adoption :


l'enfant mineur légalement adopté par un congolais ; l'enfant mineur
dont le parent adoptif est devenu congolais ; l'enfant mineur dont le
parent adoptif a recouvré volontairement la nationalité congolaise.

Point 4
Le mariage

Le mariage n'exerce aucun effet sur la nationalité congolaise. Le


conjoint non congolais peut garder sa nationalité. Toutefois, l'étranger ou
l'apatride qui contracte le mariage avec un conjoint de nationalité congolaise peut,
après un délai de 7ans à compter du mariage, acquérir la nationalité congolaise.
L'annulation du mariage n'a pas d'effet sur la nationalité des enfants
nés dans ce mariage-là.

Point 5
La naissance et résidence

Tout enfant né au Congo de parents étrangers peut, à partir de 18


ans, acquérir la nationalité congolaise à condition de manifester par écrit
sa volonté et de justifier d'une résidence permanente au Congo.

1005
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1006
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 5
L'absence et la disparition
Lorsqu'une personne est absente de son domicile pendant un l'on
moment, sans laisser de ses nouvelles, il se crée une incertitude sur
l'existence de la personnalité juridique de la personne, sur sa vie ou sur
sa mort. Dans ces circonstances, la loi a prévu deux régimes juridiques.
Un premier, celui de l'absence, lorsque la personne a quitté son domicile
pendant longtemps sans donner de ses nouvelles, à telle enseigne que
l'on doute à l'idée de savoir si elle est vivante ou morte ; et la deuxième,
la disparition, lorsqu'une personne a disparu dans des circonstances de
catastrophe, telles que l'on est certain qu'elle n'a pu avoir survécu.

Section 1
L'absence

Paragraphe 1
Définition

Aux termes de la loi, « l'absence est la situation d'une personne disparue de


son domicile ou de sa résidence, sans donner de ses nouvelles et sans avoir constitué un
mandataire général »1.
L'absence est l'état d’une personne dont on ne sait si elle est encore vivante
ou déjà morte2. Ce qui caractérise l'absence, ce n'est pas seulement la non-
présence dans son domicile ou sa résidence, mais c'est le fait d'avoir disparu
sans donner de ses nouvelles. L'absence des nouvelles engendre un doute sur
l'existence de l'absent alors que la preuve de son décès n'est pas apportée,
car son corps n'a pas été retrouvé3.
L'absence est un phénomène qui accompagne les époques
troublées. Guerre ou révolutions se traduisent souvent par un
allongement de la liste des personnes dont nul ne sait si elles sont en vie
ou décédées. Cette situation met en péril de nombreux intérêts, ceux du
conjoint qui ne sait s'il peut se remarier ou non, des enfants qui peuvent
avoir intérêt à être adoptés ou placés sous tutelle, ceux des créanciers et

1 Art. 173 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 P. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., p. 33.
3 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 56.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

autres personnes qui ont traité avec l'absent et aussi les biens de lui-même
qui peuvent être menacés de dépérissement1.
Aujourd'hui, le développement considérable des moyens de
communication qui permet de lever plus vite le doute sur l'existence de
la personne absente, rend rare les cas d'absence et incompréhensible les
délais fixés par le législateur pour l'accomplissement des procédures
prévue par la loi2.

Paragraphe 2
Procédure

La situation de non-présence d'une personne dans son domicile ou


sa résidence est prise en charge par le droit lorsque la durée de cette non-
présence est assez importante. Et selon cette durée, le droit part d'une
présomption de vie à une présomption de mort. On dit que l'incertitude
autorise « soit un pari sur la vie, soit un pari sur la mort »3. Dans chaque cas,
les conséquences juridiques s'échelonnent, allant d'une simple
administration des biens de l'absent, à une ouverture définitive — mais
non irrévocable cependant — de sa succession. On distingue donc
quatre étapes : la présomption de vie, la présomption d'absence, la
déclaration d'absence, et la déclaration de décès. Chacune correspond à
une durée, obéit à une procédure — plutôt similaire — et emporte des
conséquences juridiques.

Point 1
La présomption de vie

A. Durée

Aux termes de la loi, la personne disparue de son domicile ou de sa


résidence, sans donner de ses nouvelles et sans avoir constitué un
mandataire général — en clair, la personne absente — est « réputée vivante
pendant un an » à partir des dernières nouvelles positives que l'on a eues
de son existence.
Si elle a constitué un mandataire général — c'est-à-dire, une
personne chargée de le représenter dans ses activités et actes juridiques

1 Idem., p. 57.
2 Ibidem.
3 G. CORNU, op. cit., p. 295.

1008
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

—, la présomption de vie lui est acquise pendant trois ans1. L'idée ici est
que l'absent a dû prendre le temps de préparer un départ relativement
long, et donc, il y a plus lieu de croire en son existence.

B. Effets

Durant cette période, l'absent est réputé bien vivant, et sa situation


patrimoniale et familiale demeure en état.

Point 2
La présomption d'absence

A. Durée

Douze mois après que l'absent ait disparu sans donner de ses
nouvelles et sans constituer un mandataire général, il est réputé absent.
Alors, les personnes intéressées — conjoint, enfants ou créanciers
— ou le Ministère public peuvent demander au Tribunal de paix du
dernier domicile ou de la dernière résidence, de nommer un administrateur
de ses biens. Autant que possible, l’administrateur est choisi parmi les
héritiers présomptifs de l’intéressé2. L'administrateur est comme le
mandataire, sauf qu'il est nommé lui, par le tribunal, tandis que le
mandataire est nommé par la personne absente elle-même pendant
qu'elle était encore présente.
Même avant l'expiration du délai de six mois stipulé à l'article 176,
un administrateur peut être désigné s'il y a péril en la demeure3.

B. Effets

Les droits et les devoirs de l'administrateur se limitent à


l'administration des biens. Il représente l'absent dans les inventaires, comptes,
partages et liquidations où celui-ci serait intéressé. Il ne peut intenter une
action, ni y défendre, sans autorisation de justice4. Toutefois, s'il y a nécessité

1 Art. 173, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 176, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 177, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 178, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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ou avantage évident à aliéner ou à hypothéquer les immeubles de


l'absent, l'administrateur peut y procéder avec autorisation de justice1.

Point 3
Le jugement déclaratif d'absence

Pour constater l’absence, le tribunal, après examen des pièces et


documents produits, peut ordonner une enquête. Le jugement déclaratif
d’absence n’est rendu que six mois après la requête introductive2.
Le jugement déclaratif d'absence aura pour effet d'envoyer les biens de
l'absent en possession provisoire par les héritiers, à condition pour ces derniers
de donner caution ou cautionnement3.
L'envoi en possession provisoire est un dépôt des biens de l'absent avec
un droit de jouissance à condition de les conserver en bon père de famille4. En clair,
les héritiers de l'absent prennent déjà possession de ses biens et en
jouissent, à condition cependant de les conserver.
Le récipiendaire de l'envoi en possession provisoire est appelé
envoyé. Il a les mêmes droits et devoirs que l'administrateur nommé par le
tribunal pendant la période de présomption de vie5.

Point 4
La présomption de décès

A. Durée

Lorsque depuis le moment où la présomption de vie a cessé —


c'est-à-dire plus d'un an —, il s’est écoulé cinq ans de plus sans qu’on ait
reçu aucune nouvelle certaine de la vie de l’absent, il y a présomption de
mort. Le décès est déclaré par un jugement faisant foi d'acte de décès6.

1 Art. 181, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 185, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 187, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 189, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 189, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 191, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

1010
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Effets

Le jugement déclaratif de décès tient lieu d'acte de décès1. Il a pour


effet d'ouvrir sa succession, d'envoyer des biens en possession définitive. Les
héritiers hériteront de ses biens conformément au droit successoral2.
Dans le cas où la personne réapparaîtrait, les soi-disant héritiers
restitueront en capital les biens leurs attribués et encore existant en leurs
mains3. Il y a comme une sorte de résurrection juridique.
Le jugement déclaratif de décès de l'absent autorise le conjoint
survivant à contracter un nouveau mariage4.

Section 2
La disparition

Paragraphe 1
Définition

La loi dispose que « la présomption de vie est détruite lorsqu'une personne a


disparu dans des circonstances telle que sa mort est certaine bien que son corps n'ait
été retrouvé »5. Dans ces circonstances, inutile d'espérer que la personne
disparue soit encore en vie.
La loi pose deux conditions cumulatives à la disparition : le fait
qu'on ait pas retrouvé le corps de la personne — ce qui a priori peut
permettre de garder espoir — ; mais surtout, des circonstances
catastrophiques — finalement de nature à ôter tout doute sur la vie de
la personne —, des circonstances mortelles.

Paragraphe 2
Procédure

Lorsqu'une personne a disparu dans les circonstances telles que sa


mort est certaine, bien que son corps n'ait pas été retrouvé, le ministère
public ou toute personne intéressée peut demander au tribunal de grande
instance de rendre un jugement déclaratif du décès de cette personne. Le

1 Art. 193, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 194, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 189 al. 2, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 196, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 174, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

1011
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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jugement déclaratif de décès tient lieu d'acte de décès et est inscrit dans
le registre des décès1.
La certitude sur la mort du disparu a motivé une procédure rapide.
La mort étant très probable, la loi a jugé inutile d’engager les héritiers
dans la lourde procédure de l’absence2.

Paragraphe 3
Effets

Le jugement déclaratif de décès produit ici les mêmes effets qu'en matière
d'absence. La loi dispose en effet que « les dispositions de l'article 194 à
205 sont d'application à l'égard des personnes disparues déclarées
décédées par jugement »3.
De même, dans le cas où la personne disparue dont le décès avait
été déclaré, réapparaîtrait, les soi-disant héritiers doivent restituer en
capital les biens qui leur ont été attribués et encore existants entre leurs
mains4.

1 Art. 142, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 P. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., p. 38.
3 Art. 207, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 210, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-titre 2
La capacité et les incapacités

Chapitre introductif
La personnalité juridique
Section 1
Le principe de la reconnaissance de la personnalité juridique à
tout être humain

La personnalité juridique est l'aptitude à être sujet de droit qui est


reconnue de plein droit et sans distinction à tous les êtres humains1.
Aux termes de la déclaration universelle des droits de l'homme, «
chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique »2. La
Constitution l'applique en disposant que « tous les Congolais sont égaux
devant la loi et ont droit à une égale protection des lois »3. En posant l'égalité de
tous devant la loi, la Constitution met ainsi fin à l'esclavage, consistant à
considérer l'homme comme une simple chose, objet de propriété et
d'asservissement4. Elle confère ainsi la personnalité juridique à toi les
êtres humains.
En effet, affirme Gérard Cornu, « le principe est que tous les hommes sont
égaux en droit. Ainsi conçue, l'égalité civile a pour base la personnalité juridique :
elle est à la fois dans la reconnaissance de la personnalité juridique et dans
l'affirmation de droits inhérents à cette personnalité. Dire que tous les individus sont
égaux en droit, c'est poser que tous jouissent de la personnalité et sont ainsi des
personnes juridiques ; affirmer qu'ils ont, en cette qualité, comme attributs de la
personnalité, certains droits patrimoniaux (...) La reconnaissance de la personnalité
juridique et les attributs de la personnalité sont les deux assises fondamentales du
droit des personnes qui consacrent positivement la valeur éminente de la personne
humaine »5.
Le principe posé est donc que tout homme acquiert, en naissant, la
personnalité juridique. La personnalité juridique est un don de naissance, un

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1409.


2 Art. 6, Déclaration universelle des droits de l’homme, Résolution de
l’Assemblée générale 217 (III) du 10 décembre 1948.
3 Art. 12, Constitution du 18 février 2006.
4 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 40.
5 G. CORNU, op. cit., p. 183.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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droit inné, un bienfait originel. Aucune distinction ne peut être fondée


sur le sexe, l'âge, l'état de santé, la race, l'origine, la fortune, etc.

Section 2
Le commencement et la fin de la personnalité juridique

Paragraphe 1
Le commencement de la personnalité juridique

Point 1
La naissance, moment incontesté de commencement de la
personnalité juridique

Il est uniquement admis que la personnalité juridique commence


dès la naissance. En effet, dit le Doyen Carbonnier, « par l'accouchement, dont
la section du cordon ombilical marque le terme, l'enfant, jusque-là pars viscerum
matris, devient une personne distincte »1.
Toutefois, le Doyen signale tout de suite que la naissance n'est pas
toujours suffisante à l'acquisition de la personnalité juridique2.
L'acquisition de la personnalité est subordonnée à la naissance d'un
enfant vivant et viable.
Un enfant naît vivant lorsqu'à sa naissance il respire complètement.
La respiration après l'accouchement est le critère de la vie3. Il s'agit d'une
question de fait dont la preuve, libre, repose sur les témoignages et les
observations de la médecine légale.
La viabilité est la capacité naturelle de vivre, l'aptitude à la vie. Tout
enfant né vivant est présumé viable, même s'il est mort rapidement
après. Une présomption de viabilité s'attache au premier signe de vie.
Mais cette présomption souffre la preuve contraire. Un enfant est
considéré comme non viable — bien que né vivant —, lorsque, étant
dépourvu d'un organe essentiel à la vie, il est nécessairement voué à
disparaitre. La non-viabilité est donc liée, pour l'heure, aux
malformations congénitales ou aux anomalies originelles qui rendent la
vie inéluctable.

1 J. CARBONNIER, Droit civil. 1/Les personnes. Personnalité, incapacités, personnes


morales, PUF, 1972, p. 27.
2 Idem.
3 Montpellier, 25 juil. 1872.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ces données sont d'une importance non-négligeable, car elles


conditionnent par exemple la participation de l'enfant à la succession, ou
sa capacité à recevoir un don.
Par ailleurs, renchérit le Doyen, la naissance n'est pas toujours
nécessaire à l'acquisition de la personnalité juridique1. Celle-ci préexiste à
la naissance, en ce sens que l'enfant simplement conçu, quoique non
encore né, est déjà prêt à être sujet de droit, notamment à hériter.
L'enfant acquiert la personnalité juridique dès avant sa naissance du seul
fait de la conception : au moins dans la mesure où son intérêt personnel le
réclame. L'enfant conçu est considéré comme né chaque fois que tel est son
intérêt.
Trois principes guident ce considérant : que l'embryon humain
appartient au genre humain — être humain, non pas chose, ni animal —
; qu'il est humain dès sa conception, non sa naissance, laquelle n'ajoute
rien à son humanité. L'être est dans l'œuf, en œuf ; que dès ce moment,
la loi garantit son respect2.
Cela dit, à la vérité, relativise Gérard Cornu3, la personnalité
juridique reconnue à l'être humain avant sa naissance ne peut elle-même
être plénière. Les contraintes de la nature empêchent que ce soit,
pendant la période intra-utérine, une personnalité complète, apte à se
déployer dans la plénitude de ses attributs. Mais elle engendre des effets
essentiels. Elle permet à l'enfant conçu de bénéficier par avance de
certains droits — notamment celui de fixer sur sa tête une vocation
successorale afin d'être compté dans la succession comme héritier —
Moins que parfaite, cette personnalité est également conditionnelle. Son
efficacité est subordonnée à l'événement de la naissance.
Notons que, exceptionnellement, les enfants futurs, les enfants à
naître, peuvent être considérés comme des personnes, aptes à recueillir
des droits. Ainsi, on peut déjà par exemple, contracter une assurance sur
la vie au profit des enfants à naître4.

1 J. CARBONNIER, Droit civil. 1.op. cit., p. 27.


2 G. CORNU, op. cit., p. 184.
3 Idem.., p. 185.
4 J. CARBONNIER, Droit civil. 1.op. cit., p. 28.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
La conception, moment discuté de commencement de la
personnalité juridique

En fait, la doctrine congolaise est partagée au sujet du


commencement de la personnalité juridique, entre partisans de la thèse
de la naissance1 et ceux de la conception2 comme moment de
commencement de la personnalité juridique.
Gaston Kabwa pense, au sujet de la thèse de la conception, qu'une
telle compréhension de la loi procède d'une interprétation littérale de
l'article 211 et tend en réalité à reconnaître à un embryon la personnalité
juridique. Il est d'avis que la condition supplémentaire posée à l'article
211 in fine s'oppose à une telle interprétation. Pour qu'il y ait la
personnalité juridique, il faut encore que l'enfant conçu, naisse vivant.
Certes la rédaction de l'article est ambiguë. Il reconnaît en effet une
distinction entre le moment de l'acquisition de la personnalité juridique,
qu'il situe à la naissance et celui de la jouissance des droits par un
individu, qu'il fait remonter à la conception ; alors qu'une telle distinction
est sans intérêt étant donné que seul un sujet de droit est apte à jouir
d'un droit. N'est-ce pas là une reconnaissance implicite de la personnalité
juridique à un embryon ? S'interroge l'auteur.
En fait, l'auteur considère que la personnalité juridique commence
à la naissance, avec effet rétroactif. Après la naissance, la personnalité
juridique rétroagit jusqu'à la conception.
Il s'agit d'une personnalité conditionnelle, qui ne devient effective
qu'à la naissance de l'enfant. Les effets juridiques attachés à la
personnalité juridique sont ainsi suspendus jusqu'à la naissance. La
naissance est une condition suspensive de l'octroi de la personnalité
juridique à une personne. Si elle naît vivante, les droits acquis lorsqu'elle
était simplement conçue sont consolidés. Dans le cas contraire, ces
droits ne produisent aucun effet, comme s'ils n'avaient jamais existé. Il
en découle que l'enfant simplement conçu non encore né n'a pas de
personnalité juridique.
En revanche, Jean-Pierre Kifwabala prend le contre-pied de son
homologue sur la question. Il opine que le législateur congolais a
considéré que la personnalité de l'homme commence dès sa conception.

1 G. KABWA, op. cit., pp. 18 et s.


2 J.-P. KIFWABALA, op. cit., pp. 41 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'ancien article 211 du Code de la famille disposait que « sauf les


exceptions établies par la loi, toute personne jouit des droits civils depuis
sa conception, à condition de naître vivant ». Il s'en dégageait que le
législateur décrétait la règle selon laquelle un individu accède à la
personnalité juridique à l'instant où il est conçu, à condition qu'il laisse
vivant. C'est ainsi que l'enfant mort-né est réputé n'avoir jamais été une
personne. Le Code n'avait pas retenu la condition de la viabilité posée
par l'ancien code civil livre premier.
Par ce fait, certains — il vise ici notamment Gaston Kabwa —
avaient pensé que la personnalité ne s'acquiert qu'à la naissance.
Cela paraît ne jamais avoir été le point de vue du législateur. Cela
est d'autant plus vrai que la loi de 2016 n'a retenu aucune condition pour
l'acquisition de la personnalité juridique. Le nouvel article 211 dispose :
« sauf les exceptions établies par la loi, toute personne jouit des droits civils
depuis sa conception ». Il y a donc instantanéité entre acquisition et consolidation
des droits dans le chef de l'enfant conçu. La simple conception est suffisante
pour créer des droits dans le chef de l'enfant.
Cependant, la question ne paraît pas avoir pour autant été résolue.
Dans cette mesure, pourrait-on considérer que le fœtus mort avant
l'accouchement a déjà été en vie, et par ce fait, a pu participer à une
succession ?

Paragraphe 2
La fin de la personnalité juridique

Le droit ne conçoit plus la mort civile, c'est-à-dire, une sanction


consistant en la privation à une personne, de toute capacité de
jouissance, de tous les droits, le rendant par-là esclave.
Tout homme conserve sa personnalité jusqu'à sa mort. La
personnalité dure autant que la vie. Elle ne s'éteint qu'à l'instant de la
mort. Aucun autre événement n'entraîne la perte totale de la
personnalité.
Mais, une difficulté surgit au sujet de la détermination du moment
de la mort. À partir de quel moment en effet, peut-on considérer qu'un
individu est mort ? L'intérêt de la question est de savoir à partir de quel
moment-là personne ne participe plus personnellement à la succession.
Mais l'intérêt se pose surtout au niveau des dommages causés au corps
de la personne. Selon qu'elle est vivante ou morte, elle pourra ou non
réclamer réparation des dommages lui causés. De même, la qualification
pénale des faits variera — avec la sanction, d'ailleurs — selon que la

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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victime était vivante ou pas. Mais c'est surtout en matière de vente


d'organes que la question a un grand intérêt, car les organes ne peuvent
être prélevés que sur un corps sans vie.
En principe, le décès est réputé s'être produit le jour où il a été constaté
par l'officier de l'état civil. Mais il s'agit d'une présomption réfragable. La
preuve contraire se fait donc conformément aux règles de biologie sur
la question.
À ce sujet, dit le Doyen Cornu1, la mort, en général, sait bien se
faire toute seule reconnaître. Aux proches, aux simple témoins, un arrêt
cardiaque et respiratoire — le dernier soupir et l'abandon du corps —
ne laissent guère de doute. Mais avant l'irréparable, la loi exige toujours,
pour la preuve du fait biologique, l'attestation d'un médecin.
L'autorisation de fermer le cercueil est subordonnée à l'établissement
d'un certificat médical de décès.
Cependant, le constat de la mort se heurte à de graves problèmes
dans les cas où la personne, d'elle-même ou par l'effet d'une assistance
sophistiquée, se trouve entre la vie et la mort, à l'un des divers paliers du
coma. La nécessité de déterminer précisément l'heure de la mort, et donc
de définir la mort, s'impose alors d'autant plus impérieusement que se
profile la perspective d'un prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules
post mortem.
Dans cette perspective, le Code de la santé publique subordonne le
constat de la mort d'une personne qui présente un arrêt cardiaque et
respiratoire persistant à la réunion de trois critères cliniques : 1.
L'absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée ; 2.
L'abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ; 3. L'absence totale de
ventilation spontanée. Et quand la personne dont le décès est constaté
cliniquement bénéficie d'une assistance respiratoire, la vérification de la
mort exige des épreuves complémentaires renforcées.
De l'ensemble de ces prescriptions, il ressort que la mort cérébrale
marque seule le terme de la vie. D'où l'évidence (mais aussi l'impérieuse
nécessité d'affirmer) que les personnes qui sont — et parfois
durablement — en état de vie végétative (dans un coma profond) sont
bien du côté de la vie, même s'ils sont l'objet de régimes de protection,
lesquels n'affectent ni leur personnalité ni leur capacité de jouissance, ni
tout particulièrement le droit à réparation intégrale des dommages qu'ils
ont subis2.

1 G. CORNU, op. cit., p. 186.


2 Voy. Cass. fr., Civ. 22 fév. 1995.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ainsi donc, la mort est la fin de la vie, c’est-à-dire l’arrêt complet et irréversible
des fonctions vitales. Pendant longtemps, elle était le fait de rendre le dernier
soupir et de n’avoir plus de cœur qui battait : il n’y avait ni respiration ni
circulation sanguine. Aujourd’hui, elle n’intervient pas toujours d’un seul
coup ; la définition médicale de la mort a changé : elle est devenue la mort
cérébrale. En cas d’électro-encéphalogramme plat, le cœur peut encore
battre, les poumons respirer, le corps n’a pas la rigidité d’un cadavre, la
mort est pourtant acquise, car le cerveau est mort1.

Section 3
Conséquence de la personnalité juridique : la capacité

La reconnaissance de la personnalité juridique à l'individu rend


celui-ci capable doublement : capable de jouir des droits — capacité de
jouissance — et capable de les exercer — capacité d'exercice —2. La loi
dispose que « toute personne peut contracter si elle n'est pas déclarée incapable par
la loi »3. Le principe est donc celui de la capacité et, et l'incapacité est
l'exception. Elle ne se présume pas.
La capacité peut être générale, ou spéciale, selon qu'elle porte sur tous
types d'actes ou sur un acte particulier.
Toutefois, la loi peut organiser des cas d'incapacités, générale ou
partielle. Ainsi, l'incapacité de jouissance peut être prévue pour des actes
particuliers — et non pour tous les actes. Il n'est donc plus possible de
concevoir aujourd'hui, une incapacité de jouissance générale ou une
mort civile —.
De même, la capacité d'exercice des personnes peut être restreinte
— ici d'ailleurs, partiellement ou surtout, totalement — à l'égard de
certaines personnes.
Notons cependant que l'incapacité n'affecte pas la responsabilité délictuelle
ou quasi-délictuelle de la personne si cette dernière a le discernement4. En clair, pour
les dommages causés par les enfants mineurs, ou les adultes placés sous
tutelle ou curatelle, le fait qu'ils soient incapables ici n'exclut pas leur
responsabilité, lorsqu'ils posent des actes qui causent dommage à autrui.
Ils en répondront s'ils ont le discernement.

1 P. MALAURIE, op. cit., p. 30.


2 G. KABWA, op. cit., p. 125.
3 Art. 23, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 214, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

1019
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'incapacité n'est ni une sanction, ni une injure. C'est en réalité un


régime de protection des personnes déclarées incapables.
Sont incapables aux termes de la loi1 : les mineurs ; les majeurs
aliénés interdits ; les majeurs faibles d'esprit, prodigues, affaiblis par l'âge
où infirmes placés sous curatelle.
La capacité des deux époux peut être limitée selon les dispositions
de l'article 499 du code de la famille2. Exceptionnellement ici, le régime
de protection ne vise pas la protection des conjoints, mais plutôt celle
de la famille.
Les actes accomplis par les incapables sont nuls de nullité relative3. La
nullité relative ici suppose que les actes peuvent devenir valables, à
condition pour la personne protectrice de l'incapable de valider cet acte-
là.

1 Art. 215, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 499, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 217, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

1020
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
La minorité
Section 1
Notions

Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a pas encore atteint
l'âge de 18 ans accomplis1.
Le mineur a la capacité de jouissance, mais pas celle d'exercice.
Suite à son immaturité créant l'incapacité à apprécier ses avantages ou
inconvénients, le mineur est placé parmi les incapables.
La loi dispose qu' « en ce qui concerne le gouvernement de sa personne, le
mineur est placé sous l'autorité de ses parents ou de son tuteur. Il est protégé par les
mêmes personnes en ce qui concerne ses intérêts pécuniaires et l'administration de ses
biens »2.
La protection des parents comprend ainsi la représentation du
mineur, son assistance, l'autorisation de certains actes, ou l'opposition à
certains actes.
Exceptionnellement toutefois, il existe des actes que la loi autorise
le mineur à poser seul, en ce qui concerne l'affiliation de son enfant.
En effet, la loi dispose que l'affiliation doit intervenir même si le
père est mineur. Dans ce cas, il agit seul3. Encore, une fille mineur agit
seule quant à son approbation à la convention d'affiliation4. Aussi, la mère
mineur de l'enfant est autorisée à agir en justice en cas de recherche de
paternité si son enfant est mineur5. Outre cela, l'adopté âgé de plus de
quinze ans doit personnellement consentir à son adoption6.
Nous y reviendrons. En gros donc, la loi prévoit en matière
d'affiliation et d'adoption, des cas dans lesquels le mineur peut agir seul,
malgré son incapacité.

1 Art. 219, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 221, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 616, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 619, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 631, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 661, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
L'autorité parentale

Paragraphe 1
Définition

L'autorité parentale désigne l'ensemble des droits et obligations octroyés par


la loi aux père et mère de l'enfant mineur pour pourvoir aux intérêts de ce dernier.
Il s'agit de l'ensemble des prérogatives conférées par la loi aux père
et mère sur la personne et les biens de leur enfant mineur et non
émancipé. Chaque prérogative est constituée d’un droit (agir) et d’un
devoir (agir dans l’intérêt du mineur). Les parents doivent ainsi protéger
l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, assurer son éducation et
permettre son développement, dans le respect dû à la personne1.
La loi dispose que « l'enfant mineur reste, jusqu'à sa majorité ou à son
émancipation, sous l'autorité conjointe de ses père et mère quant à l'administration de
sa personne et de son patrimoine et quant à la protection de sa sécurité, de sa santé et
de sa moralité » 2.
Les père et mère ou celui qui exerce l'autorité parentale sont chargés
de la direction de l'enfant mineur. Ils ne peuvent faire usage des droits
de l'autorité parentale que dans l'intérêt de l'enfant. Celui qui exerce
l'autorité parentale est tenu d'entretenir l'enfant et de pourvoir à ses
besoins et à son éducation dans la mesure de ses moyens3.

Paragraphe 2
Contenu de l'autorité parentale

Les père et mère ont l’administration et la jouissance des biens de leur


enfant jusqu’à sa majorité ou jusqu’à son émancipation. Les revenus de
ces biens sont par priorité consacrés à l’entretien et à l’éducation de
l’enfant4.
Les charges de cette jouissance sont concernent notamment la
nourriture, l’entretien et l’éducation de l’enfant, selon sa fortune5.

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 219.


2 Art. 317, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 326, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 327, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 328, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Titulaires de l'autorité parentale

Les père et mère exercent conjointement l'autorité parentale.


Toutefois, en cas de décès d'un conjoint, le conjoint survivant
exerce l'autorité parentale, assisté d'un tuteur adjoint. En tout état de
cause, l'auteur qui seul exerce l'autorité parentale, s'il se considère
incapable, peut demander au tribunal de désigner un tuteur.
Si les père et mère sont divorcés ou séparés de fait, l'autorité
parentale est exercée par celui d'entre eux à qui le tribunal a confié la garde de
l'enfant.
Enfin, l'autorité parentale peut être exercée par toute personne
majeure à qui serait déléguée en tout ou en partie l'autorité parentale par
les père et mère.
Les père et mère à l'exclusion du tuteur, peuvent déléguer en tout
ou en partie, l'exercice de l'autorité parentale à une personne majeure
jouissant de la pleine capacité civile1.
Le père, la mère ou toute autre personne exerçant l’autorité
parentale peut être déchu de celle-ci, en tout ou en partie, à l’égard de tous
ses enfants, de l’un ou de plusieurs d’entre eux, lorsqu’il est condamné
pour incitation à la débauche de ses propres enfants, de ses descendants
et de tout autre mineur ; qu'il est condamné du chef de tous faits commis
sur la personne d’un de ses enfants ou de ses descendants ; que, par
mauvais traitement, abus d’autorité, inconduite notoire ou négligence
grave, il met en péril la santé, la sécurité ou la moralité de son enfant ;
qu'il a été condamné pour abandon de famille. La déchéance est
prononcée par le Tribunal pour enfants sur réquisition du Ministère
public. Le Tribunal pour enfants peut, dans les mêmes conditions,
relever de la déchéance en tout ou en partie2.

1 Art. 320, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 319, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 3
La tutelle

Paragraphe 1
Notions

Point 1
Définition

La tutelle est un régime de protection ou de représentation du


mineur dont la filiation n'est juridiquement pas établie, ou lorsque les deux parents
sont décédés, ou lorsqu'ils sont dans l'impossibilité d'exercer l'autorité parentale.
Aux termes de la loi, « tout mineur non émancipé n'ayant ni père ou mère
pouvant exercer sur lui l'autorité parentale est pourvu d'un tuteur qui le représente
»1.

Point 2
Sources

La tutelle peut prendre sa source dans la volonté de la loi, ou dans


une décision de justice2. La tutelle peut aussi être établie par le testament
d'un parent3.
La tutelle peut être confiée à une personne physique ou à une
personne morale, y compris l'État (on parle là de pupille de l'État).
Le tuteur doit être une personne capable4. Il est désigné
conformément aux dispositions de l'article 224 du code de la famille. Le
tuteur est désigné par le Tribunal pour enfants ou par le Tribunal de paix,
selon le cas, sur proposition du conseil de famille. Il est choisi compte
tenu de l’intérêt du mineur, soit parmi les plus proches parents de ce
dernier, soit parmi toutes autres personnes susceptibles de remplir cette
fonction5. Le tuteur désigné ne peut refuser cette charge que pour motifs
graves, reconnus suffisants par le Tribunal.

1 Art. 222, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 224, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 226, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 223, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 224, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le conseil de famille est composé des parents ou alliés du père et


de la mère et des frères et sœurs majeurs du mineur1. Le conseil de
famille se réunit toutes les fois que l'exigent les intérêts du mineur.

Paragraphe 2
Charges du tuteur

Le tuteur a à sa charge la garde du mineur, le soin de son éducation et la


gestion de ses biens. Le juge peut décharger le tuteur de la garde du mineur.
Mais cette décharge n'a pas pour effet de lui ôter ses fonctions de tuteur2.
Le tuteur ne peut ni faire voyager le mineur plus de trois ans hors
du territoire national, ni passer pour ses biens aucun acte excédant la
simple administration.
Ces actes requièrent l'avis du conseil de famille et l'autorisation du
Tribunal3.

Paragraphe 3
Fin de la tutelle

La tutelle prend fin à la majorité de l'enfant, à la mort du tuteur ou à


la décharge du tuteur4.
Le tuteur peut être déchargé de la tutelle du mineur lorsqu’il s’est
compromis gravement dans l’exercice de sa fonction de tuteur ou
lorsqu’il a fait l’objet d’une condamnation judiciaire devenue définitive à
la suite d’une infraction qui porte atteinte à l’honneur et à la dignité de
sa fonction de tuteur.
Toute prescription est suspendue pendant la minorité de l'enfant.
Ses actes contre son tuteur relativement aux faits de la tutelle se
prescrivent par dix ans à compter de la fin de celle-ci.

1 Art. 227, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 229, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 231, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 236, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 4
L'émancipation

Paragraphe 1
Notions

Point 1
Définition

L'émancipation est l'acte juridique par lequel un mineur acquiert la


pleine capacité d’exercice et se trouve de ce fait assimilé à un majeur1.
L’émancipation permet d’anticiper la majorité, au profit des mineurs ayant
une maturité suffisante2. Par l'émancipation, le mineur accède, avant
l'âge de dix-huit ans, à une capacité juridique quasiment identique à celle
d'un majeur. Elle lui donne une liberté complète quant au gouvernement
de sa personne et à l'administration courante de ses biens. Elle permet
donc l'affranchissement du mineur de l'autorité parentale ou de la
tutelle3.
Cette anticipation de la majorité se justifie pour des motifs
particuliers censés faire apparaître que le maintien de la protection de
l'enfant lui sera contre-productif.
Tel le cas d'un enfant qui finit ses humanités à 17 ans dans une
localité du pays et vient poursuivre ses études universitaires à Kinshasa.
Il devra certainement recevoir de l'argent, louer une habitation, etc. Son
intérêt étant prouvé, il pourra être émancipé.

Point 2
Sources

Dans le temps, l'émancipation était de deux sortes : émancipation de


plein droit ou d'office, et émancipation judiciaire. Le mariage déclenchait
automatiquement l'émancipation (de plein droit). Seule l'émancipation
judiciaire est aujourd'hui en vigueur.
Aux termes de la loi, « le mineur ayant atteint l’âge de quinze ans accomplis
peut, dans son intérêt supérieur, être émancipé par le Tribunal pour enfants, sur

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 795.


2 P. MALAURIE, op. cit., p. 272.
3 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 176.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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requête présentée par ses père et mère ou, à leur défaut, par le tuteur (...) »1. Le juge
apprécie souverainement les raisons de cette émancipation, en raison de
la lucidité de l'enfant d'une part, et de son intérêt supérieur, d'autre part.

Paragraphe 2
Effets

L'émancipation confère au mineur la capacité juridique limitée aux actes


pour lesquels l'émancipation a été accordé2. L'enfant mineur émancipé acquiert
donc une sorte de capacité spéciale pour les actes pour lesquels il a été
émancipé3. Les actes posés en dehors de la catégorie pour laquelle il a
été émancipé sont entachés de nullité.
Le mineur émancipé ne peut passer les actes pour lesquels il est
incapable que représenté par ses père et/ou mère, ou le tuteur.

1 Art. 289, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 293, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 179.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La protection des personnes vulnérables
Il sied de réitérer que toute personne est apte à être titulaire des
droits. La capacité est le principe, et l'incapacité est l'exception.
Seulement, l'exercice de ces droits nécessite une possession intacte de
ses capacités physiques et mentales. Ainsi, lorsque la capacité physique
ou mentale d'une personne majeure est durement altérée par quelque
cause que ce soit, la personne majeure devient vulnérable et nécessite
une intervention de la loi en vue de sa protection. Les mêmes régimes
de protection sont applicables à l'altération durable des facultés
corporelles, si elle est susceptible d'empêcher l'expression de la volonté.
L'altération des facultés mentales ou corporelles doit être constatée par
le juge après expertise médicale1.
Les régimes prévus par la loi pour la protection de ces personnes
sont applicables quand l'altération des capacités corporelles commencent à influer
sur la volonté de l'auteur.
La loi prévoit deux régimes de protection des personnes majeures
vulnérables : l'interdiction judiciaire et la mise sous curatelle2.

Section 1
L'interdiction judiciaire

Paragraphe 1
Notions

L'interdiction judiciaire est l'état d'une personne majeure assimilée


par décision judiciaire à un mineur sous tutelle pour cause d'imbécilité ou
de démence habituelle, quand bien même cet état présenterait des intervalles
lucides. C'est un régime de représentation de cette personne, qui n'agit pas,
car on agit pour elle.
La démence désigne l'ensemble des troubles mentaux graves,
l'aliénation ou la folie. Elle peut également désigner une personne ayant
une conduite extravagante. L'imbécillité désigne le deuxième degré de
l'aliénation mentale entre l'idiotie et la simple aliénation mentale. C'est le

1 Art. 298, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 299, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

manque grave d'intelligence qui pousse quelqu'un à agir ou parler


bêtement, c'est le crétinisme.
La loi dispose que « les personnes qui sont dans un état habituel de démence
ou d'imbécillité peuvent être interdites dès l'âge de la majorité, ou après leur
émancipation même lorsque cet état présente des intervalles lucides »1.

Paragraphe 2
Procédure

Toute demande en interdiction sera portée devant le tribunal de


paix du lieu de résidence de la personne dont l'interdiction est sollicitée.
Peuvent provoquer l'interdiction, tout parent à l'égard de son
enfant, l'un des époux à l'égard de l'autre, le ministère public à l'égard
d'un conjoint, ou le tuteur à l'égard du mineur dès sa majorité ou dans
l'année qui précède celle-ci2.

Paragraphe 3
Effets

L'interdit est assimilé au mineur sous tutelle. L'interdiction aura son


effet à partir du jour du jugement3. L'interdit placé sous tutelle est dans
le même régime juridique que le mineur placé sous tutelle.
Le tuteur administre les biens de l'interdit et exerce sur lui les droits
de l'autorité tutélaire sous la surveillance du conseil de famille.
Les actes irrégulièrement accomplis par l'interdit son frappés de
nullité relative.
Les actes passés par l'aliéné non interdit ou avant son interdiction
sont annulables, pour autant que la démence ou l'imbécillité existât
notoirement au moment où ces actes ont été passés.

Paragraphe 4
Fin

L'interdiction cesse avec les causes qui l'ont déterminée4. C'est-à-dire que
la fin de l'état de démence ou d'imbécilité qui a motivé la décision,

1 Art. 300, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 302, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 304, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 308, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

entraîne la fin de l'interdiction. La mainlevée de l'interdiction est


prononcée par le juge.

Section 2
La mise sous curatelle

Paragraphe 1
Notions

La curatelle est un régime d'assistance des personnes majeures qui,


sans être hors d'état d'agir par elles-mêmes, ont besoin d'être assistées
ou conseillées dans les actes qu'ils posent.
La loi dispose que « les faibles d'esprit, les prodigues et les personnes dont
les facultés corporelles sont altérées par la maladie ou l'âge et toute autre personne qui
le demanderait, peuvent être placés sous l'assistance d'un curateur, nommé par le
tribunal de paix, dès l'âge de la majorité »1. Le curateur est nommé par le
Tripaix.
Les personnes ci-après peuvent être placées sous l'assistance d'un curateur
dès l'âge de la majorité : les faibles d'esprit ; les prodigues ; les personnes
dont les facultés corporelles sont altérées par la maladie ou l'âge ; toute
autre personne qui le demanderait.

Paragraphe 2
Procédure

La mise sous curatelle peut être demandée ou provoquée par ceux


qui ont le droit de demander l'interdiction. La demande est instruite et
jugée de la même manière que la demande d'interdiction. La mainlevée
n'est obtenue qu'en observant les mêmes formalités2
Par le jugement de mise sous curatelle, le tribunal nomme, sur
proposition du conseil de famille, un curateur qui assistera la personne à
protéger3.

1 Art. 310, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 311, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 312, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Effets

Il sera défendu à la personne placée sous curatelle de poser les actes


suivants sans l'assistance d'un curateur : plaider, transiger, emprunter,
recevoir un capital mobilier et en donner décharge, aliéner ou grever ses
biens en hypothèque, faire le commerce. La liste ci-dessus est limitative.
Le tribunal ne peut placer la personne sous l'assistance du curateur que
pour certains de ces actes1. Ces actes ne peuvent être posés par le majeur
qu'avec l'assistance du curateur.

1 Art. 313, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
LA FAMILLE
Dieu dit dans Genèse I 18 : « il n'est pas bon que l'homme soit seul ». La
famille est liée à la vie et à la mort, à la vie plus qu'à la mort, à la vie
paisible plus qu'aux drames. Le cycle d’une vie harmonieuse s'accomplit
dans la famille, dans la propagation de la famille : l'homme naît dans une
famille, puis à son tour fonde une autre famille qui plus tard constituera
de nouvelles familles. Autrefois, il mourrait dans la famille de ses enfants
; la boucle était bouclée1.
Paniol et Ripert2 définissent la famille, entendue au sens large,
comme l'ensemble des personnes qui sont unies par le mariage, par la filiation ou
par l'adoption et par une parenté résultant d'une descendance avec un auteur commun.
C'est la famille élargie. Mais on entend plus souvent par famille, un groupe
plus restreint et qui est formé par la petite société que constituent le père, la mère et
les enfants. C'est la famille restreinte.
La famille naît donc du mariage et de la filiation, des liens de
parenté et d'alliance.

1 P. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. La famille, Cujas, Paris, 1992, p. 13.


2 Cité par P. MALAURIE et L. AYNES, op. cit., p. 14.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Le mariage
Section 1
Notions

Paragraphe 1
Définition et nature juridique

Point 1
Définition

On voit dans le mariage l'origine même de la famille1.


Aux termes de la loi, « le mariage est l’acte civil, public et solennel par lequel
un homme et une femme qui ne sont engagés ni l’un ni l’autre dans les liens d’un
précédent mariage enregistré, établissent entre eux une union légale et durable dont les
conditions de formation, les effets et la dissolution sont déterminés par la présente loi
»2.
Aubry et Rau3 définissent sobrement le mariage comme l'union de
deux personnes de sexe différent, contractée avec certaines solennités. Le mariage est
l'acte par lequel un homme et une femme qui se sont mutuellement
choisis s'engagent à vivre ensemble jusqu'à la mort (que l'engagement ne
soit pas toujours tenu ne change rien au sens de l'acte initial) ; de l'accord
des volontés sort un lien durable, le lien conjugal4.
Le mariage a pour but essentiel de créer une union entre un homme et une
femme qui s'engagent à vivre ensemble jusqu'au décès de l'un d'entre eux,
pour partager leur commune destinée et pour perpétuer leur espèce5.
Toute stipulation visant à écarter l'une des fins essentielles du mariage
est nulle6.

1 P. MALAURIE et L. AYNES, op. cit., p. 41.


2 Art. 330, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Cités par J. CARBONNIER, Droit civil. 2/ La famille, les incapacités, PUF, Paris,

1972, p. 14.
4 J. CARBONNIER, Droit civil. 2.op. cit., p. 14.
5 Art. 349, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 350, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Nature juridique du mariage

La nature juridique du mariage est discutée sous deux points de vue


: l'on se demande si le mariage est un contrat, ou une institution.

A. L'intérêt de la discussion

On fait assez souvent dépendre d'un choix entre ces deux analyses
la réponse à la question du divorce : un contrat devrait pouvoir se
dissoudre par le consentement mutuel des parties, ou même, étant à
durée indéterminée, par la volonté unilatérale de l'une d'entre elles.
L'institution, au contraire, devrait, suivant sa nature, être indissoluble du
vivant des époux.

B. La discussion

En mettant l'accent sur le consentement dans la formation du mariage,


on pourrait corroborer l'idée de contrat. Néanmoins, ce n'est pas un
contrat ordinaire : il fait plus qu'engendrer de simples rapports de
créancier à débiteur ; il crée une famille, l'état d'époux, la légitimité des
enfants.
C'est justement pour exprimer cela que, dans une conception plus
moderne, on représente le mariage comme une institution ; on veut dire
par là un tout organique, une espèce de corps social dépassant les
volontés individuelles.
Il n'est pas rare, d'ailleurs, que l'on combine les deux idées et que
l'on considère le mariage comme une institution ayant à sa base, sinon
un contrat, du moins, ce qui est une notion plus large : un acte juridique
un accord de volontés.
Le mariage est donc en somme, à la fois un contrat et une
institution1.

1Idem., p. 14 ; A. HERADY, op. cit., pp. 470-471 ; J-P. KIFWABALA, op. cit., pp.
249-250.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Principes fondamentaux régissant le mariage

Le mariage est régi par le principe constitutionnel de la liberté du mariage.


La Constitution dispose que « tout individu a le droit de se marier avec la
personne de son choix, de sexe opposé, et de fonder une famille »1.
Toute personne est donc libre de se marier avec la personne de son choix
et de fonder une famille2.
Cette liberté rencontre néanmoins quelques restrictions. En effet, on
ne peut se marier qu'avec la personne d'un autre sexe. Le mariage
homosexuel est interdit. De même, le mariage d'enfants est interdit.
La loi interdit également le mariage avant la dissolution d'un
précédent mariage, elle interdit la bigamie.
Par ailleurs, ne mariage est aussi interdits entre ascendants ou
descendants, ou entre frères consanguins, germains ou utérins. De même
entre alliés, ou entre adoptant et adopté.

Section 2
Les fiançailles

Il va de soi que, lorsque les futurs époux déclarant en présence de


l'officier de l'état civil vouloir se prendre pour mari et femme, ils se sont
déjà accordés depuis plus ou moins longtemps : l'échange solennel des
consentements n'est jamais que l'exécution d'un accord antérieur.

Paragraphe 1
Notions

Les fiançailles sont une promesse de mariage. Elles n'obligent pas les
fiancés à contracter le mariage. Le mariage peut être contracté sans
célébration préalable des fiançailles3.
Les fiançailles ne sont pas un contrat4. Même sorties de la sphère des
projets vagues, même solennisés par une cérémonie de famille, voire par
la procédure légale de la publication, les fiançailles ne constituent à aucun
moyen un contrat juridiquement obligatoire. C'est un accord purement moral,

1 Art. 40, Constitution du 18 février 2006.


2 Art. 334, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 337, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 254.

1037
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'où ne peut résulter qu'un devoir de conscience1. Il semble que l'esprit


général du législateur ait été de laisser sous l'empire des mœurs route une
période des accords préalables, afin de mieux sauvegarder, jusqu'au bout,
la liberté de chacun2.
Il y a fiançailles lorsque les promesses de mariage sont échangées
conformément à la coutume ; lorsqu'il existe un contrat entre deux familles
convenant qu'un mariage interviendra entre les deux familles ; ou lorsque
les diverses étapes du mariage célébré en famille sont en cours3.
La forme des fiançailles est réglée par la coutume des fiancés. En
cas de conflit de coutume, la coutume de la fiancée est d'application4.

Paragraphe 2
Régime juridique

Les fiançailles ne sont pas un contrat. La conséquence est que, la


rupture des fiançailles par elle-même n'est pas une faute. Non seulement la non-
exécution de sa promesse ne pourra donner lieu à une exécution forcée
de donner son consentement, mais surtout, que le fiancé récalcitrant ne
pourra être présumé en faute du seul fait de la rupture des fiançailles et
être condamné à payer des dommages-intérêts5.
Mais, si la rupture en soit n'est pas une faute, la faute peut naître
dans les circonstances de cette rupture. La rupture n'est pas
nécessairement imputable à celui des fiancés qui en prend
unilatéralement l'initiative : il peut y être amené par de justes motifs —
le futur époux découvre l'inconduite, ou un passé déshonorant de la
future, ou vice versa —. Il faut remonter à la faute initiale, s'il s'en trouve
une. Mais, bien souvent, la rupture n'a d'autre motif qu'un changement
des sentiments, ou une appréciation différente des chances qu'aurait
l'union d'être heureuse : cette sorte de rupture, sauf consentement
mutuel des fiancés, est généralement traitée comme une faute6.
Lorsqu'il y a faute, la personne à laquelle la rupture des fiançailles
est imputée, est tenue de tous les frais occasionnés par les fiançailles. En
outre, elle doit réparer tout préjudice causé par la rupture des fiançailles,

1 J. CARBONNIER, Droit civil. 2.op. cit., p. 20.


2 Idem.
3 Art. 338, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 340, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 J. CARBONNIER, Droit civil. 2.op. cit., p. 20.
6 Idem., p. 22.

1038
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

à l'exclusion de la perte des avantages qu'on pouvait espérer


légitimement en raison du manage1. Mais elle ne peut être contraint de
se marier.
Les prestations et valeurs échangées ne peuvent être remboursées
que si la coutume est d'accord. Les cadeaux reçus doivent être restitués,
sauf si le tribunal estime qu'il serait inéquitable de restituer tout ou partie
des cadeaux offerts par celui des fiancés qui, par sa faute, a provoqué la
rupture ; si la coutume applicable ne prévoit pas la restitution des
cadeaux ou de certains cadeaux ; s'il appert que les cadeaux ont été
offerts sous condition que le mariage ait lieu2.

Section 2
Formation du mariage

En tant que contrat, le mariage obéit à des conditions de fond et de


forme.

Paragraphe 1
Conditions de fond

Point 1
Le consentement des époux et leur capacité de contracter

Chacun des époux doit consentir personnellement au mariage3.


L'homme et la femme avant 18 ans révolus ne peuvent contracter
le mariage4. Le mariage des mineurs est donc interdit.
La loi institue en plus des limitations à la capacité de contracter le
mariage, tenant aux relations de filiation entre les époux.
Ainsi le mariage est prohibé, en ligne directe, entre tous les
ascendants et descendants. En ligne collatérale, entre frères et sœurs
germains, consanguins et utérins. Également entre alliés ou d'autres
parents collatéraux pour autant qu'il soit formellement interdit par la
coutume. Entre l'adoptant et l'adopté5. Par ailleurs, nul ne peut
contracter un nouveau mariage avant la dissolution ou l'annulation du

1 Art. 346, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 345, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 351, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 352, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 353, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

précédent1. L'interdit ne peut contracter mariage tant que dure son


interdiction2. L’enfant, même émancipé, ne peut contracter mariage3.
La loi institue en outre une limitation tenant à la situation post-
maritale de la femme. Ainsi, aux termes de la loi, « la femme ne peut se
remarier qu'après l'expiration d'un délai de trois cents jours à compter de la
dissolution ou de l'annulation du précédent mariage »4.
La loi institue par là le délai de viduité. Ce délai, d'environ 9 mois, sert
à éviter des conflits de paternité suite à la présomption de paternité5. En
effet, la loi présume que l'enfant a pour père le mari de sa mère. Par
ailleurs, l'enfant est présumé avoir été conçu 300 jours avant sa
naissance. Dans ces conditions, la femme divorcée ne peut se remarier
avant l'expiration de ce délai, car dans ce cas, son enfant risquerait d'être,
à tort, présumé avoir pour père le (nouveau) mari de sa mère.
Le délai peut prendre fin lorsque la femme accouche avant 300
jours. En outre, le tribunal peut, sur requête de la femme, fixer un délai
moindre, lorsque celle-ci prouve que son ancien mari s'est trouvé de
manière continue dans l'impossibilité de cohabiter avec elle. Il peut
supprimer ce délai si cette impossibilité de cohabiter a duré au moins
cent jours ou si la femme fait établir médicalement qu'elle n'est pas
enceinte6.

Point 2
La dot

Aux termes de la loi, « le futur époux et sa famille conviennent avec les


parents de la future épouse d'une remise des biens et/ou d'argent qui constituent la
dot au bénéfice des parents de la future épouse. Il n'y a pas de mariage sans dot. Le
mariage ne peut être célébré si la dot a été versée, au moins en partie »7.
La dot est un ensemble des biens et/ou d'argents remis par le futur
époux et sa famille à la famille de la future épouse dans le but de
contracter le mariage.

1 Art. 354, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 356, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 357, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 355 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 A. HERADY, op. cit., p. 511.
6 Art. 355, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
7 Art. 361, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Toutes les questions relatives à la dot sont gérées par la coutume.


En cas de conflit de coutume, la coutume de la femme est d'application1.
La dot est déterminée suivant les us et coutumes des futures conjoints2. La
loi ne régit pas la question.

Paragraphe 2
Les conditions de forme

Le mariage peut être célébré sous deux formes alternatives : le


mariage peut être célébré en famille, puis enregistré par l'officier de l'état
civil ; le mariage peut également être célébré devant l'officier de l'état
civil3.

Point 1
La célébration du mariage en famille

Le mariage est célébré selon les coutumes des familles4. Les époux
se présentent devant l'officier de l'état civil en vue de faire constater et
assurer la publicité et l'enregistrement du mariage, dans un délai de trois mois5.
Passé ce délai, l'enregistrement a lieu sur décision du tribunal6.
Dans un délai de 15 jours, l'officier publie l'acte de mariage et assure
l'enregistrement.
Avant son enregistrement, le mariage célébré en famille n'est pas
opposable aux tiers. Il n'est opposable qu'aux époux, ainsi qu'aux personnes
qui ont participé à cette célébration7.

Point 2
La célébration du mariage par l'officier de l'état civil

Le mariage est célébré publiquement au bureau de l'état civil du


domicile ou de la résidence de l'un des époux. Toutefois, le tribunal peut
autoriser, pour juger justes motifs, la célébration à un autre lieu — église,

1 Art. 362, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 363, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 368, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 369, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 370, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 378, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
7 Art. 380, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

résidence… —. L'officier de l'état civil peut toutefois, avant toute


autorisation du juge, se transporter en cas de péril imminent de mort au
domicile de l'une des parties pour célébrer le mariage1.

Section 3
La preuve du mariage

La preuve du mariage se fait exclusivement selon les règles établies


par le code de la famille2. Les autres preuves, notamment pénales, sont
donc inadmissibles.
La preuve du mariage se fait ordinairement par l'acte de mariage ou le
livret de ménage3.
Toutefois, dit la loi, à défaut de l'acte d'état civil, le mariage est
prouvé par la possession d'état d'époux4.
La possession d'état d'époux est le fait pour un homme et une femme de
s'être comportés comme gens mariés et d'avoir passé pour tel aux yeux du public5.
Deux personnes ont la possession d'état d'époux : lorsqu'elles se
considèrent et se traitent mutuellement comme époux ; lorsqu'elles sont
considérées et traitées comme époux par leurs familles ; lorsqu'elles sont
considérées et traitées comme époux par la société. Ces trois conditions
sont cumulatives.
La possession d'état ne peut être utilisée que de manière
exceptionnelle. Elle ne peut être admise comme preuve de mariage que
dans des conditions strictes. Entre époux, la possession d'état ne pourra
servir de preuve que lorsqu'au débat aucune fraude ne risque d'être
commise, et ensuite lorsqu'il existe d'autres éléments de preuve rendant
probable le mariage ; et, enfin, il faut qu'il y ait une raison justifiant le
défaut d'acte de l'état civil. C'est de cette manière que peut empêcher les
concubins vivant maritalement d'établir par la possession d'état un
mariage qui n'a jamais eu lieu6.
Il serait judicieux d'admettre la possession d'état comme preuve du
mariage lorsque par exemple l'acte du mariage dressé comporte des

1 Art. 389, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 433, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 436, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 438, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 A. HERADY, op. cit., p. 552.
6 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 305.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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irrégularités formelles graves de nature à le priver de son efficacité en


tant qu'instrument probant1.
La possession d'état d'époux est prouvée en apportant plus d'un
témoin et peut être contestée de la même manière.
A défaut de possession d'état, le mariage peut être prouvé par un
acte de notoriété2.

Section 4
Les effets du mariage

Paragraphe 1
Le ménage

Le mariage crée le ménage3. Le ménage désigne les époux, leurs


enfants non mariés à charge, ceux sur qui ils sont tenus d'une obligation
alimentaire4.
Le mari est le chef du ménage. Les époux se doivent protection
mutuelle5. Les époux concourent dans l'intervalle du ménage à en assurer
la direction morale et la gestion financière et matérielle6.
Si l'un des époux est frappé d'incapacité ou s'il est absent, l'autre
exerce seul la gestion du ménage. Il en est de même si l'un des époux
abandonne volontairement la vie commune ou s'il est hors d'état de
manifester sa volonté en raison de son éloignement ou pour toute autre
cause — y compris le décès —7.
Les époux contribuent aux charges du ménage selon leur faculté et
leur état8.

1 A. HERADY, op. cit., p. 552.


2 Art. 439, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 442, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 443, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 444, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 445, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
7 Art. 446, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
8 Art. 447, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Autres effets

Point 1
La communauté de vie

Les époux s'obligent mutuellement à la communauté de vie et sont


tenus à consommer le mariage1. Les relations sexuelles, qui constituent le
devoir conjugal par excellence2.
L'obligation de cohabitation n'est pas absolue. Une impossibilité
physique ou même morale peut en justifier l'inaccomplissement. Si par
sa faute, l'un des conjoints rendait la vie commune intolérable à l'autre,
celui-ci serait en droit de s'y refuser. La chose a souvent été jugée au
profit de la femme qui ne trouverait pas au domicile conjugal le
traitement et les égards auxquels elle a droit (elle y subit des violences,
par exemple)3.
Les époux s'obligent d'habiter ensemble dans le lieu par eux choisi,
dans l'intérêt du mariage4.
Toutefois, les époux peuvent, dans l'intérêt du ménage, convenir
de vivre séparés pendant une période déterminée ou indéterminée. Cette
convention peut être révoquée à tout moment par l'autre5.
En cas de séparation conventionnelle, la garde est confiée à l'un des
époux ou à une personne tierce de leur choix. En cas de désaccord, la
garde est réglée par le tribunal6.

Point 2
Les devoirs des époux

Les époux se doivent soins et assistance réciproque. Ils se doivent


fidélité, respect, considération et affection7.
En cas de défaut à ces devoirs, le conjoint lésé peut, après plusieurs
tentatives d'harmonisation, saisir le tribunal.

1 Art. 453, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 J. CARBONNIER, Droit civil. 2.op. cit., p. 67.
3 Idem., p. 66.
4 Art. 454, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 456, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 457, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
7 Art. 458, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'expression « devoir » utilisée par le législateur plutôt que «


obligation », suggère que la morale, à cet endroit, importe plus que la
sèche technique, et plaçant les devoirs avant les droits, elle semble inviter
chaque époux à se montrer exigeant envers lui-même plutôt qu'envers
l'autre. C'est par les devoirs, non par les droits, que le mariage se définit
le mieux1.

Section 5
La dissolution de mariage : le divorce

Paragraphe 1
Causes générales de dissolution du mariage

Les causes générales de dissolution du mariage sont là mort de l'un


des époux, le divorce, ou le nouveau mariage du conjoint après jugement
déclaratif de décès du conjoint absent2.
La mort du conjoint dissout de plein droit le mariage3. Néanmoins,
elle ne met pas fin aux liens de paternité et d'alliance créés par le
mariage4.
La dot ne peut être remboursée. Le paiement du solde de la dot ne
peut être exigé5.
Celui qui aura imposé au conjoint survivant des rites non
conformes à la dignité humaine ou au respect de la liberté individuelle
ou de la vie privée sera pénalement puni.
Toute coutume prescrivant une indemnité de décès est proscrite.

Paragraphe 2
Le divorce

Point 1
Définition

Le divorce est la dissolution d'un mariage valable du vivant des


époux. Le divorce résulte d'une décision judiciaire prononçant la

1J.CARBONNIER, Droit civil. 2.op. cit., p. 65.


2 Art. 539, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 541, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 542, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 543, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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dissolution du mariage à la demande de l’un des époux1. La dissolution


du mariage par les autorités coutumières ou familiales est sans effet2.

Point 2
Condition du divorce : la destruction irrémédiable de l'union
conjugale

A. Notions

L'action en divorce se fonde sur la destruction irrémédiable de l'union


conjugale3. Aux termes de la loi, « il y a destruction irrémédiable de l'union
conjugale si le tribunal tire la conclusion que la continuation de la vie conjugale et la
sauvegarde du ménage sont devenus impossibles »4.
Le législateur congolais consacre là la conception du divorce remède5,
qui se distingue de la conception du divorce sanction, par laquelle le divorce
est considéré comme une sanction prononcée à l'égard de l'époux
reconnu coupable de violation des devoirs conjugaux. Par le divorce
remède, enseigne le Doyen Carbonnier6, « le divorce est considéré ici
non comme une sanction à l'égard d'un époux coupable et en faveur d'un
époux innocent ; mais uniquement comme un remède à une situation
devenue inextricable, à une impossibilité de poursuivre la vie commune. Les
causes de divorce sont envisagées de manière objective, comme attestant
la faillite du mariage, faillite qui peut sans doute être due à des fautes, mais
également à des cas fortuits. Le divorce n'est alors que la liquidation
indifférente d'une entreprise qui a manqué son but »7.
Il a été jugé que le divorce entre époux devra être analysé comme
un échec des deux conjoints face à leur devoir de cohabitation8.

1 Art. 546, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 547, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 549, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 550, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 A. HERADY, op. cit., p. 601.
6 J. CARBONNIER, Droit civil. 2.op. cit., p. 123.
7 Nos italiques.
8 Tripaix Kinshasa/Gombé, R.C. 153/VI, 14 janv. 1992.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Présomptions de destruction irrémédiable de


l'union conjugale

La loi a prévu des situations de présomption de destruction


irrémédiable de l'union conjugale. Ainsi, la séparation unilatérale — non
conventionnelle — prolongée pendant plus de trois mois constitue une
présomption de destruction irrémédiable de l'union conjugale1.
Plus loin, la loi a prévu un cas de présomption irréfragable de
destruction irrémédiable de l'union conjugale. En effet, l'absence
prolongée pendant deux ans ainsi que la déclaration d'absence
constituent une présomption irréfragable de destruction irrémédiable de
l'union conjugale2.

Point 3
Effets du divorce

Le divorce dissout le mariage et met fin aux devoirs réciproques des époux et
à leur régime matrimonial3. Chacun des époux peut contracter une nouvelle union,
sous réserve pour la femme de respecter le délai de viduité.
La garde et l'autorité parentale des enfants issus du mariage sont attribués
par le tribunal4. Les mère et père peuvent toutefois conclure un accord
sur la garde de leurs enfants mineurs. Quelle que soit la personne à
laquelle la garde est confiée, les mère et père conservent respectivement
le droit de surveiller l'entretient et l'éducation des enfants et y
contribuent. Ils conservent également le droit de consentir à
l'émancipation ou à l'adoption de leurs enfants5.

1 Art. 551, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 552, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 578, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 584, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 586, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La filiation
La filiation est le lien juridique qui unit un enfant à ses père et mère1. Elle
est dite paternelle lorsqu'on considère la descendance du père, et
maternelle lorsqu'on considère celle de la mère.

Section 1
La filiation biologique

Paragraphe 1
La filiation maternelle

La filiation maternelle résulte du seul fait de la naissance2.


Elle s'établit ou se prouve soit par l’acte de naissance, soit par une
déclaration volontaire de maternité, soit par une action en recherche de
maternité3
Relativement à l'acte de naissance, l'indication du nom la mère sur
l'acte de naissance suffit à établir la filiation maternelle4.
Lorsque le nom n'est pas indiqué dans l'acte de naissance, la mère
peut faire une déclaration volontaire de maternité devant l'officier de l'état civil
qui l'inscrit dans l'acte5. La mère, même incapable, peut le faire. Dans ce
cas, elle agit seule.
Par ailleurs, tout enfant peut intenter une action en recherche de
maternité en prouvant qu'il est enfant d'une femme X6.
Tout enfant peut intenter une action en recherche de maternité.
L'enfant qui exerce l'action en
recherche de maternité sera tenu de prouver qu'il est celui dont la
mère prétendue a accouché.
Il sera reçu à prouver la maternité en établissant qu'il a, à l'égard de
la mère prétendue, la possession d'état d'enfant. Une personne a la
possession d'état d'enfant à l'égard d'une autre lorsqu'elle porte son nom
; qu'elle est traitée comme tel par elle, ou qu'elle est traitée comme tel

1 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 419.


2 Art. 595 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 595 al. 2, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 596, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 597, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 600 al. 1, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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par la société. A défaut, la preuve de la maternité pourra être faite par


témoins. La preuve contraire pourra se faire par tous moyens1.

Paragraphe 2
La filiation paternelle

La filiation paternelle s'établit par la présomption légale en cas de


mariage, par une déclaration de paternité ou par une action en recherche
de paternité2.
L'enfant né pendant le mariage ou dans les 300 jours après sa
dissolution a pour père le mari de sa mère3. C'est la présomption légale de
paternité.
Les présomptions se basent sur les devoirs de cohabitation et de
fidélité imposés aux époux et sur la présomption de fécondité de leurs
relations. Ces présomptions sont justifiées par le fait que la conception
est un fait essentiellement intime qui échappe parfois même aux
intéressés eux-mêmes. Ce caractère secret exclut toute preuve directe de
la paternité, tant en ce qui concerne son auteur que le moment précis de
conception. Dès lors, le bon sens commande que l'on parte du fait
connu, à savoir la naissance, pour en déduire l'époque de la conception,
celle-ci étant destinée à son tour à permettre de présumer le père de
l'enfant. Cette démarche est louable puisqu'elle assure la paix des familles
qu'une recherche systématique d'hérédité mettrait en péril4.
Quant à la déclaration de paternité ou affiliation5, tout enfant né
hors mariage doit faire l'objet d'une déclaration de paternité dans les 12
mois suivant sa naissance. L'affiliation peut être intervenir dès la
conception, et même après le décès. Le père même mineur peut affilier
son enfant. Dans ce cas, il agit seule.
L'affiliation peut être réalisée par convention conclue entre le père et la
famille maternelle. Dans ce cas, elle n'est valable que si la mère, même
mineure, l'accepte. Elle est présumée valable en cas de silence de la mère.
La convention est déclarée à l'officier d'état civil.

1 Art. 600 al. 2, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 601, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 602, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 J.-P. KIFWABALA, op. cit., p. 425.
5 Art. 614 et s., Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'affiliation peut aussi être réalisée par déclaration commune faite


par les père et mère devant l'officier de l'état civil. Elle peut enfin être
réalisée par déclaration du père devant l'officier de l'état civil.
Quant à l'action en recherche de paternité1, elle résulte de l'enfant.
Pendant la minorité de l'enfant, la mère, même mineure, peut l'exercer.
Si elle est décédée, un membre de la famille maternelle pourra l'exercer.
La filiation paternelle est prouvée par l'acte de l'état civil. A défaut
d'acte de l'état civil, elle peut être prouvée par la possession d'état
d'enfant.

Paragraphe 3
Effets de la filiation

Tous les enfants ont les mêmes droits et mêmes devoirs dans leurs
rapports avec leurs père et mère2. Les mère et père ont l'obligation de
nourrir, entretenir et élever leurs enfants3.

Section 2
La filiation juridique

L'enfant né hors mariage dont la filiation n'a ou être établie, se voit


désigné par le tribunal un père juridique parmi les membres de la famille
de la mère de l'enfant ou une personne proposée par la mère4.

Section 3
La filiation adoptive

L'adoption est la création juridique d'un lien de filiation entre deux personnes
physiologiquement étrangères. L'adoption crée un lien de filiation distinct de la
filiation d'origine de l'adopté5.

1 Art. 630 et s., Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 645, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 648, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 649, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 650, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Conditions

Toute personne capable peut adopter1. Toutefois, les personnes


déchues de l'autorité parentale ne peuvent adopter. Les homosexuels,
transsexuels, pédophiles, psychopathes, ne peuvent adopter.
L'adoption ne peut avoir lieu que pour justes motifs, et si elle présente
un avantage pour l'adopté2.
L'adoption ne peut être demandée qu'après cinq ans de mariage, sauf
s'il s'agit de l'enfant du conjoint3.
L'existence d'enfants chez l'adoptant ne fait pas obstacle à l'adoption.
L'adoption n'est permise qu'aux personnes qui ont moins de trois
enfants en vie. Nul ne peut adopter plus de trois enfants, sauf s'il s'agit
des enfants de son conjoint4.
L'adoption est permise quel que soit l'âge de l'adopté5. L'adoptant
doit avoir au moins quinze ans de plus que l'adopté. Toutefois, s'il adopte
l'enfant de son conjoint, il faut qu'il ait dix ans de plus que l'adopté, sauf
dispense du Président de la République6.
Doivent consentir à l'adoption, le conjoint de l'adoptant7 ; l'adopté
lui-même, s'il a plus de quinze ans8 ; les père et mère de l'adopté9.

Paragraphe 2
Effets

L'adopté est considéré à tous égards comme étant l'enfant de


l'adoptant Il entre dans la famille de l'adoptant10.
En même temps, l'adopté conserve ses liens avec sa famille
d'origine. Ses descendants ont des liens avec la famille adoptive ainsi
qu'avec la famille d'origine11.

1 Art. 653, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 651, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 654, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 656, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 Art. 660, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
6 Art. 668, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
7 Art. 657, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
8 Art. 661, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
9 Art. 662 et 663, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
10 Art. 677, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
11 Art. 678, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Déclaration universelle des droits de l’homme,
Résolution de l’Assemblée générale 217 (III) du 10 décembre
1948.
3. Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4. Loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la
nationalité congolaise.
5. Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des
obligations conventionnelles.

B. DOCTRINE

1. J. CARBONNIER, Droit civil. 1/Les personnes.


Personnalité, incapacités, personnes morales, PUF, 1972 ; Droit civil. 2/
La famille, les incapacités, PUF, Paris, 1972.
2. G. CORNU, Droit civil. Introduction, les personnes, les
biens, Montchrestien, Paris, 1999.
3. A. DIONISI-PEYRUSSE, Droit civil, tome 1 : les
personnes, la famille, les biens, CNFPT, Paris, 2007.
4. A. HERADY, Droit civil. Vol. 1 : Les personnes, les
incapacités, la famille, EDUPC, Kinshasa, 2014.
5. G. KABWA KABWE, Droit civil congolais. Tome 1 : Les
personnes, les incapacités, PFDUC, Kinshasa, 2016.
6. J.-P. KIFWABALA, Droit civil. Les personnes, les
incapacités, la famille, PUL, Lubumbashi, 2018.
7. P. MALAURIE et L. AYNÈS, Droit des personnes. La
protection des mineurs et des majeurs, LGDJ, Paris, 2015 ; Droit civil.
La famille, Cujas, Paris, 1992.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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9. Le droit des biens


Le droit civil des biens étudie les rapports entre la personne et son bien.
Le bien est toute chose ayant une valeur économique et susceptible d’appropriation.
Il forme avec l’obligation, les deux contenus du patrimoine. La loi classe
principalement les biens en biens meubles et immeubles. Les biens
meubles sont définis par exclusion, de sorte que tout ce qui n’est pas
immeuble est meuble.
Le rapport de droit qu’a la personne avec sa chose est un droit réel,
dont le plus complet est la propriété. Elle donne à son détenteur tous les
droits sur la chose, y compris celui de l’aliéner ou de la détruire.
Cependant, il existe à coté, des apparences de propriété. Des pouvoirs
de fait de jouissance d’une chose qui peuvent, suivant certaines
conditions, se transformer en véritable propriété.
En ce qui concerne plus particulièrement le régime foncier et
immobilier congolais, la loi congolaise consacre la propriété exclusive de
l'État sur son sol. En effet, aux termes de l'article 53 de la loi dite
foncière, « le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat ».
Les particuliers ne peuvent donc plus obtenir des droits de propriété sur
le sol congolais. L'État accorde seulement sur son sol un droit de jouissance,

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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perpétuelle ou temporaire, selon qu'on est congolais ou étranger ou


personne morale. Sur le sol donc se rencontre deux droits : le droit de propriété
de l'État et le droit de jouissance des particuliers.
Par ailleurs, la loi consacre une adhésion du droit congolais au
système de l'Act Torrens. Cela emporte que le droit de jouissance d’un fonds
n’est légalement établi que par un certificat d’enregistrement du titre concédé par
l’Etat. Les particuliers peuvent tout de même être propriétaires des
immeubles incorporés au sol qui, eux aussi, doivent être inscrits sur un
certificat d'enregistrement. La propriété privée des immeubles par
incorporation, qui est toujours envisagée séparément du sol, n’est
légalement établie que par l’inscription, sur le certificat établissant la
concession du fonds, desdits immeubles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
THÉORIE GÉNÉRALE DES BIENS

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Sous-titre 1
Théorie générale des biens et du patrimoine

Chapitre 1
Catégorisation objective des biens : les biens par
rapport à leur objet
Section 1
Les biens

Sous-section 1
Définition du mot « bien »

Il est généralement admis, de toutes les distinctions juridiques, que


la plus importante est celle qui est faite entre les personnes et les biens. En
fait, plus qu'une distinction, il s'agit d'une hiérarchie : la personne
humaine est la plus grande des richesses, car elle a une valeur infinie.
C'est elle qui donne une certaine valeur économique aux biens1.
La loi dispose que « les biens ou droits patrimoniaux sont de trois sortes :
les droits de créance ou d’obligation, les droits réels et les droits intellectuels »2.

Le bien est défini comme toute chose qui a une valeur économique, donc
patrimoniale, dont un sujet de droit est titulaire3. Tout ce qui existe, êtres
humains mis à part pendant qu'ils vivent, est une chose. On désigne sous le
nom de chose tout ce qui existe dans la nature4.
Cependant, toutes les choses ne sont pas des biens, même si tous les biens sont
des choses. On ne retient, dans l'infinie variété des choses, que ce qui est
susceptible d'appropriation par l'homme. Les choses n'ont d'intérêt juridique
qu'en raison des droits dont elles peuvent être l'objet et qui représentent
pour le titulaire une valeur, une utilité5. Les biens comprennent les choses

1 V. KANGULUMBA, Précis de droit civil des biens. Théorie générale des biens et théorie
spéciale des droits réels fonciers et immobiliers congolais, Tome 1, Academia-Bruylant,
Louvain-la-Neuve, 2007, p. 22.
2 Art. 1 al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 52.
4 G. MEMETEAU, Droit des biens, Larcier, Bruxelles, 2015, p. 8.
5 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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les plus disparates. Ce sont des choses, ou mieux, les droits subjectifs sur
les choses qui ont une utilité pour l'homme et qui sont susceptibles
d'appropriation1.
Insistant sur l'utilité économique, Demolombe enseigne qu' « il n'y
a de bien (...) que ce qui peut servir à l'homme, être employé à ses besoins
»2. Insistant eux sur le caractère appropriable, Paniol et Ripert pensent
plutôt que « les choses deviennent des biens, non pas lorsqu'ils sont
utiles à l'homme, mais lorsqu'elles sont appropriées : la mer, l'air
atmosphérique, le soleil sont des choses indispensables à la vie terrestre.
Ce ne sont pas des biens parce qu'ils ne peuvent faire l'objet d'une
appropriation au profit d'un particulier ou d'une nation »3.
Il apparaît que le terme « bien » ainsi défini recouvre deux acceptions
: il désigne tantôt les choses proprement dites, objets corporels — articles 6 à 8
de la Loi —, tantôt les droits qui portent sur les choses — articles 3 et 4 —.
Pris dans être seconde acception, le mot « bien » qualifie le type de maîtrise
que le droit positif reconnaît à une personne à l'égard d'une chose4.
Au fil de l'évolution de la technique, le bien ne se cantonne plus
qu'aux choses corporelles. Il vise tout ce qui est un élément de fortune
ou de richesse susceptible d'appropriation au profit d'un individu ou
d'une collectivité. Les biens n'étant plus autre chose que l'actif des
patrimoines des individus ou des personnes morales ; et le droit
s'accrochant à sa terminologie, préfère l'exigence d'après laquelle, il n'y a
des biens que si les droits sur les choses, ont une valeur représentative
d'une utilité pour l'homme ou pour les hommes, c'est-à-dire les sujets de
droit et que si l'un de ceux-ci ou ceux-ci peuvent s'en approprier5.
Le droit coutumier ne distingue pas les biens des choses, ni les catégories des
biens : choses corporelles ou incorporelles, biens matériels comme la
parole, choses inanimées ou non, toutes ces choses sont régies par les
mêmes principe de responsabilité du seul fait qu'ils peuvent être

1 LUKOMBE NGHENDA, Droit civil. Les biens, PFDUC, Kinshasa, 2003, p.


111.
2 Demolombe, cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 110.
3 George Ripert et Marcel Paniol, cités par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p.

111.
4 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 110 ; F. TERRE et P. SIMLER, Droit civil.

Les biens, Dalloz, Paris, 2014, p. 38.


5 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 111.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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rattachés à une personne1. Ainsi par exemple, une décision n'a-t-elle pas
osé assimiler une maison à un bien meuble2.
Cela s'explique sur deux points3. D'abord, par le fait que les sociétés
africaines sont caractérisées dès l'aube de leur naissance jusqu'à nos
jours, par le peu d'importance du commerce juridique des choses ; or, ce
qui motive la création des règles de droit, ce sont les besoins ressentis
par l'homme.
Cela étant, il se relève que pour cause de son importance, la terre,
en milieu coutumier, a connu une vision concrète des choses : la terre a
toujours été considérée comme un bien à cause de sa valeur d'utilité ou
d'échange, et du fait de son appropriation par l'homme, droit de
propriété lui-même, caractérisé par le fait que son titulaire n'est pas un
individu isolé, mais le groupement parental.
Cependant, si donc la terre a toujours été considérée en milieu
coutumier comme un bien collectif, sur quantité d'autres biens mobiliers
tels que les flèches, les ornements, les cruches, les récoltes, etc., les
individus exercent des droits d'appropriation incontestables et qu'ils jouissent
de ceux-ci de manière que leur utilité ne peut être mise en doute. On doit
dès lors admettre l'existence de la notion des biens en milieu traditionnel,
telle que celle-ci est entendue par le droit moderne congolais des biens.
L'autre donnée, ce sont les complications qui n'ont pas été évitées,
des choses sujets de droit en milieu coutumier : certaines statues sont
prises pour des divinités, certains animaux comme des vaches, sont
assimilées à des sujets de droit. Et il est inutile d'en ricaner. Car, comme
le fait observer Charbonnier4, « personnifier les choses, répond à un
instinct si primitif, si profond de l'esprit humain qu'il est des résurgences
du phénomène même dans le droit occidental ».

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 22.


2 Pq. Haut-Katanga, 4 juin 1956.
3 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 111-112.
4 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 112.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-section 2
Catégories des biens

Paragraphe 1
Les biens mobiliers et immobiliers

Aux termes de la loi, « tous les biens sont mobiliers ou immobiliers »1. Dans
la summa divisio des biens, on distingue les biens meubles des biens immeubles,
entre lesquels plusieurs catégories sont possibles. Rappelons que le droit
coutumier ne fait pas cette distinction.

Point 1
Distinction

On entend généralement par biens meubles, tous les biens qui peuvent
être déplacés sans être détruits. Et par bien immeubles, ceux qui par nature sont
immobilisés, attachés au sol de sorte, une fois détachés, qu'ils perdraient leur essence.
La loi définit les biens mobiliers par exclusion. Ainsi, tout ce qui n'est
pas immobilier est mobilier2. Aux termes de la loi, « sont immobiliers tous les
droits réels qui ont pour objet des immeubles, ainsi que les droits de créance tendant
à acquérir ou à recouvrer un droit réel sur un immeuble »3. Et « sont mobiliers tous
les autres droits patrimoniaux et notamment les actions ou intérêts dans les sociétés,
associations ou communautés qui jouissent de la personnalité civile encore que des
immeubles appartiennent à l’être moral »4.
Dans une importante décision, la Cour Suprême a jugé que « la
définition des biens meubles et immeubles ainsi que des droits qui s'y
rapportent, procède de la loi »5. Cette la distinction majeure du Code, à
ce point qu'elle n'appartient qu'à la loi et non à la convention des parties6
qui ne peut enlever aux immeubles leur qualité ni en créer des
catégories7.

1 Art. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime
foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 57.
3 Art. 3, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Art. 4, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.


5 C.S.J., R.C. 220, 1e oct. 1980.
6 Cass. fr., Civ. 3e, 26 juin 1991.
7 Cass. fr., Civ., 27 juin 1944.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cet arrêt marque l'importance de la distinction que fait la loi des


biens mobiliers et immobiliers, en ce que tout droit réel immobilier et a
fortiori tout droit de propriété immobilière ne naît et ne se transmet que
par certificat d'enregistrement.
Dans ses explications de l'arrêt1, Lukombe Nghenda enseigne que
suivant la loi, les fonds de terre et les bâtisses sont des immeubles par
nature, mais les droits réels immobiliers dont le droit de propriété sur
lesdits biens immobiliers par incorporation ne naissent et ne se
transmettent que par établissement de certificat d'enregistrement.
On se posa la question de savoir quelle est la nature juridique du
droit qui n'est pas un droit de propriété, qui s'exerce sur ces immeubles
par incorporation avant l'obtention du certificat d'enregistrement, et par
exemple, lorsqu'on a pour titre, le contrat d'aliénation. Par son arrêt du
1e octobre 1980, la Cour casse la décision attaquée rendue au degré
d'appel par la juridiction de Lubumbashi le 27 avril 1973 pour avoir
qualifié des meubles, des fonds et bâtisses au motif qu'il ne s'agit pas de
biens ayant fait l'objet d'un certificat d'enregistrement.
L'arrêt de la Cour rappelle que le certificat d'enregistrement ne
confère pas aux biens le caractère mobilier ou immobilier, mais que
suivant la loi, la maison acquise par l'ONL est un immeuble par incorporation,
tandis que le fonds sur lequel elle est bâtie, un immeuble par nature, et les droits qui
s'y rapportent, sont des droits immobiliers et qui ne peuvent pas se prescrire
par 3 ans.
L'arrêt de la Cour laisse cependant dans réponse la question de
savoir la nature des droits portant sur les bâtisses, c'est-à-dire, la maison
de l'ONL lorsqu'aucun certificat d'enregistrement n'a été établi et partant
ne les constate et ne les consacre. Selon la loi, aucun droit réel immobilier
ne s'exerce sur cet immeuble par incorporation qui n'est pas cependant
à qualifier comme étant un bien mobilier.
Tout droit réel immobilier et a fortiori tout droit de propriété
immobilière ne naît et ne se transmet que par certificat d'enregistrement.
Aussi, le droit de jouissance ou d'occupation qui s'exerçait sur cette
maison de l'ONL, n'était pas un droit réel immobilier, mais un simple
droit de créance, appelé droit à devenir propriétaire. Ce droit de créance
qui découle d'un acte juridique et non d'un fait juridique, naît et se
transmet suivant les mêmes règles que le droit de propriété mobilière.

Point 2

1 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 144.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Intérêt de la distinction

L'intérêt de de la distinction est majeur1 : principalement, les droits


réels immobiliers ne naissent et ne se transmettent que par l'établissement d'un
certificat d'enregistrement.
Par ailleurs, les sûretés réelles sur les immeubles — hypothèque —
différent de celles qui existent sur les meubles — gage —. Aussi, la
compétence juridictionnelle est différente qu'il s'agit d'un bien meuble ou
immeuble. Encore, les règles de prescription acquisitive et celles relatives à
la possession s'appliquent différemment. En cas de succession, la maison
du de cujus est exclusivement attribuée aux héritiers de la première
génération.
La distinction entre biens mobiliers et immobiliers est donc
l'expression d'une vieille considération selon laquelle « les biens les plus
précieux doivent être protégés tout particulièrement. Les autres peuvent
être plus facilement transmis »2. Lefebvre3 rapporte que « la terre, surtout
au moyen âge, était le seul élément solide et important de la richesse et
que les meubles n'étaient pas considérés comme une partie sérieuse d'un
patrimoine ; d'où l'adage res mobilis, res vilis ».
Cette discrimination à l'égard des biens meubles est aujourd'hui
critiquée en doctrine. Pour De Page4, cette distinction est désuète, car
elle supposait un état de droit plus simple que le nôtre où immeuble était
synonyme de chose précieuse et meuble de chose méprisable. À nos
jours, les règles fondées sur l'importance des immeubles par rapport aux
meubles ne semblent plus se justifier, puisqu'il n'est plus un doute pour
personne que le développement du commerce et de l'industrie, la
création des valeurs de bourse dans les pays où celles-ci existent, et
d'autres valeurs mobilières, ont fini par donner aux meubles, une
importance supérieure à celle de la richesse immobilière. Certes, cette
richesse mobilière comporte-t-elle une facilité de circulation qui rend
impropres pour elles les formes et les garanties qui entourent et
protègent la richesse immobilière, ce n'est plus une raison que les règles
légales et juridiques continuent à la dédaigner. Il est aujourd'hui certain
que l'adage « res mobilis, res vilis » a cessé d'être vrai5.

1 Idem., pp. 151-152 ; F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., pp. 39-40.


2 G. MEMETEAU, op. cit., p. 19.
3 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 152.
4 Cité par V. KANGULUMBA, op. cit., p. 56.
5 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 153.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Les immeubles

« Les choses sont immeubles soit par leur nature, soit par leur incorporation,
soit par leur destination »1.

Point 1
Les immeubles par nature

« Le sol et les mines sont immeubles par leur nature »2. Il s'agit de toute
évidence de biens qui sont naturellement immobiles. En droit congolais, les
immeubles par nature sont inaliénables, ils sont la propriété de l'État
seul3. Ils sont distingués des immeubles par incorporation qui sont en
principe cessibles, saisissables et transmissibles.
Par ailleurs, les mines ou sous-sol ont un régime juridique
particulier. La propriété des mines et des hydrocarbures constitue un
droit distinct et séparé des droits découlant d'une concession foncière.

Point 2
Les immeubles par incorporation

Il s'agit des biens immeubles corporels qui sont placés au sol perpétuellement.
Cas des bâtiments, arbres… Aux termes de la loi « sont immeubles par
incorporation : les bâtiments et leurs accessoires nécessaires, tels que les tuyaux servant
à la conduite des eaux, de la vapeur ou du gaz et des fils conducteurs de l’électricité ;
toutes constructions inhérentes au sol ; les arbres et plantes quelconques, tant qu’ils ne
sont pas détachés du sol ; les fruits et récoltes, tant qu’ils n’ont pas d’existence séparée
»4.
L'incorporation au sol de manière durable et habituelle est le critère
déterminant retenu par la Cour de Cassation de Belgique dans son arrêt
du 15 septembre 1988. Il s'agit d'une question de fait laissée à l'appréciation

1 Art. 5, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime
foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 6, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 53, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Art. 7, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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du juge. Dès lors, si un ouvrage peut être détaché du sol sans être
fracturé, brisé ou détérioré, déplacé en desserrant et en enlevant les
écrous vissés sur les boulons d'ancrage au sol et dégagé sans la moindre
détérioration du fonds, suivant une technique spéciale, l'incorporation
n'est pas suffisante pour lui conférer le caractère d'immeuble par nature.
La notion d'immeuble par incorporation n'est ainsi pas applicable
au chalet de camping non fixé par fondations ou canalisations et
déplaçable sans démontage. Mais elle est retenue pour une construction
en bois faite d'éléments assemblés, reposant sur des blocs de cendrée et
de béton simplement posés sur le sol en vue d'assurer l'isolement1.
Le concept de bâtiment suppose une installation destinée à rester en
place sans forcément recourir à l'incorporation, que celle-ci soit provisoire ou définitive.
Cette notion s'applique également aux huttes et cases africaines2.
La CSJ a jugé qu'une maison acquise par l'ONL est immeuble par
incorporation tandis que le fonds sur lequel elle est bâtie, un immeuble
par nature. Les droits qui s'y rapportent sont immobiliers3.

Point 3
Les immeubles par destination

Les immeubles par destination sont des choses qui sont meubles par
nature, mais qui sont considérés comme immeubles à titre accessoire d'un immeuble
auquel elles se rattachent. En fait, elles conservent leur nature mobilière et,
par conséquent, leur immobilisation est purement juridique et fictive4.
Aux termes de la loi, « sont immeubles par destination, les objets mobiliers
placés par leur propriétaire dans un immeuble qui lui appartient ou sur lequel il
exerce un droit réel immobilier qui est de nature à lui permettre d’user ou de jouir de
l’immeuble, soit pour les nécessités de l’exploitation dudit immeuble, soit à perpétuelle
demeure pour son utilité ou son agrément »5.
Tels sont les animaux attachés à la culture ou à l’exploitation
agricole, les instruments et ustensiles aratoires, les animaux, machines,
ustensiles et autres objets nécessaires à l’exploitation industrielle ou
commerciale ; les objets attachés par un travail de maçonnerie

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 61.


2 Idem.
3 C.S.J., R.C. 220, 1e oct. 1980.
4 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 158.
5 Art. 8, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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quelconque ; ceux qui ne peuvent être détachés sans être fracturés ou


détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie de l’immeuble à laquelle
ils sont attachés ; les glaces, tableaux et autres ornements lorsque
l’intention du propriétaire de les laisser à perpétuelle demeure résulte
clairement de leurs dimensions et de leur agencement dans l’immeuble.
Cette énumération n'est pas limitative.
Ainsi, sont immeubles par destination, une cuisine équipée, des
poêles à gaz installées dans une maison destinée à la location des
chambres d'étudiants ; des postes de radio et télévision dans un
immeuble exploité comme une maison de repos et qui servent à la
distraction de ses pensionnaires.
L'utilité de cette fiction est pratique : on a voulu éviter que les objets
mobiliers, lorsqu'ils sont accessoires obligés d'un fonds, n'en soient séparés,
contrairement à la volonté du propriétaire et au détriment de l'utilité générale. Il est
indiqué et important que ces accessoires suivent le fond pour que celui-
ci rende tous les services dont il est susceptible1.
L'on constate que les immeubles par destination sont des meubles
par leur nature. Ces meubles ne peuvent être immobilisés que par leur
propriétaire ou celui qui exerce un droit réel immobilier. Le but de
l'immobilisation est d'empêcher le démembrement de l'immeuble — « pour son
utilité ou son agrément » —. Cette immobilisation a la même étendue et
prend fin en même temps que le droit réel qui lui sert de base2.
Ainsi, pour immobiliser par destination, il faut que l'affectation soit
faite au profit de l'immeuble ; que l'immobilisation soit l'œuvre du
propriétaire de l'immeuble ou du titulaire d'un — autre — droit réel sur
l'immeuble ; que l'immobilisation soit faite pour les nécessités de
l'exploitation ou attachés à perpétuelle demeure pour l'utilité ou
l'agrément dudit immeuble ; que l'immobilisation la personne qui
immobilise, titulaire du droit réel immobilier sur l'immeuble, soit
propriétaire du meuble immobilisé.
L’immobilisation par destination qui est l’œuvre du titulaire d’un
droit réel s’effectue dans les limites de ce droit et prend fin lorsque celui-ci vient à
l’expiration. L'immobilisation également prend fin par la volonté du
propriétaire ou du titulaire du droit réel de mettre fin à l'immobilisation ou même
par un acte matériel indépendant de la volonté du titulaire du droit réel —
destruction de l'immeuble — ou cession du droit. En tant qu'elle est

1 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 158.


2 Art. 8 in fine, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l'accessoire, l'immeuble par destination suit le sort du principal —


l'immeuble par incorporation — et prend fin à l'expiration de celui-ci.
Ainsi a-t-il été jugé qu' « à la suite d'une vente publique, les biens
immeubles par destination cessent d'être immeubles et redeviennent
meubles car, par cette vente, a cessé le droit réel sur eux et ils sont ainsi
détachés du fonds »1.
Les immeubles par destination se distinguent à bien des égards des
immeubles par incorporation. Les immeubles par incorporation sont
naturellement des immeubles du fait qu'ils sont rattachés au sol soit par
la nature — arbres — soit par l'homme — bâtiments —. Par contre, les
immeubles par destination sont par nature des meubles, dont le
propriétaire immobilise à des fins précises.
L'intérêt de la distinction s'explique par le fait que l'expropriation
pour cause d'utilité publique ne frappe que les immeubles par
incorporation. Par ailleurs, seuls ceux-ci font l'objet d'un certificat
d'enregistrement, à l'exclusion des arbres, plantes2.

Point 4
Les biens immeubles incorporels

Les biens immeubles incorporels sont immatériels, abstraits. Leur


existence provient du droit et ce sont eux-mêmes des droits subjectifs.
Le droit qui s'y rattache est incorporel du fait que l'objet du droit l'est
également. La loi dispose que « sont immobiliers tous les droits réels qui ont
pour objet des immeubles, ainsi que les droits de créance tendant à acquérir ou à
recouvrer un droit réel sur un immeuble »3.
Sont ainsi des biens immeubles incorporels, les droits de créance
tendant à donner un immeuble ; les actions en justice, qu'elles soient
confessoires, négatoires, ou possessoires.

1 C.A. MATADI, R.C.A. 019, 7 mai 1974.


2 Art. 219, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Art. 3, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Les biens meubles

La loi, après avoir établi que tous les biens sont mobiliers ou
immobiliers1, et après avoir défini les différentes catégories de droits
immobiliers2, dispose que, et par exclusion, « sont mobiliers tous les
autres droits patrimoniaux et notamment les actions ou intérêts dans les
sociétés, associations ou communautés qui jouissent de la personnalité
civile encore que des immeubles appartiennent à l’être moral »3.

Point 1
Les biens meubles par nature

Il n'y a pas, en droit congolais, une disposition semblable à l'article


528 du Code civil français qui dispose que « sont meubles par leur nature
les animaux et les corps qui peuvent de transporter d'un lieu à un autre,
soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de
place que par l'effet d'une force étrangère ». En découle qu'en droit
congolais, la loi ne définit pas les biens meubles par nature. Cependant,
par application a contrario de l'article 4 de la loi4, sont meubles corporels par
nature, les choses ou objets matériels qui ne sont ni immeubles par nature, ni
immeubles par incorporation, ni immeubles par destination5. Un meuble peut
rester immobile en fait pendant toute son existence et même être destiné
par son propriétaire à rester en place indéfiniment. Cependant, ils sont
meubles tant qu'ils n'auront pas été incorporé, par exemple, ou destinés
à l'utilité ou l'agrément d'un immeuble.

1 Art. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime
foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 3, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 4, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime

foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Art. 4 : « sont mobiliers tous les autres droits patrimoniaux et notamment les

actions ou intérêts dans les sociétés, associations ou communautés qui jouissent


de la personnalité civile encore que des immeubles appartiennent à l’être moral.
».
5 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 169.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Les biens meubles par détermination de la loi

Aux termes de la loi, « sont mobiliers tous les autres droits patrimoniaux et
notamment les actions ou intérêts dans les sociétés, associations ou communautés qui
jouissent de la personnalité civile encore que des immeubles appartiennent à l’être
moral »1. Ce sont des droits qui ont pour objet des biens meubles et ils ne sont
mobiliers que par détermination de la loi.

Point 3
Les biens meubles par anticipation

Les biens meubles par anticipation sont par leur nature, des biens encore
immeubles, mais que, dans un acte juridique, les parties au contrat envisagent comme
des meubles dans leur état futur parce qu'ils sont destinés à être détachés de l'immeuble
qui les porte. Il s'agit d'une présomption que ces biens sont destinés un jour à être
détachés sans pour autant remettre en cause l'incorporation des arbres qui
les portent. Ces biens perdent le bénéfice du régime de l'incorporation
par cessation naturelle ou par suite d'une opération juridique2. C'est une
fiction juridique introduite par l'article 7 in fine qui parle des « fruits et
récoltes, tant qu’ils n’ont pas d’existence séparée ».
C'est qu'il s'agit en fait, suivant Frejaville3, des choses qui sont
incorporées au sol et, par suite immobilières, mais qui sont destinées à
être prochainement détachées et rendues mobilières ; on les traite à
certains égards, comme meubles par ce qu'on les envisage, non dans leur
état actuel, comme unis à la terre, mais dans leur état prochain, comme
distincts et séparés. On les appelle meubles par anticipation, car au
moment où on leur fait application des règles qui ont été spécialement
adoptées pour eux, ils sont encore des immeubles par incorporation.

Paragraphe 4
Autres classifications des biens

Les biens peuvent également être classés selon leur nature, leur
valeur ou leur mode d'appropriation.

1 Art. 4, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime
foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 62.
3 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 169.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Selon leur nature

A. Biens corporels et incorporels

Sont corporels, les biens qui tombent sous le sens ; incorporels, ceux
qui ne tombent pas sous le sens1. En fait, les biens corporels sont les biens
tangibles, ceux qui peuvent être saisis par l'homme, par la vue et par le
toucher2. A contrario, les biens incorporels sont immatériels, sans être
imaginaires, parce qu'ils représentent, dans les patrimoines, une valeur
économique certaine3. L'existence des biens incorporels vient du droit,
et ce sont eux-mêmes des droits subjectifs qui tantôt portent sur des
biens corporels, tantôt ne se rattachent à aucun bien4. Sont des biens
incorporels, les droits subjectifs, une succession, la clientèle, un fonds de
commerce, etc.
L'intérêt de la distinction réside dans l'application de plusieurs
règles juridiques, relatives entre autres au gage, à la possession ou aux
droits intellectuels.

B. Biens consomptibles et non consomptibles

Les biens sont dits consomptibles lorsqu'ils sont susceptibles de


disparaître après leur premier usage. Dans le cas contraire, ils sont non
consomptibles, c'est-à-dire, ils résistent au premier usage que l'on peut en
faire.
L'intérêt de la distinction réside dans les contrats d'usage et de jouissance
avec obligation de restitution. En cas de prêt ou d'usufruit par exemple, la
restitution se prête difficilement pour les biens consomptibles. Elle se
fait donc par équivalent. Il s'agit en ce cas de rendre les biens semblables,
de pareille quantité, qualité et valeur. L'on constate par-là que dans le cas
d'un quasi-usufruit ou d'un prêt à consommation, ces droits réels
confèrent, en réalité, le droit de propriété sur ces biens consomptibles,
le bénéficiaire ayant la faculté de les consommer et donc, de les faire
disparaitre5.

1 René Dekkers, cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 180.


2 G. MEMETEAU, op. cit., p. 33.
3 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 180.
4 Idem.
5 Ibidem., p. 184.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Il existe cependant une théorie de la consomptibilité ou non


consomptibilité subjective1. Les parties peuvent, selon leur volonté,
considérer tel bien, pourtant naturellement consomptible, comme étant
non consomptible.

C. Les biens fongibles et non fongibles

Deux choses sont fongibles entre elles lorsqu'elles sont


interchangeables dans la mesure où aucun élément perceptible ne permet
de distinguer l'une de l'autre2. Inversement, les biens non fongibles sont
ceux que l'on considère dans leur individualité et qui ne sauraient, partant,
être remplacés les uns par les autres.
Les biens fongibles sont donc des choses de genre dont il est nécessaire
pour les individualiser, de préciser la quantité. À côté, il est des choses
qui, lors même qu'elles appartiennent à un même genre, diffèrent dans
l'individu. Dans le cas de ces choses, chaque exemplaire est irréductible
aux autres, il est indiqué et insusceptible de quantité, et en ce cas,
déterminé dans son identité ; on dit qu'il constitue un corps certain.
L'intérêt réside en matière de compensation. Celle-ci ne peut porter
que sur des dettes ayant pour objet des choses fongibles de la même
espèce. L'intérêt réside aussi en matière de vente, plus précisément au
sujet de l'obligation de délivrance. En cas de chose certaine, le vendeur doit
livrer la chose même objet du contrat. En cas de chose de genre, il peut
livrer n'importe quel exemplaire, il n'est pas tenu de livrer la meilleure
qualité, mais ne peut livrer la pire. En matière de transport de risque,
pour les choses du genre jusqu'à l'individualisation de la chose vendue,
le vendeur reste propriétaire et supporte la perte si l'objet est détruit par
cas de force majeure, il a l'obligation de se procurer d'autres biens aux
fins d'accomplir ou réaliser son obligation de délivrance.
Toutefois, ici aussi, il est admis une théorie de la fongibilité ou de la
non fongibilité subjective3. En effet, de par la volonté des parties
contractantes, une chose pourtant certaine peut être rendue de genre et
vice-versa. Il en est ainsi souvent le cas des souvenirs de famille ou des
biens entourés d'une affection particulière et dont les titulaires ne
tiennent pas à perdre ni à échanger tellement qu'ils portent la charge

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 71.


2 G. MEMETEAU, op. cit., p. 39.
3 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 72.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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affective, ils deviennent individualisés. De choses de genre, ces biens de


famille deviennent des corps certains.

Point 2
Selon la valeur

On distingue d'une part, les biens de capitalisation des biens de


consommation et, d'autre part, les fruits des produits.

A. Biens de capitalisation et biens de


consommation

Les biens de capitalisation sont ceux qui permettent d'entretenir ou de


fructifier le capital. Les biens de consommation sont plutôt ceux de
consommation courante ou qui se prêtent à l'usage courant, c'est-à-dire
destinés à être consommés ou à être utilisés régulièrement. C'est le cas
de la nourriture ou d'un véhicule.

B. Fruits et produits

Un fruit n'est pas un produit. Un bien est frugifère lorsqu'il est


susceptible de produire des fruits. Le fruit est donc ce qu'une chose produit
périodiquement et sans altération ni diminution sensible de sa substance.
Les fruits sont naturels — produits par les plantes — ; civils —
revenus produits par des biens dont une personne est titulaire ou dont
elle a la jouissance. C'est le cas des loyers des maisons ; des dividendes
sociaux ; — industriels — fruits naturels mais qui sont la résultante d'un
investissement humain, de son travail ou de son industrie ou de son
intelligence —.
Le produit, quant à lui, est le résultat de l'exploitation d'une chose dont la
substance se trouve de ce fait altérée. Il implique un certain amortissement.
L'intérêt de cette distinction réside en matière contractuelle et
spécialement en matière d'usufruit. Celui-ci est un contrat par lequel une
personne use et jouit d'une chose comme son propriétaire mais à charge
de la restituer à la fin du contrat. Dans cette occurrence, l'usufruitier ne
restitue que les produits et non les fruits. L'usufruitier fait siens les fruits.
Il est ainsi considéré comme étant un possesseur de bonne foi.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 3
Selon leur mode d'appropriation

Sous cet angle, les biens sont appréciés par rapport à la possibilité
ou non de tomber dans le patrimoine d'une personne. Ainsi, il y a les
choses sans maître et les choses hors commerce.

A. Les choses communes ou sans maître

Les choses communes sont des choses qui n'ont pas de maître, soit
qu'elles n'en ont jamais eu, soit qu'elles ont été abandonnées par leur
propriétaire. On voit dans les choses communes, des choses qui dispensent
leur utilité sans devoir être appropriées ; elles se prêtent par leur abondance à
l'usage de tous. C'est le cas de la mer, de l'air, de la lumière, l'eau courante,
etc. Les législations modernes ont tendance à réglementer la manière de
jouir de ces choses.
Aux termes de la loi, « toutes les choses sans maître appartiennent à l'État,
sauf ce qui sera dit au sujet du droit d’occupation »1. Cette règle ne s'applique
en réalité qu'aux biens fonciers et immobiliers abandonnés, dont elle
attribue la propriété à l'État. Par contre, les biens meubles sans maître
appartiennent à toute personne qui s'en empare en premier2.

B. Les choses hors commerce

Les biens patrimoniaux sont susceptibles d'aliénation, ils sont dans


le commerce. Les choses hors commerce sont celles qui ne peuvent être ni
vendues, ni appropriées par les particuliers et qui sont donc hors commerce. Les biens
du domaine public sont hors commerce3. Le commerce juridique
désigne la possibilité pour une chose ou un bien de faire l'objet des transactions ou
des actes juridiques indépendamment de la possibilité de tirer de ces transactions un
intérêt économique. Les biens ainsi considérés sont aliénables. Leurs
propriétaires ont la latitude d'en disposer4.

1 Art. 12, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 189.
3 Art. 10, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 V. KANGULUMBA, op. cit., p 82.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Le patrimoine

Sous-section 1
Définition et composition du patrimoine

Paragraphe 1
Définition du patrimoine

Les biens ci-dessus étudies ont un réceptacle, un contenu : le


patrimoine. Aubry et Rau1 ont défini patrimoine comme « l'ensemble des
biens d'une personne, envisagé comme formant une universalité de droit ». C'est, dit
Carbonnier2, « l'ensemble des biens et des obligations d'une personne, envisagé
comme formant une universalité de droit, un tout, une unité juridique ». En clair, le
patrimoine est l'ensemble des droits et obligations d'une personne qui ont une valeur
économique.

Paragraphe 2
Composition du patrimoine

Le patrimoine est composé d'éléments actifs et passifs.


Les éléments actifs sont tous les éléments ou biens appréciables en
argent et qui constituent des droits pour son titulaire (cas des créances,
des droits réels.)
Les éléments passifs sont tous les éléments qui de présentent
comme des dettes ou des obligations de son titulaire. Ils sont appréciables
en argent.
Ce sont des droits patrimoniaux. Par contre, sont exclus du
patrimoine et sont extrapatrimoniaux, les droits publics, civils et
politiques ; ou les droits privés rattachés à la personne, tels que l'autorité
parentale, le droit au nom, et toutes les actions personnelles.
Le patrimoine se présente ainsi comme une universalité des droits et des
obligations ; l'actif doit répondre du passif. Les biens actifs présents et à
venir servent à payer les dettes de la personne3. Quand les droits sont

1 Cité par G. MEMETEAU, op. cit., p. 47.


2 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 216.
3 Art. 245, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1077
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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supérieurs, le patrimoine est positif. Autrement, il est négatif, mais il est


toujours là1.

Sous-section 2
Théorie et caractères juridiques du patrimoine

D'après Aubry et Rau2, « l'idée de patrimoine se déduit logiquement


de celle de la personnalité. Le patrimoine est l'émanation de la
personnalité, et l'expression de la puissance juridique dont une personne
est investie comme telle ».

Paragraphe 1
Théorie juridique du patrimoine

En découle une théorie juridique du patrimoine exprimée en trois


propositions : tout patrimoine suppose nécessairement à sa tête une personne ; toute
personne a nécessairement un patrimoine ; une personne a nécessairement un seul
patrimoine3.
Tout patrimoine suppose nécessairement à sa tête une personne.
Seules les personnes, physiques ou morales, peuvent avoir un
patrimoine. Le patrimoine n'est concevable que s'il est rattaché à une
personne, sujet de droits et d'obligations qui en est titulaire. Ainsi donc,
une personne morale a un patrimoine parce qu'elle a une personnalité
juridique. Par contre une personne décédée n'est plus sujet de droit et ne
devrait plus avoir de patrimoine.
Toute personne a nécessairement un patrimoine. Il y a toujours un
patrimoine, même négatif.
Une personne a nécessairement un seul patrimoine. Le patrimoine
est un tout. Il est indivisible — ne pas recueillir que les éléments actifs
— et indissociables.

1 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 219 ; V. KANGULUMBA, op. cit., p.


84.
2 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 220.
3 Voy. F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 25.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Caractères des éléments du patrimoine

Les éléments du patrimoine — et non le patrimoine — sont cessibles,


transmissibles, saisissables1.
Les éléments du patrimoine sont cessibles. Le titulaire peut aliéner,
céder des biens de son patrimoine. La cession peut se faire soit du vivant
— cession entre vifs — soit au décès — transmission pour cause de
mort —. Les biens cessibles doivent être dans le commerce.
La transmissibilité des éléments du patrimoine suppose le transfert
des biens du de cujus pour le patrimoine des héritiers. Il ne s'agit pas du transfert
du patrimoine — qui a disparu avec son titulaire —, mais des éléments
du patrimoine. Les héritiers héritent de l'actif et du passif.
Les éléments du patrimoine sont enfin saisissables. La loi dispose
que « tous les biens du débiteur, présents et à venir, sont le gage commun de ses
créanciers et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait
entre les créanciers des causes légales de préférence »2. Pour se faire payer, les
créanciers sont ainsi fondés à opérer saisie sur les éléments actifs du patrimoine de
leurs débiteurs. Comme ces éléments sont appréciables en argent, les
créanciers peuvent, après saisie, faire vendre les biens de leurs débiteurs
et se faire payer le prix.

Sous-section 3
Contenu juridique du patrimoine

La loi dispose que « les biens ou droits patrimoniaux sont de trois sortes :
les droits de créance ou d’obligation, les droits réels et les droits intellectuels »3.

Paragraphe 1
Les droits personnels

Le droit personnel est un droit de créance, une obligation. C'est le pouvoir


juridique d'une personne d'exiger d'une autre une prestation.

1 Voy. V. KANGULUMBA, op. cit., p. 87.


2 Art. 245, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Art. 1 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1079
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le droit personnel est relatif, il ne peut être opposable qu'au


débiteur. Les tiers ne sont pas tenus d'exécuter l'obligation conclue entre
un créancier et son débiteur.
Le droit personnel ne comporte pas de droit de suite, le créancier n'a
qu'un droit de gage général sur les biens de son débiteur, il ne peut
prétendre à un droit sur tel bien particulier, de même il ne peut saisir les
biens de son débiteur entre les mains d'un acquéreur.
Le droit personnel n'a pas de droit de préférence, le créancier ne peut
faire valoir ses droits qu'à l'encontre du débiteur. Dans l'exercice de ses
droits, le créancier entre en concours avec les autres créanciers du débiteur.

Paragraphe 2
Les droits réels

Point 1
Définition et caractères

A. Définition des droits réels

Il y a droit réel lorsque le titulaire de celui-ci exerce les pouvoirs ou


prérogatives qui sont reconnus sur une chose — un bien ou un droit subjectif
sur celui-ci — d'une façon immédiate, directe, sans passer par l'intermédiaire
d'autrui ; et de surcroît, cette chose est soumise à son emprise, laquelle
est variable et est selon le cas, soit à la fois matérielle et juridique —
propriété, gage, usufruit —, ou simplement juridique — sûretés réelles
—1.
Il droit réel se distingue du droit personnel dont l'objet est l'activité
du débiteur, laquelle consiste en l'accomplissement d'une prestation au
profit du créancier.
Sans doute, il y a des droits personnels qui consistent en le droit
d'exiger la remise d'une chose, tel le droit pour le locataire d'exiger la
jouissance de la chose louée. Cependant, en cas d'inexécution, le
locataire ne peut pas récupérer directement la chose sans passer par
l'intermédiaire du débiteur, le bailleur. C'est celui-ci qui doit le mettre en
jouissance de la chose. Et s'il ne s'exécute pas, il n'a le droit que d'obtenir
une condamnation à des dommages-intérêts et de saisie tout bien dans
le patrimoine du débiteur pour être payé. En d'autres termes, le titulaire
d'un droit personnel n'a pas d'emprise directe, immédiate sur la chose.

1 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 121.

1080
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Par contre, le droit réel se passe d'intermédiaire et le titulaire d'un tel


droit exercera les prérogatives qui lui sont reconnues sur une chose d'une
façon immédiate, directe, sans passer par l'intermédiaire d'autrui.

B. Caractères des droits réels

Le droit réel est absolu, c'est un droit de suite et de préférence1. C'est un


droit absolu en ce sens que portant directement sur la chose, son titulaire
peut l'opposer à toute personne. Toute personne est tenue de respecter
le droit réel d'autrui sans y apporter aucun trouble. Le titulaire d'un droit
réel peut s'en défendre envers et contre tous.
Le droit réel est ensuite un droit de suite, dans la mesure où, en
vertu de son caractère absolu, le titulaire est habilité à revendiquer son
droit entre les mains de qui que ce soit. Le titulaire du droit réel peut le
revendiquer entre les mains de n'importe quel possesseur. C'est par cela
par exemple, que lorsqu'un immeuble est hypothéqué, le créancier
hypothécaire peut le saisir entre les mains du tiers acquéreur.
Le droit réel est un droit de préférence, en ce qu'en cas de conflit
l'opposant à d'autres personnes, le titulaire d'un droit réel est toujours
préféré. Son droit réel lui donne le pouvoir d'exclure de la chose toutes
les personnes qui n'auraient qu'un droit de créance ou un droit réel
postérieur en date. Par conséquent, un acheteur n'a pas à craindre, si son
vendeur est insolvable, d'avoir à partager avec les créanciers de celui-ci
la valeur de la chose achetée ; car devenu propriétaire par contre de vente
de la chose lorsqu'elle est mobilière, il a un droit réel qui est préférable à
tous les droits personnels. Mais surtout, en matière de garanties, le droit
réel est préféré au droit personnel. Le créancier titulaire d'une
hypothèque est payé en avance par rapport aux créanciers
chirographaires.

Point 2
Énumération des droits réels

Contrairement aux droits personnels qui sont en nombre illimité,


par le fait de l'autonomie de la volonté, permettant aux parties de créer
n'importe quel rapport d'obligation qu'ils souhaitent, les droits réels eux
sont limités.

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 95.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La loi dispose que « les seuls droits réels sont : la propriété, la concession
perpétuelle, les droits d’emphytéose, de superficie, d’usufruit, d’usage et d’habitation,
les servitudes foncières, le gage, le privilège et d’hypothèque »1.
L'énumération légale des droits réels est limitative, elle ne peut
souffrir d'aucune exception. Elle est d'ordre public.
Il en ressort une distinction entre droits réels principaux et droits réels
accessoires2. Les droits réels principaux sont ceux qui existent
indépendamment de tout droit de créance au profit de leur titulaire. Ils
manifestement l'accaparement des richesses consistant en des choses
corporelles. Les droits réels principaux sont nombreux, et le plus
important et le plus complet est la propriété. Tous les autres droits réels
principaux en sont des démembrements, ils sont conçus sur son modèle,
mais avec des prérogatives moindres et sont temporaires.
Les droits réels accessoires sont ceux qui nécessitent la présence des droits
réels principaux pour exister. Ils sont attachés à un droit personnel, à un
droit de créance. Ce sont des droits réels conférés par la loi, le jugement
ou la convention à un créancier en garantie de paiement de sa créance :
le créancier sera investi sur un bien corporel du débiteur d'un droit réel
lui conférant droit de suite et droit de préférence.

1 Art. 2 Al. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 202.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Catégorisation subjective des biens : les biens par
rapport à ceux qui les possèdent

Cfr. Les notions relatives aux biens de l’Administration : 2.-T3-C2 :


Les moyens matériels de l’Administration : la domanialité publique.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-titre 2
Apparence de propriété ou droits proches de la
propriété : théorie de la possession et de la détention
précaire

Chapitre 1
La possession
Section 1
Notions

Paragraphe 1
Définition de la possession

La possession « réalise l'image de la propriété », elle est son « ombre ».


Cela lui vaut d'être proche de cette dernière et même d'être prise comme
elle.
La loi dispose que « la possession est la détention ou la jouissance d'une
chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes ou par un
autre qui le tient ou qui l'exerce en notre nom »1.
Par-là, la possession peut être considérée comme un rapport immédiat
entre une chose et une personne ou médiat en ce que cette chose est détenue par une
personne pour le compte d'une autre. La possession se prête comme un pouvoir
de fait — physique — exercé sur une chose corporelle d'abord, et plus
tard ce pouvoir de fait va s'exercer sur un droit2. C'est en fait le fait par une
personne d’accomplir des actes qui, dans leur manifestation extérieure, correspondent
à l’exercice volontaire d’un droit, qu’elle soit ou non titulaire de ce droit3. Il s'agit,
dit Nguyen Thanh Nha4, « du fait pour une personne d'effectuer les actes matériels
sur une chose, correspondant aux prérogatives d'un droit réel, comme si elle était
titulaire de ce droit, alors qu'elle ne l'est pas forcément ». Un pouvoir de fait sur
une chose, susceptible de se transformer, par la prescription acquisitive, en un
pouvoir de droit5.

1 Art. 622, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 155.
3 F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 158.
4 Cité par G. MEMETEAU, op. cit., p. 132.
5 G. MEMETEAU, op. cit., p. 132.

1085
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La possession peut exister indépendamment de la propriété — le


voleur —, même si, le plus souvent, le pouvoir de fait et le pouvoir de
droit sont réunis entre les mêmes mains.
Sauf cas particuliers, la possession peut s'exercer sur toute chose,
ou peut porter sur tous les droits réels. On parle de possession quand
elle est celle de la propriété, de quasi-possession quand elle est celle d’un
autre droit réel1. Elle ne peut servir de preuve du droit réel immobilier
ou droit de jouissance foncière car, en droit congolais, la seule preuve de
droit réel immobilier ou de jouissance foncière est le certificat
d'enregistrement.
S'exerçant sur toutes choses, il suffit que celles-ci soient corporelles,
susceptibles de l'emprise matérielle, déterminées, et puissent faire l'objet
d'un droit privatif2. Ainsi ne peut-on posséder ce qui est du domaine public.

Paragraphe 2
Éléments constitutifs

La possession requiert un corpus et un animus3.

Point 1
Le corpus

Le corpus désigne l'exercice sur une chose d'actes qui correspondent au droit
dont on a la possession.
S'il s'agit du droit de propriété par exemple, le corpus sera le fait de
se comporter comme un propriétaire, d'exercer sur la chose un usus, un fructus et
un abusus. Il s'agit en fait de tout acte matériel accompli sur la chose, des
actes de maître, tel que pourrait accomplir un propriétaire, comme le fait
de détruire une chose, l'arranger, entamer une construction, habiter une
maison, etc. Actes qui dénotent de la part de leur auteur, d'une certaine
emprise sur la chose. Ce sont des actes de détention — détenir la chose
avec soi ou de manière médiate — et de jouissance — médiatement ou
immédiatement —.
Seuls les actes matériels peuvent constituer la possession4. Les actes
juridiques — donner à bail, vendre des parts sociales ou des casseroles

1 Idem., p. 133.
2 Ibidem.
3 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., p. 157.
4 Cass. fr., Civ.,14 nov. 1910.

1086
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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— seraient sans signification quant à la possession, car il n'est pas besoin


pour le faire, d'être possesseur ; c'est sur le droit de propriété qu'ils
portent et non sur la chose, et un propriétaire qui a perdu la possession
d'un de ses meubles, peut valablement l'aliéner1.

Point 2
L'animus

L'élément objectif, matériel, ne suffit pas ; sinon il y aurait simple


détention. Il faut, en outre, un élément psychologique, intentionnel.
C'est l'animus, l’intention de se comporter comme le véritable titulaire du droit.
Par exemple, au point de vue de la possession du droit de propriété,
ce sera l’intention de se comporter comme le propriétaire de la chose, ce
que l’on nomme l'animus domini. Le possesseur doit agir avec
absolutisme et perpétuité, sans avoir de comptes à rendre ni de
restitution à faire à personne, comme s'il était maître de la chose. Il doit
avoir un esprit, une mentalité ou un comportement de propriétaire, bref,
avoir une âme de maître.
Le plus souvent la possession cadre avec le droit, l'animus est
justifié ; mais il peut en être différemment : ainsi le voleur ou l’usurpateur
d’une chose, non seulement exerce sur la chose les prérogatives d’un
propriétaire, mais il a la volonté de s’affirmer en propriétaire de la chose,
bien qu’il ne le soit pas et sache fort bien qu’il ne l’est pas ; sa possession
a beau être de mauvaise foi, il a néanmoins la possession du droit de
propriété.
L'animus l'emporte sur le corpus, et il est possible de posséder
légalement par l'intermédiaire d'autrui. Toutefois les deux éléments sont
indispensables, à telle enseigne qu'on ne peut envisager la possession sans
l'un d'eux.

Section 2
Qualités de la possession

Aux termes de la loi, « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue
et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire »2. Le

1LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 1110.


2 Art. 623, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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terme prescrire veut dire prétendre être titulaire du droit, être possesseur1. La
possession qui réunit ces qualités est dite utile. Au cas contraire, elle est
vicieuse et ne peut produire les effets de la possession.
La possession doit être continue, paisible, publique et non-
équivoque2.

Paragraphe
Une possession continue

La possession doit être continue. Cela veut dire que le possesseur


doit accomplir les actes correspondant au droit auquel il prétend sur la
chose, sans intervalle anormal, comme le ferait un titulaire véritable du droit
prétendu. On n’exige donc pas du possesseur un contact permanent avec
la chose, mais on veut qu’il se comporte comme le ferait le titulaire
véritable du droit eu égard à la nature de la chose.
Ainsi, n’a pas une possession continue la personne qui s’empare
d’un fonds, en perçoit les fruits, puis l’abandonne, au lieu de le cultiver
régulièrement ; au contraire, on reconnaîtra la continuité de la possession
de celui qui n’utilise un pâturage situé en haute montagne que quelques
mois de l’année, parce que sa possession correspondra suffisamment au
droit de propriété auquel elle s’applique par hypothèse.
La discontinuité est un vice temporaire, sans doute, mais absolu, qui
peut être invoqué, contre le prétendu possesseur, par toute personne
intéressée à lui contester cette qualité.

Paragraphe 2
Une possession paisible

La possession doit être paisible ; elle ne doit pas être obtenue en usant de
violence, de voies de fait ou même de simples menaces contre celui qui possédait
auparavant.
En principe, c’est seulement la violence exercée lors de l’entrée en
possession qui vicie celle-ci ; les voies de fait dirigées contre le possesseur
au cours de sa possession et qu’il se trouverait dans l’obligation de
repousser ne sont pas à prendre en considération.
La violence est un vice temporaire : la violence venant à cesser, la
possession redevient saine, utile.

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 159.


2 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., pp. 176-177.

1088
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le vice de violence présente enfin la caractéristique d’être relatif : la


violence ne vicie la possession qu’à l’égard de la victime de cette violence
; les tiers ne peuvent s’en prévaloir.

Paragraphe 3
Une possession paisible

La possession doit être publique. Il y a vice de clandestinité quand


la possession ne se manifeste pas par des actes apparents. Par exemple, un voisin
creuse un souterrain sous mon fonds ; un des héritiers recèle des meubles
qui ont appartenu au défunts.
La clandestinité est un vice relatif, opposable seulement par ceux qui
ont été empêchés de connaître la possession ; et temporaire, dès que la
clandestinité prend fin, le vice disparaît et la possession devient utile.
Mais, sans aucun doute, le vice de clandestinité n’est pas nécessairement
initial : la possession peut devenir clandestine à un moment quelconque
et, par là même, vicieuse.

Paragraphe 4
Une possession non-équivoque

II y a équivoque quand les actes accomplis par le prétendu possesseur ne


manifestent pas clairement son animus et qu’ils peuvent s’expliquer autrement que
par la prétention à un droit sur la chose. Ainsi, le cohéritier qui exerce des
droits sur une chose indivise ne peut pas prétendre à la possession
exclusive de cette chose, à moins qu’il n’ait manifesté son intention de
se comporter en propriétaire exclusif, soit formellement, soit par
l’existence d’actes incompatibles avec la seule qualité de propriétaire
indivis.
Le vice d’équivoque est absolu, la possession est viciée à l’égard de
tous.

Section 3
Effets juridiques de la possession

La possession ne produira des effets juridiques en faveur du


possesseur que si elle est utile. Le juge apprécie souverainement1.

1 Cass. fr., Civ., 2 mars 1976.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'effet minimum de toute possession, même viciée, réside dans une


présomption de propriété. Toute possession fait présumer jusqu'à preuve
contraire, le droit de propriété dont elle est l'apparence.
En conséquence : dans le procès, le possesseur est constitué
défendeur et la charge de la preuve des vices de la possession est à charge
du demandeur. Si la preuve de la propriété n'est pas apportée par le
demandeur, le bien sera laissé au possesseur.
Si le vice de la possession est établi, le possesseur ne bénéficiera pas
des effets de la possession : acquisition de la propriété et actions
possessoires.

Paragraphe 1
Acquisition de la propriété

La possession réalise l'image de la propriété. Le possesseur est considéré


comme propriétaire du bien en sa disposition. Mais cette acquisition se réalise
différemment selon que l'on est de bonne ou de mauvaise foi.
La possession est de bonne foi lorsque le possesseur croit être titulaire du
droit qu'il exerce. La bonne foi consiste à ignorer le vice qui l'a empêché de devenir
propriétaire du bien. Il est de bonne foi lorsqu'il possède comme
propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore le
vice. La bonne foi implique l'existence d'un titre entaché d'erreur, ou la
croyance à l'existence d'un titre. Le titre putatif produit les mêmes effets
que le titre effectif.
Par contre, la possession est de mauvaise foi lorsque son titulaire sait
pertinemment bien ne pas être le propriétaire de la chose qu'il possède1.
La bonne foi est toujours présumée. La preuve contraire est libre.

Point 1
Le possesseur de bonne foi

A. Prescription acquisitive instantanée et dispense


de preuve

La loi protège, ou traite mieux, le possesseur de bonne foi. Lorsque


le possesseur est de bonne foi, il y a une présomption de qualité de
propriétaire et prescription acquisitive instantanée. Le possesseur de bonne foi

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 164.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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acquiert immédiatement la qualité de propriétaire. La loi dispose qu' « en fait


de meubles, la possession vaut titre »1.
La possession doit être de bonne foi. Il a été jugé que celui qui
possède un objet mobilier par suite d'acte de violence ou de voie de fait
ne peut se prévaloir de sa détention matérielle2.
Cette disposition revêt un double sens : c’est une règle de forme, car
elle entraine une présomption légale d'un titre régulier de propriété ; et une règle
de fond, car elle joue comme mode d'acquisition de la propriété mobilière3.
Il s'agit d'abord d'une présomption légale d'existence d'un titre
régulier de propriété. C'est une règle de preuve jouant au profit de celui
qui a acquis le meuble a domino, à un propriétaire, mais est en conflit
avec son auteur et n'a pas de preuve de son titre. Le possesseur est
présumé avoir son titre régulier. Il a été jugé que la possession d'un objet
mobilier constitue en faveur du possesseur un titre d'acquisition parfait,
le dispensant de fournir toute autre justification de son droit de
propriété, sauf fraude du titre l'obligeant à restitution4.
Mais c'est surtout une règle de fond, un mode d'acquisition de la
propriété mobilière. Le possesseur acquiert instantanément la propriété
mobilière. La loi protège par-là, non seulement celui qui a acquis le meuble
a domino, mais aussi celui qui l'a acquis a non domino, c'est-à-dire d'une
personne qui n'est pas elle-même propriétaire. En temps normal, le
possesseur ne serait pas, dans ces conditions, propriétaire, puisque la
personne de laquelle il a acquis le bien ne pourrait transférer un droit
qu’elle n’a pas. Mais cette disposition légale écarte ce principe.
L'acquéreur de bonne foi a non domino pourra opposer cette exception
au véritable propriétaire de la chose. Il a été jugé que la bonne foi est
écartée dès qu'un professionnel pourrait normalement soupçonner le
défaut de qualité de son fournisseur et l'origine délictuelle des meubles5.
Les considérants ci-dessus s'appliquent lorsque le véritable
propriétaire s'est dépouillé volontairement de la chose, à un locataire ou
un usufruitier, par exemple. Lorsqu'il en a été dépouillée involontairement,
lorsqu'elle a été perdue ou volée par exemple, la loi opère une

1 Art. 658, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Léo., 1e mars 1927.
3 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 1115-116 ; G. MEMETEAU, op.

cit., pp. 140-141.


4 Élis., 29 janv. 1944.
5 Cass. fr., Civ. 1e, 27 nov. 1973.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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conciliation entre les intérêts du véritable propriétaire et du possesseur


de bonne foi. La loi dispose ainsi que « néanmoins, celui qui a perdu ou auquel
il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans, à compter de la perte ou
du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours
contre celui duquel il la tient »1. Par ailleurs, « si le possesseur actuel de la
chose volée ou perdue l'a achetée dans une foire ou dans un marché, ou
dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles,
le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu'en remboursant au
possesseur le prix qu'elle lui a coûté »2.

B. Propriété des constructions ou plantations faites


sur le terrain d'autrui

Par ailleurs, au sujet des constructions ou plantations faites sur le


terrain d'autrui, le possesseur de bonne foi est mieux traité. La loi dispose
que « lorsque des constructions, ouvrages ou plantations ont été faits par
un possesseur de bonne foi, avec des matériaux ou des végétaux lui
appartenant, l’Etat ou le concessionnaire du fonds ne peut en exiger la
suppression ; il doit rembourser au possesseur, soit la valeur des
matériaux ou des végétaux et le prix de la main-d’œuvre, soit la plus-
value qui en est résultée pour le fonds »3. Il a été jugé que viole la loi, le
jugement qui refuse au possesseur de bonne foi le remboursement de la
valeur des travaux de mise en valeur du terrain litigieux au seul motif que
les constructions faites par le possesseur l'avaient été sans autorisation
de bâtir4.

C. Propriété des fruits

Enfin, l'usufruitier de bonne foi fait sien les fruits et restitue les
produits.

1 Art. 658 in fine, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Art. 659, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 23 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et régime des sûretés.


4 C.S.J., R.C. 224, 11 avr. 1979.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Le possesseur de mauvaise foi

Le possesseur de mauvaise foi est sanctionné par la loi. Il n'acquiert


la propriétaire mobilière qu'après 30 ans.
En cas de construction sur le terrain d'autrui, il est sanctionné. Aux
termes de la loi, « si celui qui a fait les travaux est un possesseur de
mauvaise foi ou un détenteur précaire, l’Etat ou le concessionnaire a le
choix ou d’exiger la suppression des constructions, ouvrages et
plantations, aux frais de l’auteur, et des dommages-intérêts, s’il y a lieu,
ou de rembourser soit la dépense, soit la plus-value, comme il est dit ci-
dessus »1.
L'usufruitier de mauvaise foi restitue et les fruits et le produit.

Paragraphe 2
Actions possessoires

Il est reconnu en faveur du possesseur des actions possessoires : la


complainte, la réintégrande et la dénonciation de nouvel œuvre.
La complainte est générale contre tout trouble de possession. Le trouble
peut être un fait matériel, une agression matérielle.
La dénonciation de nouvel œuvre est une variante de la complainte.
Elle est dirigée contre un trouble éventuel ou futur. Son but est de faire cesser
les travaux qui sont de nature telle, s'ils étaient poursuivis, qu'ils
porteraient atteinte à la possession. Elle est intentée quand les travaux
sont en cours.
La réintégrande est conférée à celui qui a été dépossédé par violence
ou voies de fait. Le but est de sanctionner les actes de dépossession par lesquels
une personne prétend se faire justice en recourant à la violence ou à une voie de
fait.

1 Art. 23 Al. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La détention précaire
Section 1
Notions

Paragraphe 1
Définition

La détention précaire est définie comme l'exercice d'un pouvoir de fait


sur une chose, soit avec la permission et pour le compte du propriétaire, soit en vertu
d'une habilitation de la loi ou de la justice1. La détention ne comporte pas dans
le chef de la personne qui détient le chose, la volonté de tenir cette chose
pour elle. L'adjectif « précaire » signifie que le détenteur de la chose n'en
est pas propriétaire. Il détient en réalité pour autrui.
Le détenteur précaire détient ainsi la chose en vertu d’un titre qui vaut
de sa part reconnaissance de la propriété d’autrui, tel le locataire d’une maison.
Le titre qui justifie sa détention, à savoir le bail, prouve qu’il n’est pas
propriétaire de l’immeuble. S’il peut exercer certains actes d’usage ou de
jouissance sur la chose, il n’a pas l’animus domini, il ne prétend pas se
conduire comme s’il en était le propriétaire. S’il possède, ce n’est pas
pour son propre compte, mais bien pour le compte d’autrui. C’est donc
cet autrui, le propriétaire, qui est le possesseur — possesseur du droit de
propriété —, puisqu’il a l’animus et exerce le corpus par l’intermédiaire
du détenteur précaire.

Paragraphe 2
Éléments constitutifs

Contrairement à la possession qui comporte le corpus et l'animus,


la détention ne comporte que le corpus, et non l'animus2.
Le détenteur ne peut avoir la volonté de s'affirmer propriétaire, alors que le
titre de sa détention est un aveu de la propriété d'autrui. Le titre de sa
détention est généralement un contrat ; parfois la loi — cas du tuteur,
détenteur des meubles qu'il est chargé d'administrer —. Négativement,
c'est ce titre qui l'oblige à restituer, et lui interdit de prescrire, c'est-à-dire, de

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 173.


2 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 1109.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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devenir propriétaire. Positivement, c'est ce titre qui légitime ses rapports avec
la chose, qui lui confère une situation parfaitement régulière, conforme au
droit. Le titre de la détention a pour conséquence d'instituer le détenteur
comme un représentant, quant à la possession, de la personne pour le compte de
laquelle il détient. Le détenteur possède pour autrui.
Le détenteur doit restituer la chose. Il ne peut disposer de la chose qui,
par principe, appartient à autrui.
Il découle de sa définition que la détention est un pouvoir de fait,
fondée sur un titre régulier, et temporaire1. La détention est un pouvoir de fait.
Car à l'instar du possesseur, tant qu'il a la chose sous sa garde, le
détenteur exerce sur celle-ci un pouvoir de fait parce qu'il a le corpus.
Cette détention doit être fondée sur un titre régulier. La détention
est fondée sur un titre régulier qui constitue la cause de la détention. Ce
titre peut être le contrat, la loi, ou la justice. Ce titre a un caractère
temporaire. La chose détenue doit être restituée à son propriétaire.

Section 2
Régime juridique de la détention précaire

Paragraphe 1
Effets de la détention précaire

Le détenteur précaire ne peut prescrire. Aux termes de la loi, « ceux qui


possèdent pour autrui ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit »2.
Quelle que soit la durée de la détention, le détenteur ne peut pas devenir
propriétaire de la chose. De même, les héritiers de ceux qui tenaient la
chose de quelqu’un ne peuvent pas prescrire3.
Les actions possessoires sont refusées au détenteur précaire, à
l'exception de la réintégrande.

1V. KANGULUMBA, op. cit., p. 174.


2 Art. 630, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 631, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Cessation de la détention précaire

Si le titre de la détention précaire est toujours temporaire, la détention


est perpétuelle. Elle est transmissible aux héritiers.
Toutefois, cette précarité peut finir de deux façons1 : interversion
du titre par le fait d’un tiers ou interversion du titre par une contradiction
opposée au droit du propriétaire

Point 1
Interversion du titre par le fait d’un tiers

Le détenteur, par exemple un fermier, acquiert la propriété du bien


qu’il détenait à titre précaire ; toutefois, il l'acquiert non pas de la
personne qui est le véritable propriétaire, mais d'un tiers qui se fait passer
pour tel. Il y a une substitution d'un titre de propriétaire à un titre de
détenteur : le titre de la possession est donc interverti, et rien ne s’oppose
en principe à ce que désormais la possession s’exerce à titre de
propriétaire. Mais il faut pour cela, tout d’abord, que le détenteur ait agi
de bonne foi.
Il faut, ensuite, qu’un changement dans sa conduite corresponde au
changement de titre : par exemple, si jusqu’alors il payait son fermage à son
propriétaire, il faut qu’il cesse de le payer, sinon sa possession serait
entachée d’équivoque.

Point 2
Interversion du titre par une contradiction opposée au droit du
propriétaire

Ceux qui possèdent pour autrui ou leurs héritiers peuvent prescrire


si le titre de leur possession se trouve interverti par la contradiction
qu'elles ont opposée au droit du propriétaire.
Mais la reconnaissance d'une interversion est subordonnée à des
conditions précises. Le seul fait pour un locataire d’avoir cessé de payer
son loyer au propriétaire ne suffit pas pour intervertir son titre2.
Il a été jugé qu’il y a interversion au jour où l’occupant du terrain a
fait clairement savoir qu’il se considérait comme propriétaire en cédant

1 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., pp. 169-172.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 27 sept. 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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une parcelle litigieuse et en faisant connaître à cette occasion sa volonté


de se faire désormais considérer comme propriétaire au jour de la
publication de l'acte notarié de cession1.
À l’inverse, des actes matériels peuvent suffire, sans autre mise en
forme telle qu’une notification. Ainsi en est-il si le propriétaire s’était vu
refuser la restitution de son bien, pourvu que l’ancien détenteur précaire
ait agi, ce faisant, d’une manière non équivoque, à titre de propriétaire2.

Section 3
Preuve de la détention précaire

Lorsqu'on se trouve en présence d'une personne tenant une chose,


faisant sur elle des actes ordinaires d'usage et de jouissance, s'agit-il d'un
possesseur de la propriété ou d'un détenteur précaire ?
Pour trancher cette question, la loi a formulé deux importantes
présomptions : présomption de possession véritable et présomption de
perpétuité de la précarité.

Paragraphe 1
Présomption de possession véritable

La loi dispose qu' « on est toujours présumé posséder pour soi et à titre de
propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre »3.
Lorsqu'une personne a la détention matérielle d'une chose et qu'elle
prétend exercer un droit réel sur cette chose, on doit présumer, jusqu'à
preuve du contraire, que sa prétention est exacte. Elle n'a pas à prouver
que sa possession est exempte de précarité. C’est donc à son adversaire
de prouver qu’elle est un simple détenteur précaire. L'existence d'un titre de
détention doit être prouvée, par celui qui a intérêt à nier la possession.

1Cass. fr., Civ. 3e, 17 oct. 2007.


2Pau, 9 mai 1892.
3 Art. 624, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Présomption de perpétuité de la précarité

Aux termes de la loi, « quand on a commencé à posséder pour autrui, on est


toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire »1.
Ainsi le locataire, l'emprunteur qui prétendent avoir acquis l'animus
domini doivent en faire la preuve en démontrant qu’il y a eu de leur part
interversion de titre. Cette disposition correspond au droit commun des
preuves. Le possesseur alléguant un changement dans la situation d’où il
entend tirer avantage doit en faire la preuve.

1 Art. 625, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-titre 3
Modes généraux d'accession à la propriété
Les modes d'accession à la propriété désignent tout fait ou tout acte
ayant pour effet de faire naître ou de transmettre la propriété1. On distingue des
modes originaires et des modes dérivés d'accession à la propriété2.

Chapitre 1
Les modes originaires
Les modes originaires sont ceux par lesquels l'on devient propriétaire
d'un bien sans tenir ce droit d'une autre personne.
Aux termes de la loi, « la propriété s’acquiert (...) par le travail de l’esprit,
le travail artisanal et le travail industriel »3. De même, « l'accession,
l’incorporation, la prescription acquisitive, l’occupation des choses perdues, la
découverte d’une chose constituent d’autres modalités d’acquérir la propriété »4.
L'occupation est la prise de possession d'un bien (meuble) jusque-là sans
maître avec l'intention de se l'approprier. C'est l'appréhension d'une chose
n'appartenant à personne avec l'intention d'en devenir propriétaire.
L'occupation consiste dans le fait matériel et unilatéral de la possession
faisant ainsi naître la propriété dans la mesure où la loi n'en dispose pas
autrement5.
Parmi les choses sans maître, il y a les choses non encore
appropriées ; les choses abandonnées ; les choses perdues ; l'occupation
de trésor.

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 286.


2 Idem.
3 Art. 50, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Art. 51, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


5 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 288.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Les modes dérivés
Les modes dérivés d'accession désignent les modes d'acquisition de
la propriété, non par la création mais par la transmission ou le transfert d'un
droit. Il trouve son fondement dans le rôle de la volonté dans la
transmission du droit de propriété admise ainsi comme source des droits
des obligations. Aux termes de la loi, « la propriété des biens s’acquiert et se
transmet par donation entre vifs, par testament, par succession et par convention »1.

1 Art. 49, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-titre 4
Théorie analytique de la propriété

Chapitre 1
La propriété
Section 1
Définition et caractères de la propriété

Paragraphe 1
Définition de la propriété

Le droit de propriété est fonction du temps et de l'espace. Par


conséquent, le droit congolais de la propriété a des caractères
particuliers, une conception particulière. La conception coutumière de la
propriété est plutôt communautaire. Le bien appartient à la communauté —
même quand il s'agit d'un bien meuble qui appartient à une seule
personne, en réalité, le propriétaire l'a obtenu par différentes
interventions des membres de la communauté et par conséquent, ceux-
ci détiennent un droit de créance à son égard —1. Le législateur a
reconnu cette conception en disposant que le sol et le sous-sol
appartiennent à l'État, ils sont insusceptibles d'appropriation privée.
La définition donnée par la loi foncière n'est pas celle des droits
français et belges issus du code Napoléon de 1804. Ceux-ci définissent
la propriété comme « le droit d'user et de jouir d'une chose ».
Mais le droit congolais insiste plus sur le droit de disposer. Ainsi
définit-il la propriété comme « le droit de disposer d’une chose d’une manière
absolue et exclusive, sauf les restrictions qui résultent de la loi et des droits réels
appartenant à autrui »2. On définirait ainsi la propriété dans son acception
la plus générale comme, dit Demolombe3, « le pouvoir souverain et absolu qui
appartient à une personne sur un bien quelconque, corporel ou incorporel, et qui le lui
rend propre ». La propriété est pour ainsi dire, dit Cornu4, « la norme

1 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., p. 180.


2 Art. 14, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Cité par G. MEMETEAU, op. cit., p. 79.
4 Cité par G. MEMETEAU, op. cit., p. 79.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

fondamentale du droit patrimonial, canon ou, au moins, référence pour


d'autres droits ».

Paragraphe 2
Caractères du droit de propriété

La propriété est un pouvoir de droit, absolu, exclusif et perpétuel1.

Point 1
La propriété est un droit

C'est un pouvoir de droit, car la loi l'organise et le protège. Elle s'oppose


ainsi aux droits proches de la propriété, qui eux aussi sont des pouvoirs,
mais qui sont des pouvoirs de fait, qui ne deviendront de droit que dans
certaines conditions — possession et détention précaire —.

Point 2
Un droit absolu

Cela ne signifie pas qu'il s'agit d'un droit sans limite. Au contraire,
le droit de propriété est limité par la loi et aussi par les droits réels
appartenant à autrui.
Le caractère absolu du droit de propriété signifie que ce droit peut être
exercé dans l'ensemble de ses prérogatives — usus, fructus, abusus —, de la
façon dont le propriétaire entend l'exercer, sans permettre à quiconque
de critiquer l'utilisation qui est faite du droit ou son exercice, dans le
respect, toutefois, des limites instituées quant à ce.
Par ailleurs, le caractère absolu doit s'entendre aussi comme le fait
de disposer de la chose, soit en la consommant, soit en la détruisant, soit
en l'aliénant, ou en la gravant de droits réels au profit d'autrui.
Le caractère absolu signifie enfin que le droit est opposable à tous.
Le propriétaire peut défendre et revendiquer son bien à l'égard de tous.

Point 3
Un droit exclusif

Caractère provenant de l'histoire des sociétés occidentales, en ce


sens que dans cette société règne le « chacun pour soi ». La propriété est

1 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., pp. 192 et s.

1106
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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un droit individuel, il n'appartient qu'aux titulaire du droit, lequel en jouit sans


partage. Il peut s'opposer à ce qu'un autre retire de son bien un avantage
quelconque. Considérer le droit de propriété comme un droit exclusif
signifie que le propriétaire ou les propriétaires sont seuls à pouvoir accomplir sur la
chose les actes qui constituent les attributs du droit de propriété — usus, fructus,
abusus —.
D'une part, personne physique ou personne morale, le propriétaire
est seul maître de son bien, en ce sens qu'il peut l'exploiter sous quelque
forme que ce soit ou s’opposer à ce que les tiers empiètent sur son droit,
par exemple pénètrent sur son terrain, sans qu’il soit alors nécessaire de
se demander si cet empiétement ou cette pénétration lui causent un
préjudice, matériel ou moral.
D'autre part, le propriétaire personne physique ou personne morale
est investi d'un monopole. En d’autres termes, lorsqu’une chose est
appropriée, elle n’appartient qu’à une seule personne.
Le caractère exclusif peut trouver des limites en matière de copropriété
ou d'indivision. Dans ces cas, la propriété est fractionnée : il y aura autant
de droits de propriété qu'il y aura de propriétaires.
Par ailleurs, le propriétaire d'un bien peut en céder l'usage et la
jouissance à une autre personne — usufruit, superficie —, la propriété
est démembrée : le nu-propriétaire conserve un attribut de la propriété —
abusus —, et l'usufruitier d'autres — usus et fructus —.
La propriété fractionnée se distingue de la propriété démembrée.
La propriété démembrée est unique et individuelle, seuls les attributs
sont partagés. En cas d'usufruit par exemple, il n'y a qu'un seul
propriétaire, ici, nu-propriétaire, qui accorde la jouissance de son bien à
une autre personne, usufruitier. Le propriétaire maintient l'abusus, mais
cède l'usage et la jouissance à un autre.
Par contre, en cas de propriété fractionnée, il y a pluralité de
propriétés avec tous les attributs de la propriété. Les copropriétaires sont
tous propriétaires. Ils ont chacun le droit d'usage et de jouissance de la
chose, dans le respect de sa destinée et des droits des autres. Ils ont tous
le droit de disposition, chacun sur sa quote-part, ils peuvent la céder ou
constituer d'autres droits réels dessus.
Au demeurant, la propriété fractionnée peut en elle-même être
démembrée. Tandis que la propriété démembrée est toujours
temporaire.
D'autre part, sur pied des articles 219 et 227 de la loi foncière, la
propriété fractionnée donne naissance à autant de certificats
d'enregistrement qu'il y a de propriétaires. Alors que la propriété

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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démembrée ne donne lieu qu'à un seul certificat : celui du propriétaire


— ou plus exactement du nu-propriétaire —.

Point 4
Un droit perpétuel

Le caractère perpétuel de la propriété signifie que le droit de propriété


ne peut être perdu par non-usage et qu'il doit durer autant que dure la chose sur
laquelle il porte. Cela emporte que le droit de propriété n'est pas susceptible
de faire l'objet d'une prescription extinctive.
La Cour de cassation de France s’est prononcée en ce sens en
faveur d’un propriétaire qui, s’étant abstenu d’exercer son droit de
propriété pendant plus de trente ans, revendiquait le bien contre un tiers
qui ne pouvait se prévaloir de l’usucapion, sa possession ayant revêtu un
caractère précaire. Au défendeur invoquant la disposition du code civil
qui prévoyait que toutes les actions tant réelles que personnelles sont
prescrites par trente ans, il avait été répondu avec succès que la propriété
ne se perd pas par le non-usage, qu’il s’agisse de meubles ou
d’immeubles1.
Cela dit, son caractère perpétuel ne s'oppose pas à ce que le droit
soit perdu. Ce caractère ne saurait entraîner comme conséquence que le
droit est indissolublement attaché au patrimoine de son titulaire, auquel
cas le droit serait intransmissible. Cela signifie simplement que le droit
ne peut être perdu par le non-usage trentenaire. Mais il peut être perdu
par d'autres manières, volontaires — vente, donation — ou
involontaires — expropriation, réquisition, nationalisation, confiscation
—. Par ailleurs, le droit de propriété est susceptible d'abandon.

Section 2
Attributs de la propriété

Les attributs de la propriété renvoient à ce à quoi la propriété donne


droit. Il s'agit de l'usage, de la jouissance et de la disposition2. Les trois
attributs peuvent se retrouver sur la tête du propriétaire, c'est la pleine
propriété ; ils peuvent aussi être séparés, c'est-à-dire, l'usage et la
jouissance d'un côté, et la disposition d'un autre, en ce cas, il y a
démembrement de la propriété. Le propriétaire n'a plus que la nue-

1 Cass. fr., Req., 12 juill. 1905.


2 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., pp. 131 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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propriété. Il en découle que l'usage et la jouissance ne déterminent pas


la propriété.

Paragraphe 1
Le droit d'user de la chose

Le droit d'usage a un double aspect positif et négatif.


Positivement, le droit d’user de la chose, c’est le droit de s’en servir
— usus — pour son agrément ou pour l’exploitation économique de la
chose. Par exemple, en habitant une maison, en cultivant un domaine,
en utilisant une voiture. Ce droit permet aussi à son titulaire de choisir
en principe librement l’usage qu’il entend faire de la chose ou de son
image, car celle-ci lui est consubstantielle, même après sa seule
reproduction.
Négativement, le droit d’user de la chose, c’est aussi le droit de n’en
pas user, de ne pas s’en servir. C’est le droit de ne pas utiliser sa voiture,
de ne pas occuper son appartement, de ne pas exploiter son domaine ; à
quoi s’ajoute aussi le droit de s’opposer à l’utilisation de l’image de son
bien. La Cour de cassation de France a, à ce propos, affirmé en
assemblée plénière que « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un
droit exclusif sur l’image de celle-ci » en ajoutant néanmoins qu’il « peut
toutefois s'opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle
lui cause un dommage anormal », lequel, en l’occurrence, n’était pas
établi du seul fait de l’utilisation de l’image dans un dépliant publicitaire
relatif à l’établissement d’une future résidence1.
Par ailleurs, disons, en ce qui est des choses consomptibles, que
leur usage, surtout s’il s’agit de choses qui se consomment par le premier
usage, se confond aussitôt avec l’abusus, c’est à dire avec la disposition
de ces choses.

Paragraphe 2
Le droit de jouir de la chose

Le droit de jouir de la chose est aussi le droit de ne pas en jouir.


Le droit de jouir de la chose peut se manifester de deux manières,
l’une matérielle, l’autre juridique. Matériellement, le propriétaire peut
percevoir lui-même les fruits de la chose, puis en faire ce que bon lui
semble. Il se peut aussi que, sans procéder de la sorte directement, il

1 Cass. fr., Ass. Plén., 7 mai 2004.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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jouisse de la chose en ayant recours à des actes juridiques


d’administration, voire de disposition, par exemple en louant le bien
frugifère.
Jouir de la chose, ce peut être aussi, négativement, s’opposer à sa
reproduction photographique, notamment à des fins commerciales.

Paragraphe 3
Le droit de disposer de la chose

La disposition est physique ou juridique.


Le propriétaire a, tout d'abord, la disposition physique de la chose.
Il peut faire tous les actes matériels qui correspondent à son droit
d'usage, faire exécuter tous travaux, abattre les arbres, raser les
constructions qui existent. Le propriétaire peut, en outre, transformer la
substance de la chose et même la détruire, par exemple tuer un animal
ou épuiser une carrière.
Cette faculté de disposer matériellement de la chose distingue le
droit de propriété de tous les autres droits réels : ces derniers, en effet,
autorisent leurs titulaires à jouir de la chose d'autrui d'une manière plus
ou moins complète, mais toujours à la charge d'en conserver la
substance.
Les manifestations du pouvoir de disposition juridique sont assez
diverses. Le propriétaire peut d'abord disposer à cause de mort. Il arrive
souvent que le propriétaire décide du sort de son bien pour le temps qui
suivra son décès, par voie de disposition à cause de mort. Le testament
est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera
plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer.
Le propriétaire peut ensuite abandonner sa propriété.
Le propriétaire peut enfin, transférer à autrui, en partie ou en
totalité, le droit de jouissance et de consommation qui lui appartient sur
la chose. S’il concède seulement un droit de jouissance sur sa chose, il
démembre sa propriété. Si, au contraire, il transmet la totalité de son
droit, il aliène la chose ; il fait alors un acte translatif de propriété.
Cette possibilité de disposer juridiquement de son droit en
l'aliénant n'est nullement caractéristique de la propriété, le caractère de
cessibilité étant commun à la plupart des droits réels. Ce qui caractérise
donc véritablement le droit de propriété est la disposition matérielle de la
chose.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 3
Portée du droit de propriété

Sur quoi porte exactement le droit de propriété ? Le droit congolais


des biens connait trois régimes : mobilier, immobilier et foncier.

Paragraphe 1
La propriété foncière

La propriété foncière s'entend de la propriété du sol. Le sol est la


propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat. Viole la loi,
le juge qui reconnaît cette propriété à un particulier1.
Les limites de la propriété foncière de l'État correspondent aux
limites du territoire national. Par contre, les limites du droit de jouissance
foncière des particuliers correspondent aux limites de l'étendue de la
concession. Les concessions sont limitées par des bornes. Les lignes
joignant ces bornes sont, dans les circonscriptions urbaines,
obligatoirement constituées des murs séparatifs ou mitoyens2.

Paragraphe 2
La propriété du dessus et la propriété du dessous3

L'article 16 de l'ancien code civil livre 2 précisait que « la propriété


du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Néanmoins, le
propriétaire ne peut s'opposer à ce qui se fait à une telle hauteur ou à
une telle profondeur qu'il n'a aucun intérêt à empêcher ». Le rapport du
conseil colonial renseignait que cette disposition était tirée de l'article 552
du Code civil français qui disposait que « la propriété du sol emporte la
propriété du dessus et du dessous (...) ».
Le rapport renseigne que le propriétaire n'avait même pas à prouver
l'intérêt qu'il avait à empêcher que l'on fasse quelque chose au-dessus ou
en dessous du fond. Il n'avait qu'à invoquer son droit de propriété. C'est
à l'autre partie qu'il revenait de prouver que le propriétaire de l'immeuble
n'avait aucun intérêt à empêcher d'exécuter le travail qu'il entreprenait.

1 C.S.J., R.C. 299, 23 juill. 1982.


2 Art. 34 et s., Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 445.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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S'agissant de l'espace aérien, il était déterminé par le prolongement


par les perpendiculaires élevées sur le prolongement des limites de la
propriété ou de la concession. Cet espace projeté dans l'infini appartient
au propriétaire ou concessionnaire.
La conception est aujourd'hui abandonnée, car si le propriétaire ou
le concessionnaire doit utiliser nécessairement l'espace aérien par ses
constructions et plantations, on lui reconnaît ce droit sur un certain
espace aérien qu'il peut normalement utiliser. On cherche le critère de la
propriété sur l'espace aérien dans la notion d'utilité. Le propriétaire ou
concessionnaire ne serait maître de l'espace aérien que dans la mesure où
cet espace serait utile à l'exploitation de son sol. Plus précisément, on recherche
si le propriétaire a un intérêt dans l'espace aérien utilisé ou utilisable pour
la jouissance légitime du sol.
Cette disposition — l'ancien article 16 — a été supprimée par la loi
de 1973. Dans son contexte, elle s'explique par le fait que les particuliers
pouvaient être propriétaires du sol. Cela n'est plus le cas aujourd'hui
depuis l'avènement de la loi foncière. Désormais, le dessous — le sous-
sol, à plus de 60m — appartient à l'État, qui peut octroyer au particulier
un droit de concession minière. De la même manière, en hauteur, la
propriété est limitée à une certaine distance — ±50m — correspondant
au volume de la construction. Pour le reste, au-delà, c'est la propriété de
l'État.

Paragraphe 4
La propriété et l'usage des eaux

Le cours d'eau ne se conçoit pas sans rattachement au sol ni au


sous-sol, qui sont la propriété de l'État. Logiquement, les cours d'eau
appartiennent aussi à ce dernier.
La loi dispose que « le lit de tout lac et celui de tout cours d’eau navigable,
flottable ou non, font partie du domaine public de l’Etat »1.
Celui qui a dans sa concession une source ne formant qu’un simple
filet d’alimentation d’un cours d’eau peut en user à volonté. Celui qui a
dans sa concession une source formant la tête d’un cours d’eau dont le
lit est distinct des terres avoisinantes ne peut en user que suivant les

1 Art. 16, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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règles établies par les articles 18 et 19 de la Loi1. Les articles 18 et 19


disposent que « l'eau des cours d’eau et des lacs et les eaux souterraines
appartiennent à l’Etat (...) La faculté d’en user est commune à tous (sous
réserve de la législation en la matière) »2. « Nul ne peut corrompre l’eau
ni en changer le cours »3.
La loi établit donc une distinction4. S'il s'agit d'un simple filet
d'alimentation d'un cours d'eau, c'est-à-dire, d'un ruisselet ayant en quelque
sorte sa vie propre et distincte, il n'y a aucun intérêt général qui exige que
le propriétaire du sol soit empêché d'en disposer. S'il s'agit d'un cours d'eau
déjà formé et saisissable à la surface du sol, ayant son lit distinct de terres
avoisinantes, alors la nature même veut que cette eau courante soit à
l'usage de tous. En pratique, le juge apprécie si une source dès l'origine
est un véritable cours d'eau ou elle ne constitue qu'un simple filet
d'alimentation5.
Sous la loi de 1973, les particuliers ne peuvent plus avoir la
propriété du sol, et par conséquent, ni celle des eaux, quand bien même
qu'elles ne formaient qu'un simple filet d'alimentation. Elles sont la
propriété de l'État6. Mais la question se pose de savoir si le particulier
concessionnaire exerce-t-il un droit de concession sur ces eaux ne
formant qu'un simple filet d'alimentation, ou un droit de propriété
complet qu'il faut les considérer comme une incorporation à sa
concession consacrée par un certificat d'enregistrement ?
Lukombe Nghenda estime que si la source ne formant qu'un simple
filet d'alimentation d'un cours d'eau était une incorporation du
concessionnaire, elle s'analyserait comme étant un immeuble par
incorporation revenant au concessionnaire au cas où un certificat
d'enregistrement lui aura été établi par le conservateur7.

1 Art. 17, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 18, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 19, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 447.
5 Élis., 18 mai 1940.
6 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 202.
7 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 448.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 5
La théorie de l'accession

Aux termes de la loi, « la propriété d’une chose, soit mobilière, soit


immobilière, donne droit sur tout ce qui s’y unit et s’y incorpore, soit naturellement,
soit artificiellement, sauf ce qui sera dit de la propriété immobilière distincte de celle
du sol, ou de la concession foncière »1.
L'accession est un mode d'acquisition de la propriété qui, procédant par la
réunion de l'accessoire au principal, rend le propriétaire d'une chose principale maître
de la chose accessoire qui s'y unit2. L'accession peut être mobilière ou
immobilière, et dans les deux cas, nature ou artificielle.

Point 1
L'accession mobilière

Ce type d'accession ne pose pas beaucoup de problème et d'intérêt.


Bien souvent on se réfugie à l'article 658 du Code civil livre 3 (en fait de
meuble…). Cependant, quelques difficultés peuvent apparaître dans
certains cas. Cas de la connexion ou du mélange, et de la transformation
ou de la spécification.

A. Connexion ou mélange

Aux termes de la loi, « lorsque des choses mobilières appartenant à


des propriétaires différents sont réunies ou mélangées de telle sorte qu’il
n’est pas possible de les séparer sans détérioration notable ou qu’au prix
de frais excessifs, les intéressés deviennent copropriétaires de l’ensemble
en proportion de la valeur qu’avaient ses parties au moment de la
connexion ou du mélange. Toutefois, si, dans la connexion ou le
mélange de deux choses, l’une ne peut être considérée que comme
l’accessoire de l’autre, l’ensemble est acquis au propriétaire de la chose
principale »3.
En d'autres termes, lorsque des choses mobilières appartenant à des
propriétaires différents se trouvent réunies ou mélangées et qu'il n'est

1 Art. 21, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 G. MEMETEAU, op. cit., p. 122.
3 Art. 28, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pas possible de les séparer sans détérioration notable ou qu'au prix de


frais excessifs, les intéressés deviennent, par la force des choses,
copropriétaires mobiliers en proportion de la valeur qu'avaient les parties
respectives au moment de la connexion ou du mélange. Mais, si dans la
connexion ou le mélange, l'une des deux choses s'avère être l'accessoire de
l'autre, l'ensemble est acquis au propriétaire de la chose principale, moyennant
indemnité proportionnelle.

B. Transformation ou spécification

Aux termes de la loi, « lorsqu’une personne a travaillé ou


transformé une ou plusieurs choses mobilières appartenant à autrui, la
chose nouvelle est acquise à l’ouvrier, si l’industrie a été plus précieuse
que la matière sinon au propriétaire de celle-ci. Si l’ouvrier a été de
mauvaise foi, le juge peut attribuer la chose nouvelle au propriétaire de
la matière »1.
La solution consiste à mettre sur la balance la matière et l'industrie.
Lorsque la matière est plus précieuse que l'industrie, la chose entière est acquise au
propriétaire de la matière, sous réserve d'indemnités. Par contre, si l'industrie a été
plus précieuse que la matière, la chose est donnée à l'ouvrier moyennant indemnisation.
Toutefois, si l'ouvrier est de mauvaise foi, « le juge peut attribuer la chose
nouvelle au propriétaire de la matière ». Cette attribution se fait moyennant
indemnité.

Point 2
Accession immobilière

L'accession immobilière peut être naturelle ou artificielle.


« La propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne
droit sur tout ce qu’elle produit (...) La propriété d’une chose, soit
mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qui s’y unit et s’y
incorpore, soit naturellement, soit artificiellement »2.

1 Art. 29, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 20 & 21, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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A. Accession naturelle

L'accession immobilière naturelle peut se faire par production ou


par incorporation.

1. Accession par production

« La propriété d’une chose (...) donne droit sur tout ce qu’elle produit ». Par la
production, le propriétaire ou le concessionnaire d'un fond est
propriétaire de tout ce qui est produit par ce fonds, comme les fruits
naturels par exemple.

2. Accession par incorporation

Une chose peut, par la force de la nature, s'incorporer à un fond ou


s'y unir. Telle une source d'eau qui jaillit, des alluvions, des
atterrissements.
Les alluvions sont des dépôts de sédiments — boues, sables,
gravures, cailloux — abandonnés par un cours d'eau quand la pente ou
le débit baisse. Les atterrissements sont des amas de terre ou de sable
apportés par les eaux.
Aux termes de la loi, « l’atterrissement ou relais qui se forme à la
rive d’un lac ou d’un cours d’eau navigable ou flottable appartient à
l’Etat. Celui qui se forme à la rive d’un cours d’eau non navigable ni
flottable appartient aussi à l’Etat »1. L’île ou îlot qui se forme dans le lit
d’un lac ou d’un cours d’eau, navigable, flottable ou non, appartient à
l’Etat. L’île ou îlot qui se forme non par alluvion, dessèchement ou
exhaussement du lit, mais par un nouveau bras qui traverse et entoure le
fonds d’un concessionnaire riverain fait partie de la concession2.

B. Accession artificielle

Dans la pratique, il est difficile de savoir à qui une chose incorporée


sur un fond appartient-elle. Il en est ainsi des constructions faites sur le
terrain d'autrui. Il est difficile de savoir si une construction faite sur le

1 Art. 26, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 27, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1116
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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terrain d'autrui appartient à celui-ci. Pour ce faire, on procède par des


présomptions.
Ces présomptions sont de deux : d'une part, le propriétaire ou le
concessionnaire d'un fonds est propriétaire de tout s'incorpore au fonds —
constructions, plantations et ouvrages —. D'autre part, les matériaux qui
ont servi à la construction de ces ouvrages sont également censés appartenir au
propriétaire ou au concessionnaire du fonds, ou que ces constructions ont été
faites aux frais de celui-ci1.
Toutefois, la preuve contraire est admise. Le tiers peut démontrer que
les constructions ou plantations ont été faites avec des matériaux
n'appartenant pas au concessionnaire constructeur ; que le terrain sur
lequel les constructions ont été faites n'appartient pas au propriétaire des
matériaux, c'est-à-dire, qu'il a construit avec ses matériaux mais sur le
terrain d'autrui ; ou enfin, qu'il a construit sur son terrain, mais en
empiétant sur celui d'autrui.

1. Cas des constructions ou plantations faites par le


titulaire du droit sur son fonds avec des matériaux, des
plantes, et végétaux appartenant à autrui

Aux termes de la loi, « le concessionnaire qui a fait des constructions,


ouvrages ou plantations avec des matériaux ou des végétaux qui ne lui appartenaient
pas doit en payer la valeur ; il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts s’il
y a lieu ; mais l’ancien propriétaire des matériaux ou des végétaux n’a pas le droit de
les enlever »2.
En clair, le propriétaire des matériaux ne peut pas les enlever. Le
constructeur doit toutefois rembourser au propriétaire la valeur de ces
matériaux.
La justification est d'ordre économique : détruire sans raison ce qui
a été construit ou planté serait économiquement autant une perte inutile
qu'un comportement irrationnel3. La loi ne fait ici la distinction entre
possesseur de bonne ou de mauvaise foi des matériaux ou végétaux. On
fait ici application de la règle suivant laquelle l'ouvrage mal planté ne se
détruit pas4.

1 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., p. 208.


2 Art. 22, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 209.
4 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 454.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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2. Constructions et plantations sur le terrain


d'autrui

En matière de constructions sur le terrain d'autrui, il y a deux


situations, selon que le constructeur est de bonne ou de mauvaise foi.

a. Constructeur de bonne foi

Aux termes de la loi, « lorsque des constructions, ouvrages ou plantations


ont été faits par un possesseur de bonne foi, avec des matériaux ou des végétaux lui
appartenant, l’Etat ou le concessionnaire du fonds ne peut en exiger la suppression ;
il doit rembourser au possesseur, soit la valeur des matériaux ou des végétaux et le
prix de la main-d’œuvre, soit la plus-value qui en est résultée pour le fonds »1.
En clair, en cas de bonne foi, l'État ou le concessionnaire ne peut exiger
la suppression des constructions. Il doit toutefois en restituer la valeur et la main
d'œuvre, ou la plus-value qui en est résulté. L'indemnité n'est destinée à
réparer que le dommage subi, pas plus pas moins. L'indemnisation doit
autant que possible correspondre au coût de matériaux et au prix de la
main-d'œuvre nécessaire pour obtenir des constructions ou plantations
de la même valeur.
Il a été jugé que lorsqu'une personne a été autorisée par un
propriétaire à construire sur un fonds appartenant à ce dernier, la
circonstance que la propriété a changé de maître ne suffit pas à lui ôter
sa qualité de possesseur de bonne foi et à la priver du bénéfice de l'article
23 alinéa 1 de la loi foncière. A défaut de titre enregistré consolidant erga
omnes son droit, le possesseur de bonne foi qui a ainsi construit doit
être condamné à délaisser sa construction ; en revanche, sa demande
reconventionnelle en remboursement soit de la valeur des matériaux,
soit du prix de la main d'œuvre, soit de la plus-value qui en est résultée
pour le fonds, doit être agréée2.
La bonne ou la mauvaise foi d'un possesseur du fonds doit être
appréciée au niveau de l'acquisition du fonds litigieux et non à celui de
l'autorisation de bâtir. Dès lors, a violé la loi, le jugement qui refuse au
possesseur de bonne foi le remboursement de la valeur des travaux de

1 Art. 23 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 L’shi., 29 déc. 1972.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

mise en valeur du terrain litigieux au seul motif que les constructions


faites par le possesseur l'avaient été sans autorisation de bâtir1.

b. Constructeur de mauvaise foi

Aux termes de la loi, « si celui qui a fait les travaux est un possesseur de
mauvaise foi ou un détenteur précaire, l’Etat ou le concessionnaire a le choix ou
d’exiger la suppression des constructions, ouvrages et plantations, aux frais de
l’auteur, et des dommages-intérêts, s’il y a lieu, ou de rembourser soit la dépense, soit
la plus-value, comme il est dit ci-dessus »2.
En clair, l'État ou le concessionnaire a le choix : soit exiger la
suppression des constructions aux frais du constructeur. Celui-ci peut être
condamné aux dommages-intérêts ; soit garder les ouvrages et rembourser soit
la dépense, soit la plus-value.
Dans sa portée, cette disposition n'est pas d'ordre public, les parties
peuvent y déroger3.
Cette disposition n'est pas applicable à ceux dont les titres
prévoient une faculté de construire sur le terrain d'autrui. Cas du
locataire foncier, du superficiaire, du concessionnaire minier.

3. Empiétements marginaux sur le terrain d'autrui

On parle d'empiètements marginaux lorsqu’un propriétaire ou un


concessionnaire voisin, en faisant des travaux, porte atteinte à la
concession du voisin en égratignant quelques centimètres de cette
concession.
En règle générale, la loi prévoit que toute concession doit être
bornée et limitée, en ce sens qu'on doit connaître les limites et la
superficie de toute parcelle. Mais ce qui arrive souvent c'est que le tracé
des propriétés ou parcelles est indécis et qu'en élevant par exemple, une
construction, un propriétaire écorne le fonds voisin. Il y a alors
empiétement marginal.
Le principe de solution impose de distinguer selon que
l'empiètement est de bonne ou de mauvaise foi.

1 C.S.J., R.C. 224, 11 avril 1979.


2 Art. 23 Al. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Ie Inst., Bukavu, 12 mai 1950.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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a. Empiétement de bonne foi

Aux termes de la loi, « lorsque l’Etat ou le concessionnaire d’un fonds, en y


faisant une construction ou autre ouvrage a empiété de bonne foi sur le fonds du voisin,
celui-ci ne peut exiger la suppression de l’empiétement s’il est établi que le dommage
qu’il éprouve est notablement inférieur à celui que le constructeur subirait par suite de
la démolition. En ce cas, le juge attribue l’empiétement au constructeur à titre de droit
réel moyennant une indemnité à payer au voisin »1.
En d'autres termes, si le voisin est de bonne foi, le concessionnaire
ne peut exiger la suppression de l'empiètement, s'il est établi que le
dommage subi par le voisin empiété est moins grave que celui que
subirait l'auteur de l'empiètement en cas de destruction. On met en balance
le coût de l'espace empiété et le coût du mur. Si le mur vaut plus, on laisse la
construction moyennant indemnité équivalente au coût de l'espace
empiété. Autrement, on détruit les constructions.

b. Empiétement de mauvaise foi

En cas de mauvaise foi, la solution est celle prévue par l'article 23


alinéa 2 en matière de construction de mauvaise foi : soit, on détruit, sans
préjudice des dommages-intérêts ; soit, on garde les constructions, moyennant
indemnités2.
La loi a prévu des présomptions de mauvaise foi. « Sera toujours présumé
de mauvaise foi, celui qui aura empiété notamment : 1°. sur un terrain
urbain loti ; 2°. sur une terre rurale dont les limites étaient matérialisées
par des signaux, poteaux, clôtures ou autres moyens nettement
perceptibles ; 3°. en dépassant ses limites, alors que son terrain était loti
et cadastré ou délimité comme il est dit au 2° ci-dessus ; 4°. qui a obtenu
sa concession par quelque fraude à la loi ou aux droits acquis des tiers.
Toute personne intéressée peut produire la preuve que l’empiétement
est de mauvaise foi »3. L'énumération n'est d'ailleurs pas exhaustive.

1 Art. 24, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 215.
3 Art. 25, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1120
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il a été jugé que dans les circonscriptions urbaines, les


empiétements sont toujours présumés de mauvaise foi. La charge de la
preuve incombe au demandeur. La preuve de l'empiètement est libre1.
La bonne foi est toujours présumée. La preuve de la mauvaise foi
incombe au demandeur. La loi dispose que « toute personne intéressée
peut produire la preuve que l'empiètement est de mauvaise foi »2.

Section 4
Restrictions légales au droit de propriété

Aux termes de la loi, la propriété est le droit de disposer d’une


chose d’une manière absolue et exclusive, « sauf les restrictions qui résultent
de la loi et des droits réels appartenant à autrui. Les restrictions du droit de propriété
à raison des rapports de voisinage sont établies au titre des charges foncières »3.
Les restrictions au droit de propriété renvoient à des atteintes au droit
de propriété qui diminuent la jouissance, les rapports entre la personne et son bien.
Le droit de propriété est garanti par la Constitution. Il est protégé
par les textes constitutionnel et légaux. Toutefois, la loi prévoit que, si le
propriétaire a un droit protégé, il doit, lui également, respecter la loi et
les droits des autres. C'est ainsi qu'il existe des restrictions au droit de
propriété, tant mobilière qu'immobilière.

Paragraphe 1
Restrictions à la propriété mobilière

On classe les limitations à la propriété mobilière en quatre groupes


: les limitations en raison des droits réels appartenant à autrui ; en raison
de l'état de nécessité ; en raison des lois particulières et les restrictions
conventionnelles.

1 T.G.I. KIN/MATETE, R.C. 5805, 13 fév. 2003.


2 Art. 25 Al. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Art. 14, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1121
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 1
En matière de droits réels appartenant à autrui

La propriété est le droit de disposer d’une chose d’une manière


absolue et exclusive, « sauf les restrictions qui résultent de la loi et des
droits réels appartenant à autrui ». Le seul droit réel, en principe,
susceptible de porter sur un meuble et qui peut être de nature à
restreindre le droit de propriété mobilière est l'usufruit. Dans ce cas, le
nu-propriétaire est tenu de souffrir du démembrement de sa propriété au profit
de l'usufruitier.

Point 2
En raison de l'état de nécessité

La loi dispose que « le propriétaire ne peut repousser l’atteinte à son droit si


elle est indispensable pour écarter un danger imminent incomparablement plus grand
que le dommage qui doit en résulter pour lui-même. S’il a subi un préjudice, il peut
se faire indemniser par la personne qui en a profité »1. La loi met ici la balance le
danger imminent et la valeur de la propriété. Ces atteintes ne sont concevables
que dans les rapports de droit privé, entre particuliers à l'exclusion des
atteintes justifiées par l'exercice des charges du pouvoir exécutif —
pouvoirs de police —. La gestion d'affaires en est un exemple.

Point 3
En raison des lois particulières

Des lois particulières limitent le droit de propriété mobilière, en


matière par exemple d'œuvres culturelles, de chanvres, de défenses
d'éléphants, alcool, détention des armes à feu. Dans ces cas, la loi interdit
de disposer du bien, ou conditionne leur disposition à des règles
particulières.

Point 4
Les restrictions conventionnelles

Les restrictions conventionnelles peuvent porter sur le droit de


disposer, en ce qu'il existe des conventions qui interdisent à un propriétaire la

1 Art. 15, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1122
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

disposition de la chose acquise. La loi l'autorise exceptionnellement, quand


elle dispose qu' « hormis les prohibitions établies par la loi, toute personne peut
attribuer un bien à une première personne, à charge pour celle-ci de transmettre le
même bien, après sa mort, à une seconde »1. Cette atteinte est une des plus
graves, car elle porte sur le droit même de disposer, qui est l'attribut
indispensable au droit de propriété.
Certaines atteintes peuvent porter sur l'usage et la jouissance —
vente sous interdiction d'en faire telle ou telle utilisation particulière —.

Paragraphe 2
Restrictions à la propriété immobilière

On doit distinguer ici les limitations au caractère absolu du droit, et


celles à l'exercice du droit. Dans tous les cas, ces limitations peuvent être
d'origine légale ou conventionnelle.

Point 1
Restrictions touchant au caractère absolu

Certaines limitations sont prévues aux articles 14 et 15 de la Loi


foncière ci-dessus étudiés en matière mobilière. L'article 14 prévoit une
restriction quant aux droits réels appartenant à autrui. Il en est ainsi en
cas de location ou de bail. Il peut arriver aussi qu'un immeuble
nouvellement acquis par une personne soit grevé des charges au profit
d'autrui. Le nouveau propriétaire est tenu de ces charges. Il en est ainsi
en cas de vente d'un immeuble loué et dont le contrat est enregistré.
Quant à lui, l'article 15 prévoit une restriction en raison de l'état de
nécessité.
Par ailleurs, plusieurs autres lois particulières permettent d'interdire
au propriétaire la jouissance pleine ou absolue de son droit de propriété.
Il en est ainsi du décret du 2 juin 1928 relatif à la distribution de l'énergie
électrique, qui porte interdiction pour certaines maisons d'être
construites en hauteur, pour permettre la distribution du courant
électrique par les câbles en hauteur. De même, le décret du 16 août 1939
relatif à la protection des monuments et sites porte interdiction de
construire autour de certains monuments classés, en vue de ne pas
empêcher la vue sur lesdits monuments. Également, le décret du 20 juin
1957 relatif à l'urbanisme, prévoit les règles précises encadrant la

1 Art. 911, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

1123
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

construction immobilière — toitures, hauteur, distances de parking, etc.


—.

Point 2
Restrictions touchant à l'exercice du droit

Aux termes de la loi, « les restrictions du droit de propriété à raison


des rapports de voisinage sont établies au titre des charges foncières ».
Les restrictions touchant à l'exercice du droit renvoient à deux
situations juridiques : les rapports de voisinage et l'abus de droit.

A. Les rapports de voisinage

Le voisin désigne la personne dont la propriété est immédiatement


proche de la vôtre. Mais la notion est plus large et peut s'étendre à la
personne qui ne partage aucune limite avec un autre propriétaire, mais
qui en demeure proche. En gros, le sens de ce mot est relatif. La notion
de voisinage ne s'identifie pas à celle de contiguïté, mais doit s'entendre
d'une proximité suffisante pour que quand un évènement a lieu sur un
fond, il puisse avoir sur l'autre une répercussion directe1.
Au demeurant, la notion de troubles de voisinage ne s'applique plus
uniquement au voisin propriétaire, celui-ci peut aussi être locataire ou
copropriétaire2.
En matière de voisinage, chaque propriétaire a un droit égal sur sa
propriété. Il existe ou il doit exister un rapport équilibré de droits et
obligations entre voisins de sorte qu'aucun d'entre eux ne peut imposer à l'autre
des charges excédant le rapport normal de voisinage. S'il en est un, l'on conçoit
dès ce moment que cet excédent constitue un trouble de voisinage, une faute
causant préjudice et qui demande à être réparé. Mais il arrive que le
trouble de voisinage le soit sans qu'une faute soit reprochée au
propriétaire.

1. Le trouble de voisinage avec faute

Le trouble de voisinage avec faute se fonde sur la théorie générale


de la responsabilité civile, basée sur l'article 258 du Code civil livre 3.

1 G. MEMETEAU, op. cit., p. 106.


2 Cass. fr., Civ. 2e, 17 mars 2005.

1124
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La faute ici, réside dans le trouble excessif et anormal causé au voisin. Le


trouble doit dépasser la mesure des inconvénients normaux du
voisinage. Il a été jugé que « le droit du propriétaire de jouir de sa chose
de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les
règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété
d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du
voisinage »1.
Le juge du fond apprécie, en fonction des circonstances de temps
et de lieu, la limite de la normalité du trouble de voisinage. Il s'inspire,
pour ce faire, en tenant compte notamment du caractère propre des
lieux2, d'un droit au repos et à la tranquillité dans sa propriété qui s'inscrit
dans le cadre du droit à la qualité de la vie et de la protection de
l'environnement3. On va même à protéger un droit à l'esthétique
environnementale, à la protection du cadre de vie4.

2. Le trouble de voisinage sans faute

Il arrive que le trouble de voisinage le soit sans qu'une faute soit


reprochée au propriétaire.
En matière de trouble de voisinage sans faute, deux théories sont
distinguées ici : la théorie de la préoccupation et la théorie de l'acceptation des
risques5.

a. La théorie de la préoccupation

Il peut arriver dans les rapports de voisinage que le voisin auteur


du trouble soit le premier à occuper les lieux, et que le voisin victime du
trouble vienne s'installer après. Peut-on rendre responsable le premier
occupant du trouble de voisinage ?
Les solutions jurisprudentielles en matière de préoccupation sont
assez divisées.
Pour une partie de la jurisprudence, il n'y aura pas lieu à réparation
lorsque les activités auxquelles les nuisances sont dues se sont exercées

1 Cass. fr., Civ. 3, 3 nov. 1977.


2 T.G.I. Paris, 7 juin 1989.
3 Paris, 7 déc. 1989.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 9 mai 2001.
5 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., pp. 230 et s. ; G. MEMETEAU, op. cit., p.

111.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

antérieurement à la demande de permis de construire faite par le


réclamant en conformité avec la loi1.
Pour une autre, l'antériorité d'une situation par rapport à
l'installation de nouveaux voisins ne confère pas à l'auteur du trouble des
droits acquis, l'autorisant notamment à conserver, en l'espèce, des niches
permettant d'abriter sept chiens de grande taille particulièrement
bruyants2 ou si cette activité n'est pas exercée conformément à la loi3.
On semble s'accorder aujourd'hui à l'idée que la préoccupation
individuelle de l'auteur du trouble n'est pas en sa faveur un fait
justificatif, mais une préoccupation collective peut être une cause
d'exonération ou totale ou partielle, car celui qui vient s'installer dans
une zone créatrice de nuisances sait à quoi il s'expose4.

b. La théorie de l'acceptation des risques

Dans la théorie de l'acceptation des risques, on présume que vous


avez accepté les risques en vous installant dans un lieu où les troubles
existaient déjà. Ici, il a été notamment décidé qu'un industriel qui, par
l'exploitation de son établissement, cause au voisin un préjudice
excédant la nature des obligations impliquées par les rapports de
voisinage est en faute, quelle que soit la date respective des deux
installations, s'il a négligé de prendre les précautions qui s'imposaient
pour prévenir ces inconvénients5.
Vincent Kangulumba6 pense que la préexistence n'exonère pas la
responsabilité, car chaque individu doit se comporter de manière à ne
pas causer de dommage à autrui. Tout homme diligent et moyen doit
tenir compte de la présence d'autrui et aménager ses activités en fonction
de cette présence. Dès lors, on peut envisager une responsabilité dans le
chef de l'auteur d'un trouble préexistant. La préoccupation ne confère
pas le droit de vie ou de mort sur les autres, c'est-à-dire, le droit de
malmener la vie des autres.

1 Cass. fr., Civ. 2e, 5 janv. 1983.


2 J.P. Huy, 23 avril 1994.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 10 oct. 1984.
4 G. MEMETEAU, op. cit., p. 111 ; Civ 3e, 27 avr. 2000.
5 Civ, rej, 29 mai 1937.
6 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 233.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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3. La sanction des troubles de voisinage avec et


sans faute

En ce qui est des troubles de voisinage avec faute, il est logique que
la sanction soit la réparation. Cette réparation doit être intégrale et
proportionnelle au dommage. Si elle ne peut être faite en nature — la
réparation aura pour objet de faire cesser le trouble ou l'origine du trouble :
démolition, enlèvement de la chose le provoquant, construction ou
exécution des travaux devant mettre fin auxdits inconvénients — ; elle
peut se fait par équivalent : payement des dommages et intérêts.

B. L'abus de droit

L'abus de droit désigne l'usage normal ou légitime d'un droit à des fins
illégales. Dès lors qu'on utilise son droit de propriété pour nuire à autrui,
on commet une faute dont l'auteur devra réparer le dommage1.
Pour qu'il y ait abus de droit, il faut un usage du droit sans utilité, détourné
de sa finalité propre et dans l'intention de nuire2.
Il y a abus de droit dans l'édification d'une fausse cheminée ou la
plantation d'un rideau de fougères devant une fenêtre3, dans l'édification
de piquets acérés interdisant le décollage et l'atterrissage d'aéronefs dans
un terrain voisin4.
L'abus de droit, c'est-à-dire la faute, va résider dans la malveillance
envers le voisin, l'absence d'intérêt sérieux et légitime. Il en est ainsi dans
la construction d'un mur inutile pour priver le voisin de lumière5. C'est
un peu l'équivalent en droit privé du détournement de pouvoir6.
L'abus de droit exige donc comme conditions : l'existence d'un
dommage causé au voisin ; le dommage causé en vertu d'un acte de
propriété ; posé avec l'intention de nuire, par action ou omission ; alors
qu’on n’a pas intérêt à poser l'acte.

1 Idem., p. 234.
2 Cass. fr., Req., 3 août 1915.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 20 mars 1978.
4 Cass. fr., Civ. 3, août 1915.
5 Cass. fr., Civ. 3e, 30 oct. 1972.
6 G. MEMETEAU, op. cit., p. 104.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1128
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La propriété fractionnée ou la copropriété
La copropriété est une forme de propriété qui traduit la propriété de
plusieurs personnes sur un seul et même bien1.
Plus précisément, c'est une modalité du droit de propriété
découlant de la pluralité des titulaires du droit sur la chose, d’où il résulte
que le droit de propriété de chacun est ramené à une quote-part — ½,
⅓, ¼ — dont le copropriétaire peut librement disposer, tandis que la
gestion du bien indivis lui-même est soumise à l’accord de tous, parce
que le droit s’applique, matériellement, à la totalité du bien2.
Par ailleurs, le terme désigne souvent, dans la pratique et le langage
usuel, la situation d’un immeuble construit et divisé en appartements
attribués privativement à des personnes déterminées : la copropriété ne
porte alors que sur les parties communes et le gros œuvre3.
Ainsi défini, la copropriété est certes synonyme de l'indivision, mais
s'en distingue quelque part. L'indivision est la situation juridique née de
la loi ou de la convention des parties et qui se caractérise par la
concurrence de droits de même nature exercés sur un même bien ou sur
une même masse de biens par des personnes différentes — les
coindivisaires —, sans qu’il y ait division matérielle de leurs parts4. La
différence résiderait dans ce que la copropriété porte sur un bien
individualisé, tandis que l'indivision porte sur une masse de biens, et,
même plus exactement, sur une masse d'actif, sur un patrimoine, qui se
trouve avoir deux ou plusieurs titulaires5.
On a ainsi proposé de distinguer indivision et copropriété par leur
objet. La copropriété désignerait le droit réel appartenant collectivement
à plusieurs personnes sur une ou plusieurs choses déterminées. Ainsi,
serait objet de copropriété un immeuble acheté en commun par plusieurs
personnes, ou un mur mitoyen, ou encore les parties communes d’un
immeuble divisé en appartements. La copropriété se présenterait donc
comme une modalité de la propriété résultant de la pluralité de titulaires
du droit sur un objet déterminé. L’indivision aurait pour objet, au
contraire, les éléments actifs dépendant d’une universalité juridique,

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 238.


2 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 564.
3 Idem., p. 564.
4 Ibidem., p. 1031.
5 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 491.

1129
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

donc une masse de biens. La succession dévolue à plusieurs héritiers


constituerait le type même de l’indivision1.
La copropriété se distingue par ailleurs également de la servitude2.
La copropriété apparaît, certes, comme une restriction des prérogatives
du propriétaire mais elle n'est pas, à ce point, une servitude. C'est un
droit réel principal sur lequel peut se greffer la servitude. Celle-ci s'éteint
après un laps de temps en cas de non-usage — 30 ans — alors que la
copropriété, en tant que propriété, ne peut s'éteindre pour cause de non-
usage. Les copropriétaires ont des droits égaux sur la chose commune
alors que dans la servitude, il n'y a de profit que pour le titulaire du fonds
dominant. Enfin, en tant que propriété immobilière, la copropriété
nécessite pour son existence légale, qu'elle soit établie par et dans un
certificat d'enregistrement relatif à l'immeuble concerné alors que, en
tant que charge, la servitude doit être plutôt inscrite dans le certificat
d'enregistrement.
On distingue dans l'ensemble, la copropriété ordinaire de la
copropriété forcée.

Section 1
La copropriété ordinaire

Paragraphe 1
Sources

La copropriété ordinaire peut avoir plusieurs sources3, notamment


l'ouverture d'une succession. Au décès d'une personne, ses héritiers se
retrouvent sans leur volonté copropriétaires des biens laissés par le de
cujus. On peut également devenir copropriétaire ordinaire par l'effet
d'un testament. La donation peut également être source de copropriété.
En fait, toutes les modalités d'accession à la propriété sont également
applicables à la copropriété. Par ailleurs, on peut également devenir
copropriétaire d'un bien par l'effet du régime matrimonial de
communauté des biens. Au demeurant, lorsque deux époux acquièrent
des biens immeubles durant le mariage, cette acquisition fait naître une
indivision, même en cas de régime de séparation pure et simple.

1 F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 449.


2 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., p. 239.
3 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 450.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Caractères de la copropriété ordinaire

La copropriété ordinaire a deux caractères principaux1.


Primo, la copropriété ordinaire est inorganisée. Elle naît sans la
volonté des personnes concernées. La volonté des intéressés n'existe pas
au moment de la naissance de la copropriété. Ceux qui deviennent
copropriétaires ordinaires ne le sont qu'à la suite de la volonté d'une
autre personne. Certes, la volonté du copropriétaire ordinaire est
également essentielle, car sans elle, il n'y aura pas copropriété ordinaire.
Par ailleurs, la copropriété ordinaire n'est pas organisée par la loi.
Toutefois, la loi a tenu à en fixer au moins les règles en disposant tout
de même que « si une chose appartient à plusieurs personnes pour des
parts indivises égales ou inégales, chacun des copropriétaires peut user
de la chose intégralement, mais en se conformant à sa destination et
pourvu qu’il ne mette pas obstacle à l’usage des autres »2.
Deusio, la copropriété est provisoire. En effet, une situation de
copropriété ordinaire n'est généralement pas souhaitable pour le
copropriétaire à cause des contraintes qui existent dans l'usage ou la
jouissance de la chose. Cela fait que la copropriété ordinaire ne peut pas
demeurer longtemps. Ainsi, aux termes de la loi, « chacun des
copropriétaires peut toujours demander le partage de la chose commune,
nonobstant toute convention ou prohibition contraire »3. On dit alors
que nul n’est obligé de rester dans l'indivision. La prolongation de
l’indivision suppose nécessairement, sinon un consensus expressément
formulé de tous les indivisaires, du moins l’absence de volonté d’y mettre
fin. Rien n’interdit de rester indéfiniment en indivision ; mais l’action en
partage est toujours ouverte et ne peut jamais être prescrite. Seul un
partage peut mettre fin à l’indivision.
Les copropriétaires peuvent cependant convenir de rester dans
l’indivision pendant un temps déterminé qui ne peut excéder cinq ans ;
si la convention est faite pour un terme plus long ou pour une durée

1 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., p. 241.


2 Art. 32 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Art. 34 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1131
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

illimitée, elle est réduite à ce terme1. Au-delà, chacun des copropriétaires


peut demander le partage.

Paragraphe 3
Droits et charges dans la copropriété ordinaire

La loi organise la manière dont la copropriété ordinaire doit être


tenue. Dans la copropriété ordinaire, il y a des droits pour les
copropriétaires ordinaires, mais également des charges. Aux termes de la
loi, « si une chose appartient à plusieurs personnes pour des parts indivises égales ou
inégales, chacun des copropriétaires peut user de la chose intégralement, mais en se
conformant à sa destination et pourvu qu’il ne mette pas obstacle à l’usage des autres.
Les fruits de la chose se partagent dans la mesure du droit de chacun. Chacun peut
faire les actes d’administration courante, tels que réparations d’entretien et travaux
de culture. Les charges sont supportées par chacun proportionnellement à sa part »2.

Point 1
Les droits

Le copropriétaire ordinaire a sur la chose commune un droit


individuel sur sa quote-part et des droits sur la chose commune.

A. Droit individuel de chaque copropriétaire sur sa


quote-part

Le copropriétaire à un droit individuel sur sa quote-part. Il a un véritable


droit de propriété sur sa quote-part. Sur cette quote-part qui est la propriété
du copropriétaire, le copropriétaire a tous les droits3.
Si le bien indivis est dans le patrimoine de chaque indivisaire, parce
qu'il fait l'objet d'une propriété commune, cette titularité se manifeste
par le droit de chaque indivisaire dans une fraction des biens indivis —
la ½, le ⅓, le ⅕, etc. —. Cette fraction peut constituer une part égale,
tout comme elle peut être inégale — ⅓ pour l'un et ⅔ pour l'autre, par
exemple —. C'est cette fraction qui constitue la quote-part de chacun

1 Art. 34 Al. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 32, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 461.

1132
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

dans l'indivision et fait l'objet, à son profit, d'un droit exclusif qui, par
conséquent, est dans le patrimoine de son titulaire seul et non pas dans
celui des autres indivisaires.
Ce droit porte sur la quote-part elle-même et non pas sur les biens
indivis qui, par hypothèse, font l'objet d'une propriété commune. Plus
précisément, le droit sur la quote-part est un droit individuel de chaque
indivisaire, alors que la quote-part représente une fraction, au profit de chacun, de
la propriété commune.
En clair, un bien évalué à 1.000 $ appartient à 10 personnes à parts
égales. Chacun est propriétaire de 10% du bien. Donc, chacun a un droit
de propriété plein sur 100 $. Telle est sa quote-part.
La quote-part dans l'indivision peut être affectée en garantie par un
indivisaire à l'un de ses créanciers. Elle peut aussi faire l'objet d'un contrat
d'aliénation — vente, donation —. Elle est transmissible en cas de décès de
l'indivisaire.
L'entrée d'un tiers dans l'indivision peut être jugée défavorable par
les indivisaires restants. C'est la raison pour laquelle, généralement, une
convention des indivisaires accorde un droit de préemption aux indivisaires
restant, qui leur permet de se porter acquéreur de la quote-part qui doit
leur être cédée par préférence à toute autre personne. Une cession de la
quote-part intervenue pour empêcher le jeu du droit de préemption n'est
pas valable, et ceux auxquels elle a porté préjudice peuvent en demander
la consécration de sa non validité1.

B. Droit des copropriétaires sur la chose commune

Le copropriétaire a également un droit sur la chose commune. On vise


par là un certain nombre d'actes que le copropriétaire peut poser sur la
chose commune. En réalité, la chose commune est bien celle-là l'objet
de la copropriété. Dès lors, si le copropriétaire peut poser des actes, ça
ne peut être que dans le respect des droits des autres copropriétaires.
Ces actes sont matériels ou d'administration courante — entretien,
travaux de culture, etc. —. Ils sont aussi juridiques, qui emportent les
actes d'administration, de disposition, les actes conservatoires ou provisoires. Dans
tous les cas, les actes de disposition sont les plus importants.
L'acte conservatoire est l'acte juridique nécessaire pour soustraire à
un péril imminent le patrimoine ou un de ses éléments, la dépense
réalisée étant négligeable au regard du bien sauvegardé. Un acte

1 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 501.

1133
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'administration est un acte de bonne et régulière gestion du patrimoine,


de son exploitation, de son entretien, ce qui peut requérir des aliénations
— vendre la récolte coupée, vendre des meubles périssables —. L'acte
de disposition engage l'avenir. C'est l'acte par lequel le patrimoine est
amoindri, du moins mis en péril — bail à longue durée, constitution
d'hypothèque, vente —. L'opération risque d'aboutir à une perte de
substance dans le patrimoine de son auteur1.
Sur le bien indivis, un copropriétaire ne peut faire d'acte de
disposition ou même d'administration, sans l'accord de tous les autres
copropriétaires. C'est que leurs droits sont identiques à celui du
copropriétaire, et il est tenu de les respecter.
Chacun des copropriétaires peut par contre se servir de la chose, à
condition d'en respecter la destination, de ne pas la grever de droits réels au-
delà de sa quote-part, et à condition de ne pas causer ni dommage ni
trouble à l'usage qu'en font les autres. Les fruits de la chose se partagent
dans la mesure du droit de chacun.
Mais, il est admis qu'un copropriétaire puisse agir seul pour obtenir
la compensation des troubles de voisinage qu'il subit2.
Toutefois, le copropriétaire ne peut disposer de la chose commune, car
celle-ci appartenant également aux autres, il ne peut disposer de leurs
droits de propriété. Il doit obtenir le consentement des autres
copropriétaires, sans lequel l'acte de vente serait nul3. Ainsi, s'agissant de
l'indivision communautaire des époux, n'est pas valable la vente d'un
immeuble commun d'une très grande valeur consentie par un époux sans
l'accord de l'autre époux, en violation des articles 499 et 500 du Code de
la famille4.
Il en est de même de la location à des tiers d'un bien immobilier
indivis qui ne constitue pas un acte purement conservatoire ni un acte
d'administration provisoire. Un tel acte n'est valable que moyennant
l'accord ou le concours de tous les copropriétaires5. La conclusion d'un
bail nécessite l'accord de tous les copropriétaires, il en va de même des
actes destinés à y mettre fin6.

1 G. MEMETEAU, op. cit., p. 164.


2 JP Charleroi, 10 oct. 1988.
3 Art. 276, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 C.A. Kinshasa/Gombé, R.C.A. 87/17092, 19 mai 1998.
5 Cass. fr., Civ. 1e, 5 oct. 1990.
6 Cass. fr., Civ. 1e, 13 juin 1997.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Les charges

La loi dispose que « les charges sont supportées par chacun


proportionnellement à sa part »1. Plus votre part génère des dépenses, plus
votre contribution est élevée dans la même proportion.
Cependant, le copropriétaire qui a réalisé des travaux sur le bien
avec ses propres deniers sans le consentement de l'autre doit être
indemnisé en fonction de la plus-value apportée à l'immeuble et ce, sur
base de la théorie de l'enrichissement sans cause2.
Cessation de la copropriété ordinaire
La copropriété ordinaire peut toujours prendre fin par la volonté
des copropriétaires de vendre la chose commune, par le partage de la
chose commune, par sa cession, sa disparition.
En principe, chacun des copropriétaires peut toujours demander le
partage de la chose commune, nonobstant toute convention ou
prohibition contraire. Cela dit, les copropriétaires peuvent convenir de
rester dans l’indivision pendant un temps déterminé qui ne peut excéder
cinq ans ; si la convention est faite pour un terme plus long ou pour une
durée illimitée, elle est réduite à ce terme.

Section 2
La copropriété forcée

La copropriété forcée est la deuxième sorte de copropriété. Elle


diffère de la copropriété ordinaire en ce qu'elle n'est pas fortuite, elle est
volontaire.

Paragraphe 1
Sources et sortes de copropriété forcée

La copropriété ordinaire naît d'une situation fortuite, accidentelle et


celle-ci est provisoire. Cependant, de par la nature des choses, il en est
qui, soit par leur objet, soit par leur destination, ne se prêtent pas au
partage. La raison en est qu'une fois partagés, ces biens deviennent

1 Art. 32 Al. 4, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Charleroi, 21 fév. 1992.

1135
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

désormais impropres à leur destination. Dès lors, les personnes ayant


des droits sur ce genre des choses sont contraintes de rester copropriétaires.
C'est la copropriété forcée1.
On distingue deux sortes de copropriété forcée : la copropriété forcée
à titre principal et la copropriété forcée à titre accessoire2.
La copropriété forcée à titre principal affecte des objets destinés à
l'usage d'un groupe ou d'un certain nombre de personnes. Tels les biens
de famille : tombeau ou souvenirs de famille pour lesquels le partage
n'est pas concevable.
La copropriété est accessoire lorsqu'elle concerne plutôt des choses
affectées à l'usage commun de deux ou plusieurs immeubles appartenant
à des propriétaires différents. La copropriété forcée à titre principal
concerne des biens qui sont liés à la chose principale. Pour le cas d'un
bâtiment, celui-ci est le principal, et les parking, jardin, etc., sont
accessoires. C'est la matière qui nous intéresse en ce qu'elle relève du
droit des biens.
La copropriété forcée est une copropriété volontaire dans ce sens
que le copropriétaire se décide d'acquérir un bien qui au départ est
indivisible. En tous les cas, la source principale de la copropriété forcée
est la volonté (d'acquérir).

Paragraphe 2
Caractères de la copropriété forcée

Deux caractères contraires à ceux de la copropriété ordinaire :


caractère perpétuel et organisé3.
La copropriété forcée est perpétuelle. Il en est ainsi parce que la
copropriété est une propriété. Elle est grevée à la chose objet du droit,
jusqu'à sa disparition. Elle peut changer de titulaire, elle existera dans le
chef du nouveau titulaire.
Aux termes de l'article 35 de la loi, « l'article précédent ne s’applique
pas aux clôtures mitoyennes, ni aux puits, citernes, cours, passages et
chemins dépendant de plusieurs fonds ». L'article précédent est celui qui
concerne la copropriété ordinaire et prévoit que chaque copropriétaire
peut sortir de l'indivision. Cette possibilité n'est pas applicable dans le
cas sous examen, relatif à la copropriété forcée.

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 246.


2 Idem.
3 Ibidem., p. 247.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La copropriété est ensuite organisée, car la loi prévoit des


dispositions relatives à la copropriété forcée aux articles 35 à 48. Ces
articles sont relatifs aux droits et obligations dans la copropriété forcée.

Paragraphe 3
Les droits et obligations des copropriétaires

Point 1
Les droits des copropriétaires

Les copropriétaires ont droit sur la chose commune sans pour autant en
changer la destination, ni nuire aux droits des autres copropriétaires. Par
ailleurs, puisque l'objet de la copropriété forcée ne peut pas être partagée,
les copropriétaires sont tenus de demeurer dans cette situation. La loi
dispose qu' « il est loisible, dans le cas prévu aux alinéas qui précèdent à
chacun des copropriétaires, de modifier à ses frais la chose commune
pourvu qu’il ne change pas la destination et qu’il ne nuise pas aux droits
de ses consorts »1.

Point 2
Les obligations

Les copropriétaires sont tenus d'entretenir, de réfectionner ou réparer la


chose commune. Ces charges sont proportionnelles aux droits que tire le
copropriétaire. La loi dispose que « les charges de cette copropriété, et,
notamment, les frais d’entretien, de réparation et de réfection sont répartis en
proportion de la valeur des héritages principaux »2.

Section 3
La copropriété des immeubles à appartements

Les appartements sont des pièces à part formant une habitation ou


un bureau au sein d'un immeuble.

1 Art. 36 Al. 3, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 36 Al. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Sources et sortes de copropriétés à appartements

La vente, la construction, achat… tous les modes d'accession à la


propriété peuvent être sources de copropriété des immeubles à
appartements.
Les appartements peuvent être construits en hauteur, on parle de
copropriété verticale. La copropriété peut également être horizontale, en
longueur. Ce dernier type occupe beaucoup trop d'espace.

Paragraphe 2
Nature juridique

Dans la copropriété des immeubles à appartement, il convient de


distinguer les parties privatives et les parties communes. Seules les parties
communes sont dans la copropriété à l'exclusion des parties privatives.
Les parties privatives restent des propriétés individuelles à part entière1.

Paragraphe 3
Éléments constitutifs

Trois éléments constitutifs forment cette forme de copropriété : les


parties privatives, les parties communes et les parties mitoyennes2.
Les parties privatives sont celles qui constituent justement les
appartements. Ces parties constituent le droit de propriété de chaque
copropriétaire.
Les parties communes sont celles réservées à l'usage commun de
tous les copropriétaires — palier, ascenseur, cage d'escalier, cour, jardin,
fondations, poutres, etc. —. C'est sur ces parties que s'exerce la
copropriété. Aux termes de la loi, « lorsque les diverses parties d’une
maison appartiennent à des propriétaires distincts, les choses affectées à
ces diverses parties, pour l’usage commun, tels que fondations, gros
murs, toit, cours, puits, corridors, escaliers, ascenseurs, canalisations et
tous autres, sont réputées communes et sont régies par le présent

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 249.


2 G. MEMETEAU, op. cit., p. 169.

1138
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

chapitre, spécialement par l’article 36 [qui traite du régime juridique de


la copropriété forcée]»1.
Les parties mitoyennes sont celles qui séparent deux appartements —
distincts des murs mitoyens, qui sont des murs de clôture —.

Paragraphe 4
Droits et obligations des copropriétaires

Les copropriétaires ont un droit de propriété sur la partie privative. Sur


la partie commune, ils doivent respecter sa destination. Ils peuvent poser
des actes d'entretien. Ils n'ont pas le droit de disposer.
Les copropriétaires supportent les charges proportionnellement à leur
jouissance. Les charges générales sont celles inhérentes à la conservation,
à l'administration, à l'entretien des parties communes. Elles sont dues
proportionnellement à la quote-part de chaque propriétaire. Les charges
sont dites spéciales lorsque les copropriétaires sont obligés de contribuer
en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent pour
chaque lot. Ainsi par exemple, pour la réparation d'un entretien d'un
ascenseur dans un immeuble à 40 étage, celui qui occupe le rez-de-
chaussée ne contribuera pas à la même hauteur que celui qui occupe le
dernier étage.

Paragraphe 5
Cessation de la copropriété forcée

On se réfèrera aux développements relatifs à la copropriété forcée.


Ainsi par exemple, la vente de sa quote-part et la disparition de la partie
privative ou de tout l'immeuble, le rachat par une seule personne de
toutes les parties privatives donnant lieu à la propriété ordinaire, mettent
fin à la copropriété forcée.

Paragraphe 6
Organisation et administration de la copropriété forcée

La copropriété en appartements nécessite une organisation2. On y


met en place un règlement de copropriété, ensemble de dispositions

1 Art. 37, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., pp. 566 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

organisant les droits et obligations des copropriétaires sur les parties


communes. Dans sa nature, ce règlement est une convention spécifique
liant les copropriétaires. Il peut se prêter à un contrat d'adhésion
spécifique. Il lie les copropriétaires dans ses dispositions, sous peine de
poursuites judiciaires.
Le syndicat des copropriétaires est un regroupement des
copropriétaires dans un immeuble à appartements. Il a, en droits français
et belge, la personnalité juridique. Il peut à ce titre, agir en justice en
demande et en défense. Il veille à l'entretien, à l'administration et à la
conservation de l'immeuble.
Le syndic assure l'administration de la copropriété. Il est nommé
par l'assemblée générale des copropriétaires, organe suprême composé
de tous les copropriétaires.

Section 4
La mitoyenneté

Paragraphe 1
Définition et nature juridique

Point 1
Définition

La mitoyenneté est la propriété des clôtures séparant deux fonds contigus


appartenant à deux propriétaires voisins différents1. Une clôture est mitoyenne
quand elle appartient indivisément aux propriétaires des deux fonds
qu'elle sépare. La clôture mitoyenne s’oppose à la clôture privative, qui
est la propriété exclusive de l’un des propriétaires des fonds voisins2.
De cette définition, il résulte que la mitoyenneté est une forme de
copropriété dans la mesure où deux propriétés voisines sont mises en
concours. Cela résulte de l'agencement même des dispositions de la loi
du 20 juillet 1973 qui range la matière de la mitoyenneté dans la suite de
la copropriété.
Signalons qu'en droit congolais, les murs mitoyens ne concernent
que les murs érigés en travaux de maçonnerie.

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 256.


2 F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 668.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Nature juridique

Aux termes de loi, « la mitoyenneté est réglée par les mêmes dispositions que
la copropriété forcée »1, sous quelques réserves établies par la loi. On peut
donc dire que la mitoyenneté a comme nature juridique une copropriété
forcée2. La mitoyenneté est également une copropriété accessoire. Elle est
accessoire au droit de propriété — ou plutôt de concession — sur le
fonds.
La doctrine s'accorde pour dénier à la mitoyenneté une nature de
servitude. La servitude est une charge imposée à un fonds au profit d'un
autre fonds. Cette relation entre fonds dominant et fonds servant ne se
retrouve pas ici.
C'est que, la loi dispose effectivement que « les différentes servitudes qui
peuvent être établies par la loi sont, notamment, les murs mitoyens, la distance à
observer et les ouvrages requis pour certaines constructions, les vues, l’égout des toits,
le droit de passage, etc. »3. Elle s'empresse cependant immédiatement à
préciser que « la mitoyenneté est régie par les dispositions des articles 39 à 48 de
la présente loi [lesquels forment le chapitre 3 du titre 2 de la propriété, et
viennent immédiatement après le chapitre 2 de la copropriété] »4. La
mitoyenneté apparaît donc comme une propriété dont jouissent deux
personnes sur une partie du mur séparant leurs concessions, et non une
charge pesant sur un fonds au profit d'un autre.
La confusion vient certainement de ce que la loi oblige le
concessionnaire qui a construit le mur à en céder la mitoyenneté à l'autre
s'il en fait la demande, moyennant contribution de celui-ci aux
constructions5. Cela dit, la mitoyenneté est considérée, en doctrine
comme en jurisprudence, comme une forme de copropriété6.

1 Art. 39, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 257.
3 Art. 175, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Art. 176, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés. Nos italiques.


5 Art. 45, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


6 F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 669 ; LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p.

504 ; V. KANGULUMBA, op. cit., p. 257 ; G. MEMETEAU, op. cit., p. 167. Cass.
fr., Civ. 3e, 20 juill. 1989.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Acquisition de la mitoyenneté

Point 1
Champs d'application des dispositions sur la mitoyenneté

La mitoyenneté n'est possible que dans les circonscriptions


déclarées urbaines par la loi1. Dans ce milieu, la copropriété est forcée et
obligatoire. La Loi dispose que « dans les circonscriptions déclarées urbaines par
les lois, tout propriétaire ou concessionnaire est tenu de subir l’empiétement nécessaire
à l’érection d’un mur ou d’une clôture établis sur la limite séparative ».

Point 2
Établissement ou preuve de la mitoyenneté

La mitoyenneté est d'abord constituée d'un mur ou de deux-trois


murs mitoyens qui sont des immeubles par incorporation. Or, d'après
l'article 219 de la Loi, la preuve des droits réels immobiliers est le
certificat d'enregistrement. En principe, l'existence de murs mitoyens est
inscrite dans le certificat d'enregistrement de la concession principale.
Une autre question — que celle de la preuve — est celle de savoir
comment qualifier ou comment dire d'un mur qu'il est mitoyen. Tout
mur séparatif de deux propriétés voisines appartenant à deux
propriétaires différents est présumé mitoyen, dès lors qu'on est dans des
circonscriptions dans des agglomérations urbaines. La partie qui
conteste peut apporter la preuve que l'autre voisin n'a pas contribué aux frais
de construction du mur.

Point 3
Acquisition de la mitoyenneté

L'acquisition de la mitoyenneté peut se faire par convention. Deux


propriétaires peuvent convenir d'établir une clôture à frais communs ou
bien un propriétaire, ayant établi une clôture à titre privatif, peut
consentir à son voisin une cession de mitoyenneté, à titre onéreux ou à

1 Art. 46, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1142
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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titre gratuit. En pareil cas, la convention réglera les conditions de


l'opération : partage des frais de construction ou prix de la cession.
Mais elle peut se faire également par la volonté unilatérale d'un
concessionnaire obligeant le voisin à construire un mur mitoyen à frais communs.
Aux termes de la loi, « tout concessionnaire peut contraindre son voisin
à contribuer aux constructions et réparations des clôtures qui séparent
les cours, jardins et passages attenant à des bâtiments. Le
concessionnaire à qui la contribution est demandée et qui, après mise en
demeure, néglige d’y satisfaire peut être contraint d’acquérir la
mitoyenneté de la clôture qui serait élevée par le voisin diligent ».
Elle peut se faire enfin par la volonté unilatérale d'un concessionnaire
d’acquérir la mitoyenneté d’un mur au départ privatif construit par le concessionnaire
voisin. Aux termes de la loi, « tout copropriétaire joignant un mur a la
faculté de le rendre mitoyen, en tout ou en partie, en remboursant au
maître du mur la moitié de la valeur de la partie qu’il veut rendre
mitoyenne, ainsi que la moitié de la valeur du terrain sur lequel elle est
bâtie ».
Cette opération dite de la cession de la mitoyenneté exige, quant à son
objet, un mur, c'est-à-dire une clôture en maçonnerie. Dès lors toute
construction qui ne serait pas en maçonnerie — une clôture en fleur, en
oranger, en haie, en bambou ou en bois — est exclue du champ de la
mitoyenneté. Quant aux personnes, il doit s'agir de tout propriétaire —
ou plutôt concessionnaire —. En fait, il est sous-entendu tout
copropriétaire voisin. Il est exclu que la mitoyenneté soit acquise par un
locataire — il s'agit là d'un acte de disposition dont le locataire n'est pas
nanti —. Quant à la cause de la cession, c'est l'acquisition de la moitié de
la propriété du mur dans l'état où il se trouve. Quant au prix de
l’acquisition, il doit être tenu compte de la valeur des matériaux et du
coût de la main-d’œuvre.
La cession a pour objet de transférer la propriété d'une partie du mur au
propriétaire du fond voisin. En payant le prix de la cession, l'on devient
propriétaire du mur mitoyen avec pour effet que les deux propriétaires
seront désormais considérés et traités à pied égal — copropriété forcée
—.
La preuve de la cession de la mitoyenneté — c'est-à-dire la preuve
que l'on a contribué à la construction du mur — peut être fournie par
tout moyen.

1143
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Droits et obligations dans la mitoyenneté

La loi dispose que « les fruits et les charges de la clôture mitoyenne se


partagent dans la mesure du droit de chacun »1.

Point 1
Droits

Le copropriétaire a tous les droits de propriété sur la partie qui lui revient
en propre. Bien évidemment, il jouira de ce droit en respectant la
destination du bien et les droits du voisin.
Tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen et y faire
placer des poutres ou solives dans toute l’épaisseur du mur à cinquante
millimètres près, sans préjudice au droit qu’a le voisin de faire réduire la
poutre jusqu’à la moitié du mur, dans le cas où il voudrait lui-même
asseoir des poutres dans le même lieu, ou y adosser une cheminée2.
Tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen ; si le mur
n’est pas en état de supporter l’exhaussement, celui qui veut le faire
exhausser doit le faire reconstruire en entier à ses frais et l’excédent
d’épaisseur doit se prendre de son côté. Dans ces cas, la construction ou
partie de construction nouvelle n’est mitoyenne que jusqu’à la hauteur
de l’ancien mur commun et à concurrence de son épaisseur3. Le voisin
qui n’a pas contribué à l’exhaussement peut en acquérir la mitoyenneté
en payant la moitié de la valeur de la construction nouvelle et de la
portion du terrain pour l’excédent d’épaisseur4.
Celui des voisins qui modifie la clôture mitoyenne, soit pour la
reconstruire ou l’exhausser, soit à toute autre fin, doit la réparation de tous
dommages causés par son ouvrage qui excèdent les inconvénients
normaux du voisinage. Tout voisin a la faculté de faire régler par expert,
à défaut d’entente, les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage

1 Art. 40 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 42, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 43, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Art. 44, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ne nuise point à ses droits et l’indemnité due à raison des dégâts ou du


préjudice subis1.
Les droits et obligations sont semblables à ceux qui concernent la
copropriété forcée, mais sous quelques réserves. En ce qui concerne les
droits, on doit distinguer les droits qui reviennent à chaque propriétaire,
c'est-à-dire les droits individuels de chaque propriétaire, et les droits sur
le mur mitoyen en général. Sur le mur mitoyen, le copropriétaire a le
droit d'usage (droits d'appui et d'enfoncement : clous sur le mur pour le
fil de linge. Il n'a pas le droit de faire des jours sur le mur).

Point 2
Les charges

Le copropriétaire doit avoir contribué à la construction du mur. Il doit


participer à l'entretien et à la réparation du mur. Il doit se comporter comme
un bon père de famille sur le mur. Il engage sa responsabilité personnelle
en cas de destruction ou dégradation.
Le voisin qui n’a pas contribué à l’exhaussement peut en acquérir
la mitoyenneté en payant la moitié de la valeur de la construction
nouvelle et de la portion du terrain pour l’excédent d’épaisseur.
Cependant, hors le cas prévu à l’article 47, chacun des
copropriétaires peut se dispenser de contribuer aux réparations ou
reconstructions en cédant le droit de mitoyenneté, pourvu que le mur mitoyen
ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartient. La cession n’est réalisée
que par la mention qui en est faite sur les certificats d’enregistrement2.
Par cette opération de cession du droit de mitoyenneté, le
concessionnaire cède au voisin sa propriété sur la moitié du mur. Il n'a plus un
droit de propriété sur une partie du mur, et perd par-là les prérogatives
y rattachées ci-dessus étudiées. Mais il est également dispensé des
charges y relatives.
La cession est possible, dit la loi, « pourvu cependant, que le mur
mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartient ». Il est logique,
car, cession ou pas, le propriétaire continuera d'utiliser le mur. Or, la
cession a pour finalité de rendre le mur privatif. Comment alors rendre
privatif un mur soutenant le bâtiment d'un voisin ?

1 Art. 41, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 40 Al. 2 & 3, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des

biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1145
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il a été jugé qu'un mur de soutènement n'est pas un mur séparatif


et par conséquent il ne peut être considéré comme mitoyen1 ; il est
présumé appartenir à celui dont il soutient le bâtiment et qui en profite2
; il n'y aurait pas non plus mitoyenneté, lorsque l'état d'un mur mitoyen
est défectueux par la faute de celui qui veut céder son droit.

Paragraphe 4
Cessation de la mitoyenneté

La mitoyenneté étant une forme de copropriété, on peut déjà


comprendre que toutes les causes de cessation de la propriété
s'appliquent à elle — destruction de l'objet —. Mais, au regard de sa
particularité, des causes particulières s'appliquent à elles. Ainsi, en cas de
confusion des propriétés par une même personne, la mitoyenneté cesse.
Il en est de même en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique,
ou en cas de cession de sa mitoyenneté.

1 Cass. fr., Req., 13 fév. 1939.


2 T.G.I. Tours, 10 juil 1980.

1146
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 3
La propriété démembrée ou les démembrements de la
propriété
Les démembrements de la propriété supposent que l'usage, la
jouissance et la disposition sont répartis entre au moins deux personnes, notamment
le propriétaire et l'autre titulaire du droit réel. Généralement, il arrive que le
propriétaire ne garde que la disposition, alors que les autres attributs sont
cédés à une autre personne. C'est pour dire que le propriétaire n'a pas
toujours tous les attributs de la propriété. Il en est ainsi de l'usufruit ainsi
que de l'usage.

Section 1
L'usufruit

Paragraphe 1
Définition et caractères

Point 1
Définition

L'usufruit est un droit réel, généralement viager, qui confère à son


titulaire le pouvoir d'user et de jouir de biens appartenant à une autre personne,
mais à charge d'en conserver la substance1.
C'est le droit de jouir d'une chose dont un autre a la propriété,
comme le propriétaire lui-même, à charge d’en conserver la substance.
L'usufruit offre à son titulaire le droit de jouir, de se servir de la chose,
tandis que ne reste au propriétaire que le droit de disposer, une propriété
dépouillée pour le moment de ses principaux avantages et par
conséquent stérile2.
Le titulaire ne peut pas dénaturer l'ensemble des qualités
constitutives de la chose, c'est-à-dire, des qualités qui la distinguent des
autres et en l'absence desquelles elles ne mériteraient plus de porter le
nom substantif qu'elle désigne3.

1 F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 703.


2 Chauveau, cité par G. MEMETEAU, op. cit., p. 179.
3 Chauveau, cité par G. MEMETEAU, op. cit., p. 179.

1147
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Caractères

L'usufruit est un droit réel, temporel, de jouissance.


L'usufruit est un droit réel, un rapport entre une personne sur une
chose. C'est à ce titre qu'il se distingue de la location1.
La différence majeure réside dans la qualification de droit réel du
premier, et de droit personnel du second. Le bail n'engendre que des
obligations réciproques : le preneur n’a qu’un droit de créance contre le
bailleur, qui doit lui assurer une jouissance paisible de la chose. Au
contraire, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire il n’y a, en principe,
aucun lien d’obligation, ni contractuel, ni même légal.
Cette différence de nature du droit emporte diverses conséquences
: l’usufruitier, titulaire d’un droit réel, peut se prévaloir de ce droit contre
toute personne, par exemple contre un tiers qui se prétendrait
propriétaire ou qui se serait mis en possession, de bonne ou de mauvaise
foi. Au contraire, le preneur, simple créancier du bailleur, ne peut pas
opposer son droit aux tiers qui en contestent l’exercice. Cependant, s’il
est troublé par un tiers, il peut, outre son recours en garantie de
jouissance paisible et utile contre le bailleur, exercer également les
actions possessoires, puisque la protection possessoire s’étend aux
simples détenteurs. Par ailleurs, le droit de l’usufruitier d’un immeuble
est immobilier, tandis que le droit du preneur d’un immeuble est
mobilier. L'usufruitier prend la chose en l'état où elle se trouve, par
exemple, à l'ouverture de la succession. Le locataire quant à lui doit
pouvoir jouir de la chose et peut exiger un inventaire des lieux avant la
jouissance du bien. Enfin, le locataire ne doit pas faire des réparations
sur les choses louées, des grosses réparations s'entend, alors que
l'usufruitier en est tenu parce que dans ses obligations, il doit conserver
la chose et la restituer en bon état.
L'usufruit n'est pas perpétuel. Seule la propriété dure de façon
indéfinie jusqu'à la perte de la chose. L'usufruit est temporaire au maximum
viager. Il peut être limité dans le temps mais il ne peut dépasser la durée
de la vie de l'usufruitier. Consenti à une personne morale, sa durée
maximale est de 30 ans.
L'usufruit est un droit de jouissance en ce que l'usufruitier a le droit
de jouir de la chose, de s'en servir et donc d'en tirer profit. Il a le droit d'en recueillir
les fruits.

1 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., pp. 705-706.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Biens pouvant faire l'objet d'usufruit

En principe, tout bien est susceptible d'usufruit. L'usufruit peut être


établi sur toute espèce de bien, foncier, meuble ou immeuble. Il peut
porter non seulement sur des objets corporels, mais aussi sur des droits
incorporels, comme les créances, les droits d’auteur, les brevets
d’invention, les fonds de commerce…
L'usufruit se conçoit plus aisément pour les choses consomptibles. Pour
les choses non-consomptibles, on parle de quasi-usufruit1. C'est que
certaines choses répugnent par nature à l'établissement d'un usufruit
véritable : ce sont les choses dont on ne peut user sans les consommer
et que, pour cette raison, on appelle consomptibles. Or, au terme de
l’usufruit, les choses sur lesquelles il portait doivent être restituées au
propriétaire. On ne conçoit pas, par conséquent, l’établissement d’un
véritable usufruit sur des choses, telles que l’argent ou les denrées, dont
on ne peut se servir sans les consommer, car, ou bien l’usufruitier ne s’en
sert pas et il n’en retire pas l’utilité que lui confère son droit d’usage, ou
bien il s’en sert, mais se met alors dans l’impossibilité de les restituer. Le
nu-propriétaire cesse, dans cette hypothèse, d'être un propriétaire pour
n'être plus qu'un simple créancier du quasi-usufruitier, lequel, étant
propriétaire, peut disposer à sa guise des choses qui lui ont été remises,
en les consommant ou en les aliénant. L’usufruitier doit restituer, à la fin
de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur
estimée à la date de la restitution.

Paragraphe 3
Sources de l'usufruit

L'usufruit peut naître de la loi. La loi dispose que « le conjoint survivant


a l'usufruit de la maison habitée par les époux et des meubles meublants »2. Par
ailleurs, le testament peut également être source d'usufruit, au même titre
que la convention. L'usufruit peut être acquis par la prescription.

1 Lire F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 712.


2 Art. 785, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
Droits et obligations des parties

En raison de ce qu'il comporte une obligation spéciale consistant


en la restitution de la chose objet de l'usufruit, il est exigé quelques
précautions d'usage avant, pendant et à la fin du contrat1.

Point 1
Avant la constitution de l'usufruit

Avant la constitution de l'usufruit, l'usufruitier doit tenir un


inventaire des lieux — l'état de la chose —. Il doit payer ou constituer une
garantie — personnelle ou réelle —, mais peut en être dispensé par la loi.
Le nu-propriétaire doit donner la chose à l'usufruitier, il doit la garantir,
la donner en bon état.

Point 2
Pendant l'usufruit

L'usufruitier est tenu de bien entretenir la chose, de procéder aux


réparations au besoin. En contrepartie, il a le droit d'user et jouir de la chose.
Le nu-propriétaire doit laisser l'usufruitier jouir de la chose. Il a le droit
de propriété sur la chose. Les charges extraordinaires lui incombent.

Point 3
À la fin de l'usufruit

L'usufruit peut prendre fin par la volonté des parties, ou par


disparition de la chose, ou par la décision du nu-propriétaire de récupérer
la chose avant le terme.
Dans tous les cas, cela produit des conséquences sur l'usufruitier et
sur le nu-propriétaire. L'usufruitier est dans l'obligation de restituer la
chose comme il l'avait reçue, c'est-à-dire, selon l'inventaire fait avant
l'usufruit. Il répare les éventuels dégâts. Il doit restituer les fruits acquis
hors délai. Il a droit de se faire rembourser les grosses réparations faites
par lui.
Le nu-propriétaire a droit de récupérer la chose. Il a droit aux fruits
de la chose acquis hors délai si l'usufruitier est de mauvaise foi.

1 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., pp. 276 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Usage et habitation

Paragraphe 1
Définition

L'usage et l'habilitation sont également deux droits qui sont des


démembrements de la propriété. Ils ne sont pas différents de l'usufruit,
car ils en sont en réalité des diminutifs, sauf à préciser sur l'usage et
l'habitation sont souvent des droits à titre personnel1. Il s'agit de droits à
caractère essentiellement alimentaire, personnel et familial. Ils ont cours entre
membres de famille et pour des raisons de subsistance. Ils ne sont ni
cessibles, ni saisissables, ni susceptible de location ou d'hypothèque. En fait, il s'agit
des droits réels temporaires.
L'usage est défini comme étant un contrat par lequel une personne confie
l'usage d'une chose à une autre sans contrepartie2. L'habitation est le contrat par
lequel une personne met son logement à la disposition d'une autre qui y habite3. C'est
en fait un droit d'usage portant sur un logement. Il y a donc un droit
d'usage et de jouissance d'un bien qui appartient à une autre personne.

Paragraphe 2
Droits et obligations

Les droits et obligations dans les contrats d'usage et d'habitation


sont les mêmes que dans celui d'usufruit. Sauf moins que pour l'usufruit,
l'usage et l'habitation devient plus pour les besoins de famille de sorte
que certaines obligations très strictes telles que les grosses réparations, inventaire,
restitution des fruits, peuvent ne pas y être de mise du fait du caractère familial
et solidaire de ce type de contrat.

1 G. MEMETEAU, op. cit., p. 194.


2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 281.
3 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
THÉORIE SPÉCIALE DES DROITS
RÉELS FONCIERS ET IMMOBILIERS
CONGOLAIS
Le présent titre étudie le régime foncier et immobilier congolais
fondé sur la loi foncière. Celle-ci a ceci de particulier qu'elle consacre la
propriété de l'État sur son sol. En effet, aux termes de l'article 53, « le sol
est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat ». Les particuliers
ne peuvent donc plus obtenir des droits de propriété sur le sol congolais.
L'État accorde seulement sur son sol un droit de jouissance, perpétuelle ou
temporaire, selon qu'on est congolais ou étranger ou personne morale.
Une telle réforme n'est pas sans conséquence sur les droits de
propriété acquis avant l'entrée en vigueur de la loi de 1973, et sur les
droits des communautés locales. Les congolais qui avaient un droit de
propriété sous le régime de la loi ancienne voient leurs titres convertis
en concession perpétuelle, et les étrangers en concession ordinaire. Les
terres des communautés locales sont soumises à un régime particulier
régi par le droit coutumier.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cette conception communautaire de la terre est conforme à la


philosophie coutumière congolaise sur la question. La terre, considérée
comme source principale de richesse commune, don des ancêtres et moyen de
communication entre ceux-ci et les humains, ne peut faire l'objet d'appropriation
privée.
Sur le sol donc se rencontre deux droits : le droit de propriété de l'État et le
droit de jouissance des particuliers.
Par ailleurs, la loi consacre une adhésion du droit congolais au
système de l'Act Torrens. Cela emporte que le droit de jouissance d’un fonds
n’est légalement établi que par un certificat d’enregistrement du titre concédé par
l’Etat. Les particuliers peuvent tout de même être propriétaires des
immeubles incorporés au sol qui, eux aussi, doivent être inscrits sur un
certificat d'enregistrement. La propriété privée des immeubles par
incorporation, qui est toujours envisagée séparément du sol, n’est
légalement établie que par l’inscription, sur le certificat établissant la
concession du fonds, desdits immeubles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre introductif
La conception congolaise de la terre
L'étude du régime foncier congolais nécessite une compréhension
préalable de la conception coutumière de la terre au Congo1.
La terre revêt une importance capitale dans la vie de l'homme. Elle
est source de pouvoir et de richesse économique. Cette conception est
d'autant plus acerbe en Afrique ou la terre a carrément un caractère sacré.
La terre est conçue comme un dieu d'où provient et où retourne
l'homme. C'est elle qui nourrit les vivants, d'où l'expression « terre
nourricière ». Elle est la source de tout pouvoir et est identifiée à
l'homme. La terre est « la femme du Créateur ». Mieux, elle est « la
première femme du Créateur ».
Nombreux comportements illustrent cela. L'expression « on est
jamais mieux que chez soi », « avoir le mal du pays », le congé de «
reconstitution » ou les attitudes consistant à « donner un baiser au sol »
lorsqu'on retourne ou arrive dans un pays ; ou même, dans le monde
animal, le fait de « marquer son territoire », le fait pour le chien ne
n'aboyer que chez soi, de rabattre sa queue quand on est dans une
parcelle étrangère.
La terre est la source de provenance de l'homme, et c'est là qu'il
retournera. Elle lui a été donnée pour qu'elle lui serve. C'est la propriété
des ancêtres et le lien entre ceux-ci et les vivants.
La terre est aussi, par ailleurs, source nationalité. De nombreux
États ont consacré le ius soli comme mode de naissance de la nationalité.
Cette conception coutumière commune aux États africains a
poussé ces derniers à consacrer pour la plupart dans leurs législations
l'appropriation exclusive du sol par l'État.
La législation a progressivement consacré une rupture avec le
régime foncier occidental hérité de la colonisation2.
Avant l'adoption de la loi de 1973, l'État aura choisi de légiférer sur
une question par le truchement graduel de ses différents aspects. En ce
sens, l'ordonnance-loi de 1966 et la loi de 1971 constituent des
manifestations plausibles.
Les réformes ont commencé avec la loi dite « Bakajika ». Cette loi
aux répercussions multiples assurait à la RDC « la plénitude de ses droits de

1 Lire V. KANGULUMBA, op. cit., pp. 298-308.


2 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 277 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans la concession des droits
fonciers, forestiers et miniers sur toute l'étendue de son territoire ». La loi dispose
que « la (RDC) reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits fonciers,
forestiers et miniers concédés ou cédés avant le 30 juin 1960 en propriété ou en
participation à des tiers, personnes morales ou personnes physiques »1. « La (RDC)
procédera souverainement à la répartition des droits d'exploitation ou de gestion de
ses ressources naturelles forestières et minières »2.
La réforme consacre alors un droit de reprise de l'État de ses droits
fonciers. Le terme « pleine et libre disposition » est utilisé pour signifier
que l'État reprend la pleine propriété de ses droits. Car « si la (RDC)
devait retirer le droit de cession et de concession à ceux qui le détenaient,
il fallait qu'elle s'en rendre propriétaire, cession et concession n'était que
la conséquence directe de la propriété ».
La finalité de cette loi réside dans le fait que, « depuis
l'indépendance, notre pays se débat de sérieuses difficultés économiques
aggravées par les pressions inavouables de certaines puissances
étrangères qui gèrent, à leur profit, l'essentiel de notre potentiel
économique. La souveraineté de notre pays s'accommode mal des
privilèges exorbitants concédés par la législation coloniale aux intérêts
étrangers qui font du dénis aspirations les plus légitimes. (...) Le Congo
doit pouvoir exercer désormais la plénitude de ses droits de propriété,
de ses pouvoirs concédés, de ses droits de gestion du domaine public. Il
doit disposer librement de son patrimoine, de ses ressources naturelles
pour le bien-être de sa population. Il est temps de briser le monopole
qu'exerce le capital étranger sur l'exploitation des gisements à travers le
territoire congolais »3.
En clair, dans la loi Bakajika, il s'est agi « de retirer au pouvoir concédant
le droit foncier et de le remettre à l'État. À partir du moment où nos terres nous sont
revenues, l'État congolais en disposera souverainement, c'est-à-dire que les sociétés
étrangères qui se sont installées sur nos terres devront refaire leurs demandes et acquérir
les terres suivant la formule nouvelle ».
Poursuivant la réforme, la Loi du 31 décembre 1971, abrogeant la
loi Bakajika, disposait que « la RDC reprend la pleine et libre disposition de tous
ses droits sur le sol, le sous-sol et les ressources naturelles concédées ou cédées avant le
1e janvier 1972 à des personnes physiques ou morales qui n'en ont pas assuré la mise

1 Art. 1e, Ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966.


2 Art. 2, Ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966.
3 Exposé des motifs, Ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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en valeur »1. La loi vient en même temps que celle de 1971 portant révision
de la constitution qui dispose que « le sol et le sous-sol congolais ainsi
que leurs produits naturels appartiennent à l'État. La loi fixe les
conditions de leurs cessions et concessions, de leurs reprise et
rétrocession. Toutefois, la reprise ou la rétrocession en cas de non mise
en valeur ne donne lieu à aucune indemnité ». L'aspect novateur de cette
loi résidait dans ce qu'elle ne reprenait que les droits sur les terres non
mises en valeur.
Les textes ci-dessus étudiés constituaient le fondement juridique de
la reprise par l'État nouveau des anciennes terres cédées ou concédées,
mais ils n'excluaient pas que l'État lui-même ne cède une partie de celles-ci aux
particuliers. C'est ainsi que la loi de 1973 est venue parachever la réforme,
en consacrant définitivement et clairement que « le sol est la propriété
exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat ».

1 Art. 1e, Loi du 31 décembre 1971.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Le régime foncier : la propriété foncière et les droits
de jouissance foncière
Le régime foncier congolais a une particularité qui veut que l'État
congolais soit l'unique propriétaire du sol congolais. Et cela entraîne que
toute autre personne ne peut devenir propriétaire d'une partie du sol
congolais, à la limite, elle n'aurait qu'un droit de jouissance. On retrouve
donc sur un même sol, deux droits de nature différente qui convergent :
le droit de propriété de l'État et le droit de concession reconnu aux
particuliers.

Section 1
Principes régissant la propriété et les concessions foncières

Paragraphe 1
Principe de l'appropriation de tout le sol par l'État ou la
propriété foncière de l'État

Le siège de la matière est l'article 53 de la loi, aux termes duquel «


le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat ».
Cet article énonce les traits caractéristiques de la propriété foncière de
l'État.

Point 1
Traits caractéristiques de la propriété foncière de l'Etat

Cinq traits caractéristiques marquant la propriété foncière de l'État


congolais peuvent être dégagés de la loi1.
Primo, la propriété foncière de l'État est universelle. Le caractère
universel tient à souligner le fait qu'il s'agit de l'ensemble du territoire
congolais, ou autrement dit, de toutes les terres qui sont à l'intérieur des frontières
congolaises. Il n'y a plus de catégorisation particulière de terres soumises à
des régimes distincts — vacantes, domaniales, indigènes, concédées — :
toute la terre appartient dorénavant au seul État congolais.
En parcourant l'évolution du régime foncier congolais, l'on note,
l'existence de plusieurs catégories des terres : terres vacantes,

1 V. KANGULUMBA, op. cit., pp. 314-317.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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domaniales, indigènes, concédées… De par l'article 53 de la loi, et en


vertu d'autres dispositions de la loi, ces distinctions n'existent plus.
Toutes les terres, jadis catégorisées et distinguées, sont désormais la
propriété du seul Etat congolais. Dans cette mesure, aucune portion de
terre n'échappe à cette propriété, d'où le caractère de l'universalité de ce
droit de propriété.
Le caractère exclusif signifie que, désormais, il n'existe plus
d'appropriation privée ou individuelle du sol congolais. Et l'Etat congolais
ne peut pas partager ce droit avec une autre personne. Il s'agit d'un droit exclusif,
sans partage, qui ne peut tomber dans la copropriété ou dans
l'appropriation privée. L'État est le seul à pouvoir en tirer bénéfice. Ainsi,
encourt cassation, l'arrêt qui reconnaît à un particulier le droit de
propriété sur une parcelle de terre faisant l'objet d'un contrat de location
conclu avec l'État1.
Le caractère absolu veut dire que l'État ou du moins le droit de
propriété de l'État congolais est opposable à tous.
Le caractère inaliénable signifie que l'État ne peut pas aliéner le sol ou une
partie du sol congolais. Cependant, l'inaliénabilité n'interdit pas à l'Etat
propriétaire du fonds de pouvoir conclure des contrats qui n'emportent
pas disposition juridique du sol — usufruit, usage, habitation ou toute
autre concession —2.
Le caractère imprescriptible, veut que personne ne puisse acquérir la
propriété par le fait de la prescription, de l'écoulement d'un certain temps.
À première vue, on serait tenté de rattacher le principe de
l'appropriation du sol et du sous-sol congolais par l'État à l'article 9 de
la Constitution. Cet article dispose que « l’Etat exerce une souveraineté
permanente notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces
aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale
congolaise et sur le plateau continental »3. Cependant, en tant que telle, cette
disposition ne concerne pas le principe de l'appropriation par l'État du sol et du sous-
sol congolais. Elle concerne plutôt l'assise territoriale de la souveraineté de l'État
congolais, entendue comme l'espace à l'intérieur duquel l'État congolais
établit les normes de comportement obligatoires à ses citoyens. Dans
son contexte, cette disposition a sa source dans le droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes, en vertu duquel les États indépendants

1 C.S.J., R.C. 299, 23 juin 1982.


2 C.S.J., R.C. 1867, 29 août 1996.
3 Art. 9 Al. 1, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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entendaient affirmer la pleine jouissance de leurs ressources


économiques, mais aussi l'autonomie de gestion politique de leurs pays.
Ainsi entendue, cette disposition n'a aucun rapport avec le principe
de l'appropriation du sol et du sous-sol congolais par l'État. Cela dit, un
rapport pourrait finalement être établi, quelque part. En effet, le dernier
alinéa de l'article 9 dispose que « les modalités de gestion et de concession du
domaine de l’Etat visé à l’alinéa précédent sont déterminées par la loi ». En d'autres
termes, la Constitution prévoit des modalités selon lesquelles l'État accordera
des droits de jouissance sur son sol à des particuliers. Or, une telle prérogative ne
peut revenir qu'à un propriétaire, ce qui finit par rejoindre la loi qui dispose
que le sol appartient à l'État seul et que, par voie de conséquence, celui-
ci pourra accorder des droits de concession ou de jouissance de son sol
aux particuliers.

Point 2
Conséquences juridiques de l'appropriation du sol par l'État

Les conséquences peuvent être regardées dans deux directions. La


première est qu'il faut considérer qu'avant le 20 juillet 1973, il y a eu des
personnes qui avaient des droits sur le sol congolais et qu'ils avaient fait
enregistrer. La deuxième est qu'avant la loi de 1973, il y avait des
personnes ou des communautés qui avaient des droits coutumiers sur le
sol congolais. La loi devait donc déterminer leur sort.

A. Droits fonciers enregistrés et acquis avant la loi


de 1973

En ce qui concerne les droits fonciers acquis avant le 20 juillet 1973,


les articles 369 et 385 posent que « tout droit de propriété foncière qui a été
acquis régulièrement par les zaïrois, personnes physiques, avant l’entrée en vigueur de
la présente loi, est converti, pour autant qu’il ait été matérialisé par une mise en valeur
conforme aux lois et règlements, en un droit de concession perpétuelle, telle que réglée
par les articles 80 à 108 ci-dessus ». Par ailleurs, « sont confirmées, pour autant
que leur terme n’est pas échu, les concessions qui ont été acquises régulièrement avant
l’entrée en vigueur de la présente loi et qui ont fait l’objet d’une mise en valeur conforme
aux lois et règlements en vigueur au moment de leur acquisition ».
Pour les étrangers, la loi dispose que « le titre de propriété foncière acquis
régulièrement par les étrangers, personnes physiques ou par les personnes morales de
droit public ou de droit privé zaïrois avant la publication de la présente loi est converti,

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pour autant qu’il ait fait l’objet d’une mise en valeur suffisante, en un nouveau droit
réel appelé “concession ordinaire” »1.
Les droits acquis précédemment sont convertis, lorsqu'il s'agit des
congolais, en concession perpétuelle, et lorsqu'il s'agit des étrangers, en concession
ordinaire. Dans les deux cas, le sol doit avoir été mis en valeur. Ce principe
de solution est conforme à la règle de la non-rétroactivité.
Aux termes de la loi, « à compter de l’entrée en vigueur de la
présente loi, “le droit d’occupation” constaté par “le livret de logeur” ou
par tout autre titre équivalent délivré dans une ville ou une zone de la
République est supprimé. Toutefois, ceux des nationaux qui détiennent
actuellement un tel droit, pourvu que celui-ci soit régulier et porte sur
un terrain du domaine privé de l’Etat situé dans une circonscription lotie
et cadastrée, se verront octroyer un titre de concession perpétuelle sur le fond
occupé. Ne sont pas concernés par cette disposition : tous ceux qui, bien
que détenant un livret de logeur ou un titre équivalent, sont encore liés
par un contrat de location-vente avec un organisme public »2.
Si le livret de logeur a été établi après 1973, il n'est pas un titre dont
on peut se prévaloir, car la loi l'a supprimé. Par contre, s'il a été établi
avant 1973, il a été jugé que « le droit d'occupation parcellaire constaté par le
livret de logeur n'a pas été supprimé. En attendant sa conversion en droit de concession
perpétuelle ou temporaire, le livret de logeur continue à faire foi du droit d'occupation
qu'il constate »3. Dans une espèce, il a jugé à tort qu'un certificat
d'enregistrement établi en 1959 n'est plus un titre légal à dater de la
publication de la loi foncière. Il ne peut faire foi4.

B. Les terres des communautés locales

En ce qui concerne les communautés locales, la loi dispose que «


les terres occupées par les communautés locales deviennent, à partir de l’entrée en
vigueur de la présente Loi, des terres domaniales »5. Ces terres deviennent en
clair les biens de l'État.

1 Art. 374, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 390, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés. Nos italiques.


3 C.S.J., R.C. 349, 16 avr. 1980 ; C.S.J., R.C. 288, 16 avr. 1980 ; C.S.J., R.C. 1582,

19 mai 1994.
4 C.A. L’shi., R.C. 10775/10992, 29 mars 2004.
5 Art. 387, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le terme « communauté locale » est défini comme étant « un ensemble


de personnes vivant sur un même terroir liées par la cohésion sociale, de solidarité et
soumis à la même coutume »1. Il s'agit généralement d'un ensemble de
familles ou de clans qui partagent les mêmes pratiques coutumières et
qui sont très liées à leur terroir. L'élément essentiel qui caractérise les
communautés locales est l'attachement à un terroir et le respect des pratiques
coutumières.
Ainsi, la loi dispose que « les terres occupées par les communautés
locales sont celles que ces communautés habitent, cultivent ou exploitent
d’une manière quelconque – individuelle ou collective – conformément
aux coutumes et usages locaux »2. Ces terres sont gérées conformément aux
coutumes et usages locaux, et non au droit écrit. Elles ne sont pas sous la gestion
du conservateur des titres immobiliers.
Il a été jugé qu'est fondée une demande de cessation de travaux sur
une terre coutumière d'autrui, si le défendeur, dépassant les limites des
terres ancestrales attribuées à son aïeul, pratique des cultures, fait
l'abattage d'arbres et des destructions sur les terres coutumières
appartenant aux demandeurs impliquant le fondement de la demande en
réparation sur base de l'art 2583.
Les terres des communautés locales sont régies par le droit coutumier.
Ainsi, pour obtenir un lopin de terre sur ces terres coutumières, il faut
préalablement passer par le chef coutumier qui doit constater le non
lotissement et aliéner son droit de jouissance contenu dans ce lopin de
terre. C'est après ces démarches seulement que le requérant ira aux
services du cadastre pour régulariser la procédure. Dans cette
occurrence, n'a pas acquis un quelconque droit de jouissance d'une
parcelle située sur une terre coutumière et commet l'infraction
d'occupation illégale des terres, quiconque n'a pas contracté avec
l'autorité coutumière requise avant l'obtention d'un contrat de location
consenti par le conservateur4.
Il existe deux critères principaux pour la reconnaissance du droit
de jouissance individuelle sur le sol affecté à la communauté locale à

1 Art. 1e p. 17, Code forestier.


2 Art. 388, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 T.G.I. Cataractes, 16 août 1996.
4 T.G.I. Kinshasa/kalamu, R.P.A., 15574, 17 mai 1994.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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savoir l'appartenance à la communauté locale et la superficie


effectivement mise en valeur par l'habilitation et par la culture1.
Dans la coutume Kongo, il n'est pas concevable que deux clans qui
coexistent sur une même terre aient les mêmes droits sur celle-ci. L'un
d'eux est toujours l'ayant droit coutumier foncier, celui qui a été le
premier sur les lieux par rapport à l'autre, celui qui en a reçu la jouissance
du premier2. Dans un autre cas de figure, le tribunal reconnaîtra à toutes
les parties en cause le droit de jouissance d'une forêt s'il est établi par un
croquis des terres tracé par l'autorité coloniale au moment où il n'y avait
pas de conflit entre parties, que la forêt litigieuse fut une copropriété des
ancêtres respectifs des deux parties au procès3.
En matière immobilière, le conflit doit être porté devant le tribunal
de la situation de l'immeuble — généralement le Tribunal de Grandes
Instances —. Toutefois, en principe, le Tribunal de Paix est compétent
pour connaître de tout litige foncier collectif ou individuel régi par la
coutume4. Le TGI n'est compétent que s'il n'existe pas de TRIPAIX
dans le ressort.

L'option de l'appropriation du sol par l'État rencontre la


conception et le statut de la terre de la grande majorité des congolais
dans la mesure où le sol a toujours été considéré comme un bien à usage
commun, certes, sous la surveillance d'une autorité clanique ou publique.
La conception congolaise de la propriété est communautaire.
À ce sujet, l'article 389 dispose que « les droits de jouissance
régulièrement acquis sur ces terres seront réglés par une Ordonnance du
Président de la République ». Cet article ne concerne pas les
communautés locales, il concerne les relations entre l'État (qui a
remplacé les communautés locales) et l'acquéreur du droit de jouissance
sur ces terres.

1 T.G.I. Boma, R.C.A. 215, 24 mai 1995


2 T.G.I. Cataractes et Lukaya, RA 711, 8 août 1995.
3 T.G.I. Cataractes, RA 528, 12 mars 1991.
4 TRIPAIX Butembo, R.C. 011/208/NGA, 6 sept. 1999.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Principes de gestion du domaine foncier de l'État

Loi dispose que « le patrimoine foncier de l’Etat comprend un domaine


public et un domaine privé »1. Le domaine foncier public de l'État est
constitué des terres affectées à l'usage ou à un service public. Toutes les
autres terres constituent le domaine foncier privé de l'État. Elles sont
dans le commerce.
Les principes qui nous intéressent sont ceux du domaine privé
foncier de l'État, car le domaine public foncier de l'État est régi par des
règles de droit public.
Aux termes de la loi, sur le plan des compétences, « le Département
ayant les affaires foncières dans ses attributions applique la politique de
l’Etat en matière d’affectations et de distributions des terres »2. En clair,
c'est le ministère des affaires foncières à travers ses services publics, qui
a la compétence de gérer le domaine privé foncier de l'État. Mais il n'a
pas reçu a priori compétence en matière d'attribution des terres.
En cette matière, le conservateur est à la tête de chaque circonscription
foncière au sein de laquelle on trouve une division du cadastre, le bureau
du domaine, le bureau du contentieux, les services de bornage et mesure.
Aux termes de la loi, « chaque circonscription [foncière] est administrée par un
fonctionnaire appelé conservateur des titres immobiliers. Plusieurs circonscriptions
peuvent être réunies en tout ou en partie, sous l’autorité d’un même conservateur »3.
Toutefois, en ce qui concerne les terres des communautés locales,
celles-ci sont gérées par la coutume et les usages locaux.

1 Art. 54, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 181, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 223, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1165
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Règles de compétence

Les terres sont gérées par les administrations publiques, soit par des
organismes publics créés à cet effet, soit par des sociétés mixtes
d’équipement et de promotions immobilières1.
Pour les terres gérées par les administrations publiques, les
concessions ne sont valables que si elles sont accordées : par contrat
approuvé par une loi, pour les blocs de terres rurales, égaux ou supérieurs
à deux mille hectares et pour les blocs de terres urbaines égaux ou
supérieurs à cent hectares ; par contrat validé par ordonnance du Président
de la République pour les blocs de terres rurales supérieures à mille
hectares et inférieures à deux mille hectares et pour les blocs de terres
urbaines supérieures à cinquante hectares et inférieures à cent hectares ;
par contrat validé par arrêté du Commissaire d’Etat ayant les affaires foncières
dans ses attributions pour les blocs de terres rurales de plus de deux cents
hectares n’excédant pas mille hectares et pour les blocs de terres urbaines
de plus de dix hectares mais n’excédant pas cinquante hectares ; par
contrat signé par le Commissaire de région pour les blocs de terres rurales
égaux ou inférieurs à deux cents hectares et pour les blocs de terres
urbaines égaux ou inférieurs à dix hectares2.

Point 2
Procédure d'octroi des concessions

A. La procédure préalable

Pour être concédées, les terres du domaine public doivent être loties.
Le lotissement consiste à localiser, délimiter et assujettir des terres à un
plan local ou général d'urbanisme. Les terres doivent être divisées en
parcelles avant d'être distribuées.
La demande de terre, consiste pour le requérant à écrire au
conservateur pour l'informer de sa requête d'obtenir une terre3. Il

1 Art. 182, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 183, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 190, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1166
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

désigne la terre qu'il désire occuper, ou s'il n'en a pas déjà choisie une,
elle lui est proposée par le conservateur. La requête doit contenir un
certain nombre de mentions relatives notamment à l'identité du
requérant1.
L'autorité compétente peut être saisie, sur un terrain inculte, d'une
demande de terre. Avant d'y réserve une suite quelconque, l'autorité est
tenue d’y effectuer une enquête préalable de vacance afin de vérifier si la terre
est ou non occupée.
La loi dispose que « toute concession de terres rurales est
subordonnée à une enquête exécutée dans les formes et suivant la
procédure prévue par la loi. L’enquête a pour but de constater la nature
et l’étendue des droits que des tiers pourraient avoir sur les terres
demandées en concession »2. L’enquête comporte : la vérification sur
place de la délimitation du terrain demandé ; le recensement des
personnes s’y trouvant ou y exerçant une quelconque activité ; la
description des lieux et l’inventaire de ce qui s’y trouve en fait de bois,
forêts, cours d’eau, voies de circulation, etc. ; l’audition des personnes
qui formulent verbalement leurs réclamations ou observations ;
l’enregistrement et l’étude de toutes les informations écrites3.

B. La concession-contrat

Aux termes de la loi, « la concession est le contrat par lequel l’Etat reconnaît
à une collectivité, à une personne physique ou à une personne morale de droit privé ou
public, un droit de jouissance sur un fonds »4.
Lorsque la procédure ci-dessus d'enquête préalable s'avère
concluante, le conservateur procède à la conclusion d'un contrat de location
avec le requérant.
Aux termes de la loi, « par la location, l’Etat s’oblige à faire jouir une
personne d’un terrain et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer.

1 Voir Art. 191 & 192, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général
des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 193, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 194, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Art. 61, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1167
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En principe, elle est préparatoire à une autre concession. Elle ne peut être accordée
pour un terme excédant 3 ans »1.
Dès la signature de ce contrat, il naît un droit de location au profit du
particulier. Cette location est provisoire, elle dure 3 ans maximum, et est «
préparatoire à une autre concession », qui est la concession définitive,
perpétuelle ou ordinaire selon le cas. La location dont question n'est pas
à confondre avec le bail. Il s'agit d'une location foncière, qui est un droit réel
foncier.
Deux obligations en découlent pour le requérant : l'occupation du
terrain et sa mise en valeur en état de débuter l'activité pour laquelle a été
conclu le contrat. La mise en valeur doit être suffisante. L'obligation de
l'occupation effective des lieux est un élément de fait laissé à
l'appréciation souveraine des juges de fond2. Le contrat doit mentionner
la localisation du terrain ; le nom du lotissement ; la destination du terrain
— résidentielle, commerciale, industrielle — ; le numéro du contrat et la
date de signature. Ces dispositions se retrouvent dans tous les contrats
de location.
Lorsque le locataire a rempli ses obligations d'occupation et de mise
en valeur, la première étape de la procédure prend fin. Cette étape est
celle de la concession-contrat. L'État se voit obligé de conclure avec le particulier
un contrat de concession définitive : c'est l'étape suivante de la concession-
droit, par laquelle le particulier devient véritablement titulaire d'un droit
réel de jouissance sur le fonds mis en valeur consacré par un certificat
d'enregistrement.
Par contre, lorsque le particulier n'a pas rempli son obligation de
mise en valeur, l'État peut résilier le contrat ou réduire la concession à due
proportion, après avoir préalablement mis le particulier en demeure. Il a été jugé
que L'État doit mettre préalablement en demeure le locataire qui n'a pas
exécuté ses obligations d'occupation et de mise en valeur. Ainsi, viole la
force obligatoire des conventions, les articles 107 alinéa 2 de la
Constitution et 33 du CCL3, et encourt cassation totale sans renvoi,
l'arrêt d'une Cour d'appel qui, faisant application en matière de conflits
parcellaires d'une décision prise par une autorité administrative
incompétente, laquelle ordonnait « la résiliation d'office » de tout contrat
en faveur d'une personne autre que le défendeur en cassation, annule le
jugement de premier degré qui avait déclaré que le terrain litigieux

1 Art. 144, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 C.S.J., R.P. 1726, 18 fév. 1998.

1168
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

revenait au demandeur en cassation en vertu du contrat de location et


du contrat de concession perpétuelle qui en était la suite1.
Toutefois, au cas où le locataire n’occupe pas le terrain et n’en
commence pas la mise en valeur dans le délai de 6 mois éventuellement
renouvelé, la résiliation du contrat s’opérera de droit si, trois mois après
mise en demeure, il ne s’exécute pas ou ne fournit pas des motifs
suffisants justifiant le retard.
Recherchant sa nature juridique, il s'avère que la location dont
question est une concession2. Un droit de jouissance accordé au particulier sur un
fonds. Le particulier peut y faire toutes sortes de constructions, il est
d'ailleurs tenu de le mettre en valeur. Mais cette concession ne donne
pas encore lieu à un certificat d'enregistrement3. Ce qui paraît logique
dans la mesure où il s'agit d'une étape provisoire qui peut aboutir à la
conclusion d'un contrat de concession ou non. Elle est plutôt constatée
par un contrat de location.
Le particulier a la possibilité de céder son contrat de location à un
autre. Cette cession devra être entérinée par le conservateur. Il en sera
alors fait annotation au dos du contrat. Le cessionnaire devient locataire
de la République et subroge l'ancien locataire dans ses droits et
obligations vis-à-vis de l'État.
À la question de savoir si ce contrat de location est un acte
authentique, il a été jugé que le contrat de location dressé par le
conservateur n'est pas un acte authentique, ce dernier étant un acte qui
contient la volonté des particuliers présenté au magistrat ou à un
fonctionnaire public appelé notaire pour être dressé conformément à des
modalités prévues par la loi. Le conservateur, qui a le pouvoir
d'authentifier la volonté des particuliers, ne peut jouer le rôle du notaire
lorsqu'il est lui-même partie à l'acte, comme c'est le cas dans le contrat
de location où il est partie en tant que représentant de l'État4. Toutefois,
une doctrine estime que le contrat de location est un acte authentique.
En effet, le contrat établit la volonté de l'État par le conservateur et du
locataire sur les mentions qu'il porte. Sa véracité ne peut être remise en

1 C.S.J., R.C. 713, 28 fév. 1990.


2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 348.
3 Art. 151, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 C.A. L’shi., R.C.A. 10948, 30 août 2002.

1169
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

cause, ce qui caractérise un acte authentique. Par ailleurs, cet acte a une
force exécutoire1.
Aux termes de la loi, « est nul : tout contrat de concession conclu
en violation des dispositions impératives de la présente loi ; tout contrat
contraire aux impositions impératives d’ordre urbanistique ». Cette
nullité est d'ordre privé2.

C. Concession-droit

La Loi dispose que la location est « préparatoire à une autre


concession » — perpétuelle ou ordinaire —. Une fois que le locataire a
rempli ses obligations, il ne lui reste plus qu'à conclure avec l'État par
l'intermédiaire du conservateur des titres immobiliers le contrat de
concession-droit. Dans cette deuxième étape, la première chose est la
signature du contrat de concession, soit perpétuelle, soit ordinaire. Ce contrat
est renseigné dans le registre des concessions perpétuelles — RCP — ou
ordinaires — RCO —. Après la signature de ce contrat est établi un
certificat d'enregistrement. On devient alors concessionnaire de l'État.

Point 3
Droits et obligations du concessionnaire

Le concessionnaire est tenu à 3 obligations principales. Il doit payer


une redevance annuelle à l'État — si le contrat est à titre onéreux, car il peut
être à titre gratuit —. Il doit occuper et maintenir la mise en valeur, et respecter
la destination du fonds.
En contrepartie, il a le droit de jouissance sur le sol. Il a le droit à la
protection de l'État contre les tiers.
De son côté, l'État a droit à la redevance — qui n'est pas un impôt
—. Le coût de cette redevance varie selon les lieux. Il est fixé par un acte
réglementaire.

Section 2
Les concessions foncières

Par « concession », l'on entend le droit de jouissance que l'Etat, en tant


que propriétaire du sol, reconnait à une personne sur le fonds ainsi concédé.

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 350.


2 C.S.J., R.C. 937, 28 oct. 1989.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
La concession perpétuelle

Point 1
Définition et caractéristiques

La concession perpétuelle est un droit que l'État reconnaît à une


personne physique de nationalité congolaise de jouir indéfiniment de son fond
selon les conditions de fond et de forme prévues par la loi1.
Il en ressort comme caractéristiques2 que la concession perpétuelle
est réservée aux congolais personnes physiques. La loi a voulu instaurer une sorte
de discrimination entre sujets congolais et étrangers en matière
d'acquisition de droit de propriété foncière. Cette discrimination aura été
jugée naturelle et pouvant se justifier dans le cadre de la nouvelle
conception de la terre, car seuls les congolais ont suffisamment de liens
avec la terre pour vouloir et mériter d'en jouir perpétuellement, alors que
les autres n'y cherchent que des utilités économiques, forcément
variables et limitées dans le temps.
La concession est perpétuelle. Elle n'est pas limitée dans le temps.
Cette perpétuité signifie que ce droit de jouissance a ici vocation à durer
autant que son objet lorsque celui-ci qu'est le fonds, est mis en valeur ;
et en cas d'observance de ces conditions, ce droit de jouissance n'est pas
limité à la vie du titulaire. Les causes d'extinction de la concession
perpétuelle sont prévues de manière limitative par la Loi. Par ailleurs,
conséquemment, la concession perpétuelle n'est cessible ou
transmissible qu'entre congolais. Toutefois, un congolais peut la céder à
un étranger. Elle se transformera alors en une concession ordinaire.

Point 2
Sources de la concession perpétuelle

A. Le contrat

La concession perpétuelle suppose l'existence d'un contrat conclu entre


l'État et le concessionnaire congolais. C'est en vertu de ce contrat que le
conservateur dresse un certificat d'enregistrement.

1 Art. 80, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 528-530.

1171
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il en découle que l'État et le concessionnaire perpétuel ont chacun


des droits et obligations1.
Le concessionnaire doit payer la redevance à l'État. Celui-ci le garantit
protection contre l’éviction. Le concessionnaire doit respecter la
destination du fonds.
Le concessionnaire a le droit de jouir indéfiniment du fonds. Il a le
droit de propriété sur tout ce qui est incorporé au fonds. Il a le droit de construire,
planter, disposer des constructions, transmettre, louer, hypothéquer son
droit, le grever de servitude, le céder.

B. La conversion

Les droits acquis sous le régime antérieur à la loi foncière sont


convertis en concession perpétuelle. On l'a ci-dessus étudié.
La conversion peut encore découler de la cession de droit entre un
concessionnaire perpétuel et une autre personne de nationalité congolaise.

Point 3
Causes d'extinction de la concession perpétuelle2

La concession perpétuelle ne peut prendre fin que pour l’une des


causes légales ci-après : 1° l’expropriation pour cause d’utilité publique
(du droit de concession et non du droit de propriété sur le sol) ; 2° le
rachat par l’Etat, lorsque la concession est à titre onéreux ; 3° la
renonciation expresse et écrite du titulaire du droit ou de ses ayants droit
; 4° la résiliation conventionnelle ou judiciaire ; 5° la reprise aux
conditions contractuelles ; 6° la déshérence successorale ; 7° la
prescription extinctive ; 8° la conversion en un titre de concession
ordinaire (en cas de cession à un étranger par exemple).
La prescription extinctive ne peut être considérée comme mode
d'extinction de la concession perpétuelle, car étant incompatible avec les
exigences du certificat d'enregistrement. Un arrêt a été cassé au motif
que le juge d'appel a considéré à tort qu'une partie avait acquis par
prescription la portion de terre empiétée, alors que la prescription
acquisitive est incompatible avec la nécessité du certificat

1 Art. 83-100, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 101, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1172
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'enregistrement, les droits fonciers ne devant être constatés et acquis


que par certificat d'enregistrement1.

Paragraphe 2
Les concessions ordinaires

L'article 1e de la Loi foncière énumère les droits réels que la Loi


organise. On y retrouve notamment les concessions ordinaires que sont
« les droits d’emphytéose, de superficie, d’usufruit, d’usage et d’habitation ».

Point 1
Définition

La concession ordinaire peut être définie comme le droit de


jouissance que l'État reconnaît à une personne physique étrangère — voire
congolaise —, ou à une personne morale de jouir d'un fond selon les
conditions prévues dans le contrat2.
Il ressort de la loi que celle-ci n'interdit pas aux congolais d'avoir des
concessions ordinaires. Par ailleurs, l'article 101 prévoit que la concession
perpétuelle peut prendre fin par la conversion par le congolais de son
droit en concession ordinaire.

Point 2
Fondement des concessions ordinaires

Les concessions ordinaires se justifient pour des raisons économiques.


L'État entend par ce mécanisme valoriser son sol en reconnaissant à
certaines personnes le droit de mettre en valeur et d'exploiter son sol.
En d'autres termes, l'exploitation du sol génère des ressources pour
l'État3.

Point 3
Caractéristiques des concessions ordinaires

Deux caractéristiques principales. Elles sont temporaires, et ses


titulaires sont bien précisés dans la loi.

1 C.S.J., R.C. 752, 23 fév. 1987.


2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 383.
3 Idem.

1173
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les concessions ordinaires sont temporaires, car elles sont limitées


dans le temps, contrairement à la concession perpétuelle, qui est
indéfinie, c'est-à-dire, qui n'a pas de limites dans le temps. Aux termes
de la loi, et à l'exception de l'usage qui est de 15 ans1, et de la location
qui est de 5 ans2, « sans préjudice des dispositions relatives à la concession
perpétuelle, les concessions ne sont consenties que pour un terme maximum de 25 ans,
renouvelable »3.
Quant à ses titulaires, en principe, les concessions ordinaires sont
accordées aux étrangers et aux personnes morales. Toutefois, il n'empêche
qu'un congolais obtienne une concession ordinaire.

Point 4
Sources des concessions ordinaires

Le contrat de concession — ici, ordinaire — peut être source de ce type


de concession. Il s'agit du contrat dont question à l'étape de la
concession-contrat, qui doit se matérialiser par une concession
définitive.
Par ailleurs, la conversion est aussi source de concession. Les
étrangers et les personnes morales qui avaient des droits avant la loi de
1973 ont vu leurs titres convertis en concession ordinaire.
D'autre part, le congolais peut aussi convertir sa concession
perpétuelle en concession ordinaire, mettant ainsi fin à celle-là.

Point 5
Sortes des concessions ordinaires

On distingue deux groupes de concessions ordinaires : celles qui


sont issues de la conversion des anciens titres détenus par les étrangers
ou personnes morales, d'une part ; et celles qui sont proprement
instituées pour l'avenir, d'autre part.

1 Art. 141, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 144, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 70, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1174
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

A. Les concessions issues de la conversion

Le titre de propriété foncière acquis régulièrement par les étrangers,


personnes physiques ou par les personnes morales de droit public ou de
droit privé zaïrois avant la publication de la présente loi est converti,
pour autant qu’il ait fait l’objet d’une mise en valeur suffisante, en un
nouveau droit réel appelé « concession ordinaire »1.
De même, sera aussi converti en un droit de concession ordinaire
au profit des personnes visées ci-dessus, le droit de location qui était
préparatoire à l’ancien titre de propriété foncière et qui a fait l’objet,
avant l’entrée en vigueur de la loi, d’une mise en valeur suffisante ainsi
que d’une occupation régulière et ininterrompue, ou qui a fait l’objet
d’une mise en valeur insuffisante mais dont le délai court encore au
moment de l’entrée en vigueur de la loi2. Si ce droit de location n'a fait
l'objet d'aucune mise en valeur, il sera converti en un titre à bail
emphytéotique3 régi par les mêmes dispositions que celles concernant
l'emphytéose, qui est une concession ordinaire prévue proprement pour
l'avenir.
La concession ordinaire dont question aux articles 374 et 375 est
consentie pour un terme n’excédant pas 25 ans renouvelable4. Pour les
personnes morales, le terme consenti ne peut excéder la vie sociale. En
cas de prolongation de la vie sociale, la société peut obtenir le
renouvellement de la concession5.
Le titulaire du droit de concession ordinaire a la propriété des
bâtiments, plantations, arbres et ouvrages quelconques qu’il a entrepris
ou qu’il entreprendra sur le fonds. Il peut, comme le superficiaire, céder
son droit aux tiers, le transmettre à ses ayants cause pour ce qu’il vaut et
ce qu’il dure6. Il peut accorder aux tiers un droit de superficie, d’usufruit,

1 Art. 374, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 375, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Art. 376, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
4 Art. 377, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
5 Art. 378, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
6 Art. 380, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d’usage et d’habitation sur ses bâtiments. Il peut aussi l’hypothéquer et


le grever de servitudes1.
Le droit de concession ordinaire dont question aux articles 374 et
375 ne peut s’étendre qu’à l’échéance du terme convenu ou pour l’une
des causes énumérées à l’article 101 de la loi — relatif aux modes
d'extinction des concessions —2.

B. Les concessions proprement instituées pour


l'avenir

Il s'agit des concessions qui ne sont pas issues de la conversion


d'anciens titres. Elles sont de cinq sortes : l’emphytéose, la superficie,
l’usufruit, l’usage et la location3.

1. La location

La location est une sorte de concession ordinaire. Provisoire certes,


mais c'en est une. Elle ne se prouve pas par un certificat
d'enregistrement. Elle se prouve plutôt par un contrat de location. La
location à une durée de 3 ans renouvelable, prorogeable de 2 ans
renouvelable.

2. L'emphytéose

a. Définition

« L’emphytéose est le droit d’avoir la pleine jouissance d’un terrain inculte


appartenant à l’Etat, à la charge de mettre et d’entretenir le fonds en valeur et de
payer à l’Etat une redevance en nature ou en argent »4.

1 Art. 381, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 383, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Art. 109, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
4 Art. 110, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sa durée maximale est de 25 ans renouvelable1.

b. Droits et obligations2

L’emphytéote a droit à tous les produits du fonds. Il a seul les droits de


chasse et de pêche. Il peut extraire du fonds, des pierres, de l’argile et
autres matières semblables et en abattre les arbres, pour les constructions
et les améliorations qu’il y entreprend. Il peut en exploiter les bois, à la
charge de les aménager en taillis, comme un bon propriétaire, ou de faire
des plantations pour les remplacer utilement. Il peut en changer la
destination ou la nature, pour en augmenter la valeur.
L’emphytéote peut, en faveur de toute personne de son choix, et
pour la durée de son droit, constituer sur les biens qu’il incorpore au sol, une
location, l’usufruit, l’usage et l’habitation ou un droit de superficie. Il peut, pour
les services de ces biens, accorder des servitudes foncières. Il peut aliéner son
droit et le grever d’hypothèque. Il ne peut accorder la superficie que s’il y est
stipulé l’enrichissement ou le remplacement des constructions, bois,
arbres et autres plantes incorporés au sol, par d’autres d’égales valeur et
utilité.
En contrepartie, l'emphytéote doit payer une redevance à l'État. Il est
tenu des réparations de toute espèce, même aux bâtiments qu’il a
construits sans y être astreint. Il ne peut réclamer aucune remise de la
redevance pour cause de perte partielle du fonds, ni pour cause de
stérilité ou de prévision de toute récolte à la suite de cas fortuit.
Il ne peut se libérer des charges de son droit par le délaissement du
fonds. Toutefois, il peut contraindre le propriétaire à accepter le
délaissement lorsque la destruction, par cas fortuit, de ses plantations ou
autres travaux qui avaient mis le fonds en valeur empêche qu’il en retire
encore des revenus suffisants pour acquitter la redevance annuelle.
L’Etat peut faire prononcer la déchéance de l’emphytéote, avec
dommages-intérêts, s’il y a lieu : pour défaut de paiement de trois
redevances annuelles consécutives, ou même pour tout défaut de
paiement, si l’emphytéote tombe en faillite ou en déconfiture ; pour
négligence grave dans l’exécution de la charge de mettre et entretenir le
fonds en valeur ; pour tout abus grave de jouissance

1 Art. 111, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Lire Art. 112-120.

1177
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

A l’expropriation de son droit, pour quelque cause que ce soit,


l’emphytéote ne peut enlever les plantations et autres améliorations qu’il
a faites, ni réclamer à cet égard aucune indemnité. Quant aux
constructions qu’il a faites, il ne peut non plus les enlever, mais le
propriétaire lui doit une indemnité fixée aux trois quarts de leur valeur
actuelle et intrinsèque.

c. Fin de l'emphytéose

« La concession ordinaire ne peut s’éteindre que par l’une des


causes ci-après : l’échéance du terme ; la reprise telle que réglée par les
dispositions des articles 120 et 131 de la présente loi ; la conversion
réglée par les articles 74 à 79 ; l’une des causes énumérées aux points 1°
à 6° de l’article 101 de la présente loi, sous réserve des modalités propres
aux concessions ordinaires »1. En gros, l'emphytéose prend fin de la
même manière que les autres concessions.
De manière spéciale, l'emphytéose ou bail emphytéotique n'est pas
identique au bail ordinaire2. La différence tient à ce que dans le bail
emphytéotique, le loyer n'est pas très important, contrairement au bail
ordinaire. Par ailleurs, dans le cas du bail ordinaire, les grosses
réparations de l'immeuble loué sont à charge du bailleur. Alors que dans
l'emphytéose, c'est l'emphytéote qui supporte les grosses réparations.
Encore et surtout, l'emphytéote a un droit réel foncier et est propriétaire
de tout ce qu'il a incorporé au fond, alors que dans le bail ordinaire, le
locataire a un droit réel personnel immobilier, et n'a pas, en principe, le
droit d'incorporer des immeubles dans le fond, auquel cas ils
appartiendraient au concessionnaire. L'emphytéote a tous les droits de
disposer de tout ce qui se trouve dans sa concession.

1 Art. 145, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 388.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

3. La superficie

a. Définition

« La superficie est le droit de jouir d’un fonds appartenant à l’Etat et de


disposer des constructions, bois, arbres et autres plantes qui y sont incorporés »1. La
superficie est ici semblable à l'emphytéose, sauf que celle-ci porte sur un
fonds inculte, dont il est à la charge de l'emphytéote de cultiver. Ce type de
contrat est rare, et se retrouve plus dans les concessions forestières.
La superficie ne peut être établie pour un terme excédant vingt-cinq
ans renouvelable2.

b. Droits et obligations3

Le superficiaire a tous les droits de l’usufruitier. Il a droit de construire


et de planter à son gré. Il a le droit de disposer même des constructions,
bois, arbres et autres plantes qui existaient dans le fonds lors de son
entrée en jouissance.
Le superficiaire peut accorder à des tiers l’usage, l’habitation ou l’usufruit
des immeubles incorporés au sol. Sauf stipulations contraires du contrat
constitutif de superficie, il peut librement céder son droit. Il reste garant
de l’exécution des obligations du nouveau concessionnaire envers l’Etat,
à moins que le contrat constitutif n’en dispose autrement.

Pour le reste, le superficiaire a pratiquement les mêmes droits que


l'emphytéote. Les dispositions des articles 112 et 113 sur l’emphytéose
sont, mutatis mutandis, applicables à la superficie.

1 Art. 123, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 124, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 126-129, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

4. L'usufruit

a. Définition

« L’usufruit concédé par l’Etat à une personne sur un fonds est le droit pour
elle d’user et de jouir de ce fonds, comme l’Etat lui-même, mais à la charge de le
conserver dans son état »1.

b. Droits et obligations2

L’usufruitier a le droit de jouir des fruits naturels civils et industriels


que peut produire le fonds.
L’usufruit concédé par l’Etat peut l’être à titre gratuit, s’il est limité
aux besoins de l’usufruitier et de sa famille.
Il ne peut être stipulé pour un terme excédant vingt-cinq ans
renouvelable. L’usufruit ainsi constitué s’éteint par la mort de l’usufruitier avant
l’expiration du terme convenu.
A l’extinction de l’usufruit, l’usufruitier ou ses ayants-droit peuvent
enlever ce que l’usufruitier a incorporé au sol. A défaut, ces biens sont
délaissés et sont acquis à l’Etat sans qu’il soit tenu à l’indemnité.
L’usufruitier ne peut céder son droit. Il peut le donner en garantie.
Lorsque l’usufruit est à titre onéreux, l’usufruitier doit payer à l’Etat
une redevance égale au moins au quart de ses recettes. Elle peut être
remplacée par un paiement en nature ou par des services.

5. L'usage

L’usage d’un fonds est le droit que l’Etat reconnaît à une personne d’en
jouir soi-même avec sa famille, soit en y habitant, soit en y créant des entrepôts pour
soi-même3. Il ne peut être concédé pour un terme excédant quinze ans
renouvelable.

1 Art. 132, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 133-140, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 141, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1180
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L’usager peut mettre une partie de ses équipements et installations


à la disposition des tiers, contre ou sans rémunération, mais uniquement
dans la mesure requise pour couvrir ses frais et ceux de sa famille1.
L’usage peut être à titre gratuit.
On peut retenir des concessions ordinaires qu’elles sont
temporaires. Leur durée générale est de 25 ans renouvelable — sauf 15,
pour l'usage et 3 pour la location —. En tant que concessions, les
concessions ordinaires sont prouvées par un certificat d'enregistrement
— sauf pour la location —2. Elles s'éteignent de la même manière que
les concessions perpétuelles3.

Paragraphe 3
Régime des concessions gratuites

En dehors des concessions perpétuelle et ordinaires, il existe


également des concessions gratuites.
Les concessions gratuites sont des concessions que la loi organise
en faveur de certaines personnes et à certaines conditions particulières4.
La gratuité tient du fait que les bénéficiaires ne déboursent pas de l'argent
pour obtenir ces concessions, sauf les frais de bornage et de mesurage.
Comme conditions, il faut distinguer selon qu'il s'agit des personnes
physiques congolaises ou des personnes morales.
Pour les personnes physiques congolaises, il faut être congolais, avoir
rendu des services éminents à la nation, n'avoir pas déjà obtenu une concession
gratuite. Le bénéficiaire doit s'engager à mettre personnellement en valeur
la concession. Elles ne peuvent être octroyées que pour des terres situées
à 10 km des circonscriptions urbaines.
Quant aux personnes morales, elles ne peuvent avoir des
concessions gratuites de +10 Ha pour les circonscriptions urbaines, et
+200 Ha pour les terres rurales. La CSJ a eu à juger qu'est fondée et
entraîne annulation de l'arrêté entrepris et de tous les actes juridiques

1 Art. 142, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 219, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 145, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


4 Lire Art. 160-168, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des

biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1181
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

dont il a servi de base, un moyen d'annulation qui reproche à un arrêté


du ministre des affaires foncières, portant morcellement d'une parcelle
pour l'attribuer à titre gratuit aux particuliers, société commerciale et
personne physiques, d'avoir fait mauvaise application de la loi, puisque
seuls les établissements publics et les établissements privés d'utilité
publique et les associations sans but lucratif peuvent être bénéficiaires
d'une telle attribution1.

Section 3
Les servitudes foncières

Paragraphe 1
Définition

Aux termes de la loi, « une servitude foncière est une charge imposée sur un
fonds pour l’usage et l’utilité d’un autre fonds »2. En d'autres termes, il s'agit
d'un droit qu'a le propriétaire d'un fonds d'en augmenter l'utilité ou l'agrément au
détriment d'un fonds appartenant à un autre propriétaire, de manière que celui-ci
subisse une restriction des attributs de sa propriété3.
En clair, la servitude est un ensemble d'obligations restrictives de la
propriété d'une personne sur un fonds, permettant au propriétaire voisin d'user de son
fonds. En effet, au regard par exemple de la nature ou de la situation des
lieux — un fonds situé en contrebas d'un autre sur un terrain en pente,
un fonds enclavé, un fonds dont les immeubles d'habitation sont
construits sur un seul niveau, face à celui dont les immeubles sont en
étage, etc. —, l'usage par un propriétaire de son droit de propriété peut
paraître gênant, désagréable ou malaisant. Ainsi, la loi ou la convention
notamment peuvent imposer un certain nombre d'obligations à un fonds
dit servant, en vue d'améliorer l'usage ou l'agrément du fonds défavorisé
dit dominant. C'est la servitude.
La servitude a quatre caractères4 : un caractère immobilier, parce
qu'elle porte sur un immeuble par nature — le fond — ou par
incorporation — le bâtiment — ; un caractère accessoire dans ce sens que
pour qu'elle existe, il faut qu'on soit en présence d'un droit de concession

1 C.S.J., R.P.A. 291, 28 juill. 1994.


2 Art. 169, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 401.
4 F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 774.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

qui est principal ; un caractère perpétuel, relié au caractère accessoire, car


la servitude demeure attachée à l'immeuble aussi longtemps qu'existe
celui-ci, peu importe qu'il change de propriétaire ; et indivisible, car elle
grève ou impacte tout l'immeuble et non une partie de l'immeuble, de
sorte que le fonds dominant profite de la servitude dans son intégralité.

Paragraphe 2
Éléments constitutifs

La servitude suppose en principe l'existence de deux fonds appartenant


à deux propriétaires ou concessionnaires différents. Cela dit, il peut exister des
servitudes établies par la loi et ayant pour objet l'utilité publique ou l'utilité
particulière.
L'existence d'une servitude nécessite donc deux fonds distincts
appartenant à deux concessionnaires ou propriétaires différents. Les
deux fonds doivent être voisins. Les fonds sont appelés fond dominant et
fond servant. Le fond dominant est celui qui bénéficie de la charge, et le
fond servant, celui sur lequel la charge est imposée.

Paragraphe 3
Sources des servitudes

Aux termes de la loi, la servitude « découle soit de la situation naturelle


des lieux, soit des obligations imposées par la loi ou des conventions entre l’Etat et le
concessionnaire du fonds ou entre concessionnaires »1. Il existe donc les servitudes
naturelles, légales et conventionnelles.

Point 1
Les servitudes naturelles

Les servitudes naturelles sont celles qui ne sont pas créés par
l'homme mais qui sont le fait de la nature. Il en est ainsi des servitudes
d'écoulement d'eau. La loi dispose que « les fonds inférieurs sont assujettis envers
ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que
la main de l’homme y ait contribué »2.

1 Art. 170, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 171, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1183
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Dans ces servitudes, la loi dispose à titre de droits et obligations


que « l’Etat ou le concessionnaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche
cet écoulement ». En contrepartie, « l’Etat ou le concessionnaire supérieur ne peut
rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur ».

Point 2
Les servitudes légales

Les servitudes légales sont celles établies par la loi pour une utilité
publique ou particulière1. La loi assujettit les propriétaires ou les
concessionnaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre
indépendamment de toute convention. Parfois, il n'y a même pas de
fonds dominant bénéficiaire de la servitude.
Les différentes servitudes qui peuvent être établies par la loi sont,
notamment, les murs mitoyens, la distance à observer et les ouvrages
requis pour certaines constructions, les vues, l’égout des toits, le droit de
passage, etc.
Les autres servitudes seront réglementées par un arrêté conjoint des
commissaires d’Etat ayant les terres et l’urbanisme dans leurs
attributions2. Sont ainsi érigées en servitude : les espaces verts, les
emprises des routes d'intérêt public, les rives des cours d'eau allant
jusqu'au moins 10 m, les emprises des lignes de haute tension sur une
distance de 25 m de part d'autre, les emprises des chemins de fer de 5 à
50 m, les emprises des cimetières, etc. Toute occupation, toute
construction et lotissement dans les servitudes ci-dessus sont interdites,
au risque d'être démolies aux frais de leurs constructeurs3.
Les servitudes légales peuvent être avec fonds dominant, tels que
la servitude aéronautique, interdisant des constructions à une certaine
hauteur à côté des aéroports ; ou celle interdisant de débrousser sur des
pentes afin d'éviter l'érosion. Elles peuvent être sans fonds dominant,
telle que l'interdiction de construire à proximité d'un cimetière.
Il importe de noter qu'indépendamment des servitudes d'utilité
publique, ci-devant énumérées, l'Administration peut édicter différentes

1 Art. 173, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 176 Al. 2, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des

biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Lire Art. 1-3, Arrêté interministériel n° 0021 du 29 octobre 1993 portant

application de la réglementation sur les servitudes.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

mesures tendant à limiter l'exercice du droit de propriété dans le cadre


du respect de l'ordre public. Il en est ainsi des murs mitoyens dans les
circonscriptions urbaines, la distance à observer pour le recul, la
construction des voiries, les vues, les égouts des toits, le droit de passage,
les servitudes aéronautiques, etc. Il s'agit en plus de restrictions au droit
de propriété que des servitudes au sens plein du terme.
Ainsi constaté, les servitudes légales n'exigent pas l'existence de
deux fonds. L'existence d'un fonds dominant et d'un fonds servant n'est
pas essentielle à l'existence d'une servitude créée par la loi1. Dans cette
mesure, l'inobservation d'une telle servitude ne peut être invoquée par
tout tiers que si elle lui cause un trouble personnel2. Il a donc été décidé
que, viole les articles 173 et 175 de la loi du 20 juillet 1873, l'arrêt de la
Cour d'Appel qui restreint la portée de la loi instituant cette servitude,
en déclarant que l'empiétement de la servitude de passage par
l'empiétement de la voie publique ne peut être invoqué que par la
République, l'Hôtel de ville de Kinshasa et le Conservateur des titres
immobiliers, car aux termes de l'article 173, la loi instituant la servitude
de passage permet non seulement à l'autorité publique de l'invoquer,
mais aussi à toute personne intéressée dans un litige foncier pour faire
prévaloir ses droits3.

Point 3
Les servitudes conventionnelles

L’Etat ou le concessionnaire peut établir sur son fonds ou sa


concession ou en faveur de son fonds ou de sa concession telles
servitudes, que bon lui semble, pourvu néanmoins que les services
établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne,
mais seulement à un fonds ou une concession et pour un fonds ou une concession et
pourvu que ces services n’aient d’ailleurs rien de contraire à l’ordre
public4.

1 Cass. fr., Civ., 1e, 30 avril 1963.


2 Cass. fr., Civ., 1e, 6 janv. 1972.
3 C.S.J., R.C. 2379, 28 juil 2000.
4 Art. 177, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1185
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 4
Caractères des servitudes

Les servitudes sont ou continues ou discontinues1. Elles sont apparentes


ou non apparentes2.
Les servitudes continues sont celles dont l’usage est ou peut être
continuel sans avoir besoin du fait actuel — de l'intervention — de l’homme : tels
sont, les conduites d’eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.
Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l’homme
pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres
semblables.
Les servitudes apparentes sont celles qui s’annoncent par des ouvrages
extérieurs, tels qu’une porte, une fenêtre, un aqueduc. Les servitudes non
apparentes sont celles qui n’ont pas de signe extérieur de leur existence, comme
par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds ou de ne bâtir qu’à une
hauteur déterminée — servitude non aedificandi —.
Les deux groupes de caractères peuvent être mélangés. Dès lors, il
peut y avoir des servitudes continues et apparentes ; continues et non
apparentes ; discontinues et apparentes et discontinues et non
apparentes.
En droit belge, du point de vue de leur établissement, seules les
servitudes continues et apparentes s'acquièrent par prescription — et
non en droit congolais — ; elles sont protégées par les actions
possessoires et donnent naissance à la servitude par destination du père
de famille. Enfin, elles ne s'éteignent pas par non-usage d'autant que leur
extinction nécessite toujours un acte contraire à l'existence de la
servitude.

Paragraphe 5
Modes d'établissement des servitudes

Les modes d'établissement des servitudes renvoient à la façon dont


on prouve l'existence ou l'établissement des servitudes. Les sources des
servitudes sont diverses. Dès lors, leur mode d'établissement dépend de
ces sources.

1 Art. 178, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 179, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Une servitude peut être établie par un acte juridique, elle peut être
acquise par prescription, ou par destination de père de famille.

Point 1
Établissement par titre

Le titre qui prouve l'existence de la servitude peut être tout acte


juridique authentique ou sous seing privé, un contrat ou un acte
réglementaire. Les servitudes, autres que les servitudes naturelles, ne
peuvent s'établir que par titre, c'est-à-dire que par le certificat
d'enregistrement1.

Point 2
L'acquisition de la servitude par prescription

La propriété foncière ou immobilière — qui est ici le principal —


ne peut être acquise par prescription, la servitude — qui en est
l'accessoire — non plus.

Point 3
Par destination du père de famille

« II n'y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux
fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui
que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude »2.
Deux éléments constitutifs apparaissent dans cette définition3 :
d'abord, un aménagement. Le propriétaire a réalisé, entre deux parties de
son fonds ou entre deux parcelles lui appartenant, un aménagement qui
aurait constitué une servitude s’il avait concerné des parcelles
appartenant à des propriétaires différents. Il a, par exemple, installé un
aqueduc, un système d’écoulement des eaux, un passage, des fenêtres ou
autres ouvertures dans un bâtiment.
Ensuite, une division ultérieure. Le propriétaire du fonds ou des
parcelles ainsi aménagés a, par exemple, cédé une partie du fonds ou
l’une des parcelles, ou ses successeurs ont procédé à un partage, sans

1 Élis., 27 fév. 1926.


2 Art. 693, Code civil français.
3 F. TERRE et P. SIMLER, op. cit., p. 795.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

qu’ait été modifié ledit aménagement, qui prend alors la nature d’une
servitude.

Paragraphe 6
Droits et obligations des propriétaires

Dans la situation d'une servitude, il y a toujours deux fonds : le


servant — qui souffre de la servitude — et le dominant — qui en
bénéficie —.

Point 1
Droits et obligations du propriétaire du fonds dominant

Le propriétaire du fond dominant peut réaliser tout ouvrage nécessaire à


la servitude, c'est-à-dire, tout ce qu'il faut pour user de la servitude ou pour
la conserver. Il a droit également à des servitudes accessoires — à la servitude
principale —.
Le propriétaire du fonds dominant ne peut user de la servitude que
suivant le titre. Il ne peut rien faire qui aggrave la servitude.

Point 2
Droits et obligations du propriétaire du fonds servant

Le propriétaire du fonds servant n'a, en principe, rien à faire, sinon


des obligations de ne pas faire. Il est simplement tenu de supporter la
servitude.
Les deux propriétaires sont donc chacun astreints à des obligations
réciproques. Dans une espèce, les deux propriétaires ont été condamnés
pour violation chacun de son obligation. Il a en effet été constaté que «
le propriétaire du fonds servant à manqué à son obligation passive de ne
pas élever de digue. D'une part, il a édifié une murette à la bordure des
deux fonds de laquelle sort un tuyau de 200 millimètre de diamètre
aboutissant à une rigole construite par lui qui achemine l'eau vers un plan
d'eau dont le trop plein s'écoule dans le fossé de la route (...) Le
propriétaire du fonds dominant a manqué à son obligation de ne pas
aggraver la servitude, dès lors que les eaux de ruissellement se mêlent
aux eaux usées provenant de son habitation »1.

1 C.A. Toulouse, 17 déc. 2013.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 7
Extinction des servitudes

Les servitudes s'éteignent selon le mode d'établissement ou de leur origine,


notamment en cas de confusion des deux fonds sur un même propriétaire
ou concessionnaire. La renonciation est un autre mode d'extinction. La loi
peut abroger une servitude qu'elle a créée. La volonté humaine met fin à la
servitude conventionnelle. La nature peut de même supprimer une
servitude naturelle.

Paragraphe 8
Actions judiciaires en matière de servitude

Il existe deux actions en matière de servitudes : l'action confessoire


et l'action négatoire1. L’action possessoire consiste à dire en justice
qu'une servitude existe. L'action négatoire, consiste à nier l'existence
d'une servitude.

1 V. KANGULUMBA, op. cit., p. 415.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1190
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Le régime immobilier : les droits réels immobiliers
Le régime immobilier congolais est régi par le système de l'Act Torrens
: les droits de jouissance foncière et de propriété immobilière ne peuvent
être prouvés que par un certificat d'enregistrement établi par le
conservateur des titres immobiliers. En cas de mutation ou de
changement de propriétaire, un nouveau certificat doit être établi à la
place de l'ancien, au profit du nouveau propriétaire. Un tel système
favorise la sécurité juridique des transactions immobilières. Dans la suite et
conséquemment, les droits inscrits dans le certificat ainsi établi sont
inattaquables, peu importe le vice contenu dans le contrat ou le jugement
par exemple, sur base duquel il a été établi. Les actions ne sont possibles
qu'en dommages-intérêts. Néanmoins, une action en rétrocession est
possible, endéans deux ans à dater de l'établissement du certificat. Le
système ainsi dit de l'Act Torrens constitue une « véritable clé de voûte
du droit congolais des biens fonciers et immobiliers »1.

Section introductive
Bref historique de l'Act Torrens

Le système congolais est inspiré de l'Act Torrens2.


Le certificat d'enregistrement est inspiré du Real Property Act adopté
en Australie du sud en 1858 et mis au point en 1861 sur l'initiative du Sir
Robert Torrens en vue d'établir la sécurité des transactions immobilières et de
faciliter ces transactions, spécialement dans le domaine du crédit foncier.
Dans le système de l'Act Torrens, la propriété immobilière ne s'acquiert
et ne se transmet que par le certificat d'enregistrement dressé en présence
du conservateur des titres immobiliers.
La sécurité des transactions immobilières y est assurée par trois règles
: aucun acte translatif de propriété ou constitutif d'hypothèque ayant pour objet un
immeuble, ne produit ses effets qu'à partir de l'enregistrement ; l'enregistrement s'opère

1 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 890.


2 Voy. LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 890-896 ; KATUALA KABA
KASHALA, « La jurisprudence congolaise en matière de preuve de la propriété
immobilière », in V. KANGULUMBA (dir.), La loi du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés au Congo. Trente ans après
: quel bilan ? Essai d'évaluation, Academia-Bruylant-Éditions Kazi, Bruxelles-
Kinshasa, 2003, pp. 57-77.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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par l'intermédiaire d'un fonctionnaire de l'État qui établit un nouveau certificat


d'enregistrement au nom de l'acquéreur après avoir annulé celui qui lui a
été remis par l'aliénateur ; tout certificat du titre dûment scellé et signé
du registre général fera foi en justice de son contenu et de son immatriculation et
sera preuve que la personne qui y est dénommée est réellement investie
des droits qui y sont spécifiés.
Le système de l'Act Torrens a été introduit en RDC déjà du temps
de l'EIC par des textes épars, notamment le décret du 9 avril 1893 qui
disposait que « la propriété se constate par un certificat d'enregistrement
délivré par le conservateur des titres fonciers ».
Mais c'est surtout avec le décret du 6 février 1920 que les règles ont
été réunies de manière cohérente pour former un véritable système, ne
constituant en fait que le développement et la codification de
nombreuses règles éparses sous l'EIC. Ce décret innove par ailleurs en
ajoutant le titre successoral comme cause d'enregistrement. Par ailleurs,
le décret ajoute que l'enregistrement est affranchi de toutes les causes de
résolution ou d'annulation qui frapperaient le contrat de base.
Bien qu'abrogés par la loi de 1973, les principales règles de l'Act
Torrens qui avaient été consacrées par le décret du 6 février 1920 ont été
reprises par la loi de 1973. On note qu'en matière de transmission de la
propriété immobilière, les principes généraux consacrés sont les suivants
: les principales règles de l’Act Torrens qui avaient été consacrées par le
décret du 6 février 1920 ont été reprises. Elles ne diffèrent des principes
de l’ancien décret que sur le fait qu’au lieu de la propriété privée du sol,
il faut parler du « droit de jouissance ». Pour le reste l’organisation
technique reste la même ; le maintien de l’ancien système qui organise
l’inattaquabilité « du Certificat d’enregistrement » a été dicté par la
préoccupation qui avait nécessité son instauration : ne pas entraver la
circulation des biens immobiliers pour ne pas ébranler le crédit par
l’insécurité qu’aurait présenté le danger d’éviction intempestive ; en ce
qui concerne l’établissement du titre de propriété « Certificat
d’enregistrement », compte tenu de la séparation nécessaire entre le droit
de jouissance et la propriété privée des immeubles, la loi a posé
l’obligation pour le conservateur de mentionner séparément les données
relatives au droit de jouissance concédé par l’Etat et les immeubles qui
sont une propriété séparée. S’agissant des charges grevant les biens et
qui doivent figurer au Certificat, il sera fait également mention
séparément de la nature des droits ou des biens qui sont grevées ; quant

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

au surplus, les règles sont les mêmes que celles de l’ancien régime,
lesquelles règles répondent aux mêmes motivations1.

Section 1
Établissement des droits réels immobiliers et fonciers

Paragraphe 1
Nécessité du certificat d’enregistrement

« Le droit de jouissance d’un fonds n’est légalement établi que par un certificat
d’enregistrement du titre concédé par l’Etat. La propriété privée des immeubles par
incorporation, qui est toujours envisagée séparément du sol, n’est légalement établie
que par l’inscription, sur le certificat établissant la concession du fonds, desdits
immeubles. Elle peut être établie par un certificat d’enregistrement distinct dont il est
fait annotation sur le certificat établissant la concession »2.
L'enregistrement ne porte que sur trois mentions : la propriété privée
des immeubles, les concessions et les charges réelles immobilières.
La loi dispose que « le droit de jouissance d’un fonds n’est
légalement établi que par un certificat d’enregistrement ». Il s'agit là du
droit de concession sur le fonds.
Par ailleurs, « la propriété privée des immeubles par incorporation
(...) n’est légalement établie que par l’inscription, sur le certificat
établissant la concession du fonds, desdits immeubles. Elle peut être
établie par un certificat d’enregistrement distinct dont il est fait
annotation sur le certificat établissant la concession ». Il s'agit d'une
manière de matérialiser le droit de propriété sur ces immeubles qui, sur
pied de l'article 21 de la loi foncière, sont déjà présumés appartenir au
concessionnaire.
Toutefois, les immeubles par incorporation tels que les arbres, les plantes, les
fruits et les récoltes ne font pas l'objet d'immatriculation d'autant plus qu'ils sont
connus et naturellement attachés au fonds. De même, les meubles par
anticipation ne font pas l'objet d'enregistrement. Les immeubles par destination non
plus. Encore moins la propriété foncière de l'État qui résulte de la loi-même.
Enfin, les charges réelles dont est grevé l'immeuble fait également
l'objet d'un certificat d'enregistrement. La loi dispose qu' « à l’exception

1 Exposé des motifs, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des
biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 219, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

des servitudes légales, (...) nulle charge ne frappe la propriété


immobilière si elle n’est inscrite au certificat d’enregistrement. Doit
également être inscrit au certificat, tout contrat de location fait pour une
durée de plus de neuf ans »1.
Il a été jugé que « viole la loi, le juge qui déclare une personne
propriétaire d'un immeuble litigieux en l'absence d'un certificat
d'enregistrement »2. Car « en l'absence d'un contrat de location ou d'un certificat
d'enregistrement, tout autre titre est inopérant pour établir ou transmettre un droit
réel immobilier »3.
Par ailleurs, on l'a dit, le livret de logeur est également admis lorsqu'il a été
établi avant la loi de 1973. Ainsi, viole la loi, « le juge qui reconnaît le droit
de jouissance et le droit de devenir concessionnaire sur une parcelle de
terre à une personne démunie des titres prévus par la loi, en l'espèce la
fiche parcellaire et le livret de logeur signés par un commissaire de zone
»4 .

Paragraphe 2
Vertus du certificat d'enregistrement : le certificat
d'enregistrement crée-t-il le droit de jouissance foncière et de
propriété immobilière, ou constate-t-il un droit créé par le contrat
?5

La doctrine et la jurisprudence sont divisées à l'idée de savoir si le


certificat d'enregistrement crée le droit qui y est contenu, où ne fait-il
que constater un droit préalablement créé par le contrat — de location
conclu avec l'État, ou surtout, le contrat de vente conclu entre
particuliers —.

1 Art. 220 Al. 2 & 3, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des
biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 C.S.J., R.C. 1266, 5 sept. 1990.
3 C.A. Kin/Matete, 30 avr. 1993.
4 C.S.J., R.C. 1972, 24 juillet 1998.
5 Sur ce débat : Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 970-985 ; V.

KANGULUMBA, op. cit., pp. 466-475 ; KATUALA KABA KASHALA, « La


jurisprudence congolaise en matière de preuve de la propriété immobilière », in
V. KANGULUMBA (dir), La Loi du 20 juillet 1973… loc. cit.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Intérêt du débat

L'intérêt du débat réside dans les conséquences juridiques de l'une ou


l'autre option, dans l'hypothèse très risquée où le vendeur d'un immeuble,
ayant déjà acquis le prix ou une partie du prix de l'acheteur et préalablement à
l'opération d'enregistrement ou de mutation des titres, aliénait l'immeuble pourtant
déjà vendu, à une tierce personne avec qui il passait rapidement les
formalités d'enregistrement.
Dans cette occurrence, quelle sera la protection pour le premier
acheteur coiffé au poteau ? Pourrait-il attaquer le certificat
d'enregistrement obtenu en fraude de ses droits en nullité pour vente
d'une chose appartenant à autrui — la vente d'une chose d'autrui étant
nulle — ? Pourrait-il engager la responsabilité pénale du vendeur pour
stellionat — vente d'une chose d'autrui — ?
Sur le plan civil, si le contrat crée déjà la propriété, alors la deuxième
vente pourra être déclarée nulle. Par contre, si le contrat ne crée pas la
propriété, la deuxième vente demeurera valable et l'acheteur fraudé ne
pourra éventuellement qu’engager la responsabilité civile du vendeur et
éventuellement du second acheteur, s'il était au courant du contrat de
vente conclu avec le premier acheteur.
Sur le plan pénal, le vendeur ne pourra pas engager sa responsabilité
pénale pour stellionat si le premier contrat ne crée pas la propriété.

Point 2
Principes de solution

A. Au civil

1. La doctrine du contrat créateur des droits réels


immobiliers

Pour Vincent Kangulumba, il s'affiche que l'enregistrement opéré


par le conservateur ne porte pas sur le droit de propriété ni encore ne
crée ce dernier. Il s'agit plutôt de l'enregistrement du « titre ». Ce mot est
le fait de la reconnaissance de la vente ou de la concession. Celle-ci ne
peut résulter que d'un droit préexistant et qui ouvre le droit à
l'établissement du certificat d'enregistrement : jugement ou contrat
authentique. Telle est la précision apportée par le rapport du Conseil
colonial : “ le titre authentique peut être une convention conclue avec le

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

propriétaire du sol soit un jugement ”. Plusieurs décisions ont confirmé


ce point de vue : il a par exemple été jugé que “ l'article 264 du CCL3 ne
trouve pas application en matière immobilière, mais l'accord des parties vaut
vente, nonobstant le défaut de l'enregistrement, et donne à l'acheteur le droit de devenir
propriétaire sur l'immeuble vendu et d'imposer au vendeur l'obligation de passer acte
authentique et de transférer le propriété par l'enregistrement ”1. Il en résulte que le
certificat d'enregistrement n'est qu'une preuve de l'existence ou de transfert des droits.
Lorsque dans une espèce, la Cour suprême juge que « le juge d'appel
n'a pas violé la loi, car en matière de transmission des droits immobiliers,
l'enregistrement est un acte créateur de droits immobiliers »2, une telle
position est critiquable. Car, il est admis que le principe est que la
propriété immobilière et le droit de jouissance foncière ne peuvent être
légalement établis que par le certificat d'enregistrement les constatant.
Cela signifie que matériellement, le droit existe mais il est formellement inopérant,
inopposable, s'il ne passe pas par les formalités de l'enregistrement. Car un certificat
ne peut être dressé qu'en vue de constater, de fixer et de concéder un titre reconnaissant
le droit d'un particulier. Dans cette mesure, on ne peut enregistrer, ni prouver
quelque chose qui n'existe pas. Ainsi donc, le droit constaté dans le certificat
existe par le contrat d'aliénation, qui certes n'est opposable qu'entre parties,
mais pour satisfaire à la condition de l'art 231 — mutation — doit être
reçu en forme authentique et le droit transféré doit être constaté dans un
acte appelé certificat d'enregistrement. Sinon la mutation manquerait à
la formalité substantielle exigée par la loi mais le droit de propriété est transféré
dès l'échange des volontés.
L'auteur renchérit : la Cour suprême a eu à juger plusieurs fois que
« l'attribution par l'État des titres de propriété précaire sur un fond
occupé par le défendeur lorsque le demandeur n'y détenait aucun titre et
qu'il prétend à tort que l'acte de vente passé entre lui et le défendeur,
parce que n'ayant pas été authentifié, n'avait pas transféré la propriété en
sa faveur »3. À bon droit, la Cour suprême décide que « l'article 231 de
la loi n'a jamais consacré l'authentification comme condition de validité
du contrat de vente immobilière. Il concerne plutôt les mutations à
opérer en vertu d'un contrat d'aliénation. La vente est valable lorsqu'elle
remplit les conditions légales, notamment lorsqu'il y a accord sur la chose
et sur le prix »4.

1 Léo., 13 mai 1924. Voy. aussi Léo., 8 oct. 1946 ; Élis., 20 nov. 1948.
2 C.S.J., R.C. 265, 16 juin 1982.
3 C.S.J., R.P.R 005/C, 11 mars 1998.
4 C.S.J., R.C. 2671/2672, 6 mai 2005.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Au sujet de l'argument selon lequel en vertu de l'article 660 du Code


civil livre 3, les dispositions dudit code — notamment en matière de
vente immobilière — ne seraient pas applicables en matière de biens, car
cet article disposant que « les dispositions du présent livre ne sont
applicables en matière de propriétés foncières que pour autant qu'elles
ne sont pas contraires aux lois particulières sur le régime foncier »,
l'auteur pense qu'en réalité, le sens de cet article réside dans son histoire.
Entre 1885 et 1973, certains particuliers étaient des propriétaires
fonciers. Les indigènes l'étaient également par rapport aux terres
indigènes — devenues terres des communautés locales —. Ces terres
pouvaient être vendues. L'EIC avait pris des dispositions tendant à
protéger les indigènes contre la dépossession de leurs terres par certaines
personnes peu scrupuleuses. Par ailleurs, la conception des terres
vacantes était incompatible avec celles qu'avaient les noirs de la terre.
Pour eux, une terre, fusse-t-elle inoccupée, avait toujours un maître.
D'où il sera inséré dans le code cette réserve comme quoi les ventes des
terres des indigènes sont régies par des textes particuliers et ces terres ne
sont pas soumises à la prescription, en particulier, à la prescription
acquisitive de l'article 648.
Pour souligner la licéité de la vente immobilière, la jurisprudence a
décidé notamment que « les ventes successives d'immeubles non suivies
de mutation ne sont pas opposables aux tiers mais sont parfaites entre
parties par le seul accord de leur volonté sur la chose et le prix. La vente
de l'immeuble de l'acquéreur est licite, encore que l'immeuble reste
inscrit au nom du premier vendeur »1. De même, « l'enregistrement ne
confère pas le droit de propriété, mais il le constate officiellement de
façon à le rendre inattaquable ; l'acte translatif de propriété est le pacte
de la vente, lequel renferme la volonté des parties et fait la loi de celles-
ci »2. Encore, « lorsque les parties sont d'accord sur la chose et sur le
prix, la vente de l'immeuble se trouve parfaite entre elles,
indépendamment de l'acte authentique destiné à les constater »3.
Accréditer la thèse qu'avant l'intervention de l'État — enregistrement —
il n'y a aucune volonté expressive ou transmissible de droit, serait
juridiquement incorrect. Sinon, on admettrait que l'enregistrement se ferait ex
nihilo, sans base. Pourtant, cette dernière existe juridiquement.

1 Léo., 8 oct. 1946.


2 Kin., R.C.A. 788, 25 août 1977.
3 Kin., R.C.A. 8063/8071, sept. 1977.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ces positions sont aussi celles de Dufrenoy et Van Damne1. Pour


Dufrenoy, « le certificat est la perfection de l'acte, il le rend intangible, inattaquable
vis-à-vis des tiers ». Pour Van Damme, « il ne serait pas raisonnable de soutenir
qu'entre l'acheteur et le vendeur, et aussi longtemps que le conservateur des titres
immobiliers n'a pas encore remis un nouveau certificat d'enregistrement à l'acheteur,
celui-ci serait sans droit. Puisqu'il ne peut sans raison être sans droit, c'est que la
propriété est transmise entre parties avant que le nouveau titre de propriété ait été
remis à l'acheteur ».

2. La doctrine du certificat contrat créateur des


droits réels immobiliers

a. En doctrine

Cela dit, Léon Kengo wa Dondo2 renseigne que Dufrenoy et Van


Damne — et même Kangulumba — n'ont pas eu beaucoup d'adeptes
dans la jurisprudence congolaise et « certaines décisions qui vantent le
pouvoir translatif de la propriété immobilière par les contrats ignorent le
caractère formel et d'ordre public de la loi foncière inspirée non du droit
français et belge mais du droit australien.
C'est qu'en effet, la doctrine majoritaire penche pour la thèse de
l'effet créateur des droits du certificat d'enregistrement. Lukombe
Nghenda enseigne ainsi que la loi, s'inspirant des principes du système
Torrens, consacre une règle selon laquelle, à la différence des législations
issues du Code Napoléon, la propriété immobilière ne peut se
transmettre, soit par la vertu d'une convention ou un jugement, soit enfin
par le fait du décès. Seul l'enregistrement, c'est-à-dire, l'établissement d'un nouveau
certificat opère pareil transfert, non seulement à l'égard des tiers mais également entre
parties. Ainsi, le droit écrit des biens congolais ignore le principe du transfert solo
consensu. Le contrat d'aliénation « est inopérant à faire passer le droit de propriété
d'une partie sur la tête de l'autre ». A chaque mutation, dit Galopin, « comme
autrefois dans les coutumes de nantissement, le fond est censé faire retour au seigneur,
qui en investit le nouveau titulaire ». Telle est, dit-il, la position de la
jurisprudence dominante.
L'auteur renseigne que du rapport du Conseil colonial, on pouvait
lire que « dans un pays neuf, il est plus simple et plus pratique de ne pas distinguer

1 Cités par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 976-977.


2 Cité par KATUALA KABA KASHALA, loc. cit., p. 68.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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entre les parties contractantes et les tiers, et de décider que la translation de la propriété
et la constitution de droits réels ne résultera que de l'enregistrement au livre foncier ».
Pierre Jentgne1, réagissant aux considérations ci-dessus de
Dufrenoy et de Van Damne, estimait qu' en dehors de l'intervention du
conservateur des titres fonciers, rien ne peut altérer la situation
immobilière telle qu'elle résulte des inscriptions faites au livre
d'enregistrement, ni la convention, ni le jugement, ni l'ordonnance
d'investiture. Un contrat de vente, par exemple ne confère pas à
l'acheteur la propriété de l'immeuble vendu, elle ne lui apporte qu'un
droit à devenir propriétaire. C'est le conservateur, par l'inscription
nouvelle qu'il fait au livre d'enregistrement, qui opère l'aliénation dans le
chef de l'une des parties et l'investiture dans celui de l'autre, c'est lui, en
somme, qui réalise le transfert du bien d'un patrimoine à l'autre. Le droit
réel immobilier, celui qui réside dans la chose, établissant un lien de droit
non pas entre deux personnes, mais entre une personne et une chose, ce
droit-là ne procède pas de la seule volonté des personnes. Sa naissance,
son démembrement ou remembrement, son transfert et son extinction
exigent impérieusement l'intervention d'un organe de la souveraineté
nationale : le conservateur des titres fonciers. Et c'est par des
interventions successives de ce genre que le droit réel immobilier naît,
évolue, transmigre et meurt.
Dans le même ordre d'idées, Dikete Onatshungu2 illustre : Primus
veut vendre son immeuble déjà immatriculé et Secundus se propose de
l'acheter. Les deux parties sont d'accord sur l'objet ou la chose et le prix.
Alors : d'abord, la mutation ne s'opère que par la délivrance d'un
nouveau certificat d'enregistrement. Ensuite, par l'obligation qu'il
impose d'établir un nouveau certificat, la loi prescrit par une sorte
d'implication nécessaire la publicité de cette mutation.
En gros, pour ces auteurs, l'article 220 « enlève à la convention son
effet translatif. Il ne laisse au contrat que son effet naturel qui est de créer
des obligations personnelles entre cocontractants.
Léon Kengo wa Dondo3 est dans le même sens aussi : « ce qui est
certain est qu'aucun acte translatif de propriété, ayant pour objet un immeuble, ne
peut produire ses effets qu'à partir de l'enregistrement (...) Ceci doit être reconnu pour
vrai aussi bien entre parties contractantes que des tiers ».

1 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 977.


2 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 978.
3 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 979.

1199
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

b. En jurisprudence

Cherchant des éclaircissements dans la jurisprudence, on note que


celle-ci était au départ divisée sur la question. La jurisprudence du
Congo-Belge penchait pour l'une ou l'autre thèse. Mais elle a fini par se
réunir vers la fin de l'indépendance, notamment par deux interventions
de la Cour de cassation de Belgique siégeant à l'époque en tant que juge
de cassation pour le Congo-Belge. Depuis, elle a suivi le même sens
majoritairement, après l'indépendance et même après la loi de 1973. Était
donc majoritairement admise en jurisprudence, la thèse de l'effet
créateur des droits du certificat d'enregistrement. Cela dit, on rencontre
encore quelques décisions accréditant l'autre thèse de l'effet translatif de
propriété par le contrat1.
Au début, la jurisprudence était divisée. Il avait été jugé qu' « attendu
que le présent jugement aura précisément pour effet de constater la
volonté formelle et précise du propriétaire des terrains de se dessaisir de
ceux-ci au profit (...) et de donner à l'expression de cette volonté toute
l'authenticité que requiert le décret (...) Ordonne au conservateur de
procéder au transfert de l'enregistrement »2.
Gohr3 critiquait d'ailleurs une telle solution. Pour lui, le jugement
verse dans l'erreur lorsqu'il énonce que le transfert de la propriété
immobilière s'opère dès le moment où existe l'accord des volontés et que
les formalités prescrites par la législation ne peuvent qu'être attachées à
la modalité du constat de ce transfert. D'après le décret de 1920 — il en
était d'ailleurs déjà ainsi sous l'empire de la législation antérieure sur la
matière4 — les contrats même authentiques sont impuissants à opérer
par eux-mêmes le transfert de la propriété non seulement à l'égard des
tiers, mais aussi entre les parties. Les contrats ne créent que l'obligation
de transférer la propriété ; seul l'enregistrement transmet le droit de
propriété.
Par contre, à l'opposé, l'on jugeait que « le transfert de la propriété
immobilière implique nécessairement l'annulation du certificat
d'enregistrement de l'aliénateur, suivie de l'établissement du certificat
d'enregistrement au nom de l'acquéreur »5. En conséquence, la vente

1 Lire LUKOMBE NGHENDA, op. cit., pp. 981-985.


2 Ie Inst., Léo., 12 avr. 1922.
3 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 982.
4 Ie Inst., Élis., 15 sept. 1913.
5 Ie Inst., Élis., 1e sept. 1923.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'un bien déjà vendu mais non encore enregistré, n'est pas une vente
d'une chose d'autrui : « attendu que l'argument titré de l'article 276 du
Code civil livre 3 déclarant nulle la vente de la chose d'autrui tombe
entièrement à faux ; qu'en effet, dans le système du droit romain —
français et belge — auquel la disposition légale en question est
empruntée, le mot “ vente ” signifie transmission de la propriété par le
seul consentement des parties contractantes au sujet de l'objet et du prix
; que tel n'est précisément pas le cas en droit colonial quant aux
immeubles, ce contrat d'aliénation engendrant au profit de l'acheteur un
droit de créance et à charge du vendeur l'obligation personnelle y
correspondante de transférer la propriété »1.
La jurisprudence a fini par se ranger du côté de la thèse du transfert
par enregistrement des droits de propriété immobilière. La Cour de
cassation de Belgique jugeait, par deux fois d'ailleurs, qu' « en droit
congolais pour la cession des biens immobiliers, l'échange de
consentement entre parties ne transfère pas la propriété immobilière et
qu'il ne donne naissance qu'à une obligation de faire, celle de passer acte
authentique permettant l'inscription au registre ; et qu'ainsi, la mutation
n'existe que par inscription »2.
La jurisprudence congolaise post indépendance majoritaire est
rangée sur cette règle3.
Cela dit, Tshilombo Munyengayi4 constatait que certains arrêts se
sont toutefois écartés du principe et ont confirmé l'effet translatif du
contrat de vente5. L'auteur note cependant que « dans aucune de ces
décisions, l'on a pu découvrir un quelconque cheminement raisonné,
tendant à repousser l'application au cas d'espèce, du principe de la loi de
1973 pour asseoir celui du contrat translatif. Il s'agit tout simplement de
mauvaise interprétation certaine, à moins qu'ils n'aient cherché à servir
la cause d'une des parties ».
Le principe ainsi posé de l'effet créateur des droits du certificat
d'enregistrement produisait des conséquences au niveau de la vente de
la chose d'autrui. Pour Lukombe Nghenda, « le droit congolais a consacré le
caractère translatif du contrat de vente ayant pour objet la cession des droits réels

1 Ie Inst., Stan., 9 avr. 1927.


2 Cass. b., 1e ch., 7 juilj. 1949 ; Cass. b., 1e ch., 2 fév. 1956.
3 C.S.J., RA 176, 28 août 1999 ; C.S.J., R.C. 1833, 29 avr. 1998 ; C.S.J., R.C. 1805,

28 juill. 2000.
4 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 987.
5 C.S.J., 20 nov. 1976 ; C.A. Kin., 25 août 1977.

1201
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

mobiliers (...) Mais cela n'est pas d'application en matière immobilière, car l'article
660 du Code civil livre 3 dispose que “ les dispositions du présent livre ne sont
applicables en matière de propriété foncière que pour autant qu'elles ne sont pas
contraires aux lois particulières sur le régime foncier ”. Ainsi, en matière immobilière,
le transfert des droits réels immobiliers et ceux de concession et dont le transfert de la
propriété immobilière n'a lieu que par enregistrement. La vente de la chose immobilière
d'autrui n'est donc pas nulle. En clair, l'article 276 du Code civil livre 3 est
inapplicable en matière immobilière »1.

B. Au pénal

Sur le plan pénal en matière de stellionat, il a été jugé que le


stellionat requiert que l'immeuble soit cédé à l'acheteur, « bien que ce dernier
n'ait pas entièrement payé le prix et en dehors du fait que le vendeur peut lui opposer
un certificat d'enregistrement à titre de son droit de propriété sur l'immeuble vendu »2.
Dans le même sens, il a été décidé que « le fait de vendre une parcelle
par acte matériel de vente sans droit immobilier sur celle-ci pour l’avoir
déjà aliénée au profit d’une tierce personne par une vente advenue entre
eux et surtout par la tradition au profit de cette tierce personne des titres
parcellaires de l’ancien propriétaire détenus par lui — élément matériel
— lorsque le prévenu a conscience de l’existence de la première vente
— intention frauduleuse — constitue le stellionat3.
Mais, il s'avère que sur le plan pénal, le juge pénal, fort de son
autonomie, interprète largement la question de l'appropriation dont il
trouve la preuve au-delà même du certificat d'enregistrement. Il a été
jugé que « pour déclarer la propriété sur l'immeuble, le juge n'a d'ailleurs pas à se
fonder uniquement sur le certificat d'enregistrement », il peut même se fonder sur
« des aveux libres des prévenus sur ledit droit, fait relevant de sa souveraine
appréciation »4.

1 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 1000.


2 C.S.J., R.P. 705, 5 nov. 1985.
3 C.A. Kin/Matete, R.P.A. 511, 14 juillet 2003.
4 C.S.J., R.P. 990, 3 juin 1986.

1202
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Notions de certificat d'enregistrement

Point 1
Définition

Le certificat d'enregistrement est un acte par lequel s'acquiert et se


transmet la propriété immobilière1. Il s'agit d'un acte par lequel le conservateur des
titres immobiliers enregistre un droit de jouissance ou un droit de propriété en lui
donnant une assise légale dans le but d'établir et de transmettre la propriété
immobilière.

Point 2
Procédure et forme, mentions et principes relatifs au certificat
d'enregistrement

En matière de forme d'établissement, on distingue la procédure


originaire — enquête préalable, concession-contrat et concession-droit —
et dérivée — notamment par l'achat d'une personne ayant déjà un
certificat d'enregistrement : c'est la mutation —.
Le certificat d’enregistrement est dressé en double ; il est daté, scellé
et signé du conservateur. L’un des exemplaires est dressé dans le livre
d’enregistrement — c'est le certificat fixe —, l’autre est délivré au titulaire
du droit enregistré — c'est le certificat mobile —2.
Le certificat d’enregistrement contient : l’indication précise du ou
des titulaires des droits ; la situation, la description, la superficie et le
croquis de l’immeuble ; les locations de plus de neuf ans et les charges
réelles autres que les servitudes légales, dont l’immeuble est frappé selon
les règles de publicité prescrites par la loi. L’exemplaire délivré au
nouveau propriétaire contient en outre, le numéro du folio du livre
d’enregistrement sur lequel le certificat est inscrit.

1 C.S.J., T.S.R. 001, R.C. 356, 21 déc. 1983.


2Lire Art. 225, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
Transmission des concessions et des droits réels immobiliers

Paragraphe 1
Notion

La mutation est l'acte par lequel le conservateur des titres immobiliers opère
le transfert des droits réels inscrits dans le certificat d'enregistrement d'une personne à
une autre. Pour les tenants de la thèse de l'effet translatif de propriété du
contrat, la mutation ne consiste pas à transférer au sens d'aliéner des
droits, il s'agit plutôt à procéder administrativement au changement de
l'identité des titulaires du droit dans le certificat d'enregistrement, le
transfert juridique de la propriété s'étant déjà opéré par le jugement ou
le contrat d'aliénation qui a servi de base à ladite mutation.
Aux termes de la loi, « les mutations, soit entre vifs, soit par décès, de la
propriété immobilière ne s’opèrent que par un nouveau certificat d’enregistrement »1.
La mutation est le changement de titulaire des droits réels immobiliers ou de
jouissance foncière. Lorsqu'une personne a vendu sa propriété immobilière,
la mutation, ou le changement des noms du titulaire, donne lieu à un
nouvel enregistrement de ce nouveau droit au nom du nouvel acquéreur.

Paragraphe 2
Conditions

Aux termes de la loi, « les mutations en vertu de contrats d’aliénation ne


peuvent être opérées que si ceux-ci sont passés en forme authentique (...) Les mutations
en vertu de jugements ne peuvent être opérées que s’ils sont passés en force de chose
jugée »2. Quant à elles, « les mutations par décès ne peuvent être opérées qu’en vertu
d’une ordonnance du juge du Tribunal de grande instance »3.
Il en découle le principe que les mutations en vertu des contrats
d'aliénation ne peuvent être opérés que si ceux-ci sont passés en forme
authentique. Les mutations en vertu des jugements ne peuvent être
opérés que s'ils sont passés en force de chose jugée. Les mutations par

1 Art. 220 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des
biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 Art. 231, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 Art. 233, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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décès ne peuvent être opérées qu'en vertu d'une ordonnance du juge du


tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble.

Paragraphe 3
Cas particulier des mutations en vertu des contrats d'aliénation

« Les mutations en vertu de contrats d’aliénation ne peuvent être


opérées que si ceux-ci sont passés en forme authentique ». Les actes sous
seing privés sont inopérants pour faire opérer une mutation. Le contrat n'est
valable qu'entre parties. Il ne peut servir de mutation que lorsqu'il est
passé ou présenté au notaire ou conservateur.
Le législateur ne dit pas que pour être valables, les contrats
d'aliénation doivent être en forme authentique ; le législateur dit que les
mutations en vertu des contrats d'aliénation ne peuvent être opérées que
si ceux-ci sont passés en forme authentique. La solennité n'est exigée que
dans la mesure où le contrat d'aliénation devient cause à enregistrement. Il suit que
les contrats d'aliénation sont, même en matière immobilière, des contrats
consensuels, valables par le seul consentement des parties.
Ainsi, il a été jugé « que (...) les contrats ne peuvent engendrer en
eux-mêmes le transfert de droits réels, même entre les parties
contractantes, les mutations de la propriété immobilière ne s'opérait que
par un nouveau certificat d'enregistrement dont la délivrance est
subordonnée, pour les aliénations par contrat, à la condition que ces
contrats soient passés dans la forme authentique (...) Que, quelle que soit
la forme donnée à la vente d'un immeuble (...) les effets immédiats entre
les parties sont les mêmes en ce qui concerne l'obligation du vendeur de
livrer la chose (...) Que celui qui consent une vente immobilière par
simple convention verbale ou par contrat sous seing privé ne contracte
pas une simple obligation de faire se résolvent en dommages-intérêts (...)
mais une obligation de livrer identique à celle résultant d'une vente en
forme authentique »1. La Cour suprême a eu à consacrer cette position
en affirmant que l'article 231 de la loi n'a jamais consacré
l'authentification comme condition de validité du contrat de vente
immobilière. Il concerne plutôt les mutations à opérer en vertu d'un
contrat d'aliénation. La vente est valable lorsqu'elle remplit toutes les
conditions légales, notamment lorsqu'il y a accord des parties sur la
chose et sur le prix2.

1 Cons. Sup. de Boma, 12 déc. 1922.


2 C.S.J., R.C. 2671/2673, 6 mai 2005.

1205
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En cas de vente d'un immeuble non enregistré, dès que le contrat


de vente est conclu, le vendeur et l'acheteur peuvent procéder au
transfert de la maison au nom de l'acheteur. En cas de contestation sur
le transfert de la maison, le tribunal peut être saisi et ordonner la
mutation au nom de l'acheteur. En conséquence, le jugement ainsi rendu
et passé en force de chose jugée est un acte authentique qui peut servir
de base à la mutation immobilière1.

Paragraphe 4
Procédés pour les mutations

Aux termes de la loi, « sauf les cas où la mutation est ordonnée par
justice et ceux prévus par des lois particulières, nulle mutation ne peut
être opérée qu’après remise au conservateur du certificat à remplacer. Dans tous
les cas de mutation — donc même les cas où la mutation est ordonnée
par justice ou prévu par des lois particulières —, l’ancien certificat inscrit au
livre d’enregistrement est frappé d’un timbre d’annulation et d’une annotation
indiquant, dans la forme établie par l’article 226, les motifs de l’annulation ainsi que
la date et le numéro du nouveau certificat »2.
Quand c’est en vertu d’un échange, partage ou autre contrat
emportant des prestations immobilières réciproques que le conservateur
opère des mutations, il dresse à son livre et délivre aux parties autant de
nouveaux certificats qu’il y a de nouveaux concessionnaires ou de nouveaux
propriétaires.
En cas de mutation partielle, le conservateur remplace le certificat de
l’aliénateur par autant de nouveaux certificats qu’il y a des droits en présence.
Si la concession ou l’immeuble est enregistré au nom de plusieurs
nouveaux concessionnaires ou de plusieurs nouveaux propriétaires
indivisément, le conservateur ne dresse et ne délivre qu’un seul certificat.
Les indivisaires doivent s’entendre sur celui d’entre eux à qui le certificat
collectif est délivré, à la charge d’en aider ses consorts à toutes
réquisitions. S’il y a difficulté sur le choix, il est réglé par le conservateur3.

1 L’shi., 24 fév. 1967.


2 Art. 235, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
3 Art. 237, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 3
Principe de la force probante des certificats d'enregistrement

Paragraphe 1
Principe et corolaire

Point 1
Principe

La loi dispose que « le certificat d’enregistrement fait pleine foi de la


concession, des charges réelles et, éventuellement, des droits de propriété qui y sont
constatés »1.
La loi consacre là la règle de la force probante des certificats
d'enregistrement. En clair, la personne inscrite sur le certificat
d'enregistrement comme concessionnaire, propriétaire, bénéficiaire
d'une charge réelle, est juridiquement à prendre comme le titulaire dudit
droit réel.
Ainsi a-t-il été jugé « qu'en ordonnent le déguerpissement d'un
ancien locataire devenu propriétaire en vertu d'un certificat
d'enregistrement, la décision entreprise doit être cassée sur ce point pour
avoir méconnu les dispositions de l'article 227 de la loi foncière qui
proclame le caractère inattaquable du droit de propriété constaté par le
certificat d'enregistrement, lequel fait pleine foi de ce droit »2.

Point 2
Corolaire : inattaquabilité des droits inscrits dans le certificat
d'enregistrement

La loi dispose dans l'alinéa suivant que « ces droits sont inattaquables et
les actions dirigées contre eux ne peuvent être qu’en dommages - intérêts »3.
La loi proclame par-là l'incontestabilité de l'existence de droits réels
enregistrés dont la propriété immobilière enregistrée. Ce droit réel est
toujours incontestable quand bien même le titre ayant servi à
l'enregistrement serait vicié.

1 Art. 227 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des
biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 C.S.J., R.C. 104, 5 déc. 1979.
3 Art. 227 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des

biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En principe, puisque c'est la convention qui transfère la propriété,


si la convention est nulle, la nullité de la convention doit entraîner avec
elle la nullité du transfert de propriété. C'est à cette conséquence toute
logique que le législateur avait pensé pour ensuite l'écarter en édictant
cette disposition. La raison est que, en droit congolais des biens, seul
l'enregistrement et non la convention opère la constitution et le transfert
de la propriété immobilière et des autres droits réels immobiliers et ceux
de concession. Il est logique que les vices de la convention — ou autre
titre de base — puissent être sans effet sur le droit réel qui tire son
existence du seul enregistrement1.
Il ne reste alors à la victime qu'une action en dommages-intérêts. Cela
dit, en cas d'erreur sur le croquis et/ou la superficie, le certificat peut être
remplacé si cela ne serait pas de nature à porter atteinte aux droits
enregistré des voisins. Autrement, le remplacement ne serait pas possible
et, la victime ne pourrait qu'éventuellement engager la responsabilité
civile du conservateur, ou lancer une action au bénéficiaire de l'erreur
sur base de l'enrichissement sans cause. Dans tous les cas, le droit réel
demeure acquis au nouveau titulaire.
Le rapport du conseil colonial renseigne que « la disposition (...) tend
à donner au droit de propriété une assise inébranlable, en dissociant pour toujours le
contrat générateur de l'obligation de transférer la propriété et la transmission effective
de la propriété par l'intervention du conservateur. La transmission réalisée dans la
forme prescrite reste indépendante du contrat en vertu duquel elle a eu lieu ».
À ce propos, Galopin2 pense que « c'est dans la logique du système
Torrens, si le contrat est impuissant à opérer par lui-même le transfert
de la propriété, il est conséquent que les modalités ou les vices dont il
est affecté soient impuissants à en affecter l'efficacité (...) Et il y a une
raison bien plus grave : le régime foncier ne sera solidement établi que
s'il est débarrassé de toutes les résolutions et annulations qui, opérant
avec rétroactivité, sont de nature à atteindre les ayants cause à titre
particuliers, les tiers acquéreurs des droits réels. Il ne faut pas que la
circulation des biens soit entravée, le crédit foncier ébranlé, par
l'insécurité que cause un danger d'éviction ».
Ainsi, doit être cassée, la décision d'un juge qui a ordonné le
déguerpissement d'une personne détentrice d'un certificat
d'enregistrement, en l'espèce, un ancien locataire devenu propriétaire du
fait que cette décision a méconnu le principe d'inattaquabilité du

1 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 997.


2 Cité par LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 998.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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certificat d'enregistrement et donc de la pleine foi des droits y constatés


»1 .

Point 3
Le cas de l'acquisition d'un bien au nom d'un époux dans un
régime de communauté

Le principe de solution donné par la jurisprudence est fondé sur


l’avis du Substitut De Raek dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel
d'Élisabethville — Élis, 26 mai 1945 —.
En l'espèce, les deux époux furent légalement mariés sous le régime
de la communauté réduite aux acquêts. Le mari obtint deux certificats
en vertu d'un contrat de vente et d'échange et devint propriétaire de deux
immeubles. Ces immeubles acquis à titre onéreux sont des acquêts de la
communauté.
Le Substitut note qu' « il n'était pas nécessaire pour que la translation de
la propriété soit opérée au profit de la communauté, qu'il soit fait expressément
mention dans le certificat. La communauté ne constitue pas une personne
morale distincte de celle des époux ; durant la communauté, une confusion
s'établit entre les biens du mari et ceux de la communauté. L'inscription au nom du
mari suffisait pour transférer la propriété des biens à la société matrimoniale dont il
est le chef. Ce n'est que lors de la dissolution de la communauté que cette
confusion a disparu et les droits de l'époux copropriétaire survivant sur
sa part de communauté devaient être constatés par un nouveau certificat.
Cette nouvelle inscription n'étant pas la conséquence d'une mutation ne
pouvait donner lieu à la perception des droits de mutation (...) Il ne s'agit
pas d'une inscription à la suite de partage qui donnerait lieu à la
perception des droits prévus, mais d'une inscription qui laisse subsister
en indivision les droits propres à la femme et les droits des héritiers ».
L'avis renchérit : « on peut prétendre, il est vrai, qu'en vertu des
règles du code civil congolais sur la transmission de la propriété
immobilière, celle-ci n'est légalement établie qu'à l'égard de celui au nom
duquel est inscrit le certificat d'enregistrement et qu'en l'espèce l'épouse
commune en biens n'était pas légalement copropriétaires des biens
enregistrés, ceux-ci l'ayant été au nom de son mari seul. Il faut considérer
alors que si les certificats ont été établis au nom — du mari seul — au
lieu de l'être au nom de la communauté ou de chacun des époux

1C.S.J., R.C. 104, 5 déc. 1979 ; C.S.J., T.S.R. 001/R.C. 356, 21 déc. 1983 ; C.S.J.,
R.C. 1870, 29 août 1996.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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communs en biens, c'est par suite d'une erreur, car, quelle que fût la volonté
du mari, il ne pouvait empêcher que l'immeuble entrât en communauté. Les époux
et leurs héritiers étaient en droit d'obtenir la rectification des dits
certificats. Pareille rectification n'entraîne aucune mutation, mais le
redressement d'une erreur ».
En clair, en cas de communauté universelle ou réduite aux acquêts,
les droits réels enregistrés au nom d'un seul des époux sont communs à tous les époux,
si celui dont le nom est dans le certificat ne formule aucune objection ;
et dans ce cas, l'omission du nom de l'épouse commune en biens ne
constitue qu'une erreur que l'article 227 ne défend pas de corriger ; et
ainsi, on peut procéder à la rectification de cette erreur et opérer le
transfert au nom de l'époux non encore enregistré pour que le bien soit
totalement réellement commun, sans que dans ce cas, l'administration
exige les droits de mutation1.

Paragraphe 2
Exception au principe de l'inattaquabilité des droits inscrits dans
le certificat d'enregistrement

La loi introduit une exception au principe ci-dessus étudié. Le


troisième alinéa de l'article 277 prévoit que « toutefois, les causes de résolution
ou de nullité du contrat ou de l’acte, l’erreur de l’ordonnance d’investiture donnent
dans les deux années depuis la mutation, ouverture à une action en rétrocession, avec
dommages-intérêts s’il y a lieu ».
La loi du 18 juillet 1980 qui a introduit cet amendement explique
que « bien qu'il soit souhaitable qu'à partir d'un certain moment, les
droits fonciers et immobiliers reposent sur une assise inébranlable, ce
souci ne peut aller jusqu'à consolider le fruit de vices ou de manœuvres
frauduleuses. Il a été observé que l'alinéa 2 de l'article 227 (...) est à
l'origine d'une interprétation qui considère le certificat d'enregistrement
comme un voile pudique, couvrant toutes les indélicatesses commises en
vue d'aboutir à son établissement. Telle ne peut être l'économie d'un
texte légal : il serait dans ce cas immoral et contraire à l'ordre public.
L'article premier de la présente loi entend mettre un terme à la situation
équivoque ainsi créée. Il maintient la règle de l'inattaquabilité du certificat
d'enregistrement, mais uniquement en faveur d'un titre établi dans des
conditions licites ou après écoulement d'un délai de deux ans. Ce sont

1Élis., 26 mai 1945 ; Ie Inst., Élis., 12 mai 1950 ; Appel Élis., 26 mai 1945 ; Ie
Inst., Élis., 3 janv. 1952.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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les impératifs de la lutte contre les agissements délictueux dans le


domaine des transactions immobilières — agissements qui minent la
base de notre système d'enregistrement — et le principe même d'après
lequel la fraude corrompt tout, qui rend cette solution inéluctable »1.
L'action en rétrocession n'est recevable que si le conservateur est mis
au procès2. La rétrocession n'est rien d'autre que l'annulation du certificat
d'enregistrement qui était établi au nom de l'acquéreur et qui sera remplacé par un
nouveau certificat à concéder à l'ex aliénateur. Il s'agit donc d'une mutation
immobilière en sens inverse.
L'action en rétrocession est ouverte à toute personne intéressée3. Les
causes susceptibles de fonder une telle action sont notamment la
résolution du contrat qui a été causé à enregistrement ; la nullité du contrat ; la nullité
du certificat d'enregistrement lui-même, établi par exemple en violation des
règles de l'enregistrement : incompétence du conservateur, certificat
établi sur base d'un jugement n'ayant pas acquis force de chose jugée, ou
d'un contrat sous seing privé, violation des conditions de forme.
L'action n'est possible qu'endéans deux ans à dater de l'établissement
du nouveau certificat. Les certificats qui totalisent plus de deux ans
d'existence sont inattaquables4. On peut regretter la brièveté de ce délai.
Mais, c'est que les nécessités de sauvegarder le principe de
l'inattaquabilité doivent l'emporter5.

Paragraphe 3
Sur les cas de multiplicité de certificats d'enregistrement sur un
même fonds

Il arrive souvent que deux ou plusieurs personnes, également


détentrices d'un titre juridique, prétendent aux mêmes droits sur le
même fonds. De pratique sociale courante, plusieurs « titres immobiliers
» peuvent être en circulation. Ainsi : deux personnes peuvent être
détentrices, chacune, d'un contrat de location ou d'un livret de logeur

1 Exposé des motifs, Loi n° 80-008 du 18 juillet 1980 modifiant et complétant la


Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier
et immobilier et régime des sûretés.
2 Voir Art. 244, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.


3 C.S.J., R.C. 845, 25 mai 1988.
4 Kin., R.C.A. 12005, 20 oct. 1989.
5 LUKOMBE NGHENDA, op. cit., p. 1015.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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portant sur le même fonds ; deux personnes peuvent être détentrices,


chacune, d'un livret de logeur portant sur le même fonds ; une personne
peut avoir un livret de logeur et une autre, un certificat d'enregistrement
sur le même fonds ; deux certificats d'enregistrement sur le même fonds
; à l'occasion des mutations des droits immobiliers, le conservateur peut
n'avoir pas repris l'ancien certificat pour l'annuler laissant finalement
deux titres immobiliers en circulation. En l'absence d'annulation de l'un
quelconque des titres, quel serait celui que l'on peut considérer comme
valide en droit ? Plus généralement, quel titre peut être considéré lorsqu'il
y en a plusieurs en circulation ?
Cette question devrait surprendre car, à regarder de près la
procédure et les mécanismes que la loi a organisés pour obtenir un
certificat d'enregistrement, il est inconcevable, que sur le même fonds
existent deux titres juridiques. Et pourtant, cela est le lot quotidien et la
trame essentielle des litiges immobiliers.
En cas de pluralité ou de concurrence de titre, il importe de
rechercher d'abord si les titres en présence sont ceux légalement requis,
c'est-à-dire, s'il s'agit d'un certificat d'enregistrement ou, en cas de livret
de logeur ou titre équivalent, si ceux-ci datent d'avant l'entrée en vigueur
de la loi d 20 juillet 1973.
Si les titres sont donc conformes à la loi, il conviendra de voir le
moment et la régularité de son obtention. Le principe de solution est que le juge
privilégie le titre obtenu antérieurement en date. Ainsi, un livret de logeur obtenu
régulièrement avant la loi du 20 juillet 1973 prévaut à un certificat
d'enregistrement obtenu régulièrement sous l'empire de la loi du 20
juillet 1973. Le premier détenteur doit être protégé. Dans une espèce, «
la Cour a dit pour droit qu'a légalement motivé sa décision, le juge
d'appel qui, reconnaissant qu'il existe deux titres authentiques couvrant
la même parcelle, en l'occurrence deux certificats d'enregistrement, fait
un choix en faveur de celui détenu par le défendeur en cassation en fonction de
l'antériorité et de la régularité de la procédure suivie pour son obtention »1.

1C.S.J., R.C. 1630, 8 mai 1998. Nos italiques. Voir aussi C.S.J., T.S.R., 001, R.C.
350, 21 déc. 1983.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
L'inattaquabilité du certificat d'enregistrement face à l'infraction
de faux

La question de l'inattaquabilité du certificat d'enregistrement trouve


sa limite d'application au pénal face à l'infraction de faux. Sur le plan pénal,
le certificat d'enregistrement peut être confisqué ou détruit s'il est faux ou contient des
fausses mentions. Il est vrai que la sécurité — privée, civile — recherchée
avec le bouclier du délai de deux ans depuis la mutation, tombe en face
d'une sécurité publique nécessitée par le respect de l'ordre public, en
l'occurrence, le respect ou la foi due aux actes et l'interdiction d'atteinte
à la foi publique1.
À propos du faux, la Cour suprême a posé en principe que «
n'applique pas et n'a pas à appliquer l'article 227 de la loi foncière, le juge pénal qui
annule un certificat d'enregistrement en tant que produit de l'infraction »2.
Ainsi, « le juge pénal a le droit de statuer librement et selon son
intime conviction sur les faits infractionnels qui lui sont soumis et n'est
pas lié par un jugement civil produit pour établir la preuve du droit de
propriété (...) Un jugement civil statuant sur le droit de propriété n'exerce
aucune autorité sur un jugement pénal statuant sur la fausseté des titres
conférant ce droit »3.
Par ailleurs, « il incombe à celui qui invoque le caractère faux d'un
titre de propriété, en l'espèce d'un livret de logeur, de le prouver par la
production d'un jugement pénal »4.
Lorsqu'il constate le faux, le juge pénal ordonne la confiscation et la
destruction du certificat d'enregistrement5. Fort de ce jugement au pénal, le
bénéficiaire sollicitera et obtiendra du juge civil qu'il déclare nul et de nul
effet les titres juridiques parcellaires et ordonne à la République, par
l'entremise du conservateur, d'établir le certificat d'enregistrement à son profit6.
Commentant ces décisions Fataki wa Luhindi note qu' « une telle
démarche est conforme au droit. En effet, les questions civiles liées au

1 V. KANGULUMBA, « Revue critique de la jurisprudence de la Cour Suprême


de Justice en matières immobilière et foncière (1973-2003) », in V.
KANGULUMBA, La Loi du 20 juillet 1973… loc. cit., p. 146.
2 C.S.J., R.P. 1451, 30 avr. 1991.
3 C.S.J., R.P. 1808, 28 janv. 1998.
4 T.G.I. Matete, R.C. 4822, 28 mai 1988.
5 TRIPAIX Kin/Gombé, R.P. 4981/I, 15 mai 1995.
6 T.G.I. Kin/Gombé, R.C. 70152.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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droit foncier ne s'imposent nullement au droit pénal. L'autonomie dont


jouit ce droit lui donne la latitude d'aller à l'encontre des règles de droit
civil. En outre, l'autorité de la chose jugée au civil n'a pas d'impact sur
une décision qui sera prise par le juge pénal. L'inverse est concevable.
En effet, le juge pénal ne fait qu'usage de l'application du principe “ le
criminel emporte le civil ”. C'est dans cet esprit que le juge pénal, en
l'espèce, a déclaré faux le certificat d'enregistrement. Après avoir
ordonné la confiscation et la destruction de ces documents, le juge pénal
ne pouvait pas examiner question ayant trait au déguerpissement dans la
mesure où cette compétence revient au juge civil. C'est ainsi que le
bénéficiaire sollicite et obtient du juge civil le déguerpissement »1.

Section 4
Opposition au droit du propriétaire ou du concessionnaire

Lorsqu'il y a erreur, omission ou toute autre cause donnant lieu à


une action en rétrocession, l'on peut s'opposer à toute mutation.

Paragraphe 1
Personnes susceptibles de faire opposition

La loi dispose que « par requête présentée au conservateur, le


créancier hypothécaire du certificat d’enregistrement, le créancier muni
d’un titre exécutoire, le précédent concessionnaire ou propriétaire ayant
un droit à rétrocession dérivant d’une cause de résolution ou de nullité
du contrat par lequel il a cédé la concession ou l’immeuble, le curateur
de la faillite, ainsi que le détenteur du droit à devenir concessionnaire ou
propriétaire, peuvent former opposition à l’exercice du droit de disposer
du concessionnaire ou du propriétaire inscrit au livre d’enregistrement.
Le requérant doit justifier de la qualité qui lui donne le droit d’agir en
opposition »2.

1 FATAKI WA LUHINDI, « Le sort d'un certificat d'enregistrement entaché de


faux en droit congolais », in V. KANGULUMBA, La Loi du 20 juillet 1973… loc.
cit., p. 112.
2 Art. 239, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,

régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Forme, objet et effets de la requête en opposition

Aucune forme particulière n'est requise. Dans la pratique, il s'agit d'une


correspondance adressée au conservateur avec toutes les mentions
nécessaires — identité, qualité, objet, bien querellé — motivée
susceptible de convaincre de la nécessité de prendre acte de ladite
requête.
La requête en opposition a pour objet de faire suspendre la mutation et
de solliciter la rétrocession ou le retour du bien dans le patrimoine que ledit bien a
quitté.
Lorsqu'elle est prise en compte, l'opposition paralyse le droit de
disposition de l'acquéreur. Il ne peut, pendant sa durée, faire toutes les
conventions, notamment disposer de ses biens. L'opposition apparaît
ainsi comme une restriction légale au droit du concessionnaire ou du
propriétaire. Aux termes de la loi, « l’annotation paralyse le droit de disposition
du concessionnaire ou du propriétaire pendant six mois dès l’instant où elle est faite.
Elle peut être renouvelée pour une période de même durée, en vertu d’une ordonnance
du juge du Tribunal de grande instance, pour motif grave. Nulle mutation, en vertu
de quelque cause que ce soit, ne peut avoir lieu avant l’expiration du délai légal ou
judiciaire à moins qu’il ne soit donné mainlevée de l’opposition par l’opposant ou par
un jugement passé en force de chose jugée »1.

Section 5
Remplacement des certificats d'enregistrement

Le certificat d'enregistrement peut être remplacé en cas d'inexactitude


ou de certificat incomplet, ou en cas de perte ou de destruction du certificat
d'enregistrement.

Paragraphe 1
Cas d'inexactitude ou de certificat incomplet

Il importe de noter que toutes les erreurs ou inexactitudes ne donnent pas


forcément lieu au remplacement du certificat d'enregistrement. La loi dispose
que « lorsque l’indication de la superficie ou le croquis d’un immeuble enregistré sont
reconnus inexacts ou incomplets par un procès-verbal des agents du cadastre

1 Art. 240, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

et que la rectification n’est pas de nature à porter atteinte aux droits enregistrés des
voisins, le concessionnaire ou le propriétaire peut réclamer qu’un nouveau
certificat soit dressé en remplacement de l’ancien. L’ancien certificat est
annulé au livre d’enregistrement dans la forme indiquée à l’article 235.
Le nouveau certificat n’est différent de l’ancien que quant aux
inexactitudes ou omissions relevées par les agents du cadastre »1. Deux
conditions donc : l'inexactitude ou l'omission doit porter soit sur
l'indication de la superficie, soit sur le croquis ; l'omission, la rectification
ne doit pas être de nature à porter atteinte aux droits enregistrés au
voisin.

Paragraphe 2
Cas de perte ou de destruction du certificat d'enregistrement

« En cas de perte ou de destruction de son certificat d’enregistrement, le


concessionnaire ou le propriétaire peut en réclamer un nouveau à la charge de rendre
vraisemblable la perte ou la destruction qu’il allègue »2.
En effet, il ne suffit pas de dire que l'on a perdu son certificat
d'enregistrement il faudrait en outre prouver, par tous moyens, convaincre
le conservateur de la vraisemblance de ses déclarations. Celui-ci doit
donc s'assurer de la réalité de la destruction ou de la perte du titre pour
éviter qu'il y ait en circulation deux titres constatant éventuellement les
mêmes droits sur le même fonds, comme évoqué précédemment. Pour
ce faire, le déclarant doit faire une requête par écrit dans laquelle il prend
l'engagement de la responsabilité des conséquences dommageables que
la délivrance du nouveau certificat pourra causer aux tiers. Le
conservateur apprécie les faits et le bien-fondé de la requête. Il peut la
rejeter. En cas de refus, le recours contre la décision du conservateur est
ouvert devant le tribunal de grande instance.

1 Art. 242, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés. Nos italiques.
2 Art. 243 Al. 1, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des

biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

1216
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
La pratique de la remise de duplicata des certificats

En principe, lorsque le conservateur dresse un nouveau certificat,


l'ancien ne peut plus revivre car il est remplacé par un nouveau. Celui-ci
doit être conforme à l'ancien dont l'exemplaire fixé doit être frappé de
mention ou de timbre « annulé ».
Cependant, dans la pratique, l'on rencontre des duplicatas de
certificat d'enregistrement — perdu, volé, pillé… —. Cette pratique est
illicite et est à l'origine de l'insécurité juridique en matière immobilière.
En effet, les détenteurs de duplicata sont en même temps détenteurs des
originaux de certificats d'enregistrement portant sur les mêmes biens. Ce
qui leur permet de passer deux ou plusieurs transactions avec des
différentes personnes sur les mêmes biens, créant ainsi des litiges
immobiliers inextricables.
Juridiquement, il n'existe pas et il ne peut exister de duplicata de certificats
d'enregistrement. La perte, la destruction ou le vol de tout certificat perdu
doit être déclaré afin que le conservateur porte la mention « annulé »
dans ses livres avant de délivrer un nouveau certificat en remplacement
de l'ancien, qui ne doit plus avoir cours. Il ne peut y avoir deux titres
pour un même fonds, ni pour une même personne sur le même fonds.

Paragraphe 4
Responsabilité en cas d'erreur ou d'omission dans
l'établissement du certificat d'enregistrement

La loi le principe que « l’Etat est responsable des erreurs du conservateur ».


Toutefois, « cette responsabilité ne peut excéder la valeur de la concession et des
constructions et plantations à l’époque où l’erreur a été commise, cette valeur augmentée
d’un cinquième », auquel cas, la responsabilité incombe au conservateur1.
L'État est responsable du fait fautif du conservateur. Mais il ne
s'agit pas d'une responsabilité du fait d'autrui ou d'une responsabilité
indirecte de l'État. L'État est directement responsable.
« Cette responsabilité [de l'État] ne peut excéder la valeur de la
concession et des constructions et plantations à l’époque où l’erreur a
été commise, cette valeur augmentée d’un cinquième ». Le conservateur
est responsable pour l'excédent.

1 Art. 233, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des
sûretés.
3. Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4. Ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966.
5. Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des
obligations conventionnelles.

B. DOCTRINE

1. FATAKI WA LUHINDI, « Le sort d'un certificat


d'enregistrement entaché de faux en droit congolais », in V.
KANGULUMBA (dir.), La loi du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés au
Congo. Trente ans après : quel bilan ? Essai d'évaluation, Academia-
Bruylant-Éditions Kazi, Bruxelles-Kinshasa, 2003.
2. V. KANGULUMBA, Précis de droit civil des biens.
Théorie générale des biens et théorie spéciale des droits réels fonciers et
immobiliers congolais, Tome 1, Academia-Bruylant, Louvain-la-
Neuve, 2007.
3. V. KANGULUMBA (dir.), La loi du 20 juillet 1973
portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des
sûretés au Congo. Trente ans après : quel bilan ? Essai d'évaluation,
Academia-Bruylant-Éditions Kazi, Bruxelles-Kinshasa, 2003.
4. KATUALA KABA KASHALA, « La jurisprudence
congolaise en matière de preuve de la propriété immobilière »,
in V. KANGULUMBA (dir.), La loi du 20 juillet 1973 portant
régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés
au Congo. Trente ans après : quel bilan ? Essai d'évaluation, Academia-
Bruylant-Éditions Kazi, Bruxelles-Kinshasa, 2003.
5. LUKOMBE NGHENDA, Droit civil. Les biens,
PFDUC, Kinshasa, 2003.
6. G. MEMETEAU, Droit des biens, Larcier, Bruxelles,
2015.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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7. F. TERRE et P. SIMLER, Droit civil. Les biens, Dalloz,


Paris, 2014.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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10. Le droit des obligations


Le principe de la liberté contractuelle gouverne les relations des
individus par lesquelles ils entendent créer des effets de droit : les
contrats. La formation de celui-ci est régie par le principe du
consensualisme qui donne force indispensable au consentement comme
condition de validité du contrat, dont les différents vices entraînent la
nullité de celui-ci. La nullité entendue comme sanction aux conditions
de validité du contrat ne frappe d'ailleurs pas que le vice de
consentement : l'incapacité, l'absence d'objet ou de cause sont aussi
concernées. Une fois conclu, le contrat a force de loi sur les
cocontractants, qui sont tenus de l'exécuter avec la même force
obligatoire que celle que comporte une loi. Ils l'exécutent de bonne foi.
Ils ne peuvent, en principe, le modifier, ni le résilier unilatéralement. La
volonté étant le fondement du contrat, celui-ci ne peut produire ses
effets, en principe, que sur ceux qui ont manifesté leur volonté à y être
liés. Par ailleurs, si une partie n'exécute pas volontairement le contrat, le
juge pourra toujours l'y contraindre.

1221
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Néanmoins, les obligations ne naissent pas toujours de la rencontre


de volontés — acte juridique —. Elles prennent aussi source dans les
faits juridiques qui peuvent être licites — quasi-contrat — ou illicites —
délits —.
Mais, en tout état de cause, quelles que soient leurs sources, les
obligations sont régies par des règles communes relativement à leur
cession, leur extinction — principalement par le paiement ou exécution
—, leurs modalités. Elles obéissent en principe à des règles de preuve
communes et distinctes de celles concernées en matière pénale. En cas
d'inexécution, le créancier dispose d'un certain nombre de moyens
d'action sur les biens de son débiteur en vue de se faire payer sa créance.

1222
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
LES OBLIGATIONS SELON LEURS
SOURCES

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre introductif
Notion et types d'obligations
Section 1
Définition

L'obligation est un lien de droit entre deux personnes par lequel l’une, le
débiteur, est tenue d’une prestation vis-à-vis de l’autre, le créancier1.

Section 2
Distinction des obligations selon leurs sources

La charpente du droit des obligations repose sur la distinction des actes


juridiques et des faits juridiques, tous deux sources d’obligations2.
Aux termes de l'article 1100 du Code civil français, « les obligations
naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la
loi » et, aussi, « de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution
d’un devoir de conscience envers autrui ».

Paragraphe 1
Les actes juridiques

Les actes juridiques sont des manifestations de volonté accomplies en vue


de produire des effets de droit. Ainsi en est-il d’un contrat conclu entre deux
personnes afin de faire naître entre elles des obligations — une vente,
un bail, un prêt, ou d’un testament, acte juridique unilatéral par lequel
une personne dispose de ses biens pour la période qui suivra son décès.

Paragraphe 2
Les faits juridiques

Les faits juridiques sont des événements quelconques — volontaires ou


involontaires, licite ou illicite — auxquels une règle de droit attache des effets
juridiques qui n’ont pas été spécialement et directement voulus par les intéressés.

1S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1301.


2 Lire F. TERRE et alii., Droit civil les obligations, Dalloz, Paris, 2019, p. 6 ;
KALONGO MBIKAYI, Droit civil. Tome 1 les obligations, EUA, Kinshasa, 2012,
p. 39.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 3
Distinction des obligations selon leur nature

Selon leur nature, on distingue les obligations de donner, de faire ou


de ne pas faire.

Paragraphe 1
L'obligation de donner

Point 1
Définition

Par l'obligation de donner, le débiteur s'engager à transférer au


créancier la propriété d'une chose ou à constituer à son profit un droit réel sur cette
chose.

Point 2
Contenu

L'obligation de donner emporte une triple obligation dans le chef


du débiteur de transférer la propriété de la chose, de la livrer matériellement et,
en attendant cette livraison, de la conserver en bon père de famille.
Aux termes de l'article 37 du décret des contrats ou des obligations
conventionnelles, le transfert de propriété est réalisé par le seul consentement des
parties contractantes. Il emporte avec lui le transfert des risques. En principe
donc, les risques pèsent sur le créancier devenu propriétaire de la chose
dès le consentement des parties. Il répondra donc seul des éventuels
dommages qui arriveraient à la chose. La mise en demeure est une exception
à ce principe. Le cas échéant, les risques de la chose pèsent sur le
débiteur. Il en est de même en cas de perte d'un corps certain1.
Le débiteur est tenu de la livraison matérielle de la chose, de sa mise à
la disposition du créancier. Il est enfin tenu à la conservation de la chose en
bon père de famille. Le but est d'éviter la négligence et les abus du débiteur
qui, sachant qu'il n'est plus désormais le propriétaire de la chose qu'il
détient pourrait se monter non consciencieux2.

1 Art. 194, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 28.

1226
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le débiteur répondra toujours en cas de culpa lata aecquiparatur


dolo, c'est-à-dire, faute intentionnelle, assimilée à la négligence grossière
ou à la faute lourde. En cas de culpa levis in abstracto, faute légère
appréciée par comparaison avec le type abstrait de bon père de famille,
le débiteur ne répondra que si le contrat était conclu pour l'utilité des
deux parties. Mais en cas de culpa levis in concreto ou de faute légère, le
débiteur ne répondra pas si le contrat était conclu dans le seul intérêt du
créancier1.

Paragraphe 2
Les obligations de faire ou de ne pas faire

Point 1
Définition

L'obligation de faire consiste pour le débiteur à s'engager à exécuter


pour le créancier une prestation positive, à accomplir un fait. C'est le cas du
peintre qui s’engage à réaliser un tableau, de l’architecte qui se charge de
l’élaboration du plan de construction d’une maison, de l’auteur d’un
accident qui est obligé de réparer le dommage causé.
L'obligation de ne pas faire consiste au contraire en une prestation
négative, à s'abstenir de tel ou tel agissement. C'est le cas d'un vendeur de fonds
de commerce qui s’engage, à l’égard de l’acquéreur, à ne pas ouvrir dans
la même ville un établissement semblable à celui qu’il cède, ou d'un
commerçant qui ne peut accomplir d’actes de concurrence déloyale.

Point 2
Contenu

La loi n'a pas prévu de contenu de ces obligations. Mais la doctrine


y a attaché une obligation de résultat ou de moyen selon le cas2.
L'obligation de résultat, est celle par laquelle les parties ont voulu
que le débiteur procure par son fait un certain résultat qu'il lui garantit.
Par l'obligation de moyen, le débiteur s'engage à employer certains
moyens sans garantie aucun résultat.
Cette distinction produit des conséquences au niveau de la charge de
la preuve de la faute du débiteur en cas d'inexécution.

1 Idem.
2 Voy. KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 30.

1227
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L’inexécution d’une obligation de résultat permet de présumer la


faute du débiteur, alors que celle-ci doit être prouvée par le créancier s’il
s’agit d’une obligation de moyens.
Ainsi par exemple pour le cas du peintre qui s’engage à réaliser un
tableau (obligation de résultat), il suffira pour le créancier de montrer
qu'il n'y a pas de tableau, pour que la charge pèse sur le débiteur de
prouver qu'il a effectivement réalisé son tableau. Par contre, pour le cas
d'un avocat qui s'engage à mettre en œuvre des techniques adéquates en
vue de gagner un procès (obligation de moyen), le créancier — en
l'occurrence, le client — devra prouver que le débiteur n'a pas mis en
œuvre ces moyens. Il en est de même du cas du médecin qui soigne un
malade.
Par ailleurs, certains types de contrats peuvent être assortis d'une
obligation de sécurité — cas du contrat de transport —, ou de
renseignement — cas du contrat de garage —.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Le contrat
Section 1
Notion de contrat

Paragraphe 1
Définition du contrat

Aux termes de la loi, « le contrat est une convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à
ne pas faire quelque chose »1. Une définition « plus modernisée » du contrat
fait de celui-ci, un « accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à
créer, modifier, transmettre ou éteindre les obligations »2.

Paragraphe 2
Classification des contrats

Le décret des contrats ou des obligations conventionnelles


consacre ses articles 2 à 7 à une classification des contrats à laquelle elle
attache d'importantes conséquences juridiques.

Point 1
Le contrats nommés et innommés

La loi dispose que « les contrats, soit qu'ils aient une dénomination propre,
soit qu'ils n'en aient pas, sont soumis à des règles générales qui sont l'objet du présent
titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à
chacun d'eux »3.
Un contrat nommé est prévu et réglementé par la loi — cas de la vente
—. Un contrat innommé n’a pas de nom, parce que la loi ne l’a pas organisé ; il
demeure innommé même si la pratique lui a donné un nom — cas du
contrat de déménagement —.

1 Art. 1e, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 1101, Code civil français.
3 Art. 7, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'intérêt de la distinction est que les contrats, qu'ils soient nommés


ou innommés, sont tous régis par les règles générales de droit des contrats prévues
par le Titre 1 des contrats ou des obligations conventionnelles en
général. Les contrats innommés sont uniquement régis par ces règles,
pour le reste, les parties les façonnent à leur guise. Tandis que les contrats
nommés sont régis, en plus des règles générales des contrats, par des
règles particulières prévues pour chaque contrat dans le décret des contrats ou des
obligations conventionnelles. Ces règles sont généralement supplétives.

Point 2
Les contrats synallagmatiques

Aux termes de la loi, « le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque


les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres »1. Chaque partie
doit effectuer une prestation. L'obligation de l'un a pour contrepartie
obligation de l'autre.
Ainsi par exemple dans la vente, le vendeur s'oblige à transférer la
propriété de la chose et à la livrer, tandis que l'acquéreur s'oblige à payer
le prix.
Le contrat synallagmatique fait naître des obligations réciproques à
la charge des deux parties au contrat. Chaque partie est à la fois
créancière et débitrice, débitrice parce que créancière.
Par contre, le contrat « est unilatéral lorsqu'une ou plusieurs personnes sont
obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il y ait
d'engagement »2. Il fait naître une obligation à la charge d’une partie, sans
que l’autre s’oblige réciproquement. C'est le cas de la donation, dans
laquelle le débiteur s'engage à transférer la propriété de la chose et à la
livrer, sans que le donataire n'assume un quelconque engagement
réciproque.
L'intérêt réside d'abord en matière de preuve.
La loi assujettit les contrats synallagmatiques à la règle de la formalité
du double en matière de preuve : le contrat doit être rédigé en autant
d'exemplaires qu'il y a de parties au contrat. La loi dispose que « les actes
sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne

1 Art. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 3, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a
de parties ayant un intérêt distinct »1.
Quant à l'acte unilatéral, la loi l'assujetti à une technique visant à
certifier son origine et la connaissance par son auteur de l'étendue de son obligation.
La loi dispose ainsi que « le billet ou la promesse sous seing privé par
lequel une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme
d'argent ou une chose appréciable, doit être écrit en entier de la main de celui
qui le souscrit ; ou du moins il faut qu'outre sa signature, il ait écrit de sa main
un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la
chose »2.
L'intérêt réside encore au cours d'exécution, et en cas d'inexécution.
Dans les contrats synallagmatiques, les obligations de chacune des
parties étant réciproques, l'obligation de l'une étant celle de l'autre, une
partie a la faculté de refuser d'exécuter sa part du contrat si l'autre ne le fait pas.
Attraite en exécution forcée, elle pourra soulever devant le juge l'exception
d'inexécution, qui empêchera une exécution forcée de sa part.

Point 3
Les contrats à titre onéreux et à titre gratuit

« Le contrat à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties à donner
ou à faire quelque chose »3, tandis que « le contrat de bienfaisance est celui dans
lequel l'une des parties procure à l'autre un avantage purement gratuit »4.
L'intérêt de les distinguer n'est pas grand. Les contrats de bienfaisance
sont généralement présumés intuitu personae, c'est-à-dire, faits en considération
de la personne du cocontractant. Par ailleurs, la responsabilité du débiteur est
en général appréciée de façon moins sévère qu'en droit commun dans les contrats à
titre gratuit. Ainsi, le donateur n'a pas l'obligation de garantie. La faute qui
lui est reprochée est la culpa levis in concreto.
Les contrats à titre onéreux semblent se confondre aux contrats
synallagmatiques. C'est que les contrats synallagmatiques sont

1 Art. 207 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Art. 208 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles. Nos italiques.
3 Art. 6, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Art. 5, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

généralement à titre onéreux et les contrats unilatéraux sont


généralement à titre gratuit.
Mais l’inverse n’est pas vrai, car tous les contrats à titre onéreux ne
sont pas nécessairement synallagmatiques. L’on peut rencontrer certains
contrats unilatéraux qui sont à titre onéreux : cas du prêt à intérêt, où le
prêteur retire un intérêt et l’emprunteur jouit de l’argent. Le contrat
synallagmatique peut aussi être à titre gratuit : cas de la donation avec
charges, dans laquelle le donateur assortit sa donation d'une certaine
obligation de la part du donataire.

Point 4
Les contrats commutatifs et aléatoires

Le contrat « est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou


à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne ou de ce
qu'on fait pour elle. Lorsque l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte
pour chacune des parties, d'après un événement incertain, le contrat est aléatoire »1.
Les contrats commutatifs et aléatoires sont des catégories de contrats à
titre onéreux.
L'intérêt de les distinguer réside dans le fait que les contrats
purement aléatoires ne peuvent encourir de sanction pour cause de lésion. La
lésion est un vice de consentement consistant pour le cocontractant à
abuser des besoins, des faiblesses, des passions ou de l'ignorance du
débiteur pour contracter avec un intérêt excédant manifestement
l'intérêt normal2. La sanction est la réduction des intérêts excessifs. Mais
cette sanction ne peut être appliquée si ces intérêts étaient purement
aléatoires, comme dans un contrat aléatoire.

1 Art. 4, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Voir Art. 131 bis, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 5
Les contrats consensuel, solennel et réel

En vertu du principe du consensualisme, les contrats sont conclus


simplement par l'accord des volontés. Leur validité n'est pas soumise à des
formalités sacramentelles. Les contrats sont donc en principe
consensuels.
Par contre, le contrat solennel est celui pour qui la validité exige
que le consentement soit donné en certaines formes consistant souvent la rédaction
d'un acte notarié. C'est le cas du contrat de mariage par exemple.
Le contrat réel est celui qui, outre le consentement, requiert pour
leur formation la remise d'une chose. C'est le cas des contrats de prêt et de
dépôt.

Point 6
Les contrats à exécution instantanée et les contrats successifs

C'est une distinction non prévue par le Code civil, à l'instar de la


précédente.
Un contrat est dit à exécution instantanée lorsqu’il donne naissance
à des obligations susceptibles d’être exécutées par une seule prestation. Cas
de la vente d’un objet.
Un contrat est successif lorsqu’il comporte l’exécution des
obligations s’échelonnant dans le temps. Les contractants se lient pour une
certaine durée, déterminée. Il en est ainsi par exemple du louage de
choses ou du contrat de travail : le payement du loyer ou du salaire ont
lieu à des dates déterminées pendant toute la durée du contrat.
L'intérêt de la distinction réside en matière de nullité et de résolution.
En principe, la sanction de la nullité et la résolution ont des effets ex
tunc, elles emportent remise des choses dans leur pristin état, comme si
le contrat n'avait jamais été exécuté. Cette sanction est pratiquement
inapplicable aux contrats successifs, car comment par exemple, le locataire
pourrait-il restituer les nuits passées dans la maison du bailleur, ou
l'employé, les heures de travail effectuées au profit de l'employeur ?

Section 2
Les conditions de validité d'un contrat

La loi dispose que « quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une
convention : le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation
»1.
Critiquant cette disposition, François Terré2 relève que la
formulation de la première condition est maladroite, car le consentement
de toutes les parties est nécessaire à la conclusion du contrat, alors même
qu’une seule s’oblige. Il relève ensuite qu'un regroupement de ces
conditions est possible. Tout contrat naît d’un accord de volontés. D’où
à ce titre deux interrogations : les parties ont-elles voulu ? C’est le
consentement ; les parties étaient-elles aptes à vouloir ? C’est la capacité.
Mais on ne veut pas dans l’abstrait. Tout accord de volontés s’opère sur
des éléments qui forment le contenu du contrat. Afin d’avoir une vision
complète de celui-ci, il faut rechercher ce que les parties ont voulu, c’est
l’objet du contrat, et pourquoi elles l’ont voulu, c’est la cause du contrat.

Paragraphe 1
Le consentement

Point 1
Le consentement en lui-même

A. Définition du consentement

Le terme « consentement » revêt une double acception3. Il désigne


d’abord la manifestation de volonté de chacune des parties, l’acquiescement
qu’elle donne aux conditions du contrat projeté. Pris dans son sens
étymologique — cum sentire —, le mot consentement désigne aussi
l’accord, le concours de deux volontés, celle du débiteur qui s’oblige, celle du
créancier envers lequel il s’oblige.

B. Éléments du consentement

Le consentement a deux éléments : interne et externe4.


Le consentement est d’abord, fondamentalement, une opération
mentale, une disposition intérieure. Après avoir délibéré en elle-même, pesé le
pour et le contre, chaque partie va décider, ou non, de s’engager. La

1 Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations conventionnelles.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 165.
3 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 182.
4 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 183.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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lumière de l’intelligence vient éclairer l’énergie de la décision. En bref, le


consentement est une volition précédée d’une réflexion.
Mais, phénomène psychologique, le consentement ne pourra
donner naissance à un contrat que s’il est extériorisé, de telle sorte que
l’autre partie puisse en prendre connaissance. Peu importe le mode
d’extériorisation choisi — parole, écrit, geste, impulsions électroniques
—. À son défaut, aucune rencontre des volontés ne serait concevable.
C’est dire que le consentement est à la fois quelque chose qui se
pense – c’est la volonté interne – et quelque chose qui s’exprime – c’est
la volonté déclarée.
En cas de contradiction entre ces deux éléments, la doctrine et la
jurisprudence franco-belge et congolaise penchent en faveur de l'élément
interne, le juge doit se référer à la volonté réelle des parties1. Toutefois,
Kalongo Mbikayi pense qu'avec le phénomène de socialisation du droit
et de la prédominance des intérêts collectifs qui caractérisent également
notre pays, l'on devrait laisser au juge une large marge de liberté de façon
à ce qu'il interprète le contrat suivant les nécessités sociales et la nature
du contrat2.

C. Nécessité du consentement

Le consentement doit émaner de toutes les parties au contrat, créancière


comme débitrice. Chacune d'elles doit manifester sa volonté de
contribuer à la naissance du contrat et d'en accepter les effets, quand
bien même, la rédaction du Code (« le consentement de la partie qui
s'oblige ») pourrait faire croire que seul le consentement du débiteur est
exigé.
Cela étant, il n'est pas exigé que seule la partie au contrat y
intervienne de façon exclusivement personnelle, elle peut être représentée
par une autre personne qui détient ce pouvoir de la loi, de la justice ou
d'un contrat.
L'hypothèse du contrat avec soi-même en cas de représentation est
possible mais non licite. On peut supposer que l'individu qui contracte
avec lui-même agit en des qualités différentes, en fonction d'intérêts
juridiquement distincts. Il peut être dangereux de laisser une seule
personne apprécier deux groupes d'intérêts lorsque l'un des groupes la
touche plus personnellement. Il y a lieu ici de protéger les intérêts des

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 60.


2 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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personnes absentes — le mineur, le mandant —. Cela dit, en dehors des


réglementations particulières du contrat avec soi-même, dès l'instant où
celui-ci est analysé comme un contrat et non comme un acte unilatéral,
il doit être considéré comme valable en principe, en vertu de la règle de
la liberté contractuelle1.
La formation du consentement est dominée par le principe du
consensualisme. Le seul consentement des parties est suffisant pour faire
naître une obligation2. Sauf pour les contrats solennels, le consentement
peut prendre n'importe quelle forme : un geste, une parole, un écrit,
celui-ci n'étant nullement exigé.

D. Le silence comme manifestation de la volonté

À la question du silence comme manifestation de la volonté, la


réponse est généralement négative : le silence gardé par une personne ne
peut constituer une manifestation de sa volonté de contacter. L'adage «
qui ne dit mot consent » n'a pas droit de cité en droit des obligations.
Quelques cas particuliers sont à concevoir, cependant.
C'est l'hypothèse de la tacite reconduction pour certains contrats successifs
arrivés à expiration, tels les contrats de bail3 ou de travail. Pour ces types
de contrats, l'obligation est automatiquement renouvelée à l'arrivée du
terme prévu, si les parties n'ont pas exprimé de volonté contraire.
C'est également le cas du silence gardé par le destinataire d'une offre
considéré comme valant acceptation, lorsque l'offre était faite dans
l'intérêt exclusif du destinataire. Tel un chauffeur hélant sa destination,
laissant la portière de sa voiture ouverte aux clients. Le fait pour celui-ci
d'entrer dans la voiture, sans dire mot, marque son consentement à être
lié avec le chauffeur dans un contrat de transport.

Point 2
La rencontre des volontés

La question de l'échange des volontés ne se fait pas toujours en un


trait de temps, de manière instantanée. Parfois, elle suppose la rencontre
d'une offre et d'une acceptation.

1 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 57-58.


2 Idem., p. 59.
3 Lire Art. 413, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-point 1
L'offre et l'acceptation

A. L'offre

1. Définition de l'offre

L’offre est une manifestation de volonté unilatérale par laquelle une personne
appelée offrant ou pollicitant fait connaître son intention de contracter et les conditions
essentielles du contrat. Si l’offre est acceptée, le contrat est conclu1.
« L'offre (…) comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime
la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation »2. Autrement dit, l'offre,
encore nommée pollicitation, est la proposition de conclure un contrat, à des
conditions déterminées, de telle sorte que son acceptation suffit à la
formation de celui-ci3.
Toute proposition de contracter qui ne répond pas à cette
définition, parce qu’elle est insuffisamment précise ou manque de fermeté, doit
être qualifiée d’invitation à entrer en pourparlers ou encore d’appel d’offres. C'est
ce que consacre désormais expressément le Code civil français lorsqu'il
dispose qu' « à défaut, il y a seulement invitation à entrer en pourparlers »4.
Tel est le cas d’une annonce qui proposerait de vendre un objet
spécifié tout en précisant que le « prix est à débattre » ou encore que la
vente sera faite « au plus offrant ». Cas encore d’une lettre dans laquelle
son auteur indiquerait qu’il « envisage » de vendre un immeuble dont il
est propriétaire, sans autre indication, notamment de prix5. Tel est
encore le cas des documents publicitaires qui se bornent à vanter les
mérites d’un produit sans en donner toutes les caractéristiques ni le prix,
ou celui d’une mention portée dans un guide de tourisme afin de susciter
des candidatures à un club de tir6.

1 M.-T. KENGE, Droit civil les obligations, Université de Kinshasa, 2018-2019, p.


25.
2 Art. 1114, Code civil français.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 197.
4 Art. 1114, Code civil français.
5 Paris 29 janv. 1996.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 7 avr. 1987.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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2. Éléments constitutifs de l'offre

L'offre doit être précise, ferme et non équivoque1.

a. L'offre précise

L'offre doit être précise2. Elle doit indiquer les « éléments essentiels » du
contrat3 de telle sorte que l’acceptation de ses termes suffit à parfaire le
contrat. Ainsi l'acceptant pourra agir en connaissance de cause.
Au sujet de la distinction entre les éléments essentiels à la relation
contractuelle que les parties cherchent à bâtir, qui doivent figurer dans
l’offre, et ceux qui peuvent en être absents parce qu’ils ne lui sont
qu’accessoires, la doctrine estime que les éléments essentiels seraient
ceux « qui impriment à un contrat sa coloration propre et en l’absence desquels ce
dernier ne peut être caractérisé »4. Précisant les contours d'une telle définition,
la jurisprudence considère que dans les contrats ayant pour objet une
permutation de valeurs, ce sont les termes mêmes de cet échange qui en
constituent les éléments essentiels. Ainsi pour le contrat de vente par
exemple, la chose et le prix sont les éléments essentiels5.
Néanmoins, le degré de précision requis dépend largement de la
nature du contrat projeté. On a par exemple eu à considérer que le prix
est, en règle générale, un élément essentiel des contrats à titre onéreux.
Dans un bail, l’offre doit mentionner la chose louée, le montant des
loyers, mais non la date d’entrée en jouissance6. Dans un contrat visant
à engager une actrice pour le tournage d’un film, sont essentiels, la
rémunération de l’artiste ainsi que la date du début du tournage7.

b. L'offre ferme

L'offre doit être ferme. Elle doit exprimer « la volonté de son auteur
d'être lié en cas d'acceptation ».

1 M.-T. KENGE, op. cit., p. 26 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 63.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 27 juin 1973.
3 Art. 1114, Code civil français.
4 Pothier, cité par F. TERRE et alii., op. cit., p. 198.
5 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 198.
6 Cass. fr., Civ. 3e, 28 oct. 2009.
7 Paris, 13 déc. 1984.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Par conséquent, une proposition ne saurait constituer une offre,


alors même qu'elle renferme les éléments essentiels du contrat projeté,
si son auteur a marqué sa volonté de ne pas être lié en cas d'acceptation1.
Ainsi en va-t-il lorsque l’auteur de la proposition se réserve la possibilité
d’agréer son cocontractant.
Une telle réserve peut être le fruit d’une stipulation expresse : un
industriel, un commerçant formule une proposition contractuelle précise
auprès de ses clients potentiels, tout en indiquant que son offre est
sujette à confirmation. Il en résulte que celui qui a pris l’initiative du
contrat entend conserver le dernier mot dans la conclusion de celui-ci ;
il reste libre d’accepter ou non les commandes qui lui sont adressées sur
la foi de sa proposition de contracter. La réserve d’agrément provoque
ainsi un véritable renversement de situation : le destinataire de la
proposition de contracter devient le pollicitant, alors même qu’il n’a fait
qu’adhérer aux conditions fixées par l’auteur de celle-ci.
Il en va de même lorsque la proposition émane d’un individu qui
négocie au nom d’une personne morale, la proposition étant faite sous
réserve de l’approbation du contrat par ses organes collégiaux, assemblée
générale ou conseil d’administration2.
La réserve peut aussi être implicite et résulter de la nature même de la
convention proposée. Ainsi en va-t-il lorsqu’est adressée au public la
proposition de conclure un contrat présentant un caractère intuitu
personae, c’est-à-dire un contrat où la considération de la personne est
déterminante. En publiant une annonce ayant pour objet de louer un
immeuble ou de pourvoir un emploi, l’auteur de celle-ci n’entend pas
être lié à la première personne qui se présentera, et cela alors même
qu’elle accepterait les conditions de loyer ou de salaire qu’il aurait posées.
Il demeure libre d’élire, parmi ceux qui répondent à sa proposition, le
cocontractant qui lui paraît présenter les meilleures garanties ou même
de n’en choisir aucun. De même en va-t-il de l’offre comportant un
crédit car celui qui l’émet doit pouvoir apprécier la solvabilité de
l’acceptant3.
On ne saurait cependant considérer qu’une offre est disqualifiée en
invitation à entrer en pourparlers par cela seul qu’elle est assortie d’une
réserve. Tout dépendra de la nature de celle-ci4. Par ailleurs, lorsqu’une

1 Cass. fr., Com., 6 mars 1990.


2 Paris, 13 juillet 1983.
3 Cass. fr., Com., 31 janv. 1966.
4 Limoges 28 mai 2015.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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offre présente un caractère optionnel, elle constitue une véritable offre


dès lors que chacun des termes de l’option revêt un caractère ferme et
précis. Le destinataire de l’offre choisira celle qui lui convient.

c. L'offre non équivoque

L'offre doit enfin être non équivoque. Elle doit être exempte de
quelque doute. Le juge apprécie.

3. Caractères de l'offre

Il faut séparer les éléments constitutifs de l'offre de ses caractères.


Il est des traits qu'une proposition de contracter doit nécessairement
revêtir pour qu'on puisse parler d'offre au sens strict, ce sont ses
éléments constitutifs. Il en est d’autres qui, sans être consubstantiels à la
notion d’offre, permettent d’en préciser la physionomie, ce sont ses
caractères.
L'offre peut être expresse ou tacite, publique ou personne déterminée avec ou
sans délai1.

a. L'offre expresse ou tacite

L'offre doit être extériorisée. Les modes d’extériorisation de la


volonté sont extrêmement divers : l’écrit — une lettre, un catalogue, une
affiche, une annonce, une facture pro forma… —, la parole, des
attitudes purement matérielles.
« La volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non
équivoque de son auteur »2. Ainsi par exemple constituent des offres,
l’exposition en vitrine d’un objet avec son prix, ou un taxi en
stationnement sur un emplacement réservé, gaine de compteur non mise
et chauffeur au volant3.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 201.


2 Art. 1113, Code civil français.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 2 déc. 1969.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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b. L'offre publique ou à personne déterminée

L’offre peut être « faite à personne déterminée ou indéterminée »1. L’offre


faite au public lie le pollicitant à l’égard du premier acceptant dans les
mêmes conditions que l’offre faite à personne déterminée2.
Il en va toutefois différemment lorsque cette offre concerne un
contrat qui doit être conclu intuitu personae. Une réserve d’agrément est alors,
en effet, toujours sous-entendue au bénéfice de l’auteur de celle-ci, ce
qui la disqualifie en une simple invitation à entrer en pourparlers.

c. L'offre avec ou sans délai

Plus souvent, le délai est stipulé par le pollicitant lui-même. Il pourra être
numériquement fixé ou résulter de manière certaine du libellé même de
l’offre.
Le plus souvent ce délai est à la fois un délai d’irrévocabilité de l’offre
et un délai de validité, ou plus exactement d’efficacité de celle-ci. Pendant ce
délai, le pollicitant s’engage à ne pas révoquer son offre et à l’expiration de
celui-ci l’offre est caduque3.
Les raisons qui guident le pollicitant à fixer un délai peuvent être
variables : accorder au destinataire un temps de réflexion suffisant,
recouvrer assez rapidement sa pleine liberté en cas de non-réponse,
éviter qu’une offre formulée pour des raisons publicitaires en termes
particulièrement favorables (par exemple prix serré, rabais important,
crédit gratuit, frais de notaire à la charge du vendeur…), ne se prolonge
trop longtemps et n’obère à l’excès les finances de son auteur.
Alors même que l’auteur de l’offre ne l’a assortie d’aucun délai, la
jurisprudence a progressivement dégagé la règle qu’une offre non
assortie d’un délai ne vaut que dans la limite d’un délai raisonnable4. Le
code civil français consacre désormais cette solution5.
Le délai raisonnable est apprécié souverainement par les juges du fond6. Sa
durée varie suivant les circonstances : volonté tacite du pollicitant7, nature du

1 Art. 1114, Code civil français.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 28 nov. 1968.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 203.
4 Paris, 12 juin 1869.
5 Art. 1116, Code civil français.
6 Cass. fr., Civ. 3e, 10 mai 1972.
7 Cass. fr., Civ. 3e, 8 févr. 1968.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contrat projeté1, qualité du destinataire2, usages, distance séparant les


parties, variation des cours. Les formules du type « réponse immédiate
souhaitée » n’excluent pas le jeu d’un délai qui sera apprécié par le juge
en fonction de la nature de l’opération projetée3.

4. Régime de l'offre

L'offre n'a d'existence que si elle reflète la volonté réelle de son auteur.
Par conséquent, si cette volonté change, ou si la personne qui en est le
support disparaît, l’offre n’a plus lieu d’être4.
On en déduit que l’offre peut être retirée par celui qui l’a émise tant
qu’elle n’a pas été acceptée5. Cette rétractation peut intervenir sans que le
pollicitant ait, au préalable, mis le destinataire en demeure d’accepter6.
On en déduit également que l’offre est caduque au cas où le pollicitant
décède7, ou devient incapable8 avant qu’elle n’ait été acceptée.
La règle de la libre révocabilité de l’offre ne va pas toujours sans
inconvénients, spécialement au regard de la sécurité juridique. Laisser au
pollicitant la liberté de révoquer l’offre à tout moment, c’est imprimer à
celle-ci une précarité qui risque de priver son destinataire du temps de
réflexion souhaitable : pour se prémunir contre une telle révocation, il
peut être tenté de l’accepter de manière précipitée. Accorder au
pollicitant cette liberté, c’est aussi lui permettre de causer impunément
des dommages au destinataire de l’offre : les frais de déplacement,
d’étude… qu’il aura engagés pour l’examen de celle-ci l’auront été en
pure perte ; anticipant sur la conclusion du contrat, le destinataire de
l’offre aura pu négliger des affaires intéressantes ou même modifier
d’une façon irréversible sa propre situation juridique. Ainsi, décidé à
accepter l’offre de vente qui lui a été faite, le destinataire de celle-ci résilie
son bail et se retrouve sans logement, ou encore, se voyant proposer un
nouvel emploi, il quitte le précédent9.

1 Cass. fr., Com., 6 févr. 1973.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 25 mai 2005.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 25 mai 2005.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 205.
5 Cass. fr., Civ. 3 févr. 1919.
6 Cass. fr., Civ. 3e, 5 mai 1976.
7 Cass. fr., Soc., 14 avr. 1961.
8 Cass. fr., Civ. 20 juill. 1846.
9 F. TERRE et alii., op. cit., p. 206.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ainsi, le principe de la libre révocabilité ne jouait-il pleinement que tant que


l’offre n’est pas parvenue à son ou ses destinataires. Aucun préjudice n’est alors
à craindre.
En revanche, une fois l’offre portée à la connaissance de son
destinataire, ce principe a été assorti par la jurisprudence de tempéraments.
Désireuse de préserver la sécurité juridique, la jurisprudence a fait
peser sur le pollicitant une obligation de maintenir l’offre.
En premier lieu, lorsque le pollicitant fixe de façon précise un délai,
il est obligé de maintenir son offre jusqu’à l’expiration de celui-ci1. En second
lieu, lorsque le pollicitant n’a pas fixé de délai, l’offre n'est révocable qu'au-
delà du délai raisonnable2. La durée de ce délai est, en général, brève,
spécialement en matière commerciale, afin de respecter la rapidité des
transactions.
En cas de révocation de l'offre déjà parvenue à son destinataire
avant l’expiration du délai expressément prévu ou raisonnable, l’auteur
de l’offre qui la révoque commet une faute qui engage sa responsabilité
délictuelle — et non pas contractuelle, puisque le contrat n’est pas formé
—. Il peut donc être condamné à payer des dommages et intérêts, mais
non à conclure le contrat.

B. L'acceptation

1. Définition de l'acceptation

« L'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les
termes de l'offre »3. Autrement dit, l'acceptation résulte de l'agrément pur et
simple de l'offre par le destinataire de celle-ci. Toute réponse par laquelle est
demandée une modification des conditions fixées par le pollicitant
s'analyse, non en une acceptation, mais en une contre-proposition qui peut
pas former un contrat4.
Lorsqu’aucune forme n’est requise pour la validité de la
convention, ce qui est le principe, l’acceptation suffit à former le contrat.
Encore faut-il qu’elle porte sur une offre véritable, c’est-à-dire une offre qui
renferme les éléments essentiels de l’opération projetée, et qu’elle
intervienne à un moment où cette offre conserve sa valeur juridique.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 10 mai 1968.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 10 mai 1972.
3 Art. 1118, Code civil français.
4 Cass. fr., Civ. 3 févr. 1919.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Exprimée après la rétractation ou la caducité de l’offre, elle serait


impuissante à former le contrat.
Comme l'offre, l'acceptation peut être expresse ou tacite. À la question
du silence comme manifestation du consentement, la Cour de cassation
de France a décidé, dans un arrêt de principe, « qu’en droit le silence de
celui qu’on prétend obliger ne peut suffire, en l’absence de toute autre
circonstance, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée »1.
Ainsi a-t-il été décidé que l’expédition répétée d’une publication
périodique ne pouvait donner naissance à un abonnement même si
l’expéditeur avait indiqué qu’à défaut de refus, le destinataire serait
considéré comme abonné2.
La loi et la jurisprudence ont tout de même constitué des
exceptions à ce principe. Ainsi est-il admis que le silence peut valoir
acceptation lorsque les circonstances qui l’entourent permettent de lui
donner une telle signification3. On parle alors de silence circonstancié.
Par ailleurs, en cas de contrats successifs, le silence gardé par les
cocontractants suffit à prolonger le contrat.

2. Le lieu et le moment de formation du contrat


pour les contrats à distance

Lorsque des contrats sont conclus entre personnes qui ne se


trouvent pas au même endroit, il y a lieu de savoir où et quand le contrat
a été conclu. Les parties sont libres de décider où et quand le contrat est formé.
Mais, lorsqu’elles n’ont rien dit sur ces points, il est nécessaire de trouver
une règle supplétive.

a. L'intérêt de l'étude

Cette démarche est d'un intérêt important4.


L'intérêt réside, d'abord, au niveau de la détermination du moment de
formation du contrat.
La question se pose en cas de rétractation et de décès du pollicitant.
En effet, jusqu'à la conclusion du contrat, les parties ne sont pas liées.
Partant, pollicitant et destinataire de l’offre peuvent jusqu’à cette date,

1 Cass. fr., Civ. 25 mai 1870.


2 T. Seine, 19 avr. 1893.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 24 mai 2005.
4 F. TERRE et alii., op. cit., pp. 254-255 ; M.-T. KENGE, op. cit., p. 29.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l’un rétracter son offre, l’autre revenir sur son acceptation. De même, le
décès d’une des parties ou son incapacité survenant avant la conclusion
du contrat entraîne la caducité de sa manifestation de volonté et fait
obstacle à la conclusion de celui-ci.
L'intérêt réside également en matière de transfert de propriété et des
risques. Pour les contrats translatifs de propriété, le transfert de propriété
d’une partie à l’autre, ainsi que le transfert des risques, se réalisent au
moment de la formation du contrat.
En matière de conflit de lois dans le temps ; la législation applicable au
contrat est, en principe, celle en vigueur au moment où le contrat est
conclu. D’où la nécessité, au cas où une nouvelle loi entrerait en vigueur
entre le jour de l’émission de l’acceptation et celui de sa réception, de
préciser la date de conclusion du contrat.
Sur les questions des délais ; la date de formation du contrat fixe le
point de départ de certains délais, notamment les délais légaux de
prescription ou les délais conventionnels d’exécution.
Au sujet de l'action paulienne ; en principe, un créancier ne peut
attaquer un contrat comme frauduleux par le moyen de l’action
paulienne que s’il justifie d’un droit antérieur à la conclusion du contrat.
L'intérêt est relatif, enfin, à la détermination du lieu de formation du
contrat. Cela influence la compétence territoriale de la juridiction de
jugement. Est compétent, le tribunal du lieu de conclusion de l’acte pour
les litiges relatifs aux contrats.

b. Les principales théories

Deux théories principales s’affrontent alors à ce sujet1.

i. Le système de l'émission. Selon cette théorie, le contrat se


formerait au moment et au milieu où l’acceptation est émise.
Cette théorie a deux variantes. La première, la déclaration de
l’acceptation, veut que la simple coexistence des deux volontés qui
coïncident suffise, le contrat est formé dès qu’il a été accepté. La
deuxième, l'expédition de l’acceptation, postule que le contrat est formé au
moment et au lieu de l’expédition.

1Lire F. TERRE et alii., op. cit., pp. 255-257 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit.,
pp. 65-68.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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ii. L'autre système est celui de la réception. Il postule que le contrat


n’est formé qu’au moment et au milieu où l’offrant a eu connaissance de
l’acceptation.
Cette théorie a aussi deux variantes. L'information, qui veut que le
pollicitant ait pris connaissance du fait que l’autre partie a accepté l’offre,
c’est à dire que les volontés se soient réellement rencontrées. La réception
de l’acceptation, veut que le contrat soit formé au lieu et au moment où
l’offrant reçoit la lettre d’acceptation.

iii. Une tendance intermédiaire existe. Elle préconise d’utiliser


l’une ou l’autre des théories, en fonction des problèmes posés. Ainsi, il
faudrait distinguer les situations. S’il s’agit de connaître le point de départ des
effets d’un contrat, dont l’existence n’est pas discutée, il ne serait pas,
nécessaire que l’offrant ait pris connaissance de l’acceptation : la théorie
de l’expédition s’appliquerait.
Par contre, si l’existence même du contrat est en jeu, d’autres
distinctions apparaissent.
Pour savoir si l’offrant peut révoquer son offre, il faudrait appliquer
la théorie de la réception, au motif qu’il n’est pas admissible qu’une
personne soit engagée sans en être informée, c’est à dire tant qu’elle n’a
pas reçu la lettre d’acceptation — la révocation serait donc possible
jusqu’à cette date —.
Pour savoir si l’offre est caduque, il faudrait appliquer la théorie de
l’expédition. En effet, pour que le contrat soit formé, il devrait suffire que
le destinataire de l’offre ait accompli ce qui dépendait de lui, c’est à dire
ait envoyé la lettre d’acquiescement avant la survenance de l’événement
qui était de nature à entraîner la caducité de l’offre.

iv. Une doctrine1 pense qu'il faut se référer à l'intention des


parties, aux circonstances et à la nature du contrat. À défaut de
découvrir cette intention des parties, elle soutient le système de la réception,
car c'est celui qui, lorsque les parties sont éloignées, garantit le concours
de leurs volontés. Autrement, le sollicitant ne serait jamais informé de
l'acceptation par le destinataire de son offre. La Cour de cassation de
France, par contre, s’est nettement prononcée en faveur du système de
l’émission2.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 68 ; M.-T. KENGE, op. cit., p. 31.


2 Cass. fr., Com., 7 janv. 1981.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-point 2
Le contrat par étapes

Lorsque les intérêts en jeu sont considérables — contrats de


prospection et d'extraction des richesses du sous-sol, contrat
d'approvisionnement à long terme, contrat de grands travaux, de vente
d'ensembles industriels, de transfert de technologie, cession
d'entreprises… —, la conclusion du contrat est presque toujours
précédée d'une longue période de négociation, ponctuée d'accords
préparatoires1.

A. Les pourparlers

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles


sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi »2. La
période précontractuelle est placée sous le double signe de la liberté et de
la bonne foi.
Toutes les phases de la négociation relèvent du principe de liberté.
L’initiative : nul n’est tenu d’entrer en discussion. Le déroulement :
chacun peut conduire les négociations comme il l’entend et faire les
propositions qu’il estime pertinentes. La rupture : chacun doit pouvoir
mettre fin librement aux pourparlers. Ainsi le veut la conception
traditionnelle du contrat. Pièce essentielle du bon fonctionnement d’une
économie de marché, la liberté contractuelle suppose qu’on puisse nouer
et mener des pourparlers parallèles, comparer diverses propositions,
choisir les plus avantageuses et donc rompre avec ceux qui ont émis
celles qui le sont moins3.
La bonne foi préside à la formation et à l’exécution du contrat mais
aussi à sa négociation. Les parties doivent négocier loyalement. Revêtant
un caractère impératif, l’exigence de bonne foi vise les trois dimensions
de la négociation : initiative, déroulement, rupture.
En principe libre d’entamer des pourparlers, de les conduire et de
les interrompre, chacun de ceux qui y participent engage néanmoins sa
responsabilité lorsque son comportement présente un caractère abusif. Il
en va ainsi non seulement lorsque la personne concernée est animée par

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 272.


2 Art. 1112, Code civil français.
3 Voir par ex. Versailles, 5 mars 1992.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l’intention de nuire à son partenaire, mais aussi lorsqu’elle agit avec mauvaise
foi1, ou même avec une légèreté blâmable2 au cours de la négociation.
En pratique, la faute consistera à prendre l’initiative de la
négociation sans intention sérieuse de contracter3, à seule fin de
dissuader le partenaire de négocier avec autrui ou pour obtenir la
révélation de certains secrets, à communiquer une information que l’on
sait fausse afin de créer la confusion chez son partenaire, à entamer des
pourparlers sans faire état de la nécessité de recourir à un prêt et à les
poursuivre en gardant le silence sur la non-obtention de ce prêt4, à
conduire des pourparlers sur la base d’un prix très exagéré alors qu’on
en mène parallèlement d’autres, pour la même chose, sur celle d’un prix
nettement inférieur5, à maintenir sans motif réel et sérieux le
cocontractant potentiel dans une incertitude prolongée6, à prolonger une
négociation dont on sait qu’elle ne peut aboutir7, ou encore à rompre
sans raison légitime, brutalement et unilatéralement des pourparlers
avancés8. Si l’un des intéressés fait naître chez son partenaire une
confiance qu’il a ensuite trompée, sa responsabilité peut être engagée9 .
Cette confiance sera d’autant plus grande que les pourparlers seront plus
avancés10.
À l’inverse, la rupture ne revêt pas un caractère abusif lorsqu’elle
est justifiée par un motif légitime : désaccord sur le prix, inaptitude à
répondre aux exigences techniques recherchées, difficultés économiques
rencontrées11.
En cas de préjudice causé au partenaire, l'auteur engage sa responsabilité
quasi-contractuelle. En l'espèce, « la réparation du préjudice (…) ne peut
avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du
contrat non conclu ni la perte de la chance d’obtenir ces avantages »12.
On en déduit que si la victime peut, en cas de rupture, obtenir le

1 Cass. fr., Civ. 1re, 12 avr. 1976.


2 Cass. fr., Com., 22 févr. 1994.
3 Rennes, 8 juill. 1929.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 6 janv. 1998.
5 Cass. fr., Civ. 2e, 4 juin 1997.
6 Paris, 19 janv. 2001.
7 Cass. fr., Com., 22 févr. 1994.
8 Cass. fr., Com., 20 mars 1972.
9 Cass. fr., Com., 11 juill. 2000.
10 Cass. fr., Civ. 1re, 14 juin 2000.
11 Cass. fr., Com., 20 nov. 2007.
12 Cass. fr., Com., 26 nov. 2003.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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remboursement des frais engagés inutilement, elle ne peut être


indemnisée de la perte de la chance de réaliser les gains que permettait
d’espérer la conclusion du contrat projeté. En revanche, est un préjudice
réparable, la perte de chance de conclure un contrat avec un tiers.
Une réparation en nature consistant dans une conclusion forcée du
contrat projeté ne saurait être retenue. Au cas où la victime aurait elle-
même commis une faute d’imprudence, il pourrait y avoir partage de
responsabilité, conduisant à une diminution de son droit à réparation.

B. L'avant-contrat, le contrat préalable et la


promesse

Ces accords préalables sont malgré tout des accords véritables et ont
donc une force obligatoire. Cela dit, ils sont préalables à la conclusion d'un
contrat définitif, donc ils sont provisoires.

1. Les accords de principe ou protocoles d'accord

Ici, les parties se sont mises d’accord sur un certain nombre de points —
sur les éléments essentiels du contrat ou la manière de conduire les
négociations par exemple —, et s’engagent à continuer les discussions à
partir des bases acquises. De tels accords créent une obligation de nature
contractuelle, à la charge de chaque partie, de continuer de bonne foi la discussion. La
rupture sans raison sérieuse engage la responsabilité contractuelle et
justifie la condamnation à des dommages et intérêts, mais non la
condamnation à conclure le contrat définitif.

2. Le pacte de préférence

« Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer
prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de
contracter »1. Autrement dit, il y a pacte de préférence lorsqu’une personne
s’engage envers une autre, qui accepte, à ne pas conclure avec des tiers un contrat
déterminé avant de lui en avoir proposé la conclusion aux mêmes conditions2. Par
exemple, dans les rapports entre associés, l’un promet à l’autre de lui
proposer en priorité la vente de ses parts sociales, au cas où il déciderait
de les aliéner.

1 Art. 1123, Code civil français.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 291.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le promettant ne s’engage qu’à proposer la conclusion de ce


contrat au bénéficiaire pour le cas où il déciderait de le conclure. Le
bénéficiaire n’est donc pas titulaire d’un droit d’option, mais d’un droit de
priorité, d’une sorte de droit de préemption d’origine conventionnelle1.
Tant que le promettant n’a pas manifesté sa volonté de vendre, la priorité
conférée par le pacte au bénéficiaire est maintenue, sauf à ce qu’un délai
ait été stipulé.
Le promettant ne s’engageant pas à conclure le contrat considéré,
il n’est nul besoin que les conditions de celui-ci soient d’ores et déjà
fixées. Il suffit que soit défini l’objet sur lequel portera le contrat éventuel2
et que cet objet soit licite. En revanche, la prédétermination du prix pas
plus que la stipulation d’un délai ne sont des conditions de validité du
pacte de préférence3.
Lorsque le promettant décide de conclure le contrat projeté, il doit
en faire l’offre au bénéficiaire, son acceptation impliquant la formation du
contrat4. Au cas où le promettant conclut le contrat projeté avec un tiers
sans l’avoir au préalable proposé au bénéficiaire, il méconnait ses
obligations et engage sa responsabilité délictuelle.

3. La promesse unilatérale de contracter

« La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant,


accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont
les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le
consentement du bénéficiaire »5. En d'autres termes, le promettant donne son
consentement de manière irrévocable et définitive au contrat projeté, le
bénéficiaire de la promesse prenant acte de l'engagement du promettant,
mais ne s'engageant pas à conclure le contrat définitif. Il dispose d'une
option qui lui laisse dans l'avenir la liberté de donner ou non son
consentement à celui-ci6.
La promesse unilatérale de contracter diffère à la fois de l'offre de
contracter et du contrat réalisé. En tant que contrat, elle est plus qu’une offre
; en tant que promesse unilatérale, elle est moins que le contrat réalisé.

1 Cass. fr., Com., 12 mai 1992.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 9 avril 2014.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 6 juin 2001.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 22 sept. 2004.
5 Art. 1124, Code civil français.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 283.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La promesse unilatérale se distingue de l’offre. Alors que l’offre est


une manifestation unilatérale de volonté, la promesse est une
convention, parfaite en soi, supposant un accord de volontés. Il en
résulte que la situation du bénéficiaire de la promesse est plus solide que
celle du destinataire de l’offre : alors que l’offre est, en principe,
révocable, la promesse exprime un engagement immédiat et définitif de conclure le
contrat projeté. Le Code civil français dispose que « la révocation de la
promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche
pas la formation du contrat promis »1. En outre, si le décès ou
l’incapacité du pollicitant entraînent la caducité de l’offre, ils restent sans
effet sur la promesse ; les héritiers ou le représentant du promettant
décédé ou devenu incapable devront exécuter les engagements qu’il a
contractés au cas où le bénéficiaire déciderait malgré tout de lever
l’option2.
La promesse unilatérale se distingue du contrat dont elle prépare la
formation. La promesse unilatérale de contrat implique qu’une seule
personne est engagée, le promettant qui a accordé une option au bénéficiaire3.
Le promettant donne un consentement actuel et irrévocable à un
contrat dont la réalisation dépend de la seule volonté du bénéficiaire.
C’est dire que la promesse unilatérale ne relève plus du temps de la
négociation : les termes du contrat sont, en effet, d’ores et déjà fixés
puisque la levée de l’option suffit à le former.
Le promettant étant engagé dès la conclusion de la promesse, c’est à
ce moment que s’apprécie sa capacité ainsi que l’existence et l’intégrité
de son consentement4. En revanche, la capacité du bénéficiaire à
conclure le contrat définitif ainsi que l’existence et l’intégrité de son
consentement s’apprécient au jour de la levée de l’option.
La seule déclaration de volonté du bénéficiaire de la promesse
suffisant à conclure le contrat projeté, il faut que le contenu de celui-ci
soit défini dans la promesse avec une précision suffisante5. Mais
l’existence ainsi que la licéité du contenu du contrat projeté s’apprécient
au moment de la levée de l’option6.

1 Art. 1124, Code civil français.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 8 sept. 2010.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 21 nov. 1984.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 30 nov. 1971.
5 Req. 15 déc. 1920.
6 Req. 14 mars 1860.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Jusqu’à la levée de l’option, le bénéficiaire est titulaire d’un droit


d’option, droit potestatif qui lui confère le pouvoir de conclure le contrat
définitif. Ce droit est transmissible entre vifs et à cause de mort, à moins
qu’il n’ait été accordé intuitu personae1.
Le droit du bénéficiaire existe pendant le délai accordé
expressément2 ou implicitement3 pour la levée de l’option. À défaut d’un
tel délai, le promettant peut mettre le bénéficiaire en demeure d’accepter,
les juges du fond décidant si, eu égard aux circonstances, le délai imparti
est ou non suffisant4.
Après la levée de l’option, le contrat définitif est formé. Lorsque la promesse
unilatérale a pour objet la vente d’un bien, le bénéficiaire, désormais
acquéreur, devient titulaire d’un droit réel. Si le promettant refuse de
réitérer son consentement devant le notaire, alors qu’un tel acte est
nécessaire pour réaliser la publicité, l’acquéreur peut l’y contraindre sous
astreinte ou même obtenir une décision de justice qui en tiendra lieu5.

4. La promesse synallagmatique

La promesse synallagmatique6 est une convention par laquelle les deux


parties s’engagent réciproquement. Cas de la promesse synallagmatique de
vente : l’une s’engage à vendre, l’autre à acheter.
Deux grandes orientations peuvent se dégager. Si le contrat définitif
est consensuel, la rencontre des volontés dans la promesse suffit pour
lier définitivement les parties et la réitération de leur accord dans un acte
postérieur — un acte notarié par exemple — peut être analysé comme
une simple modalité d’exécution.
En revanche, lorsque la conclusion du contrat est assujettie à
l’accomplissement d’une formalité, la distinction avec le contrat définitif
est plus nette : la promesse synallagmatique ne vaut pas contrat définitif,
mais entraîne simplement obligation d’accomplir la formalité requise.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 287.


2 Cass. fr., Civ., 6 févr. 1906.
3 Cass. fr., Civ ; 2 févr. 1932.
4 Cass. fr., Civ., 4 avr. 1949.
5 Req. 18 mars 1912.
6 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 290.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 3
Les vices de consentement

La loi dispose qu' « il n'y a point de consentement valable, si le consentement


n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol »1.
En effet, dit François Terré, « contracter, ce n'est pas seulement
consentir, c'est consentir en pleine connaissance de cause et librement
(...) Après avoir délibéré en lui-même, pesé le pour et le contre, chaque
partie décide ou non de s’engager. Pour que le consentement revête une
pleine valeur, qu’il acquière toute sa densité, il faut que la délibération
soit éclairée et la volition libre »2.
Si un contractant se représente de manière erronée les éléments de
l’opération projetée, son consentement ne sera pas lucide, puisqu’il se
sera déterminé sur des données inexactes.
L’erreur qui est à l’origine de ce défaut de lucidité peut être
spontanée ou provoquée. Dans le premier cas, on parle d’erreur au sens
strict, dans le second cas de dol. Si un contractant que ses réflexions
portent à refuser de s’engager, décide néanmoins de contracter parce
qu’il est soumis à des pressions, son consentement n’est pas libre ; il est
contraint. Entre deux maux, le contrat qu’il désapprouve et les menaces
dont il est l’objet, il choisit le premier par crainte des secondes. On parle
alors de violence3. Par ailleurs, un cas particulier de vice de consentement
est celui du cocontractant qui s'engage en reconnaissant à son partenaire
un intérêt disproportionné par rapport à la normale. Le créancier
abusant des besoins, des faiblesses, des passions ou de l'ignorance du
débiteur, s'est fait promettre pour lui-même ou pour autrui un intérêt ou
d'autres avantages excédant manifestement l'intérêt normal. Il s'agit là de
la lésion.

A. L'erreur

L'erreur est le fait de se représenter inexactement l’objet d’une obligation, ou


bien, plus techniquement encore, elle est une discordance entre la volonté
interne et la volonté déclarée4.

1 Art. 9, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 306.
3 Idem., p. 306.
4 P. MALAURIE et alii., Droit des obligations, LGDJ, Paris, 2016, p. 266.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1. Les types d'erreurs

Toutes les erreurs n'ont pas la même incidence sur le contrat. La doctrine et
la jurisprudence distinguent trois catégories d'erreurs en fonction de leur
gravité : tantôt l'erreur détruit le consentement, car elle empêche la
rencontre des volontés, on dit qu'il y a erreur-obstacle ; tantôt elle vicie le
consentement, c’est l’erreur vice de consentement ; tantôt, enfin, elle est
indifférente et ne porte pas atteinte à la validité du contrat.

a. Les erreurs-obstacles

Les erreurs-obstacles résultent d'un malentendu radical. Par suite d'un


quiproquo, il arrive que sous les déclarations formelles, en apparence
concordantes, les volontés réelles ne se soient pas rencontrées. L’accord
ne s’est pas opéré parce que les parties n’ont pas, en réalité, voulu la
même chose. Il manque au contrat une condition essentielle à sa formation
: l’intention commune, l’entente véritable, la congruence des volontés.
L’erreur commise par les parties est si grave qu’elle met obstacle, d’où
son nom, à la rencontre des volontés.
Les erreurs obstacles entraînent la nullité absolue du contrat1. Ce sont
celles qui portent sur la nature, l'objet ou la cause du contrat.

i. L'erreur sur la nature

L'erreur sur la nature est une erreur-obstacle. L'un croyait à une


donation et l'autre à une vente ou un prêt. L'un croyait donner en
location un bien que l'autre pensait acquérir2.

ii. L'erreur sur l'objet

Ce peut être une erreur sur l'identité de la chose stricto sensu. Chacune des
parties a en vue un bien différent. L’un entend vendre ou donner en
location telle parcelle de terre, tandis que l’autre entend acheter ou
prendre en location une parcelle différente3. Vente d’une propriété

1 M.-T. KENGE, op. cit., p. 34.


2 Paris, 13 décembre 1991.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 16 décembre 2014.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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morcelée alors que l’acheteur la croyait d’un seul tenant1. L’un entend
acheter un immeuble alors que l’autre lui cède seulement des parts
sociales2.
Ce peut être aussi une erreur sur le prix3.

iii. L'erreur sur la cause

L'erreur sur la cause. En cas d'erreur sur la cause, le contrat n'a


aucun effet.

b. Les erreurs vice de consentement

« L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle


tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est
point une cause de nullité, lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec
laquelle on a l'intention de contracter, à moins que la considération de
cette personne ne soit la cause principale de la convention »4.
Les erreurs vice de consentement entraînent la nullité relative du
contrat5

1 Cass. fr., Civ. 3e, 1er févr. 1995.


2 Paris, 8 juill. 1966.
3 Voir par ex. Cass. fr., Com., 14 janv. 1969. L'erreur sur le prix doit être

distinguée de l'erreur sur la valeur et de l'erreur arithmétique. Il ne faut pas


confondre une erreur sur le prix, qui entraîne la nullité du contrat, avec l’erreur
sur la valeur, qui est, en principe, indifférente. Dans le second cas, il y a bien eu
accord des parties sur le prix, mais l’une des parties conteste ensuite celui-ci au
motif qu’il ne correspond pas à la valeur économique réelle du bien ou du service
fourni. Il ne faut pas confondre non plus l’erreur sur le prix avec la simple erreur
de calcul, l’erreur arithmétique, laquelle donne uniquement lieu à rectification.
Ainsi en va-t-il lorsque les parties ont contracté en pleine connaissance des
éléments du calcul [F. TERRE et alii., op. cit., p. 312].
4 Art. 10, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 72.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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i. L'erreur sur la substance

L'erreur sur la substance renvoie à l'erreur sur les qualités essentielles


de la prestation due1. Entendue objectivement, la qualité substantielle de la
chose est sa qualité principale, celle qui lui donne sa nature et sans laquelle elle ne
serait pas ce qu’elle est. Entendue subjectivement, la qualité substantielle est
la qualité jugée telle par celui qui s’est trompé, celle qui l’a déterminé à contracter.
C’est cette deuxième analyse qui fut retenue par la jurisprudence
française. Il a été jugé que « l’erreur doit être considérée comme portant
sur la substance lorsqu’elle est de telle nature que sans elle l’une des
parties n’aurait pas contracté »2.
Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été
expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles
les parties ont contracté. L’erreur est une cause de nullité lorsqu’elle
porte sur la prestation de l’une ou l’autre partie3.
L’identification de la qualité essentielle est une question de fait,
d’intention, relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Parfois c’est la substance même de la chose, sa matière qui est prise
en considération lorsqu’elle a été déterminante. Ainsi en va-t-il
lorsqu’une personne achète des perles de culture pour des perles fines4.
Parfois c’est la qualité qui donne à l’objet sa valeur artistique. Ainsi
en va-t-il de son origine, de son authenticité5.
Parfois encore, c’est l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel
celui qui s’est trompé la destinait. Ainsi en va-t-il d’un terrain qui se
révèle impropre à réaliser les constructions envisagées par l’acheteur6,
d’un animal inapte au travail7, d’un matériel impropre à sa destination8,
d’une cession de parts sociales lorsque la société que le cessionnaire se

1 L'article 1132 du Code civil français a supprimé pour le rendre plus explicite la
notion d'erreur sur la substance en disposant désormais que l'erreur est une cause
de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les « qualités essentielles de la prestation due
».
2 Cass. fr., Civ., 28 janv. 1913.
3 Art. 113, Code civil français.
4 Req. 5 nov. 1929.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 23 févr. 1970.
6 Cass. fr., Civ., 23 nov. 1931.
7 Cass. fr., Civ., 27 avr. 1953.
8 Paris, 13 mai 1987.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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propose d’acquérir est déjà privée de l’essentiel de son actif et dans


l’impossibilité manifeste de réaliser son objet social1.
En revanche, n'ont pas été considérés comme des qualités
substantielles, le personnage représenté sur un tableau2, les dimensions
d’une toile ou la croyance que le tableau vendu avait orné la chambre de
l’artiste3, la marque d’un poste de télévision4, la date à un an près de
fabrication d’un véhicule5.
Le plus souvent invoquée en matière de vente, l’erreur sur les
qualités essentielles peut jouer à propos d’autres conventions : bail,
convention collective de travail, cautionnement, etc.
On constate que la distance entre l’approche objective et l’approche
subjective est, quant à leur résultat, moins grande qu’il y paraît au premier
abord. La qualité subjectivement déterminante est, en règle générale, la
qualité objectivement essentielle. La solution s’explique, au demeurant,
fort bien. D’une part, il est rare qu’un individu décide d’acquérir un bien
en raison d’une qualité secondaire de celui-ci. D’autre part, encore lui
faudrait-il démontrer que cette qualité était pour lui déterminante et que
ce caractère déterminant était connu du cocontractant, preuves difficiles
à apporter6.

ii. L'erreur sur la personne

L'erreur sur la personne est vice de consentement dans les contrats


conclus en considération de la personne du cocontractant. L’erreur n’entraîne la
nullité du contrat que si elle a été déterminante du consentement. Cette
erreur n’est concevable que si la considération de la personne a joué un
rôle déterminant, c’est-à-dire si le contrat a été conclu intuitu personae7.
Certaines conventions, en raison de leur nature, se prêtent plus que
d’autres à la qualification d'intuitu personae. Tel est le cas des contrats à
titre gratuit – donation, contrats de bienfaisance – pour lesquels la
considération de la personne du bénéficiaire est presque toujours
essentielle. Tel est aussi le cas de certains contrats à titre onéreux, dont

1 Cass. fr., Com., 7 févr. 1995.


2 Trib. paix Nantes, 23 janv. 1947.
3 T. Civ. Seine, 8 déc. 1950.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 22 nov. 1977.
5 Paris, 23 sept. 1988.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 317.
7 Idem., p. 323.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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la bonne exécution dépend souvent de la personnalité du cocontractant


: contrat médical, contrat d’entreprise passé avec une personne disposant
d’un savoir-faire très spécifique, mandat, bail, contrat de travail, société
de personnes.
Mais il est d’autres contrats à titre onéreux, telle la vente, dans
lesquels l’intuitus personae, en principe indifférent, pourra s’introduire à
la faveur de circonstances exceptionnelles. C'est le cas par exemple
lorsqu'une personne n’accepte de vendre un objet auquel elle est très
attachée qu’en raison de la personnalité de l’acquéreur.
Il en découle que la question devra être résolue par le juge au cas
par cas en fonction de la nature de la convention, des circonstances de
fait, de l’intention des parties.
L’erreur doit porter sur un élément de la personnalité du contractant qui a
été déterminant du consentement1.
Ce peut être une erreur sur l’identité physique du cocontractant. Tel
est le cas de l’auteur d’un accident qui, par suite d’une confusion entre
plusieurs dossiers, transige avec un autre que sa victime2. Ce peut être
aussi une erreur sur l’identité civile du cocontractant — nationalité, nom,
âge, situation matrimoniale, filiation, sexe — ou sur certaines qualités
essentielles de celui-ci, honorabilité, expérience, impartialité…
Le caractère déterminant de celles-ci s’appréciera en fonction tant
de la nature du contrat que de la psychologie de celui qui s’est trompé.
Ainsi la nullité d’un compromis d’arbitrage a été prononcée lorsque
la personne choisie n’avait pas les qualités d’indépendance et
d’impartialité qu’on est en droit d’attendre d’un arbitre3. De même,
certains contrats de la vie des affaires pourront être annulés en raison
d’une erreur sur l’expérience professionnelle du cocontractant soit qu’il
en apparaisse finalement dépourvu4, soit que cette expérience se révèle
négative5. Encore faut-il que l’erreur soit excusable6.
En revanche, le fait qu’un ouvrier induise son patron en erreur sur
son identité n’est pas une cause de nullité lorsqu’il y a lieu de penser qu’il

1 Ibidem., p. 324.
2 Rouen, 4 mars 1969.
3 Cass. fr., Civ. 16 juill. 1964 : désignation d’un avocat comme arbitre alors que

l’adversaire était le client de cet avocat.


4 Saint-Denis-de-la-Réunion, 6 oct. 1989.
5 Cass. fr., Soc., 3 juill. 1990.
6 Cass. fr., Soc., 3 juill. 1990.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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aurait néanmoins été embauché s’il avait produit ses propres papiers1.
De même est écartée la nullité pour erreur sur la nationalité de l’acheteur
d’un cheval de course dès lors que le vendeur n’établit pas que la
considération de cette nationalité l’a déterminé à contracter2.
L’erreur sur la solvabilité n’est pas, en règle générale, une cause de
nullité car elle s’apparente à l’erreur sur la valeur, laquelle est
indifférente3.

c. Les erreurs indifférentes

Dans les cas autres que ceux qui viennent d'être étudiés, l'erreur
commise par le contractant n'est pas une cause de nullité de
l'engagement. Elle est indifférente.
N'emportent donc pas nullité, l’erreur qui porte sur une qualité non
essentielle de la prestation, l’erreur sur la personne dans les cas où la
considération de la personne n’a pas été le motif déterminant de la
convention.

i. L'erreur sur la valeur

L’erreur sur la valeur renvoie à l’erreur sur l’évaluation de l’objet du


contrat. Par suite d’une appréciation économique erronée, le vendeur a
vendu trop bon marché ou l’acheteur a acheté trop cher. Le contrat ne
pourra être annulé4. Encore faut-il que cette appréciation économique
soit fondée sur des données exactes. Si cette erreur sur la valeur avait sa
source dans une erreur sur les qualités essentielles de la chose objet du
contrat, la nullité serait encourue, au titre d'erreur sur la substance. En
d’autres termes, l’erreur sur la valeur est sanctionnée lorsqu’elle est la
conséquence d’une représentation inexacte des qualités essentielles de la
prestation5.

1 Req. 17 janv. 1911.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 4 janv. 1980.
3 Cass. fr., Civ. 5 août 1874.
4 Cass. fr., Com., 26 mars 1974.
5 Voir par ex. Versailles, 7 janv. 1987.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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ii. L'erreur sur les motifs

L’erreur sur un simple motif est en principe indifférente. Par-là, on


entend l’erreur sur le motif qui a conduit une personne à contracter dès
lors que ce motif reste extérieur à l’objet du contrat, étranger à la
prestation, qu’il ne prend en compte ni les qualités de la chose objet du
contrat, ni celle de la personne.
Dans le cas contraire, on serait, en effet, en présence d’une erreur
sur les qualités essentielles de la prestation ou d’une erreur sur la
personne sanctionnée par la nullité du contrat1.
Cas par exemple d'une personne qui achète un véhicule parce
qu’elle escompte obtenir prochainement un emploi qui le requiert. Si,
peu de temps après, elle découvre que ce véhicule présente un défaut qui
le rend impropre à la circulation, elle pourra agir en nullité pour erreur
sur les qualités essentielles de la prestation. Si, au contraire, le véhicule
est apte à circuler mais que la nomination attendue n’intervient pas, il y
aura erreur sur les motifs, non sanctionnée2.
Toutefois, une exception, il était admis dans la jurisprudence
française — avant d'être finalement consacré par la loi — que l'erreur
sur le motif d'une libéralité, en l'absence duquel son auteur n'aurait pas
disposé, est une cause de nullité.
Ont été ainsi annulées les libéralités testamentaires dont l’auteur
avait été déterminé par la croyance erronée que le légataire était son fils
naturel3, ou encore qu’il n’avait pas d’héritier4. De même a été annulée,
une donation consentie à deux époux en raison des liens affectifs qui les
unissaient, liens qui se sont révélés faire défaut puisque peu de temps
après l’un d’entre eux a demandé le divorce5.

iii. L'erreur sur la rentabilité

L'erreur sur la rentabilité économique n'est pas considérée comme


une erreur sur la substance6, mais une erreur sur la valeur ou sur les
motifs, lesquelles sont en principe indifférentes.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 326.


2 Voir par ex. Cass. fr., Civ., 1er mars 1853.
3 Req. 17 mars 1812.
4 Paris, 9 février 1867.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 14 mai 1985.
6 Cass. fr., Civ. 3e, 31 mars 2005.

1260
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Toutefois, il n'en est pas exactement ainsi lorsque l’erreur sur la


rentabilité économique procède d’une erreur sur les qualités de la
prestation reçue. Cas par exemple d'un promoteur qui acquiert un terrain
qui se révèle inconstructible, alors qu’il voulait y réaliser une opération
immobilière. L’investissement n’est pas rentable. Mais ce défaut de
rentabilité a sa source dans une erreur sur les qualités essentielles de la
chose vendue. Il s'agira alors d'une erreur sur la substance1.

1. Les conditions d'annulation pour erreur

a. L'erreur doit être excusable

Fausse représentation de la réalité, l'erreur ne peut pas être prise en


compte lorsque celui qui s'est trompé avait en sa possession ou aurait pu
aisément se procurer tous les éléments nécessaires à la connaissance de
cette réalité2. L'erreur doit être excusable, c'est-à-dire, celle que peut
commettre aussi un homme raisonnable placé dans les mêmes circonstances3. En
s’abstenant de prendre les précautions élémentaires, l’errans a manqué à
son devoir de s’informer. Il a commis une faute de négligence qui sera
sanctionnée par un refus d’annulation.
Le caractère inexcusable de l’erreur s’apprécie in concreto en fonction
des circonstances de la cause, de l’âge, de l’expérience et de la profession
du demandeur en nullité4.
On admettra plus facilement que revêt un caractère inexcusable
l’erreur commise par un professionnel averti lorsqu’il contracte dans le
domaine de son activité habituelle, que celle qui l’a été par un profane.
C’est ainsi qu’a été jugée inexcusable l’erreur commise par un architecte
sur la constructibilité du terrain qu’il acquiert5, l’erreur commise par une
entreprise sur la personne du directeur qu’elle engage sans avoir
recherché si l’entreprise que celui-ci venait de diriger n’avait pas été mise
en faillite6. Cette directive n’a cependant rien d’absolu : un professionnel

1 Cass. fr., Civ. 3e, 21 juin 1995.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 329.
3 Cass. b., 6 janv. 1944.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 329.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 2 mars 1964.
6 Cass. fr., Soc., 3 juill. 1990.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

contractant avec un particulier peut parfaitement commettre une erreur


excusable1.
Cependant, le caractère inexcusable de l’erreur ne met pas obstacle
au prononcé de la nullité lorsqu’on est en présence d’une erreur d’une
erreur-obstacle2, d'une erreur de droit3, ou encore lorsqu’elle a sa source
dans une réticence dolosive4.

b. L'erreur doit être connue du cocontractant

Autre condition d'annulation pour erreur, le cocontractant doit


avoir eu pleinement connaissance de l'erreur commise par l'autre partie où avoir
dû la connaître5

c. L'erreur peut être de fait ou de droit

Par ailleurs, avant d'être consacrée par la réforme du Code civil


français6, la doctrine7 et la jurisprudence admettaient déjà que l'erreur qui
puisse vicier le consentement soit aussi bien de fait que de droit. Cela
résultait d'une interprétation a contrario des articles 591 — 2052 alinéa 2 du
Code civil français — et 232 — 1356 alinéa 4 du Code civil français —
du décret des contrats ou des obligations conventionnelles qui excluaient
expressément l'erreur de droit respectivement en matière de transaction et
d'aveu. On en déduisait que puisque la loi ne l'excluait pas expressément
pour les autres matières, elle était donc implicitement admise.
On a parfois objecté à cette solution la maxime nemo censetur
ignorare legem — nul n’est censé ignorer la loi —. Mais l’argument n’est
pas pertinent. Signifiant qu’une personne ne peut pas se faire un titre de
son ignorance pour échapper à l’application de la loi, cet adage
n’empêche nullement un contractant de se prévaloir de son ignorance
de la règle de droit dans ses rapports avec son cocontractant8. L'adage
n'a de valeur qu'en droit pénal, pour éviter qu'un inculpé échappe à la

1 Versailles, 10 févr. 1994.


2 T.G.I. Paris, 26 juin 1979.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 20 octobre 2010.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 21 févr. 2001.
5 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 75.
6 Art. 1132, Code civil français.
7 Decottignies, cité par F. TERRE et alii., op. cit., p. 331 ; KALONGO

MBIKAYI, op. cit., p. 75.


8 F. TERRE et alii., op. cit., p. 331.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

répression en invoquant son ignorance de la loi. L'intérêt de la protection


de l'ordre public est plus grand en droit pénal qu'en droit civil1.
Les tribunaux ont ainsi par exemple eu à annuler la cession de droits
successifs consentie par un héritier qui croyait, du fait de sa
méconnaissance des lois successorales, n’avoir droit qu’à une part en
nue-propriété alors que celle-ci était en pleine propriété2. Ainsi encore,
les tribunaux ont-ils annulé l’engagement pris par celui qui se croit à tort
responsable d’un dommage non assuré, d’en indemniser la victime3.
Ainsi enfin, ont-ils annulé la vente consentie à une personne dont le
vendeur croyait à tort que la loi lui accordait un droit de préemption ; il
y a alors erreur sur le statut juridique d’une personne4.

B. Le dol

1. Notion

a. Définition

La loi dispose que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque
les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans
ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté »5.
Le dol dans la formation du contrat désigne toutes les tromperies par
lesquelles un contractant provoque chez son partenaire une erreur qui le détermine à
contracter6. Il s'agit de manœuvres frauduleuses, tromperies, artifices
mensongers, réticences dont une personne peut se servir pour en
tromper une autre à l'occasion d'un contrat. L'une des parties a donc usé
d'un artifice ou d'une manœuvre pour induire son cocontractant en
erreur et le déterminer ainsi à contracter7. La victime du dol ne s’est pas
trompé, on l’a trompée. Agissant sur le consentement au moyen de

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 75.


2 Cass. fr., Civ., 17 nov. 1930.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 25 nov. 1990.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 5 juill. 1995.
5 Art. 16, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 334.
7 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 77.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l’erreur qu’il engendre, le dol n’est pas, à proprement parler, un vice du


consentement, mais la cause d’un tel vice1.

b. Rapport entre dol et erreur

Le rapport entre le dol et l'erreur peut être établi sur trois points2.
Quant au domaine. Les erreurs qualifiées d’indifférentes lorsqu’elles
sont spontanées, sont sanctionnées lorsqu’elles ont été provoquées par
les tromperies du cocontractant. L'erreur qui résulte d’un dol est
toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu’elle
porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat.
Alors que toute erreur n'entraîne pas la nullité, l'erreur résultant du dol
entraîne toujours la nullité.
Sur le plan de la preuve, le dol ne se présume pas, il se prouve3. La preuve
du dol est plus aisée car elle ne vise pas directement à établir l’erreur —
fait purement psychologique — mais les agissements qui ont provoqué
celle-ci — faits matériels ordinairement assez faciles à démontrer —.
Enfin, quant à la sanction, le dol impliquant toujours une faute de
celui qui l’a commis, la victime de celui-ci pourra obtenir, outre la nullité,
des dommages-intérêts si celle-ci ne suffit pas à réparer entièrement le
préjudice subi.

2. Éléments constitutifs du dol

a. Aspect délictuel du dol

Émanant nécessairement du cocontractant ou de personnes qui lui


sont assimilées, le dol suppose la réunion d’un élément matériel et d’un
élément intentionnel.

i. L'élément matériel

Le dol est constitué de manœuvres. On entend par manœuvres, toutes


les machinations, toutes les mises en scène, tous les artifices qu’une
personne peut mettre en œuvre pour surprendre le consentement de son

1F. TERRE et alii., op. cit., p. 334.


2Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 335 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 78.
3 Art. 17, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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partenaire et l’amener à contracter1. Il en est ainsi par exemple de la


simulation d’une maternité pour obtenir une libéralité d’un amant2.
Ces manœuvres s’adaptent aux changements des données
économiques et sociales. C'est le cas du garagiste qui rajeunit
artificiellement le véhicule d’occasion en modifiant la carte grise ou en
trafiquant le compteur kilométrique3.
On assimile aux manœuvres, le mensonge. Il peut être écrit4, comme
la production, en vue d’une cession d’entreprise, de documents faisant
apparaître un chiffre d’affaires et des bénéfices plus élevés que les
chiffres réels5 ; ou oral6, comme l’assuré procède à des déclarations
inexactes afin de diminuer l’objet du risque7.
On admettait néanmoins que tous les mensonges ne sont pas constitutifs
du dol. Ainsi en serait-il du fait de vanter de manière exagérée ses
produits. On serait alors en présence d’un dol toléré par les usages, le bon
dol8. La solution procède de l’idée que chaque individu est tenu d’un
devoir de s’informer qui devrait le conduire à ne pas faire montre d’une
trop grande naïveté à l’égard des affirmations de son partenaire et à
procéder à un minimum de vérifications. Fruit d’une crédulité excessive,
l’erreur serait, en quelque sorte, trop grossière pour être prise en
compte9. La mesure du dol tolérable dépend de la qualité de l’auteur —
plus l’autorité qui s’attache à sa position est grande et moins son
mensonge est admissible — ainsi que de celle de sa victime — âge, degré
d’instruction, compétence professionnelle —10.
Ce tempérament traditionnel semble néanmoins aujourd’hui en net
recul11.
D’une part, le devoir d’informer son partenaire prend de plus en plus
le pas sur le devoir qu’a chacun de s’informer par soi-même. La
jurisprudence a aujourd’hui tendance à considérer qu’une erreur est
toujours excusable dès lors qu’elle est due à la mauvaise foi de l’autre

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 336.


2 Cass. fr., Civ., 17 avr. 1882.
3 Cass. fr., Com., 19 déc. 1961.
4 Req. 6 févr. 1934.
5 Poitiers, 30 mars 1994.
6 Cass. fr., Civ. 3e, 6 nov. 1970.
7 Cass. fr., Civ. 1re, 7 oct. 1998.
8 Douai, 8 févr. et 16 janv. 1907.
9 F. TERRE et alii., op. cit., p. 337.
10 Cass. fr., Civ. 1re, 26 nov. 1968.
11 Voir par ex. Cass. fr., Com., 13 déc. 1994.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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partie1. D’autre part, l’accent mis sur la protection des consommateurs par le
droit contemporain limite toujours plus la tolérance traditionnelle envers
le bon dol2.
Aux manœuvres, on assimilait aussi la réticence. La jurisprudence
considérait que « le dol peut être constitué par le silence d’une partie
dissimulant au cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait
empêché de contracter »3.

ii. L'élément intentionnel

L'élément matériel doit avoir été réalisé par l'une des parties dans le
dessein de tromper l'autre4.
Cette exigence sera assez aisément établie en cas de manœuvres ou
de mensonge, car on concevrait mal que de tels comportements puissent
s'expliquer autrement que par la volonté d'induire le partenaire en erreur.
En cas de réticence dolosive, l’élément intentionnel est plus délicat
à établir. Le silence conservé par l’une des parties peut, en effet, provenir
de l’ignorance, de l’oubli ou de la négligence, plutôt que de la volonté de
tromper le cocontractant. Néanmoins, le juge déduira le plus souvent
l’intention de tromper de la double constatation que celui qui s’est tu
connaissait l’information recelée ainsi que son importance pour son
partenaire. Celui qui garde sciemment le silence commet un dol5.

b. Origine du dol

Le dol n'est une cause de nullité que s'il émane du cocontractant6. S’il
est le fait d’un tiers, il donnera lieu uniquement à dommages-intérêts,
sauf si l’erreur ainsi provoquée est une erreur sur les qualités essentielles
de la prestation ou celles du cocontractant. Mais c’est alors sur le
fondement de l’erreur et non celui du dol que la nullité sera prononcée.
C’est une différence classique avec la violence qui infecte le contrat quelle qu’en
soit la provenance.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 27 juin 1973.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 337.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 15 janv. 1971.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 340.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 340.
6 Cass. fr., Com., 26 avr. 1971.

1266
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le dol sera considéré comme émanant de son cocontractant


lorsque le cocontractant, sans être l’auteur direct des manœuvres, ne
saurait invoquer le bénéfice de l’innocence. Soit qu’il ait été complice du
dol ou qu’il l’ait inspiré1. Il en est de même lorsque le dol émane de son
représentant2, d’un gérant d’affaires dont il a ratifié la gestion3, ou même d’un
porte-fort4.

c. Aspect psychologique du dol

Les manœuvres, mensonges et autres réticences ne sont pris en


considération que s'ils ont pour effet de provoquer chez le cocontractant
une erreur qui le détermine à contracter.

i. Une erreur

Peu importe la nature de cette erreur. Ce peut être une erreur sur les
qualités essentielles de la prestation ou une erreur sur les qualités
essentielles de la personne5, auquel cas les parties auront le loisir
d’invoquer aussi bien le vice d’erreur que le dol. Ce peut être aussi une
erreur sur la valeur6 ou sur les motifs7. Ce peut être enfin une erreur
inexcusable8.

ii. Une erreur déterminante

Pour que la nullité soit prononcée, il faut que l'erreur provoquée


par le dol ait revêtu un caractère déterminant. Sans cette erreur, la victime
de celle-ci n’aurait pas contracté9.
Il s'agit là du dol principal, qu'on oppose au dol dit incident, c’est-à-dire
celui sans lequel la partie qui en est victime aurait néanmoins accepté de
contracter, mais à des conditions différentes, par exemple à un prix plus

1 Req. 20 mars 1883.


2 Req. 20 nov. 1905.
3 Cass. fr., Civ., 7 juill. 1960.
4 Cass. fr., Com., 27 févr. 1996.
5 Cass. fr., Com., 7 févr. 2012.
6 Cass. fr., Com. 17 juin 2008.
7 Cass. fr., Civ. 3e, 20 oct. 1974.
8 Cass. fr., Civ. 3e, 21 févr. 2001.
9 Cass. fr., Soc., 23 févr. 1961.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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avantageux1. Selon la doctrine classique2, le dol incident permettrait à


celui qui s’en prévaut d’obtenir non la nullité du contrat mais des
dommages-intérêts, c’est-à-dire en fait une diminution du prix convenu.
Cette distinction était contestée par une partie importante de la
doctrine contemporaine3, qui faisait observer qu’il est artificiel de
distinguer entre la volonté de contracter, abstraitement considérée, et la
volonté concrète de contracter à telles ou telles conditions. La volonté
d’acquérir ne prend une valeur juridique que si elle est la volonté
d’acquérir moyennant un prix déterminé. Selon ces auteurs, le dol
incident devait permettre d’obtenir l’annulation, car en son absence, on
aurait conclu non le contrat considéré, mais un autre contrat, à des
conditions différentes. Cette dernière position est celle admise
aujourd'hui par la jurisprudence. On admet que l’existence d’un dol
incident suffit à fonder la nullité du contrat4.
Le caractère déterminant du dol est apprécié in concreto par le juge
de fond, eu égard aux personnes et aux circonstances dans lequel le
consentement a été donné. On recherchera donc si, compte tenu de son
âge, de son instruction, de son intelligence, de sa compétence
professionnelle, la victime du dol a été effectivement trompée. La
solution est éminemment protectrice des faibles et des naïfs, victimes
désignées des manœuvres dolosives5.

3. Sanction du dol

Le dol entraîne la nullité relative du contrat. Par ailleurs, en tant que


faute, le dol peut être sanctionnée par des dommages-intérêts. La victime
des manœuvres dolosives peut donc exercer une action en responsabilité
délictuelle pour obtenir de leur auteur la réparation du préjudice subi,
lorsque le prononcé de la nullité ne suffit pas à faire disparaître celui-ci6.
Le dol ne se présume pas, il doit être prouvé. Cela veut dire que la
charge de la preuve incombe à celui qui l'invoque7. Cela n'exclut pas que la

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 345.


2 Notamment Aubry et Rau, cités par F. TERRE et alii., op. cit., p. 345.
3 Notamment Paniol et Ripert, Ghestin, Marty et Raynaud, cités par F. TERRE

et alii., op. cit., p. 345.


4 Cass. fr., Civ. 3e, 22 juin 2005.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 345.
6 Cass. fr., Com., 4 janv. 2000.
7 F. TERRE et alii., op. cit., p. 346.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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preuve puisse s'établir par de simples présomptions, le dol est un fait


juridique, tous les moyens de preuve sont admissibles1. Toutefois, lorsqu’un
défaut d’information est allégué pour fonder une demande d’annulation
d’un contrat pour réticence dolosive, celui qui est tenu d’une obligation
d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette
obligation2.

C. La violence

1. Notion

La loi dispose qu' « il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression


sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa
personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard en cette matière
à l'âge, au sexe et à la condition des personnes »3.
En cas d’erreur, qu’elle soit spontanée, provoquée ou exploitée, le
consentement est vicié parce qu’il n’a pas été donné en pleine
connaissance de cause. En cas de violence le consentement est vicié
parce que, ayant été donné sous la contrainte, il n’a pas été libre.
Autrement dit, le consentement est alors atteint non dans sa dimension
réflexive, mais dans sa dimension volitive4.

2. Éléments constitutifs

a. Aspect délictuel de la violence

La violence sera prise en compte qu'elle émane du cocontractant


ou d'un tiers. Encore faut-il qu'elle soit établie dans sa matérialité et
qu'elle revête un caractère injuste.

i. Élément matériel

La loi englobe sous la notion de violence toutes les formes de menaces,


les plus rudimentaires comme les plus raffinées. La violence peut

1 Cass. fr., Civ. 4 janv. 1949.


2 Cass. fr., Civ. 2e, 15 mai 2002.
3 Art. 12, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 348.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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s’exercer à l’encontre du cocontractant lui-même ou de ses proches, c’est-à-dire


des personnes pour lesquels la loi présume chez le contractant une
grande affection. « La violence est une cause de nullité du contrat non
seulement lorsqu'elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore
lorsqu'elle l'a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants
ou ses ascendants »1.
Le mal dont ils sont menacés peut être physique — menace de mort,
de coup, de séquestration —, moral — menace de divulguer tel ou tel fait
contraire à l’honneur —, pécuniaire — menace de priver une personne de
sa profession, de son logement, de ses ressources —2.

ii. L'élément injuste

La violence doit être injuste. Il ne suffit pas que la liberté de


décision du cocontractant ait été altérée, il faut encore que la contrainte
soit illégitime. Il en va toujours ainsi lorsque l'auteur de la violence a
recours à des voies de fait3. La force étant, par hypothèse, négation du
droit.
En revanche, il est communément admis que l’emploi de voies de droit
— action pénale, saisie — ne constitue pas une violence et ne peut en principe
motiver l’annulation de la convention qui en est la suite, car ce n’est que
l’exercice d’un droit. Il a été jugé qu’il n’y a pas violence si une femme,
sachant son mari menacé de poursuites bien fondées, s’engage comme
sa caution4. De même, le débiteur qui souscrit une reconnaissance de
dette5 ou accepte de vendre ses biens pour éviter les poursuites de son
créancier, le fermier qui, ayant commis un vol au préjudice de son
bailleur, s’engage à quitter les lieux sous la menace de dépôt d’une
plainte6, l’employé indélicat qui signe une reconnaissance de la somme
qu’il a détournée sous la menace d’une plainte au pénal7, ne subissent
qu’une contrainte légitime. Il n’y aurait non plus rien d’injuste à faire

1 Art. 13, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 12, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles ; Voir par ex. Cass. fr., Com., 28 mai 1991.


3 Douai, 16 juin 1982.
4 Cass. fr., Civ. 25 févr. 1879.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 5 juin 1961.
6 Chambéry, 15 mai 1944.
7 Cass. fr., Com., 30 janv. 1974.

1270
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pression sur la volonté d’autrui pour convertir une obligation naturelle


en obligation civile1.
Par ailleurs, la loi dispose que « la seule crainte révérencielle envers le père,
la mère, ou autre ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour
annuler le contrat »2. On estime que la crainte révérencielle ne fait que
traduire l'influence légitime des parents sur leurs enfants3.

b. Origine de la violence

La violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une


cause de nullité, encore qu'elle ait été exercée par un tiers autre que celui
au profit duquel la convention a été faite4. La violence est une cause de
nullité qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers.

c. Aspect psychologique de la violence

Il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne


raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou
sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard en cette matière
à l'âge, au sexe et à la condition des personnes.
La violence n'est une cause de nullité du contrat que parce qu'elle
fait naître chez celui qui la subit un sentiment de crainte qui vicie son
consentement.
Encore faut-il que cette crainte existe au moment de la conclusion
du contrat et qu'elle soit suffisamment grave5. L'exigence de gravité est
apprécié in concreto par rapport à la capacité d'un bon père de famille6, en
tenant compte, cependant, à l'âge, au sexe et à la condition des
personnes7.

1 Paris, 18 févr. 1910.


2 Art. 14, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 84.
4 Art. 11, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
5 Art. 12, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 352.
6 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 81.
7 Art. 12 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

1271
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il n’y a plus à proprement parler violence lorsqu’une personne


contracte sous l’empire d’une drogue qui annihile totalement sa volonté
ou que sa main a été guidée de force pour obtenir sa signature. En ce
cas, en effet, le consentement n’est plus donné sous l’empire de la
crainte, il fait radicalement défaut1.

3. Sanction

La violence entraîne la nullité relative. Elle doit être prouvée par celui qui
l'invoque.

D. La lésion

1. Notion

Aux termes de la loi, « sans préjudice de l'application des


dispositions protectrices des incapables ou relatives à la validité des
conventions, si, par une opération de crédit, d'un contrat de prêt ou de
tout autre contrat indiquant une remise de valeur mobilière, quelle que
soit la forme apparente dû contrat, le créancier abusant des besoins, des
faiblesses, des passions ou de l'ignorance du débiteur, s'est fait promettre
pour lui-même ou pour autrui un intérêt ou d'autres avantages excédant
manifestement l'intérêt normal, le juge peut, sur la demande du débiteur,
réduire ses obligations à l'intérêt normal. La réduction s'applique aux
paiements effectués par le débiteur, à condition que la demande soit
intentée dans les trois ans à dater du jour du paiement »2.
La lésion dans les contrats consiste dans le préjudice pécuniaire résultant
pour l'une des parties contractantes, de la disproportion entre l'avantage qu'elle a
obtenu et celui qu'elle a conféré à son cocontractant3.
La lésion ne se conçoit que dans les contrats à titre onéreux puisque
dans les contrats de bienfaisance, il n'y a, par définition, avantage que
d'un seul côté4.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 352.


2 Art. 132 bis, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 85.
4 Idem.

1272
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La lésion ne se conçoit pas non plus dans les contrats réellement aléatoires, les
parties ayant volontairement assumé un risque de perte, ne peuvent se
plaindre de la réalisation éventuelle de ce risque1.
La disproportion s'apprécie au moment de la formation du contrat2.

2. Contrats concernés

La lésion ne se conçoit que dans les contrats à titre onéreux. Plus


précisément, la loi vise les opérations de crédit. Il faut y entendre tout acte
juridique aboutissant au même résultat économique qu'un prêt de capitaux,
tels l'escompte, l'ouverture de crédit, le report, le compte courant, la
vente à tempérament.
La loi vise ensuite les contrats de prêt. Il s'agit là du prêt de
consommation consenti à titre onéreux.
La loi vise enfin les contrats indiquant une remise de valeur mobilière.
L'expression « valeur mobilière » englobera tous les droits réels mobiliers
(autres que la propriété) et les créances mobilières.
Par « contrat indiquant une remise », la loi vise les autres contrats
réels à titre onéreux (dépôt, gage) ; les ventes mobilières et immobilières
; les contrats d'échange pour autant que l'un des termes de l'échange
porte sur une valeur mobilière ; le partage, dans la mesure où la masse à
partager comprend une valeur mobilière ; le contrat de société ; tous les
contrats innommés générateurs d'un double transfert réciproque, et dont
l'un d'eux a pour objet des valeurs mobilières3.
En revanche, sont étrangers à ce texte, les contrats à titre gratuit et les
contrats réellement aléatoires ; les contrats qui créent une obligation de faire ou
de ne pas faire, tels que le louage des choses, les contrats d'entreprise et de
travail, le mandat ; la transaction ; les contrats de cautionnement et
d'hypothèque4.

3. Conditions de la lésion

L'application de la lésion est soumise à une double condition


objective et subjective.

1 Ibidem.
2 Ibidem.
3 Ibidem., pp. 92-93.
4 Ibidem., p. 93.

1273
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

a. Condition objective

Il faut que le créancier se soit fait promettre, pour lui-même ou


pour autrui, un intérêt où d'autres avantages excédant manifestement l'intérêt
normal.
D'abord, les avantages procurés doivent excéder l'intérêt normal. Le
juge doit donc évaluer les avantages procurés et les confronter à l'intérêt
normal. L'intérêt normal comprend outre le prix de la jouissance des
avantages fournis, « le risque d'insolvabilité du débiteur »1. Il varie donc
selon les circonstances.
Ensuite, l'excès des avantages stipulés sur les avantages normaux
doit être manifeste. On parle de conditions choquantes, contraires aux
bonnes mœurs2. Le juge apprécie.

b. Condition subjective

Les avantages doivent avoir été soutirés en abusant des besoins, des
faiblesses, des passions ou de l'ignorance du débiteur. Les besoins se
particularisent par leur caractère d'urgence extrême, d'impérieuse nécessité. Cas
de la maladie de l'épouse ou des enfants, d'un voyage pour raison de
santé, ou de la menace pour un locataire d'une expulsion par le
propriétaire3.
Les faiblesses et les passions se complètent. Il faut entendre par ces
défaillances, « les manifestations de l'état d'une personne qui manque de
l'énergie et de la force morale nécessaire pour résister à une pression, un
désir, en un mot à une influence préjudiciable quelconque, soit externe,
soit interne »4.
L'ignorance englobe toutes les déficiences intellectuelles du
débiteur — défaut d'instruction, crédulité, inexpérience — qui le rendent
inapte à comprendre la portée exacte du contrat auquel il va adhérer.
Il faut, d'autre part, que le créancier ait abusé de cet état d'infériorité
matérielle, morale ou intellectuelle de son cocontractant. Cela implique
la mauvaise foi dans son chef. On devra prouver que le créancier avait
connaissance de la situation délicate du débiteur au moment de la

1 Exposé des motifs, Décret du 26 août 1959.


2 Exposé des motifs, Décret du 26 août 1959.
3 Com., Liège, 7 nov. 1936.
4 Bruxelles 14 oct. 1910.

1274
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

conclusion du contrat. L'abus ne requiert pas forcément une attitude


active de la part du créancier.

4. Sanction de la lésion

La sanction de la lésion est la réduction des intérêts excessifs. Quand les


conditions sont réunies, le juge réduit les intérêts excessifs à l'intérêt
normal.
La victime peut faire valoir ce moyen par voie d'action ou d'exception.
Mais le juge ne peut accorder d'office la réduction, elle doit être
demandée.
La demande doit être introduite dans les trois ans à dater du
paiement.
Par ailleurs, la demande en réduction est relative, elle ne peut être
formulée que par la partie lésée. Celle-ci peut y renoncer et confirmer le
contrat.

Paragraphe 2
La capacité

En matière contractuelle, la loi dispose que « toute personne peut


contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi »1. En découle
que la capacité est le principe, et l'incapacité est l'exception.
Le siège de la matière d'incapacités est l'article 215 du Code de la
famille, aux termes duquel « sont incapables aux termes de la loi : les
mineurs ; les majeurs aliénés interdits ; les majeurs faibles d’esprit,
prodigues, affaiblis par l’âge ou infirmes placés sous curatelle ». Ce texte
légal est de stricte interprétation2. Les actes accomplis par les incapables, en
violation des dispositions de l'article 215 sont nuls de nullité relative3.
Certains incapables sont soumis au régime de représentation. Cela
consiste dans la substitution d'une personne capable à une personne incapable dans
l'exercice du droit. Le représentant agit ainsi en lieu et place de l'incapable
représenté. Les effets de l'acte n'affectent que l'incapable4. Sont
concernés, les mineurs et les majeurs aliénés interdits placés sous tutelle.

1 Art. 23, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 99.
3 Art. 217, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 100.

1275
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les majeurs faibles d’esprit, prodigues, affaiblis par l’âge ou


infirmes sont placés sous curatelle. La curatelle est un régime d'assistance.
L'incapable passe l'acte mais en présence de l'assistant qui a un pouvoir de veto1.
Pour le cas particulier des époux, la loi dispose que ceux-ci «
doivent s’accorder pour tous les actes juridiques dans lesquels ils
s’obligent à une prestation qu’ils doivent effectuer »2. C'est le régime de
concertation, dont la violation entache l'acte de nullité3.

Paragraphe 3
L'objet

Point 1
Définition

L'objet du contrat, ou plutôt de l'obligation engendrée par le


contrat, est la prestation de chacune des parties. Cette prestation peut consister
à donner, à faire ou à ne pas faire. La loi dispose que « tout contrat a pour
objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige
à faire ou à ne pas faire »4.

Point 2
Caractères

Dans ses caractères, l'objet doit être principalement déterminé ou


déterminable, possible, licite et moral.

A. L'objet doit être déterminé ou déterminable

La loi exige que « l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée
quant à son espèce »5. La loi vise par là le fait que la prestation que doit
engendrer l'obligation doit être précisée par les parties quant à son contenu, sa

1 Idem.
2 Art. 448, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
3 Art. 452, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Art. 25, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Art. 28, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1276
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

nature. Les parties doivent donc préciser les divers éléments des
prestations réciproques1.
Lorsqu'il s'agit d'une obligation de donner, si elle concerne un corps
certain, elle devra être désignée.
S'il s'agit d'une chose de genre, son genre devra être déterminé —
vente d'un cheval —2. Le nombre, la qualité, le poids, la mesure de la
chose elle-même ne doivent pas nécessairement être donnés, pourvu
qu'ils soient possibles de détermination au moment de l'exécution, soit
par les parties elles-mêmes, soit par les usages3. Quant à sa qualité, le
débiteur ne sera pas tenu, pour être libéré, de la donner de la meilleure
espèce ; mais il ne pourra l'offrir de la plus mauvaise4.
Il a été jugé qu'une obligation n'est nulle pour manque d'un objet
certain formant la matière de l'engagement que s'il y a incertitude ne
permettant pas d'établir à quoi les parties se sont engagées5. La nullité
est relative6.
Pour les obligations de faire ou de ne pas faire, les parties sont
tenues de bien préciser le contenu de leurs obligations.

B. L'objet doit être possible

Il s'agit de la possibilité non seulement de la prestation elle-même,


c'est-à-dire de sa potentialité à être réalisée, de sa faisabilité, mais encore de
la chose objet de la prestation. Cette chose doit d'abord exister avant
d'être possible7.
La prestation ne doit pas être impossible, d'une impossibilité absolue
— acheter la lune — et non simplement relative — variable dans le
temps et dans l'espace, selon les circonstances et les capacités —. La

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 103.


2 Art. 28 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 28 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 144, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Elis, 22 janv. 1916.
6 Léo., 16 oct. 1956.
7 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 104.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

vente de la chose d'autrui1 ou d'une chose qui a péri2 est nulle. Toutefois,
les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation3. On ne peut,
cependant, renoncer à une succession non ouverte, ni faire stipulation
sur une pareille succession, même avec consentement de celui de la
succession duquel il s'agit4.

C. L'objet doit être licite et moral

Il ne doit être ni contraire à la loi, ni à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.


Il revient au juge de déterminer cette illicéité ou cette immoralité.
Par ailleurs, il n 'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent
être l'objet des conventions5. Certaines choses sont hors commerce par
leur nature — acheter la lune —, d'autres par détermination expresse de
la loi. C'est notamment le cas des biens du domaine public, des droits de
la personnalité, des droits civils et politiques, ou d'autres matières
dangereuses telles que la drogue, ou les armes.

Paragraphe 4
La cause

Point 1
Définition

La notion de cause varie selon le type d'acte concerné6.


Dans les actes à titre onéreux, quand il s'agit d'un contrat synallagmatique,
la cause de l’obligation de chaque partie réside dans l’existence de l’obligation de
l’autre. Dans un contrat de vente par exemple, la cause de l’obligation du
vendeur — livrer la chose — est l’obligation incombant à l’acquéreur de
payer le prix. Elle traduit l’interdépendance des obligations.

1 Art. 276, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 278, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 26 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 26 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Art. 27, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
6 Lire M.-T. KENGE, op. cit., p. 46 ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 600.

1278
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Dans les contrats aléatoires, l’existence ou l’étendue de la


contreprestation est incertaine : on dit alors que l’aléa constitue la cause
de l’obligation, mais à condition qu’il soit réel.
Dans les contrats unilatéraux, la cause, dans le cas d’un contrat réel
— prêt, dépôt —, est la remise antérieure de la chose. Cette remise est la
cause de l’obligation de restituer, incombant à l’emprunteur ou au
dépositaire.
Dans le cas d’une promesse unilatérale de payer, la cause est une dette
préexistante. Promesse, par exemple, de réparer le dommage que l’on a
causé.
Dans les actes à titre gratuit, la cause de l’obligation est l’intention
libérale. Elle tend alors à se confondre avec le consentement.
Ainsi déterminée, la cause serait donc, dit Louis Juillot de la
Morandière1 « le but immédiat et déterminant en vue duquel le débiteur s'engage
envers le créancier ». Elle se distinguerait par-là du consentement2. Celui-ci
est la volonté de s'engager, c'est en fait, la cause première de l'obligation,
la source de l'obligation. Mais la cause, juridiquement, est la cause finale
de l'obligation, c'est-à-dire le but poursuivi par la volonté qui s'engage.
On s'engage dans le rapport d'obligation d'abord parce qu'on l'a voulu
— consentement —, ensuite parce qu'on poursuit tel ou tel but ou effet
juridique — cause —.
La cause se distingue encore de l'objet. Celui-ci est ce à quoi on
s'engage, tandis que la cause est ce pourquoi on s'engage.
La cause se distingue enfin des motifs, ceux-ci sont toutes les
raisons multiples et plus ou moins lointaines qui ont poussé la volonté à
s'engager. Ce sont les mobiles lointains, indirects de l'obligation. Mais la
cause, c'est le mobile immédiat, direct, qui en dernière analyse, justifie la
décision prise de s'engager dans le contrat.
Ces arguments des tenants de la théorie causaliste sont rejetés par les
anti-causalistes3 pour qui, un contrat est complet dès qu'il y a
consentement, objet et capacité. La cause n'y ajoute rien. Ainsi, dans les
contrats synallagmatiques, la cause n'est autre chose que la prestation de
l'autre et se confond avec l'objet. Dans les contrats à titre gratuit, la cause
se confond avec le consentement, c'est l'intention libérale. Dans les
contrats unilatéraux réels, la cause n'est autre chose qu'un fait qui, d'après
la nature du contrat, est nécessaire à sa formation.

1 Cité par KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 109.


2 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 109-110.
3 Idem., pp. 109-112.

1279
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Cela étant, la cause demeure une condition de validité d'un contrat.


Les effets juridiques qu'elle produit sont importants, et ont donné
naissance à une jurisprudence importante. Elle permet finalement de
protéger les parties, l'ordre public et les bonnes mœurs.

Point 2
Effets juridiques de la cause

Le principe est qu'il n'y a pas d'acte abstrait1. Par voie de


conséquence, la loi pose que « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause,
ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet »2.

A. L'absence de cause

La cause varie suivant les contrats. Dans les contrats


synallagmatiques, par exemple, la cause de l'un est la prestation de l'autre.
Si la cause est absente au moment de la formation du contrat, même en
cours de contrat, il y a nullité.
C'est qu'en effet, personne ne s'oblige pour le plaisir. L'obligation
doit avoir une raison d'être, une cause, autrement, le droit ne lui
accordera pas de sanction. Sans cause, le contrat n'a aucun effet, car la
loi ne protège pas les contrats posés en l'air, sans but aucun.
Ainsi ne peut-on pas acheter une chose qui n'existe pas, ou qui a
péri. Car en retour de son obligation de payer le prix, la cause de
l'acheteur est l'obligation de délivrance du vendeur. Dès lors, comment
livrer une chose qui n'existe plus, ou qui n'a jamais existé ? Du côté de
l'acheteur, il y aura absence de cause, lorsqu'il était au courant de la
situation, ou erreur sur la cause, lorsqu'il s'est trompé. L'absence de
cause, aussi bien que l'erreur sur la cause, entraînent la nullité absolue du
contrat3.

B. La fausse cause

La fausse cause, assimilée à l'erreur sur la cause, constitue un vice


de consentement. La sanction est la nullité absolue.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 113 ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 165.
2 Art. 30, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 114.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il peut y avoir fausse cause en cas de cause erronée. Le débiteur croyait


à l'existence d'une cause qui n'existait pas. Cette situation est d'ailleurs
similaire à l'absence de cause.
Il peut y avoir fausse cause en cas de cause simulée. C'est l'hypothèse
dans laquelle les parties déguisent leur contrat. Elles font par exemple
passer une vente pour une donation, en cachant la contrepartie de
paiement de prix. En cas de simulation, le contrat n'est pas forcément
annulé, car la simulation est permise en droit. Il n'y a nullité que si, en réalité,
la cause réelle est absente ou si la cause véritable est illicite.
Il y a enfin fausse cause en cas de billet non causé. C'est l'hypothèse
dans laquelle la cause existe mais n'est pas exprimée dans l'acte qui
constate l'obligation. Une personne s'engage par exemple, à payer un
montant à une date, sans en préciser le but. La loi dispose que « la
convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée »1.

C. La cause illicite

La cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est
contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public2.

1. L'ordre public

La notion d’ordre public marque la suprématie des règles


protégeant les intérêts généraux de la société sur les règles
conventionnelles, inspirées des intérêts particuliers. La convention vaut
loi, sauf lorsqu’elle heurte une règle d’ordre public. En d’autres termes,
l’ordre public repose sur une hiérarchie de valeurs. Il atteste que, dans
un système juridique, il existe un ordre de valeur supérieur qui est placé
hors des atteintes des conventions particulières, car son respect est
nécessaire à la cohésion de la société. Il est le rocher sur lequel se
construit la société3.
L'ordre public varie selon le temps et l'espace. Classiquement, il
reposait sur trois piliers : l'État, la famille et l'individu4.

1 Art. 31, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 32, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 560.
4 Idem., pp. 563-567.

1281
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ainsi, est illicite, l'objet du contrat qui contrevient aux règles


d'ordre public intéressant l'organisation constitutionnelle, administrative
et judiciaire de l’État1. C’est ainsi qu’est nulle une convention tendant à
influencer le vote des électeurs2, ayant pour objet la démission d’un
fonctionnaire3, tendant à échapper à l’application des lois pénales :
convention par laquelle la victime d’un délit s’engagerait à ne pas porter
plainte contre l’auteur de celui-ci4, contrat d’assurance garantissant une
personne contre les condamnations qui pourraient être prononcées
contre elle5. Les règles relatives à l’administration de la justice sont
d’ordre public : les parties ne peuvent, par exemple, ni renoncer à saisir
la justice étatique d’un différend futur, sauf dans les cas où la clause
compromissoire est déclarée valable par la loi, ni généralement modifier
les règles de compétence ratione materiae6.
Sont également nulles, les conventions régissant l'ordre familial,
telles que celles relatives à l'exercice de l'autorité parentale, ou au divorce,
à la filiation. Par ailleurs, la personne humaine n'a pas le droit de s'aliéner.
Par conséquent, sont en principe nulles toutes les conventions qui
portent atteinte à l'indépendance de la personne ou à son intégrité.

2. Les bonnes mœurs

Deux tendances de bonnes mœurs sont concevables. Dans une


tendance idéaliste, les bonnes mœurs se définiraient par référence à une
éthique transcendantale, issue pour l’essentiel, dans notre société, de la
morale et de la religion. Dans une tendance empirique, sociologique, les
bonnes mœurs, ce serait ce que fait la majorité de la population — à
condition que ce soit bon —. En réalité, il semble que, dans la pratique,
la notion de bonnes mœurs soit issue d’une sorte de compromis entre
ces deux conceptions. En définitive, il semble qu’on puisse définir les
bonnes mœurs comme les règles de morale sociale considérées comme
fondamentales pour l’ordre même de la société7.

1 Ibidem., 564.
2 T. Civ. Tarbes, 14 mars 1899.
3 Paris, 18 nov. 1837.
4 Paris, 15 mai 1925.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 26 sept. 2012.
6 Req. 4 nov. 1885.
7 F. TERRE et alii., op. cit., p. 576.

1282
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Traditionnellement, on enseigne que les bonnes mœurs seraient le


contraire de la « mauvaise vie », laquelle évoque toute une atmosphère :
la luxure, le jeu, la drogue. Ainsi sont immorales, les conventions qui ont
pour but l’installation ou l’exploitation d’une maison de tolérance1. De
même, les contrats de corruption ou de trafic d’influence sont nuls pour
cause immorale2.

3. Sanction de la cause illicite

La cause illicite entraîne la nullité absolue. La loi dispose que «


l'obligation [conclue sur] une cause illicite, ne peut avoir aucun effet »3.
Mais cette disposition est tempérée, en droit congolais, par le jeu des
adages. Il s'agit des adages « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » et «
il n'y a pas lieu à accorder répétition si les deux parties sont pareillement associées à
la turpitude ».
L'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » vise à
refuser au demandeur, pour indignité, l'action en annulation d'un contrat conclu contre
l'ordre public ou des bonnes mœurs4.
Le fondement de cette règle résiderait dans le fait que le juge doit
chasser du prétoire et se refuser d'écouter celui qui a participé à un acte
immoral ou illicite et qui veut se prévaloir de sa propre turpitude, de son
immoralité5.
Ce fondement a cependant été critiqué. On lui a objecté que les
prétoires et les oreilles du juge sont souillés par d'autres affaires
immorales qui lui sont fréquemment soumises6.
L'adage « il n'y a pas lieu à accorder répétition si les deux parties
sont pareillement associées à la turpitude », vise le cas où le contrat nul a
été exécuté, et où une partie invoquant sa propre immoralité demande la répétition, la
restitution de ce qu'elle a payé en exécutant le contrat7.
En application de ces adages, il a été jugé que la nullité des
conventions qui ont pour objet de frauder une loi d'ordre public est

1 Cass. fr., Civ., 26 mars 1860 ; Cass. fr., Civ., 8 oct. 1957 ; Cass. fr., Civ. 1re, 28
juin 1988.
2 Cass. fr., Com., 7 mars 1961.
3 Art. 30, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 120.
5 Idem.
6 Ibidem.
7 Idem., p. 120.

1283
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

absolue et que celui qui a poursuivi un but immoral ou illicite ne peut


jamais demander l'exécution en justice, soit se prévaloir d'un effet
quelconque de la convention à l'égard de l'autre partie1. N'est pas
recevable, en raison de son illicéité, la demande en remboursement de
prêt consentis pour favoriser le jeu2. De même, une partie qui demande
l'annulation d'un contrat auquel elle a délibérément participé pour cause
illicite n'est pas fondée à introduire une demande reconventionnelle en
paiement de dommages-intérêts3.

Section 3
La nullité

Paragraphe 1
Notion

Point 1
Définition

La loi exige quatre conditions pour la validité des contrats. La


violation de cette prescription entache l'acte de nullité. La nullité est une
sanction prononcée par le juge et consistant dans la disparition rétroactive de l’acte
juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation4. La nullité
d’un contrat est sa mise à néant ; elle tient à l’irrégularité ou à l’absence
de ses conditions de formation5. Un contrat qui ne respecte pas les
conditions de sa validité est sanctionné par la nullité. Celle-ci a pour effet
de priver l'acte ainsi irrégulier des effets juridiques qu'il aurait dû
normalement produire s'il était régulier6.
Le principe est que la nullité est judiciaire7. Elle doit être prononcée
par le juge. Aussi longtemps que cela n'a pas été fait, l'acte est
simplement annulable8. L’annulation est la déclaration par un tribunal qu’un

1 Élis., 17 sept. 1938.


2 Ie Inst., L’shi., 19 juill. 1967.
3 L’shi., 13 août 1971.
4 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1294.
5 P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 342.
6 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 123.
7 F. TERRE et alii., op. cit., p. 612.
8 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 125.

1284
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

acte est nul1. La nullité n'est donc pas automatique, sauf pour les nullités de
plein droit, auquel cas le texte lui-même le dit2.
C'est à celui qui prétend qu'un contrat est nul de le démontrer. À
cet effet, deux voies s'offrent.
Soit, prenant les devants, il agit par voie d'action et demande au juge
de constater que le contrat manque d'un élément de validité ; selon que
cette demande sera formée avant ou après l'exécution du contrat, elle
aboutira uniquement au prononcé de la nullité éventuellement
accompagnée de dommages-intérêts, ou entraînera en plus la restitution
de ce que chacune des parties avait fourni à l'autre.
Soit, resté initialement passif, il se contente, lorsque son
cocontractant agit contre lui en raison de la non-exécution du contrat,
de soulever à titre d'exception la nullité du contrat. Bien qu’occupant la
position procédurale de défendeur, il n’en devra pas moins prouver la
nullité du contrat, car il émet, à titre de moyen de défense, une prétention
distincte de celle de son adversaire3.

Point 2
Nullité et notions voisines

Ainsi élucidée, la nullité se distingue d'autres notions voisines4.

A. Nullité, résolution, résiliation et révocation

La nullité de distingue d'abord, des résolution, résiliation et révocation.


Ces trois dernières notions sont toutes des faits juridiques qui mettent
fin à l'efficacité d'un contrat qui, dès l'origine, était valable, alors que la nullité
suppose un contrat non valable dès sa formation.
Plus précisément, la résolution est la dissolution d'un contrat par le
tribunal pour inexécution par l'une des parties de ses obligations. La
révocation est l'acte par lequel les deux parties mettent volontairement fin
à leur contrat. La résiliation a le même sens que la révocation, mais ici,
une seule partie met fin au contrat. Elle s'applique dans les contrats
successifs.

1 M.-T. KENGE, op. cit., p. 50.


2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 125.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 614.
4 Lire P. MALAURIE et alii., op. cit., pp. 342-345.

1285
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La nullité est distincte de la réduction. Celle-ci est la sanction


particulière de la lésion. Elle ne consiste pas en l'annulation du contrat,
mais simplement en la réduction des avantages excessifs.

B. Nullité et caducité

La nullité se distingue de la caducité. La caducité rend aussi inefficace


un acte juridique. Elle résulte de la disparition d’un élément essentiel à la
validité du contrat. Elle atteint un acte valable lors de sa formation, mais
sans rétroactivité ; elle n’a donc d’effet qu’à compter de la disparition de
l’élément qui la provoque. À la différence de la nullité, où la tare de l’acte
est originelle, elle provient d’un événement postérieur à la conclusion du contrat,
comme la résolution pour cause d’inexécution. À la différence de celle-
ci, elle tient à un événement indépendant de la volonté de l’auteur de l’acte, faisant
disparaître un élément essentiel du contrat, tel que l’objet de l’obligation.

C. Nullité et inopposabilité

La nullité se distingue encore de l'inopposabilité. L’inopposabilité est


l’inefficacité d’un acte ou d’un droit à l’égard des tiers. Elle se distingue
de la nullité par ses causes et surtout ses effets. Par ses causes : la nullité
sanctionne l’irrespect des conditions légales auxquelles est soumise la
formation d’un acte juridique ; l’inopposabilité affecte un acte régulier
mais qui porte un préjudice illégitime à un tiers, par exemple parce qu’il n’a
pas été publié. Par ses effets : l’imperfection de l’acte inopposable
n’affecte pas les relations entre les parties ; seuls les tiers ou tout au moins
certains tiers peuvent l’ignorer. Ainsi, lorsqu’il y a simulation, le tiers a le droit
d’ignorer la contre-lettre qui, s’il ne l’invoque pas, lui est inopposable.

Paragraphe 2
Classification des nullités

On distingue la nullité absolue de la nullité relative.


La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de
l’intérêt général. Elle est dite relative lorsqu’elle sanctionne une règle dont
le seul objet est la sauvegarde d’un intérêt privé.
Les régimes respectifs des nullités absolue et relative sont
différents. L’action en nullité absolue est ouverte à toute personne justifiant
d’un intérêt et ne peut être écartée par une confirmation. Si la nullité est relative,

1286
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

elle ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger et elle
peut être couverte par la confirmation1.

Paragraphe 3
Régime juridique de la nullité

Le régime juridique de l'action en nullité consiste en la réponse à


un certain nombre de questions : quelles sont les personnes qui peuvent
agir en nullité ? Celles-ci peuvent-elles confirmer le contrat, c'est-à-dire
renoncer à agir en nullité ? Pendant combien de temps peut-on agir en
nullité ?
La nullité relative sanctionnant la transgression d’une règle
protectrice des intérêts privés, son régime juridique sera défini en
contemplation des objectifs qu’elle poursuit : seules les personnes
protégées pourront agir en nullité ; ces mêmes personnes pourront
renoncer à invoquer une nullité édictée dans leur seul intérêt.
La nullité absolue sanctionnant la transgression d’une règle
protectrice de l’intérêt général, il convient de lui donner un régime qui
multiplie les chances d’anéantissement d’un tel contrat : toute personne
intéressée peut agir en nullité ; la confirmation n’est, en principe, pas
possible. En cas de nullité relative, l’action doit être introduite dans un
délai relativement bref ; en cas de nullité absolue, elle se prescrit par un
délai beaucoup plus long.

Point 1
Conditions d'exercice de l'action en nullité

Rappelons que le principe est que la nullité est judiciaire. Elle doit être
prononcée par le juge, à la demande des parties.
En cas de nullité relative, ces parties ne peuvent être que les personnes
que la loi a voulu protéger : le cocontractant, éventuellement, son
représentant, ses successeurs universels, ou ses créanciers par voie
d'action oblique. La nullité doit être soulevée au premier degré.
Par contre, toute personne intéressée peut soulever la nullité absolue. Le
juge peut la soulever d'office, en tout état de cause, même pour la première

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1295. Toutefois, la


distinction fondée sur les fondements n'est pas à l'abri des critiques. Voir
KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 125-126.

1287
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

fois en appel ou en cassation1. Le ministère public par son avis peut également
la soulever.

Point 2
La confirmation

A. Notion

La confirmation est « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la


nullité y renonce »2.
La confirmation n'est possible qu'en cas de nullité relative. En effet,
« mort-nés car entachés d'un vice très grave, les actes atteints de nullité
absolue ne sont pas susceptibles de confirmation ; malades mais
guérissables, car affectés d'un vice de gravité moindre, les actes atteints
de nullité relative peuvent être confirmés »3.

B. Conditions

Pour produire des effets, la confirmation doit respecter des


conditions de fond et de forme. La loi dispose en effet que « l'acte de
confirmation (...) n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de
cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision et l'intention
de réparer le vice sur lequel cette action est fondée. À défaut d'acte de
confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée
volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être
valablement confirmée ou ratifiée »4.
Il en découle des conditions de fond et de forme.

1. Conditions de fond

La confirmation d'un acte juridique annulable est subordonnée à


trois conditions : quant à la personne dont elle émane, quant au moment

1 L’shi., 13 août 1971.


2 Art. 1182 Al. 1, Code civil français.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 623.
4 Art. 216, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1288
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

où elle intervient, quant aux qualités que doit présenter l'acte de


confirmation1.
Quant à la personne, d'abord, la confirmation doit émaner de la
personne qui peut se prévaloir de la nullité. Cette exigence résulte de la
définition même de la confirmation, comprise comme une renonciation
au droit de demander la nullité.
Quant au moment, ensuite, la confirmation ne peut intervenir qu'après
la conclusion du contrat.
Par ailleurs, la confirmation suppose que le vice dont était entaché l'acte
est préalablement disparu. À ce sujet, la loi s'exprime expressément au sujet
de la violence2. Mais la doctrine étant ce principe aux notions de capacité
et d'erreur. Ainsi, le mineur devenu majeur peut confirmer l'acte. Il en
est de même de la personne qui a commis une erreur, après la découverte
de celle-ci3.
Quant aux qualités de l’acte, enfin, pour qu'il y ait confirmation, il
faut tout d'abord que le titulaire de l'action en nullité ait connu le vice qui
affectait l'acte juridique et qu'il soit animé par l'intention de réparer, c'est-à-
dire par la volonté de renoncer à agir en nullité.

2. Conditions de forme

La confirmation peut être expresse ou tacite.

a. Confirmation expresse

La confirmation expresse résulte d'une volonté manifestée en termes


exprimant formellement l'intention de confirmer.
Si un écrit est dressé pour relater cette confirmation, celui-ci doit,
pour être valable, mentionner l’objet de l’obligation — il n’est pas
nécessaire que l’acte reproduise la teneur littérale de cette convention,
mais les termes essentiels du contrat doivent y figurer — ; le vice affectant
le contrat, c’est-à-dire le motif de l’action en nullité ; l’intention de réparer
ce vice, c’est-à-dire la mention explicite de sa renonciation à s’en
prévaloir.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 625.


2 Art. 15, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 130.

1289
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Cependant, ces exigences n’ont trait qu’à la preuve de l’acte


confirmatif. Faute d’être rédigé dans les conditions de précision
indiquées, l’écrit ne pourra pas servir de preuve1.

b. Confirmation tacite

La confirmation peut aussi être tacite et résulter d'actes émanant du


titulaire de l'action en nullité qui révèlent son intention non équivoque de renoncer à
celle-ci.
La confirmation tacite peut résulter de l'exécution volontaire de
l'obligation. La loi dispose qu' « il suffit que l'obligation soit exécutée
volontairement ». Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait confirmation
tacite, que l'exécution ait été complète ; une exécution partielle, par
exemple le paiement partiel d'une dette que l'on sait annulable pour
incapacité suffit. La nullité ne pourrait être opposée pour le surplus.
L’indication que comporte la loi n’est pas limitative2. De fait,
l’exécution volontaire de la part du débiteur n’est que l’un des cas où l’on
peut induire de son attitude la volonté de confirmer l’acte annulable.
Par exemple, le fait de disposer, en connaissance de cause, de la
chose acquise en vertu d’un contrat dont on avait le droit de demander
la nullité, peut valoir confirmation tacite3. De même, on peut induire une
confirmation tacite de ce que l’acheteur d’un immeuble, sachant qu’il
pouvait demander la nullité, démolit tout ou partie de celui-ci, car il se
met sciemment dans l’impossibilité de rétablir le statu quo ante.
Lorsqu’un plaideur veut démontrer la confirmation tacite d’un acte,
il ne lui suffit pas d’établir l’existence d’un acte de nature à fonder cette
confirmation. Il lui faut encore démontrer qu’au moment de cette
exécution, le contractant connaissait le vice et avait l’intention de le réparer4.
À défaut d’une telle connaissance du vice, l’exécution serait dépourvue
de signification. L’intention de réparer doit résulter clairement des
circonstances. Elle ne se présume pas5.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 627.


2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 131 ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 627.
3 Voir Req. 2 janv. 1901 ; Req. 13 janv. 1902 ; Montpellier, 1er avr. 1952.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 11 févr. 1981.
5 Cass. fr., Civ. 27 avr. 1953.

1290
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

C. Effets

La confirmation emporte la renonciation aux moyens et exceptions que


l'on pouvait opposer pour obtenir la nullité. Le titulaire de l'action en nullité
renonce ainsi à invoquer celle-ci, sous forme d'action ou d'exception. Il
ne peut donc plus remettre en cause la convention qui est
rétroactivement valable. L'acte est considéré comme valable ab initio.
Si la personne qui confirme était le seul titulaire de l'action en
nullité, sa confirmation rend l'acte efficace à l'égard de tous. L'acte
confirmé est alors valable et il l'est rétroactivement, dès l'origine.
Si l'action en nullité a plusieurs titulaires, la confirmation ne sera
pleinement efficace que si tous ont confirmé l'acte. Au cas contraire,
l'acte n'est efficace qu'à l'égard du ou des confirmants, les autres
conservant leur droit d'agir en nullité.

Point 3
La prescription

L'action en nullité est prescrite par dix ans. La loi dispose que « dans
tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est
pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure
dix ans »1.
Ce temps ne court, dans le cas de violence, que du jour où elle a
cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
La prescription éteint l'action en nullité. Le contractant au profit duquel
cette action existait ne pourra donc plus l'intenter.
Cette disposition ne vise en réalité que la nullité relative. Pour la
nullité absolue, on la considère imprescriptible2. Mais on tend davantage à
soumettre la nullité absolue à une prescription trentenaire, sur base de
l'article 647 du décret des contrats ou des obligations conventionnelles,
qui dispose que « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont
prescrites par trente ans ».
Cela dit, dans tous les cas, ces règles ne concernent que la nullité
par voie d'action. Quant à celle d'exception, il est de principe qu'elle est
perpétuelle3. Concrètement, cela signifie que lorsqu’un contrat n’a pas été

1 Art. 196, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 131.
3 Idem., p. 132.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

exécuté et qu’une des parties en exige l’exécution ou demande réparation


pour sa non-exécution, après l’expiration de l’action en nullité, l’autre
partie peut invoquer cette nullité comme moyen de défense.
L’application, dans un tel cas, de la règle selon laquelle l’exception
de nullité est perpétuelle présente des avantages certains. Elle permet
notamment d’éviter qu’une personne attende l’achèvement de la
prescription et demande ensuite l’exécution d’un acte irrégulier.
Techniquement, on peut la justifier par l’idée que la prescription n’a
qu’un effet incomplet en ce qu’elle ne purge pas l’acte du vice dont il
était et demeure entaché. Ce qui est éteint, c’est l’action en nullité et non
la nullité, laquelle subsiste et pourra être invoquée par voie d’exception1.
Toutefois, ce principe fait l'objet d'encadrement. La règle ne
s’applique que si l’action en exécution de l’obligation litigieuse est
introduite après l’expiration du délai de prescription de la nullité2. En outre,
conçue pour l’hypothèse où le contrat n’a encore reçu aucune exécution,
l’exception de nullité ne saurait s’appliquer en cas d’exécution totale de celui-ci
; le délai de prescription écoulé, l’exécution achevée, il n’y a plus de
moyen de faire valoir la nullité3. En cas d'exécution partielle, le jeu de
l’exception doit être écarté, lorsque cette exécution partielle s’analyse en
une confirmation tacite du contrat. La règle a été étendue, même lorsque
l'exécution partielle ne s'analyse pas en une intention de confirmation4.

Paragraphe 4
Effets de la nullité

Absolue ou relative, les nullités ont toutes un même effet :


l'annulation de l'acte avec effet rétroactif.
Lorsqu'un contrat est vicié, il l'est habituellement dans sa totalité. La
nullité de l’acte emporte anéantissement de toutes les obligations auxquelles il a
donné naissance. De même, disparaissent par voie de conséquence les
accessoires, notamment les sûretés. Sont pareillement privées d’effet les
clauses accessoires, telles qu’une clause pénale5.
Il arrive cependant que telle clause seulement ou telle partie d’un
acte soit nulle et que l’on puisse concevoir que cet acte, non vicié dans

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 639.


2 Cass. fr., Com., 26 mai 2010.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 17 juin 2010.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 1er déc. 1998.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 643.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ses dispositions principales et qui reste par hypothèse objectivement


viable, continue de produire ses effets pour le surplus. L'on considère
alors que lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat,
elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un
élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. C’est donc
l’intention des parties qui prévaut. Si la clause était essentielle dans l’esprit
des parties, si elle constituait à leurs yeux la cause ou la condition
impulsive et déterminante, l’acte tout entier est nul. Si la clause ne
revêtait pas un tel caractère, si, en d’autres termes, elle était secondaire
dans leur esprit, de sorte que, si elles avaient su qu’elle était nulle, elles
auraient vraisemblablement contracté néanmoins, l’acte mérite d’être
maintenu1.
Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé2. La nullité remet en
cause les effets que l'acte a déjà produits. L'acte nul est anéanti
rétroactivement. Une condition de validité faisant défaut ab initio, par
hypothèse, c’est aussi ab initio que l’acte est privé d’effets.
Il se peut cependant que, en fait, l’acte ait déjà été partiellement ou
totalement exécuté. La rétroactivité de la nullité postule alors que les
choses soient remises en l’état où elles se trouvaient au moment de la
formation de l’acte. Il y a donc lieu à restitution des prestations déjà
effectuées.
Dans un contrat de vente par exemple, le vendeur doit restituer le
prix ou la partie du prix perçu, l’acheteur doit restituer le bien acquis 3.
Dans un contrat de prêt d’argent, l’emprunteur doit restituer la somme
mise à sa disposition4. Dans un contrat de construction de maison
individuelle, le constructeur peut être tenu, non seulement de restituer
les sommes reçues, mais également de remettre en état le terrain, le cas
échéant en procédant à la démolition de l’ouvrage5.
Cependant, certaines prestations non monétaires ne peuvent, en raison de leur
nature, donner lieu à restitution. Il en est ainsi du travail de l’ouvrier, de
l’occupation d’un local par un locataire, des ouvrages réalisés par un
entrepreneur… Une telle impossibilité de remise en l’état caractérise
particulièrement les contrats successifs, c’est-à-dire ceux qui comportent des
prestations périodiques ou continues : contrats de travail, de louage, de

1 Req. 3 juin 1863 ; Cass. fr., Civ. 22 mai 1951 ; Cass. fr., Civ. 1re, 16 mars 1983.
2 Cass. fr., Civ. 1re, 15 mai 2001.
3 Cass. fr., Civ. 6 déc. 1967.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 5 nov. 2008.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 26 juin 2013.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

société… Si un tel contrat est annulé après un certain temps d’exécution,


on ne peut effacer le passé. Nul ne peut faire que l’occupation du local n’ait
eu lieu. Nul ne peut restituer à l’ouvrier le travail fourni…
Il est parfois dit que la nullité opère alors sans rétroactivité, comme une
résiliation anticipée1. Mais en fait, la proposition n’est
qu’approximativement juste2 : l’impossibilité de restituer en nature
n’empêche pas l’effet rétroactif de l’annulation. Simplement, comme il
ne saurait être question de n’exiger la restitution que de ce qui est
restituable — le salaire pour l’ouvrier, le loyer pour le bailleur — en
prenant simplement acte de l’impossibilité de la restitution de la
prestation réciproque, car pareille solution procurerait un
enrichissement injustifié à l’un au détriment de l’autre, une indemnité
compensatrice est due à celui qui a fourni la prestation non restituable.
Souvent elle est égale à la contrepartie que le contrat annulé prévoyait.
Ainsi a-t-il été jugé que « la nullité opère rétroactivement même si le contrat est à
exécution successive »3. Donc, il y a toujours restitution, mais elle se fait sous
forme d'indemnité, pour rétablir le déséquilibre.
La rétroactivité de la nullité développe en principe ses effets non
seulement dans les rapports entre les parties à l'acte nul, mais aussi à
l'égard des tiers qui ont traité avec les parties et dont les droits sont
dépendants de cet acte.
L'exemple type est celui de l'acte translatif de propriété, dont
l'annulation emporte anéantissement des droits constitués par
l'acquéreur sur le bien acquis au bénéfice de tiers. Ainsi, s'il a revendu le
même bien, le droit conféré au sous-acquéreur tombe ipso facto. Le
premier acquéreur étant rétroactivement censé ne jamais avoir été
propriétaire du bien, il n’a pas pu valablement transférer la propriété au
sous-acquéreur ou constituer d’autres droits sur ce bien. C'est le sens de
l'adage « nul ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-
même ».
Un tel anéantissement en cascade est à l’évidence fâcheux. Il est
source d’insécurité dans le commerce juridique, tout acquéreur d’un
droit risquant de voir sa situation remise en cause par suite de
l’anéantissement du droit de son auteur.
La loi a donc corrigé cette situation. En matière mobilière, les tiers
de bonne foi sont efficacement protégés par la règle de l’article 658 du

1 En ce sens, KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 134 .


2 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 652.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 13 juin 2001.

1294
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

décret des contrats ou des obligations conventionnelles, en vertu de


laquelle « en fait de meubles, la possession vaut titre ». En matière immobilière,
l'article 227 de la loi foncière dispose que « le certificat d’enregistrement
fait pleine foi de la concession, des charges réelles et, éventuellement,
des droits de propriété qui y sont constatés. Ces droits sont inattaquables et
les actions dirigées contre eux ne peuvent être qu’en dommages -
intérêts. Toutefois, les causes de résolution ou de nullité du contrat ou
de l’acte, l’erreur de l’ordonnance d’investiture donnent dans les deux
années depuis la mutation, ouverture à une action en rétrocession, avec
dommages - intérêts s’il y a lieu »1.

Paragraphe 5
Responsabilité civile

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut


demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun
de la responsabilité extracontractuelle2.
L'annulation d'un contrat peut effectivement laisser subsister un
préjudice à la charge de l'une ou de l'autre des parties : des frais engagés
inutilement, du temps a été perdu, d'autres offres perdues, des bénéfices
escomptés ont été perdus… Si la nullité est imputable à son
cocontractant, la partie lésée peut solliciter la réparation de son
préjudice, et ce sans distinguer selon que la nullité a été prononcée à sa
demande, à la demande du cocontractant fautif, ou encore à la demande
d'un tiers3.
Le cocontractant lésé pourra également engager la responsabilité d’un
tiers, si ce dernier a commis une faute à l’origine de la conclusion du
contrat4.

1 C'est nous qui soulignons.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 4 févr. 1975.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 630.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 14 déc. 2017.

1295
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 4
Les effets du contrat

Paragraphe 1
Le principe de l'autonomie de la volonté et de la liberté
contractuelle

Point 1
Double dimension de la liberté contractuelle

François Terré1 enseigne que « la liberté contractuelle a une double


dimension, de fond et de forme. Quant au fond, elle s’exprime à travers une
triple faculté : contracter ou ne pas contracter, choisir librement son cocontractant,
déterminer librement le contenu du contrat. Il n’y a pas d’obligation juridique de
contracter. Nul n’est forcé d’entrer en relations avec ses semblables et
chacun a le droit de refuser de céder les biens qui lui appartiennent ou
de prendre à son service une personne dont il ne veut pas. Le refus de
contracter n’est qu’une manifestation de la liberté. Il appartient aux
contractants, à l’issue d’un libre débat, de définir ce à quoi ils s’obligent
(...) Quant à la forme, la liberté contractuelle postule le consensualisme.
L’échange des consentements suffit à la conclusion du contrat. Peu
importe la forme dans laquelle il est constaté. La volonté ne serait plus
souveraine si son efficacité était subordonnée au respect d’un certain
formalisme »2.
Le Conseil constitutionnel français a donné valeur constitutionnelle au
principe de l'autonomie de la volonté. Le conseil constitutionnel a
conféré à la liberté contractuelle valeur constitutionnelle dans sa décision
du 19 décembre 20003, où il se réfère à « la liberté contractuelle qui
découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 »4. Le Conseil constitutionnel s’est également référé dans

1 F. TERRE et alii., op. cit., pp. 34-35 ; Lire en ce sens, KALONGO MBIKAYI,
op. cit., p. 40 ; P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 231 ; C. RENAULT-
BRAHINSKY, Droit des obligations, Gualino, Paris, 2019, p. 39 ; M.-T. KENGE,
op. cit., p. 11.
2 C'est nous qui soulignons.
3 C.C. fr., Décis. no 2000-437 DC, 19 déc. 2000, Loi de financement de la sécurité

sociale. Lire L. FAVOREU et alii., Droit constitutionnel, op. cit., p. 992 ; F. TERRE
et alii., op. cit., pp. 14-15.
4 Aux termes de cette disposition, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit

pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui

1296
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d'autres décisions1 à l’article 16 de la Déclaration de 17892 et l’alinéa 8


du Préambule de 19463.
On constate qu'il n'y a pas, en droit français, de disposition qui
consacre expressément la valeur constitutionnelle de la liberté
contractuelle, contrairement par exemple, à la présomption
d'innocence4, à la liberté d'opinion5 ou à la liberté de communication6.
Le Conseil rattache la liberté contractuelle à une disposition générale —
« la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (...) »
qui du reste, n'est qu'une explicitation de l'article premier du même texte
qui dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits (...) ». C'est donc sur une construction purement
jurisprudentielle que la liberté contractuelle a valeur constitutionnelle en
France.
Cela dit, en droit congolais, le juge constitutionnel n'a pas encore
eu à se prononcer sur la question. Nous estimons, cependant, que le
même raisonnement n'aurait pas de mal à être rattaché au droit
congolais, d'autant plus que la Constitution dispose également que « tous
les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits »7. Il
revient au juge constitutionnel de préciser par sa jurisprudence, l'étendue

assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne
peuvent être déterminées que par la Loi ». Voir aussi C.C. fr., Décis. no 2006-543 DC,
30 nov. 2006, Loi relative au secteur de l’énergie.
1 C.C. fr., Décis. nos 2002-465 DC, 13 janv. 2003, Loi relative aux salaires, au temps

de travail et au développement de l’emploi, et 2004-490 DC, 12 févr. 2004, Loi organique


portant statut d’autonomie de la Polynésie française.
2 Qui dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas

assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de constitution ».


3 Qui dispose que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués,

à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des


entreprises ».
4 Art. 9, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1787 : « Tout homme

étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ».


5 Art. 10, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1787 : « Nul ne

doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses pourvu que leur
manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
6 Art. 11 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1787 : « La libre

communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux
de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à
répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
7 Art. 11, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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et la portée de la notion de liberté, sans pour autant qu'il ne rajoute à la


Constitution.

Point 2
Limitations de la liberté contractuelle

A. Quant au fond

1. Les règles impératives

Le principe connait toutefois certaines limites. Quant au fond


d'abord, il est limité par certaines règles impératives du Code civil. Celles-ci
sont-elles exceptionnelles, le législateur ne pouvant endiguer la volonté
des parties que dans la mesure où cela est nécessaire à la sauvegarde de
la liberté d’autrui1. Ainsi, la plupart des règles du Code civil sont
supplétives, les parties peuvent y déroger. D'autres sont néanmoins
impératives, elles doivent être respectées à peine de nullité. Les lois
impératives visent la protection même des parties2. Cas des dispositions
relatives aux conditions de validité d'un contrat par exemple. Certes, il
peut exister des dispositions qui réglementeront le contenu de telle ou
telle opération contractuelle classique. Mais présumées supplétives de
volonté, elles ne jouent qu’en l’absence de volonté contraire des parties
et sont censées traduire leur volonté tacite.

2. L'ordre public et les bonnes mœurs

En plus des lois impératives, les contrats sont tenus de respecter


l'ordre public et les bonnes mœurs. L'ordre public désigne un ensemble de
valeurs considérées comme essentielles et bonnes pour le
développement d'une communauté donnée. Les bonnes mœurs
évoquent l'idée de moralité ; il s'agit d'un ensemble de valeurs morales
considérées comme essentielles au développement et à l'épanouissement
des citoyens d'une communauté donnée. Les deux notions sont variables
dans le temps et dans l'espace3.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 34.


2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 40.
3 Idem., pp. 40-41.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Quant à la forme

Quant à la forme, le consensualisme est quelque peu limité par


certaines formes de contrats solennels et réels. Les premiers sont ceux pour
qui la validité exige que le consentement soit donné en certaines formes
consistant souvent la rédaction d'un acte notarié — cas du contrat de
mariage par exemple —, et les derniers sont ceux qui, outre le
consentement, requièrent pour leur formation la remise d'une chose —
cas des contrats de prêt et de dépôt —1.
Point 3
Conséquences de la liberté contractuelle

A. La force obligatoire du contrat

La liberté contractuelle emporte deux conséquences importantes.


D'abord, la force obligatoire du contrat à l'égard des parties — notamment —.
Rien n'oblige les parties à contracter. Mais dès lors qu'elles l'ont fait, elles
sont tenues de respecter leurs engagements. Ce qu'elles ont convenu
s'impose à elles sans qu'il soit besoin du renfort d'aucune norme.
L'accord des volontés est par lui-même créateur d'obligations. Il en
résulte qu’aucune des parties ne pourrait se délier par sa seule volonté
sans engager sa responsabilité. « Le consentement mutuel peut seul
dénouer ce qu’il a noué »2. Et les parties doivent bien évidemment
exécuter fidèlement les obligations nées du contrat.

B. L'effet relatif des contrats

Ensuite, l'effet relatif du contrat. Parce que le contrat repose sur la


volonté des parties, il n'a pas d'effets à l'égard des tiers : les parties ne peuvent
par un contrat ni engager autrui, ni faire naître à son profit une créance.
Les postulats sur lesquels repose la théorie de l’autonomie de la volonté
l’expliquent, au demeurant, fort bien. La volonté des uns ne saurait
entraver la liberté des autres. Si chaque homme est le meilleur juge de
ses intérêts, il ne l’est pas de ceux d’autrui3.
Le principe de la liberté contractuelle postule donc que la volonté
humaine est sa propre loi. Les particuliers ont la latitude de contracter avec

1 Lire M.-T. KENGE, op. cit., pp. 21-22.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 35.
3 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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qui ils veulent, sur n'importe quoi et de n'importe quelle manière, dans
le respect, cependant, de l'ordre public, des lois impératives et des
bonnes mœurs.

Paragraphe 2
Effets des contrats entre parties

La loi dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à
ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel
ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi »1.
Cette disposition pose le principe en matière d'effets des contrats entre
les parties. Les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, en ce
sens que chaque contractant est lié par le contrat comme il le serait si son obligation
lui était imposée par la loi. Cela implique que chaque contractant est tenu
d'exécuter sa prestation sous peine d'y être contraint par la force publique.
C'est le principe de la force obligatoire du contrat2. Ce principe de la force
obligatoire s'impose non seulement aux parties, mais aussi au juge quand
il doit appliquer et interpréter le contrat.

Point 1
La force obligatoire du contrat entre parties

Le contrat s'impose aux parties comme s'il était une loi. Cela
emporte que les parties ne peuvent pas le révoquer, elles doivent en
respecter le contenu et l'exécuter de bonne foi.

A. Irrévocabilité du contrat entre parties

Les conventions ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel


des parties. Une partie ne peut, en principe, changer unilatéralement les
termes du contrat. Celui-ci ne peut être révisé que de commun accord3.
Le principe connait toutefois des exceptions dans les cas où le
contrat accorde à une l'une des parties le pouvoir de résiliation unilatérale du
contrat. C'est le cas des contrats successifs. Dans certains contrats successifs

1 Art. 33, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 138.
3 C.S.J., 20 nov. 1976.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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à durée déterminée, c'est la loi elle-même qui permet à l'une des parties
de résilier unilatéralement le contrat, cas du contrat de mandat.

B. Respect du contenu de l'accord

La loi dispose que « les conventions obligent non seulement à ce qui y est
exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la donnent à
l'obligation d'après sa nature »1. En cas de simulation, les parties sont liées
au contenu du contrat réel.
La loi dispose que « les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les
parties contractantes : elles n'ont point d'effet contre les tiers »2.
La contre-lettre est un acte écrit et secret, entre les parties, destiné à modifier
le contenu ou les effets d’un acte apparent. Il produit effet entre les parties et n’est
pas opposable aux tiers qui peuvent néanmoins s’en prévaloir3.
C'est l'hypothèse de la simulation. La simulation est un mensonge
concerté : les parties créent volontairement une convention apparente,
différente de la convention réelle, qui reste cachée. Il y a donc
dédoublement de contrats. D’une part, un acte ostensible, destiné à être connu
des tiers ; on l’appelle aussi l’acte apparent, ou encore l’acte simulé. D’autre
part, un acte secret, rétablissant la vérité entre les parties ; on l’appelle aussi
la contre-lettre4.
Souvent, la simulation est un moyen de fraude fiscale : par exemple,
le prix ostensible est inférieur au prix réel, resté secret. Ou bien encore,
une fraude aux droits des créanciers : afin de soustraire un bien à leur
gage, un débiteur le vend fictivement à un compère. Plus rarement, elle
est innocente : par exemple, un commerçant désirant ne pas révéler ses
marchés à un concurrent les fait conclure par un prête-nom.
La simulation exige comme conditions5 que les parties doivent être
d'accord sur le contrat secret qui est celui qu'elles ont voulu passe en réalité.
Ce contrat, soit-il secret, n'en est pas moins un, et en sort tous les effets.
L'acte secret doit être contemporain à l'acte apparent. Il doit être fait dans
la même période que l'acte apparent.

1 Art. 34, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 203, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 540.
4 P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 383.
5 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 140.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La simulation prend des formes variées ; quand elle est frauduleuse,


elle est souvent ingénieuse. Ayant pour objet une convention, elle peut
porter sur chacun de ses éléments : son existence, sa nature, l’identité
des parties ou l’objet de l’obligation1.
La simulation peut porter sur l’existence même de l’acte, en réalité fictif.
Une vente est ostensiblement conclue entre un propriétaire accablé de
dettes et un de ses compères, mais il est en secret stipulé que la propriété
demeurera au vendeur ; l’opération est en réalité inexistante. Le but de
l’opération est de soustraire frauduleusement la chose à l’emprise des
créanciers du propriétaire.
Elle peut porter sur la nature juridique de l’acte ; l’acte apparent est un
acte déguisé : il se présente ostensiblement comme une vente, mais une
contre-lettre stipule que le prix n’est pas dû par le prétendu acheteur ;
l’opération est une donation. Le déguisement a en général pour but de
frauder le fisc, car les actes à titre onéreux supportent des droits de
mutation beaucoup moins élevés que les actes à titre gratuit.
La simulation peut aussi porter sur l’identité des parties au contrat :
c'est l'interposition. Par exemple, un propriétaire veut acheter un terrain
voisin ; craignant de se voir imposer des conditions onéreuses, il va
réaliser l’opération par l’intermédiaire d’un tiers, un prête-nom, qui lui
en transmettra ensuite le bénéfice par exécution d’un mandat secret.
La simulation peut être relative à l’objet de l’obligation ; c’est, au sens
strict du terme, la contre-lettre. Par exemple, la contre-lettre augmente
le prix ostensible d’une vente, afin de frauder le fisc, qui ne connaîtra
que le prix figurant dans l’acte apparent.

C. Exécution de bonne foi

Les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Les parties


doivent faire montre de loyauté dans l'exécution des obligations
conventionnelles. Elles sont tenues de coopérer, de collaborer à la bonne
exécution du contrat : elles doivent se faciliter la tâche2.
On s’accorde à considérer que la bonne-foi doit être prise en
compte sous une forme négative en bannissant son contraire : la
mauvaise foi. On vise ainsi le contractant qui viole ses engagements
formellement exprimés, mais aussi celui qui fait naître chez son
partenaire une attente dont il sait qu’elle ne trouvera pas de réponse. On

1 Lire P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 384.


2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 181.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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se rapproche ainsi positivement de la bonne foi, laquelle impose certains


devoirs aux contractants1.
Il s'agit des devoirs de loyauté. Loyauté, tout d'abord, dans la
négociation et la conclusion du contrat, mais aussi dans son exécution et
sa rupture. Loyauté ensuite, dans la formation du contrat. Non
seulement chacune des parties ne doit pas tromper l’autre mais elle doit
adopter une attitude cohérente permettant à son partenaire de
déterminer sa propre conduite. De manière générale, chaque fois qu’un
contractant fait naître un rapport de confiance, il doit en assumer les
conséquences. Loyauté enfin dans son exécution. Chaque contractant
doit exécuter fidèlement ses engagements afin que le contrat produise
son effet utile.
Il s'agit aussi de devoir de coopération. L’exigence de bonne foi
impose à chaque partenaire d’agir positivement dans l’intérêt du projet
commun afin que l’un et l’autre bénéficient pleinement de ses utilités.

Point 2
Force obligatoire du contrat à l'égard du juge

Afin d’être respectée, la volonté des contractants appelle une


interprétation chaque fois qu’elle est obscure.
Il est de principe que le juge ne peut modifier le contrat. Il s'impose à lui,
en ce sens qu'il est obligé de l'appliquer tel qu'il a été voulu par les parties.
L’interprétation d’un contrat consisterait en la recherche de la volonté des
parties. Le juge n'a pas le droit de modifier le contrat, soit-il pour des
motifs d'équité2. Le jugement qui méconnaît cette règle encourt
cassation3.
Lorsqu’un contrat est obscur, il faut avant de l’appliquer en chercher
la signification, c’est-à-dire l’interpréter. Au contraire, un contrat clair ne doit
pas être interprété, mais purement et simplement appliqué.
L’obscurité peut tenir, ou à l’ambiguïté du contrat — il est
susceptible de deux sens —, ou à la contradiction entre ses clauses4.
Dans ces deux cas, se pose un problème d’interprétation.

1 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 164.


2 Kin., 29 déc. 1966.
3 C.S.J., 3 avr. 1976.
4 P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 391.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le principe posé est qu' « on doit, dans les conventions, rechercher quelle a
été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens
littéral des termes »1.
Ce texte énonce deux principes ; d’une part, il ne s’agit pas de rechercher
l’intention d’une partie, mais la commune intention des parties ; d’autre part,
la règle condamne le littéralisme : l’esprit doit l’emporter sur la lettre.
La recherche de la commune intention des parties est une méthode
subjective : théoriquement, l’interprète recherche ce que les parties ont
réellement voulu en sondant leurs reins et leurs cœurs, et non ce qu’il aurait
été raisonnable de vouloir ou ce qu’un individu raisonnable peut déduire
de l’expression qu’elles ont donnée de leur volonté2.
À ce propos, la loi a conçu quelques techniques en vue d'aider le juge
à découvrir cette commune intention : lorsqu'une clause est susceptible
de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut
avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait
produire aucun3. Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris
dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat4. On doit
suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d'usage, quoiqu'elles n'y
soient pas exprimées5. Toutes les clauses des conventions s'interprètent
les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte
entier6. Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une
convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il
paraît que les parties se sont proposé de contracter7. Lorsque dans un
contrat on a exprimé un cas pour l'explication de l'obligation, on n'est
pas censé avoir voulu par-là restreindre l'étendue que l'engagement

1 Art. 54, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 391.
3 Art. 55, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Art. 56, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
5 Art. 58, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
6 Art. 59, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
7 Art. 61, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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reçoit de droit aux cas non exprimés1. Dans le doute, la convention


s'interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté
l'obligation2.

Section 3
Les effets du contrat à l'égard des tiers

Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne


nuisent ni ne profitent aux tiers3.
En droit public, l'acte juridique émanant de la volonté d'un ou de
quelques individus a, en général, effet à l'égard d'un plus grand nombre,
car ceux qui agissent le font en vertu d'un pouvoir réglementaire de
commandement, correspondant aux intérêts collectifs dont ils ont la
charge. En droit privé, où les considérations individualistes l'emportent,
le contrat n'a en principe d'effets qu'à l'égard des individus qui l'ont
voulu, car des volontés particulières ne peuvent commander à d'autres
volontés particulières4.
Il est naturel que la force obligatoire du contrat ne s'impose que sur
ceux-là qui ont voulu ses effets, qui ont consenti volontairement à ce
que ses effets juridiques ne les concernent qu'eux. Les tiers qui n'ont pas
recherché ces effets, qui sont donc étrangers au contrat, ne peuvent y
être soumis. Le tiers ne peut pas être lié par un effet juridique qu'il n'a
pas volontairement recherché. C'est le sens même de l'autonomie de la
volonté : si la volonté humaine est sa propre loi, elle n'est que sa propre
loi à soi tout seul.
Cela dit, si le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties, il
donne naissance à une situation juridique qui est opposable aux tiers et
par les tiers.
Par ailleurs, la loi en posant le principe même de la relativité des
conventions, ne manque pas de renvoyer à des dérogations dans
lesquelles les parties veulent faire naître une obligation au profit ou à la

1 Art. 62, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 60, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 63, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 743.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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charge d’un tiers. Prenant le contre-pied du principe de l’effet relatif des


conventions, ils promettent ou stipulent pour autrui.

Paragraphe 1
Le contrat pour soi-même

Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ;


elles ne nuisent ni ne profitent aux tiers. Le contrat ne profite ni ne nuit
aux tiers, en ce qu’il ne peut les rendre créanciers ou débiteurs. Le contrat
ne crée, en principe, de liens d’obligation qu’entre les parties
contractantes.
En revanche, on ne dira pas que le contrat n’a aucun effet, même
indirect, à l’égard des tiers : le contrat crée entre les parties une situation
juridique dont les tiers ne peuvent méconnaître l’existence, on dit que le
contrat est opposable aux tiers.
Dans un contrat de vente, par exemple, seul le vendeur est tenu de
délivrer la chose vendue et l’acheteur de payer le prix convenu — c’est
l’effet obligatoire du contrat — ; mais la situation juridique née de la
vente, à savoir le transfert de propriété du bien à l’acheteur, doit être
respectée par tous — c’est l’opposabilité du contrat —.

Point 1
L'effet relatif du contrat entre les parties

A. Limitation de l'effet du contrat entre les parties

Le principe de l'effet relatif signifie que le contrat ne saurait faire naître


un droit au profit ou à l'encontre d'un tiers. Seules les parties au contrat peuvent
devenir créanciers ou débiteurs par l’effet de celui-ci. C'est le sens de
l'adage « les actes conclus par les uns ne peuvent ni nuire, ni profiter aux autres ».
C'est là « un corollaire de la théorie de l’autonomie de la volonté :
chaque individu étant indépendant, seule sa volonté peut restreindre sa
liberté et le lier. Dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne
peuvent être tenus que ceux qui l’ont voulue (...) Si le libre jeu des
volontés individuelles conduit à la justice, chaque homme étant le
meilleur juge de ses intérêts, on ne saurait en dire de même des intérêts
d’autrui. Autant on peut compter sur chaque individu pour défendre ses
propres intérêts, autant il apparaît peu réaliste d’attendre de chacun qu’il
défende les intérêts d’autrui comme les siens propres. Par conséquent,
admettre qu’une personne puisse en lier une autre sans que celle-ci l’ait

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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voulu, ce serait non seulement porter atteinte au principe de


l’indépendance juridique des individus, mais encore risquer de mettre en
place des rapports injustes »1.
Ainsi, le « noyau dur des personnes obligées »2 est composé de ceux qui
sont, sans conteste, liés par les obligations nées du contrat. Il s'agit
d'abord de ceux dont la volonté a participé à la création de celui-ci.
Mais le cercle des personnes obligées n’est pas définitivement fixé
au moment de la formation du contrat : le décès d’un des contractants,
la cession du contrat peut entraîner le remplacement du contractant
initial par une autre personne, ayant cause universel ou à titre universel,
cessionnaire du contrat.

B. Opposabilité du contrat aux tiers

Le contrat crée une situation juridique dont les tiers, même s'ils ne
sont pas personnellement liés par elle, ne peuvent méconnaître l'existence. Les
tiers n’ont pas à exécuter la ou les prestations promises dans le contrat,
mais ils sont tenus de s’abstenir de tout comportement qui pourrait faire obstacle à
l’exécution de ces prestations. Pèse donc sur eux, non l’obligation de donner
ou de faire à laquelle le contrat a donné naissance, mais un devoir, celui
de respecter la situation née du contrat. Le contrat et la situation juridique qu'il
a fait naître sont opposables aux tiers. Ceux-ci sont tenus de « respecter la
situation juridique créée par le contrat »3.
À défaut d’opposabilité, le contrat risquerait d’être privé d’efficacité
puisque les tiers pourraient impunément méconnaître la situation
juridique qui en est issue. C’est dire que l’opposabilité du contrat sera
dans la dépendance directe de la nature des droits auxquels le contrat
donne naissance. Destinée à assurer au contrat pleine efficacité,
l’opposabilité ne saurait faire produire à celui-ci plus que ses effets4.
L'opposabilité apparaît par-là, dit Ghestin, comme le « complément
nécessaire de la force obligatoire du contrat »5.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 746.


2 Idem.
3 Art. 1200, Code civil français.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 750.
5 Cité par F. TERRE et alii., op. cit., p. 750.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1. Le contrat donne naissance à une situation


juridique absolue

Les contrats constitutifs ou translatifs de droits réels sont opposables


à tous et doivent être respectés par tous. L’acquéreur d’une chose pourra
opposer le droit réel qu’il tient d’un contrat de vente à toute personne
— sous réserve des règles de publicité en matière immobilière —. Il est
acquis erga omnes que tel bien a été aliéné et est devenu la propriété de
telle personne. Dans un procès en revendication, un contrat translatif de
propriété peut constituer un titre que son titulaire peut invoquer contre
le tiers revendiquant, bien qu’à l’égard de celui-ci le contrat soit res inter
alios acta1.
De même pour le contrat de mariage, il crée une situation juridique
opposable à tous, notamment en ce que ce contrat établit entre les époux
un régime matrimonial et précise l’étendue des pouvoirs dont ils
disposent sur leurs biens, régime et pouvoirs qui s’imposent dans les
rapports des époux avec les tiers à dater de leur mariage2.

2. Le contrat a pour objet un droit de créance

a. La situation juridique que le contrat crée entre


les parties peut être opposée aux tiers par les parties ou
aux parties par les tiers

La situation juridique que le contrat crée entre les parties peut être
opposée aux tiers par les parties. Les tiers n'ont pas à exécuter les obligations
nées du contrat mais il leur est interdit, alors même qu'ils n'y ont pas
consenti, de faire obstacle consciemment à l'exécution de celui-ci.
Le tiers qui aide en connaissance de cause le débiteur à ne pas
exécuter le contrat, se rend complice de la violation par celui-ci de ses
obligations contractuelles et commet ainsi une faute qui engage sa
responsabilité3. Ainsi a-t-on décidé que « le contractant victime d’un
dommage né de l’inexécution d’un contrat (…) peut demander la

1 Cass. fr., Civ., 22 juin 1864.


2 Req. 17 déc. 1873.
3 Tel n’est cependant pas le cas, en revanche, du tiers qui se rend complice de la

rupture de pourparlers, sauf si son comportement est dicté par l’intention de


nuire ou s’accompagne de manœuvres frauduleuses (Cass. fr., Com., 26 nov.
2000).

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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réparation de ce préjudice au tiers à la faute duquel il estime que ce


dommage est imputable »1.
La responsabilité du tiers est purement délictuelle. Sa responsabilité
résulte, en effet, non de l’inexécution de l’obligation contractuelle à
laquelle il n’était pas tenu, mais de la violation d’un devoir, celui de
respecter les droits nés du contrat2. Ainsi par exemple, le patron qui
débauche l’employé d’un concurrent et l’amène à rompre son premier
contrat de manière abusive, se rend complice de cette rupture. La
responsabilité de l’employé est contractuelle, celle du patron est
délictuelle3.
Encore faut-il, pour que la responsabilité du tiers puisse être
engagée, qu’il connaisse l’existence du contrat violé au moment où il
conclut le contrat incompatible avec celui-ci4. Cette connaissance ne se
présume pas5.
b. La situation juridique que le contrat crée entre
les parties peut être opposée aux parties par les tiers

Un tiers peut invoquer un contrat pour rechercher la responsabilité


d’une partie à ce contrat à raison d'un préjudice subi du fait de la mauvaise exécution
de ce contrat. Par exemple, un vendeur livre une chose de mauvaise qualité
qui blesse ultérieurement une personne avec laquelle il n’avait pas
contracté.
Le contractant défaillant pourrait engager sa responsabilité à l’égard
de ce tiers en raison de la méconnaissance de son obligation
contractuelle.
N’étant, par définition, pas partie au contrat, le tiers doit agir sur le
terrain de la responsabilité délictuelle et non sur celui de la responsabilité
contractuelle6. La faute n'est pas constituée de la violation d'une
obligation contractuelle en tant que telle. La seule méconnaissance de
son obligation contractuelle par le contractant ne suffit pas à constituer
une faute, au sens de l'article 258.
Le tiers ne peut obtenir réparation que s’il démontre l’existence d’«
une faute délictuelle envisagée en elle-même, indépendamment de tout

1 Cass. fr., Civ. 1re, 26 janv. 1999.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 26 janv. 1999.
3 Cass. fr., Civ. 27 mai 1908.
4 Cass. fr., Com., 11 oct. 1971.
5 Cass. fr., Com., 12 mars 1963.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 754.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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point de vue contractuel »1. En d’autres termes, la responsabilité


délictuelle n'est retenue que si le contractant défaillant a violé une règle
de portée générale. Il fallait une faute détachable du contrat. Elle pourrait
être fondée, si non sur la violation d'un texte de portée générale, au
moins en dehors d'un texte, comparativement au comportement d'un
bon père de famille.
Dépassant ce considérant, la jurisprudence française en est venue à
considérer que l’inexécution de l’obligation contractuelle suffisait à
fonder l’existence d’une faute délictuelle. D'abord retenue par la
chambre civile de la Cour de cassation2, cette solution a été expressément
consacrée par l'assemblée plénière de ladite juridiction, qui considère que
« le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui
a causé un dommage »3. En d’autres termes, toute faute contractuelle est
délictuelle au regard des tiers étrangers au contrat. La jurisprudence congolaise
n'en est pas encore à ce point4.

C. Les personnes placées dans une situation


intermédiaire

Entre les parties, ayant donné leur consentement au contrat et se


voyant directement opposés les effets internes de ceux-ci, et les tiers,
n'ayant pas donné leur consentement au contrat et n'ayant pas à en subir
les effets — sinon à en accepter et respecter l'existence — se trouvent
des personnes dans une situation intermédiaire : des personnes qui, sans
avoir été parties au contrat, sont néanmoins liés avec celui-ci. Ces
personnes gravitent étroitement autour des contractants.

1. Les créanciers chirographaires

Les créanciers chirographaires sont ceux qui, ne disposant d'aucune


sûreté particulière, n'ont qu'un droit de gage général sur le patrimoine de
leur débiteur. Leurs droits sont directement affectés par les fluctuations du
patrimoine sur lequel ils s’exercent. Plus celui-ci s’amenuise, et plus les
chances d’être payé du créancier chirographaire diminuent.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 8 oct. 1962.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 15 déc. 1998.
3 Cass. fr, as. plén., 6 oct. 2006.
4 Voir Ie Inst., Kin., 26 déc. 1966. Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 180.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La situation des créanciers chirographaires est proche de celle des


tiers : les contrats conclus par leur débiteur leur sont opposables comme
ils le sont à toutes personnes. Simplement, cette opposabilité présente à
leur égard une importance toute particulière. En raison du droit de gage
général dont ils sont titulaires sur le patrimoine de leur débiteur, tous les
contrats conclus par celui-ci se répercutent sur leur créance. Si ces contrats sont
avantageux — c'est-à-dire, si le débiteur intègre le rapport d'obligation
comme créancier —, leurs chances d’être payés augmentent, car le
patrimoine du débiteur s'enrichit ; s’ils sont désavantageux, elles
diminuent. En cette raison, la loi leur accorde deux actions : l'action
oblique et l'action paulienne.

2. Les ayants cause à titre universel

Les ayants cause à titre universel, c'est-à-dire les héritiers ou légataires


qui succèdent à l'universalité ou à une quote-part de l'universalité du défunt, ne sont
pas des tiers. Les contrats passés par leur auteur produisent effet à leur
égard. Ils succèdent aux créances comme aux dettes car ils sont censés continuer
la personne du défunt.
Toutefois, les contrats intuitu personae sont exclus de la succession. La loi
dispose qu'on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et
ayants cause, « à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de
la nature de la convention »1.

3. Les ayants cause à titre particulier

Contenu indisponible.

Point 2
Dérogations au principe de la relativité des conventions

La loi en posant comme principe que les conventions n'ont d'effet


qu'entre les parties contractantes et qu'elles ne nuisent point au tiers,
prévoit tout de même deux dérogations, respectivement aux articles 19
et 20 pour la promesse pour autrui, 21 pour la stipulation pour autrui et
203 pour la simulation.

1 Art. 22, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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A. La promesse pour autrui

1. Notion

La loi pose le principe que l' « on ne peut, en général, s'engager ni


stipuler en son propre nom que pour soi-même »1. Il en résulte que, si X
promet à Y que Z lui fournira telle prestation, Z n'est pas lié par cette
promesse. C'est là une application du principe de l'effet relatif du contrat
: le contrat ne peut faire naître d'obligation à la charge d'autrui. Et
comme X a promis uniquement le fait d'autrui sans s'engager
personnellement, il n'est pas tenu. C'est dire qu'une telle promesse ne
produit aucun effet. Tant qu'une personne ne s'oblige pas elle-même à
l'égard d'une autre, la promesse ne produit aucun effet juridique
obligatoire.
Mais la loi admet une exception en cas de promesse de porte-fort. La loi
permet en effet que « néanmoins, on peut se porter fort pour un tiers, en
promettant le fait de celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui
a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement »2.
A se porte fort pour un tiers C en promettant à son cocontractant
B le fait de C. Ce fait peut être un acte matériel — comme la participation
d'un athlète à une compétition sportive promise par un entraîneur A à
l'organisateur B —, ou le plus souvent un acte juridique positif ou négatif
— la conclusion d'un contrat par exemple —.

2. Effets juridiques de la promesse de porte-fort

La loi dispose qu' « on peut se porter fort pour un tiers, en


promettant le fait de celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté
fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir
l'engagement ».
La promesse de porte-fort est en fait un engagement personnel du
porte-fort à l'égard du cocontractant. La clause oblige celui qui s’est
porté fort à obtenir l’engagement du tiers. Le tiers n'est pas lié à cet
engagement avant sa ratification. S'il accepte de ratifier, il se forme une
convention entre C et B. Ayant rempli son engagement, le porte-fort est libéré.

1 Art. 19, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 20, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il ne sera pas responsable si le tiers n’exécute pas ensuite son


engagement. La ratification est un acte unilatéral n’exigeant pas le
concours des bénéficiaires de la promesse1.
Par contre, s'il refuse de ratifier, A engage sa responsabilité délictuelle — et
non contractuelle — à l'égard de B. Il lui devra des dommages-intérêts,
mais ne sera pas tenu d'exécuter personnellement l'engagement. Il a été jugé qu'il
n’est pas nécessaire pour cela d’établir sa faute. Il suffit que le résultat
promis n’ait pas été atteint2. À condition que le bénéficiaire de la
promesse ait subi un préjudice.
Le tiers est rétroactivement engagé à l'égard de B, dès le jour où le
contrat de porte-fort a été passé. La date de ce contrat constitue la date
de naissance de l'obligation née entre C et B3.

B. La stipulation pour autrui

A. Notion

Il y a stipulation pour autrui lorsque, dans un contrat, une des parties,


appelée le stipulant, obtient de l’autre, appelée le promettant, l’engagement qu’elle
donnera ou fera quelque chose au profit d’un tiers étranger, le bénéficiaire, qui devient
ainsi créancier sans avoir été partie au contrat4.
En principe interdite par la loi5, elle est exceptionnellement admise
par celle-ci quand elle dispose qu' « on peut pareillement stipuler au profit d'un
tiers lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou
d'une donation que l'on fait à un autre (...) »6. La stipulation n'est donc admise
que lorsqu'elle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même —
cas d'un vendeur qui stipule qu'une partie du prix sera versée à lui-même,
une partie à une autre personne — ; et lorsqu'elle est la condition d'une
donation que l'on fait à une personne. C'est la donation avec charge.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 7 mars 1979.


2 Paris 19 juin 1998.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 7 mars 1979 ; Léo., 2 mai 1939.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 776.
5 Art. 19, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
6 Art. 21, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Effets juridiques de la stipulation pour autrui

Trois séries de rapport sont à envisager : les rapports entre le


stipulant et le promettant, les rapports entre le promettant et le tiers
bénéficiaire, les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire.

1. Rapports entre le stipulant et le promettant

Le stipulant et le promettant sont liés par un contrat, sur lequel se


greffe la stipulation pour autrui : ce « contrat de base » peut être une
donation, une vente, une assurance sur la vie… Sa formation obéit aux
conditions de validité de tout contrat.
Les effets de ce contrat restent soumis au droit commun. Par ce
fait, en cas d'inexécution par le promettant de ses obligations, le stipulant
peut user de toutes les voies de droit prévues quant à ce : résolution du
contrat pour inexécution, exécution forcée en nature ou par équivalent.
Ce contrat de base n'est pas affecté par une éventuelle cause de
nullité — pour cause illicite par exemple — qui entacherait la stipulation.

2. Rapports entre le promettant et le tiers


bénéficiaire

Le tiers bénéficiaire acquiert un droit direct de créance contre le


promettant dès la stipulation. Ce droit naît par le seul effet de l’accord des
volontés du stipulant et du promettant. L’acceptation du tiers bénéficiaire n’est
pas une condition de l’acquisition de son droit contre le promettant1.
Son seul effet est de consolider définitivement la situation créée par la stipulation
en privant le stipulant du droit de la révoquer.
L’acceptation émanera en principe du bénéficiaire, mais elle peut
aussi être effectuée, par ses héritiers s'il était décédé. Elle peut être
expresse ou tacite, c’est-à-dire résulter du comportement du tiers
bénéficiaire et notamment de sa demande d’exécution de la promesse2,
adressée au promettant ou au stipulant et peut intervenir même après le
décès du promettant ou du stipulant.
La reconnaissance de ce droit direct conduit à donner au tiers une
action pour exiger l’accomplissement de la prestation stipulée à son profit. C’est dire
que ce droit naît sur sa tête sans passer par le patrimoine du stipulant et,

1 Cass. fr., Com., 23 févr. 1993.


2 Req. 2 avril 1912.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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par conséquent, sans être exposé, du fait d’un tel passage, à une saisie
émanant des créanciers du stipulant1.
De son côté, le promettant s’est engagé envers le tiers en
considération et en contrepartie de la prestation que lui a promise le
stipulant. Si celui-ci n’exécute pas ses propres engagements, le
promettant doit pouvoir en faire état à l’encontre du tiers bénéficiaire. Il
en résulte que le promettant peut, en principe, opposer au tiers bénéficiaire les causes
de nullité ou de résolution ainsi que les exceptions qu’il aurait pu faire valoir contre
le stipulant2.

3. Rapports entre le tiers bénéficiaire et le stipulant

a. Faculté de révocation du stipulant

Le stipulant a le droit de révoquer la stipulation qu'il a faite au profit


du tiers et d'en transporter le bénéfice à une autre personne ou de se
l’attribuer personnellement. Toutefois, cette faculté cesse au moment de
l’acceptation du tiers, car cette acceptation consolide au profit de celui-ci
un droit qui ne peut plus être modifié sans sa volonté.
Ce droit de révocation est lié à la personne du stipulant, ses créanciers
ne peuvent donc l'exercer en ses lieu et place. Le droit de révocation
appartient au stipulant et non au promettant. Il pourrait toutefois être stipulé
dans le contrat que la révocation ne serait possible que du consentement des
deux contractants. Une telle clause ne se rencontre jamais en matière
d’assurance sur la vie. Une telle clause peut d’ailleurs être considérée
comme implicite lorsque le promettant a un intérêt à l’exécution de sa
promesse3.

b. L’attribution du bénéfice de la stipulation est


rétroactive

Le bénéficiaire doit être considéré comme ayant toujours été seul


créancier du promettant, son droit direct étant né immédiatement par l'effet
du contrat entre le stipulant et le promettant.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 786 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 191.
2 Cass. fr., Civ. 1re, 29 nov. 1994.
3 Req. 30 juill. 1877.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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c. La personne du tiers bénéficiaire

Le tiers bénéficiaire doit être une personne déterminée. On n'exigera pas


de cette personne la capacité d’exercice : elle n’est pas partie au contrat, elle n’a
pas de volonté à manifester en vue de l’acquisition de son droit ; peu
importe donc que le tiers bénéficiaire soit mineur, ou majeur en tutelle ;
de tels incapables peuvent devenir créanciers en vertu d’un contrat passé
entre deux autres personnes.
La stipulation est également admise au profit de personnes futures, en
l'occurrence au profit d'un enfant simplement conçu, pour autant qu'il
naisse vivant et viable1.

C. La simulation

Les notions de simulation ayant déjà été étudiées précédemment,


voyons-en à présent les effets.
La simulation suppose deux actes : un acte apparent et un acte secret.
L’autonomie de la volonté impose de respecter la volonté réelle des
parties. Celle-ci étant renfermée dans l’acte secret, c’est celui-ci qui devrait
prévaloir.
Mais cette première considération se heurte aux exigences de la
sécurité juridique. Il serait contraire à celle-ci que l’acte secret l’emportât,
car les tiers n’ont connu que l’acte apparent. C'est donc ce dernier qui leur
sera opposable.
Le droit positif est le produit de la conciliation de ces deux impératifs
contradictoires. La loi dispose que « les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet
qu'entre les parties contractantes : elles n'ont point d'effet contre les tiers »2. En
d’autres termes, l’autonomie de la volonté prévaut dans les rapports
entre les parties, la sécurité juridique dans les rapports avec les tiers.

1. L’effet de la contre-lettre entre les parties

L'acte secret est un véritable contrat qui fait effet entre les parties. En tant
que tel, il doit respecter les conditions de validité d'un contrat. Les
conditions de fond — consentement, capacité, objet et cause —

1Art. 840, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.


2 Art. 203, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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s’apprécient dans l’acte occulte. En d'autres termes, la validité de l'acte secret


est appréciée indépendamment de l'acte apparent.
En revanche, les conditions de forme sont celles de l’acte apparent.
Constituant la façade de l’opération, celui-ci doit pouvoir faire illusion.
Il en résulte que l’acte caché emprunte, en quelque sorte, la forme de
l’acte apparent1.
Par ailleurs, caché par définition, l’acte secret ne pourra produire
ses effets entre les parties, si l’une d’elles prétend s’en tenir à l’acte
apparent, qu’à la condition de le prouver. L'existence de l'acte secret sera
établie au moyen d'une action en déclaration de simulation2. L’acte secret ne
peut être établi, dans son existence et sa teneur, que conformément aux
règles ordinaires de preuve des actes juridiques.

2. La simulation et les tiers

Les tiers à l'égard desquels seront examinés les effets de la


simulation ne sont pas les penitus extranei. Ceux-ci sont évidemment
complètement tiers. Ils ne sont pas visés par cette disposition, qui ne les
concerne nullement. Ni l'acte apparent, ni l'acte secret n'ont d'effet à leur
égard.
De même, ne sont pas des tiers, mais au contraire, sont directement
concernés par la simulation, les parties et ceux qui leur sont assimilés,
ayants cause universels ou à titre universel. Continuateurs de la personne de
leur auteur, ils sont dans la même situation que lui. La contre-lettre fait
donc directement effet à leur égard, puisque c'est elle qui compte entre
les parties3.
Les tiers concernés ici, à l'égard desquels seront examinés les effets
de la simulation, sont ceux pour lesquels l’opposabilité du contrat
présente un relief particulier : créancier chirographaire, ayant cause à titre
particulier4.
La loi dispose que « les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les
parties contractantes : elles n'ont point d'effet contre les tiers »5. Par cette solution,
on entend sauvegarder la sécurité juridique. Tout en étant valable entre les

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 797.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 9 mai 1955.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 21 mai 1979.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 798 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 196-196.
5 Art. 203, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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parties parce qu’elle exprime leur volonté réelle, la contre-lettre ne sera


pas opposable aux tiers parce que ceux-ci n’ayant connu que l’acte
apparent n’ont pu se déterminer que par rapport à lui1.
Mais le fondement même de cette règle permet de lui apporter
certains aménagements. Posée pour protéger les tiers, l’inopposabilité de la
contre-lettre ne va s’imposer que si celle-ci leur est défavorable. Au cas où
la contre-lettre leur serait plus favorable, ils pourront s’en prévaloir, à
condition bien-sûr d’en démontrer l’existence au moyen d’une action en
déclaration de simulation. En d’autres termes, les tiers ont en cas de
simulation une option : selon leur intérêt, ils peuvent s’en tenir à l’acte
apparent ou faire prévaloir la contre-lettre si elle leur est plus favorable2.

a. L’inopposabilité aux tiers de l’acte secret

C'est une évidence que l'on ne puisse opposer à une personne un


acte qui lui a été volontairement dissimulé et dont elle ignorait tout. Ce
principe de solution se fonde, d'une part, sur l'idée d'apparence, et d'autre
part, sur l'idée de sanction3.
D'une part, l'inopposabilité de l'acte secret serait une application de
l'idée d'apparence. L’inopposabilité vise à protéger les tiers trompés par
l’apparence créée par l’acte ostensible. D’autre part, l’inopposabilité peut être
considérée comme une sorte de sanction frappant le bénéficiaire de l’acte
secret ; il ne lui sera pas permis d’invoquer des droits qu’il a dissimulés.
Par exemple, le propriétaire d’un immeuble, pour obtenir dans une
vente un prix plus élevé, passe avec son locataire un bail apparent aux
termes duquel le loyer mensuel est de 5 000 $, puis, par une contre-lettre,
il est convenu entre le propriétaire et le locataire que le loyer est ramené
à son montant véritable de 3 000 $. L’immeuble est vendu ; l’acheteur,
ayant cause particulier tenu de respecter le bail, pourra réclamer au
locataire le loyer fixé dans l’acte apparent, 5 000 $, sans que le locataire
puisse lui opposer la contre-lettre.
De même, une personne conclut avec une autre une vente fictive.
Les créanciers chirographaires de l’acheteur apparent, croyant que cet
immeuble fait partie du patrimoine de leur débiteur, peuvent le saisir et
sont à l’abri de la revendication de celui qui se prétendrait le véritable
propriétaire du bien en vertu d’une contre-lettre.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 798.


2 Idem.
3 Ibidem., p. 799.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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b. La faculté pour les tiers d’invoquer l’acte secret

Les tiers peuvent invoquer la contre-lettre lorsque celle-ci leur est


plus favorable que l'acte apparent. Dès lors que les tiers passent outre à la
protection que leur offre la loi, il est normal que l'acte secret qui exprime la
réalité de l'accord conclu entre les parties l'emporte.
Ainsi dans les exemples ci-dessus, en cas de majoration par contre-
lettre du loyer indiqué dans le contrat de bail relatif à un immeuble
ultérieurement cédé, l’acquéreur de celui-ci, ayant cause à titre particulier,
pourra se prévaloir de la contre-lettre1. De même, en cas de vente fictive,
les créanciers chirographaires du vendeur fictif pourront invoquer la
contre-lettre qui maintenait le bien dans le patrimoine de leur débiteur
et le saisir.
S’ils entendent se prévaloir de la contre-lettre, les tiers devront
intenter une action en déclaration de simulation et démontrer l’existence
de celle-ci2. Pour les tiers, la simulation est un fait dont on ne saurait
songer à leur demander la preuve écrite, puisqu’il s’est passé sans eux et
hors d’eux. Ils peuvent donc prouver par tous moyens la convention
occulte3.
Il peut arriver un conflit entre deux tiers, l'un prétendant ignorer la
contre-lettre, l'autre voulant en profiter. Par exemple, un individu,
débiteur insolvable, a vendu fictivement son immeuble à un tiers, qui a
lui-même des créanciers. Il y a un conflit possible entre les créanciers du
vendeur apparent qui invoquent la contre-lettre et les créanciers de
l'acheteur apparent qui prétendent ne connaître que l'acte apparent. En
pareille occurrence, la Cour de cassation de France a jugé que la préférence
doit être donnée à celui qui invoque l’acte ostensible4.

Section 5
L'exécution forcée

Les contrats sont supposés être exécutés de bonne foi. Mais on ne


pourra toujours s'attendre à la mauvaise foi du débiteur, on devra parfois
le contraindre, auquel cas, l'exécution ne sera plus libre, mais forcée. Le
créancier pourra alors exiger l'exécution avec l'appel de la force publique.

1 Cass. fr., Civ. 25 févr. 1946.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 7 nov. 1979.
3 Req. 12 nov. 1902.
4 Cass. fr., Civ. 25 avr. 1939.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cette exécution forcée aura lieu soit en nature, soit par équivalent, le
débiteur étant dans ce dernier cas tenu de payer des dommages-intérêts.
Mais avant d'y être, des conditions sont à remplir1 : la dette doit
d'abord, être exigible, c'est-à-dire, arrivée à échéance. Le créancier doit
mettre préalablement le débiteur en demeure. Le débiteur ne doit pas être
déchargé de son obligation par une cause d'exonération. Le créancier doit être
muni d'un titre exécutoire — la grosse, un acte notarié — contenant la
formule exécutoire, soit un jugement pris contre son débiteur
récalcitrant et le condamnant à exécuter.
Précisions deux de ces conditions : la mise en demeure et les causes
d'exonération.

Paragraphe 1
Conditions de l'exécution forcée

Point 1
La mise en demeure

A. Définition

La mise en demeure est un acte par lequel un créancier demande à son


débiteur d’exécuter son obligation2. Mettre quelqu'un en demeure équivaut à
l'interpeller, lui rappeler son l'obligation3.
Cette formalité est nécessaire et préalable à toute demande en
exécution forcée. La loi dispose en effet que « les dommages et intérêts ne
sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation »4. En tant
qu'il ne réclame pas, le créancier est censé ne pas souffrir du retard et ne
peut réclamer des dommages-intérêts au débiteur5. Le débiteur sera ainsi
dépourvu de toute exécution de ne pas remplir son engagement6.
Ce principe répond, au demeurant, à une exigence du bon sens. Si
le débiteur n’a pas spontanément exécuté son obligation, le créancier n’a
d’autre choix que de le lui demander. Le débiteur doit donc être averti,

1 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1581 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 144.
2 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1245.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 145.
4 Art. 44, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 145.
6 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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avec un minimum de formes, de la requête du créancier et disposer


encore, dans ce cas, de la possibilité d’exécuter volontairement son
obligation.

B. Nécessité de la mise en demeure

La nécessité d’un tel avertissement est particulièrement évidente


lorsque l’exécution de l’obligation n’est pas inscrite dans un délai
déterminé. Un oubli de la part du débiteur ne peut être exclu.
De plus, l’inaction du créancier a pu être perçue comme valant
octroi implicite d’un délai de grâce, surtout s’il a eu connaissance des
difficultés éprouvées par le débiteur à exécuter son obligation au terme
prévu. Ce dernier peut même parfois avoir des raisons de penser que le
créancier a renoncé à son droit.
Ces circonstances, très diverses, justifient que l’exigence d’une mise
en demeure soit en principe requise même dans le cas où un délai est imparti
au débiteur1.

C. Cas où la mise en demeure est exclue

Toutefois, il est des cas où la mise en demeure est inutile.


Déjà, la mise en demeure est exclue par l'effet de la convention,
lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance
du terme, le débiteur sera en demeure2.
La dispense de mise en demeure ne se présume point. Elle aggrave, en
effet, la situation du débiteur en le privant d’une mesure protectrice.
Ainsi, la seule stipulation d’un terme déterminé ne suffit-elle pas pour
valoir dispense de mise en demeure3.
La nature même de l'obligation peut encore exclure la mise en demeure.
Il en est ainsi de l'obligation de ne pas faire auxquelles, aux termes de la loi,
« celui qui (...) contrevient doit les dommages-intérêts par le seul fait de
la contravention »4. Si le débiteur a fait ce qui lui était interdit — cas du

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1509.


2 Art. 38, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1510.
4 Art. 43, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1321
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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souscripteur d’une clause de non-concurrence qui a violé son obligation


—, toute mise en demeure est évidemment inutile.
Il en est de même lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de
donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain
temps qu'il a laissé passer1. Cas par exemple, de la livraison de matériel ou
de marchandises pour une foire ou la présence d’un artiste à un spectacle
à date fixe. Dans ces cas, une exécution tardive ne présente plus aucun
intérêt pour le créancier ou est même devenue impossible.
Enfin, la mise en demeure peut être rendue inutile dans l’hypothèse
où le débiteur a pris les devants en manifestant la volonté de ne pas exécuter.
Tel est le cas si le débiteur a lui-même demandé la résolution du contrat2,
ou a, par avance, déclaré ne pas vouloir exécuter son obligation3.

D. Formes

La procédure de la mise en demeure est simplifiée. La loi dispose que


« le débiteur est constitué en demeure (...) par une sommation, ou par un autre acte
équivalent »4.
La sommation est un acte d’huissier de justice enjoignant à un débiteur de
payer ce qu’il doit, d’accomplir l’acte auquel il s’est obligé5.
Ont toujours été considérés comme actes équivalents, le
commandement de payer ou la citation en justice, qui interviennent
habituellement à un stade plus avancé du litige, mais expriment
nécessairement la volonté formelle du créancier d’obtenir l’exécution6.
Au sujet de l'acte équivalent, il s'agit de tout autre acte émané d’un
officier public et manifestant formellement l’intention du créancier
d’être payé7. C'est ainsi qu'une lettre recommandée peut valoir mise en
demeure s’il en résulte pour le débiteur une « interpellation suffisante »8. Il
en est de même d'une simple lettre, du moment qu'elle constitue une
interpellation suffisante. Le juge vérifie cette exigence et, autrement, il

1 Art. 44, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ., 24 juill. 1928.
3 Cass. fr., Soc., 26 juin 1959.
4 Art. 38, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1791.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1517 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 146.
7 Cass. fr., Civ., 29 mai 1933.
8 Cass. fr., Civ. 1re, 22 oct. 1956.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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refuse de considérer qu'il y a eu mise en demeure. Ainsi, il a été jugé que


« c’est dans l’exercice souverain d’appréciation du contenu de la lettre
(...) que la cour d’appel a retenu qu’(elle) ne constituait pas une
interpellation suffisante »1. La réforme du Code civil français a d'ailleurs
expressément consacré la question en disposant que « le débiteur est mis
en demeure de payer (soit) par une sommation ou un acte portant
interpellation suffisante (...) »2.
Il apparaît, en conclusion, que tout procédé par lequel le créancier veut
signifier au débiteur qu'il doit exécuter son obligation peut constituer la mise en
demeure3.

E. Effets

La mise en demeure permet au créancier de demander des dommages-


intérêts en raison du retard dans l'exécution — dommages-intérêts
moratoires —.
Par ailleurs, quand l'obligation a pour objet la livraison d'un corps
certain, les risques de la chose incombent au débiteur à dater de la mise en
demeure4.

Point 2
Les causes d'exonération : la force majeure et le cas fortuit

L'absence de causes d'exonération est une condition de l'exécution


forcée. La loi dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au
paiement de dommages-intérêts (...) toutes les fois qu’il ne justifie pas
que l’inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être
imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part »5. A
contrario, quand l'inexécution provient d'une cause étrangère au
débiteur et qui ne peut lui être imputée, il n'y a pas exécution forcée.
Ainsi, « il n'y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d'une force

1 Cass. fr., Com., 21 févr. 2012.


2 Art. 1344, Code civil français.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 146.
4 Art. 37 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Art. 45, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1323
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi
il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit »1.
Peuvent constituer des causes d'exonération de la responsabilité du
débiteur, la force majeure et le cas fortuit, la faute du créancier lui-même
ou la faute d'un tiers.
Il n'y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d'une
force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner
ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

A. Définition

La force majeure désigne, au sens large, tout événement imprévisible et


insurmontable empêchant le débiteur d’exécuter son obligation2. Dans un sens
étroit, la force majeure se distingue du cas fortuit par le fait qu'elle est un
événement non seulement imprévisible et insurmontable mais encore
d’origine externe, absolument étranger à la personne du débiteur — force
de la nature, fait du prince, fait d’un tiers — ; tandis que le cas fortuit
renvoie à une impossibilité d’exécuter une obligation tenant à des causes
internes — maladie du débiteur par exemple —3.

B. Caractéristiques

Pour être constitutif de force majeure, l'évènement doit être,


extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible4.

1 Art. 46, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 918.
3 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 305.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 149. Dans un arrêt de principe rendu en

assemblée plénière, la Cour de cassation de France a approuvé les juges du fond


d’avoir considéré que la maladie du débiteur était constitutive d’un cas de force
majeure dès lors qu’elle présentait « un caractère imprévisible lors de la conclusion du
contrat et irrésistible dans son exécution » (Cass. fr., Ass. Plén., 14 avr. 2006). On
pourrait être amené à penser que l'extériorité n'est plus considérée comme une
condition de la force majeure. Mais en fait, la Haute juridiction expliquait dans
un communiqué que si la condition d'extériorité n'était pas contenue dans les
termes de son arrêt, c'est parce qu'en fait, la condition n'avait pas été discutée
des parties. La réforme du Code civil français a fini par consacrer cette trilogie.
Le nouvel article 1218, alinéa 1er, dispose ainsi qu' « il y a force majeure en matière
contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être

1324
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'événement doit être extérieur au débiteur. Il n'y a pas force majeure


lorsque l'obstacle a été créé par celui-ci1, lorsqu'il est lui-même à l’origine
de l’évènement2. De même, le vice de la chose employée pour l’exécution
d’un contrat n’est pas constitutif de force majeure3.
L'événement doit être imprévisible, inévitable. L’événement extérieur
ne devait pas pouvoir être prévu par le défendeur. Cela paraît logique,
car si l’événement était prévisible au moment de la formation du contrat,
les parties, et spécialement le débiteur, devaient en tenir compte dans la
convention — augmentation du prix, clauses limitatives de
responsabilité, etc. —. L’imprévisibilité s'apprécie au jour de la conclusion
du contrat4.
Tous les évènements, y compris les pires catastrophes — guerre,
tremblement de terre, etc. —, étant dans l’absolu prévisibles, c’est-à-dire
concevables ou imaginables, cette exigence doit être appliquée avec
discernement5. On dit ainsi que l’événement doit être « normalement ou
raisonnablement » imprévisible6. Cette appréciation se réalise in concreto,
c’est-à-dire en tenant compte des spécificités — géographiques,
climatiques, économiques, politiques ou sociales — de l’espèce, et des
critères accessoires d’anormalité, de soudaineté, ou encore de rareté7.
Ainsi, selon les circonstances, un cyclone pourra ainsi être jugé, tantôt
normalement imprévisible8, tantôt raisonnablement prévisible9.
L'événement doit enfin être insurmontable. L’événement extérieur et
imprévisible doit empêcher le débiteur contractuel de réaliser sa
prestation. « À l’impossible, nul n’est tenu ». Ici aussi, l'exigence est
appréciée en référence au critère du bon père de famille. L'événement
doit constituer une réelle impossibilité et non des obstacles passagers rendant
l'exécution plus onéreuse seulement ou plus difficile10. L'exécution de

raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités
par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ». Voy. F.
TERRÉ et alii., op. cit., pp. 813-814.
1 Léo., 6 avril 1926.
2 Cass. fr., Civ. 3e, 20 nov. 1985.
3 Cass. fr., Civ. 26 mars 1934.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 20 juin 1962.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 811.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 7 mars 1966.
7 F. TERRE et alii., op. cit., p. 811.
8 Cass. fr., Civ. 3e, 29 juin 1988.
9 Cass. fr., Civ. 2e, 18 mars 1998.
10 Élis., 13 juin 1914.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l'obligation doit être rendue impossible, d'une impossibilité absolue.


L’événement doit avoir rendu « absolument impossible l’exécution de
l’obligation contractée »1. Ne constitue pas une force majeure, un fait
rendant pour le débiteur l’exécution de son obligation plus difficile.
Ainsi, en temps de guerre, les relations patrimoniales sont perturbées ;
mais cet état de choses n’est pas en soi un cas fortuit ou de force majeure,
s’il rend seulement plus difficile l’exécution d’un contrat2. Seulement,
certains événements précis — bombardements, destructions,
évacuations… — peuvent revêtir les caractères de la force majeure. Ne
constitue pas non plus une force majeure, un événement rendant pour
le débiteur l’exécution de son obligation plus onéreuse. Même si le
débiteur doit se ruiner en exécutant son obligation, il n’y a pas force
majeure, dès lors que l’exécution demeure matériellement possible3.

C. Effets

Le cas fortuit et la force majeure libèrent le débiteur. L'obligation est


éteinte et il ne doit aucun dommage-intérêt. Il en est cependant autrement
si le débiteur a pris à sa charge les cas fortuits4, ou s'il avait déjà été mis
en demeure de s'exécuter, auquel cas les risques de la chose lui
incombent5.
Lorsque l’impossibilité n’est que momentanée, l’événement ne
constitue pas, en principe, un cas de force majeure exonérant
définitivement le débiteur6, mais plutôt un cas de suspension de l'exécution.
Il n'y a pas d’exonération si l’événement peut être rattaché à une
faute, même non intentionnelle, commise par le débiteur7. Des
événements d’origine externe, mais provoqués par le débiteur, ne
sauraient l’exonérer8.

1 Cass. fr., Soc., 25 févr. 1954.


2 Cass. fr., Civ., 4 août 1915.
3 Cass. fr., Civ., 17 nov. 1925.
4 Art. 423, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Art. 37 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
6 Cass. fr., Civ., 3e, 22 février 2006.
7 Cass. fr., Civ., 1er févr. 1937.
8 Cass. fr., Soc., 30 déc. 1954.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Particularités de l'exécution des contrats synallagmatiques

Dans un contrat synallagmatique, la cause de l'un est l'obligation de


l'autre. Si donc une partie n'exécute pas son obligation, la cause du
cocontractant disparaît par là-même. Chaque partie ne peut alors exécuter son
obligation que si l'autre exécute la sienne. C'est le principe de l'exécution
simultanée ou de l'exécution trait pour trait1. Ainsi l'acheteur doit payer le prix
en même temps qu'il prend livraison de la chose.
Il en résulte que, si l'un des contractants réclame l'exécution de ce
qui lui est dû sans pour autant payer ce qu'il doit, l'autre contractant peut
refuser d'exécuter sa propre prestation en lui opposant l'exception
d'inexécution. En d’autres termes, l’exception d’inexécution est le droit
qu’a chaque partie à un contrat synallagmatique de refuser d’exécuter la prestation à
laquelle elle est tenue tant qu’elle n’a pas reçu la prestation qui lui est due2.
Par ailleurs, si un évènement indépendant de sa volonté empêche
l'un des contractants de s'exécuter, l'autre se trouve par là même libéré
de son obligation. C'est le principe de la connexité des obligations3.
L’institution présente des traits originaux4. C'est une voie de justice
privée ; qui entraîne un ajournement de l'exécution des obligations.
C’est une voie de justice privée. Celui qui invoque l’exception
d’inexécution le fait de sa propre autorité, sans décision préalable du
juge. Chaque contractant n’est cependant pas livré à l’arbitraire de son
partenaire. Il peut, en effet, saisir le juge pour faire constater que
l’exception d’inexécution lui a été opposée à tort, les conditions n’en
étant pas réunies, et obtenir des dommages-intérêts. En bref, le juge n’a
pas à autoriser le recours à l’exception d’inexécution, mais peut contrôler
la régularité de son exercice.
L’exception d’inexécution entraîne non la disparition des
obligations, mais un simple ajournement de leur exécution. Elle ne détruit pas
le contrat, mais en suspend l’exécution. Le contractant entend ainsi se
garantir contre la situation très défavorable dans laquelle le placerait une
exécution unilatérale de ses obligations et faire pression sur son
partenaire pour l’amener à s’exécuter. La situation qui résulte du jeu de
l’exception d’inexécution est provisoire : soit le moyen de pression se

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 155.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 822.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 155.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 822.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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révèle efficace et chaque partenaire exécute finalement ses obligations,


soit l’inexécution apparaît définitive et on aura recours, afin de dénouer
la situation, à la résolution pour inexécution.

Point 1
Le principe de l'exécution simultanée des obligations
réciproques et l'exception d'inexécution

A. Conditions

1. Conditions de fond

Deux conditions de fond : l'interdépendance des obligations et


l'inexécution, avérée ou à venir, de l'une d'entre elles.

a. Obligations interdépendantes

L'exception d'inexécution a pour domaine d'élection les contrats


synallagmatiques caractérisés par la réciprocité et l'interdépendance des obligations
auxquelles ils donnent naissance. L’exception d’inexécution est rattachée
à la notion de cause : « dans les contrats synallagmatiques, l’obligation de
l’une des parties a pour cause l’obligation de l’autre, de telle sorte que, si
l’obligation de l’une n’est pas exécutée quel qu’en soit le motif,
l’obligation de l’autre devient sans cause »1.
L’exception d’inexécution ne saurait jouer entre deux personnes qui
sont respectivement créancières et débitrices l’une de l’autre, mais dont les
obligations ne sont pas interdépendantes. Si, par exemple, un bailleur devient
débiteur du preneur en raison d’un emprunt sans rapport avec le contrat
de bail, le preneur ne peut suspendre le paiement des loyers au motif que
la somme empruntée ne lui est pas remboursée2.

b. Inexécution de l'obligation

Pour que l'exception d'inexécution puisse être invoquée utilement,


il faut traditionnellement une inexécution de l'obligation corrélative. Peu
importe la source de cette inexécution. Il peut même s’agir d’un

1 Cass. fr., Civ. 5 mai 1920.


2 Rouen, 1er févr. 1854.

1328
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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événement de force majeure empêchant l’exécution d’une obligation et


permettant une suspension corrélative1.
Peu importe qu’il s’agisse d’une inexécution totale ou simplement
partielle. Exécuter partiellement, ce n’est pas juridiquement parlant
exécuter2.
Encore faut-il que le créancier ne prenne pas prétexte d’une inexécution qui
lui serait imputable3 ou d’une inexécution minime4 pour suspendre sa propre
prestation. Ainsi le veut la bonne foi contractuelle. Moyen de pression,
l’exception d’inexécution ne doit pas devenir un moyen de chantage. La
réplique ne doit pas être disproportionnée au mal5. Ainsi refuse-t-on au
locataire le droit de ne pas payer son loyer lorsqu’il se plaint du non-
accomplissement de réparations qui ne l’empêchent pas de jouir des
lieux loués6. Le code civil français exige que l’inexécution soit «
suffisamment grave »7. L’exception d’inexécution ne peut être opposée «
comme moyen de pression sur le débiteur que de façon proportionnée
».
Ainsi, le garagiste locataire d'ouvrage ne peut être tenu de payer les
dommages-intérêts au maître d'ouvrage pour le retard dans l'exécution
de ses obligations lorsque le retard invoqué est provoqué par la violation
par le maître d'ouvrage de ses propres obligations de fournir les pièces
nécessaires en temps utile et de payer d'avance le prix convenu8. De
même, le paiement d'un salaire durant la suspension d'un contrat de
travail n'est pas dû, vu que dans ce contrat synallagmatique, le défaut de
prester le travail entraîne en contrepartie le défaut de paiement du
salaire9.
2. Conditions d'exercice

Opérant comme une voie de justice privée, hors de toute instance,


l'exception d'inexécution n'est subordonnée ni à une demande en justice, ni même à

1 Cass. fr., Civ. 1re, 24 févr. 1981.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 827.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 5 mars 1970.
4 Cass. fr., Soc., 12 janv. 1945.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 827.
6 Cass. fr., Civ. 21 déc. 1927.
7 Art. 1219, Code civil français.
8 Kin., 21 août 1974.
9 Kis., 4 avril 1972.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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une mise en demeure1. Il suffit que l’excipiens oppose l’exception à son


protagoniste lorsque celui-ci réclame l’exécution de sa créance.

B. Effets de l'exception d'inexécution

Lorsqu'elle répond aux conditions prévues, l'exception suspend


l'exécution de la prestation de celui qui l'invoque. Mais le contrat subsiste2.
Les parties ne sont libérées de leurs obligations qu’après que le contrat a
été résolu3.

C. Cas où l'exception ne peut être invoquée

Le principe de la simultanéité n'est pas d'application lorsqu'il est


écarté par la volonté des parties. C'est le cas lorsque le vendeur a consenti un
terme à l'acheteur pour le paiement d'un prix. Il est alors tenu de délirer
la chose sans attendre l'échéance du terme. La loi dispose en effet que le
vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose si l'acheteur n'en paye pas le
prix, « et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le payement
»4 .
De même, le principe de la simultanéité est écarté lorsque la nature
du contrat s'y oppose. C'est le cas en matière de contrats successifs. Ainsi, le
bailleur doit d'abord mettre le preneur en jouissance de l'immeuble loué
et celui-ci paie ensuite le loyer aux termes convenus. Mais chacune des
parties continuera à pouvoir invoquer ensuite, l'exception d'inexécution.
Si par exemple le bailleur ne procure plus au preneur la jouissance, celui-
ci peut refuser de payer son loyer.

1 Cass. fr., Com., 27 janv. 1970.


2 Cass. fr., Com., 15 janv. 1973.
3 Cass. fr., Com., 1er déc. 1992.
4 Art. 289, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Le principe de la connexité des obligations et théorie des risques

A. Le principe

Ce principe postule que quand un cas de force majeure empêche l'un des
contractants d'accomplir sa prestation, non seulement celui-ci est exonéré, mais l'autre
est également libéré1.
Dans ce cas, la perte sera supportée par le contractant qui devait livrer la
chose. On suppose donc que livraison n'a pas encore eu lieu. Si le débiteur
est libéré de son obligation de livrer, il ne peut plus d'autre part exiger la
prestation qui lui a été promise en retour.
Le principe est donc que les risques pèsent sur le débiteur2. Ainsi, en cas
de force majeure, la résolution a lieu de plein droit si la chose périt
totalement. Si, au moment de la vente, la chose vendue était périe en
totalité, la vente serait nulle3. De même, si, pendant la durée du bail, la
chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de
plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, d'après les
circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation
même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun
dédommagement4.

B. Les exceptions

Le principe de la connexité est écarté lorsqu'il s'agit d'un contrat


emportant transfert de propriété. En ces cas, en effet, l'obligation de livrer la
chose, qui est parfaite au consentement des parties, « rend le créancier
propriétaire, et met la chose à ses risques dès l'instant où elle a dû être
livrée, encore que la tradition n'en ait point été faite »5. Les risques sont
donc, par le consentement des parties, transférés au propriétaire, en
même temps que la propriété de la chose.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 157.


2 Idem., p. 158 ; M.-T. KENGE, op. cit., p. 89.
3 Art. 278, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 379, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Art. 37 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1331
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Cette exception s'applique pour les contrats emportant transfert de


propriété. Par contre, toutes les fois que la perte survient alors que la
propriété n'a pas été transférée, les risques pèseront sur le débiteur.
Il en sera ainsi lorsque les parties ont décidé que l'acheteur de la
chose n'en deviendrait propriétaire qu'au jour de la délivrance matérielle.
De même, en cas de mise en demeure du débiteur, les risques retombent
sur lui1. En cas de vente d'une chose de genre non encore individualisée.
En cas de perte d'une chose certaine après que le débiteur ait déjà été
mis en demeure2.

Paragraphe 3
Conséquences de l'inexécution ou du retard dans l'exécution

Si le débiteur n'exécute pas volontairement son obligation, il y sera


forcé. L'exécution forcée peut être en nature ou par équivalent.

Point 1
L'exécution forcée directe ou exécution en nature de l'obligation

L'exécution forcée en nature consiste à obtenir l'exécution de


l'obligation même à laquelle les parties s'étaient convenu. C'est bien la prestation
promise que le créancier attend et qu'il doit pouvoir exiger.
L'exécution forcée en nature est plus ou moins aisément
concevable suivant l'espèce de l'obligation : de donner, de faire ou de ne
pas faire3, en nature ou en monnaie.

A. Types d'obligations

1. Pour les obligations de donner

Les obligations de donner sont celles qui ont pour objet le transfert
de la propriété d'une chose ou d'un autre droit réel. Elles naissent des

1 Art. 37 Al. 2 Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 194, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 161 et s ; F. TERRE et alii., op. cit.,

pp. 1597et s ; M.-T. KENGE, op. cit., pp. 72 et s ; P. MALAURIE et alii., op. cit.,
pp. 324 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

contrats translatifs de propriété. L’effet translatif résulte du seul échange


des consentements. Il n'y a donc pas lieu à forcer le débiteur quant à ce.
En matière immobilière, cependant, l'exécution forcée consistera à
contraindre le débiteur à accomplir les formalités administratives nécessaires au
transfert de propriété immobilière. L'astreinte, ou la saisie de documents nécessaires
à la mutation pourront être utilisés comme moyens de contrainte.
Quant à l'obligation de délivrance, l'astreinte et la saisie peuvent
servir. Par ailleurs, le débiteur pourra être autorisé à acheter la chose ailleurs
aux frais du débiteur.
Quant à l'obligation de conservation, sa nature empêche l'exécution
forcée directe.

2. Pour les obligations de faire ou de ne pas faire

Au sujet de ce type d'obligation, la loi dispose que « toute obligation


de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts, en cas d'inexécution de la
part du débiteur »1. C'est le sens de l'adage « nul ne peut être contraint dans
sa personne à faire ou ne pas faire quelque chose, car ce serait une
violence qui ne peut être un mode d'exécution du contrat ». C'est qu'on
ne peut pas porter atteinte aux droits intangibles de toute personne à son
intégrité physique et à sa liberté. Ainsi ne peut-on contraindre
physiquement l’ouvrier à accomplir son travail, l’artiste à exercer son art2,
l’entrepreneur à construire ou à fabriquer3.
Cependant, cette règle résolument négative a été qualifiée de « très
excessive dans sa généralité »4. De l'avis de la doctrine, c'est bien
l'exécution en nature qui doit constituer le principe, et l'indemnisation l'exception5.
Ainsi, la loi elle-même prévoit des possibilités de contournement
de la règle. Elle dispose que, « néanmoins, le créancier a le droit de
demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit
détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur,
sans préjudice des dommage et intérêts s'il y a lieu »6. De même, « le

1 Art. 40, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ., 14 mars 1900.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 30 juin 1965.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1601. En ce sens, KALONGO MBIKAYI, op. cit.,

p. 162.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1601.
6 Art. 41, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1333
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter


lui-même l'obligation aux dépens du débiteur »1.
En pratique, l'article 40 n'est d'application que lorsqu'il est vraiment
impossible de contraindre le débiteur à l'exécution forcée en nature2. Cas
notamment lorsque l'exécution en nature est devenue impossible du fait
par exemple que la chose à livrer à péri ou qu'elle n'a pas été livrée à une
date utile pour le créancier, ou lorsque l'exécution en nature ne peut être
possible qu'avec le concours du seul débiteur qui ne veut pas bouger. Il
en est souvent ainsi si le contrat était intuitu personae.

B. L'astreinte comme moyen de contrainte

Faute de pouvoir contraindre directement le débiteur à exécuter en


nature ses obligations, il est possible de l'atteindre dans ses intérêts
patrimoniaux, en lui infligeant une pénalité telle qu'il s'expose, en
s'obstinant dans son refus d'exécuter son obligation, à éprouver un
préjudice considérable.
L'astreinte est la technique remplissant cet office : elle consiste dans
la condamnation du débiteur à payer au créancier, à titre de peine privée, telle somme
d'argent fixée par le juge, de manière globale ou, plus fréquemment, par jour
(ou semaine, ou mois…) de retard, s'il s'agit d'une obligation de faire, ou
par infraction constatée, s'il s'agit d'une obligation de ne pas faire3.
L'astreinte vise à contraindre le débiteur à s'exécuter. Elle se
distingue des dommages-intérêts4.
L'astreinte est comminatoire, en ce sens qu'elle est prononcée non pas
pour réparer un dommage subi et définitivement, mais pour contraindre
le débiteur à s'exécuter. Son montant varie en fonction de la résistance
du débiteur et de ses moyens. Par contre, les dommages intérêts sont
définitifs et fixés par rapport au préjudice subi.
L'astreinte est indéterminée, elle dure aussi longtemps que le débiteur
ne s'exécute pas.
L'astreinte est provisoire, le juge peut suivant l'effet qu'elle produit, la
réduire, la supprimer ou l'augmenter.

1 Art. 42, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 163.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1606.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 164.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
L'exécution par équivalent ou en dommages-intérêts

A. Définition des dommages-intérêts

Lorsque l'exécution en nature est vraiment impossible, l'obligation


contractuelle se résout en dommages-intérêts au bénéfice du créancier. Le
créancier aura droit à une certaine somme d'argent à titre d'indemnité du préjudice
que lui aura causé l'inexécution de l'obligation. C'est la question de la
responsabilité contractuelle du débiteur, qui est une variante de la
responsabilité civile générale.
L'existence du droit à réparation dépend de trois conditions : un
dommage, une faute contractuelle, et un lien de causalité entre cette faute
et ce dommage. À cela il faut ajouter la mise en demeure préalable. Ces
conditions sont empruntées au mécanisme de la responsabilité en
générale, nous y reviendrons. Seront étudiées sous ce point, les questions
relatives à la réparation du dommage et aux clauses conventionnelles
relatives à la responsabilité.

B. Types des dommages-intérêts

Les dommages-intérêts sont compensatoires ou moratoires1.


Les dommages-intérêts compensatoires sont ceux destinés à
réparer le préjudice causé au créancier par la non-exécution de l'obligation du
débiteur. Ils tiennent lieu de l'exécution en nature et ne peuvent se cumuler avec
elle.
Les dommages-intérêts moratoires sont ceux destinés à réparer le
préjudice que cause au créancier le retard apporté par le débiteur à
l'exécution de son obligation, à dater du jour où il a été mis en demeure.
Ces dommages-intérêts restent dus alors même que le débiteur a ensuite
accompli sa prestation. Ils peuvent ainsi se cumuler avec l'exécution en
nature qui aura été tardive. La loi dispose que « le débiteur est condamné,
s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de
l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution (...)

1 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 167.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

»1. La Cour suprême a jugé que les dommages-intérêts moratoires ne


peuvent être cumulés avec des dommages-intérêts compensatoires2.

C. Évaluation des dommages-intérêts

Le principe posé est que le juge fait une évaluation souveraine du


montant des dommages-intérêts. Le but fixé est la réparation intégrale du
préjudice évalué au jour du prononcé3. Le montant des dommages-intérêts
alloués par le juge doit couvrir l'intégralité du préjudice réparable par le
créancier, mais ne doit pas le dépasser. C'est là une règle fondamentale
qui s'applique aussi bien à la responsabilité contractuelle qu'à la
responsabilité délictuelle4.
Dans son évaluation, le juge prend en compte aussi bien la
réparation du préjudice moral que du préjudice matériel.

D. Contenu de la réparation

Le dommage comprend aussi bien le manque à gagner que la perte


subie. Aux termes de la loi, « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en
général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé (...) »5. Ainsi par
exemple, l’acheteur qui, ne recevant pas livraison des marchandises
commandées, est obligé de se les procurer ailleurs à un prix plus élevé
aura droit au remboursement du supplément de prix qu’il a dû payer et
au bénéfice de la revente qu’il a pu manquer6. Si un artiste engagé pour
une représentation manque à sa parole, l’entrepreneur de spectacle, avec
lequel il a traité, pourra lui réclamer, à supposer que la représentation
annoncée n’ait pu avoir lieu, d’une part les dépenses faites en vue du
spectacle (frais de publicité, location de la salle, etc.), d’autre part le
bénéfice net qui aurait été réalisé si la représentation avait eu lieu.

1 Art. 45, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 C.S.J., 14 nov. 1984.
3 Cass. fr., Civ. 30 juill. 1877.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 168 ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 930.
5 Art. 47, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
6 Cass. fr., Civ. 3 janv. 1893.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La réparation comprend le préjudice actuel, mais aussi le préjudice


futur mais non éventuel, à condition cependant qu’au jour du jugement, le
préjudice soit d’ores et déjà certain1.
Lorsque l'existence du préjudice est établie, mais que le demandeur
ne fournit pas des éléments de base certains pour en calculer le montant,
celui-ci doit être évalué ex aequo et bono2.
Seul le dommage direct est pris en compte, le dommage indirect est
exclu3. Le dommage impossible à prévoit au moment de la naissance du
contrat n'est pris en compte qu'en cas de dol du débiteur4.
Le choix du moment est important, car les instances tendant à la
fixation des dommages-intérêts peuvent être assez longues ; or, pendant
ce temps, peuvent survenir des faits nouveaux de nature à modifier,
compte tenu notamment des fluctuations monétaires, soit le quantum
du dommage, soit l’opportunité de la réparation. À ce propos, on
considère que l'évaluation se fait au jour du jugement définitif5.

E. Fixation des dommages-intérêts dans les


obligations ayant pour objet une somme d'argent

La loi dispose que « dans les obligations qui se bornent au payement


d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans
l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts
dont le taux sera fixé par le juge. Ces dommages et intérêts sont dus sans
que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que
du jour de la demande, excepté dans les cas où la loi les fait courir de
plein droit »6.
Lorsque l'obligation inexécutée avait pour objet une somme
d'argent, il ne peut être question, en principe, que de dommages-intérêts
moratoires, et non de dommages-intérêts compensatoires. Ceux-ci sont
la compensation pour le créancier du préjudice qui lui est causé par
l’inexécution. Cette compensation s’effectue par la transformation du

1 Cass. fr., Civ. 1re, 16 juin 1998.


2 Léo., 22 nov. 1932.
3 Art. 49, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 48, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Cass. fr., Civ. 16 févr. 1948.
6 Art. 51, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1337
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

droit du créancier en une créance de somme d’argent dont le


recouvrement peut être poursuivi sur les biens du débiteur. Mais, lorsque
le droit du créancier avait déjà pour objet une somme d’argent, il ne peut
être question de transformer cette somme d’argent en une autre somme
d’argent qui ne peut qu’être égale à la première. À supposer qu’un
débiteur doive 1 000 $ et qu’il ne les paye pas, le préjudice ainsi causé au
créancier est égal à 1 000 $. De deux choses l’une : ou le débiteur est
solvable, et le créancier saisira ses biens pour être payé, le débiteur devant
des dommages-intérêts moratoires à la condition d’avoir été mis en
demeure ; ou bien le débiteur est insolvable, et alors à quoi servirait-il de
le condamner à 1 000 $ de dommages-intérêts ? Il ne peut donc s’agir de
dommages-intérêts compensatoires, mais simplement de dommages-
intérêts moratoires1.
À ce propos donc, le principe posé est que le juge fixe le taux d'intérêt.
Ce taux d'intérêt est évalué à 6% en matière civile et 8 en matière
commerciale2. Ces intérêts ne sont dus que du jour de la demande, sauf
cas particuliers. Ils ne sont pas alloués d'office, le créancier doit les
demander expressément. Celui-ci n'a d'ailleurs pas à prouver la perte
subie.
Cela étant, il existe des taux d'intérêt conventionnels. La loi dispose que
« le taux de l'intérêt conventionnel est déterminé librement par les parties
contractantes »3.

F. L'anatocisme

L'anatocisme est la capitalisation des intérêts échus. Les intérêts, intégrés au


capital, produisent eux-mêmes des revenus, ce qui tend à augmenter rapidement le
poids de la dette4.
Un débiteur a emprunté une certaine somme pour dix ans, avec
intérêts payables tous les trois mois au taux de 6 % l'an. Les parties
conviennent, à l'avance, au moment du prêt, que, à chaque échéance, les
intérêts dus et non payés produiront eux-mêmes intérêt au taux de 6 %5.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 933. En ce sens, KALONGO MBIKAYI, op. cit.,
p. 169. Voir par ex. L’shi., 3 août 1973.
2 Voir L’shi., 3 août 1973.
3 Art. 480, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 143.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 938.

1338
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cette capitalisation des intérêts s'appelle anatocisme. Elle a pour résultat


d’accroître rapidement le montant de la dette. Si, dans l’exemple choisi,
le débiteur reste dix ans sans payer les intérêts, il devra, par le fait de la
capitalisation, une somme presque double de celle qu’il a empruntée.
L’anatocisme est donc fort dangereux pour le débiteur, étant donné
surtout qu’en cas de prêt d’une somme d’argent, celui-ci peut être porté
à consentir à tout ce qu’exige le prêteur qui fait la loi du contrat. Il
accepte d’autant plus facilement qu’il y voit l’avantage de ne pas être
obligé de payer les intérêts au jour de l’échéance ; il ne songe qu’au capital
dont il a besoin, et il ne pense pas au jour où il faudra rendre un capital
considérablement accru par accession des intérêts impayés1.
Tendant donc à protéger le débiteur contre le créancier, la loi
dispose que « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des
intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale,
pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse
d'intérêts dus au moins pour une année entière »2.
La capitalisation ne peut commencer qu’autant qu’il y a au moins une
année d’intérêts échus. On ne peut donc pas stipuler que la capitalisation
commencera à chaque échéance trimestrielle ou semestrielle.
Enfin, en dehors d’une convention d’anatocisme, une simple
sommation de payer ne suffit pas pour faire courir les intérêts des
intérêts. Il faut « une demande judiciaire » ou « une convention spéciale ». La
convention spéciale signifie que la convention de capitalisation n'est
valable qu’à la condition d’intervenir au moment de l’échéance annuelle
des intérêts que le débiteur n’acquitte pas. En d’autres termes, est
interdite la clause d’anatocisme insérée à l’avance dans le contrat pour
les intérêts annuels à échoir. Il faudrait renouveler la convention à
propos de chaque échéance annuelle, de telle manière que, chaque année,
le débiteur soit averti grâce à une convention spéciale que sa dette grossit
toujours. La Cour de cassation de France a interprété largement le terme
« intérêts échus ». D’après elle, le texte n’interdit pas de stipuler dans le
contrat la capitalisation des intérêts à échoir ; il précise tout simplement,
ce qui est une vérité d’évidence, que les intérêts ne peuvent se capitaliser
qu’autant qu’ils sont échus3. Cette interprétation large a été consacrée
par la réforme du Code civil français.

1 Idem.
2 Art. 52, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Req. 10 août 1859.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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G. Les clauses conventionnelles relatives à la


responsabilité du débiteur et aux dommages-intérêts

1. Les clauses pénales

a. Définition

La clause pénale est celle par laquelle les contractants évaluent par avance
les dommages-intérêts dus par le débiteur, en cas de retard ou d'inexécution1. Aux
termes de la loi, « la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer
l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution »2.
La clause pénale, en tant qu'elle fixe par anticipation le montant de
l'indemnité due par le débiteur défaillant, présente divers avantages3 : elle
permet d’éviter les contestations sur l’importance du dommage ; elle tarit
ainsi une source de procès. Elle évite au créancier les lenteurs et les
difficultés qu’entraîne la fixation des dommages-intérêts : le créancier n’a
pas à prouver la réalité même du dommage. En convenant d’un montant
modéré — mais non dérisoire —, la responsabilité du débiteur pourra
être allégée par le jeu de la clause pénale, ce qui lui profitera. La clause
pénale permet, à l’inverse, aux parties de donner à leur accord une force
obligatoire accrue, en stipulant, pour le cas d’inexécution, une peine
élevée — sans pouvoir être excessive —.

b. Caractères

La clause pénale présente deux caractères : elle tient lieu de dommages-


intérêts et est un forfait4.
La clause pénale tient lieu de dommages-intérêts. L'évaluation
conventionnelle des dommages-intérêts est substituée à l’évaluation
judiciaire qu’elle rend inutile. Cela signifie que le débiteur n'est tenu de payer
la clause pénale que s'il est condamné à des dommages-intérêts. Pour obtenir cette
condamnation, le créancier sera dispensé d'apporter la preuve du
dommage et du degré de sa gravité.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 957.


2 Art. 124, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 957.
4 Idem., p. 958 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 172.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Puisqu'elle tient lieu de dommages-intérêts, le créancier a toujours


la possibilité de demander l'exécution en nature. La loi dispose que « le créancier,
au lieu de demander la peine stipulée contre le débiteur qui est en
demeure, peut poursuivre l'exécution de l'obligation principale »1.
Par ailleurs, puisqu'elle tient lieu de dommages-intérêts, le créancier
ne peut demander en même temps l'exécution en nature, en même temps par
équivalent, à moins qu'il s'agisse de dommages-intérêts moratoires. La loi
dispose que « la clause pénale est la compensation des dommages et
intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation
principale. Il ne peut demander en même temps le principal et la peine,
à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard »2.
La clause pénale est un forfait. Les dommages-intérêts fixés par une
clause pénale sont un forfait déterminé à l'avance der de façon définitive par les
parties en cas d'inexécution ou de retard d'exécution. Le juge ne peut donc
allouer aux parties une somme plus forte, ni moindre.
Cependant, le juge peut descendre en deçà du taux de la clause pénale
en cas d'exécution partielle. La loi dispose que « la peine peut être modifiée
par le juge lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie »3. Il
est également admis que le juge puisse aller au-delà en cas de faute lourde
du débiteur à supposer que le préjudice soit supérieur au montant prévu4.

2. Les clauses limitatives de responsabilité

Les clauses limitatives de responsabilité sont celles par lesquelles le


contrat fixe le maximum possible des dommages-intérêts. Le juge pourra accorder
un montant moindre, mais pas supérieur. Ces clauses sont également valables.
Mais le juge peut toujours dépasser le maximum en cas de faute lourde ou de dol
de la part du débiteur. Les clauses limitatives de responsabilité sont
également écartées lorsqu'ont été fixées à un montant très dérisoire.

1 Art. 126, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 127, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 129, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 4 févr. 1969.

1341
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

3. Les clauses de non-responsabilité ou clauses


élusives de responsabilité

Discutées en doctrine, ces clauses sont expressément exclues lorsqu'elles


portent sur la responsabilité des transporteurs. Autrement, elles semblent être
admises, sauf en cas de faute lourde ou de dol de la part du débiteur1.

Section 6
Extinction des contrats et résolution des contrats
synallagmatiques

Le contrat accomplit le cycle biologique : il naît, se développe et il


meurt.

Introduction
Causes générales d'extinction des contrats

L'exécution de ses obligations par chacune des parties est le mode le


plus normal par lequel prennent fin le contrat. De même, l'accord des
parties peut mettre fin au contrat, en vertu de l'autonomie de la volonté.
Dans les contrats successifs, l'arrivée du terme convenu pour le contrat met
fin à celui-ci. Dans un contrat successif à durée indéterminée, la volonté
de l'une des parties met fin au contrat. Dans un contrat conclu intuitu
personae, la mort de l'un des contractants met fin au contrat. Enfin, pour les
contrats synallagmatiques, la résolution judiciaire en cas d'inexécution met
fin au contrat.

Paragraphe 1
Notion de résolution des contrats synallagmatiques

La loi dispose que « la condition résolutoire est toujours sous-


entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des
deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat
n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement
n'a point été exécuté, a le choix, ou de forcer l'autre à l'exécution de la
convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec

1 Léo., 13 mars 1926.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il


peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances »1.
La loi consacre en faveur du créancier dans un contrat
synallagmatique, un droit d'option en cas d'inexécution par le
cocontractant de ses obligations. Il peut d'abord, mettre en veille l'exécution
du contrat en refusant lui aussi d'exécuter ses obligations. Il peut ensuite demander
l'exécution forcée en nature ou par équivalent. Mais il peut, si non, demander au
juge la résolution du contrat, c'est-à-dire, l'extinction par le juge du contrat avec
effet rétroactif.

Paragraphe 2
Conditions

Point 1
Conditions de fond

La résolution judiciaire pour inexécution exige que l'on soit en


présence d'un contrat synallagmatique. Il a été jugé que « le droit de faire
résoudre le contrat procède de l’idée que le contractant s’est obligé en
vue d’obtenir l’exécution de la prestation qui lui a été promise en retour
et qu’en cas de défaillance de celle-ci, son obligation devient sans cause
»2 .
Le contrat doit souffrir d'inexécution. L'inexécution doit être
suffisamment grave. Le juge observe. Ce sont les conséquences néfastes de
l’inexécution sur l’économie et/ou l’avenir du contrat, qui sont le plus souvent
prises en compte par les magistrats. À ce titre, le manquement à une
obligation principale, voire essentielle, sera plus facilement jugé «
suffisamment grave », que l’inexécution d’une obligation accessoire ou
secondaire dont les conséquences pécuniaires pourraient être
suffisamment compensées par l’octroi de dommages-intérêts3.
On considère que le simple retard peut justifier, selon les
circonstances, la résolution du contrat4.
Par ailleurs, l'inexécution peut n'être que partielle. Il a été jugé que «
la résolution peut être prononcée par le juge en cas d’inexécution

1 Art. 82, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ. 14 avr. 1891.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 873.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 4 janv. 1995.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

partielle, dès lors qu’elle porte sur une obligation déterminante de la


conclusion du contrat »1. Il appartient seulement aux tribunaux de
vérifier que cette inexécution partielle « a assez d’importance pour que
la résolution doive être immédiatement prononcée, ou si elle ne sera pas
suffisamment réparée par une condamnation à des dommages-intérêts
»2 .
Il faut qu'il y ait réellement inexécution. C'est à dire que si le débiteur
offre de s'exécuter même en cours d'instance, le créancier ne peut
l'empêcher3.
Enfin, l'inexécution doit être due à un fait personnel du débiteur et non
au cas fortuit ni à la force majeure, auquel cas le débiteur sera libéré.
Par contre, il n'est pas nécessaire, pour que la résolution soit
obtenue, que le créancier ait subi un préjudice4.

Point 2
Conditions d’exercice

La résolution exige une mise en demeure préalable. Par ailleurs, la


résolution est de principe judiciaire. La loi dispose que « la résolution doit
être demandée en justice ». Saisi d'une telle demande, le juge dispose d'un
pouvoir souverain d'appréciation.
Le tribunal vérifie si les conditions relatives à l’inexécution sont réunies, c’est-
à-dire si les manquements du débiteur sont suffisamment graves pour
justifier la résolution. À cet effet, il a été jugé que le juge doit prendre en
compte toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu’au jour de
la décision5.
S’il y a inexécution partielle ou retard dans l’exécution, le juge
apprécie si la partie de l’obligation inexécutée, l’inexécution d’une
obligation accessoire ou le retard dans l’exécution, justifie la résolution6.
Le juge prononce la résolution s’il estime que l’altération du lien
contractuel est telle que le demandeur n’aurait pas contracté s’il l’avait

1 Cass. fr., Civ. 1re, 27 nov. 1950.


2 Cass. fr., Civ. 14 avr. 1891.
3 Ie Inst., Élis., 8 sept. 1938.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 5 févr. 1971.
5 Cass. fr., Civ. 3e, 22 mars 1983.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 27 oct. 1981.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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prévue. En d’autres termes, il doit s’assurer que la prestation non


exécutée constitue bien la cause de l’obligation du demandeur1.
Le juge apprécie souverainement s’il y a lieu de prononcer la résolution
du contrat. Il a le choix entre, rejeter la demande en résolution et accorder au
demandeur des dommages-intérêts si ce dernier a subi un dommage2 ; accorder
au défendeur un délai de grâce, s'il estime que le défendeur peut encore
exécuter son obligation ; prononcer la résolution sans dommages-intérêts ;
prononcer la résolution avec dommages-intérêts si l'inexécution provient de la
faute du débiteur et si le demandeur subit un dommage de cette
inexécution.

Paragraphe 3
Effets de la résolution

La résolution anéantit rétroactivement le contrat. Chaque contractant


doit restituer à l'autre ce qu'il a reçu (les prestations fournies)3. Les
contractants sont tenus de restituer ce qu’ils avaient reçu, afin de
remettre les choses dans le même état que si le contrat n’avait pas existé4.
Cela dit, les contrats à exécution successive sont, non pas résolus,
mais résiliés pour l’avenir5. La nature de ces contrats interdit que la
résolution produise à leur égard son effet habituel d’anéantissement
rétroactif de la relation juridique. C'est que l’anéantissement de la
convention se fondant, non sur un vice affectant sa formation, mais sur
un incident d’exécution, il n’y a alors aucune raison de remettre en cause
un contrat, au prétexte de manquements ultérieurs, pour toute la période
durant laquelle il a reçu une exécution paisible6.
Pour que la résolution n’opère pas rétroactivement, encore faut-il
que le contrat à exécution successive ait été correctement exécuté pendant un
certain temps. Lorsque le défaut d’exécution est initial, si l’une des parties n’a
jamais rempli ses engagements, la résolution opère alors nécessairement
rétroactivement. Ainsi, la Cour de cassation de France jugea que « si, dans
un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire
n’opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, la

1 Cass. fr., Civ. 31 oct. 1962.


2 Req. 5 juin 1872.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 205.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 29 janv. 2003.
5 Req. 18 mai 1839.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 882.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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résolution judiciaire pour absence d’exécution ou exécution imparfaite


dès l’origine entraîne anéantissement rétroactif du contrat »1. Par cette
décision, la Cour de cassation posait un principe — résiliation
prospective — assortie d’une exception — résolution rétroactive —.

Paragraphe 4
Clauses relatives à la résolution

Les parties peuvent déroger à l'article 82 et insérer dans leur contrat


une clause expresse de résolution qu'on appelle « pacte commissoire exprès
». Le pacte commissoire exprès peut être simple ou étendu2.
Par le pacte commissoire exprès simple, le pouvoir d'appréciation
du juge quant à la gravité du manquement commis par l'une des parties
et quant à la possibilité d'accorder des délais pour l'exécution de
l'obligation est supprimé. Dès qu'il y a inexécution, la résolution intervient de
plein droit. Le juge est tenu de la prononcer. Son intervention ne peut avoir
lieu qu'en cas de contestation, à l'idée par exemple de savoir s'il y a
inexécution ou pas, ou si l'invocation de la force majeure est fondée ou
pas. Mais, dès que les conditions d'application de la résolution sont réunies, la
résolution intervient de plein droit. Par conséquent, le juge se contente de
prononcer la résolution. Mais l'obligation de mise en demeure se maintient.
Dans l'hypothèse du pacte commissoire exprès étendu, les parties
sont encore plus explicites et facilitent davantage les conditions
d'application de la résolution. Ici, les parties stipulent qu'en cas
d'inexécution, le contrat sera résolu de plein droit, sans sommation ni autre formalité.
L'obligation de mise en demeure tombe. Le juge intervient non pas pour
prononcer la résolution, mais simplement la constater et prononcer les
condamnations qui s'imposent.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 30 avr. 2003.


2 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 207-208.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Les quasi-contrats
La loi dispose que « les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de
l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un
engagement réciproque des deux parties »1. Il s'agit en fait d'une série de faits
juridiques — la gestion d'affaires, le paiement de l'indu et l'enrichissement
sans cause —, considérés comme des sources d'obligation
indépendamment du contrat et du délit2.
Le quasi-contrat se distingue du contrat et du délit, en ce qu'il est
un fait volontaire sans être un contrat, car il n'a pas été conclu de l'accord des
parties en vue de faire naître des obligations. La loi seule reconnaît des
obligations sans tenir compte de la volonté des parties, pour des raisons
de justice et d'équité. Le quasi-contrat est un fait licite, à l'opposé du délit
et du quasi-délit qui constituent une faute. Ce fait licite fait naître une
situation que la loi estime injuste3.
Ces quasi-contrats sont la gestion d'affaires, le paiement de l'indu
et l'enrichissement sans cause.

Section 1
La gestion d'affaires

Il y a gestion d'affaires toutes les fois qu'une personne — le gérant d'affaires


— accomplit un acte dans l'intérêt et pour le compte d'un tiers — le maître de l'affaire
ou le géré — sans avoir reçu mandat de celui-ci4. La gestion d'affaires est l'acte
par lequel une personne s'immisce dans les affaires d'une autre sans avoir reçu mandat
de celle-ci et pour lui rendre service5.
L’hypothèse classique est celle d’une personne qui, voulant rendre
service à un ami ou à un voisin absent, prend l’initiative de faire réparer
ou de réparer lui-même la toiture de sa maison endommagée par une
bourrasque ou encore de payer une dette afin de lui éviter une saisie…

1 Art. 247, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 285.
3 Idem., p. 286.
4 Carbonnier, cité par KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 287.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1337.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Conditions de la gestion d'affaires

Point 1
L'affaire

A. Les divers actes de gestion

Les actes de gestion peuvent être aussi bien juridiques que matériels.
C'est le cas de l'arrêt par une personne dévouée d’un cheval emballé1,
recueil et entretien d’un animal perdu2, hospitalisation d'une personne
blessée3, extinction d’un incendie4. Celui qui, payant de sa personne,
porte assistance à autrui pourra, s’il engage des dépenses ou subit un
préjudice, être indemnisé par le géré sur le fondement de la gestion
d’affaires. Il en est ainsi dans le cas d'un secours porté au conducteur
évanoui d’un véhicule en flamme5. Constitue également un acte de
gestion, le paiement d'une obligation6.
Parfois, la gestion d’affaires associe juridiques et des actes matériels ; cas
du gérant qui acquiert les matériaux nécessaires à la réparation puis
l’effectue lui-même.
Les actes accomplis seront le plus souvent des actes conservatoires7 ou
des actes d’administration courante. Mais ce peut être aussi, bien que
l’hypothèse soit rare, des actes de disposition8.

B. Les caractères des actes de gestion

La gestion doit être spontanée, consciente et utile.

1 T. Com. Seine, 3 janv. 1900.


2 TI Paris, 2 mai 1985.
3 Cass. fr., Req., 28 févr. 1910.
4 Chambéry, 12 juill. 1943.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 16 nov. 1955.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 12 janv. 2012.
7 Cass. fr., Soc., 29 janv. 2013.
8 Civ., 28 oct. 1942.

1348
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1. Une intervention spontanée

La gestion doit être spontanée. L'intervention du gérant doit être


purement volontaire. Le gérant doit être intervenu sans titre et de son propre
mouvement, sans que rien ne l'y oblige. Le gérant doit intervenir sans y
être tenu.
On déduit de l’exigence d’un acte accompli volontairement qu’il ne
saurait y avoir gestion d’affaires dès lors que pesait sur celui qui est intervenu, en vertu
d’une convention ou de la loi, une obligation d’agir. Ainsi, le mandataire,
l’administrateur légal d’un mineur, l’administrateur judiciaire ne sont pas
des gérants d’affaires mais des représentants.
Cependant, il peut y avoir gestion d’affaires, en présence d’un
individu investi d’un pouvoir de représentation par un mandat, un titre
légal ou un titre judiciaire, lorsque celui-ci outrepasse les pouvoirs dont il est
investi : le représentant pourra être considéré comme gérant d’affaires
pour les actes utiles qu’il a accomplis au-delà des limites de ses pouvoirs1.
La gestion d’affaires apparaît alors comme une sorte de rallonge, qui
prend le relais du titre conventionnel, légal ou judiciaire2.
La gestion d'affaires ne se conçoit que si le maître ne manifeste pas sa
volonté au moment de l'acte. Le gérant doit intervenir à l'insu ou sans opposition
du maître.
Si le maître approuve ce que le gérant se propose de faire pour lui,
il y a contrat3. Au cas où cette approbation surviendrait postérieurement
à la gestion, il y aurait ratification, le maître serait alors tenu non en vertu
du quasi-contrat, mais par l’effet de sa volonté, comme s’il avait donné
mandat au gérant. Cette ratification peut du reste être tacite4.
Par contre, si le maître s’oppose à l’intervention du gérant, cette
opposition exclut la gestion d’affaires. Celui qui se proposait d’intervenir
doit s’abstenir, au risque d’engager sa responsabilité délictuelle5, sauf si
l’interdiction émanant du maître se révélait injustifiée6.
Lorsque le maître de l’affaire connaît, du fait des circonstances,
l’intervention du gérant sans s’y opposer, sachant qu’une personne a pris

1 Cass. fr., Req., 26 oct. 1910.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1341.
3 Cass. fr., Com., 24 juin 1965.
4 Cass. fr., Req., 9 juin 1931.
5 Cass. fr., Civ. 3e, 12 avr. 1972.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 11 févr. 1986.

1349
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

en main ses affaires, il garde le silence et laisse les choses en l’état, l'on
estime qu'il y a toujours gestion d'affaires1.

2. Une intervention altruiste

Il n’y a gestion d’affaires qu’autant que le gérant a agi dans l’intérêt et


pour le compte du maître2. Il n’est nullement nécessaire que le gérant soit
intervenu de façon totalement désintéressée, animé d’un altruisme
inconditionnel. Il faut, mais il suffit, que le gérant soit intervenu
sciemment, c’est-à-dire en conscience, dans l’intérêt d’autrui.
Assurément, cette exigence n’est pas remplie lorsque celui qui se
prétend gérant a agi dans un but purement égoïste. Tel est le cas de celui
qui, pensant gérer sa propre affaire, a en réalité géré celle d’autrui3. Ainsi
en va-t-il de celui qui croyant avoir hérité d’un immeuble réalise des
travaux sur celui-ci et est ensuite exhérédé par la découverte d’un
testament4.
L'on a admis qu’il puisse y avoir gestion d’affaires dès lors que
l’activité du gérant a été partiellement désintéressée. En gérant sa propre affaire,
il a en même temps géré sciemment celle d’autrui. Ainsi a-t-on appliqué
la gestion d'affaires aux actes accomplis par l’un des coindivisaires dans
l’intérêt de tous5. L’existence d’un intérêt conjoint entre les personnes
concernées n’exclut pas le jeu de la gestion d’affaires.

3. Une intervention utile

Pour qu’il y ait gestion d’affaires, il faut en outre que l’affaire ait été
bien administrée, utilement gérée.
Pour apprécier l’utilité de la gestion, il faut se placer au moment où
l’acte de gestion a été accompli et non au moment où le gérant demande
à être indemnisé de celui-ci6. Ainsi, la personne qui fait réparer le toit de
la maison de son voisin, ultérieurement détruite par un incendie, pourra
obtenir indemnisation sur le fondement de la gestion d’affaires.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1342.


2 Cass. fr., Civ., 25 juin 1919.
3 Cass. fr., Civ., 25 juin 1919.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 1er déc. 1959.
5 Cass. fr., Req., 20 déc. 1910.
6 Civ., 28 oct. 1942.

1350
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L’opportunité de la gestion doit être appréciée de manière objective1.


Il ne suffit pas pour que la gestion soit utile que le gérant ait cru de bonne
foi qu’elle présentait ce caractère. Ne doit être considérée comme utile
que la gestion qu’un bon père de famille ou une personne raisonnable
estimerait telle. Seule, en effet, « une appréciation objective de l’utilité
est de nature à garantir un équilibre entre la protection du gérant et celle
du maître de l’affaire ».

Point 2
Le gérant et le géré

Le gérant doit être capable de s'engager contractuellement, pour les


actes juridiques de gestion. Le géré par contre, n'a pas à l'être.

Paragraphe 2
Effets de la gestion d'affaires

Point 1
Obligations du gérant à l’égard du maître de l’affaire

Il pèse sur le gérant une obligation de diligence et de persévérance. Le


gérant est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins d'un bon
père de famille2. Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient
d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire3.
Le gérant doit continuer la gestion qu'il a commencée jusqu'à ce que le
propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même. Il doit se charger
également de toutes les dépendances de cette même affaire4. Il est obligé de
continuer sa gestion, encore que le maître vienne à mourir avant que
l'affaire soit consommée, jusqu'à ce que l'héritier ait pu en prendre la
direction5.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1345.


2 Art. 250 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 248 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Art. 248 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
5 Art. 249, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

1351
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Puisqu'il est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins


d'un bon père de famille, le gérant sera responsable en cas de faute, même
d'imprudence ou de négligence. Néanmoins, les circonstances qui l'ont conduit
à se charger de l'affaire peuvent autoriser le juge à modérer les
dommages et intérêts qui résulteraient des fautes ou de la négligence du
gérant1. La gratuité du service rendu peut pousser le juge à modérer la
responsabilité du gérant2.

Point 2
Obligations du maître de l’affaire à l’égard du gérant

Le gérant doit ressortir indemne de son intervention. Ainsi, la loi dispose


que « le maître dont l’affaire a été bien administrée, doit (...) l'indemniser (le gérant)
de tous les engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses
utiles ou nécessaires qu'il a faites »3.
Le gérant d’affaires, créancier du maître, peut, comme le
mandataire, retenir les biens qu’il détient en qualité de gérant, jusqu’à ce que
les sommes auxquelles il peut prétendre lui aient été versées. Il a un droit
de rétention, en raison de la connexité qui existe entre sa créance et les
choses qu’il doit restituer4.

Point 3
Obligations du maître à l’égard des tiers

Lorsque le gérant agit en déclarant qu'il le fait pour le compte du maître, seul
celui-ci est personnellement engagé envers les tiers, à condition que la gestion
ait été utile5. Il a été jugé que le tiers chargé du soin d'enfant qui contracte
un emprunt à raison de l'éloignement du père par suite de circonstances
de guerre pour le besoin de l'enfant, gère l'affaire du père. Le prêteur
auquel il a été donné connaissance par l'emprunteur de ce que l'emprunt

1 Art. 250 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Ie Inst., 11 fév. 1926.
3 Art. 251, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1349 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 291.
5 Art. 251, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1352
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

était fait pour le compte du père a, contre le père, une action directe, sur
base de la gestion d'affaires1.
Au cas où ces conditions feraient défaut, le maître serait néanmoins
tenu par les engagements contractés par le gérant s’il ratifiait sa gestion.
Lorsque le maître n’est pas tenu, parce que la gestion n’est pas utile
et n’a pas été ratifiée, le tiers dispose d’un recours contre le gérant si ce
dernier a commis une faute, par exemple, en faisant croire qu'il y avait
un mandat.
Il paraît douteux que le gérant engage sa responsabilité envers le
tiers si, sans commettre de faute, il a simplement estimé que l’acte de
gestion était utile ; si le tiers était au courant de la situation, il ne devrait
pouvoir s’en prendre qu’à lui-même.
Par contre, lorsque le gérant ne déclare pas agir pour compte et au nom du
maître, mais agit en son nom personnel, il est personnellement obligé envers les tiers.
Mais le géré sera tenu de rembourser ce qu'il a dû payer.

Section 2
Le paiement de l'indu

Il y a paiement de l'indu lorsqu'une personne accomplit au profit d'une autre


une prestation que celle-ci ne pouvait exiger d'elle. On nomme solvens la personne
qui effectue le paiement et accipiens celle qui le reçoit2.

Paragraphe 1
Conditions du paiement de l'indu

Le paiement de l'indu requiert un élément économique, le paiement


; un élément juridique, l'indu, c'est-à-dire l'absence de cause susceptible
de justifier ce mouvement de valeur d'un patrimoine à l'autre, et un
élément psychologique, l'erreur du solvens. Cette exigence (l'erreur du
solvens) n’est en réalité, nous le verrons, qu’un mode de preuve du
caractère indu du paiement.

1 Élis., 12 juin 1948.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1349.

1353
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 1
Condition économique : le paiement

La loi dispose que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui
ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu
»1. Il en découle que le paiement de l'indu requiert un paiement, c'est-à-
dire que le solvens se soit dessaisi d’un bien entre les mains de l’accipiens. Ce
mouvement de valeur qui appauvrit l’un et enrichit l’autre se nomme paiement,
si on l’envisage du côté du solvens, et réception si on le considère du côté
de l’accipiens.
Ce bien est le plus souvent une somme d’argent2. Mais ce pourrait
être aussi une chose fongible, voire même un corps certain.
La preuve du paiement pèse sur celui qui agit en répétition. Celui qui
demande la restitution de ce qu’il a indûment payé doit prouver que celui
contre qui il agit a bien reçu ce paiement3.

Point 2
Condition juridique : l’indu

Pour que la restitution soit due, il faut que le paiement lui soit indu,
c'est-à-dire qu'il ne disposait d'aucun titre pour le recevoir. En clair, l'indu
suppose l'absence de dette civile, l'absence d'obligation naturelle et le défaut
d'intention libérale4.
L’indu suppose d’abord l’absence de dette civile. Le versement n’est
pas l’exécution d’une dette : le solvens n’était pas le débiteur de l’accipiens, lequel
n’était à aucun titre créancier du solvens. Cette absence de dette peut se
manifester de différentes façons. Il se peut qu’aucune dette n’ait jamais existé
entre le solvens et l’accipiens à quelque titre que ce soit. Mais il se peut
aussi que la dette ait existé avant de s’éteindre, et que le paiement, initialement
dû, soit ultérieurement devenu indu. Tel est le cas de sommes versées en
exécution d’une décision de justice ou d’un acte ultérieurement remis en
cause. Il se peut que la dette ait existé, mais que le débiteur ait payé plus qu'il
ne fallait. Il se peut enfin qu’une dette existe, mais que l’ouverture d’une
procédure collective et la règle de l’égalité de créanciers chirographaires

1 Art. 252, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Com., 5 juin 2007.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 19 déc. 1962.
4 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1352.

1354
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ne permettent pas au créancier de prétendre au paiement de la totalité


de sa créance. En revanche, ce qui a été payé avant terme par le débiteur n’est
pas sujet à répétition.
L’indu suppose ensuite l’absence d’obligation naturelle. Le paiement qui
se présenterait comme l’exécution volontaire d’une obligation naturelle
ne pourrait donner lieu à répétition.
L’indu suppose enfin l’absence d’intention libérale du solvens envers
l’accipiens. Si une telle intention existait, elle donnerait une cause au
paiement et ferait obstacle à la répétition.

Point 3
Condition psychologique : l’erreur du solvens

La loi dispose que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui
ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu
»1. « Lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette,
elle a le droit de répétition contre le créancier »2. Il appartient au solvens de
prouver l'erreur. Il peut s'agir d'une erreur de droit ou de fait. Cette erreur
est entendue largement et englobe aussi bien le cas du dol que de la
violence3.

Paragraphe 2
Effets du paiement de l'indu

Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû,
s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu4. Lorsqu'une
personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a
le droit de répétition contre le créancier5 . La loi pose par là le principe que
le paiement de l'indu donne lieu à répétition de ce qui a été payé indûment. Si la
chose indûment reçue est un immeuble ou un meuble corporel, celui qui

1 Art. 252, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 253, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 296.
4 Art. 252, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
5 Art. 253, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

1355
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

l'a reçue s'oblige à la restituer en nature, si elle existe, ou sa valeur, si elle


est périe ou détériorée par sa faute1.
La restitution n'a pas la même étendue selon que l'accipiens est de bonne ou de
mauvaise foi.

Point 1
L'accipiens est de mauvais foi

La loi est sévère à l'égard de l'accipiens de mauvaise foi. La loi dispose


en effet que « s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est
tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou fruits, du jour du payement »2.
Si la chose a péri par cas fortuit, il en devra néanmoins la valeur3. Il peut être
tenu au paiement d'intérêts sur la somme par lui indûment reçue4. S'il a
vendu la chose, il doit en restituer non seulement le prix, mais l'excédent de
valeur qu'elle peut représenter au jour où l'action est intentée contre lui5.

Point 2
L'accipiens est de bonne foi

L'accipiens de bonne foi est mieux traité. Il ne restitue, a contrario,


que le capital ou la chose reçue, mais non les intérêts ou les fruits qu'il a perçus et
consommés6 parce qu'il les a consommés dans la pensée qu'il en était
propriétaire. S'il a vendu la chose, il n'en restitue que le prix de vente de la
chose et non la valeur actuelle7. Si la chose a péri sa faute, il en restitue
la valeur. Mais si elle a péri par cas fortuit, il est libéré8.

1 Art. 255, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 254, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles. Nos italiques.
3 Art. 255 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Léo., 22 oct. 1957 ;
5 Voir Art. 256, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
6 Voir Art. 254, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
7 Art. 255 al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
8 Art. 255 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

1356
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Dans tous les cas, la loi dispose que « celui auquel la chose est
restituée doit tenir compte, même au possesseur de mauvaise foi, de
toutes les dépenses nécessaires et utiles qui ont été faites pour la
conservation de la chose »1. L'accipiens doit obtenir remboursement des
dépenses opérées pour la conservation de la chose, peu importe sa
bonne ou sa mauvaise foi.

Section 3
L'enrichissement sans cause

Il existe chaque jour des cas d'enrichissement d'un patrimoine


corrélativement à l'appauvrissement d'un autre. Mais cas mouvements
de valeur d'un patrimoine à un autre ont une cause : soit un contrat, soit
un délit ou quasi-délit.
Mais, nombreuses sont de telles situations de mouvement des
valeurs dépourvus de cause. Par exemple, une personne effectue le paiement
d’une dette purement imaginaire ; le solvens s’appauvrit, l’accipiens
s’enrichit. Ou encore l’occupant sans titre d’un terrain édifie sur celui-ci
une construction qui devient par accession la propriété de celui à qui ce
terrain appartient ; l’occupant s’appauvrit, le propriétaire du terrain
s’enrichit. Ou encore, à la demande des parents, un professeur dispense
des cours particuliers à leur enfant ; insolvables ceux-ci ne peuvent le
rémunérer ; l’enfant s’enrichit, le professeur s’appauvrit.
Mais le code civil n'a pas réglementé ces situations. Tout au plus en
trouvait-on application en matière de gestion d'affaires ou de paiement de
l'indu. Mais, il pouvait arriver que les conditions de ces quasi-contrats ne
soient pas réunies, laissant sur le banc de nombreuses situations
d'enrichissement sans cause.
La jurisprudence consacra alors comme source d'obligation,
l'enrichissement sans cause. Dans son arrêt Patureau c/ Boudier2, la Cour
de cassation de France consacra officiellement l’existence de l’action de in
rem verso en précisant que ce nouveau quasi-contrat dérivait du principe
d’équité qui défend de s’enrichir au détriment d’autrui. En l’espèce, un
fournisseur d’engrais impayé — appauvri — s’est vu reconnaître le droit
d’agir en remboursement, sur le fondement de l’enrichissement sans
cause, contre le propriétaire des terres — enrichi —, qui avait bénéficié

1 Art. 257, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Req., 15 juin 1892.

1357
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de la récolte semée par son fermier insolvable. Le législateur français a


légalisé la notion. L'article 1303 du Code civil français dispose en effet
qu' « en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie
d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve
appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de
l'appauvrissement ». La jurisprudence congolaise continue cependant de
l'appliquer sur le fondement du principe général de droit « nul ne peut
s'enrichir sans juste cause aux dépens d'autrui »1.
L'enrichissement sans cause est l'enrichissement injustifié d’une personne
en relation directe avec l’appauvrissement d’une autre. L’enrichissement est
injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation par
l’appauvri ni de son intention libérale. Celui qui bénéficie d’un enrichissement
injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une
indemnité. La personne appauvrie peut exercer l’action de in rem verso pour
recouvrer cette indemnité2.

Paragraphe 1
Conditions de l'enrichissement sans cause

L’action de in rem verso fondée sur le principe d’équité qui défend


de s’enrichir aux dépens d’autrui doit être admise dans tous les cas où, le
patrimoine d’une personne se trouvant, sans cause légitime, enrichi au
détriment de celui d’une autre personne, celle-ci ne jouirait pour obtenir
ce qui lui est dû d’aucune action naissant d’un contrat, d’un quasi-
contrat, d’un délit ou d’un quasi-délit3.

Point 1
Les conditions économiques

L'enrichissement sans cause suppose qu'une personne en


s'appauvrissant en enrichisse une autre. Il faut donc un mouvement de
valeur entre deux patrimoines. Celui-ci se décompose en trois éléments
: l'enrichissement de l'un, l'appauvrissement de l'autre, le lien de causalité entre les
deux.

1 Voir Élis., 30 mars 1935.


2 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 815.
3 Civ., 12 mai 1914.

1358
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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A. L'enrichissement

L'enrichissement peut revêtir les formes les plus diverses.


Il peut s'agir d'un accroissement de l’actif : l'acquisition par l’enrichi d’un
bien nouveau ou plus-value apportée à un bien existant. Ainsi en va-t-il
par exemple du propriétaire d’un bien qui récupère celui-ci après qu’un
occupant sans titre a effectué sur celui-ci des travaux d’amélioration1.
Il peut s'agir d'une diminution du passif ; ainsi en va-t-il lorsqu’une
dette incombant à une personne est payée par une autre à laquelle elle a
été imputée à tort2.
Il peut encore s'agir d'une dépense épargnée : l’enrichi bénéficie de
services qu’il n’a pas rémunérés. Ainsi en va-t-il, par exemple, de l’enfant
qui bénéficie des leçons commandées par ses parents, sans que ceux-ci,
insolvables, aient rémunéré son professeur.
Il faut que l’enrichissement existe lorsque l’action est intentée, s’il ne s’est
pas encore concrétisé ou s’il a disparu, l’action ne peut être utilement
exercée3.

B. L’appauvrissement

L’appauvrissement est très largement entendu. À la perte éprouvée —


dépenses, livraisons de biens non payés, privation de jouissance —, il
convient d’assimiler le simple gain manqué — service rendu, travail effectué
sans rémunération —4.

C. Le lien de causalité

Il faut que l’appauvrissement soit corrélatif à l’enrichissement, c’est-à-dire


qu’il y ait un passage de valeur d’un patrimoine à l’autre.
Cette exigence sera satisfaite lorsque l’enrichissement est direct,
c’est-à-dire lorsqu’il n’existe pas de patrimoine interposé entre celui de
l’appauvri et celui de l’enrichi. Tel est le cas en présence de constructions
réalisées par l’occupant sans titre qui bénéficient en définitive au
propriétaire du terrain sur lequel elles ont été édifiées.

1 Cass. fr., Req., 15 juin 1892.


2 Civ., 4 juin 1924.
3 Cass. fr., Req., 23 nov. 1908.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1365.

1359
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Mais l'enrichissement peut aussi être indirect, la valeur transitant par


un patrimoine tiers. Un marchand fournit des engrais à un fermier qui
les utilise pour amender la terre qu’il loue ; devenu insolvable, le fermier
ne peut payer l’engrais et est expulsé de sa ferme ; le propriétaire qui
récupère la récolte en même temps que sa terre est enrichie, au détriment
du marchand qui a fourni les engrais sans recevoir paiement de ceux-ci,
d’une valeur qui a transité par le patrimoine du fermier1. De même, un
organisme social ayant pris en charge une personne dans le besoin, les
proches parents de celle-ci n’ont pas eu à s’acquitter de l’obligation
alimentaire dont ils étaient pourtant tenus. L’organisme social s’est
appauvri des dépenses réalisées au profit de ce tiers, le proche parent
s’est enrichi des dépenses qui lui ont ainsi été épargnées2.

Point 2
Les conditions juridiques

A. Absence de justification

Un enrichissement sera dit injustifié lorsqu'il n'existe aucun mécanisme


juridique, aucun titre juridique — légal, conventionnel, judiciaire — qui puisse
justifier le flux de valeurs du patrimoine de l’appauvri à celui de l’enrichi.

1. Absence de justification de l’enrichissement

a. Existence d’un titre légal

On ne saurait invoquer l’action de in rem verso lorsque


l’enrichissement est provoqué par l’application d’une règle légale, c’est-à-dire,
lorsque l’enrichissement trouve sa cause dans l’un des modes légaux
d’acquisition des droits.
Tel est le cas de l’enrichissement d’un héritier par l’effet du droit
des successions. Tel est encore le cas de l’enrichissement obtenu par un
débiteur défaillant en raison de la prescription de sa dette. Le créancier
d’une dette prescrite ne saurait en effet user de l’action de in rem verso
à l’encontre de son débiteur, au prétexte que celui-ci, dispensé de payer
ce qu’il devait, serait enrichi. Tel est encore le cas d’une vente ayant une
cause immorale, l’acquéreur entré en possession du bien avant paiement

1 Cass., Cass. fr., Req., 15 juin 1892.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 25 févr. 2003.

1360
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

du prix, pourra à la fois demander la nullité du contrat et refuser la


restitution du bien. Le vendeur ne pourra obtenir satisfaction sur le
terrain de l’action de in rem verso, car l’enrichissement de l’acheteur a sa
source dans la règle nemo auditur1.

b. Existence d’un titre judiciaire

La voie de l’enrichissement sans cause est également fermée


lorsque l’enrichissement contesté résulte d’une décision judiciaire2.

c. Existence d’un titre conventionnel

Il n’y a pas enrichissement sans cause lorsque l’enrichissement réalisé


par une personne a sa justification dans un acte juridique, et spécialement
lorsqu’il résulte de l’exécution d’un contrat légalement formé entre la
personne appauvrie et la personne bénéficiaire de l’enrichissement3. Si le
bénéfice obtenu par l'un est de loin supérieur à celui de l'autre, la voie
adéquate est celle de l'action en réduction.

d. Existence d’un devoir moral

L’existence d’un simple devoir moral peut également justifier le


gain dont profite l’enrichi. En effet, de même que l’exécution d’une
obligation naturelle ne peut être remise en cause par le biais de la
répétition de l’indu, il est juste que l’exécution d’un tel devoir moral fasse
obstacle à l’action de in rem verso4. Ainsi par exemple le devoir moral d’un
enfant envers ses parents exclut qu’il puisse obtenir une indemnité
lorsque l’aide et l’assistance apportée ont excédé les exigences de la piété
familiale5.

2. Absence de justification de l’appauvrissement

L'appauvrissement est justifié lorsque le débiteur a agi dans un


intérêt personnel. Dans ce cas, il n'y a pas application de l'enrichissement sans

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1368.


2 Cass. fr., Civ. 2e, 14 oct. 1992.
3 Civ., 21 févr. 1944.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1370.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 12 juill. 1994.

1361
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

cause. Ainsi, est rejetée l’application de l’enrichissement injustifié lorsque


l’appauvri a agi dans son propre intérêt, c’est-à-dire lorsqu’il a obtenu un
avantage patrimonial ou lorsque son action était guidée par la recherche
d’un avantage patrimonial. Il a été jugé que « l’action de in rem verso,
admise dans le cas où le patrimoine d’une personne se trouve, sans cause
légitime, enrichi au détriment de celui d’une autre personne, ne peut
trouver son application lorsque celle-ci a agi dans son intérêt »1. C'est le
cas de celui qui, en s’efforçant d’améliorer son propre bien, a enrichi un
tiers, lorsque par exemple, en prolongeant le réseau électrique jusqu’à
son terrain, il facilite le branchement du voisin2.

B. Absence d’action principale

L'action de in rem verso est subsidiaire. Elle ne peut arrêter le cours d'une
action déjà engagée. Elle ne peut pas non plus être intentée lorsque le demandeur
pourrait obtenir satisfaction par une autre action naissant du contrat, d'un délit
ou d'un quasi-contrat3, car ce serait mettre en échec les règles du droit
prévues pour d'autres institutions juridiques4.
Par ailleurs, le débiteur ne saurait invoquer l’enrichissement
injustifié pour contourner les conditions ou limites applicables à l’action
dont il dispose ou disposait pour obtenir son dû5. Ainsi, le principe de
subsidiarité interdit à l’appauvri de recourir à l’enrichissement sans cause
lorsqu’il dispose d’une autre voie de droit pour obtenir satisfaction.
Ces considérants s'appliquent à l'enrichissement sans cause direct.
En présence d'un enrichissement sans cause indirect, c'est-à-dire lorsque
le profit obtenu par l'enrichi a transité par le patrimoine d'un tiers
intermédiaire, le principe de subsidiarité signifie que l'appauvri doit agir en
priorité contre ce tiers, l'action de in rem verso à l’encontre de l’enrichi
n’étant ouverte que dans l’hypothèse où celui-ci se révélerait insolvable6.
Tel était le cas dans l’arrêt Patureau c/ Boudier, où le vendeur d’engrais
— appauvri — a agi sur le fondement de l’enrichissement sans cause à
l’encontre du propriétaire des parcelles — enrichi — après s’être heurté
à l’insolvabilité du fermier — tiers —.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 2 déc. 1975.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 19 oct. 1976.
3 Civ., 2 mars 1915.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 302. Voir par ex. Élis., 19 nov. 1957.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1372.
6 Cass. fr., Req., 11 sept. 1940.

1362
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Effets de l'enrichissement sans cause

En cas d'enrichissement sans cause, l'appauvri dispose de l'action de


in rem verso pour se faire restituer quelque indemnité.
Cette indemnisation est soumise au principe dit de la « double limite
»1. Ce principe a été posé par la Cour de cassation de France du 19 janvier
1953, dans lequel il énonçait que « l’action de in rem verso ne tend à procurer à
la personne appauvrie qu’une indemnité égale à la moins élevée des deux sommes
représentatives, l’une de l’enrichissement, l’autre de l’appauvrissement »2.
L'enrichissement ne peut dépasser les montants de l'enrichissement effectué, c'est-
à-dire de la plus-value procurée au patrimoine du défendeur. Elle ne peut
dépasser non plus l'appauvrissement du défendeur, c'est-à-dire la somme dont
son patrimoine s'est trouvé diminué.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 303 ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 1377.
2 Cass. fr., Civ. 1re, 19 janv. 1953.

1363
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1364
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 3
Les délits et quasi-délits
L'on répond non seulement du dommage causé par son fait
personnel, mais aussi du dommage causé par le fait des personnes que
l'on a sous surveillance, ou des choses dont on tire profit.

Section 1
La responsabilité pour fait personnel

Aux termes de la loi, « tout fait quelconque de l'homme qui cause dommage
à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». De même, «
chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais
encore par sa négligence ou par son imprudence ». Les articles 258 et 259 du
Code Civil Livre 3 constituent le fondement de la responsabilité pour
fait personnel. Elle repose sur l'idée de faute de l'auteur. De son
expression, la loi pose au requérant trois conditions nécessaires à
l'obtention d'une créance en réparation : le dommage, la faute et le lien
et causalité.

Paragraphe 1
Le dommage

Point 1
Définition et caractères

A. Définition

Certains auteurs ne distinguent pas le dommage du préjudice1. D'autres


y voient une nuance importante, définissant le dommage comme « toute
lésion subie, atteinte à un bien ou à une personne (...) », et le préjudice comme «
la conséquence du dommage ainsi subi »2.

B. Caractères du dommage

Plusieurs catégories de dommages peuvent être répertoriées.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 231.


2 Lire F. TERRE et alii., op. cit., pp. 1001-1002.

1365
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1. Le préjudice matériel

Le dommage matériel constitue en toute atteinte aux droits et intérêts


d'ordre patrimonial et économique de la victime1. La victime subit une perte
ou un manque à gagner. Le dommage peut également constituer, en cas
d’accidents corporels, en des frais de transport, ainsi que des frais
médicaux et pharmaceutiques engagés par la victime. Dans la mesure où
l’accident corporel entraîne une incapacité de travail, il y a lieu aussi à
une indemnisation des pertes de salaires, de traitements ou de gains qui
en résultent, ces pertes étant liées aux revenus réels de la victime, ainsi
qu’à ses perspectives normales de carrière.

2. Le préjudice corporel

Le préjudice peut aussi être corporel. Sur ce point, il désigne l'atteinte


portée à l'intégrité physique de la personne : les blessures, la mort2.

3. Le préjudice moral

Le préjudice peut être moral. Il est défini largement comme la


diminution du bien-être de la victime3. La Cour de Cassation française est
partie d'une conception objective et large du préjudice moral, y
assimilant la privation, totale ou partielle, provisoire ou définitive, des plaisirs de la
vie, des joies de l’existence ou encore des agréments normaux de l’existence4. Cette
conception large a été remise en cause lorsque la Cour de cassation a, en
2003, défini le préjudice d’agrément comme « le préjudice subjectif à
caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions
d’existence »5. Cette conception restrictive sera quant à elle relativisée
lorsque la Cour de Cassation retiendra comme préjudice moral la «
privation des agréments de la vie normale »6.

1 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 232 ; F. TERRE et alii., op. cit., pp.
1017-1020.
2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1015.
3 Idem., p. 1016.
4 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 2e, 22 févr. 1995.
5 Cass. fr., Ass. Plén., 19 déc. 2003.
6 Cass. fr., Civ. 2e, 19 avr. 2005.

1366
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En cas de préjudice moral, la réparation ne vise pas à attribuer une


quelconque valeur économique à des données d'ordre extrapatrimonial,
ni à fournir une réparation adéquate au préjudice subi — difficile à
quantifier —, mais l'idée est davantage de compenser l'irréparable, y compris
par exemple, la douleur subie à la mort d’un être cher1. Ainsi par
exemple, en cas de dommage subi par suite de la mort d'une fiancée,
l'argent ne vaut pas vraiment la fiancée mais, c'est une sorte de geste, de
fiction dont le but social est de contribuer tant soit peu à diminuer la
douleur de la victime2.
Le préjudice moral est pris en considération en cas d’atteinte à
l’honneur ou à la considération3. Il a été jugé que l’angoisse d’une mort
imminente constituait un préjudice moral réparable4. Des indemnités
ont même été accordées en réparation du préjudice d’affection subi du fait
de la mort d’un animal5. Les atteintes au nom, à la personnalité, à l'image,
à la vie privée, à la pudeur, aux droits d'auteur peuvent constituer des
préjudices moraux6. Le préjudice moral s'applique aussi par ricochet en cas
de mort ou d'atteintes graves à l'intégrité physique d'un proche. Ce type de
préjudice est réparable7. Il a été jugé que la souffrance éprouvée par une
femme à la vue de son mari en proie à de grandes douleurs à la suite d'un
accident survenu par faute d'autrui constitue un préjudice moral lui
donnant droit à la réparation8. Toutefois, la jurisprudence n'est pas
encore claire à l'idée de savoir qui peut se prévaloir d'une telle action
(membre de famille, amis, ou même concubins ?).

Point 2
Caractéristiques du dommage

Le dommage, qu'il soit matériel, corporel ou moral, doit réunir des


caractères cumulatifs conditionnant sa réparation. En effet, le dommage
doit être certain, direct, légitime et personnel.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1020.


2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 217.
3 Cass. fr., Civ. 2e, 13 oct. 1955.
4 Cass. fr., Crim., 23 oct. 2012.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 16 janv. 1962.
6 Voir KALONGO MBIKAYI, op. cit., pp. 215-216.
7 Cass. fr., Civ. 13 févr. 1923.
8 L’shi., 1e déc. 1970.

1367
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

A. Dommage certain

Le dommage doit être certain. La victime doit prouver l'existence d'un


préjudice certain et actuel, évaluable au moment où le juge doit statuer sur la
demande1. Le dommage doit nécessairement être constaté par le juge2.
Toutefois, il faut aller plus loin et considérer qu’un préjudice futur
peut, lui aussi, être considéré comme certain, surtout si son évaluation
judiciaire est possible3.
Cependant, si le préjudice futur est admis, il n'en est pas ainsi du
préjudice simplement éventuel qui lui, n'est pas réparable, sa réalisation n'étant
pas certaine4.
Néanmoins, le préjudice éventuel n'est pas à confondre avec la perte
d'une chance qui elle, est réparable5. Il ne s’agit pas, dans de tels cas,
d’accorder à la victime l’avantage que la survenance de l’accident l’a
irrémédiablement privée de la possibilité de briguer, car ce serait
supposer qu’à coup sûr que la chance aurait été pleinement acquise. Il
s’agit seulement de considérer que la chance perdue valait quelque chose, ce
dont la victime a été privée6. La jurisprudence française considère que «
la perte d’une chance réelle et sérieuse constitue un préjudice certain appelant
réparation et qu’elle consiste dans la disparition actuelle et certaine d’une éventualité
favorable »7. Elle précise que « la réparation d’une perte de chance doit être mesurée
à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si
elle s’était réalisée »8. Ce qui explique par-là que ce n'est pas l'objectif escompté et
perdu en tant que tel qui est réparé car, lui est simplement éventuel.
Ainsi, a été notamment indemnisée la perte de la chance d’acquérir
un immeuble par la faute d’un notaire ou la perte de la chance de gagner
un procès par la faute d’un huissier, d’un avoué, d’un avocat9, la perte de
la chance, de participer à une course10, la perte de la chance de réussir à

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1004 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 218.
2 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 19 avr. 1956.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1004 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 219 ;

Voir par ex. L’shi., 7 août 1974.


4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1004 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 219 ;

Voir par ex. Cass. fr., Civ. 19 mars 1947 ; Cass. fr., Crim., 21 nov. 1968.
5 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1005 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 219.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1005.
7 Cass. fr., Civ. 1re, 26 nov. 2006.
8 Cass. fr., Civ. 1re, 9 avr. 2002.
9 Cass. fr., Civ. 29 avr. 1963.
10 Cass. fr., Civ. 2e, 4 mai 1972.

1368
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

un examen ou à un concours1, ou d’obtenir une promotion2. Le critère


auquel se réfère la jurisprudence est d’ordre temporel : pour que la perte
de la chance de réussir, spécialement à un examen ou à un concours, soit
indemnisable, il faut que l’avantage escompté ait été à bref délai3.
Cette position pourrait d'ailleurs être consacrée par le législateur
français. En effet, le projet de réforme du Code Civil français déposé au
Parlement contient dans son article 1238 la formulation suivante : « seule
constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine
d’une éventualité favorable. Ce préjudice doit être mesuré à la chance
perdue et ne peut être égal à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si
elle s’était réalisée ».

B. Dommage légitime

Le dommage doit encore être légitime. Il doit consister dans la


violation d'un intérêt légitime juridiquement protégé4. Il s'agit « d'un intérêt digne
d'être pris en considération par la loi, d'un intérêt qui n'est pas contraire aux lois
qui, cependant, est protégé par la loi »5.
Ainsi par exemple, le propriétaire d'un bien endommagé a un
intérêt à exiger son indemnisation parce qu'il a un droit de propriété sur
la chose. Au demeurant, il ressort de l'analyse des différentes sources de
droit que les droits fondamentaux sont les mieux protégés, puisque
bénéficiant d'une consécration constitutionnelle et/ou internationale.
Par contre, l'intérêt illégitime, non protégé par la loi, ou au pire interdit par
celle-ci, ne peut recevoir réparation. Ainsi par exemple, ne peut réclamer
réparation, le criminel qui, du fait d’un tiers, est découvert par la police6.
De même, n'est pas fondée à réclamer réparation, la concubine qui tente
de se prévaloir du dommage causé par la mort de son concubin. Il a été
jugé que les relations de concubinage « ne (pouvaient), à raison de leur
irrégularité même, présenter la valeur d’intérêts légitimes, juridiquement
protégés »7.

1 Cass. fr., Civ. 2e, 17 févr. 1961.


2 Cass. fr., Civ. 2e, 9 juill. 1954.
3 Cass. fr., Civ. 2e, 12 mai 1966.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1010 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 220.
5 A. Weil, citée par KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 220.
6 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 2e, 10 juin 1970.
7 Cass. fr., Civ. 27 juill. 1937. Toutefois, signalons que le droit français a évolué

sur la question, la jurisprudence ayant fini par décider que le concubinage ne


présentait pas de caractère délictueux (Ch. mixte, 27 févr. 1970). Une position

1369
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

C. Dommage direct

Le dommage doit également être direct. Il doit être une suite immédiate
et directe de la faute1. En effet, « il est peu conforme à la justice, à l’équité
et au bon sens de faire supporter par quelqu’un toutes les conséquences,
y compris les plus lointaines, de ses actes, même fautifs ; sur cette voie,
d’ailleurs, on ne sait plus où l’on s’arrêterait »2. Le caractère direct du
dommage constitue par là même le lien de causalité requis entre le
dommage et la faute.
Toutefois, le préjudice par ricochet est aussi réparable. Il s'agit d'un
préjudice médiat éprouvé par la victime d'une faute. Constitue un
préjudice par ricochet, donnant droit à réparation, la perte des subsides
qu’un proche obtenait antérieurement de celui qui a été tué dans un
accident. Constitue également un préjudice par ricochet la perte de
l’assistance dont bénéficiait un conjoint handicapé en raison du décès de
la victime tuée par un accident3.
Le préjudice par ricochet doit répondre à la condition la condition
de certitude, en ce que de manière suffisamment probable, le demandeur
aurait reçu des subsides de la victime immédiate, si elle avait vécu4.
Ajoutons que certaines personnes – plus précisément les héritiers
du défunt, s’ils acceptent sa succession – peuvent être conduites à agir à
deux titres différents, à titre propre et à titre d’héritiers, lorsqu’elles
réclament réparation à la fois de leur préjudice par ricochet et du
préjudice subi par le défunt avant qu’il ne meure5.

D. Dommage personnel

Le dommage doit enfin être personnel. La victime doit personnellement


souffrir des conséquences de la faute. Elle ne peut se prévaloir d'un dommage
subi par un tiers, à moins d'être son ayant droit.

renforcée par la supression de l'infraction d'adultère en 1975 et l'institution du


pacte civil de solidarité qui a « accordé au concubinage droit de cité » (F. TERRE
et alii., op. cit., p. 1013) en France.
1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 221 ; Voir par ex. Elis., 27 déc. 1960.
2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1009.
3 Cass. fr., Crim., 27 mai 2014.
4 Cass. fr., Crim., 21 nov. 1968.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1020.

1370
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
La faute

La doctrine définit la faute par ses éléments constitutifs : la


culpabilité ou élément objectif (ou positif) de la faute, et l'imputabilité
ou élément subjectif (ou négatif) de la faute1.

Point 1
La culpabilité

L'élément objectif de la faute ou culpabilité renvoie au comportement-


même de l'agent.
Son attitude, pouvant consister en une action ou une omission2 doit
être objectif — respectivement — interdit ou recommandé par un texte.
La nature de ce texte importe peu, il peut être législatif ou réglementaire3,
civil, pénal, administratif ou même constitutionnel.
Toutefois, seule la violation d'un texte de nature pénale, constituant
une infraction, peut donner lieu à réparation devant le juge pénal. Au cas
contraire, c'est le juge civil qui est compétent.
Cela dit, même en cas de violation d'un texte pénal, la victime peut
choisir la voie civile pour la réparation, et dans ce cas, si le juge pénal est
saisi des mêmes faits, le juge civil surseoira à statuer en attendant la
décision du juge pénal, laquelle aura autorité de chose jugée sur le civil,
le pénal tenant par là le civil en état.
Par ailleurs, les termes généraux du code civil (lequel vise « tout fait
quelconque de l'homme ») fait allonger les types de comportement
susceptibles de constituer l'élément objectif de la faute. Ainsi, celle-ci
peut être établie même en dehors de la violation d'un texte, par comparaison
au comportement que n'aurait pas eu dans les mêmes circonstances
extérieures, un homme prudent, diligent, honnête, avisé, soucieux de ses
devoirs sociaux, placé dans les mêmes circonstances de lieu et de temps
et de profession4. La faute intentionnelle n'est pas la seule visée ici, la loi
tient aussi compte de la faute par imprudence, ou par négligence. En effet, «
chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par
son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

1 Idem., p. 1030 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 223.


2 Lire F. TERRE et alii., op. cit., pp. 1031-1032.
3 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 16 mars 1955.
4 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 226

1371
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Enfin, la faute peut être constituée dans l'exercice d'un droit. Il s'agit
de l'exercice d'un droit licite mais dans l'intention de nuire. C'est par
exemple le cas des voies de recours abusives telles que les actions
téméraires et vexatoires.

Point 2
L'imputabilité

L'imputabilité est l'élément subjectif de la faute. Il s'agit plus


précisément d'un élément négatif, car la présence d'une cause de non-
imputabilité joue en fait contre le demandeur et au profit du défendeur.
L'imputabilité est la possibilité pour un fait d'être reproché, rattaché à celui
qui l'a commis1. Il doit être constaté chez le défendeur, une volonté consciente,
capable et libre2. La conscience, la capacité et la liberté étant donc les trois
postulats de l'imputabilité.
Les personnes non-conscientes de leurs actes ne sont pas imputables. À ce
stade, la démence, la contrainte irrésistible jouent à titre de cause de non-
imputabilité. Toutefois, ici aussi, la perte momentanée de la conscience
causée par la faute du défendeur lui-même — ivresse, fureur, alcoolique
— n'est pas une cause de non-imputabilité3.
La jurisprudence fixe la capacité délictuelle entre 5 et 8 ans. Ainsi les
enfants, dès qu'ils ont l'âge de la raison, sont capables délictuellement.
Par ailleurs, le libre arbitre de l'agent peut être annihilé par les causes
de tant objectives que subjectives d'irresponsabilité étudiées en droit pénal
général.

Paragraphe 3
Le lien de causalité

Point 1
Notion

« Une condamnation aux dommages-intérêts est motivée dès lors que le jugement
établit la faute d'une personne et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice qui
en est résulté »4. Pour qu'une faute constitue la cause du dommage, il faut

1 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 230


2 Idem.
3 Ibidem.
4 C.S.J., R.P. 87, 11 avril 1973.

1372
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

qu'elle soit la condition nécessaire directe et immédiate du dommage, c'est-à-dire,


qu'elle puisse entraîner le dommage tel qu'il s'est produit1. La faute doit être
telle que sans elle, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit2.

Point 2
Théories de la causalité

Le lien de causalité n'est pas toujours aisé à établir, surtout dans


l'hypothèse des dommages qui sont la résultante de plusieurs causes.
Ainsi dans le cas d'un individu heurté par une voiture et qui décède à
l'hôpital à la suite d'une intervention chirurgicale, difficile de déterminer
si la mort résulte de l'accident lui-même, dû à l'excès de vitesse, de la
faute médicale, du fait que le patron a libéré la victime à une heure de
pointe, de la prédisposition physique de la victime, ou du fait d'un tiers…
Trois solutions ont été élaborées par la doctrine3.

A. La théorie de l'équivalence des conditions

D'après cette théorie, tous les évènements lointains ou proches qui ont
conditionné le dommage sont équivalents, tous sont à égal titre la cause. Sera retenue
comme cause, tout fait du défendeur sans lequel le dommage ne se serait pas produit
tel qu'il s'est produit. Une fois la faute retenue, le défendeur peut être tenu
à la réparation de l'intégralité du dommage.
Cette théorie est rejetée à cause de sa trop grande étendue. Elle retient
pratiquement toutes les causes, au risque de remonter jusqu'à la
responsabilité du Créateur.

B. La théorie de la proximité de la cause

La théorie de la proximité de la cause ne prend en considération,


de tous les évènements qui ont conditionné le dommage, que celui qui
est plus proche dans le temps, qui est chronologiquement le dernier, qui a
immédiatement précédé la donne.
Une théorie beaucoup trop simpliste, négligeant d'éventuelles autres
fautes importantes mais antérieures dans le temps. Dans le cas sous
examen, seule l'intervention chirurgicale sera retenue, l'accident lui, qui

1 Boma, 10 oct. 1911.


2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 235.
3 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 236 ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 1164.

1373
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

aurait pu avoir donné lieu à des conséquences graves et déterminantes


dans la réalisation du dommage, ne sera pas retenu.

C. La théorie de la causalité adéquate

La théorie de la causalité adéquate écarte de toutes les causes, celles qui


normalement ne peuvent pas adéquatement produire le dommage du genre de celui qui
a été causé. On ne retient que, pour reprendre l'expression de Carbonnier1,
« la cause qui normalement entraîne toujours un dommage de l'espèce considéré par
opposition aux causes qui n'entraînent un tel dommage que par suite de circonstances
extraordinaires ». Dans le cas sous examen, on écartera par exemple, le fait
que le patron ait libéré la victime à une heure de pointe.
La théorie de la causalité adéquate semble avoir obtenu les suffrages
de la jurisprudence française2. Toutefois, en droit congolais, la
jurisprudence semble surtout décider empiriquement. Elle écarte les
rapports de causalité trop lâche ou trop extraordinaire et plus encore,
elle s'attache aux rapports de causalité qui conduisent vers les fautes
moralement les plus graves3.

Section 2
La responsabilité pour fait d'autrui

La responsabilité de droit commun ou responsabilité pour fait


personnel se fonde sur l'idée de faute. Sans faute, pas de responsabilité
civile. C'est le principe en matière de responsabilité.
Mais, la loi a conçu des exceptions en rendant certaines personnes
responsables des dommages causés par d'autres personnes ou par des
choses. Il y a responsabilité du fait d’autrui dans les cas où le fait d’une
personne met en jeu, provisoirement ou définitivement, à la charge d’une autre,
une responsabilité, destinée à améliorer, au profit de la victime, les chances de
réparation4. Ainsi, la responsabilité pour fait d'un tiers se fonde non sur la
faute personnelle du responsable, mais sur une présomption de faute de sa
part. Cette présomption de faute est dans certains cas renversables, et dans

1 Jean Carbonnier, cité par KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 237.


2 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1164 ; Voir par ex., Cass. fr., Crim., 14 janv.
1970 ; Cass. fr., Civ. 2e, 27 janv. 2000 ; Cass. fr., Civ. 2e, 25 oct. 1973.
3 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 235.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1103.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'autres, irréfragables. La loi a même ajouté une présomption objective en


matière de dommages causés par les véhicules automoteurs.
La responsabilité des civilement responsables se fonde d'abord sur
la présomption que ces personnes n'ont pas bien surveillé ni éduqué
l'auteur du dommage dont elles répondent — enfants, élèves —, ni bien
choisi leur domestique et préposé. Dans le premier cas, c'est le défaut de
surveillance et d'éducation, dans le second, c'est le mauvais choix. On vise aussi
à faire doubler ces personnes de vigilance afin que les personnes dont
elles répondent ne causent pas de dommages.
L'idée c'est aussi que la loi estime que dans certains cas, la garantie
de la victime doit être protégée de façon rigoureuse. Cette responsabilité se fonde
sur l'idée que l'auteur du dommage était généralement insolvable, sans
ressources personnelles, et que seul celui qui le surveille et le contrôle
sera son garant. La solution ainsi adoptée est socialement très favorable à la
victime qui aura toujours une garantie d'indemnisation. En effet, plus il y
a, pour la victime d'un dommage, de possibilités de s'en prendre à des
responsables, mieux la réparation de son dommage est assurée1.
La victime reste libre, cependant, dans le choix de la personne qui
l'indemnisera. Elle peut diriger sons action contre le civilement responsable, et
dans ce cas, elle a l'avantage de ne pas apporter la preuve de la faute du
civilement responsable, et a plus de garanties d'indemnisation. Mais elle
peut aussi s'adresser à l'auteur du dommage et cela, à ses risques et périls
car, dans ce cas elle devra agir sur le terrain de la responsabilité pour fait
personnel et démontrer les trois conditions de la responsabilité civile de
l'auteur du dommage. Elle risque par ailleurs de se buter à son
insolvabilité. Disons, cela étant, que même lorsqu'elle se tourne vers le
civilement responsable, elle sera tout de même tenue de démontrer la
réunion des conditions de la responsabilité civile dans le chef de l'auteur
du dommage.
La loi pose qu' « on est responsable non seulement du dommage
que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par
le fait des personnes dont on doit répondre (...) Le père, et la mère après
le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfants,
habitant avec eux. Les maîtres et les commettants, du dommage causé
par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les
ont employés. Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par
leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur
surveillance. La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1103.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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mère, instituteurs et artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait


qui donne lieu à cette responsabilité »1.
Sont donc civilement responsables, les père et mère pour le dommage
causé par leurs enfants ; les maîtres et commettants pour le dommage causé
par leurs domestiques et préposés ; les instituteurs et artisans pour le
dommage causé par leurs élèves et apprentis. Ces cas de responsabilité
pour fait d'autrui sont d'ordre public et de stricte interprétation. La liste des
civilement responsables est limitative2. Ainsi a-t-il été jugé que le mari
n’est pas, en tant que mari, responsable des délits et quasi-délits commis
par sa femme3.

Paragraphe 1
Responsabilité des père et mère

Point 1
Principe

Aux termes de la loi, « le père, et la mère après le décès du mari, sont


responsables du dommage causé par leurs enfants », « à moins que les père et mère
(...) ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité
».
Le responsable légal est exclusivement le père. La mère ne l'est que si
le père décède, et qu'elle exerce alors l'autorité parentale. Elle peut être
aussi la seule responsable même du vivant de son mari, chaque fois que
pour quelque raison — divorce par exemple — elle exerce l'autorité
parentale. C'est donc le père ou la mère, il n'y a pas solidarité des deux4.
Toutefois, la doctrine, se fondant sur les dispositions du Code de
la famille, estiment que les père et mère sont tous deux responsables5.
Dans tous les cas, la loi exclut de son champs les autres membres
de la famille : oncles, cousins, ascendants ou descendants6.

1 Art. 260, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 246.
3 Cass. fr., Civ., 6 févr. 1939.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 248.
5 Lire Art. 316 et s., Loi n° 87-010 portant Code de la famille. Voir ; M.-T.

KENGE, op. cit., p. 106 .


6 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 248.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Conditions d'application

Le père, et la mère après le décès du mari, sont responsables du


dommage causé par leurs enfants, habitant avec eux. Il faut donc que le
dommage soit causé par l'enfant et que celui-ci habite avec eux.

A. Un dommage causé par l'enfant

Le dommage doit être causé par l'enfant. La doctrine estime qu'il ne


s'agit pas spécialement « d'enfant mineur », mais d'enfant, simplement. La
loi a voulu se conformer à la conception d'une responsabilité civile
collective de droit coutumier qui ne fait pas la distinction de minorité ou
de majorité parmi les auteurs du dommage dont la famille étendue est
rendue responsable grâce à la responsabilité clanique. Étant donné le
caractère d'ordre public de cette disposition qui doit être interprétée de
façon stricte et étant donné la mentalité juridique sur la question, il n'y a
point lieu de limiter l'application aux seuls enfants mineurs1.

B. Enfant habitant avec ses parents

L'enfant doit habiter avec ses parents. Cela s'explique par le fait que
cette responsabilité se fonde sur une présomption de mauvaise surveillance. Il
s'agit là d'une question de fait laissée à l'appréciation du juge de fond. Ainsi,
habite avec ses parents l'enfant qui, hors de la maison, a causé un
dommage à l'occasion d'un jeu avec ses amis.
Si par contre, l'enfant cesse d'habiter avec ses parents, s'il a été
confié à un tiers, la responsabilité des père et mère cesse.
Par contre, si l'enfant a été abandonné, ceux-ci restent responsables.
Il a été jugé que la cohabitation cessait lorsque l’enfant était en
pension dans un établissement scolaire2 ou se trouvait en vacances chez
ses grands-parents3. Il en ira autrement en cas de divorce et d’attribution
de la garde de l’enfant à un des ex-époux, lorsque, au moment des faits,

1 Sohier, Verstraete, cités par KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 249 ; M.-T.
KENGE, op. cit., p. 106.
2 Cass. fr., Civ. 1re, 2 juill. 1991.
3 Cass. fr., Civ. 2e, 9 déc. 1954.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l’enfant était hébergé par l’autre, dans le cadre du droit de visite et


d’hébergement reconnu à celui-ci1.

C. Dommage causé par le fait personnel de l'enfant

Le dommage doit être causé par le fait personnel de l'enfant. Cette faute
doit normalement lui être imputable. Cependant, pour les petits enfants,
il suffit que ce fait soit objectivement illicite2. Dans un arrêt Fullenwarth, la
Cour de cassation de France a décidé que « pour que soit présumée la
responsabilité des père et mère d’un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait
commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime »3.

Point 3
Fondements

La responsabilité des père et mère est fondée sur une présomption de


faute, pour défaut de surveillance et d'éducation de leur enfant.
Cela dit, la responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère
ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
Ainsi, la responsabilité sera écartée s'ils prouvent qu'ils n'ont pas manqué
à leur devoir de surveillance et d'éducation et qu'ils se sont conduits avec
toute la prudence désirable et que, malgré cette prudence, ils n'ont pu
prévoir ou empêcher le dommage4.
Par un revirement de jurisprudence au travers de l'arrêt Bertrand,
la Cour de cassation de France a décidé qu'il ne suffisait plus, aux
parents, pour être exonéré, de prouver qu'ils ont rempli leur devoir de
surveillance. Désormais, « seule la force majeure ou la faute de la victime
pouvait exonérer le père de la responsabilité de plein droit encourue du
fait des dommages causés par son fils mineur habitant avec lui (...) la
Cour d’appel n’avait pas à rechercher l’existence d’un défaut de
surveillance du père »5.

1 Cass. fr., Crim., 13 déc. 1982.


2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 250.
3 Cass. fr., Ass. Plén., 9 mai 1984.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 251 ; Cass. fr., Civ. 2e, 12 oct. 1955.
5 Cass. fr., Civ. 2e, 19 févr. 1997.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Responsabilité des instituteurs et artisans

Point 1
Principe

Les instituteurs et les artisans sont responsables du dommage causé par


leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance. Il faut
comprendre, par instituteur et artisan, non seulement celui qui donne un
enseignement, mais même celui qui, sans enseigner, a un rôle de direction ou
de surveillance dans un établissement d'instruction1. L'artisan est compris dans
le sens d'instituteur manuel exerçant son métier de façon autonome, c'est-
à-dire à son compte2.

Point 2
Conditions d'application

Les instituteurs et les artisans sont responsables du dommage causé


par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur
surveillance.
La condition importante est celle du temps. Le dommage doit être
causé par l'élève ou l'apprenti pendant le temps qu'il est sous surveillance. Le
juge appréciera.
Le dommage doit constituer une faute de l'élève ou de l'apprenti.
Il n'est pas dit que l'élève ou l'apprenti doit être mineur. Sont ainsi inclus
dans cette catégorie, même les grands étudiants d'université.

Point 3
Fondements

Les développements faits au sujet de la responsabilité des père et


mère sont mutatis mutandis d'application ici.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 251.


2 Idem.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
Responsabilité des maîtres et commettants

Les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par


leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. Les
concepts maître et commettant sont utilisés indifféremment.

Point 1
Conditions d'application

Les maîtres et les commettants sont responsables du dommage


causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils
les ont employés.

A. Lien de préposition

Il faut d'abord un lien de préposition. Un lien entre commettant et


préposé. Il y a lien de préposition lorsque le commettant a le droit de donner au
préposé des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les fonctions
auxquelles il est employé1. La responsabilité du commettant du fait de son
préposé est donc fondée sur la notion d’autorité et de subordination. C’est
parce que le commettant commande ou du moins use d’une autorité à la
fois légitime et raisonnable qu’il a la responsabilité des actes de son
préposé.
Le lien de préposition n'a pas nécessairement une source
contractuelle. Il peut, en effet, résulter de liens de famille — mari
préposé de sa femme2, gendre préposé du beau-père3, père préposé du
fils4 —, de concubinage5, d’amitié ou de complaisance occasionnelle6.
L’hypothèse la plus fréquente d’existence d’un rapport de
préposition est celle du contrat de travail. Le critère de la subordination qui
fonde le lien de préposition est, en effet, le même que celui qui sert à
définir ce contrat.

1 Cass. fr., Civ. 4 mai 1937 ; Élis., 26 janv. 1928.


2 Req. 12 juill. 1887.
3 Cass. fr., Civ. 8 nov. 1937.
4 Cass. fr., Civ. 2e, 28 avr. 1955.
5 Cass. fr., Crim., 6 mars 1931.
6 Req. 1er mai 1930.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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À l’inverse, les contrats qui impliquent que l’activité est exercée de


façon indépendante ne donnent pas en principe naissance à un rapport
de préposition.
Néanmoins, l'on s’oriente vers une définition plus large du lien de
préposition. Alors que traditionnellement on enseignait que l’exercice
des professions indépendantes, et notamment médicales, était
incompatible avec l’autorité et la subordination corrélatives qui
caractérisent les liens de préposition, la Cour de cassation de France a
posé que « l’indépendance professionnelle dont jouit le médecin dans
l’exercice même de son art n’est pas incompatible avec l’état de
subordination qui résulte d’un contrat de louage de services le liant à un
tiers »1.
Dans l'hypothèse où il y a plusieurs commettants, sera retenu celui
qui a une autorité effective sur le préposé. En effet, c'est le fait d'avoir les
travailleurs sous ses ordres et de les employer sous sa responsabilité qui
entraîne la responsabilité prévue par la loi2. À défaut d’une clause
expresse ou tacite dans la convention passée entre les deux commettants,
il faut tenir compte de toutes les circonstances de la cause, en particulier
de la durée de la mise à la disposition et de la compétence technique
respective des parties.
Fréquemment, la responsabilité du fait des actes commis par un
salarié mis temporairement à la disposition d’une autre personne,
notamment pour conduire un véhicule ou manier un engin, continue de
peser sur l’employeur habituel, car il n’est pas démontré que celui-ci a
abdiqué toute autorité sur son salarié au moment où il a causé le
dommage3. Il en va cependant différemment en cas de mise à disposition
par une entreprise de travail temporaire. L’entreprise utilisatrice est alors,
en général, considérée comme commettante, car c’est elle qui exerce les
pouvoirs de direction et de contrôle sur le salarié4.

B. Faute du préposé

Le dommage doit avoir été causé par la faute du préposé. Il y a donc


possibilité d'exonération en cas de fait étranger au préposé. C'est que le

1 Cass. fr., Crim., 5 mars 1992.


2 Ie Inst., Élis., 26 janv. 1928.
3 Cass. fr., Com., 16 juin 1966.
4 Cass. fr., Crim., 10 mai 1976.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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fait du préposé doit être illicite. Il doit présenter, en la personne du


préposé, les caractères du fait générateur de responsabilité1.

C. Faute commise dans l'exercice de ses fonctions

Le dommage doit être causé par le préposé dans l'exercice des fonctions
auxquelles il a été employé.
Afin d’engager la responsabilité du commettant, le fait
dommageable du préposé doit se rapporter à ses fonctions. Le commettant
répond des dommages que le préposé a commis dans l’accomplissement
de sa mission ; au contraire, il ne répond pas de ceux qui sont tout à fait
étrangers à la mission du préposé.
Le commettant est responsable du dommage ayant un rapport de
temps, de lieu ou de moyens avec l’exercice des fonctions2. Il faut mais il suffit que
la faute ait été commise au cours du service et soit en relation
quelconque, même occasionnelle et indirecte, avec les fonctions
auxquelles le préposé est employé3. Lorsque le préposé agit dans
l'exercice de ses fonctions, le maître ou commettant est responsable de
la suite dommageable des fautes commises par lui alors même qu'il agit
contre la défense formelle du maître et alors même que l'acte ne se
rattache pas directement à l'exercice des fonctions4.
Dans le cas contraire, aucun lien n’existe avec l’exercice de la
fonction et il n’y a aucune raison de demander réparation au
commettant. Tel le cas d'un ouvrier assassinant un de ses compagnons
de travail, « en dehors du lieu et des heures de travail (...) ; le fait
dommageable relevé à la charge de l’accusé est indépendant du rapport
de préposition unissant celui-ci à son employeur »5.
Le commettant peut se dégager de sa responsabilité en prouvant
l’abus de fonctions. À ce propos, il a été jugé que « les dispositions (relatives
à la responsabilité des maîtres et commettants) ne s’appliquent pas au
commettant en cas de dommages causés par le préposé qui, agissant sans
autorisation, à des fins étrangères à ses attributions, s’est placé hors des
fonctions auxquelles il était employé ». Il faut, pour que le commettant
soit exonéré, que trois conditions soient cumulativement réunies :

1 P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 92.


2 Cass. fr., Civ. 2e, 19 juin 2003.
3 Kin., 19 oct. 1975.
4 Trib. District Haut-Lomami, 20 mai 1949.
5 Cass. fr., Crim., 15 févr. 1977.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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absence d’autorisation, fins étrangères aux attributions du préposé ;


s’être placé hors des fonctions. La notion de dépassement de fonctions
est compris de manière objective : il faut s’attacher à l’apparence ; si un
lien formel — circonstances de temps, lieu, moyens — existe entre le
fait dommageable et les fonctions, le préposé n’a pas agi en dehors de
ses fonctions1.
Pour s’exonérer, le commettant devra convaincre le juge que les
fonctions du préposé n’ont eu aucun rôle déterminant dans le processus
dommageable2. Le dommage causé en cas d'abus de fonction engage la
responsabilité du commettant dès lors qu'il a quelque rapport avec les
fonctions aux yeux des tiers, victimes, et si ces tiers ne sont pas informés
de cet abus de fonctions3. Cependant, le silence gardé par le commettant
qui sait que son préposé agit en abus de fonctions vaut autorisation tacite
des actes du préposé4.

Point 2
Fondements

La responsabilité des maîtres et commettants est fondée sur une


présomption de faute, mais une présomption, contrairement aux deux
précédentes, irréfragable.
En effet, la responsabilité des maîtres et commettants n'est pas
concernée par le cinquième alinéa de l'article 260 qui prévoit la possibilité
de renversement de responsabilité, uniquement pour les père et mère et
instituteurs et artisans. Aux termes de cet alinéa, « la responsabilité ci-
dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans ne
prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette
responsabilité ». Les maîtres et commettants ne sont pas concernés.
On rattache le fondement de cette responsabilité à la théorie du risque-
profit. Celui qui tire profit de l'activité d'autrui doit en supporter les
risques, même s'il n'a aucune faute à se reprocher5. Mais c'est surtout la
notion de garantie d'indemnisation de la victime qui justifie le plus cette
solution6.

1 Cass. fr., Civ. 2e, 17 mars.


2 P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 94.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 256.
4 Bandundu, 23 fév. 1980.
5 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 253.
6 Idem., p. 258.

1383
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cela dit, le commettant dispose toujours d'un recours contre le préposé,


encore que ce recours s'avère souvent inefficace en raison de
l'insolvabilité du préposé.

Section 3
La responsabilité du fait des choses

La loi dispose qu' « on est responsable non seulement du dommage que l'on
cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait (...) des choses
que l'on a sous sa garde »1 Il peut s'agir des animaux : « le propriétaire d'un
animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est
responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous
sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé »2 ; des bâtiments : « le
propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa
ruine lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le
vice de sa construction »3 ou des autres choses inanimées.

Paragraphe 1
La responsabilité du fait des animaux

Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son
usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous
sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. Cette responsabilité exige donc un
dommage causé par un animal.

1 Art. 260 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Art. 261, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 262, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Conditions

A. L'animal visé

Tous les animaux sont pris en considération, sans distinction de leur


nature zoologique : bovins1, chevaux, volailles, abeilles2, pigeons3. Mais
il faut que l'animal concerné ait été approprié, soumis sous la garde de
quelqu’un. Sont ainsi écartés, les animaux sauvages vivant à l'air libre4,
ou même vivant dans une chasse gardée, car on ne peut assurer un
contrôle sur eux.
Il importe peu que l'animal fût au moment de l'action sous la garde
du propriétaire ou égaré. Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert
est responsable, « soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré
ou échappé ».
L'animal doit être intervenu positivement dans la genèse du dommage.
Il doit jouer un rôle causal, être la cause directe et génératrice de
l'accident. Ainsi, est écartée la demande en réparation résultant d'une
chute due à la vue d'un chien ou à la peur d'un chien5.

B. Le responsable

Le responsable est le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert. On


se réfère à la notion de gardien pour déterminer le responsable. Le
responsable est donc celui qui a la garde de l'animal, celui qui a sur lui le
pouvoir de contrôle et de direction6.
Le propriétaire est présumé avoir la garde de la chose7. Mais il peut
se dédouaner en prouvant par tous les moyens qu'il a transféré la garde de
l'animal à une autre personne qui en avait, partant, la direction. Sera donc
gardien, celui à qui le propriétaire ou la loi a donné sur l'animal un droit
d'usage ou de jouissance, l'usufruitier, le locataire, l'emprunteur. Le
propriétaire de la chose ne cesse d’en être responsable que s’il est établi

1 Nîmes, 1er mars 1980.


2 Cass. fr., Civ. 2 nov. 1955.
3 Cass. fr., Civ. 2e, 24 mai 1991.
4 Cass. fr., Civ. 2e, 9 janv. 1991.
5 Cass. fr., Civ. 2 mars 1956.
6 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 262.
7 Cass. fr., Civ. 2e, 10 juin 1960.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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que ce tiers a reçu corrélativement toute possibilité de prévenir lui-même


le préjudice qu’elle peut causer, ce qui implique, à la charge du
professionnel, s’il veut que se réalise le transfert de la garde, l’obligation
d’informer de manière suffisante son cocontractant1.
Le gardien est celui qui se sert de l'animal2 à titre indépendant — ce
qui exclut le préposé3 — ou professionnel4 — le vétérinaire — mais non à
titre bénévole5.

Point 2
Fondements

La responsabilité qui pèse sur le gardien de l’animal est une


responsabilité de plein droit, où la preuve de la faute du gardien est inutile6.
La responsabilité du gardien ne disparaît que si est établie la cause
étrangère qui est alors la cause véritable du dommage : force majeure —
le tonnerre épouvante l’animal — ou faits d’un tiers ou de la victime —
qui excitent l’animal —7. Elle disparaît aussi quand il y a eu acceptation
des risques ; ce qui se produit lorsqu’un sport fait intervenir des animaux
— hippisme, corrida —8.

Paragraphe 2
Responsabilité du fait de la ruine des bâtiments

Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine


lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa
construction.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 9 juin 1993.


2 Léo., 10 oct. 1944.
3 Cass. fr., Civ. 30 déc. 1936.
4 Cass. fr., Civ. 4 janv. 1949.
5 Cass. fr., Civ. 2 juin 1967.
6 Cass. fr., Civ. 2e, 2 avr. 1997.
7 Cass., Ch. Réunies, 13 févr. 1930.
8 Cass. fr., Civ. 2e, 8 oct. 1975.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Conditions d'application

Il doit s'agir d'un bâtiment, entendue comme toutes constructions faites


avec des matériaux assemblés de façon durable, qu'elles soient en surface ou en
sous-sol et à tous les éléments incorporés à ces constructions1. En clair,
le bâtiment « s’entend d’une construction quelconque incorporée au sol
de manière durable »2. Cette condition exclut le dommage causé par la
ruine des arbres, par la chute de rochers, les éboulements ou les
glissements de terrain survenus en l’absence de tous travaux. Une
doctrine estime que les cases africaines ne sont pas des bâtiments, au
sens de cette disposition, dans la mesure où elles ne sont pas construites
de manière durable3.
Le dommage doit avoir été causé par la ruine du bâtiment. La ruine
est entendue comme une chute totale ou partielle des éléments du bâtiment4. Par
ruine du bâtiment, on entend la dégradation de toute partie de la construction
ou de tout élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé de façon indissoluble.
La ruine partielle est assimilée à la ruine totale. Mais pour qu’il y ait ruine,
il faut nécessairement qu’il y ait chute de matériaux5.
L'origine de cette ruine doit être un défaut d'entretien ou un vice de
construction. Sont exclues, la ruine provenant de la vétusté, d'un accident
survenu au cours de la délimitation de la construction ou de l'incendie
du bâtiment6.
Il appartient à la victime d’établir le défaut d’entretien ou le vice de
construction et le lien de causalité entre le défaut d’entretien ou le vice de
construction et le dommage. Mais cela suffit. Elle n’a pas à démontrer que le défaut
d’entretien ou le vice de construction est imputable au propriétaire.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 265.


2 Cass. fr., Civ. 2e, 19 oct. 2006.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 265.
4 Ie Inst., Kasaï, 16 janv. 1951.
5 Cass. fr., Civ. 2e, 19 mai 1953.
6 Cass. fr., Civ. 28 nov. 1949.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Fondements

Il s'agit d'une responsabilité de plein droit1. La responsabilité du


propriétaire est engagée dès lors que les conditions sont réunies. Si les
conditions de la présomption sont réunies, le propriétaire ne peut se
dégager en prouvant simplement qu'il n'a pas commis de faute.
Il n’est pas exclu que — un défaut d’entretien ou un vice de
construction étant, par hypothèse, établi — la force majeure puisse
constituer pour le propriétaire une cause d’exonération. Ainsi en va-t-il
lorsque, la ruine d’un bâtiment étant effectivement due à un défaut
d’entretien, l’invasion du territoire par l’ennemi ou les ordres de l’État
ont empêché le propriétaire de faire les réparations utiles2.
Alors qu’il y a défaut d’entretien ou vice de construction, une
exonération, totale ou partielle, du propriétaire peut encore résulter
d’une faute de la victime3. Il en est ainsi du voleur qui va s'abriter dans le
bâtiment en ruine alors même qu'un écriteau l'indiquait.
Le propriétaire dispose de différents recours contre des tiers. Si sa
responsabilité est due à un vice de construction, il peut éventuellement
disposer de recours contre le vendeur du bien, en cas de vice caché du
bâtiment, ou contre les architectes ou entrepreneurs qui l’ont construit4.
Si sa responsabilité est due à un défaut d’entretien, il n’est pas exclu
qu’il puisse se retourner par exemple contre un locataire ou un
usufruitier, voire un précédent vendeur, à supposer que la ruine soit due
à l’absence de réparations dont la charge leur incombait5.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 266.


2 Req. 18 janv. 1926.
3 Req. 8 janv. 1919.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 5 juill. 1956.
5 Cass. fr., Req., 28 févr. 1899

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
LE RÉGIME GÉNÉRAL DES OBLIGATIONS

Les obligations de toute nature obéissent à un ensemble de règles qui


ne sont pas tributaires de leur source. Cet ensemble constitue ce qu’il est
convenu d’appeler le « régime général des obligations »1. Sont concernées, les
règles relatives à la transmission des obligations, à leur extinction, aux
modalités des obligations et obligations complexes, à la preuve des
obligations et aux garanties générales du droit de créance.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1399.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
La transmission des obligations : la cession de
créance
La notion d'obligation comporte deux dimensions. Elle est un lien
de droit entre deux personnes, mais aussi, respectivement pour le
créancier et le débiteur, une créance ou une dette, donc une composante
active ou passive de leur patrimoine. En tant qu’élément du patrimoine,
l’obligation est cessible et transmissible.
Sous le titre de la transmission des obligations, on vise le résultat
d'une convention dont l'objet est la transmission des obligations, la cession des
obligations. L'obligation est un lien de droit pouvant se transmettre dans
le commerce juridique, entre la partie qui cède, le cédant, la partie à qui
on cède, le cessionnaire et la tierce personne qui fait l'objet de la cession,
le cédé. La cession peut être envisagée sous un angle actif — cession de
créance —, ou passif — cession de dette, non réglementée par le Code
et non concernée par les exposés ci-dessous —.

Section 1
Notion

La cession de créance est l'opération juridique par laquelle un créancier, le


cédant, transfère à un cessionnaire sa créance contre son débiteur, appelé débiteur cédé1.
Si les créances sont des biens, donc, d'une certaine manière, une
marchandise, la cession de créance, lorsqu'elle est consentie moyennant
paiement d'un prix, n'est qu'une forme particulière de vente. C’est bien
comme telle qu’elle était traitée par le Code civil livre 3 — articles 352 et
suivants — Elle contribue, dans une économie de marché, à la mobilité
des richesses, au même titre que le marché immobilier, celui des biens
meubles corporels ou des autres biens et droits immatériels. Elle peut
avoir pour objet une créance déjà échue ou, plus fréquemment, une
créance à échoir, la cession étant, dans ce dernier cas, un moyen pour le
créancier de la mobiliser, c’est-à-dire d’en percevoir la contre-valeur par
anticipation.
Par ailleurs, si une créance peut être cédée à titre onéreux, elle peut
également faire l’objet d’une donation, d’un legs, d’un échange. Sa
cession peut encore avoir pour finalité l’extinction d’une dette et

1 Idem., p. 1693.

1391
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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constituer un moyen de paiement, en tant qu’objet d’une dation en


paiement.

Section 2
Principe de la cessibilité de la créance

Paragraphe 1
Le principe

La cession de créance est l'opération juridique par laquelle un


créancier, le cédant, transfère à un cessionnaire sa créance contre son
débiteur, appelé débiteur cédé.
La créance étant considérée comme un bien patrimonial, une valeur
économique indépendante de la personnalité du titulaire, elle peut être cédée
librement par toute convention à titre onéreux ou à titre gratuit comme tout
autre bien.
En tant que contrat, la cession de créance est soumise aux conditions
ordinaires de validité prévues à l'article 8. Ainsi donc, toute créance, quels
qu'en soient la nature et l'objet — espèces ou autre prestation1 —,
quelles qu’en soient les modalités — pure et simple, conditionnelle2 ou
à terme3, exigible ou non, présente ou future ou même éventuelle4 —
peut en principe être cédée, en totalité ou en partie seulement.

Paragraphe 2
Exceptions

Toutefois, certaines créances sont inaccessibles — puisqu'étant aussi


par ailleurs insaisissables — : les créances alimentaires5, telles que les
pensions alimentaires et certaines prestations sociales, telles que les
allocations familiales ; les créances de salaires et traitements, jusqu’à
concurrence d’un certain montant.

1 Voir par ex. Cass. fr., Civ, 3e, 4 janv. 1995.


2 Voir par ex. Cass. fr., Civ, 12 juin 1850.
3 Cass. fr., Civ, 18 juin 1877.
4 Cass. fr., Civ, 1e, 20 mars 2001.
5 Cass. fr., Civ, 11 janv. 1927.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 3
Moment du transfert

Le transfert de la créance n'intervient pas au même moment pour


les parties au contrat qu'à l'égard des tiers.

Paragraphe 1
Entre les parties

Entre les parties, la créance est cédée au cessionnaire dès l'accord des
deux volontés.
La loi dispose que « dans le transport d'une créance, d'un droit ou
d'une action sur un tiers, la délivrance s'opère entre le cédant et le
cessionnaire par la remise du titre »1. En fait, la remise du titre ne
concerne pas la validité de la cession, elle ne vaut que comme moyen
d'exécuter la cession et ce, pour les conventions écrites de transmission
de créances. Les conventions non écrites sont valables et transmettent la
créance dès le consentement des parties2.

Paragraphe 2
À l'égard des tiers

La loi dispose que « le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que
par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le
cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite
par le débiteur dans un acte authentique »3.
La cession n'est opposable aux tiers que dès la signification du transfert
à celui-ci, ou dès l'acceptation du transfert faite dans un acte authentique. Ce
tiers est non seulement le débiteur cédé, mais aussi les ayants cause à
titre particulier, et les créanciers du cédant. En fait, les tiers sont, a dit la
Cour de cassation de France, ceux qui, « n'ayant pas été parties à l'acte
de cession, ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier »4.

1 Art. 352, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 311.
3 Art. 353, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 4 déc. 1985.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La signification peut être écrite ou non, pourvu que le débiteur soit


informé du transfert de créance intervenu entre les parties. La raison
d'être de cette signification est que le créancier doit s'informer de la réalité de
l'existence de sa créance auprès du débiteur qu'on lui désigne comme obligé.
L’initiative de la signification peut en être prise aussi bien par le
cédant que par le cessionnaire, ce dernier ayant à titre principal intérêt à
y procéder au plus vite, afin de rendre son droit opposable au débiteur. Tel
pouvait être le cas de la signification d’une assignation en paiement1.
Aucun délai n'est imposé, la seule conséquence d’une signification
tardive étant l’inopposabilité de la cession au débiteur non informé dans les
formes prescrites, donc le risque d’un paiement fait au cédant ou de
l’acquisition par des tiers d’autres droits sur la créance cédée.
L'acceptation doit être faite dans un acte authentique. Le but étant
d'obtenir la certitude de la date de l'acceptation et partant le moment sûr
où les effets de la cession sortiront à l'égard du cédé et des tiers. Par
ailleurs, ce système permet aux parties de faire l’économie de la formalité
de la signification.
L’intervention du débiteur n'a pas, dans ce cas, valeur de
consentement à la cession, puisqu’un tel consentement n’était pas requis,
mais seulement de donné acte et de preuve de l’information donnée.
Le non accomplissement de ces formalités rend inopposable la cession
aux tiers. Ceux-ci sont censés n'être pas informés. Tant qu'il n'a pas été
formellement informé selon le mode prescrit, le débiteur est en droit
d'ignorer l'existence de la cession et donc de considérer le cédant comme
étant toujours son créancier2.
En découlent diverses conséquences ayant trait aux relations du
débiteur tant avec le cessionnaire qu’avec le cédant. Le cessionnaire ne
peut, en premier lieu, à supposer qu’il ait un titre exécutoire, poursuivre
le débiteur en exécution de son obligation tant que la cession ne lui a pas
été signifiée ou notifiée3. Mais une assignation, si elle relate la cession,
peut valoir signification.
Le cédant, symétriquement, reste en principe créancier aux yeux du
débiteur tant que la formalité n’a pas été accomplie. C’est pourquoi le
paiement que lui fait ce dernier est valable, libératoire4 pour lui et

1 Cass. fr., Civ., 13 nov. 1928.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 22 mars 2012.
3 Cass. fr., Com., 7 janv. 1981.
4 Art. 354, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

opposable au cessionnaire. Rien ne s’oppose même à ce que le cédant


poursuive en paiement le débiteur cédé, qui est censé ignorer la cession
et qui, même s’il en a eu connaissance, n’est pas en droit de la lui opposer,
dès lors qu’elle ne lui a pas été signifiée ou qu’il ne l’a pas acceptée1.
Précisions cependant que ces formalités ont un rôle publicitaire. Mais
la cession en elle-même est valable2.

Section 4
Effets de la cession de créance

La loi dispose que « la vente ou cession d'une créance comprend les accessoires
de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque »3. La cession transporte la
créance originaire sur la tête du cessionnaire, avec tous ses caractères et tous ses
accessoires.
En clair, la créance est transmise telle qu'elle, c'est-à-dire, pour son
montant nominal, avec ses accessoires et ses exceptions.

Paragraphe 1
La créance est transmise pour son montant nominal

Pour son montant nominal, même si le cessionnaire a versé un prix


inférieur. Le cessionnaire devient titulaire de la créance pour son
montant nominal, quel que soit le prix qu’il a payé — ce qui distingue
par ailleurs la cession de la subrogation —.
Ce prix est souvent inférieur au nominal, la différence représentant
le coût du temps, s’il s’agit d’une créance à terme, et celui du risque plus
ou moins important d’insolvabilité du débiteur. Ce dernier demeure tenu
envers le cessionnaire de l’intégralité de sa dette.
Rien n’interdit cependant de ne céder qu’une fraction d’une créance,
cédant et cessionnaire — ou plusieurs cessionnaires — venant alors, le
cas échéant — si le patrimoine du débiteur n'a pas de quoi satisfaire tous
les créanciers — et sauf convention contraire, en concours pour le
paiement, sans droit de préférence pour le cédant lui-même — autre
différence par rapport à la subrogation —. C'est l'hypothèse de la cession
avec réserve.

1Cass. fr., Civ., 20 juin 1938.


2Élis., 31 oct. 1941.
3 Art. 355, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
La créance est transmise avec ses accessoires et ses exceptions

La créance est cédée avec ses accessoires, tels que la caution, le


privilège ou l'hypothèque que détenait le cédant.
Enfin, la créance est cédée avec toutes les exceptions qui pouvaient
être imposée au cédant par le débiteur.
C'est qu'en effet, la cession ne peut alourdir le poids de la dette pour
le débiteur qui se la voit opposer. Il ne peut donc être privé des moyens
de défense dont il disposait contre le cédant1. Il a donc le droit d'opposer
au cessionnaire non seulement les exceptions inhérentes à la dette, telles
que la nullité2, l’exception d’inexécution3, la résolution4 ou la
compensation des dettes connexes ; mais aussi celles nées de ses rapports
avec le cédant avant que la cession ne lui soit devenue opposable, telles
que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes
non connexes.
En cela, la cession de créance se distingue à nouveau de la novation
ou encore de la délégation, qui impliquent un nouvel accord du débiteur
et sont génératrices d’une obligation nouvelle, qui peut être différente,
dans sa nature et/ou dans son étendue, ce dont découle une
inopposabilité générale des exceptions tenant aux relations antérieures.

Paragraphe 3
Effets particuliers de la cession en tant que vente

Lorsque la convention de cession de créance est une vente,


l'obligation de garantie à laquelle est tenu tout vendeur est soumise à des
règles particulières.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1710.


2 Cass. fr., Req., 5 nov. 1889.
3 Cass. fr., Com., 12 janv. 2010.
4 Cass. fr., Com., 3 févr. 1964.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Obligation de garantie de droit commun

La loi dispose que « celui qui vend une créance ou autre droit incorporel doit
en garantir l'existence au temps du transport, quoiqu'il soit fait sans garantie »1. En
principe, le cédant ne garantit que l'existence de la créance et de ses
accessoires2 ; mais non la solvabilité du débiteur cédé. En cas de défaut
de garantie, le cédant devra restituer le prix au cessionnaire et lui payer
en plus des dommages-intérêts.
La cession d’une créance, en particulier si celle-ci n’est pas encore
exigible, comporte un aléa, voire un aspect spéculatif, qu’assume le
cessionnaire. Ainsi s’explique, le cas échéant, l’écart entre le montant de
la créance et le prix payé. S’il apparaît que la créance n’existe pas,
notamment parce qu’elle est nulle ou déjà éteinte ou parce que le cédant
n’en était pas le titulaire, ce dernier sera tenu de rembourser au
cessionnaire le prix perçu, augmenté, le cas échéant, de dommages et
intérêts.

Point 2
Obligation résultant d'une clause expresse

Les parties peuvent insérer dans le contrat une clause qui restreint
ou élargit l'obligation de la garantie3.
La clause restrictive exclut la garantie. Dans ce cas, le cédant cède la
cession sans aucune garantie. Toutefois, le cédant restera toujours garant
de son fait personnel. C'est la garantie de fait. Le cessionnaire a un droit de
recours contre le cédant lorsqu'il apprend que la créance était inexistante
ou déjà éteinte ou cédée antérieurement à un autre. Il commet donc une
faute4.
La clause extensive tient à garantir au cessionnaire non seulement
l'existence de la créance, mais aussi la solvabilité du débiteur.
La loi dispose que le cédant « ne répond de la solvabilité du débiteur que
lorsqu’il s'y est engagé, et jusqu’à concurrence seulement du prix qu'il a retiré de sa

1 Art. 356, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Req., 23 oct. 1895.
3 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 317 ; F. TERRE et alii., op. cit., p. 1713.
4 Voir par ex. Amiens, 18 oct. 1956.

1397
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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créance »1. Le cédant ne garantira donc la solvabilité du débiteur qu'à


concurrence du prix qu'il a lui-même retiré de la créance et non du
montant de la créance.

D'autre part, la solvabilité que le cédant garantit ne concerne en


principe que la solvabilité actuelle. Mais si le cédant l'a stipulé expressément,
la garantie peut porter sur la solvabilité future : c'est la « clause de fournir et
faire valoir », qui fait du cédant la caution du cédé. La loi dispose que «
lorsqu'il a promis la garantie de la solvabilité du débiteur, cette promesse ne s'entend
que de la solvabilité actuelle, et ne s'étend pas au temps à venir, si le cédant ne l'a
expressément stipulé »2.

1 Art. 357, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 358, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1398
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 2
Les modes d'extinction des obligations
Aux termes de la loi, « les obligations s'éteignent par le payement, par la
novation, par la remise volontaire, par la compensation, par la confusion, par la perte
de la chose, par la nullité ou la rescision, par l'effet de la condition résolutoire, et par
la prescription »1.
La perte de la chose, la nullité et la résolution ont déjà été éditées
sous le contrat. On s'y référera.
Seront étudiées ici, l'extinction de l'obligation par l'exécution
normale de celle-ci : le paiement. À côté du paiement, nous verrons
l'extinction de l'obligation par le fait de la volonté des parties
contractantes, d'une part, et par le fait de la loi, d'autre part.

Section 1
Le paiement

L'obligation est un lien de droit. Le débiteur est « lié » envers le


créancier. Le dénouement de ce lien consiste normalement dans
l'exécution de la prestation due, c'est-à-dire dans le paiement.
Le paiement, mode naturel d'extinction de toute obligation, n'est
autre chose que l'exécution volontaire de la prestation due2. Le terme a donc,
dans la langue juridique, un sens plus général que dans le langage
courant, dans lequel, payer, c'est d'abord remettre au créancier la somme
d'argent qui lui est due.
Le paiement est l'exécution de la prestation due par le débiteur quel
qu'en soit l'objet. C'est l'exécution de son obligation par le débiteur. Aux
termes de la loi, « tout payement suppose une dette »3 ou une obligation.
La prestation faite par le débiteur a donc pour cause et but est d'éteindre
son obligation. Le paiement apparaît ainsi comme le mode le plus normal
d'extinction des obligations. Le paiement effectué sans qu'il n'y ait une
obligation correspondante est indu et donne droit à répétition.
Le paiement ainsi entendu en droit peut être l'œuvre volontaire du
débiteur, auquel cas on parle de paiement pur et simple ; mais il peut

1 Art. 132, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1492.
3 Art. 133, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1399
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

aussi être celle d'un tiers qui a voulu prendre la place de l'ancien créancier
pour devenir le nouveau créancier du débiteur : c'est le paiement par
subrogation. Par ailleurs, la dette peut aussi être payée sans que le
débiteur n'est véritablement exécuté l'obligation, ni qu'un tiers l'ait fait à
sa place dans l'intention de devenir son créancier, mais par le fait de
l'extinction de deux dettes qu'avaient réciproquement le créancier et le
débiteur : c'est le paiement par compensation.

Sous-section 1
Le paiement pur et simple

Paragraphe 1
Qui peut payer ?

La loi dispose qu' « une obligation peut être acquittée par toute
personne qui y est intéressée, telle qu'un coobligé ou une caution.
L'obligation peut même être acquittée par un tiers qui n'y est point
intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquît du débiteur,
ou que, s'il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du
créancier »1.
Ainsi donc, le solvens — celui qui paie — est normalement le
débiteur. En cas de pluralité de débiteurs, chacun d’entre eux est tenu au paiement,
pour partie ou pour le tout, selon qu’ils sont codébiteurs divis ou
solidaires. Il peut s’agir encore d’un mandataire du débiteur.
Le paiement peut être acquitté par toute personne qui y est intéressée.
Sont intéressés, au premier chef, les coobligés ou cautions, que le texte cite
à titre d’exemples. Mais est aussi intéressé, le tiers détenteur d’un immeuble
hypothéqué à la dette, qui n’est certes pas tenu personnellement au
paiement, mais y a intérêt à raison de la sûreté réelle qui grève son bien.
L'obligation peut même être acquittée par un tiers qui n'y est point
intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquît du débiteur, ou que,
s'il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier. La
première hypothèse — celle du tiers agissant au nom du débiteur —
répond à la définition du mandat ou de la gestion d’affaires. La seconde
— celle du tiers agissant en son nom propre — suggère la réalisation

1 Art. 134, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.

1400
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

d’une libéralité indirecte faite par le tiers-solvens au débiteur. Cette


hypothèse est très exceptionnelle1.
Ainsi donc, le paiement proposé par un tiers, qu’il en soit tenu ou
non, ne peut en principe être refusé par le créancier dès lors qu’il a pour objet
la totalité de la dette2.
Il n’en est autrement que lorsque le créancier a intérêt que l’obligation soit
remplie par le débiteur lui-même. La loi dispose que « l'obligation de faire ne peut
être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu'elle
soit remplie par le débiteur lui-même »3. Tel est le cas en particulier si la
considération de la personne du débiteur — l’intuitus personae — a été
déterminante de la formation du lien obligatoire. Ainsi, une commande
passée à tel artiste ne peut être exécutée par tel autre. Il en est encore
ainsi si le créancier a un intérêt légitime à refuser le paiement du tiers,
notamment si ce paiement est de nature à lui causer un préjudice ou à le
priver d’un avantage.

Paragraphe 2
Validité du paiement

Pour payer valablement, il faut « être propriétaire de la chose donnée en


payement et capable de l'aliéner »4. À défaut, le paiement sera nul, de nullité
relative. Ne pourront l'invoquer, que le créancier et le débiteur, à défaut
de la première condition ; le débiteur seul, à défaut de la deuxième.
Si le solvens n’était pas propriétaire de la chose remise en paiement,
la nullité peut être invoquée aussi bien par le créancier que par le solvens
lui-même. Quant au solvens, il a intérêt à obtenir la nullité du paiement
en raison des poursuites auxquelles il est exposé de la part du légitime
propriétaire du bien remis en paiement.
L’incapacité, au contraire, ne peut être invoquée que par le solvens
incapable lui-même, conformément au droit commun de la nullité en la
matière, car c'est lui qui est protégé. Cela dit, le paiement vicié ayant
éteint son obligation, qui renaîtrait en cas d’annulation, l’incapable n’a
pas, en règle générale, intérêt à demander cette nullité. Il n’en est

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1495.


2 Idem.
3 Art. 135, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 136 al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1401
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

autrement que si le paiement lui a été préjudiciable, par exemple parce


qu’il l’a fait avant terme ou parce que, s’agissant d’une dation en
paiement, la valeur du bien cédé est supérieure au montant effectif de sa
dette.
Cette double condition ne concerne en réalité, que les paiements qui
emportent transfert de la propriété de certains biens. Il en est encore ainsi pour
la dation en paiement.
Toutefois, la nullité du paiement ne peut être invoquée dans le cas
d'une somme d'argent ou d'une chose qui est consomptible, lorsque le créancier
l'a consommé de bonne foi. La loi dispose en effet que « le paiement d'une
somme en argent ou autre chose qui se consomme par l'usage, ne peut
être répété contre le créancier qui l'a consommée de bonne foi, quoique
le payement en ait été fait par celui qui n'en était pas propriétaire ou qui
n'était pas capable de l'aliéner »1.

Paragraphe 3
À qui doit être fait le paiement ?

En principe, « le paiement doit être fait au créancier, ou à quelqu’un ayant


pouvoir de lui ou qui soit autorisé par la justice ou par la loi à recevoir pour lui »2.
Il peut donc s'agir du créancier lui-même, ou de son représentant
conventionnel — le mandataire —, légal — dans l'hypothèse d'un tuteur
— ou judiciaire — cas de l'administrateur des biens de l'absent —.
Autrement, « le paiement fait au créancier n'est point valable s'il était
incapable de le recevoir, à moins que le débiteur ne prouve que la chose payée a tourné
au profit du créancier »3.
Ainsi, dans trois cas, le paiement peut être libératoire, bien que fait
à une personne n'ayant pas pouvoir de recevoir pour le créancier. Primo,
« le payement fait à celui qui n'aurait pas pouvoir de recevoir pour le
créancier, est valable, si celui-ci le ratifie » ; deusio, « s'il en a profité » ;
troisièmement, « le payement fait de bonne foi à celui qui est en possession

1 Art. 136 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Art. 137 al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 139, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1402
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

de la créance, est valable ». Ainsi, le paiement fait à un mandataire


apparent éteint l'obligation du débiteur1.
A contrario, le paiement fait à un tiers sans une telle qualité est nul.
C'est le sens de l'adage « qui paye mal, paye deux fois ».

Paragraphe 4
Que doit comprendre le paiement ?

Le principe posé est que le débiteur paie la chose due, et il l'a paie en
totalité.

Point 1
Le débiteur doit payer la chose due

Le débiteur doit payer la chose due, c'est-à-dire, celle-là même qui a


fait l'objet de la dette. La loi dispose que « le créancier ne peut être contraint
de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose
offerte soit égale, ou même plus grande »2.
S'il s'agit d'un corps certain et déterminé, le débiteur est libéré par
la remise de la chose en l'état où elle se trouve lors de la livraison, pourvu
que les détériorations qui y sont survenues ne viennent point de son fait
ou de sa faute, ni de celle des personnes dont il est responsable, ou
qu'avant ces détériorations il ne fût pas en demeure3.
Si la dette est d'une chose qui ne soit déterminée que par son espèce
ou une chose certaine, le débiteur ne sera pas tenu, pour être libéré, de
la donner de la meilleure espèce ; mais il ne pourra l'offrir de la plus
mauvaise4.
Toutefois, le créancier peut accepter en paiement une chose autre que la chose
due : il y a dation en paiement5.

1 Léo., 14 mai 1929.


2 Art. 141, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 143, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 144, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 329.

1403
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Le débiteur doit payer la totalité de la dette

Par ailleurs, tenu de payer la chose due, le débiteur doit la payer en


totalité. La loi dispose que « le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir
en partie le payement d'une dette, même divisible »1.
Toutefois, ce principe doit être atténué.
Le créancier peut toujours librement accepter des paiements partiels ou
fractionnés. Tel est très généralement son intérêt pour les créances de
sommes d’argent. En matière contractuelle, un acompte, qui n’est autre
chose qu’un paiement partiel, est d’ailleurs très souvent exigé.
Par ailleurs, la convention peut prévoir des paiements partiels échelonnés,
l’hypothèse type étant celle du remboursement fractionné des prêts.
Aussi, l’extinction partielle s’impose au créancier si le débiteur est
en mesure de se prévaloir de la compensation à concurrence d’une partie
de sa dette, la compensation étant de droit si les conditions en sont
remplies. Le créancier est alors contraint d’accepter, pour le reste, un
paiement partiel.
Également, le créancier doit, suivant les circonstances, diviser ses
poursuites entre plusieurs débiteurs, qui ne lui doivent qu’une part dans
la dette : il en est ainsi en cas de division.
Enfin, les juges peuvent accorder un délai de grâce au débiteur pour
le paiement de toute ou partie de la dette. La loi dispose que « les juges
peuvent néanmoins, en considération de la position du débiteur, et en
usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais
modérés pour le payement, et surseoir l'exécution des poursuites, toutes
choses demeurant en état »2.

1 Art. 142 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Art. 142 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1404
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 5
Époque, lieu et frais de paiement

Point 1
Époque

Le paiement s'effectue le jour convenu si la dette est à terme. Si elle


est pure et simple, il s'effectue immédiatement.
Quelques atténuations cependant.
Déjà, l’arrivée du terme ne constitue pas de plein droit le débiteur
en demeure. Il n’est donc juridiquement en retard qu’après mise en
demeure.
Ensuite, le débiteur garde la faculté laissée au débiteur de s’acquitter
de sa dette par anticipation, en renonçant au bénéfice du terme, qui est
présumé stipulé en sa faveur. Il appartiendrait donc au créancier qui
entendrait refuser un tel paiement de prouver que le terme avait été
stipulé en sa faveur ou dans l’intérêt commun des deux parties.
Enfin, le juge peut accorder des délais de grâce.
Si l’obligation ne comporte pas de terme déterminé, le débiteur
n’est tenu de payer qu’après avoir été mis en demeure.

Point 2
Lieu

En principe, « le payement doit être fait au domicile du débiteur »1. C'est le


sens de l'adage « la dette est quérable et non portable ». Il appartient au
créancier de « quérir » son dû auprès du débiteur et non à celui-ci de le «
porter » au créancier. Il s'agit du domicile du débiteur au jour du
paiement et non au jour du contrat2.
Cependant, la règle fixant le lieu du paiement est supplétive. Les
parties peuvent librement désigner dans leur convention tout autre lieu
où le paiement doit être fait. En ce cas, dit la loi, « le payement doit être
exécuté dans le leu désigné par la convention »3.

1 Art. 145 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ., 9 juill. 1895.
3 Art. 145 al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1405
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ainsi, les créances sont-elles fréquemment stipulées portables : le


créancier a généralement intérêt à obliger le débiteur à venir payer la
dette à son propre domicile. Il a été jugé que la renonciation par le
débiteur au caractère quérable pouvait être implicite1.

Point 3
Frais

Aux termes de la loi, « les frais du payement sont à la charge du débiteur


»2.

Paragraphe 6
Imputation des paiements

Lorsque le débiteur doit s'acquitter de plusieurs dettes ayant pour


objet des choses de même nature, et qu'il verse à titre de paiement une
somme qui ne suffit pas à les acquitter toutes, il faudra déterminer
quelles sont les dettes qui seront éteintes les premières.
Le principe est que le débiteur détermine librement la dette qu'il entend
acquitter de préférence. La loi dit que « le débiteur de plusieurs dettes a le droit
de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter »3.
Toutefois, si le débiteur n'use pas de son droit, le choix pourra être fait par
le créancier. En effet, dit la loi, « lorsque le débiteur de diverses dettes a
accepté une quittance par laquelle le créancier a imputé ce qu'il a reçu
sur l'une de ces dettes spécialement, le débiteur ne peut plus demander
l'imputation sur une dette différente, à moins qu'il n'y ait eu dol ou
surprise de la part du créancier »4.
Lorsque le débiteur ni le créancier n'use de son droit, c'est la loi qui
réglemente l'imputation : « lorsque la quittance ne porte aucune
imputation, le payement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait
pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement
échues, si non sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui

1Cass. fr., Civ. 1re, 25 janv. 1961.


2 Art. 146, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 151, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 153, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1406
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ne le sont point. Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur
la plus ancienne : toutes choses égales, elle se fait proportionnellement
»1 .
En clair, l'imputation se fait sur la créance échue avant la non-échue. Si
toutes sont échues, sur la plus onéreuse pour le débiteur, c'est-à-dire, celle
qu'il a le plus intérêt à acquitter. Si toutes sont échues et également
onéreuses, elle se fait sur la plus ancienne en date. Si l'égalité persiste
toujours, l'imputation se fait sur toutes proportionnellement.

Paragraphe 7
Offre et consignation

Contenu indisponible.

Sous-section 2
Paiement avec subrogation

Il arrive fréquemment que le paiement soit fait par un autre que le


véritable débiteur — une caution par exemple — ou que l'un des
codébiteurs paie au-delà de sa part dans la dette, en particulier lorsque,
tenu solidairement, il est tenu à un tel paiement intégral. À moins qu'il
ait agi avec une intention libérale, il est en droit d’agir en remboursement
contre le débiteur principal ou en contribution contre ses codébiteurs.
Il dispose très généralement à cet effet d’un double recours2. Il
bénéficie en premier lieu d’une action personnelle, fondée sur le mandat ou
la gestion d’affaires, selon qu’il aura agi à la demande du débiteur ou pour
lui rendre service, sans avoir reçu d’instructions à cet effet. Si l’on ne
peut déceler ni mandat, ni gestion d’affaires, le recours contre le véritable
débiteur peut, en dernière analyse, trouver un fondement dans
l’enrichissement sans cause.
Le tiers-solvens peut exercer, en outre, si certaines conditions sont
remplies, une action fondée sur la subrogation dans les droits du créancier
désintéressé.
Le terme subrogation est synonyme de remplacement ou de
substitution. Il y a subrogation réelle quand une chose remplace une autre
dans un patrimoine en se soumettant au même régime juridique. Il y a

1 Art. 154, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1554.

1407
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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subrogation personnelle quand une personne en replace une autre comme créancière —
et non pas comme débitrice, car, il n'y a pas de cession de dette chez nous — dans le
rapport d'obligation.
La subrogation personnelle apparaît bien comme la substitution
d’une personne à une autre, en l’occurrence de celui qui a payé au
créancier bénéficiaire du paiement. Elle constitue ainsi un mode de
transmission des droits du créancier, puisque ce sont bien les droits
préexistants de celui-ci qui échoient au solvens subrogé. Mais elle est
surtout un effet du paiement par un tiers ou un coobligé.
L'intérêt de l'action en subrogation peut dans certaines
circonstances s'avérer important1. L'existence d'un recours personnel
très largement ouvert (mandat, gestion d'affaires, enrichissement sans
cause) semble, à première vue, rendre superflu le recours au mécanisme
plus complexe de la subrogation, surtout si l'on ajoute que l'action
personnelle permet au solvens d’obtenir, outre le remboursement de ce
qu’il a effectivement payé, les intérêts moratoires de cette somme, le
remboursement des frais exposés et même, le cas échéant, des
dommages et intérêts. Au contraire, le tiers-solvens subrogé, exerçant les
droits du créancier qui lui sont dévolus, ne peut jamais obtenir par cette
voie que le strict remboursement de ce qui était dû à ce dernier.
L’action fondée sur la subrogation présente cependant un intérêt
substantiel, parfois décisif, qui résulte de la transmission au subrogé des droits
du créancier avec tous ses accessoires : sûretés et privilèges, actions en justice
ou tous autres droits préférentiels ou avantages liés à la créance acquittée.
Agissant par la voie de la subrogation contre le véritable débiteur ou
contre un codébiteur, le solvens sera ainsi en meilleure position, si la
créance était assortie de telles sûretés ou droits préférentiels, dès lors
qu’il sera en concours avec d’autres créanciers.
Mais il se peut, à l’inverse, que l’action du créancier qu’il entend
exercer soit prescrite ou, du moins, que le délai de prescription soit déjà
partiellement écoulé, alors que reste ouverte l’action personnelle, dont la
prescription, qui peut comporter un délai différent, ne commence à
courir qu’à compter du paiement fait.
Les deux actions ne sont nullement exclusives l’une de l’autre.
Suivant les circonstances, c’est-à-dire suivant la situation du débiteur et
les chances de succès de son recours, le tiers solvens choisira l’une ou
l’autre des voies. Rien n’interdit cependant d’agir simultanément, à
toutes fins utiles, sur les deux fondements.

1 Idem., pp. 1554-1555.

1408
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 1
Espèces de subrogation

La loi distingue deux modes de subrogation : la subrogation légale


et la subrogation conventionnelle. Aux termes de la loi, « la subrogation dans
les droits du créancier au profit d'une tierce personne qui le paie, est ou conventionnelle
ou légale »1.
La subrogation peut être légale et résulter de la loi elle-même, en ce
que ni le créancier ni le débiteur ne devront avoir manifesté leur
intention de faire une subrogation. Celle-ci s'impose donc aux parties et
la créance passe de plein droit sur la tête du tiers solvens. Mais la
subrogation est plus souvent conventionnelle, résultant d'une convention
intervenue soit entre le créancier et le tiers solvens, soit entre celui-ci et le débiteur.

Point 1
La subrogation conventionnelle

La subrogation conventionnelle peut procéder d'un accord entre le


solvens, c'est-à-dire, celui qui paie — et qui devra subroger le créancier
— et, suivant les circonstances, tantôt le créancier, tantôt le débiteur.
Aux termes de la loi, la subrogation est conventionnelle et
consentie par le créancier « lorsque le créancier, recevant son paiement d’une tierce
personne, la subroge ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur ».
La subrogation est consentie par le débiteur « lorsque le débiteur emprunte
une somme à l’effet de payer sa dette et de subroger le prêteur dans les droits du
créancier »2. On remarque que dans le premier cas, le tiers remet les
sommes au créancier, et dans le second, au débiteur.

A. Subrogation consentie par le créancier

Les raisons pour lesquelles un tiers peut envisager de payer une


dette libératoire pour un débiteur sans y être tenu sont à première vue
diverses. L’initiative peut venir, d’ailleurs, du créancier lui-même qui,
souhaitant rentrer dans ses fonds alors que sa créance n’est pas échue,

1 Art. 147, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 148, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1409
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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trouvera d’autant plus facilement un tiers qui acceptera de le payer qu’il


pourra le subroger dans ses droits contre le débiteur. La subrogation
conventionnelle apparaît alors comme une réelle alternative à la cession
de créance, les parties pouvant réaliser l’objectif de l’une ou l’autre façon.
La subrogation est consentie par le créancier « lorsque le créancier,
recevant son payement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits,
actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur ». Le créancier qui
reçoit la somme et accorde subrogation est dit « subrogeant », le tiers
bénéficiaire est « subrogé ».
La subrogation consentie par le créancier « doit être expresse, et
faite en même temps que le paiement ».

1. Conditions de fond

Le créancier devra consentir à l'opération. Le tiers ne pourra l'y


contraindre. Mais le tiers pourra éventuellement, en cas de refus, se
tourner vers le débiteur.
Le paiement doit être le fait d’un tiers. Il ne peut ainsi y avoir de
subrogation conventionnelle par le créancier si le paiement est fait par le
débiteur lui-même1.
La subrogation suppose que les fonds soient directement versés par
le tiers au créancier subrogeant2 ou, du moins, que le paiement fait par
le débiteur le soit en qualité de mandataire du tiers3.

2. Conditions de forme

La subrogation doit être expresse. La volonté du créancier doit être


clairement exprimée. Elle ne se présume pas. Le principe demeure que le
paiement emporte extinction de la dette, du moins en l’absence de
subrogation légale.
Si aucune formule sacramentelle, ni même l’emploi du terme
subrogation, ne sont imposés, il faut du moins que les parties aient
clairement exprimé leur intention de substituer le solvens dans les droits
du créancier subrogeant4. Le juge apprécie.

1 Cass. fr., Com., 4 nov. 1969.


2 Cass. fr., Civ., 13 juin 1914.
3 Cass. fr., Req., 3 févr. 1936.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 18 oct. 2005.

1410
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La loi n'impose pas de formule solennelles pour la subrogation


consentie par le créancier. Elle peut être constatée aussi bien par acte
sous seing privé que par acte authentique, ou le plus souvent par la
quittance remise au solvens. Elle pourrait même être verbale, quitte à
pouvoir être prouvée.

3. Conditions de temps

La subrogation doit faite en même temps que le payement. Cela implique


seulement qu'elle doit se faire au plus tard en même temps que le
paiement1. Il ne peut donc, en principe, y avoir subrogation ni par
anticipation2, ni a posteriori, la créance étant définitivement éteinte par
l’effet du paiement intervenu et ne pouvant être ressuscitée par un
accord postérieur entre le créancier et le tiers solvens3. C’est pourquoi,
précisément, la subrogation est très généralement portée sur la quittance
établie par le créancier au moment du paiement.
Ces conditions sont les seules. Ainsi n’est-il pas nécessaire que la
quittance énumère les droits ou actions dans lesquels le solvens est
subrogé : dès lors que le principe de la subrogation est acquis, tous les
accessoires suivent la créance transmise4.

B. Subrogation consentie par le débiteur

La subrogation consentie par le débiteur se fait « lorsque le débiteur


emprunte une somme à l'effet de payer sa dette et de subroger le prêteur
dans les droits du créancier ».
L’hypothèse est celle d’un débiteur qui, désireux de s’acquitter de
sa dette, emprunte à cette fin les fonds nécessaires auprès d’un tiers qu’il
subroge dans les droits du créancier à titre de garantie. L’intérêt de
l’opération réside principalement dans les conditions meilleures
consenties par le prêteur par rapport à celles de la dette initiale, en
particulier quant au taux des intérêts5.
La loi dispose qu' « il faut, pour que cette subrogation soit valable,
que l'acte d'emprunt et la quittance soient passés devant notaires ; que, dans l'acte

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 340. Voir par ex. Léo., 23 avr. 1957.
2 Cass. fr., Civ. 1re, 23 mars 1999.
3 Cass. fr., Req., 13 août 1855.
4 Cass. fr., Civ., 25 févr. 1913.
5 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 341.

1411
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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d'emprunt, il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le payement,
et que, dans la quittance, il soit déclaré que le payement a été fait des deniers
fournis à cet effet par le nouveau créancier. Cette subrogation s'opère sans le
concours de la volonté du créancier ».
En clair, l'acte d'emprunt doit être passé devant le notaire. Il doit
mentionner que la somme empruntée est destinée au paiement. De
même, la quittance constatant le paiement doit également être faite par
acte authentique et mentionner que les deniers ayant servi au paiement
proviennent de cet emprunt. La procédure requiert ainsi l'intervention
du créancier, mais sa résistance peut être brisée par la procédure des
offres réelles.
Le formalisme rigoureux peut se justifier par le risque de fraude.
Un débiteur dont les biens sont grevés de diverses hypothèques et qui a
remboursé le créancier hypothécaire de premier rang, aurait pu, sans les
précautions prises, être tenté, pour obtenir de nouveaux crédits, de faire
revivre l’hypothèque éteinte en antidatant le nouveau prêt, avec
subrogation dans cette hypothèque du nouveau créancier, au détriment
des autres créanciers hypothécaires1.

Point 2
Subrogation légale

Aux termes de la loi, « la subrogation a lieu de plein droit : au profit


de celui qui, étant lui-même créancier, paie un autre créancier qui lui est
préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques ; au profit de
l’acquéreur d’un immeuble, qui emploie le prix de son acquisition au
paiement des créanciers auxquels cet héritage était hypothéqué ; au profit
de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la
dette, avait intérêt de l’acquitter »2.
Il s'agit là des trois hypothèses limitatives de subrogation de plein droit,
ayant lieu sans la volonté des créancier ou débiteur. Il y a d'abord
l'hypothèse du créancier préférable ; celle de l'acheteur d'un immeuble
hypothéqué ; et celle du codébiteur solidaire ou de la caution.

1Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1566.


2 Art. 149, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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A. Cas de créancier préférable

La subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant lui-


même créancier, paie un autre créancier qui lui est préférable à raison de ses privilèges
ou hypothèques.
C'est l'hypothèse ici du débiteur qui a au moins deux créanciers. Il
peut s'agir d'un créancier chirographaire et d'un créancier privilégié —
hypothèque, gage —, soit de deux créanciers privilégiés mais dont l'un a
un rang supérieur à l'autre. Il advient alors que le créancier
chirographaire paie un créancier privilégié ou que le créancier privilégié
de rang inférieur paie celui de rang supérieur.
L'intérêt serait pour celui qui paie d'éviter la faillite du débiteur,
faillite dont il ne retirera qu'un petit dividende, la grande partie étant
passée chez l'autre créancier qui aurait fait prévaloir ses droits sans
attendre.
Le créancier qui aura ainsi payé à temps est subrogé par la loi dans
tous les droits de l'autre. Il pourra ainsi se faire payer non seulement ses
propres dettes, mais aussi celles du créancier qu'il a subrogé.
Pour ce faire, il faut que le solvens soit d'abord lui-même créancier. Il
peut être chirographaire, privilégié ou hypothécaire. Le solvens doit
payer un créancier préférable. Il faut un véritable paiement, c'est-à-dire le
paiement d'une dette échue et paiement intégral.

B. Cas de l'acheteur d'un immeuble hypothéqué

La subrogation a lieu de plein droit au profit de l’acquéreur d’un


immeuble, qui emploie le prix de son acquisition au paiement des créanciers auxquels
cet héritage était hypothéqué.
L'acquéreur d'un immeuble hypothéqué n'est pas personnellement
tenu des dettes hypothécaires du chef de son vendeur, mais l'immeuble
étant grevé d'hypothèques, les créanciers hypothécaires du vendeur
peuvent le saisir entre les mains de l'acquéreur en vertu de leur droit de
suite.
Afin d'éviter la saisie et la vente de l'immeuble, l'acquéreur a la
faculté de remettre les prix d'acquisition aux créanciers hypothécaires.
La loi le subroge alors dans les droits de ceux-ci.
Pour ce faire, le paiement doit être fait par le nouveau propriétaire de
l'immeuble, à l'exclusion des acquéreurs d'autres droits réels immobiliers.
Il faut un véritable paiement, et non une donation ni un échange. Le prix
doit être remis dans les mains des créanciers hypothécaires.

1413
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C. Cas de la personne tenue avec d'autres ou pour


d'autres

La subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu


avec d’autres — c'est l'hypothèse de la solidarité passive — ou pour
d’autres — cas de la caution — au paiement de la dette, avait intérêt de
l’acquitter.

Paragraphe 2
Effets de la subrogation dans le paiement

Les effets de la subrogation se rapprochent de ceux de la cession


de créance, mais avec quelques limites. Elle opère en principe un effet
translatif du rapport d'obligation, mais limité.

Point 1
Principe de l'effet translatif

Le subrogé est mis à place juridique du créancier désintéressé. Il


acquiert non seulement la créance elle-même, mais aussi tous les droits des
actions, privilèges et sûretés, qui sont liés à cette créance, bref tous les
accessoires de la créance1. Elle migre également avec les exceptions que
pouvait opposer le débiteur au créancier subrogeant2.
La subrogation s'approche ainsi de la cession de créance, mais sous
quelques limites3.

Point 2
Limitations à l'effet translatif de la subrogation

Le subrogé n'est mis à la place du créancier désintéressé que parce


qu'il a effectué un paiement. Le fait que la subrogation emporte un
paiement influe sur sa nature. De là, des différences avec la cession de
créance. La subrogation n'intervient que pour garantir le remboursement
au profit du subrogé.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 3 mai 1978.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 18 oct. 2005.
3 Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 348-350.

1414
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Première différence, en matière de subrogation, c'est le paiement qui


fixe le moment où la subrogation se produit. Par contre, le moment du transfert
en cas de cession de créance diffère pour les parties et pour les tiers, et
à l'égard de ces derniers, les effets ne sortent qu'après les formalités de
signification ou d'acceptation. Le moment des effets à l'égard des tiers
emporte des conséquences. Ainsi par exemple, lorsque le paiement est
effectué, la créance sort du patrimoine du subrogeant et les créanciers de
celui-ci ne pourront plus le saisir1.
Autre différence, le subrogé ayant fait un paiement dispose d'actions
personnelles — de mandat, de gestion d'affaires, ou d'enrichissement sans
cause — et d'une action fondée sur la subrogation. Par contre, le
cessionnaire n'a aucune action personnelle contre le débiteur.
Par ailleurs, le subrogé ne prend la place du créancier et n'a de recours contre
le débiteur que dans la mesure de ce qu'il effectivement payé.
Ainsi par exemple, s'il n'a payé que 20.000 sur les 30.000 que doit
le débiteur, il ne pourra recouvrer que ces 20.000 là, et non 30.000
comme il serait le cas s'il s'agissait d'une cession de créance.
Cette solution s'applique quand bien même le créancier subrogeant
désintéressé pour une partie seulement aurait accordé une remise de
dette pour le reste.
Par ailleurs, la subrogation étant un paiement, elle ne droit pas nuire
au créancier. Celui-ci doit pouvoir conserver la situation qu'il aurait s'il
avait reçu un paiement. Le créancier conserve donc ses intérêts jusqu'à
paiement complet. S'il n'est pas payé intégralement, il a le droit d'exercer
ses droits pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers subrogé dont il n'a
reçu qu'un paiement partiel.

Paragraphe 3
Comparaison de la subrogation personnelle et de la cession de
créance2

La parenté entre les deux procédés est évidente : dans les deux cas,
une créance est transmise à un tiers avec ses caractéristiques propres et ses accessoires.
Des différences importantes distinguent cependant les deux techniques.

1 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 1re, 25 janv. 2005.


2 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1576.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
Du point de vue de la finalité

Du point de vue de leur finalité, la cession de créance est une vente en


principe. Elle constitue souvent un acte spéculatif, le cessionnaire
n’acquittant, à titre de contrepartie du risque de non-recouvrement qu’il
assume, qu’un prix inférieur au montant nominal de la créance.
La subrogation est d’abord un effet, voulu par la loi ou par les parties,
d’un paiement. La différence d’esprit et de finalité est évidente lorsque le
solvens est lui-même débiteur ou trouve un intérêt dans le paiement qu’il
effectue : la subrogation est alors avant tout pour lui un moyen de
faciliter le remboursement des sommes payées. Elle ne l’est pas moins
lorsqu’un tiers, non tenu au paiement, a acquitté la dette du débiteur
pour lui rendre service ou comme bailleur de fonds.

Point 2
Du point de vue des conditions

Du point de vue des conditions de réalisation, la cession de créance


intervient, très généralement, à l’initiative du créancier et requiert, en toute
hypothèse, son accord. Par contre, la subrogation se réalise en dehors du
créancier, lorsqu’elle est un effet légal du paiement, et même contre lui
lorsque, plus rarement, elle est consentie par le débiteur.

Point 3
Du point de vue des effets

Du point de vue des effets surtout, les différences sont à l’avantage


tantôt de la cession, tantôt de la subrogation. Ainsi, la cession permet au
cessionnaire d’exiger le paiement de la totalité de la créance cédée, quel que
soit le prix qu’il a payé. Cependant, la subrogation ne produit son effet
que dans la limite du montant payé.
En cas de cession partielle de la créance, le cessionnaire vient au même
rang que le créancier, auquel reste due l’autre partie de la créance. Mais le
subrogé se heurte, en cas de paiement partiel, à la priorité réservée au
subrogeant.

1416
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Sous-section 3
Le paiement par compensation

Paragraphe 1
Définition

La compensation est l’extinction simultanée de deux obligations de même


nature — en particulier de deux sommes d'argent — dont sont tenues deux personnes
réciproquement créancières et débitrices l’une de l’autre1. Aux termes de la loi, «
lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles
une compensation qui éteint les deux dettes »2.
Il en est ainsi lorsque, pour une raison quelconque, un débiteur
devient lui-même créancier de son créancier, ou inversement, lorsqu’un
créancier devient débiteur de son débiteur, quelle que soit de part et
d'autre la source des obligations — contractuelles ou non —.
L’extinction est totale si les deux obligations sont d’égal montant.
Plus souvent, les obligations étant de montant inégal, elle n’est que
partielle, à concurrence du plus faible des deux montants.
La parenté avec le paiement est telle qu’il est d’usage de parler de
paiement par compensation. Par une sorte de raccourci simplificateur, chacun
est censé avoir acquitté sa dette moyennant renonciation, à due
concurrence, à sa créance réciproque. La compensation est ainsi
présentée, parfois, comme « un double paiement automatique »,
l’automatisme étant seulement tempéré par le fait que la compensation
ne produit son effet extinctif que si l’un des débiteurs le demande. Aussi,
plutôt qu’un double paiement, la compensation est « une double dispense de
paiement »3.
L’effet premier de la compensation est l’extinction simultanée des deux
obligations réciproques. Mais elle est aussi autre chose et plus qu’un très
simple et très utile mode de libération des débiteurs réciproquement
obligés : elle constitue pour eux, en leur qualité de créanciers, l’équivalent
d’un très efficace privilège — au sens de garantie ou de sûreté —. Elle
permet en quelque sorte au créancier de s’approprier la créance de son
débiteur à son propre égard sans avoir à craindre aucun concours. Elle lui
permet en effet non seulement d’échapper au risque d’insolvabilité de

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1750.


2 Art. 181, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1750.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

son débiteur et à tous les tracas et aléas du recouvrement de sa créance,


mais encore de se soustraire à tout concours avec d’autres créanciers,
aussi favorable que soit le rang de leurs éventuels privilèges.
Cet intérêt est tel qu’il a fallu régler avec précision les conditions
dans lesquelles ce mode privilégié de règlement des créances peut être
admis.

Paragraphe 2
Conditions générales de la compensation

La compensation exige l'existence de deux dettes. Elles peuvent être


d'origine diverses — contrat, quasi-contrat ou quasi-délit1 —.
Les deux dettes doivent exister entre deux personnes tenues
réciproquement et personnellement l'une envers l'autre — ce qui distingue la
compensation de la confusion —. Aux termes de la loi, « la
compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à
l’insu des débiteurs, les deux dettes s’éteignent réciproquement à l’instant
où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités
respectives »2.

Paragraphe 3
Espèces de compensation

La compensation peut être légale, conventionnelle ou judiciaire.


Prévue par la loi, la compensation est un mode d'extinction des
obligations qui opère sans la volonté des parties, de manière automatique, une
fois que des conditions bien précises sont réunies.
Toutefois, les parties et le juge peuvent opérer compensation de
dettes, bien que les conditions légales n'étant pas réunies, du moment,
du moins, que sont réunies les conditions générales ci-dessus étudiées.

Point 1
La compensation légale

1 Art. 185, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 182, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La compensation n’a lieu qu’entre obligations réciproques, fongibles,


liquides et exigibles.
Aux termes de la loi, « la compensation s’opère de plein droit par
la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs, les deux dettes
s’éteignent réciproquement à l’instant où elles se trouvent exister à la
fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives »1. Par ailleurs, «
la compensation n’a lieu qu’entre deux dettes qui ont également pour objet une somme
d’argent ou une certaine quantité de chose fongibles de la même espèce et qui sont
également liquides et exigibles »2.

A. Conditions de la compensation légale

1. Réciprocité des obligations

Les deux obligations doivent exister entre les deux mêmes personnes
réciproquement débitrices et créanciers l'une de l'autre.
La personne doit figurer dans ce lien personnellement. Ainsi, un tuteur
ne peut pas opposer compensation à son créancier de la dette dont ce
dernier est tenu envers le pupille3, de même, le débiteur du tuteur ne
peut opposer à celui-ci sa propre créance envers le pupille.
En cas de pluralité de dettes compensables, « on suit pour la
compensation, les règles établies pour l’imputation »4.

2. Fongibilité des obligations

Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes


devises, pourvu qu’elles soient convertibles. Sont aussi fongibles, celles
qui ont pour objet une quantité de choses de même nature.
C'est que, la compensation doit mettre chacune des deux parties
dans la même situation que si les deux paiements avaient eu lieu, car
chaque créancier a le droit d'exiger ce qui lui est dû, et non autre chose5.

1 Art. 182, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 183, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Cass. fr., Civ., 11 mars 1902.
4 Art. 189, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 353.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il ne peut donc y avoir de compensation de droit entre des corps


certains, ou entre des choses fongibles de nature différente.
3. Liquidité des obligations

Une dette est liquide lorsqu'elle est certaine et que le moment en est
déterminé. Une créance dont le montant reste à fixer ne peut s’éteindre
par une compensation automatique. Tel est le cas par exemple, lorsqu'il
faut évaluer un préjudice en cas de responsabilité civile1. La dette existe,
mais son montant n'est pas encore évalué.

4. Exigibilité des obligations

Les deux obligations sont exigibles lorsqu'elles sont arrivées à


l'échéance. Cette condition exclut les dettes sous condition suspensive,
tant que la condition est pendante. A fortiori, une dette ne peut-elle être
éteinte par compensation avec une obligation naturelle, par définition
non exigible.
L’absence d’exigibilité ne peut, cependant, être invoquée que si elle
résulte d’un terme légal ou conventionnel. La loi dispose que « le terme de
grâce n’est point un obstacle à la compensation »2. Le délai de grâce constitue en
effet une faveur faite par le juge à un débiteur qui n’est pas en mesure
d’acquitter actuellement une dette échue. Étant fait en faveur du
débiteur, ce dernier peut y renoncer pour compenser sa dette. Par
ailleurs, la réunion des conditions d’une compensation démontre ipso
facto que le débiteur dispose d’un moyen de payer la dette, constitué par
la créance susceptible de compensation. Il serait alors choquant qu’un
débiteur puisse opposer la mesure de grâce à son créancier tout en
exigeant simultanément de celui-ci l’exécution stricte de son obligation
à son égard.

B. Cas où la compensation légale est écartée

La compensation légale est écartée3 en cas de demande en restitution


d'un objet dont le créancier propriétaire a été injustement dépouillé. De même, pour

1Cass. fr., Req., 25 juill. 1892.


2 Art. 184, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 185, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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la demande en restitution d'un dépôt ou d'un prêt à usage. La dette ayant pour objet
des aliments déclarés insaisissables par la loi ne peuvent en faire l'objet. La
compensation est enfin écartée quand elle doit porter préjudice aux droits
acquis par des tiers.

C. Effets de la compensation légale

En cas de compensation, « les deux dettes s’éteignent réciproquement à


l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités
respectives ». La compensation déroge ainsi à la règle selon laquelle le
créancier peut refuser un paiement partiel.
L’extinction des créances réciproques s’étend naturellement à leurs
accessoires. Elle arrête le cours des intérêts et interrompt la prescription, le cas
échéant, pour l’excédent de la dette.
Le débiteur peut toujours renoncer à la compensation. Il y est d'ailleurs
présumé, lorsqu'il accepte une cession de créance faite par son créancier à un tiers. La
loi dispose que « le débiteur qui a accepté purement et simplement la
cession qu’un créancier a faite de ses droits à un tiers, ne peut plus
opposer au cessionnaire la compensation qu’il eût pu, avant
l’acceptation, opposer au cédant »1.

Point 2
La compensation judiciaire

Elle n'est rendue possible que sur l'introduction d'une demande


conventionnelle par le défendeur original, ou par jonction de deux instances
principales dans lesquelles chacune des parties était demanderesse à tour
de rôle. Il appartient au juge d'autoriser une telle compensation2.

Point 3
La compensation conventionnelle

Lorsque deux personnes sont réciproquement créancière et


débitrice, pour quelque cause que ce soit, sans que les conditions de la
compensation légale soient remplies — les dettes peuvent donc ne pas
être fongibles, exigibles ou liquides —, le principe de la liberté des conventions

1 Art. 187 Al. 1, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ. 1re, 25 oct. 1978.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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postule qu'elles puissent décider de se libérer mutuellement, par


compensation de leurs obligations. Il suffit pour ce faire, que les
conditions générales de compensation soient réunies : existence de deux
dettes ; dans le chef de deux personnes tenues réciproquement1.
La compensation conventionnelle n'a d'effets qu'à partir de la date du
contrat ou au jour fixé à la convention. Elle ne peut avoir l'effet rétroactif
normal de la compensation légale.

Section 2
Modes volontaires d'extinction des obligations

Sous-section 1
La remise de dette

Paragraphe 1
Définition

La remise de dette est l'acte par lequel le créancier libère volontairement le


débiteur de tout ou partie de sa dette sans avoir obtenu ce qui lui était dû2. En clair,
c'est la convention par laquelle le créancier consent gratuitement au
débiteur, qui l'accepte, l'abandon complet ou partiel de sa créance3.
L’acte juridique portant remise de dette est tantôt à titre gratuit,
tantôt à titre onéreux. Cette dernière qualification s’appliquerait
notamment à la remise qui serait un élément d’une convention plus
complexe, telle qu’une transaction, une novation, une délégation, une
dation en paiement ou tout autre arrangement complexe innommé4.

1 Voir par ex. Req. 29 juill. 1935.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1825.
3 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 359.
4 Lire en ce sens, F. TERRE et alii., op. cit., p. 1825 ; P. MALAURIE et alii., op.

cit., p. 649 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 360.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Conditions

Point 1
Conditions de fond

La remise de dette étant un contrat, elle doit d'abord réunir les


conditions générales de l'article 8. Elle doit procéder d'un consentement non vicié
et clairement manifesté du créancier.
Aucune forme particulière n’est cependant requise et une volonté tacite peut
suffire, pourvu qu’elle soit certaine. Une telle volonté tacite, mais
certaine, peut résulter, notamment, de la destruction ou biffure
volontaire du titre1.
Étant en même temps une libéralité, elle devra réunir l'intention
libérale du créancier et la capacité de recevoir du débiteur.

Point 2
Conditions de forme

La remise de dette n'est soumise à aucune formalité sacramentelle.


Elle peut être expresse ou tacite. Elle n'est pas soumise aux règles propres à
l'obligation qu'elle veut étreindre. Toutefois, lorsque la remise est comprise
dans un testament, elle doit respecter les conditions de forme de
testament2.

Paragraphe 3
La preuve de la remise

La droit commun de la preuve est d'application, notamment l'exigence de


l'écrit pour les valeurs de plus de deux mille francs.
Toutefois, quelques présomptions légales de libération existent : la remise
volontaire faite au débiteur par le créancier du titre de sa créance fait présumer la
libération du débiteur. Cette présomption n'a lieu qu'à condition que la
remise ait été faite par le créancier ou son représentant au débiteur ou son représentant.
La remise doit être volontaire. La preuve d'une remise involontaire
incombe au créancier.

1 Cass. fr., Civ., 8 déc. 1886.


2 Paris, 15 oct. 1958.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Lorsqu'il s'agit de la remise d'un acte authentique, la présomption de


libération est simple et la preuve contraire peut être apportée par tous les
moyens1. Le créancier peut obtenir une nouvelle expédition (copie) et
démontrer qu'en remettant la grosse, il n'avait pas l'intention de libérer
le débiteur.
Cependant, lorsque le créancier remet l'acte sous seing privé constatant
la créance, la présomption de libération est irréfragable2. La loi suppose
que la remise d'un tel titre, à savoir, le seul moyen qu'il avait de prouver
son droit, fait présumer la volonté du créancier de libérer le débiteur.
C'est la différence avec l'acte authentique qui peut être reproduit avec
une procédure spéciale.

Paragraphe 4
Effets de la remise de dette

La remise de dette emporte disparition de la créance et de ses sûretés. Elle


éteint la créance en totalité ou en partie suivant qu'elle est totale ou partielle.
La remise d'une chose donnée en nantissement n'entraîne pas la
remise de la dette. La seule sûreté disparaît3.

Sous-section 2
La novation et la délégation

Paragraphe 1
La novation

Point 1
Définition

La novation est une opération juridique au moyen de laquelle une obligation


nouvelle est substituée à l'obligation originaire par l'effet d'un changement apporté à
l'un de ses éléments constitutifs4.

1 Art. 175, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 174, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 178, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 364.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La novation se distingue ainsi de la délégation en ce qu'elle éteint


une obligation, tandis que la délégation ne fait que provoquer la
naissance d'un nouveau lien d'obligation. Elle se distingue de la cession
de créance, en ce qu'elle provoque la naissance d'une obligation nouvelle,
alors que la cession de créance transmet l'ancienne obligation telle
qu'elle.
Recherchant son intérêt1, il se découvre que la technique de la
novation avait une importance considérable en droit romain, en raison
du principe de non-transmissibilité du lien obligatoire, donc de la
créance et de la dette. Elle offrait le moyen de contourner l’obstacle, avec
des effets semblables sans être identiques, par l’extinction de l’obligation
primitive et son remplacement, sur la tête d’une autre personne, par une
obligation nouvelle. La reconnaissance de la cessibilité des créances a
privé la novation par changement de créancier de l’essentiel de son
intérêt. L’impossibilité de la cession de dette confère encore aujourd'hui
cependant, à la novation par changement de débiteur un intérêt majeur,
comme substitut d’une telle cession.

Point 2
Sources et conditions de la novation

Aux termes de la loi, « la novation s’opère de trois manières : lorsque le


débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l’ancienne,
laquelle est éteinte ; lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à l’ancien qui est déchargé
par le créancier ; lorsque par l’effet d’un nouvel engagement, un nouveau créancier est
substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé »2. On distingue
donc suivant les sources : la novation par changement de dette, la
novation par changement de créancier et la novation par changement
débiteur.
L'opération de novation est constituée de trois éléments : la création
d'une obligation nouvelle valable ; l'extinction corrélative de l'obligation préexistante,
qui doit pareillement être valable ; enfin la manifestation de l'intention de nover
ou animus novandi.

1F. TERRE et alii., op. cit., p. 1782.


2 Art. 163, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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A. Création d’une obligation nouvelle valable

1. Validité de l’obligation créée

L'obligation nouvelle doit être valable. Si l’obligation nouvelle est


nulle pour une cause quelconque, de forme ou de fond, l’ancienne est
rétroactivement rappelée à existence1.
L’obligation nouvelle est normalement à terme. C’est en cela que la
novation procure au créancier une satisfaction qui est à la fois différente
de celle prévue et différée. Si, en effet, l’obligation nouvelle était exécutée
en même temps qu’elle a été convenue, on serait en présence, non d’une
novation, mais d’une dation en paiement2

2. Nouveauté de l’obligation créée

Il n'y a novation que si la convention des parties est créatrice d'une


obligation réellement nouvelle. Ne relèvent pas, par conséquent, de ce
concept les conventions portant reconnaissance de l'obligation primitive
ou tendant à procurer aux parties ou à l'une d'elles un titre de preuve.
Les simples modifications de l'obligation ancienne ne sont pas des
novations si elles n'affectent pas ses éléments constitutifs essentiels, qui
en changent la nature ou si les parties n'ont pas clairement exprimé leur
volonté de remplacer une obligation par une autre.

a. Novation par changement de créancier

La reconnaissance de la cessibilité des créances a réduit cette


hypothèse de novation à la marginalité
L’enjeu tient aux différences qui opposent cession de créance et
novation par changement de créancier3 : la cession de créance est une
convention entre le cédant et le cessionnaire qui ne requiert pas
l’intervention du débiteur, auquel la cession doit seulement être notifiée
pour lui être opposable ; au contraire, la novation par changement de
créancier requiert le consentement du débiteur. Par ailleurs, le débiteur
peut opposer au cessionnaire de la créance toutes les exceptions qu’il
aurait pu opposer au cédant, alors qu’en cas de novation, la nouveauté

1 Cass. fr., Civ. 3e, 28 nov. 1969.


2 Cass. fr., Ass. Plén., 22 avril 1974.
3 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1786.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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du lien de droit interdit au débiteur d’opposer au nouveau créancier toute


exception ou tout moyen de défense qu’il aurait pu faire valoir contre
l’ancien créancier. D'autre part, le cessionnaire acquiert la créance cédée
avec tous ses accessoires et en particuliers les sûretés qui la garantissent
: hypothèques, privilèges ou cautionnements ; ces accessoires sont au
contraire éteints, en même temps que la créance à laquelle ils étaient
attachés, en cas de novation, à moins qu'ils n'aient été expressément
maintenus. Ces différences soulignent le caractère contraignant et même
dangereux, parfois, de la novation par changement de créancier par
rapport à la cession de créance. Le danger est pour le créancier, qui perd
les garanties, comme pour le débiteur, qui perd le bénéfice des
exceptions qu’il aurait pu opposer à son créancier initial.

b. Novation par changement de débiteur

Il existe deux variantes de la novation par changement de débiteur,


suivant que l’initiateur de l’opération est le débiteur primitif ou le nouveau débiteur.
La première n’est autre que la délégation novatoire, dite parfaite.
L’hypothèse est celle d’un débiteur obtenant d’un tiers, le plus souvent
son propre débiteur, la souscription d’un engagement envers son
créancier, qui, corrélativement, accepte de le décharger. Cette opération
suppose un double accord : entre le nouveau débiteur — délégué — et
le créancier — délégataire — portant création de l’obligation nouvelle,
et entre ce dernier et le débiteur primitif — délégant —, afin d’éteindre
l’obligation préexistante.
Le second cas de novation par changement de débiteur, également
appelé expromission, se réalise sans le concours du premier débiteur. L’hypothèse
est celle d’un tiers qui accepte de s’engager envers le créancier
moyennant libération par celui-ci de son débiteur initial.
La novation par changement de débiteur requiert une manifestation
non équivoque de la volonté du créancier de décharger le débiteur primitif.
En effet, si ce créancier a tout à gagner en acceptant un nouveau
débiteur, il n’a en général aucune raison de décharger son débiteur initial.
Pareille décharge implique prise de nouveaux risques.
Ainsi n'y a-t-il pas novation si le créancier a seulement accepté un
second débiteur, sans manifester l’intention de décharger le premier1 —
c'est la délégation imparfaite — ; s’il a seulement accepté un paiement

1 Cass. fr., Civ. 1re, 5 juin 1970.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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partiel d’un tiers1 ; si un bailleur a donné son accord à une cession de


bail, sans pour autant libérer le locataire cédant2 ou s’il a accepté, même
pendant une longue durée, le paiement du loyer par un autre que le
titulaire du bail3 ; si le créancier a accepté de facturer à un tiers, à la
demande du débiteur, les prestations procurées à celui-ci4 ; si un tiers
s’est engagé envers le créancier à lui payer la dette du débiteur5.
Si, au contraire, les conditions de la novation sont réunies, il
convient d’admettre que le débiteur initial est instantanément libéré, le
cas échéant à son insu. S’il en a connaissance, il peut opposer l’effet
extinctif de la novation à son créancier. S’il paye sa dette dans l’ignorance
de la novation, il peut agir en répétition pour avoir payé l’indu.

c. Novation par changement de l’obligation

Les parties obligées l'une envers l'autre peuvent convenir


d'apporter à leurs relations toutes les modifications qui leur paraissent
utiles. Elles peuvent aussi substituer une obligation nouvelle à celle qui les
liait précédemment. Ces deux hypothèses — celle d'un simple
changement et d'une véritable novation — doivent être soigneusement
distinguées. Ne sont en effet novatoires que les changements qui affectent l’existence
même de l’obligation préexistante. Toutes autres modifications ne sont que
des aménagements nouveaux, qui laissent subsister l’obligation initiale,
avec tous ses effets, caractères, garanties et privilèges ou, le cas échéant,
avec ses faiblesses. Au contraire, si le changement porte sur l’existence
même de l’obligation, sur sa nature ou sur sa substance, cette obligation
doit être considérée comme éteinte, avec tous ses accessoires, et
remplacée par une obligation nouvelle6. La difficulté majeure réside dans
le tracé de la frontière séparant ces deux hypothèses.

1 Cass. fr., Com., 26 oct. 1981.


2 Cass. fr., Com., 31 janv. 1983.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 8 mars 1972.
4 Cass. fr., Com., 17 juill. 1980.
5 Cass. fr., Com., 14 févr. 1973.
6 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1788.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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i. Changements constitutifs de novation

Il est traditionnellement enseigné que les changements susceptibles


d'être constitutifs d'une novation peuvent porter sur l'objet, sur la cause
ou sur les modalités de l'obligation.

i.i. Changement d’objet

Il y a novation par changement d'objet lorsque le créancier accepte


l'engagement de son débiteur de lui fournir une prestation différente de celle
initialement prévue : par exemple, la livraison de tel bien ou de telle
quantité d'une denrée plutôt qu'une somme d'argent, ou inversement1 ;
la fourniture de tel objet en nature plutôt que celui prévu — cas de la
substitution de locaux ou de terrains différents de ceux qui avaient été
vendus —2.
i.ii. Changement de cause

Une telle novation implique que le débiteur s'engage envers le


créancier pour une prestation dont l'objet ne change pas, mais sur le
fondement d'un titre différent. Il y a ainsi novation, par exemple, s’il est
convenu entre les parties que le débiteur d’un prix — ou de loyers, ou
de salaires… — sera dorénavant débiteur de la même somme en qualité
d’emprunteur3 ou qu’une caution sera tenue en qualité de débiteur
principal ou inversement4.

i.iii. Changement des modalités

Tout changement affectant les modalités d'une obligation ne peut être qualifié
de novation. C'est que la modification d’une manière d’être de l’obligation ne remet
normalement en cause ni son existence, ni sa nature, ni même seulement sa substance5.
Ainsi, l’adjonction, la suppression ou la modification du terme d’une
obligation ne mérite pas la qualification de novation6. L’obligation subit

1 Cass. fr., Civ. 1re, 19 janv. 1999.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 18 juin 1970.
3 Cass. fr., Soc., 15 juill. 1943.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 14 févr. 1973.
5 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1791.
6 Cass. fr., Req., 8 nov. 1875.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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un changement quant à son exigibilité, mais elle ne peut être considérée


comme éteinte et remplacée par une nouvelle.
Par contre l’adjonction ou la suppression d’une condition justifie la
qualification de novation1, car elle altère l’obligation dans son existence même,
puisqu’elle cesse d’être certaine ou, au contraire, ayant été incertaine, elle
devient certaine.

ii. Changements non constitutifs de novation

Il a été jugé, pour opérer novation, « qu'il ne suffit pas d'augmenter


ou de diminuer la dette, de fixer un terme plus long ou plus court, et
d'ajouter ou de retrancher une hypothèque ou une autre sûreté, ou même
de changer l'espèce de l'obligation, à moins que les parties n'expriment
une intention contraire »2.
Ne sont donc pas constitutifs de novation, le changement du
montant d’une dette3, la modification de la monnaie dans laquelle le
paiement doit être fait4, l'avenant à un contrat existant5, la modification,
par hypothèse acceptée par le salarié, non de la nature, mais seulement
des conditions d’exécution du contrat de travail — lieu, horaire, durée,
rémunération, nature des tâches… —6.

B. Extinction d’une obligation valable

La spécificité de la novation réside dans le lien entre la création de


l'obligation nouvelle et l'extinction d'une obligation préexistante. Il ne peut donc
y avoir de novation sans obligation à éteindre. Ainsi n'y a-t-il pas novation si
l'obligation ancienne est déjà prescrite. L'obligation ancienne doit être
elle-même valable. Mais, si elle est entachée de nullité relative, la
novation peut faire confirmation7.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 28 janv. 1978.


2 Cass. fr., Req., 8 nov. 1875.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 20 nov. 1967.
4 Cass. fr., Civ., 17 déc. 1928.
5 Cass. fr., Civ. 3e, 4 avr. 2001.
6 Voir par ex. Cass. fr., Ass. Plén., 4 mars 1983.
7 Cass. fr., Civ. 3e, 29 oct. 1968.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C. Intention de nover ou animus novandi

Aux termes de la loi, « la novation ne se présume point, il faut que la volonté


de l’opérer résulte clairement de l’acte »1. La novation ne peut donc être déduite
du simple constat objectif de la succession de deux obligations2. Il faut
que la manifestation claire de volonté qui écarte toute incertitude. La
volonté de nover doit résulter clairement de l'acte.
Point 3
Effets de la novation

La novation opère extinction de l'obligation ancienne et corrélativement


substitution d'une obligation nouvelle.
La loi dispose que « les privilèges et hypothèques de l’ancienne créance ne
passent point à celle qui lui est substituée, à moins que le créancier ne les ait
expressément réservés »3. En découle que la novation opère extinction de
l'obligation originaire avec tous ses accessoires. Toutefois, une exception est
admise en ce que le créancier peut réserver à la nouvelle créance les anciens privilèges
et hypothèques à condition que ce soit exprès.
L'obligation nouvelle qui remplace la première, règle seule désormais
les relations des parties. Cette obligation nouvelle naît avec ses caractères
propres. Elle est toujours contractuelle puisqu'elle résulte de la volonté des
parties à la novation. Elle est indépendante de la première, à telle enseigne
que la nullité de la première n'entraîne pas celle de la deuxième.

1 Art. 165, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ. 1re, 7 nov. 1973.
3 Art. 170, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
La délégation

Point 1
Notions

A. Définition de la délégation

La délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant,


obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui
l’accepte comme débiteur1.

B. Hypothèses de la délégation

Très généralement, la délégation est le fait de personnes déjà liées


par des rapports juridiques préexistants, le délégant étant à la fois
débiteur du délégataire et créancier du délégué, auquel il est demandé de
s’obliger envers le délégataire, de telle sorte que l’exécution de cette
obligation nouvelle emportera extinction à la fois de la dette du délégant
envers le délégataire et de celle du délégué envers le délégant2.
Il n’en est cependant pas nécessairement ainsi. Que le délégué soit
ou non débiteur du délégant, il peut accepter de s’obliger envers le
délégataire dans le but, notamment, de fournir à ce dernier une garantie
de la dette du délégant.
On peut imaginer aussi que le délégant entende faire une libéralité
au délégataire en mettant à profit la créance qu’il a contre le délégué.
Inversement, le délégué, désireux de procurer un avantage gratuit au
délégant, peut accepter de s’obliger envers le délégataire afin d’obtenir
par l’exécution de son engagement l’extinction de la dette du délégant3.

C. Délégation et notions voisines

1. Délégation et stipulation pour autrui

Pour de semblables raisons, la délégation se distingue de la


stipulation pour autrui. Celle-ci s’inscrit dans un contrat synallagmatique

1 P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 788.


2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1804.
3 Idem., p. 1805.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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et ne requiert pas l’acceptation du tiers bénéficiaire. Tant que cette


acceptation n’est pas intervenue, la stipulation est révocable.
Au contraire, la délégation suppose d’emblée un rapport juridique
triangulaire et elle est irrévocable.
La ressemblance est plus grande, en revanche, après acceptation de
la stipulation pour autrui. Subsistent cependant des différences dans la
finalité et dans les effets : la stipulation pour autrui n’a pas, généralement,
pour but ou pour effet d’éteindre des obligations préexistantes, mais au
contraire d’en créer de nouvelles ; le promettant peut toujours opposer
au tiers les exceptions tirées de son rapport avec le stipulant, alors que le
délégué a contracté un engagement nouveau et autonome, caractérisé
par l’inopposabilité des exceptions.

2. Délégation et cession de créance

Par ses effets, la délégation se rapproche de la cession de créance.


Il s’agit, dans les deux cas, de permettre à un bénéficiaire, délégataire ou
cessionnaire, d’agir contre un débiteur, délégué ou cédé.
Mais, si le résultat peut être semblable, le cheminement pour y
parvenir est très différent. La cession requiert le seul accord entre cédant
et cessionnaire et doit seulement être signifiée au débiteur pour lui être
opposable, alors que la délégation suppose un accord des trois personnes
concernées.
La cession ne donne en aucune manière naissance à une obligation
nouvelle, alors que la création d’une telle obligation constitue la
spécificité de la délégation.
La cession comporte souvent une dimension spéculative et
n’emporte aucun effet extinctif. Le cédant n’est garant envers le
cessionnaire que de l’existence de la créance cédée et non de la solvabilité
du débiteur, alors que le délégataire conserve tous ses droits contre le
délégant si la délégation n’est pas doublée d’une novation. Si la cession
implique pour le cessionnaire l’acceptation d’un risque, la délégation,
dans la même hypothèse, consolide au contraire la situation du
délégataire en lui donnant un second débiteur.

3. Délégation et indication de paiement

La délégation se distingue encore de la simple indication de


paiement. La loi dispose que « la simple indication faite, par le débiteur d’une
personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de même de la simple indication faite par le créancier d’une personne désignée pour
recevoir le paiement pour lui »1.
La première hypothèse est d’un usage fréquent : quoi de plus
naturel pour un débiteur qui est lui-même créancier d’un tiers que de
demander à ce dernier de s’acquitter entre les mains de son créancier ?
Le risque de confusion avec la délégation, qui requiert en plus un
engagement du délégué et une acceptation de cet engagement par le
délégataire, est particulièrement important. La simple indication de paiement
n’est qu’un mandat, voire une simple invitation à payer ou à recevoir le paiement,
sans création d’une obligation nouvelle à la charge du débiteur ou d’un droit nouveau
au bénéfice du créancier. Au contraire, la délégation suppose un engagement
nouveau du délégué, engagement qui peut, suivant les deux variantes de
la délégation, s’ajouter à l’obligation du délégant ou s’y substituer.

D. Types de délégation

On distingue la délégation parfaite de la délégation imparfaite2.


L'engagement nouveau du délégué envers le délégataire donne à ce
dernier un second débiteur. Du seul fait de cet engagement ne peut être déduite la
libération du délégant, débiteur primitif. Cette libération suppose l'adjonction
à la délégation d'une novation, qui ne se présume pas.
La coexistence des obligations nouvelle et ancienne confère à la
délégation le même effet qu’une sûreté personnelle. Si l’objectif premier du
délégant a été d’obtenir du délégué que l’exécution de l’obligation qu’il
aura souscrite envers le délégataire emporte extinction tout à la fois de
la dette du délégant envers ce dernier et de celle qu’il avait lui-même
envers le délégué, la délégation aura joué principalement son rôle de
mode simplifié de double paiement, la garantie conférée au délégataire
n’ayant été qu’une conséquence secondaire et induite.
Mais il se peut aussi que la fonction de garantie ait été l’objectif
principal, sinon exclusif. La délégation peut donc jouer le rôle de
substitut du cautionnement. Il est généralement plus facile pour un
débiteur auquel une garantie est demandée d’obtenir l’engagement d’un
tiers qui est par ailleurs son débiteur et qui, d’une manière ou d’une autre,
devra payer sa dette, que de trouver une caution qui assumera

1 Art. 169, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 F. TERRE et alii., op. cit., pp. 1808-1809 ; P. MALAURIE et alii., op. cit., p. 789

; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 372.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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pleinement le risque de paiement de la dette garantie et de non-


remboursement.
Cette fonction de garantie, qu’elle soit l’objectif principal ou
seulement un effet secondaire de la délégation, implique que le délégant
reste lui-même tenu envers le délégataire. Tel est le principe : l’acceptation
par le délégataire de l’engagement d’un second débiteur n’implique aucune renonciation
à ses droits contre son débiteur initial. Tout comme la novation, la
renonciation ne se présume pas.
Traditionnellement, cette délégation est dite imparfaite. Une telle
dénomination est critiquée, car, fait-on savoir, « la délégation ainsi
nommée constitue la norme (...) La situation ne comporte nulle
imperfection. Ce qui constitue la norme ne saurait être qualifié
d’imparfait. Il paraît plus juste d’appeler délégation simple cette
adjonction de l’engagement du délégué à celui du délégant, pour la
distinguer d’une autre qui est une combinaison de la délégation avec une
novation ».
Le délégataire, recevant l’engagement nouveau du délégué, peut
accepter de libérer corrélativement le délégant, la seconde obligation se
substituant, dans ce cas, à la première. La délégation se double alors
d’une novation par changement de débiteur. C’est cette délégation
doublée d’une novation qui est traditionnellement appelée parfaite, alors
qu’il ne s’agit nullement de la perfection d’un procédé qui aurait été
imparfait. En droit comme en pratique, la délégation dite parfaite
constitue l’exception, son effet novatoire nécessitant une manifestation
supplémentaire et expresse de volonté de la part du délégataire se
décharger le délégant. C’est pourquoi il est à la fois plus juste et plus
éclairant d’appeler délégation novatoire cette combinaison de la
délégation avec une novation.

Point 2
Types de délégation

A. La délégation simple

1. Intérêts de la délégation simple

La délégation revêt un intérêt majeur.


Au délégant, elle permet, suivant les circonstances et les intentions,
d'obtenir à terme sa libération sans exécuter lui-même son obligation envers le

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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délégataire, de réaliser une libéralité au profit de celui-ci ou encore de lui


consentir un prêt ou une forme particulièrement utile de garantie.
Pour le délégué, l'opération est généralement neutre : étant débiteur
du délégant, il lui est normalement indifférent de s'obliger envers le
délégataire qui lui est désigné, dès lors que l'exécution de cette obligation
n'accroîtra pas, en principe, le poids de sa dette.
Le délégataire, enfin, ne peut que trouver avantage à bénéficier de
l'engagement d'un second débiteur1.

2. Conditions de la délégation simple

a. Absence de formalisme

Aucune formalité sacramentelle n'est exigée. La convention obéit aux


conditions de l'article 8 et se fonde sur l'autonomie de la volonté des
parties. Sa spécificité procède de l'articulation triangulaire des relations
entre les parties, ces relations ne comportant, quant à elles, aucune
particularité. Aucun formalisme n'est imposé, ni pour la validité de
l'opération, ni même pour son opposabilité aux tiers.

b. Consentement

La spécificité de la délégation réside dans l'engagement nouveau que


prend le délégué envers le délégataire à la demande du délégant. À défaut
d’engagement nouveau du délégué, l’on est en présence, au mieux, d’une
simple indication faite au créancier d’une personne devant payer à la
place du débiteur. Il n’y a délégation véritable que si le délégué s’est
obligé envers le délégataire.

Cet engagement, s’il doit être certain, peut cependant être tacite2. Il
peut, par ailleurs, être pur et simple ou assorti de modalités, de réserves
ou de limites3. Ainsi, le délégué peut-il ne s’obliger envers le délégataire
que dans la mesure de ce qu’il doit au délégant.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1809.


2 Cass. fr., Com., 16 avr. 1996.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 9 déc. 1981.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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À supposer que le délégué ait exprimé cet engagement, l’obligation


nouvelle n’est formée — donc, la délégation, réalisée — que si le
délégataire l’a accepté1.
L’opération peut résulter d’un accord triangulaire unique entre les trois
parties à la délégation ou faire l’objet d’accords distincts entre délégant et
délégué et entre délégué et délégataire.

3. Effets de la délégation simple

La délégation simple — sans novation — est génératrice d'une


obligation nouvelle, qui s'ajoute, le cas échéant, à celles qui existaient déjà
entre les parties. Elle donne au créancier un second débiteur.

a. Rapport délégant-délégué

Le délégant ne peut plus, sans se mettre en contradiction avec lui-même, exiger


l’exécution de l’obligation du délégué à son égard, alors qu’il lui a demandé de s’obliger
envers le délégataire.
L'on considère que la créance du délégant n’est pas éteinte, faute
de novation, mais qu’elle ne survit que conditionnellement : implicitement,
mais nécessairement, le délégant aura renoncé à ses droits contre le
délégué sous la condition de l’exécution par ce dernier de l’obligation
contractée envers le délégataire. On a ainsi jugé que « si la créance du
délégant sur le délégué s’éteint, non pas du fait de l’acceptation par le
délégataire de l’engagement du délégué à son égard, mais seulement par
le fait de l’exécution de la délégation, ni le délégant, ni ses créanciers ne
peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger
paiement »2.
La situation est différente si le délégué n’était pas, antérieurement,
débiteur du délégant. Suivant les circonstances, spécialement si la
délégation a été conçue exclusivement comme instrument de garantie
personnelle, le délégué qui aura, par son paiement, éteint la dette du
délégant envers le délégataire, pourra, comme tout garant, exercer un
recours contre le délégant3.

1 Cass. fr., Civ., 12 mars 1946.


2 Cass. fr., Com., 16 avr. 1996.
3 Cass. fr., Com., 22 juin 1983.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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b. Rapport délégant-délégataire

La spécificité de la délégation simple par rapport à la délégation


novatoire réside dans la survie des rapports antérieurs. Si le délégant était
débiteur du délégataire, ce qui correspond à l'hypothèse la plus
commune, sa dette subsiste jusqu'à l'exécution de l'obligation du
délégué1. Le délégant peut donc se voir poursuivi en exécution,
notamment si le délégataire n’obtient pas son dû de la part du délégué2.
Le délégataire conserve le bénéfice de toutes les sûretés, tant réelles que
personnelles3, et de toutes les actions dont était assortie sa créance
primitive4. Cela explique les raisons que peut avoir un créancier pour
cette forme de délégation.
Dans l’esprit des parties, c’est cependant le délégué qui apparaît
comme le principal obligé et qui doit exécuter son obligation, le délégant
ne jouant plus qu’un rôle de garant. Cela dit, la délégation simple ajoute
une obligation nouvelle, sans modifier la situation du délégant, qui reste
tenu à titre principal5.
Il reste que, si le délégataire a ainsi deux débiteurs, il n’est titulaire que
d’une seule créance. Le délégant est donc libéré envers le délégataire dès lors que le
délégué aura exécuté son obligation. Réciproquement, ce dernier est déchargé
à l’égard du délégataire si, finalement, le délégant paie sa dette primitive.

c. Rapport délégué-délégataire

L'obligation nouvelle contractée par le délégué envers le délégataire


est en soi sans originalité. Ce dernier peut mettre en œuvre tous les moyens
habituels afin d'en obtenir l'exécution. Cependant, une conséquence
importante de la nouveauté de cette obligation est l’inopposabilité de
certaines exceptions : le délégué actionné par le délégataire ne peut opposer
à celui-ci aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant6 ou
encore des rapports entre ce dernier et le délégataire7.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 29 févr. 1972.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 1er déc. 1952.
3 Paris, 21 avr. 1992.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 5 juin 1970.
5 Cass. fr., Com., 7 avr. 1987.
6 Cass. fr., Civ., 24 janv. 1872.
7 Cass. fr., Civ. 3e, 7 juin 2018.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Délégation novatoire

La délégation novatoire est à l’évidence plus avantageuse pour le délégant


: au lieu de n’être déchargé qu’à terme et sous réserve de l’exécution par
le délégué de son engagement nouveau, il l’est immédiatement et
définitivement. Corrélativement, cette variété de délégation est forcément
moins favorable au délégataire, à moins que la solvabilité du délégué soit
notoirement meilleure que celle du délégant. C’est pourquoi la délégation
novatoire constitue l’exception : le délégataire a, en règle générale, toutes
raisons de refuser de libérer immédiatement son débiteur primitif.

1. Conditions de la délégation novatoire

À la fois délégation et novation, la délégation novatoire exige que


soient cumulativement remplies les conditions de l'une et de l'autre technique.
Aucune forme particulière n'est requise, mais le consentement des trois
personnes concernées est nécessaire.
En tant que novation, l’animus novandi, c’est-à-dire l’intention
d’éteindre une obligation et d’en créer corrélativement une autre, doit
s’être manifestée. La seule spécificité concerne la manière dont cette
intention doit être révélée. Aux termes de la loi, « la délégation (...) n’opère
point de novation, si le créancier n’a expressément déclaré qu’il entendait décharger
son débiteur qui a fait la délégation »1.
Le créancier doit expressément manifester sa volonté de décharger de
déléguant. La simple acceptation par le créancier d’un nouveau débiteur,
même si elle n’est assortie d’aucune réserve, n’implique pas, en l’absence
de déclaration expresse, qu’il ait entendu décharger le premier2.

2. Effets de la délégation novatoire

a. Rapport délégant-délégué

Sauf manifestation de volonté contraire, la libération du délégant envers le


délégataire n’affecte pas directement le rapport entre le délégant et le délégué et
l’obligation de ce dernier subsiste de la même manière qu’en cas de
délégation simple. La créance du délégant n’est pas éteinte. Elle ne

1 Art. 167, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ., 17 oct. 1934.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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s’éteint, à due concurrence, que par l’exécution de l’obligation du délégué


envers le délégataire

b. Rapport délégant-délégataire

En cas de délégation novatoire, l'obligation du délégant envers le


délégataire est immédiatement éteinte. Le délégataire n’a donc toujours qu’un
seul débiteur, qui est à présent le délégué, et ne dispose plus d’aucune
action contre le délégant. Il perd corrélativement les sûretés qui garantissaient
la créance éteinte. Cependant, conformément au droit commun de la
novation, le délégataire peut subordonner la délégation novatoire au
maintien des sûretés1.

c. Rapport délégué-délégataire

La délégation novatoire opère novation. L'obligation entre délégué et


délégataire est nouvelle et distincte de celle entre déléguant et délégataire. Le délégué
ne peut invoquer contre le délégataire les exceptions dont aurait disposé
le déléguant contre le délégataire — à moins qu'il s'agisse d'une nullité
absolue — ou que lui-même aurait pu invoquer contre le déléguant.

Section 3
Modes légaux d'extinction des obligations

Sous-section 1
La confusion

Point 1
Définition de la confusion

Aux termes de la loi, « lorsque les qualités de créancier et de débiteur se


réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux
créances »2. « La confusion résulte de la réunion des qualités de créancier et de débiteur
d’une même obligation dans la même personne »3.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 17 févr. 1998.


2 Art. 192, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 1349, Code civil français.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En clair, la confusion est la réunion, sur la même tête, relativement


à une même obligation, des qualités de créancier et de débiteur1. Une
telle confusion de qualités opposées emporte extinction de la créance et de la
dette, nul ne pouvant être son propre créancier ou son propre débiteur.
La confusion se produit généralement lorsque l'une des parties
devient l'héritière de l'autre, soit pour le tout, soit pour partie. Suivant
que l'intéressé recueille la totalité ou une quote-part seulement de la
succession du de cujus, l’extinction est totale ou partielle. Ainsi, si un
père décédé avait fait un prêt à son héritier, la dette de l’emprunteur est
éteinte par l’effet de la dévolution successorale. Si, inversement, c’est
l’héritier qui était créancier de son père, le décès de celui-ci, dans le même
cas, emporte extinction de la créance2. On peut imaginer aussi qu’une
même personne soit l’héritière à la fois du créancier et du débiteur. Elle
héritera alors dans ce cas, de l'actif de l'un et du passif de l'autre.

Point 2
Conditions de la confusion

La dette s'éteint lorsqu'à la suite d'un événement, les qualités de


créancier et de débiteur sont réunies dans la même personne, créancière et débitrice
dans un même lien d'obligation — ce qui distingue la confusion de la
compensation —.

Point 3
Effets de la confusion

La confusion éteint l'obligation. Sous l’angle passif, la dette est éteinte


parce que le débiteur ne peut devoir à lui-même. Sous l’angle actif, la
créance est pareillement éteinte faute de débiteur, mais aussi parce que,
en recueillant l’actif du patrimoine de celui-ci, le créancier aura
généralement obtenu indirectement satisfaction. L’extinction de
l’obligation par confusion emporte extinction des sûretés qui en sont les
accessoires.
Toutefois, on pourrait penser que la confusion n'est en fait qu'un
obstacle qui paralyse l'exécution de l'obligation tant pour les parties que
pour les tiers. Ainsi, l'obligation ne serait que suspendue, car si pour un

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 375.


2 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 3e, 24 juin 2009.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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motif ou un autre, les qualités de créancier et de débiteur venaient à


entrer dans des patrimoines distincts, l'obligation reprendrait vie1.

Sous-section 2
La prescription

Point 1
Notions

A. Définition

La prescription extinctive ou libératoire est le « mode d’extinction d’un


droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps »2. Le
débiteur est libéré de son obligation lorsque pendant un laps de temps
déterminé, le créancier a négligé d'agir pour en obtenir l'exécution.
La prescription extinctive s’oppose à la prescription acquisitive ou
usucapion, qui permet, symétriquement, de devenir titulaire de certains droits
par une possession d’une certaine durée.
La loi définit côte à côte les deux prescriptions. Elle dispose que «
la prescription est un moyen d’acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps
et sous les conditions déterminées par la loi »3.

B. Fonctions

La prescription est fondée sur un impératif d'ordre public, d'une


part, et l'idée de présomption de preuve, d'autre part. La prescription
joue ainsi une double fonction extinctive et probatoire. Les deux
fondements d'ordre public et de présomption d’exécution coexistent et
s’additionnent.

1. Les impératifs de sécurité et d'ordre public

La prescription est fondée sur des impératifs de sécurité et d'ordre public4.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 376.


2 Art. 2219, Code civil français.
3 Art. 613, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1834 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 377.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C'est que les impératifs de sécurité, d’ordre et de paix sociale


peuvent l’emporter sur la finalité première de la règle de droit, qui est
d’assurer le respect de la justice et des droits individuels. Le besoin de
justice est satisfait par l’existence d’un délai suffisant pour l’exercice des
droits. Lorsque leur titulaire est resté trop longtemps inactif, il est censé
y avoir renoncé et, sinon, il est coupable de négligence de ne pas les avoir
exercés.

2. Le rôle probatoire

Au surplus, leur preuve est d’autant plus difficile qu’elle est plus tardive.
Il se peut que l’ordre social soit davantage perturbé par des actions
tardives que par la consolidation de quelques situations de fait durables.
Si la prescription peut sans doute avoir un effet spoliateur à l’encontre
de débiteurs négligents, son absence aurait le même effet au détriment
de débiteurs diligents ne détenant pas – ou plus – la preuve de leur
libération. Entre ces deux maux, il fallait assurément choisir le premier,
qui est le moindre.
La prescription extinctive, comme aussi la prescription acquisitive,
consolident plus rarement des spoliations que des situations régulières
que l’intéressé n’est pas ou n’est plus en mesure de prouver. Elle joue
alors pour le débiteur — ou pour le possesseur — le rôle de dispense de
preuve. Si la prescription extinctive n’existait pas, tout débiteur – et ses
successeurs – devrait conserver indéfiniment les preuves de tout
paiement ou de tout autre mode de libération.

Point 2
Durée de la prescription

Le principe posé est que « toutes les actions, tant réelles que personnelles,
sont prescrites par trente ans »1. Sont notamment visées les actions du
créancier contre le débiteur, notamment en exécution d'une obligation.
Toutefois, il existe des délais moins longs. Ainsi, la prescription est de
dix ans pour les actions en nullité — relatives — des conventions2. Il en

1 Art. 647, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 196, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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est de même des actions en responsabilité contre un architecte ou un


entrepreneur intentées par le propriétaire d'un bâtiment en cas de ruine1.
Autre exception, « les arrérages des pensions alimentaires ; les
loyers des maisons et le prix de ferme des biens ruraux ; les intérêts des
sommes prêtées, et généralement tout ce qui est payable par année, ou à
des termes périodiquement plus courts ; se prescrivent par cinq ans »2.
D'autres délais inférieures ou égaux à un an existent également.
Ainsi, aux termes de la loi, « l'action des médecins, chirurgiens et
apothicaires, pour leurs visites, opérations et médicaments ; celle des
marchands, pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers non
marchands ; celle des maître de pension, pour le prix de la pension de
leurs élèves, et des autres maîtres, pour le prix de l’apprentissage ; celle
des domestiques qui se louent à l’année, pour le paiement de leur salaire
; se prescrivent par un an »3.
Par ailleurs, « l'action des maîtres et instituteurs des sciences et art,
pour les leçons qu’ils donnent au mois ; celle des hôteliers et des
traiteurs, à raison du logement et de la nourriture qu’ils fournissent ; celle
des ouvriers et gens de travail, pour le paiement de leurs journées,
fournitures et salaires, se prescrivent par six mois »4.
L'idée c'est qu'il s'agit ici des dettes ordinairement non constatées par un
titre qui, en conséquence, sont acquittées dans un très bref délai et par
lesquels il arrive souvent qu'on n'exige pas une quittance5. Ces petites
prescriptions reposent sur une présomption de paiement6.

Point 3
Conventions relatives à la prescription

Les conventions relatives à la renonciation anticipée à la prescription et à


l'allongement du délai légal sont prohibées.

1 Art. 439, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 657, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 653, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Art. 652, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
5 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 381.
6 Ie Inst., Élis., 1e sept. 1938.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La loi dispose qu' « on ne peut d’avance renoncer à la prescription (par


contre) on peut renoncer à la prescription acquise »1. Cette disposition
s'interprète aussi comme proscrivant tout allongement du délai légal de
prescription2.
Toutefois, ne sont pas contraires à l'ordre public et sont par
conséquent licites, les conventions portant abréviation — mais non
suppression — du délai légal de prescription3, ou renonciation à la prescription déjà
acquise.
Cette renonciation peut être expresse ou tacite. La loi dit que « la
renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte d’un
fait qui suppose l’abandon du droit acquis »4. Ainsi par exemple, la prescription
ne produisant pas son effet de plein droit et devant être invoquée,
constitue ainsi une renonciation tacite l’exécution volontaire par le
débiteur d’une obligation qu’il sait prescrite5. Par contre, une
renonciation tacite ne peut être déduite du seul fait de la défense au fond6
ou du seul fait d’un paiement fait sans contestation7.

Point 4
Point de départ de la prescription

La prescription commence logiquement à courir, non du jour du


fait générateur de l'obligation, mais de celui, s'il est différent, de son
exigibilité8.
L'obligation soumise à une condition suspensive ne commence à se
prescrire que du jour de la réalisation de la condition9, puisqu’elle n’est pas,
jusque-là, susceptible d’exécution. Symétriquement, la condition
résolutoire, qui n’empêche pas l’obligation d’être immédiatement
exécutoire, ne fait pas obstacle au cours de la prescription.

1 Art. 614, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 383.
3 Cass. fr., Civ., 31 janv. 1950.
4 Art. 615, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Cass. fr., Soc., 24 nov. 1982.
6 Cass. fr., Com., 1er mars 1971.
7 Cass. fr., Civ. 3e, 26 mai 2009.
8 Cass. fr., Civ., 21 oct. 1908 ; Kis., 4 avr. 1972.
9 Art. 644, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1445
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L'obligation à terme ne se prescrit, pour les mêmes raisons, qu'à


compter de l'arrivée de ce terme1.
Il était admis que certaines circonstances peuvent empêcher la prescription
de courir2. Ainsi la nullité relative pour vice du consentement ne se
prescrit-elle que du jour de la découverte du vice. En cas d'obligation de
ne pas faire, le créancier ne peut à l'évidence réagir qu'à partir du moment
où le débiteur a accompli un acte contraire à cette obligation. Ainsi a-t-
il été jugé que « la prescription ne court pas contre celui qui est dans
l’impossibilité absolue d’agir par suite d’un empêchement quelconque
résultant, soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure »3.

Point 5
Suspension et interruption de la prescription4

A. Suspension de la prescription

1. Définition

La suspension a pour effet, selon que la prescription a commencé


à courir ou non, d'en arrêter provisoirement le décompte ou de différer son point
de départ. Dans le premier cas, le cours peut reprendre là où il a été arrêté lorsque
la circonstance qui a justifié la suspension disparaît. Une bonne figuration est
donnée par l’image de l’aiguille du chronomètre, momentanément
arrêtée au point où elle était parvenue et pouvant repartir du même point
à tout instant.

2. Actes suspensifs de la prescription

Les faits constitutifs de causes de suspension affectent toujours la


situation du créancier, placé dans l’impossibilité d’agir en exécution de son droit.
Ainsi, la prescription est suspendue au profit des mineurs, jusqu'à leur
majorité5.

1 Art. 644, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 384.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 22 déc. 1959.
4 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1857 et s.
5 Art. 235, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

1446
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

B. Interruption de la prescription

1. Définition

L'interruption, contrairement à la suspension, arrête définitivement le


cours de la prescription, le temps déjà écoulé étant privé de tout effet. L'aiguille du
chronomètre est ramenée à son point de départ. À supposer que
l'obligation ne soit toujours pas exécutée après l'expiration de la période
d'interruption de la prescription, seul un nouveau délai entièrement
accompli peut en opérer extinction, sans que le temps couru avant
l'événement interruptif soit pris en compte1.

2. Actes interruptifs de la prescription

La différence entre interruption et suspension s’explique par la


nature des causes génératrices de l’une ou de l’autre. Alors que la
suspension tient toujours à la personne du créancier, empêché ou présumé empêché
d’agir, l’interruption procède d’une manifestation de volonté, soit que le débiteur
ait reconnu le droit du créancier — acte récognitif —, soit que celui-ci ait accompli
un acte de poursuite — acte interpellatif —.

a. Actes de poursuite

La prescription est interrompue par les actes de poursuite du créancier.


L'exercice par le créancier de son droit à l'encontre du débiteur est, par
excellence, l'acte qui interrompt la prescription. Il met fin à l'inaction qui
constitue l'un des fondements de la prescription extinctive.
La loi dispose qu' « une citation en justice, un commandement ou une saisie,
signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire forment l’interruption civile »2.
Toutefois, « si l’assignation est nulle par défaut de forme, si le demandeur se
désiste de sa demande, s’il laisse périmer l’instance, ou si sa demande est rejetée,
l’interruption est regardée comme non avenue »3.

1Cass. fr., Civ. 1re, 11 janv. 2001.


2 Art. 638, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 639, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

b. Actes récognitifs

Par ailleurs, la prescription est interrompue par des actes de


reconnaissance de dette faits par le débiteur. La loi dispose que « la prescription
est interrompue par la reconnaissance que le débiteur (...) fait du droit de celui contre
lequel il prescrivait »1. Cette reconnaissance peut même n'être que partielle2.
La reconnaissance de dette n’est soumise à aucune forme
particulière.
Elle peut être expresse et consister, notamment, en un acte récognitif.
Elle peut aussi n’être que tacite et résulter, par exemple, du paiement
d’un acompte ou des intérêts de la dette3, de l’invocation de l’exception
de compensation4, de la demande d’un délai de grâce5 ou d’une remise6,
ou encore, plus généralement, de tout acte ou attitude qui sont
révélateurs d’un aveu de la dette7. Elle peut aussi être le fait d’un
mandataire ou préposé du débiteur8.

Point 6
Effets de la prescription

La prescription, dit Pothier9, n'éteint pas la créance, elle la rend


inefficace en rendant le créancier non recevable à intenter l'action qui en
naît. L'obligation est privée de sa sanction et est transformée en
obligation naturelle, avec toutes les conséquences, notamment la
possibilité de redevenir parfaite par le paiement ou la promesse de
paiement10
L'effet de la prescription ne se réalise que si le débiteur manifeste sa
volonté de s'en prévaloir. La loi dispose que « les juges ne peuvent pas

1 Art. 640, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ. 3e, 24 oct. 1984.
3 Cass. fr., Req., 7 juill. 1910.
4 Cass. fr., Req., 21 mars 1934.
5 Montpellier, 15 mai 1872.
6 Cass. fr., Ass. Plén., 27 juin 1969.
7 Cass. fr., Civ. 3e, 21 juin 1978.
8 Cass. fr., Civ. 1re, 4 mai 2012.
9 Cité par KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 387.
10 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 387.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

suppléer d’office le moyen résultant de la prescription »1. Il revient au


débiteur de s'en prévaloir, généralement comme exception. La loi
dispose d'ailleurs que « la prescription peut être opposée en tout état de
cause, même en instance d’appel »2.

1 Art. 617, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 618, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1450
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 3
Les modalités des obligations et obligations
complexes

Si le rapport d'obligation est en général simple, il arrive toutefois


qu'il soit affecté de modalités, c'est-à-dire, des manières d'être, des
particularités qui peuvent affecter le rapport d'obligation soit dans sa
naissance ou dans son anéantissement — c'est la condition —, soit dans
son exécution ou son exigibilité — c'est le terme —, soit encore dans la
complexité ou la multiplicité d'un de ses éléments — soit l'objet, soit les
parties active ou passive —.

Section 1
Modalités des obligations

Sous-section 1
La condition

Paragraphe 1
Notions

Point 1
Définition

L'obligation conditionnelle est celle dont l'effectivité est subordonnée à un


événement futur — comme le terme —, mais incertain — à la différence du
terme —1. Aux termes de la loi, « l’obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait
dépendre d’un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu’à ce que
l’événement arrive, soit en la résiliant, selon que l’événement arrivera ou n’arrivera
pas »2.

1F. TERRE et alii., op. cit., p. 1406.


2 Art. 66, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

1451
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 2
Types de conditions

A. La condition suspensive et la condition


résolutoire

La condition est suspensive lorsque l’effectivité de l’obligation est


subordonnée à la réalisation d’un événement futur et incertain dont
l’accomplissement rend l’obligation pure et simple. Elle est résolutoire
lorsque l’accomplissement d’un événement futur et incertain emporte
l’anéantissement d’une obligation d’ores et déjà effective1.
Ainsi par exemple pour une condition suspensive, la vente peut-
elle être subordonnée à l’obtention d’un crédit, la donation, à la
condition que le donataire se marie ou, au contraire, ne se marie pas…
L’engagement est ferme et définitif : le contrat est formé, mais son effectivité est
suspendue jusqu’à la réalisation de l’événement incertain érigé en condition
positive ou à la défaillance de la condition négative.
Pour une condition résolutoire, la vente peut être soumise à la
condition résolutoire du non-paiement du prix à telle échéance, le bail
subordonné au paiement régulier des loyers et charges, la donation
subordonnée à la survie du donataire ou à la non-survenance d’enfant.
Ici l’engagement est non seulement ferme et définitif, mais il est
exécutoire. La réalisation de la condition, si elle survient, remet en cause
son existence, en principe, rétroactivement.
Ainsi, dans le premier cas — condition suspensive —, l’obligation
existe, mais est provisoirement privée d’efficacité, celle-ci étant
suspendue à la réalisation de la condition, tandis que, dans le second —
condition résolutoire —, elle est provisoirement efficace, mais peut se
trouver anéantie si la condition se réalise.
Dans les deux cas — effectivité ou extinction —, c’est l’existence
même de l’obligation qui dépend de la réalisation de la condition, alors
que le terme n’affecte que la durée de l’obligation ou le moment de son
exigibilité. Si l’obligation ainsi affectée d’une condition est celle d’une
partie à un contrat synallagmatique, c’est en réalité le contrat tout entier
qui se trouve suspendu jusqu’à la réalisation de la condition ou au
contraire anéanti par cette réalisation.
Le mécanisme de la condition permet aux parties à un acte juridique
d’anticiper en toute sécurité un événement futur, dont elles espèrent ou

1 Art. 1304, Code civil français.

1452
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

sont même convaincues qu’il se réalisera — ou ne se réalisera pas —,


sans cependant en avoir la certitude. L’événement érigé en condition
doit, en effet, être futur. Il n’y a pas de condition si l’événement est déjà
réalisé1.
La réalisation de cet événement est incertaine. Sa certitude ou son
incertitude constituent, en effet, le critère de la distinction entre le terme
et la condition. Si les parties ont érigé en condition un événement certain
— par exemple le décès de telle personne — elles ont nécessairement
fait dépendre de cet événement certain, non l’existence de l’obligation,
mais seulement son exécution ou sa durée. En réalité, elles auront stipulé
non une condition, mais un terme incertain, dont la réalisation est
certaine, mais sans que l’on en connaisse le moment.

B. Autres conditions

À côté de la condition suspensive et de la condition résolutoire, on


distingue également la condition casuelle, la condition mixte et la condition
potestative, d'une part ; et d'autre part, la condition impossible, illicite ou
immorale.
La condition casuelle est celle qui dépend du hasard et qui n’est nullement
au pouvoir du créancier ni du débiteur2. La condition potestative est celle qui
fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une
ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher3. La condition
mixte est celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes
et de la volonté d’un tiers4. Cette distinction n'offre que peu d'intérêt,
notamment en matière de donation.
La condition potestative qui dépend de la seule volonté du débiteur
est nulle. Aux termes de la loi, « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été
contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige »5. En effet,
ce n'est pas s'obliger que de s'obliger sous condition.

1Cass. fr., Com., 6 mars 1973.


2 Art. 67, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 68, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Art. 69, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
5 Art. 72, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

1453
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Par ailleurs, toute condition d’une chose impossible, ou contraire


aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle la
convention qui en dépend1.

Paragraphe 2
Effets de la condition

Selon que la condition est suspensive ou résolutoire, il se produit


diverses conséquences juridiques avant la réalisation de l'événement
futur incertain, à sa réalisation ou à sa non-réalisation.

Point 1
Condition suspensive

A. Avant la réalisation

Tant que la condition suspensive est pendante — pendente


conditione —, c’est-à-dire, selon qu’elle est positive ou négative, non
réalisée ou défaillie, l’acte conditionnel ne produit pas son effet principal. Il y a
cependant eu un accord des volontés : le contrat est formé et le droit
conditionnel existe au moins en germe.
Le droit conditionnel existe, passivement dans le patrimoine du débiteur et
activement dans celui du créancier. Ainsi considère-t-on que le créancier peut
céder son droit conditionnel, l’acquéreur devenant titulaire du droit
affecté de la même condition2, il peut l’hypothéquer ou le nantir, sous la
même restriction3, s’il décède, son droit conditionnel se transmet à ses
héritiers4.
Cela dit, le droit conditionnel n’existe qu’en germe. La loi dispose que
« l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement »5. Ainsi le créancier ne peut-
il requérir l’exécution de l’obligation, encore moins agir en résolution pour

1 Art. 70, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Civ. 3e, 25 juin 1969.
3 Civ., 27 janv. 1908.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 12 avr. 1995.
5 Art. 79, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1454
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

inexécution 1. S’il est certes, sous condition, propriétaire ou titulaire du


droit transféré ou constitué, il ne peut user et jouir de la chose.
La dette sous condition suspensive n’est pas exigible et, si elle est
payée, ce paiement indu donne lieu à répétition2.

B. Réalisation de la condition

La loi dispose que « la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel


l’engagement a été contracté »3. Cela emporte que l'obligation est réputée née comme
obligation pure et simple dès l'origine4.
Il en découle que l’acquéreur est censé avoir été seul propriétaire
dès le moment de la conclusion du contrat et le vendeur est
corrélativement censé avoir cessé de l’être au même moment.
Il en résulte que les actes accomplis dans l’intervalle par l'acquéreur,
tels que vente, hypothèque ou constitution de tout autre droit, se
trouvent rétroactivement consolidés.
Le paiement fait prématurément est censé avoir porté sur une dette
exigible.
Inversement les actes accomplis par le débiteur — ou cédant —,
qui est provisoirement resté titulaire du droit — ou propriétaire —, sont
rétroactivement anéantis5.

C. Défaillance de la condition

Il y a défaillance de la condition suspensive, soit lorsque le délai de


réalisation est expiré, soit lorsqu'on est sûr que la condition ne pourra
plus se réaliser, l'événement érigé en condition suspensive négative
s'étant produit ou la non-réalisation de la condition positive étant
certaine. En l’absence de terme fixe, l’engagement conditionnel demeure
aussi longtemps que la non-réalisation de la condition n’est pas certaine6.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 16 juill. 1980.


2 Cass. fr., Soc., 10 mai 1973.
3 Art. 77, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Élis., 1e avr. 1916.
5 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 3e, 19 févr. 1976.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 4 juin 1991.

1455
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

En cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée


n’avoir jamais existé1. Un effet rétroactif reste attaché à la défaillance de la
condition. Si des prestations ont déjà été effectuées entre les parties,
telles que le paiement d’un acompte, elles doivent être restituées2.

Point 2
Condition résolutoire

A. Avant la réalisation

L'obligation soumise à une condition résolutoire naît immédiatement


et produit tous ses effets comme s'il était pur et simple. La loi dispose que la
condition résolutoire « ne suspend point l’exécution de l’obligation »3.
L'obligation est, par conséquent, exigible. Le droit est constitué ou
transmis et confère à son titulaire toutes les prérogatives
correspondantes. Celui-ci peut agir en exécution forcée, pratiquer à cet
effet toute saisie et exercer toutes actions, y compris les actions oblique
ou paulienne. Si l'acte est translatif de propriété, l'acquéreur devient
immédiatement propriétaire et assume les risques corrélatifs. Son droit
peut être cédé, transmis, hypothéqué ou nanti, sous la réserve de l'effet
rétroactif de la condition. En fait, ce n'est pas tant l'obligation qui est,
pendente conditione, conditionnelle que sa résolution.

B. Réalisation

Aux termes de la loi, lorsque la condition résolutoire s'accomplit,


elle « opère la révocation de l’obligation, et (...) remet les choses au même état que si
l’obligation n’avait pas existé (...) Elle oblige (...) le créancier à restituer ce qu’il a
reçu dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive »4.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 16 juin 1999.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 30 mai 1984.
3 Art. 81 Al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 81, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

1456
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

C. Non-réalisation de la condition

Par contre, lorsque la condition résolutoire n'est pas réalisée, le droit


qui est déjà parfaitement naît devient définitif.

Sous-section 2
Le terme

Paragraphe 1
Notions

A. Définition

Le terme est un événement futur et certain — ce qui le distingue de la


condition — dont dépend l’exigibilité ou l’extinction de l’obligation et qui produit
son effet sans rétroactivité1.

B. Types de termes

On distingue le terme suspensif qui détermine l'exigibilité de l'obligation ;


du terme extinctif, qui met fin à l'obligation.
Les différences sont fondamentales, puisque, dans l’hypothèse du
terme extinctif, l’obligation est exigible tant que le terme n’est pas arrivé,
après quoi elle est éteinte, sans rétroactivité.
Par contre, lorsque le terme est suspensif, l’obligation reste en
suspens et ne devient exigible qu’avec l’arrivée du terme.
Le terme peut être certain ou incertain.
Si l'événement constitutif du terme — suspensif ou extinctif — doit
par définition être certain, le moment auquel cet événement certain se
produira peut dépendre de circonstances diverses. Si ce moment est
déterminé avec précision, soit par l'indication d'une date ou par la
référence à un événement situé avec précision dans le temps — date,
fête, anniversaire —, soit par l'écoulement d'un nombre déterminé de
périodes — jours, mois, années —, le terme est dit certain.
Si, au contraire, les parties ne peuvent connaître à l’avance le
moment auquel surviendra l’événement, le terme est dit incertain.
L’exemple type est celui du décès d’une personne. Il est certain que cet
événement arrivera, mais on ne sait pas quand.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 399.

1457
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Effets du terme

Point 1
Terme suspensif

A. Pendant la durée du terme

Pendant la durée du terme, l'obligation existe, mais elle n'est pas exigible.
L’obligation existe effectivement. Dès qu'elle est née, l'obligation,
même à terme, produit certains effets. Seule l'exécution ne peut être exigée
tant que le terme suspensif n'est pas échu. Le débiteur à terme, quelle
que soit la nature du délai suspensif, est d’ores et déjà débiteur. Son
obligation, contrairement à celle qui est affectée d’une condition, est
certaine et devra nécessairement être exécutée à l’échéance.
Aux termes de la loi, « le terme diffère de la condition, en ce qu’il ne suspend
point l’engagement, dont il retarde seulement l’exécution »1. Le débiteur n'est pas
tenu de s'exécuter avant terme. En effet, « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut
être exigé avant l’échéance du terme »2. Le créancier ne peut donc poursuivre
le débiteur en exécution forcée avant terme3. Par contre, l'obligation
existe déjà. La loi dit que le terme « ne suspend point l’engagement ». Ainsi, «
ce qui a été payé d’avance ne peut être répété ».

B. À l’échéance du terme

À l'échéance du terme, l'obligation est exigible. Le créancier peut


intenter les actions en exécution.

Point 2
Terme extinctif

Le terme extinctif suspend l'extinction de l'obligation. Celle-ci est déjà


née de manière pleine et normale. Elle est déjà exigible. Seule son

1 Art. 83, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 84, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 15 avr. 1970.

1458
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

extinction dépend de l'arrivée de l'évènement, dont on est d'ailleurs


certain qu'il arrivera. L'événement ainsi arrivé éteint l'obligation, mais sans
rétroactivité.

Section 2
Obligations complexes

Sous-section 1
Pluralité d'objets

Si l'obligation a habituellement un objet déterminé, il peut arriver


qu'elle ait plusieurs objets. Il se peut que le débiteur doive
cumulativement plusieurs prestations ou que le choix lui soit laissé entre
deux prestations.

Paragraphe 1
Obligation cumulative

L'obligation est cumulative ou conjonctive, lorsque le débiteur doit


cumulativement au même créancier et en vertu d’une obligation unique plusieurs
prestations. « L’obligation est cumulative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations
et que seule l’exécution de la totalité de celles-ci libère le débiteur »1.
Par exemple, une vente porte à la fois sur un immeuble et un fonds
de commerce ; l’héritier doit au bénéficiaire d’un legs un bien déterminé
et une somme d’argent ; le donataire assume la charge de loger et nourrir
le donateur.
L’obligation cumulative n’est éteinte et le débiteur n’est libéré que
si la totalité des prestations est fournie2. Il n'est toutefois pas exclu pour autant
la possibilité d’exécutions partielles et successives, dans la mesure où elles sont
prévues par le contrat ou acceptées par le créancier.
En cas de pluralité d’obligations envers un même créancier, celles-
ci peuvent au contraire, suivant les circonstances, être exécutées
séparément les unes des autres et même n’être exigibles qu’à des
moments différents3.

1 Art. 1306, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 T. Com. Paris, 28 mai 1979.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1448.

1459
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
Obligation alternative

L'obligation alternative a également deux ou plusieurs objets, mais le


débiteur ne doit, pour se libérer, fournir qu’un seul d’entre eux. La loi dispose que
« le débiteur d’une obligation alternative est libéré par la délivrance de l’une des deux
choses qui étaient comprises dans l’obligation »1.
Il en est ainsi lorsque par exemple, le transporteur devra acheminer
la marchandise par air ou par route2, ou le voyagiste propose, pour une
journée donnée, une option entre deux excursions3.
Le débiteur d’une obligation alternative est libéré par la délivrance
de l’une des deux choses qui étaient comprises dans l’obligation. Le choix
appartient au débiteur s’il n’a pas été expressément accordé au créancier4. Le
débiteur peut se libérer en délivrant l’une des deux choses promises, mais
il ne peut pas forcer le créancier à recevoir une partie de l’une et une partie de l’autre5.

Paragraphe 3
Obligation facultative

L’obligation est facultative lorsqu’elle « a pour objet une certaine


prestation mais que le débiteur a la faculté, pour se libérer, d’en fournir une autre
(Cette obligation) est éteinte si l’exécution de la prestation initialement convenue
devient impossible pour cause de force majeure »6.
L’obligation facultative n’a pour objet qu’une unique prestation, mais
le débiteur, s’il le préfère, peut se libérer au moyen d’une autre prestation. C’est à lui,
exclusivement, que l’option appartient. Il a, en quelque sorte, la faculté
conventionnelle de s’acquitter par une dation en paiement acceptée par
avance par le créancier7.
La nullité ou l’impossibilité fortuite de l’obligation principale libère le débiteur,
qui ne peut alors être tenu de la prestation subsidiaire.

1 Art. 87, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Com., 7 déc. 2004.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 9 avr. 2015.
4 Art. 88, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Art. 89, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
6 Art. 1308, Code civil français.
7 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1450.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 4
Distinction entre obligation alternative et obligation facultative1

Relativement à la demande en justice, lorsqu'il s'agit d'une


obligation alternative, le créancier ne peut borner sa demande à l'une des choses,
à moins qu'il ne possède lui-même le droit de choisir. S'il s'agit d'une
obligation facultative, il ne peut demander que la chose in obligatione et le
juge ne peut condamner le débiteur qu'à fournir cet objet. C'est ensuite au débiteur
d'user, s'il le juge à propos, de la faculté qu'il a de se libérer par une autre
prestation.
Sur le plan des risques, dans l'obligation alternative, si avant le
choix, l'une des choses périt par cas fortuit, l'autre reste due2. Dans
l'obligation alternative, si avant l'exécution, la chose in obligatione périt
par cas fortuit, le débiteur est libéré.
Enfin, quant à la nature mobilière ou immobilière de l'obligation,
dans l'obligation alternative, il faut attendre que le débiteur lève l'option pour
en déterminer la nature. Dans l'obligation facultative, c'est la nature du
seul objet in obligatione qui détermine la nature mobilière ou immobilière de
l'obligation. La solution s'applique également dans l'hypothèse de la
licéité ou non de l'obligation.

Sous-section 2
Pluralité de sujets

Si une même obligation peut avoir plusieurs objets, elle a plus


fréquemment plusieurs sujets, soit parce que les parties l’ont ainsi décidé,
soit parce que la loi l’a expressément voulu, soit enfin parce que les
circonstances ont suscité pareille situation. Cette pluralité peut
s’appliquer aussi bien à la partie créancière qu’à la partie débitrice.
Lorsqu’il y a ainsi pluralité de sujets, la dette ou la créance se divise,
en principe, entre eux. L’obligation qui a plusieurs créanciers ou débiteurs se
divise de plein droit entre eux. L’obligation qui a ainsi vocation à se diviser
est appelée « conjointe ».
La volonté des parties déroge abondamment à ce principe, en
stipulant solidaires les créances et, surtout, les dettes : chacun est alors

1Lire KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 407.


2 Art. 90, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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créancier ou débiteur de la totalité de l’obligation, ce qui procure au


créancier d’une telle obligation un surcroît important de sécurité. Pour
fréquente qu’elle soit, cette situation n’en constitue pas moins l’exception.
La solidarité, en effet, ne se présume pas.

Paragraphe 1
Principe de la division des créances et des dettes

Lorsqu'une obligation bénéficie collectivement à plusieurs


créanciers ou pèse sur plusieurs débiteurs, elle est traditionnellement
appelée « conjointe ». Elle a vocation à se diviser activement ou
passivement entre eux, de sorte que chaque créancier n'a le droit de réclamer
qu'une part dans la créance et chaque débiteur n'est tenu que pour une part de la
dette1.
L'obligation conjointe n'a pas d'assise légale dans le Code civil. Le
Code ne réglemente que la solidarité. Mais on peut déduire l'obligation
conjointe de la lecture combinée et a contrario de certains articles du
Code.
Ainsi, en ce qui est du principe de la divisibilité de la dette, la loi
dispose qu' « il y a solidarité de la part des débiteurs lorsqu’ils sont obligés
à une même chose de manière que chacun puisse être contraint pour le
tout et le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier »2.
Le caractère exceptionnel de cette situation résulte de ce que « la
solidarité — ci-dessus définie — ne se présume point, il faut qu’elle soit
expressément stipulée »3 par le contrat ou par la loi. En découle que la
solidarité, avec ses caractères, requiert une expression expresse, au cas
contraire, ce qui se présume, c'est bien la division. Quant à lui, le principe de la
divisibilité de la créance résulte de la même lecture combinée de l'article
95 du Code.
Les principales conséquences de la division de plein droit des
créances et des dettes sont notamment que chaque créancier conjoint ne peut
réclamer au débiteur que sa part et portion dans la créance ; corrélativement,
chaque débiteur ne peut être poursuivi que pour sa part et portion dans la dette.

1F. TERRE et alii., op. cit., p. 1453 ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 409.
2 Art. 98, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 100, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Si l’obligation est nulle ou éteinte à l’égard de l’un, elle subsiste à l’égard des
autres, à moins que la cause de nullité ou d’extinction soit inhérente à
l’obligation et l’anéantisse intégralement.
En cas de dette conjointe, le créancier supporte le risque d’insolvabilité
de tel ou tel des codébiteurs.
La mise en demeure faite par l’un des créanciers conjoints au débiteur
ou par l’unique créancier à l’un des débiteurs conjoints est sans effet à
l’égard des autres.
L’interruption de la prescription ne profite qu’au créancier conjoint qui
l’a provoquée et ne produit effet qu’à l’encontre du codébiteur conjoint
qui en a été l’objet.

Paragraphe 2
Obligation solidaire

La solidarité a pour principal, mais non unique effet de faire


obstacle à la division des créances et des dettes en cas de pluralité de
créanciers ou de débiteurs.

Point 1
Solidarité active

Aux termes de la loi, « l’obligation est solidaire entre plusieurs créanciers


lorsque le titre donne expressément à chacun d’eux le droit de demander le paiement,
et que le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur, encore que le bénéfice de
l’obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers »1.
Il y a solidarité active lorsque chacun des créanciers est en droit de réclamer
au débiteur — ou à chacun d'eux — la totalité de la dette.
Il peut s'agir de l'hypothèse d'époux, ou de copropriétaires qui ont,
d’un commun accord, aliéné un bien en précisant qu’ils seront créanciers
solidaires du prix. Le débiteur est alors libéré en s’acquittant entre les
mains de l’un quelconque d’entre eux tant qu’il n’est pas poursuivi par
un autre.
La solidarité active n'emporte pas beaucoup d'intérêts pour les
créanciers. Au contraire, les cocréanciers sont exposés au risque
supplémentaire de la mauvaise foi ou de l’insolvabilité de celui qui aura
bénéficié de l’exécution intégrale. S'ils disposent néanmoins d’un recours

1 Art. 95, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

contre ce dernier, les frais et difficultés d’un recouvrement fractionné


peuvent aisément être évités, le moment venu, par la technique du
mandat, de préférence à celle de la solidarité active1.
Il en découle notamment que chaque créancier peut demander le paiement
de l’intégralité de la créance. Le débiteur a le choix de s’acquitter entre les mains
de l’un quelconque des créanciers solidaires, du moins tant qu’il n’a pas été
poursuivi par l’un d’eux2.
La mise en demeure, la demande d’intérêts moratoires,
l’interruption ou la suspension de la prescription3 à l’égard de l’un des
créanciers profite aux autres ; de même, la chose jugée au bénéfice de l’un
d’eux profite aux autres.
Le créancier qui a encaissé l’intégralité ou même seulement une
partie de la créance, si elle est supérieure à sa part, devient débiteur des autres,
qui ont un recours contre lui en proportion de leurs droits respectifs ;
En revanche, la remise faite au débiteur par l’un des créanciers solidaire ne
libère le débiteur que pour la part de ce créancier4. Il en est de même en cas de
transaction, de novation, de confusion ou de serment libératoire.

Point 2
Solidarité passive

La solidarité procure au créancier une précieuse garantie contre


l’insolvabilité de tel ou tel des codébiteurs, en lui permettant de réclamer
à chacun le paiement de l’intégralité de la dette.

A. Sources

La solidarité ne se présume pas. Elle ne peut résulter que de la


convention des parties ou de la loi5. Dans les deux cas, en raison du poids
supplémentaire qu’elle confère à l’obligation, elle doit procéder d’une
clause ou d’une disposition légale expresse.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1456.


2 Art. 96, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 97, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Art. 96 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
5 Art. 100, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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En découle que celui qui invoque la solidarité doit faire la preuve


de la stipulation contractuelle ou de la disposition légale dont elle résulte.
Ainsi, a-t-il été jugé que la solidarité ne peut-elle être déduite de la seule
qualité de coacquéreur1, de coemprunteur2, de colocataire d’un local
professionnel3, de conjoint commun en biens d’un commerçant4.

1. La volonté des parties

La solidarité qui est communément appelée conventionnelle est en


réalité celle qui résulte d'une clause d'un acte juridique, qui peut être un
contrat, mais aussi un testament ou une donation imposant certaines
obligations solidaires aux légataires ou donataires.
La clause doit être expresse. Elle n'est cependant soumise à aucun
formalisme particulier, du moins en règle générale. Les termes « solidarité
» ou « solidaire » ne doivent pas obligatoirement y figurer. Toute formule
équivalente est admise, pourvu qu’elle soit suffisamment explicite, telle
que par exemple « un seul pour le tout » ou « chacun pour le tout »5. Le
juge peut même déduire cette volonté des circonstances, pourvu qu’elles
révèlent une volonté claire et certaine6.

2. La loi

La loi établit de plein droit la solidarité dans certains cas. En matière


de prêt notamment, la loi dispose que « si plusieurs ont conjointement emprunté
la même chose, ils en sont solidairement responsables envers le prêteur »7. Aussi, en
matière de mandat, il est dit que « lorsque le mandataire a été constitué par
plusieurs personnes pour une affaire commune, chacune d’elles est tenue solidairement
envers lui de tous les effets du mandat »8.

1 Cass. fr., Civ. 1re, déc. 1908.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 19 févr. 1991.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 30 oct. 2013.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 28 avr. 1986.
5 Cass. fr., Req., 16 mars 1852.
6 Cass. fr., Civ. 1re, déc. 1908.
7 Art. 460, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
8 Art. 543, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Effets de la solidarité

1. Rapports entre le créancier et les codébiteurs


solidaires

a. Effets principaux

Ces effets se rattachent tantôt à l'unicité de la dette, tantôt à la


pluralité des obligés.

i. Unicité de la dette

i.i. Le paiement

Aux termes de la loi, « il y a solidarité de la part des débiteurs lorsqu’ils


sont obligés à une même chose de manière que chacun puisse être contraint pour la
totalité et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier »1.
Ainsi, « le créancier d’une obligation contractée solidairement peut s’adresser à celui
des débiteurs qu’il veut choisir, sans que celui-ci puisse lui opposer le bénéfice de
division »2. Par ailleurs, « les poursuites faites contre l’un des débiteurs n’empêchent
pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres »3.
La conséquence première et immédiate de l’idée de solidarité est
que le créancier est en droit de réclamer la totalité de la créance à l’un quelconque des
débiteurs. Il peut ainsi choisir discrétionnairement celui d’entre eux auquel
il réclame paiement, au besoin par voie de justice, sans être tenu de
mettre en cause les autres ou même seulement de les avertir4. Le débiteur
actionné ne peut invoquer aucune espèce de bénéfice de discussion ou
de division, c'est-à-dire, il ne peut contraindre le créancier à ne prendre
que sa quote-part5. Le paiement fait par l’un des débiteurs libère les autres à
l’égard du créancier6.

1 Art. 98, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Art. 101, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
3 Art. 102, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 12 mai 1993.
5 Cass. fr., Soc., 29 oct. 1957.
6 Voir par ex. Cass. fr., Req., 5 avr. 1897.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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i.ii. Les exceptions

L’idée d’unicité de la dette explique aussi le régime des exceptions


que le codébiteur poursuivi peut, ou non, opposer au créancier.
Le principe posé est que « le codébiteur solidaire poursuivi par le
créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de
l’obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont
communes à tous les codébiteurs. Il ne peut opposer les exceptions qui sont purement
personnelles à quelques-uns des autres codébiteurs »1.
Le codébiteur peut opposer les exceptions qui lui sont personnelles, telles
que son incapacité ou un vice de son consentement, mais aussi la
compensation entre la dette et une créance qu’il aurait lui-même contre le
créancier poursuivant, ou encore une remise de dette dont il aurait
personnellement bénéficié.
Il peut aussi invoquer, puisque la dette est unique, les exceptions qui
sont inhérentes à la dette, c’est-à-dire celles qui sont communes à tous les
codébiteurs, telles que le paiement ou la compensation qu’un codébiteur
a précédemment opposée au créancier, la prescription de l’obligation,
l’illicéité ou l’absence d’objet ou de cause, la perte fortuite de la chose, le
défaut de forme de l’acte, la remise de la totalité de la dette, la novation
de l’obligation, le serment libératoire prêté par l’un des codébiteurs2.
En revanche, il ne peut opposer au créancier les exceptions personnelles aux
autres codébiteurs.

ii. Pluralité de liens d’obligation

Si la dette est unique, chaque codébiteur est cependant dans les liens d'une
obligation distincte de celle des autres, ayant une existence propre et pouvant
avoir des caractères et un sort particuliers.
La pluralité de liens d’obligation explique que le créancier puisse
poursuivre simultanément ou successivement deux ou plusieurs codébiteurs, au
besoin devant des juridictions différentes, afin d’obtenir plus sûrement
un paiement intégral3.

1 Art. 106, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Voir par ex. Cass. fr., Req., 2 août 1904.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 5 déc. 1984.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L’action dirigée contre l’un ne peut être interprétée comme une


renonciation à agir contre les autres1 et l’irrecevabilité de l’action contre
l’un n’empêche nullement de poursuivre les autres2.
Au total, le créancier ne pourra percevoir plus que ce qui lui est dû.
Ainsi, toute libération partielle obtenue par l’un, par paiement,
compensation, remise de dette… doit venir en diminution de la
prétention élevée contre les autres.
Quant aux exceptions, un codébiteur ne peut opposer au créancier
les exceptions personnelles à un autre codébiteur. Ainsi, en cas
d’incapacité ou de vice du consentement d’un codébiteur, l’obligation
des autres subsiste intégralement.
Il peut opposer la « compensation intervenue entre le créancier et
un autre codébiteur et à concurrence de la part de ce dernier
La confusion qui se serait produite entre le créancier et l’un des
codébiteurs éteint pareillement la dette des autres pour la part du
premier.

b. Effets secondaires

La mise en demeure adressée à l’un des codébiteurs solidaires produit


effet à l’encontre des autres et met les risques de la chose à la charge de
l’ensemble des codébiteurs3.
L’interruption de la prescription contre l’un, résultant notamment des
poursuites engagées contre lui ou de la reconnaissance de la dette, vaut
interruption de la prescription contre tous4.
La suspension de la prescription constitue, au contraire, une exception
personnelle à celui qui en bénéficie5.

1 Paris, 9 mars 1927.


2 Cass. fr., Crim., 6 févr. 1937.
3 Art. 103 & 105, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 104, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Cass. fr., Com., 24 sept. 2003.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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2. Rapports entre codébiteurs

a. Recours du codébiteur solvens

Aux termes de la loi, « le codébiteur d’une dette solidaire, qui l’a payée en
entier, ne peut répéter contre les autres que les part et portion de chacun d’eux »1.
En d'autres termes, si, en raison de son obligation solidaire, l'un des
codébiteurs a payé l'intégralité de la dette, ou du moins plus que sa part
contributive, il doit pouvoir se retourner contre les autres en contribution. Celui
qui l’a payée en entier ou du moins au-delà de sa propre part a recours
contre les autres pour leurs parts respectives.
La dette ne se répartira qu’entre codébiteurs solvables, qui supporteront
ensemble la charge supplémentaire résultant de l’insolvabilité totale ou partielle de tel
d’entre eux.

i. Nature des recours

Le codébiteur solvens dispose contre les autres débiteurs solidaires


de la même dette d’un double recours en contribution.
Il dispose d'abord, d'une action personnelle, fondée sur le mandat ou la
gestion d’affaires, en ce qu’il aura payé au nom et pour le compte des autres
la totalité de la dette, ce qui, en toute hypothèse, constitue un acte utile
de gestion de l’affaire des autres. L’intérêt du recours personnel réside
en ce que la créance contre les codébiteurs porte intérêt de plein droit
du jour du paiement2.
Il dispose ensuite d'une action fondée sur la subrogation légale, dont le
codébiteur solvens bénéficie de plein droit à raison de son paiement3. Ce
recours a l'avantage de d'investir le codébiteur solvens des droits et
actions du créancier, en particulier de tout privilège, sûreté ou droit
préférentiel que celui-ci pouvait avoir contre les coobligés ou contre des
tiers.

1 Art. 112, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1475.
3 Art. 149 Al. 3, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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ii. Division du recours

« Le codébiteur d’une dette solidaire, qui l’a payée en entier, ne peut répéter
contre les autres que les part et portion de chacun d’eux ».
En d'autres termes, les codébiteurs restant ne pourraient être tenues
de payer la totalité de la dette. L’obligation solidaire a vocation à se
diviser, chacun ne devant en supporter qu’une part. La dette redevient
donc, après le paiement, divisible. La loi évite ici les recours successifs des
codébiteurs qui paient.
Cependant, une exception est prévue en cas d'insolvabilité d'un codébiteur.
En effet, « si l’un d’eux se trouve insolvable, la perte qu’occasionne son insolvabilité
se répartit par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a
fait le paiement »1.
En clair, alors que chaque codébiteur n'est censé, en principe, ne
payer que sa quote-part au codébiteur solvens, ici, en cas d'insolvabilité,
chaque codébiteur doit supporter cette insolvabilité, en additionnant à sa quote-
part, une portion de la quote-part du codébiteur insolvable, répartie
proportionnellement entre les codébiteurs solvables.
Même le codébiteur solvens qui a payé supporte cette insolvabilité.
Est également concerné, le codébiteur qui avait précédemment bénéficié
d'une remise de solidarité de la part du créancier. La loi dispose que « dans le
cas où le créancier a renoncé à l’action solidaire envers l’un des débiteurs, si l’un ou
plusieurs des autres codébiteurs deviennent insolvables, la portion des insolvables sera
contributoirement répartie entre tous les débiteurs, même entre ceux précédemment
déchargés de la solidarité par le créancier »2.
La division proportionnelle s'opère par la règle des trois simples.

b. Quelques situations particulières en cas de


solidarité

i. La compensation

En cas de solidarité, il n'est pas possible à un codébiteur d'opposer


au créancier la compensation de la dette de celui-ci envers un autre codébiteur. Aux

1 Art. 149 al. 2, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Art. 113, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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termes de la loi, « le débiteur solidaire ne peut pareillement opposer la compensation


de ce que le créancier doit à son codébiteur »1.
Par contre, un codébiteur peut opposer compensation de sa propre
créance envers le créancier et, en ce cas, les autres codébiteurs pourront
évoquer cette exception en vue d'obtenir la réduction du montant de la dette.

ii. La remise de dette

Lorsqu'il s'agit de la remise du titre original sous signature privée,


ou de la minute du titre, à l’un des débiteurs solidaires, cette remise a le
même effet au profit des codébiteurs2.
Par contre, en cas de remise conventionnelle, la loi pose en principe
que « la remise ou décharge conventionnelle au profit de l’un des
codébiteurs solidaires, libère tous les autres, à moins que le créancier n’ait
expressément réservé ses droits contre ces derniers. Dans ce dernier cas,
il ne peut plus répéter la dette que déduction faite de la part de celui
auquel il a fait la remise »3.
En principe donc, la remise opérée avec un codébiteur profite à tous.
Cependant, si le créancier a expressément réservé ses droits contre les autres, alors
elle ne profitera qu'au bénéficiaire, déduction faite de sa quote-part dans la dette
solidaire.

iii. Cas de remise de solidarité

Le créancier peut renoncer à la solidarité sans renoncer à la dette. La loi


dispose que « le créancier qui consent à la division de la dette à l’égard de l’un des
codébiteurs, conserve son action solidaire contre les autres, mais sous la déduction de
la part du débiteur qu’il a déchargé de la solidarité »4.
En d'autres termes, le créancier peut décider de sortir une personne du
lien de solidarité. Le bénéficiaire paiera sa dette individuellement. Le montant
de la dette principale sera déduit de sa quote-part. Quant aux autres codébiteurs,

1 Art. 183 al. 3, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 Art. 176, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
3 Art. 177, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
4 Art. 108, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

ils demeurent dans le lien de solidarité. Par ailleurs, le codébiteur bénéficiaire


d'une remise de solidarité supportera l'insolvabilité éventuelle d'un
codébiteur.

iv. Cas du décès d'un codébiteur laissant plusieurs créanciers

Contenu indisponible.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 4
Les moyens d’action du créancier contre le débiteur
Si le débiteur n'exécute pas son obligation, même après mise en
demeure, le créancier dispose de divers moyens d'action contre lui, dont
la cible n'est pas sa personne, mais ses biens. Ils ont pour fondement le
droit de gage général du créancier sur le patrimoine de son débiteur. Les
mesures susceptibles d'être prises peuvent n'avoir qu'une finalité
conservatoire et être alors mises en œuvre préventivement, sans que
toutes les conditions de l'exécution forcée soient remplies, ou tendre
directement à cette exécution.

Section 1
Le droit de gage général

Paragraphe 1
Abolition de la contrainte par corps

Si, aujourd’hui, le créancier n’a aucun droit sur la personne même


du débiteur, tel n’a pas toujours été le cas. Les mesures contre la
personne, dans les rapports de droit privé, ont cependant été abolies.
Autrefois, le droit civil prévoyait la possibilité de requérir contre le
débiteur la contrainte par corps, c'est-à-dire l'emprisonnement pour dettes.
Une telle mesure s'était avérée, premièrement, d'efficacité
douteuse1. Elle compromettait en effet les chances de retour à meilleure fortune du
débiteur.
Mais surtout, il était de plus en plus fortement contesté que des intérêts
purement patrimoniaux pussent justifier une privation de liberté.
Par ailleurs, l'obligation du requérant de consigner les frais d'entretien du
débiteur incarcéré a contribué à la désuétude du procédé.
Désormais, est interdite l'emprisonnement pour dette2.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1585.


2 Art. 61 point 6, Constitution du 18 février 2006.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Notions de droit de gage général

Point 1
Définition

Aux termes de la loi, « tous les biens du débiteur, présents et à venir, sont le
gage commun de ses créanciers et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à
moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légales de préférence »1.
Cette disposition consacre le droit de gage général. Ce droit permet à
tout créancier de saisir tous les biens compris dans le patrimoine de son débiteur
au moment des poursuites, afin de les faire vendre et de se faire payer sur le prix. Les
créanciers qui n’ont que ce droit de gage général sont appelés «
chirographaires », par opposition aux créanciers « privilégiés », qui ont, en
outre, un droit de préférence portant sur tel bien déterminé ou même, plus
exceptionnellement, sur l’ensemble des biens du débiteur2.

Point 2
Caractères et effets

Les caractères et les effets du droit de gage général sont définis de


manière négative : le droit de gage général ne confère aucun droit réel,
mais seulement un droit personnel ; il n'est, par conséquent, assorti ni
d'un droit de préférence, ni d'un droit de suite.

A. Absence de droit réel

L’obligation — ou le droit de créance — est avant tout un lien entre


deux personnes. Le créancier n’a aucun droit sur une chose particulière — à moins
qu’il puisse se prévaloir d’un droit de rétention sur une chose qu’il détient
—. Il a seulement celui de contraindre le débiteur à remplir son obligation. Si ce
dernier ne s’exécute pas volontairement, le créancier se voit reconnaître
un droit lui permettant, au-delà de la personne, d’atteindre directement
son patrimoine. Cette prérogative est le corollaire indispensable de l’effet
obligatoire. Le caractère personnel de l’obligation ne pouvait, à défaut
de possibilité de contrainte sur sa personne, exclure aussi une action sur

1 Art. 245, Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
2 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1586.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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les biens du débiteur, sous peine de réduire l’effet obligatoire au rang de


formule creuse1.
Il résulte que le droit du créancier est tributaire de toutes les fluctuations
affectant ce patrimoine : le créancier peut saisir tous les biens du débiteur, y
compris ceux entrés dans le patrimoine postérieurement au fait
générateur de la créance, mais seulement, en principe, ceux présents dans
son patrimoine au jour des poursuites.
Au total, le droit de gage général ne procure au créancier qu’une
sécurité relative. Sa généralité n’est un avantage qu’en apparence. Si les
créanciers bénéficient de certaines protections particulières contre
l’inaction ou la fraude de leur débiteur, ils subissent pleinement les
conséquences de l’accroissement du passif. Le droit de gage général ne
confère en effet ni droit de préférence, ni droit de suite, attributs
habituels des seuls droits réels.
La généralité du droit de poursuite ainsi reconnu au créancier est toutefois
susceptible d’aménagements contractuels. Le créancier peut, par exemple,
renoncer par avance à saisir tel bien ou telle catégorie de biens ou,
inversement, limiter son droit de poursuite à tel bien ou à telle catégorie
de biens2. Mais une renonciation pure et simple au droit de poursuite
serait dépourvue de sens ou, du moins, ravalerait l’obligation au rang
d’obligation naturelle3.

B. Absence de droit de préférence

Cette proposition est le corollaire de la précédente. Les créanciers


dépourvus d'un droit réel — sûreté ou privilège — sont, par l'effet de
leur droit personnel, placés sur un pied d'égalité. Ils sont appelés ordinaires
ou chirographaires. Les biens du débiteur forment leur « gage commun
» et « le prix s’en distribue entre eux par contribution », mais seulement après
qu’aient été payés ceux ayant « des causes légitimes de préférence ». S’il
reste quelque chose à distribuer après exercice des droits de préférence,
le reliquat est réparti « au marc-le-franc », c’est-à-dire à proportion du
montant des créances en concours. Précisons qu’aucune distinction n’est
faite selon la date de la naissance des créances : l’antériorité ne confère
aucune préférence entre les créances dépourvues de privilège.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1587.


2 Voir par ex. Cass. fr., Civ. 1re, 15 févr. 1972.
3 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1588.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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C. Absence de droit de suite

Le droit de gage général ne prive le débiteur, tant qu'il n'y a eu


aucune saisie, ni de la possession de ses biens, ni du droit d'en disposer.
Les créanciers chirographaires n'ont aucune action sur les biens qui sont sortis du
patrimoine du débiteur depuis l'époque de la naissance de leur droit, en l'absence,
du moins, de fraude à leurs droits.

Point 3
Limites du droit de gage général

Certains biens ou revenus sont placés, pour tout ou partie, hors


d'atteinte de ses créanciers. Sont déclarés insaisissables, principalement, les
pensions et créances à caractère alimentaire, les biens mobiliers
nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, une fraction des
salaires.

Paragraphe 3
Mesures conservatoires

Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour


assurer la sauvegarde de ses droits.
Un créancier peut, en effet, avoir des raisons de craindre que son
débiteur dissimule ou fasse disparaître les biens objets de son droit de
gage général, ou encore laisse, par négligence, perdre certains droits ou
périr certains biens. Les mesures conservatoires ont pour finalité de
parer à de tels risques.
Dans les rapports directs entre créancier et débiteur, les mesures
conservatoires tendent à geler une situation, afin d’empêcher le second de
nuire aux intérêts du premier.
L’utilité des mesures conservatoires réside dans l’effet
d’anticipation qu’implique leur nature, lorsque le créancier n’est pas
encore en mesure de requérir l’exécution forcée ou ne souhaite pas
encore y recourir. Alors que les mesures d’exécution requièrent une
créance liquide et exigible et un titre exécutoire, aucune de ces conditions
n’est exigée pour la prise de simples mesures conservatoires. Toute
personne dont la créance paraît fondée dans son principe et qui justifie
de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement, peut
solliciter du juge l’autorisation de prendre, sans commandement
préalable, une telle mesure.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Le droit de gage général de tout créancier sur le patrimoine de son


débiteur ne lui confère, en particulier, aucun droit de suite sur les biens
qui constituaient ce patrimoine au moment où sa créance est née.

Section 2
L'action oblique

La loi, après avoir posé le principe de l'effet relatif du contrat,


prévoit que, « néanmoins les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de
leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne »1.
Le créancier peut avoir des raisons de craindre qu’un débiteur
insolvable — ou près de l’être — néglige l’exercice de ses propres droits,
dont il ne retirerait aucun avantage personnel.
Au-delà de la simple négligence, on peut imaginer aussi que
l’abstention soit inspirée par la malveillance, voire qu’elle dissimule
quelque fraude que le créancier lésé pourrait difficilement détecter et
établir.
L’action oblique permet de parer à ces risques, en autorisant le
créancier à se substituer à son débiteur pour l’exercice de ses droits
patrimoniaux.

Paragraphe 1
Domaine d’application

Point 1
Principe

Tout créancier impayé peut, en principe, exercer par la voie oblique


les droits et actions de son débiteur, pourvu, cependant, qu'ils soient de
nature patrimoniale.
Il ne saurait être question pour un créancier d'exercer par la voie
oblique des droits moraux ou familiaux — droits de la personnalité, actions
d'état, en divorce, en nullité de mariage… —, peu importe si ces droits
ou actions auraient des conséquences pécuniaires. L'action oblique exclut
donc tous les droits et actions à finalité extrapatrimoniale ou tributaires de fortes
considérations de cette nature2.

1 Art. 64, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations


conventionnelles.
2 Cass. fr., Req., 6 juill. 1836.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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S’agissant des actions, la généralité du principe est réelle. Le


créancier peut, sous les réserves indiquées ci-après, intenter toutes les
actions à caractère patrimonial : actions en nullité1, en résolution2, en
revendication, en exécution forcée3, en dommages et intérêts4. Il peut
aussi exercer les voies de recours et prendre les mesures d’exécution
correspondantes, notamment les saisies5.
À l’exercice des actions il faut sans aucun doute ajouter la défense,
à titre principal ou par voie d’intervention, aux actions intentées contre
le débiteur6.

Point 2
Exceptions

Sont exclus, les droits et actions de nature extrapatrimoniale, étrangers au


droit de gage général, mais aussi les droits insaisissables.

Paragraphe 2
Conditions d’exercice

Point 1
Conditions tenant au créancier

A. Qualités de la créance

La source de la créance qu'invoque le demandeur pour fonder son


action est indifférente. Elle peut être aussi bien contractuelle que
délictuelle7, quasi contractuelle8 ou légale9.
De même, sa nature importe peu. L’obligation du débiteur peut être de
somme d’argent, mais aussi de fournir une prestation d’une autre nature
ou de ne pas faire10.

1 Civ., 6 juill. 1909.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 14 nov. 1985.
3 Cass. fr., Civ. 3e, 4 déc. 1984.
4 Paris, 13 mars 1944.
5 Civ., 25 sept. 1940.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 14 déc. 1971.
7 Cass. fr., Req., 30 nov. 1926.
8 Cass. fr., Soc., 27 nov. 1969.
9 Cass. fr., Civ. 1re, 4 janv. 1983.
10 Cass. fr., Civ. 3e, 4 déc. 1984.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Si l’action oblique est surtout utile aux créanciers chirographaires, elle a


été ouverte aussi à ceux qui bénéficient d’un privilège1.
L'action oblique n’est pas une mesure d’exécution : c’est pourquoi
il n’est pas nécessaire que le créancier dispose d’un titre exécutoire2, ni
qu’il ait mis le débiteur en demeure. Elle est cependant plus qu’une
simple mesure conservatoire : c’est pourquoi il est exigé que la créance
soit certaine, liquide et exigible3, sans quoi, en effet, le créancier ne pourrait
pas, dans un second temps, obtenir paiement sur l’actif qu’il a ainsi fait
rentrer dans le patrimoine de son débiteur. Une créance à terme, une
créance conditionnelle ou, a fortiori, une créance qui est seulement
certaine dans son principe n’autorisent pas l’exercice de l’action oblique.

B. Intérêt à agir

L'intérêt de l'action oblique réside pour le demandeur, sinon dans


l'insolvabilité de son débiteur4, — hypothèse qui est cependant la plus
fréquente —, du moins dans une menace d’insolvabilité ou dans une mise en
péril de sa créance5. Contre un débiteur normalement solvable, l’action
oblique serait non seulement injustifiée, mais constituerait une
immixtion inutile et indésirable dans ses affaires6.

Point 2
Conditions tenant au débiteur

Si la condition du débiteur est le plus souvent fautive — mauvais


vouloir ou, au moins, négligence7 — le seul constat de carence, abstraction
faite de tout jugement porté sur le comportement du débiteur, est
suffisant8. On peut imaginer, en effet, que le débiteur soit empêché d’agir
par l’éloignement ou la maladie, ou qu’il ait même quelques raisons
légitimes, affectives ou familiales, expliquant son inaction9.

1 Civ., 25 janv. 1865.


2 Cass. fr., Req., 8 juill. 1901.
3 Cass. fr., Req., 25 mars 1924.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 7 févr. 1966.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 7 févr. 1966.
6 Cass. fr., Req., 13 janv. 1873.
7 Cass. fr., Req., 10 janv. 1887.
8 Cass. fr., Civ. 1re, 7 févr. 1966.
9 Cass. fr., Civ. 1re, 4 juill. 1978.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L’action doit être rejetée si elle est prématurée, l’inaction du débiteur


n’étant pas caractérisée 1. Elle doit l’être a fortiori si le débiteur a déjà
engagé des poursuites contre son propre débiteur2. Il n’en serait autrement
que si le débiteur, après avoir entamé une procédure, faisait preuve d’une
inaction prolongée et injustifiée dans la poursuite de l’instance3. Mais un
simple retard dans l’exercice des poursuites n’est pas nécessairement un
signe de carence et ne justifie pas ipso facto l’exercice d’une action
oblique4. Les juges du fond apprécient souverainement la réalité de la carence du
débiteur, qui est une question de fait.
L’action oblique n’est, par ailleurs, subordonnée ni à une mise en
demeure du débiteur d’agir lui-même5, mise en demeure qui est
cependant utile pour la preuve de la carence et pour l’opposabilité de la
décision rendue ; ni à une autorisation de justice préalable, le créancier
ayant le droit d’agir par la voie oblique dès lors que les conditions en
sont remplies6 ; ni à la mise en cause du débiteur7.

Paragraphe 3
Effets de l’action oblique

Point 1
À l’égard du créancier demandeur

Le créancier ne retire, dans un premier temps, ni avantage, ni privilège de


l'action oblique. C'est que l’effet de l’action oblique doit être celui qui serait
résulté de l’exercice de ses droits par le débiteur défaillant lui-même. Le
produit n’en revient donc pas au demandeur, mais accroît le patrimoine du débiteur,
sur lequel le demandeur sera en droit d’exercer son droit de gage général.
Ainsi, l’action oblique ne profite-t-elle qu’indirectement au
demandeur, en même temps qu’elle profite aux autres créanciers du même
débiteur.
C’est pourquoi l’action peut être intentée pour l’intégralité de la créance
du débiteur contre le tiers défendeur, même si elle excède ce qui est dû au

1 Cass. fr., Civ. 1re, 5 avr. 2005.


2 Civ., 14 avr. 1886.
3 Grenoble, 30 déc. 1896.
4 Civ., 14 avr. 1886.
5 Cass. fr., Req., 7 mars 1933.
6 Civ., 23 janv. 1849.
7 Civ., 23 janv. 1849.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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demandeur — contrairement à l'action paulienne —. Mais rien n’interdit


à celui-ci de n’agir qu’à concurrence de ses propres droits, notamment
s’il n’a pas de raison de craindre un concours avec d’autres créanciers.

Point 2
À l’égard du tiers poursuivi

Les effets de l'action oblique ne sont autres que ceux qui seraient résultés
des poursuites exercées par son propre créancier. Elle emporte mise en demeure1.
L'action oblique laisse au défendeur le droit d’opposer toutes les
exceptions qu’il aurait pu faire valoir contre son créancier, puisque c’est l’action
de ce dernier qui est exercée et que le demandeur agissant par la voie
oblique ne peut avoir plus de droits que celui à la place duquel il agit2.
Il importe peu que ces exceptions aient existé dès le moment de
l’exercice de l’action oblique ou soient nées postérieurement. Tel est le
cas d’une transaction intervenue postérieurement à l’introduction de
l’action oblique3.

Point 3
À l’égard du débiteur dont le droit est exercé par voie oblique

L'initiative du créancier exerçant l'action oblique ne modifie pas la


situation juridique du débiteur négligent, qui n'est pas dessaisi du droit exercé. Ainsi
conserve-t-il le droit d'en disposer et, notamment, de transiger avec son
propre débiteur, défendeur à l'action oblique, la transaction étant
opposable au créancier poursuivant — sous la seule réserve de la fraude
à ses droits —.
S’il n’a pas été mis en cause, le jugement prononcé lui est
inopposable, car si l’action exercée était bien la sienne, il n’a pas pour
autant été partie à l’instance et n’y a pas été représenté, le demandeur
n’étant investi d’aucun mandat. Cette conséquence fâcheuse de l’autorité
relative de la chose jugée, qui permettrait au débiteur de méconnaître le
jugement et d’engager une nouvelle instance, est très généralement évitée
par sa mise en cause à l’occasion de l’action engagée contre son propre
débiteur.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 9 déc. 1970.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 7 mai 1980.
3 Cass. fr., Req., 18 févr. 1862.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 4
À l’égard des autres créanciers du débiteur négligent

Exercée individuellement, l'action oblique produit des effets collectifs.


Elle tend seulement, au moins dans un premier temps, à reconstituer le
patrimoine du débiteur inactif. Les autres créanciers du même débiteur
peuvent donc faire valoir leurs droits, y compris, le cas échéant, leurs
privilèges, sur l'actif rendu disponible, qui fait partie de leur gage
commun. Si tel est le cas, le créancier poursuivant n’obtiendra donc, le
cas échéant, qu’un dividende1. À moins qu’il puisse lui-même se
prévaloir d’un privilège.

Section 3
L'action paulienne

À la fois voisine et parente de l'action oblique, en ce qu'elle


constitue également un moyen de sauvegarde du droit de gage général
des créanciers, l'action paulienne en diffère en ce qu'elle protège ceux-ci
contre un danger d'une autre nature : la fraude du débiteur et non plus sa
négligence, c’est-à-dire une action fautive et non plus une inaction.
Il se peut en effet que, loin de négliger d’exercer ses droits et
actions, le débiteur s’emploie à soustraire aux poursuites de ses
créanciers tels biens ou valeurs compris dans l’actif qui lui reste, soit à
son propre profit, en liquidant ses biens de manière à en rendre le
produit aisément dissimulable, soit au profit de tiers, en les avantageant,
réellement ou fictivement, au détriment de ses créanciers. L’action
paulienne permet à ces derniers de déjouer de tels stratagèmes2.

Paragraphe 1
Domaine d’application

L'action paulienne suppose l'existence d'une fraude. Celle-ci requiert


une manifestation de volonté et ne peut se réaliser que dans le cadre d'un
acte juridique. Ce sont en effet « les actes faits (…) en fraude de leurs droits »
que le Code civil permet aux créanciers de contester.

1Civ., 18 juill. 1838.


2Lire F. TERRE et alii., op. cit., p. 1643 et s ; KALONGO MBIKAYI, op. cit., p.
485.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Il faut ajouter, cependant, que la fraude peut se manifester non


seulement dans l’accomplissement d’un acte juridique, mais aussi dans
l’abstention de cet accomplissement, dès lors que l’omission a été constitutive
d’une manifestation de volonté tacite de renoncer au droit ou au bien
correspondant. C’est ainsi que le non-exercice d’une action en nullité ou
en revendication dans le délai de prescription peut justifier l’exercice
d’une action paulienne.
En principe, toutes les variétés d’actes juridiques sont tributaires
d’un action paulienne : actes à titre onéreux et à titre gratuit, actes
juridiques unilatéraux et contrats unilatéraux, actes abdicatifs ou
extinctifs de droits et actes translatifs ou constitutifs de droits nouveaux,
actes individuels et actes collectifs, actes générateurs d’obligations et
actes portant aliénation de droits ou biens existants1.
S’agissant des actes à titre onéreux, dès lors que la contre-prestation
obtenue est véritablement équivalente à celle fournie par le débiteur, son
patrimoine, et donc aussi le gage général de ses créanciers, demeurent
intacts. À première vue, ils seraient donc à l’abri d’une action paulienne.
En réalité, il n’en est rien. L’intention frauduleuse peut se traduire, lors
de tels actes, par la modicité de la contrepartie, par la dissimulation du
prix, ou encore, plus généralement, par la modification de la consistance
du patrimoine du débiteur, au détriment du créancier2.
Sont exclus, les droits et actions de nature extrapatrimoniale, étrangers au
droit de gage général, mais aussi les droits insaisissables.

Paragraphe 2
Conditions d’exercice

Point 1
Conditions tenant au créancier

A. Titulaires de l’action

L'action paulienne peut être mise en œuvre non seulement par le


créancier lésé en personne, mais aussi par toute personne subrogée dans ses
droits ou par un représentant.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1648 et s.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 18 févr. 1971.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Caractères de la créance invoquée

1. Antériorité

Seuls peuvent exercer l'action paulienne les créanciers dont le droit


est né antérieurement aux actes incriminés1. Eux seuls, en effet, ont pu être
victimes de la fraude.

2. Certitude, liquidité, exigibilité

Il résulte de l'exigence de l’antériorité de la créance, qu’il n’est pas


nécessaire que celle-ci ait été liquide et exigible au moment de l’acte
frauduleux et que l’existence, à ce moment, d’un principe certain de
créance suffit2. Même une créance future, si elle est entrée dans les
prévisions de l’auteur de l’acte frauduleux, justifie l’ouverture de l’action
paulienne.
En revanche, au moment de l’exercice de l’action, l’exigence de
certitude est logiquement renforcée. Il faut alors, pour le moins, que la
créance soit née, que son existence soit certaine, et qu’elle ne soit pas
éteinte.
N'étant pas une mesure d'exécution, l'action paulienne ne requiert
pas, comme condition de recevabilité, un titre exécutoire.
Cela découle d'ailleurs nécessairement de ce qui a été dit
précédemment à propos de l'exigibilité et de la liquidité.
Un tel titre sera requis seulement lorsque, l'acte frauduleux ayant
été déclaré inopposable au demandeur, celui-ci voudra, dans un second
temps, obtenir le paiement de sa créance au moyen, notamment, d'une
saisie du bien aliéné frauduleusement.

C. Le préjudice : l'insolvabilité du débiteur

Le créancier ne peut se prévaloir d'une fraude à ses droits que si et


dans la mesure où l'acte prétendument frauduleux lui porte préjudice. Si
tel n'est pas le cas, tout intérêt à agir fait défaut. Stricto sensu, il y a
préjudice lorsque deux conditions sont réunies : le débiteur a accompli un
acte d’appauvrissement et cet acte est la cause de son insolvabilité.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 14 juin 1961.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 25 févr. 1981.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L'acte d'appauvrissement est celui qui fait sortir du patrimoine du


débiteur un bien ou une valeur sans contrepartie. L'hypothèse type est celle de
l'acte de disposition à titre gratuit. Répond aussi à cette définition la
renonciation à une succession ou à un legs ou au bénéfice d'une
prescription, acquisitive ou extinctive.
En revanche, le fait pour le débiteur de s’abstenir d’un acte qui l’eût
enrichi — par exemple, le défaut d’acceptation d’une donation — ne
donne pas prise à une action paulienne, en dépit du préjudice certain
éprouvé par les créanciers1. Il n’en est pas de même, en revanche, pour
le défaut d’acceptation d’une succession, celle-ci étant dévolue de plein
droit dès l’instant du décès, de sorte que le refus de l’accepter emporte
réellement appauvrissement2.
L’acte d’appauvrissement doit avoir provoqué ou aggravé l’insolvabilité
du débiteur3. Tant que celui-ci reste solvable, ses créanciers ne doivent pas
pouvoir s’immiscer dans la gestion de son patrimoine.
L’action paulienne est ainsi vouée à l’échec s’il apparaît que les biens
du débiteur restent suffisants pour désintéresser le créancier qui invoque
une fraude4 ou, inversement, si elle ne peut procurer au demandeur
aucun effet utile5.
Il appartient au créancier de prouver, par tous moyens, que cette
condition est remplie, au moins en apparence6, le débiteur pouvant
apporter la preuve contraire qu’il dispose de biens de valeur suffisante
pour répondre de l’engagement7.
La condition d’insolvabilité ainsi définie doit être remplie à la fois
au moment de l’acte contesté, faute de quoi il n’y a pas de fraude8, et au
moment de l’exercice de l’action, faute de quoi il n’y a pas d’intérêt à
agir9.

1 KALONGO MBIKAYI, op. cit., p. 485.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 7 nov. 1984.
3 Léo., 12 nov. 1929.
4 Cass. fr., Civ. 1re, 27 juin 1972.
5 Civ., 19 janv. 1910.
6 Cass. fr., Civ. 1re, 1er déc. 1987.
7 Cass. fr., Civ. 1re, 29 janv. 2002.
8 Cass. fr., Civ. 1re, 2 mai 1989.
9 Cass. fr., Civ. 1re, 6 janv. 1987.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Condition tenant au débiteur : la fraude

La définition première de la fraude, c’est l’intention de nuire. Tombent


sans nul doute sous le coup de l’action paulienne les actes accomplis par
le débiteur avec l’intention délibérée de tenir en échec les droits de ses
créanciers, en soustrayant à leur légitime droit de poursuite certains biens
ou en organisant son insolvabilité1.
La jurisprudence a cependant sensiblement élargi la définition de la
fraude en la considérant comme établie dès lors que le débiteur a
accompli l’acte contesté en ayant conscience du préjudice causé à ses
créanciers. Il se peut, en effet, que le débiteur, tout en étant conscient de
sa situation, ait avant tout pensé aux intérêts de ses proches et qu’il ait
même cru pouvoir les gratifier. C’est ce que reconnaît la Cour de
cassation de France lorsqu'elle juge que « la fraude paulienne n’implique pas
nécessairement l’intention de nuire ; elle résulte de la seule connaissance que le débiteur
— et, le cas échéant, son cocontractant à titre onéreux — a du préjudice causé au
créancier par l’acte litigieux »2.

Point 3
Condition tenant au tiers défendeur : complicité dans la fraude

La remise en cause des droits du tiers est en principe subordonnée


à la preuve de sa mauvaise foi, c’est-à-dire de sa complicité dans la fraude du
débiteur. Une distinction est cependant faite, à cet égard, entre les actes
à titre onéreux et les actes à titre gratuit.

A. Actes à titre onéreux : exigence de la complicité


du tiers

Celui qui a contracté de bonne foi mérite protection. Ainsi, pour


les actes à titre onéreux, l'action paulienne ne peut aboutir que si le
demandeur parvient à démontrer que le défendeur s'est rendu complice de la fraude
à ses droits, ce qui revient à dire qu'il a été de mauvaise foi3.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 18 févr. 1971.


2 Cass. fr., Civ. 1re, 17 oct. 1979.
3 Cass. fr., Req., 22 août 1882.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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La preuve de cette complicité, comme celle de la fraude du


débiteur, peut être faite par tous moyens, souverainement appréciés par
les juges du fond1.
La définition de la complicité répond aux mêmes critères que celle
de la fraude elle-même : la seule conscience chez le tiers du préjudice causé
au créancier par l’acte auquel il souscrit est suffisante2.

B. Actes à titre gratuit : caractère indifférent de la


bonne foi du bénéficiaire

À l'exigence de la complicité du tiers, il est traditionnellement fait


exception si l'acte frauduleux est une libéralité3. Le cas échéant, la
mauvaise foi du tiers est présumée.
Il se peut que le cocontractant immédiat du débiteur ait lui-même
cédé le bien acquis à un sous-acquéreur ou ait constitué sur ce bien des
droits réels au profit de tiers. L'efficacité du moyen de protection que
représente l'action paulienne exige que le créancier lésé puisse aussi
obtenir la remise en cause de ces opérations successives. Pour ce faire, il
faut, en principe, que les conditions de l’action paulienne soient
cumulativement remplies pour chacune des opérations successives.
Ainsi, si elles ont toutes été à titre onéreux, la mauvaise foi ou, plus
précisément, la conscience du préjudice causé au créancier doit être
vérifiée à la fois chez le cocontractant immédiat du débiteur et chez le
sous-acquéreur ou titulaire du droit réel constitué4. Si les opérations
successives ont été des libéralités, la bonne foi de leurs bénéficiaires
respectifs est indifférente.

Paragraphe 3
Effets de l’action paulienne : inopposabilité de l’acte frauduleux

L'action paulienne rend inopposable l'acte frauduleux au demandeur.


L’inopposabilité ne prive d’efficacité l’acte frauduleux qu’à l’encontre du
demandeur. Cet acte n’est pas anéanti inter partes5.

1 Cass. fr., Civ. 1re, 16 mai 1979.


2 Civ., 30 janv. 1900.
3 Cass. fr., Req., 30 juin 1839.
4 Cass. fr., Civ. 3e, 25 janv. 1983.
5 Cass. fr., Civ. 1re, 28 févr. 1978.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

L’action paulienne n’a donc pas pour effet, comme l’action oblique,
de reconstituer le patrimoine du débiteur. Si l’acte frauduleux est un acte
d’aliénation, le bien aliéné reste dans le patrimoine de l’acquéreur1.
L’inopposabilité permet seulement au créancier qui a obtenu gain
de cause de faire comme si l’acte contesté n’avait pas eu lieu. Il peut donc, le cas
échéant, saisir le bien aliéné par son débiteur comme s’il n’était pas sorti
de son patrimoine.
L'action paulienne, à l'inverse de l'action oblique, ne profite qu’au seul
créancier qui l’intente2

Section 4
Les actions directes

Paragraphe 1
Définition

L'action directe permet à un créancier de poursuivre directement, en son


propre nom et pour son propre compte, le débiteur de son débiteur.
Les actions oblique et paulienne, par nature, requièrent une
demande en justice, alors que, dans les cas prévus, le droit direct existe
et peut être exercé sans intervention judiciaire. Celle-ci n’est nécessaire,
comme pour l’exercice de tous les droits, que si le tiers désigné comme
débiteur du droit direct n’exécute pas volontairement son obligation ou en
conteste l’existence ou l’étendue.
La loi accorde une action directe, notamment au bailleur
d'immeuble contre le sous-locataire3 ; à l’ouvrier contre le client de
l’entrepreneur4 ; au mandant contre le tiers que le mandataire s’est
substitué5 ; à la victime un dommage contre l’assureur du responsable.

1Cass. fr., Civ. 1re, 30 mai 2006.


2Cass. fr., Req., 28 août 1871.
3 Art. 409, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
4 Art. 445, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.
5 Art. 535, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations

conventionnelles.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Régime

Point 1
Conditions d’exercice

En ce qu'elle a pour objet le paiement par le tiers désigné de la


créance du bénéficiaire, il faut que l'action directe de ce dernier puisse
faire état d'une créance certaine, liquide et exigible et d'un titre exécutoire.

Point 2 : Effets1

A. À l’égard du tiers, débiteur du débiteur principal

Si la créance de ce dernier est exécutoire, l’exercice du droit direct


emporte effet translatif : le bénéficiaire du droit direct peut exercer le droit
de son débiteur contre le tiers avec tous ses caractères et accessoires.
Ainsi peut-il se prévaloir des sûretés ou privilèges qui y sont attachés.

B. À l’égard du débiteur principal

L'action directe n'a aucun effet novatoire. Elle donne au bénéficiaire un


second débiteur, sans décharger le premier.

C. À l’égard des autres créanciers du débiteur


principal

L’action directe est un droit propre qui profite exclusivement à son titulaire.
Ce dernier échappe donc, pour le recouvrement de sa créance par la voie de l’action
directe, au concours avec les autres créanciers du même débiteur principal, même
privilégiés.
En revanche et corrélativement, il sera en concours avec les autres
créanciers du tiers contre lequel l’action directe est dirigée, voire avec
d’autres titulaires d’actions directes. Il ne peut, en effet, avoir plus de
droits que n’en aurait eus le débiteur principal envers son créancier.

1 F. TERRE et alii., op. cit., p. 1684 et s.

1489
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des
sûretés.
3. Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des
obligations conventionnelles.

B. DOCTRINE

1. S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des


termes juridiques, Dalloz, Paris, 2017-2018.
2. KALONGO MBIKAYI, Droit civil. Tome 1 les
obligations, EUA, Kinshasa, 2012.
3. M.-T. KENGE, Droit civil les obligations, Université de
Kinshasa, 2018-2019.
4. P. MALAURIE et alii., Droit des obligations, LGDJ,
Paris, 2016.
5. C. RENAULT-BRAHINSKY, Droit des obligations,
Gualino, Paris, 2019.
6. F. TERRE et alii., Droit civil les obligations, Dalloz,
Paris, 2019.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1492
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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11. La procédure civile


Les droits subjectifs reconnus aux individus par la Constitution, la
Loi, ou les autres sources de droits subjectifs — contractuelles, quasi-
contractuelles, délictuelles et quasi-délictuelles — ont besoin de sanction
pour acquérir effectivité. En effet, si en général, les rapports entre
humains sont vécus de façon spontanée, sans heurts, cette spontanéité
ne joue pas toujours et bien souvent, il y a des conflits parce que les
droits prétendument protégés sont contestés soit dans leur existence soit
dans leur exercice. Or, l'État de droit, qui implique le respect des droits
et libertés fondamentaux, ne permet pas que les litiges soient réglés par
la force, la vengeance ou la justice privée. Il est donc utile pour le droit
objectif qui reconnaît ces droits subjectifs, de prévoir les règles relatives
à la gestion de ces conflits. Le juge apparaît alors comme le personnage
central chargé de trouver une solution au litige au vu des règles
impersonnelles objectivement et préalablement établies1. Parce que le

1 Toutefois, le litige peut toujours être réglé à l'amiable par des procédés de
conciliation ou de médiation.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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juge a la charge d'assurer la police des droits subjectifs au moyen des règles
de droit, cette police se nomme « justice » et cette solution du litige en
justice s'appelle procès, au terme duquel le juge dit le droit, rend la justice1.
La solution du litige en justice implique donc un procédure,
entendue comme un ensemble des formalités qui doivent être suivies pour parvenir
à une solution juridictionnelle2.

1 MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Academia-Bruylant,


Louvain-la-Neuve, 2006, p. 18 ; En ce sens, A. RUBBENS, Le droit judicaire
congolais, PUC, Kinshasa, 2012, pp. 7-9 ; C. CHANAIS et alii., Procédure civile,
Dalloz, Paris, 2018, p. 5 ; J. HERON et T. LE BARS, Droit judicaire privé, LGDJ,
Paris 2015, p. 6.
2 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 1508.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE INTRODUCTIF
LE CARACTÈRE IMPÉRATIF DES
RÈGLES DE PROCÉDURE
Beaucoup de règles de procédure ont un caractère impératif. L'État
entend par là assurer la sécurité aux parties. Les règles relatives au service
public de la justice sont impératives. Toutefois, l'applicabilité de certaines
règles est relative. C'est le cas des règles relatives à l'action en justice1.

1Lire MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 24 ; A. RUBBENS, op. cit., p.


15.

1495
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1496
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Le caractère formaliste des règles de procédure
Du caractère impératif de la plupart de ces règles découle le
caractère formaliste. Le respect des formalités doit l'emporter sur toute autre
considération afin d'éviter l'arbitraire1. En effet, disait Ihering, « ennemie jurée
de l'arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté »2. La forme apporte la
sécurité à celui qui s'y soumet. Par ses formes, la procédure apparaît
comme garante de l'ordre public et de la sécurité et de la sûreté des
justiciables. Montesquieu3 l’avait parfaitement exprimé : « il y a toujours
trop de formalités, si l’on consulte le plaideur de mauvaise foi qu’elles
gênent ; il y en a toujours trop peu, si l’on consulte l’honnête homme
qu’elles protègent ; leur multiplicité, leurs lenteurs, les frais qu’elles
occasionnent, sont comme le prix que chacun donne pour la liberté de
sa personne et pour la sûreté de ses biens ».
Le formalisme est source de sécurité pour le justiciable. Jacques Héron
et Thierry Le Bars4 le démontrent sur deux points : du côté du
demandeur et du défendeur.
Du côté du demandeur, elle le protège contre l'arbitraire du juge. Ainsi, si
l'acte introductif d'instance comporte toutes les mentions voulues, le
juge ne pourra pas l'écarter au motif qu'il n'apporte pas à l'adversaire une
information suffisante. De même, la fixation d'un délai chiffré protège
celui qui fait appel dans le délai, contre tout danger lié à l'opinion que
pourrait avoir le juge sur la question. Le formalisme peut alors sembler
bien sévère à celui qui agit tardivement, mais il a le mérite d'instaurer une
certitude plutôt qu'un doute et de faire échapper les plaideurs aux
hasards de l'appréciation souveraine des juges du fond.
En second lieu, la forme protège le défendeur en lui garantissant un
procès équitable. Le législateur réglemente de façon très stricte et même
très minutieuse l'acte introductif d'instance, surtout lorsqu'il est rédigé
par l'huissier du demandeur. Il entend par là prendre le maximum de
garanties pour que le défendeur ait effectivement connaissance de l'acte
qui lui est destiné et qu'il y trouve les renseignements qui lui sont utiles
pour organiser sa défense. De même, il est normal qu'une décision de
justice rendue par un juge du premier degré ne puisse pas être

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 25.


2 Cité par C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 17.
3 Cité par C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 16.
4 Lire J. HERON et T. LE BARS, op. cit., pp. 11-13.

1497
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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indéfiniment remise en cause. Peut-on admettre que, trois ans ou cinq


ans après sa condamnation, un défendeur décide tout d'un coup de faire
appel ?
Il apparaît ainsi que si la forme impose des contraintes au plaideur,
ces contraintes sont loin d'être inutiles. Le formalisme est bon chaque
fois qu'il répond à un but précis ; on peut alors parler de « formalisme causé
». Le point essentiel est là ; la forme n'est qu'un moyen pour atteindre un
résultat déterminé.
Inversement, le formalisme est condamnable lorsqu'il devient un
but en soi ou lorsqu'il est inapte à remplir la mission qui lui a été confiée.
Il dégénère alors en excès. Le mauvais plaideur, celui qui se réfugie dans
la chicane, est formaliste à volonté. L'excès de formalisme, la
multiplication des actes et des délais inutiles sont une source d'abus
considérable ; la marche des procès s'en trouve ralentie, la justice rendue
plus coûteuse : « il faut combattre la procédure compliquée d'inutiles
formalités, qui sacrifie sans nécessité le fond à la forme, pour le plus
grand profit de ceux qui en vivent, mais pour le plus grand dommage
des plaideurs ; elle seule explique le mauvais renom qui, depuis des
siècles, s'attache aux gens et aux choses de la justice »1.

1Idem., p. 14. Lire en ce sens, MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 26 ;


C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 18.

1498
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
Le caractère formaliste ou non de la procédure civile
congolaise
Pour une partie de la doctrine, la jurisprudence congolaise consacre
l'absence de formalisme comme principe fondamental du droit judiciaire
congolais1.
La jurisprudence a effectivement consacré le principe « pas de nullité
sans grief ». Il a en effet été jugé que « le caractère fondamental de la
procédure congolaise est qu'elle n'est pas formaliste, ainsi les nullités
dérivant des erreurs ou des omissions de procédure ne doivent être
admises que si elles portent atteintes aux droits de la défense »2. Il est de
jurisprudence constante qu'il n'y aurait pas de nullité en procédure congolaise si
l'irrégularité des formes ne portait pas préjudice à la partie adverse. Le prononcé
de la nullité est ainsi subordonné à l'existence d'un grief dans le chef de
la partie adverse. Si le juge constate que l'irrégularité ne nuit pas aux
intérêts de la personne à qui l'acte est signifié et à qui on l'oppose, il ne
pourra prononcer la nullité, même si celle-ci est prévue par un texte.
C'est ce principe qui est traduit par la maxime : « pas de nullité sans grief
»3 .
Ainsi par exemple, « si la notification de la date d'audience n'a pas
été faite à la partie demanderesse, la procédure suivie est régulière, dès
lors que cette omission n'est pas de nature à lui porter préjudice »4. De
même, « bien que fondé, le moyen pris de l'insuffisance du nombre
d'exemplaires d'un mémoire en réponse produit est sans intérêt lorsqu'il
a été notifié à toutes les parties et que le demandeur ne prouve pas qu'il
en a subi un préjudice »5.
Pour Matadi Nenga Gamanda6, cependant, position de la Cour
suprême de justice congolaise ne nous permet pas d'affirmer de façon
catégorique que la procédure congolaise n'est pas formaliste, car une telle

1 Lire A. SOHIER, Droit de procédure du Congo-Belge, Larcier & Société d'Étude


Juridiques du Katanga, Bruxelles-Elis.abethville 1955 p. 15 ; R. LUKOO, La
jurisprudence congolaise en procédure civile, Éditions On s'en sortira, Kinshasa, 2010,
pp. 1-6.
2 Cons. Sup., 7 fév. 1925 ; Elis., 23 déc. 1924 ; Boma, 13 oct. 1914.
3 Ie Inst., Coq., 17 avril 1947 ; Léo., 22 déc. 1952 ; Léo., 19 mai 1953.
4 C.S.J., 28 déc. 1982.
5 C.S.J., 11 mars 1980.
6 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 30.

1499
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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position permettrait de soutenir qu'au Congo le laisser-aller procédural


est le principe. Les règles impératives de procédure et les formalités
substantielles à accomplir qu'elles édictent souvent font échec à une telle
généralisation. Il faut cependant admettre que toutes les violations de
règles de procédure ne sont pas sanctionnées de nullité notamment
lorsqu'elles ne consistent pas en des omissions de mentions qui rendent
les actes de procédure concernés inexistants ou lorsqu'elles ne laissent
courir aucun préjudice dans le chef de celui qui agit. Il s'agit donc d'une
restriction au caractère formaliste et non la consécration de son inexistence.
Il faudrait plutôt qualifier la procédure de « simple » et non de « non-
formaliste ». Le terme est plus correct car il ne dénie pas à la procédure le
respect des formes exigées par la loi mais traduit le caractère non complexe des règles.
Dire qu'une procédure est non-formaliste, c'est en effet lui dénier la
rigueur des formes.
Ce caractère simple trouve son fondement dans l'article 28 du Code
de procédure civile qui dispose que « aucune irrégularité d'exploit ou d'acte de
procédure n'entraîne leur nullité que si elle nuit aux intérêts de la partie adverse ».
Nous procéderons donc à l'étude de l'action, l'instance, les voies de
recours, les procédures civiles d'exécution, les frais et les modes
alternatifs de règlement des conflits.

1500
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 1
L'ACTION

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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1502
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
La théorie de l'action
Section 1
Notions

Paragraphe 1
Définition de l'action

L'action en justice est le pouvoir reconnu aux sujets de droit de s’adresser


à la justice pour obtenir le respect de leurs droits ou de leurs intérêts légitimes. Elle
désigne aussi le droit pour l’adversaire de discuter le bien-fondé de la prétention
émise contre lui1. En clair, l'action est le droit pour l'auteur d'une prétention d'être
entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour
l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de être prétention2.
L'action tire sa source du droit constitutionnel d'agir en justice, posé par
l'article 19 de la Constitution qui dispose que « toute personne a le droit de se
défendre elle-même ou de se faire assister d'un défenseur de son choix ». L'expression
« se défendre » s'entend aussi bien en demande qu'à la défense3. L'action
tire également sa source de l'article 8 de la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme qui dispose que « toute personne a droit à un recours
effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes
violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution
ou par la loi ». Plus contraignante encore est l'article 14 point 1 2e phrase
du Pacte international des droits civils et politiques qui dit que « toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue… ». Le droit d'agir en
justice a enfin son assise légale dans l'article 1e du Décret du 7 mars 1960
portant Code de procédure civile qui dispose que « toute personne » peut
en assigner une autre en justice.

Paragraphe 2
L'autonomie de l'action

L'action est autonome par rapport au droit4. C'est par la notion


d'action que s'opère la jonction du droit et de la procédure.

1 S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 78.


2 Art. 30, Code de procédure civile français.
3 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 154.
4 Idem., pp. 156-158 ; C. CHANAIS, op. cit., pp. 115-116.

1503
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Les deux notions ne doivent pas être confondues. Cette autonomie


explique qu'il puisse y avoir des actions sans droits, ou à l'inverse, des
droits sans actions. Elle explique du point de vue du procès que
l'existence de l'action et du droit soient l'objet d'un traitement distinct :
d'une part, l'action peut être déclarée recevable mais mal fondée, car une
chose est le droit d'être entendu sur le fond de sa prétention et une autre
est la réalité du droit subjectif dont la sanction est sollicitée ; d'autre part,
l'action peut s'avérer irrecevable lorsque son auteur n'a pas le droit d'être
entendu sur le fond de sa prétention, l'irrecevabilité ne peut aucunement
dépendre d'un examen au fond du litige, elle est prononcée en
considération d'éléments étrangers à la réalité ou aux caractères du droit
subjectif invoqué (prescription, chose jugée, défaut d'intérêt).
L'action ne se confond donc pas avec le droit. Il est possible de trouver des
actions sans droit subjectif ou des droits sans action. Cas du pourvoi
formé par le ministère public dans le seul intérêt de la loi dans lequel il
n’y a manifestement pas de droit subjectif à protéger. Cas aussi de
l'action qui se prescrit alors que le droit demeure. Cas encore, du
créancier d'une obligation à terme qui détient un droit actuel alors que
l'action ne peut naître qu'à échéance. La distinction est mieux faite
lorsque le juge déclare une action recevable et le droit non fondé, parce
que le droit serait inexistant par exemple. Cas encore d'une transaction
par laquelle une partie renonce à l'exercice d'une action alors que son
droit demeure intacte.
Par ailleurs, Jacques Héron et Thierry Le Bars1 enseignent que
l’assimilation de l’action et du droit conduit à un cercle vicieux. En effet,
illustre-t-il, lorsque le demandeur saisit le juge, il demande au juge de lui
dire s'il est titulaire ou non d'un droit substantiel. Il appartiendra au juge
d'examiner le bien-fondé de la prétention qui lui est soumise. Or, dans
la théorie de Demolombe, l'action n'étant qu'un aspect du droit
substantiel, ne peut agir que celui qui est titulaire du droit substantiel.
Ainsi, pour pouvoir demander au juge si l'on est titulaire d'un droit, il
faut déjà avoir ce droit. C'est bien un cercle vicieux : pour poser la
question (suis-je titulaire de ce droit ?), il faut préalablement en connaître
la réponse (oui, je suis titulaire de ce droit puisque j'agis).
Qui plus est, renchérissent-ils, il est unanimement admis que, dans
le procès, chacune des parties agit, aussi bien le demandeur que le
défendeur. Le demandeur demande au juge de déclarer qu'il est titulaire
du droit et le défendeur sollicite le débouté de son adversaire. Il est

1 J. HERON et T. LE BARS, op. cit., p. 40.

1504
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

évident que le juge ne peut pas à la fois reconnaître le droit du


demandeur et donner satisfaction au défendeur. Par la force des choses,
le juge donnera tort à l'un des deux, donc lui déniera la titularité d'un
droit substantiel. Par conséquent, on ne saurait admettre en même temps
que les deux parties agissent et que l'action n'est qu'un aspect du droit
substantiel.
L'action se distingue encore de la demande. En effet, alors qu'on justifie
d'une action en justice, on peut s'entendre dire que la demande, telle
qu'elle est formulée, est nulle. L'action persiste ainsi alors que la
demande, elle, est paralysée. La demande serait donc la mise en œuvre de
l'action par la partie qui saisit le juge d'une prétention, la manière dont
s'exerce l'action alors que l'action est simplement le droit de saisir le juge.
C'est donc l'acte de procédure par lequel s'exerce l'action. Cet acte de procédure
peut prendre la forme d'une assignation ou d'une requête.

Paragraphe 3
Attributs de l'action

Point 1
Le caractère facultatif de l'action

Le caractère facultatif de l'action signifie que le titulaire du droit d'agir


peut décider d'exercer ou de ne pas exercer le droit qui lui appartient1. Les raisons
qui déterminent le choix sont multiples. Il peut s'agir de considérations
morales, d'un souci d'accommodement, ou même de négligence. Peu
importent les raisons qui guident le choix du sujet de droit. Le droit d'agir
se trouve à sa disposition.
Toutefois, ce caractère a des limites.
La loi prévoit notamment que le ministère public agisse par voie d'action
principale pour protéger les intérêts des personnes incapables. Ensuite, le
juge peut agir lui-même à la place de l'une des parties en matière de droit
de la famille. Notamment, il peut prendre des mesures conservatoires
qu'il juge utiles2.
Dans des cas, la loi confère le droit d'agir à des représentants lorsque,
pour raison d'incapacité, le titulaire du droit ne peut agir. L'abstention
du représentant peut être tenue pour fautive et entraîner sa

1 J. HERON et T. LE BARS, op. cit., p. 37.


2 Lire Art. 568, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.

1505
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

responsabilité personnelle. La responsabilité ainsi encourue est la preuve


de l'obligation d'agir dans le chef du représentant1.

Point 2
Le caractère libre de l'action

Le caractère libre de l'action signifie que la loi accorde une immunité à


celui qui succombe dans son action, que ce soit en demandant ou en défendant2. Le
plaideur n'engage pas sa responsabilité du seul fait qu'il a perdu le procès.
C'est la notion de l'immunité de l'action. Ôter cette immunité à l'action
découragerait certainement les particuliers à faire valoir leurs droits.
Toutefois, cette immunité est restreinte en cas d'abus du droit d'agir3.
C'est le cas d'un plaideur qui intente une action dans la seule intention
de nuire. Il sait qu'il n'est titulaire d'aucun droit. Ainsi, celui qui entend
agir doit préalablement obtenir des renseignements sur ses chances de
succès et il faut que les renseignements ne montrent pas qu'il est en train
de cheminer vers un échec certain.
Constitue une faute, l'action qui constitue un acte de malice, de
mauvaise foi, ou une erreur grossière équipollent au dol4.
La somme accordée par le juge à titre de dommages-intérêts à la
victime d'une telle action est destinée à réparer le préjudice qu'a causé le
procès lui-même, en sus de son coût objectif. Peuvent ainsi être pris en
compte les soucis causés, le temps perdu, l'atteinte à la considération, ou
le traitement contre l'insomnie5.
Malgré tout, la Cour de cassation de France veille à ce que l'immunité
demeure le principe. Elle exige des juges du fond qu'ils relèvent et
caractérisent la faute constitutive de l'abus de droit et elle se montre assez
exigeante. Ainsi, elle n'accepte pas que l'on sanctionne une partie au seul
motif que sa demande était mal fondée dans ses références juridiques et
ne reposait sur aucune argumentation juridique6. À plus forte raison, les
juges du fond ne sauraient se contenter de relever l'existence d'un

1 J. HERON et T. LE BARS, op. cit., p. 37.


2 J. HERON et T. LE BARS, op. cit., p. 38.
3 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 161.
4 Élis., 12 sept. 1914. La jurisprudence est abondante sur la question : Voy. A.

SOHIER, op. cit., p. 24 ; R. LUKOO, op. cit., pp. 21-25.


5 J. HERON et T. LE BARS, op. cit., p. 39.
6 Voir par ex. Cass. fr., Com., 12 janvier 1976.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

préjudice subi par l'une des parties en raison du procès1. La Cour


contrôle aussi la qualification donnée aux agissements de la partie
condamnée. C'est ainsi qu'elle décide qu'un succès même partiel et
temporaire, est exclusif de l'abus du droit d'agir, sauf circonstances
particulières. Par exemple, une cour d'appel ne peut condamner pour
abus du droit d'agir le plaideur qui a obtenu gain de cause en première
instance, que si elle caractérise des circonstances particulières desquelles
il ressort qu'il y a bien eu abus de droit2. À titre d'illustration, l'abus de
droit peut être retenu, s'il résulte des déclarations faites par le plaideur
lors de sa comparution devant la cour d'appel qu'il était de mauvaise foi
ou s’il a multiplié les moyens dilatoires ou artificiels et les procédures
incidentes3.
Mais à défaut de circonstances particulières, le principe reste qu'on
ne pourrait qualifier d'abusif l'exercice de l'action, lorsque les prétentions
présentaient une apparence de solidité telle qu'elles ont su convaincre le
juge du premier degré4. Il a été jugé qu'une action n'est pas
nécessairement téméraire et vexatoire parce qu'elle n'est pas fondée5.
Doit être déclarée non fondée, la demande reconventionnelle en
dommages-intérêts pour action téméraire et vexatoire lorsque le
demandeur sur reconvention n'établit pas à suffisance l'esprit de malice
et de vexation, ou la légèreté inexcusable de la part du défendeur sur
reconvention6.

Paragraphe 4
Classification des actions

On distingue les actions réelles des actions personnelles7. Les premières


sont celles qui tendent à la réalisation d'un droit réel. Les actions sont
dites personnelles en raison de la liberté reconnue à chacun de s'obliger
et par conséquent elles sont illimitées contrairement aux premières. Il

1 Cass. fr., Civ. 3e, 30 juin 1972.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 8 juin 1988.
3 Cass. fr., Civ. 2e, 25 septembre 2014.
4 Cass. fr. Civ 2e, 7 mars 1984.
5 Élis., 19 déc. 1925.
6 C.A. L’shi., 24 mars 1981.
7 Lire A. RUBBENS, op. cit., pp. 34-36 ; MATADI NENGA GAMANDA, op.

cit., p. 162-167.

1507
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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s'agit d'actions attachées à la personne de leur titulaire, de droits de


créance.
L'intérêt de la distinction se situe dans la détermination des parties
au procès. L'action réelle est liée à la chose. Elle est exercée in rem. Elle
peut être exercée par tous ceux qui se prétendent titulaires d'un droit sur
la chose et contre tous ceux qui sont détenteurs de la chose ou qui
contestent la réalité de ce droit invoqué. L'action personnelle ne se
rattache qu'à la personne. Elle est exercée in personam, elle ne peut l'être
que par le créancier ou ses ayant cause, et uniquement contre le débiteur
ou ses ayant cause.
Le deuxième intérêt réside dans la détermination de la juridiction
compétente. En matière personnelle, le juge compétent est le juge de la
résidence du défendeur. En matière réelle, le juge compétent est celui du
lieu de la situation de la chose.
L'autre distinction porte sur les actions immobilières et mobilières.
L'action est mobilière ou immobilière selon la nature du bien sur lequel
elle porte. L'intérêt réside en matière de compétence. En matière
immobilière, le juge de la situation de l'immeuble est compétent. En
matière mobilière, le juge compétent est celui du lieu dans lequel
l'obligation est née ou dans lequel elle doit être ou a été exécutée.

Section 2
Le régime de l'action

Le régime de l'action renvoie aux règles relatives à l'existence et à


l'exercice de l'action. Elles trouvent leur source en droit congolais dans
les principes généraux du droit mis en œuvre par la jurisprudence.

Paragraphe 1
Les conditions d'existence de l'action

L'existence de l'action en justice requiert deux conditions : l'intérêt et la


qualité. Le droit n'en est plus une, car comme on l'a dit, l'action en justice
n'implique pas nécessairement le droit. Le droit n'est donc plus une
condition de l'existence de l'action, mais une condition de son succès. En
effet, il convient de distinguer clairement recevabilité et bien-fondé de
l’action. La recevabilité de l’action est le caractère reconnu à une
demande en justice lorsqu’elle mérite d’être examinée au fond ; elle naît
lorsque les conditions de l’action sont réunies, si bien que la demande ne
se heurte à aucune fin de non-recevoir. On parlera en revanche de bien-

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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fondé pour désigner le caractère d’une prétention ou d’une décision


justifiée en fait ou en droit ; le juge doit y faire droit au fond.
Par ailleurs, la capacité — d'exercice, en tout cas — n'est pas une
condition d'existence de l'action, mais de sa mise en œuvre régulière1.
Désormais donc, deux conditions de recevabilité de l'action :
l'intérêt et la qualité. L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt
légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans
lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie
pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt
déterminé2.
L’intérêt personnel désigne le profit, l’utilité ou l’avantage que
l’action est susceptible de procurer au plaideur. Par qualité à agir, on
entend le titre juridique conférant la prérogative de l’action en justice.
En principe, la seule existence d’un intérêt donne au demandeur qualité
pour agir. Le titre juridique qu’est la qualité, conférant la prérogative de
l’action en justice, se ramène alors à l’obligation de justifier d’un intérêt
direct et personnel. Mais exceptionnellement, il arrive que la notion de
qualité ne se réduise pas à celle d’intérêt à agir.

Point 1
L'intérêt

A. Définition

L'intérêt pour agir est le profit, l'utilité ou l'avantage que l'action est
susceptible de procurer au plaideur. Dire qu'une personne a intérêt à agir, c'est
dire que la demande formée est susceptible de modifier, en l'améliorant, sa condition
juridique. Plus précisément, a intérêt à agir, « la personne qui souffre d'un mal
auquel l'exercice de l'action peut apporter un remède ». Ainsi dit-on que l'intérêt
est la mesure des actions. Avoir un intérêt, c'est avoir un avantage
matériel ou moral effectif dans ce qu'on poursuit en justice. Il faut donc
que l'action soit susceptible de procurer cet avantage3.
L'exigence d'un intérêt relève d'abord du bon sens. À quoi bon agir
si le procès ne peut procurer aucun avantage quel qu'il soit ?

1 Lire MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 169 ; C. CHANAIS, op. cit.,
p. 146.
2 Art. 31, Code de procédure civile français.
3 C. CHANAIS, op. cit., p. 151.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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B. Caractères

L'intérêt doit être concret, direct et personnel, né et actuel, et


légitime1.
L'intérêt doit être concret. Il doit, en clair, exister2. Il doit être
suffisant pour agir en justice. L'intérêt ne cesse pas d'être concret parce
qu'il est simplement moral. Il a été jugé que l'intérêt ne doit pas
nécessairement être matériel : la lésion peut consister dans la
méconnaissance d'une garantie juridique3. L'action est recevable dès lors
que l'intérêt moral est évident.
L’évaluation de ce caractère suffisant fait l’objet d’une appréciation
des juges du fond, surtout quand cet intérêt a une coloration morale.
L’intérêt moral est, en tout cas, protégé au même titre que l’intérêt
pécuniaire.
Il a été jugé que n’a été jugé que n’a pas d'intérêt celui qui demande
sa propre condamnation4, ni l'employé dont l'action tend à faire
condamner son employeur à lui fournir un logement convenable, si le
contrat qui les lie doit prendre fin avant qu'un jugement ne puisse
intervenir5.
L'intérêt doit être direct et personnel. Cela veut dire que l'action
appartient à celui qui agit. On ne peut agir pour le compte d'autrui à
moins d'avoir reçu un pouvoir pour le faire. Le mandataire pour une
action en justice ne peut l'exercer qu'à condition de révéler l'identité
complète de son mandant, sinon il plaiderait par procureur.
L'intérêt doit être né et actuel. Un intérêt éventuel ne suffit pas. Il a
été jugé que la demande en dommages-intérêts pour un dommage qui
dépend d'une condition dont la réalisation est incertaine, concerne un
préjudice éventuel et que l'action qui en poursuit la réparation n'est pas
actuellement recevable6. Par contre, est recevable l'action basée sur la
menace d'un préjudice, si celle-ci est assez sérieuse et imminente pour

1 J. HERON et T. LE BARS, op. cit., p. 46 et s ; MATADI NENGA


GAMANDA, op. cit., pp. 171-175.
2 C. CHANAIS, op. cit., p. 153.
3 Léo., 15 déc. 1931.
4 Elis., 6 avril 1912.
5 Ie Inst., Léo., 9 déc. 1925.
6 Léo., 16 mai 1940.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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constituer un intérêt réel, et notamment dans la nécessité d'intenter des


poursuites judiciaires pour écarter la réalisation de la menace1.
L'intérêt doit être légitime. L'intérêt doit être conforme à l'ordre
public et aux bonnes mœurs et doit donc être un intérêt légalement
protégé. Ainsi, il n'y a pas intérêt à intenter une action contre un
gynécologue qui, en dehors des cas autorisés, refuse d'effectuer une
interruption volontaire de grossesse, ou contre une personne qui a refusé
la livraison de chanvre à fumer. L'application de ce critère renvoie aux
considérations morales. C'est ainsi que la demande est déclarée
irrecevable en raison de la turpitude du demandeur.

Point 2
La qualité

La qualité est le titre juridique qui confère justement le droit d'agir, c'est-à-
dire, le droit de solliciter du juge qu'il examine le bien-fondé d'une
prétention2.
L'article 1e alinéa 1 du Code de procédure civile dispose que « toute
personne qui veut en assigner une autre fournit au greffier de la
juridiction où la demande sera portée, tous les éléments nécessaires à la
rédaction de l'assignation ». C'est dire que l'action est ouverte à tous ceux
qui ont un intérêt légitime.
Ces actions sont dites « banales ». Ici, l'existence d'un intérêt à agir
suffit à elle seule à justifier l'action en justice. C'est que la qualité à agir,
entendue comme titre légal d’agir en justice, découle en principe de la
simple existence d’un intérêt à agir : l’intérêt donne au demandeur qualité pour
agir. Le titre juridique qu’est la qualité, conférant la prérogative de l’action
en justice, se ramène alors à l’obligation de justifier d’un intérêt direct et
personnel3.
Dans certaines hypothèses, la loi habilite certaines personnes à agir en
justice alors qu'elles ne disposent pas d'un intérêt personnel. C'est donc la
qualification par la loi des personnes devant agir en justice. C'est
pourquoi le mandataire légal, judiciaire ou conventionnel ne peut agir
que s'il a qualité. Ces personnes devront d'abord prouver l'existence d'un
intérêt direct et personnel dont la défense est assurée, ensuite la qualité
en vertu de laquelle elles agissent.

1 Léo., 2 déc. 1926.


2 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 175.
3 C. CHANAIS, op. cit., p. 160.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cela dit, il arrive que la loi restreigne le cercle des titulaires du droit
d'action en deçà de celui des personnes susceptibles d'invoquer un
intérêt personnel et qu'elle réserve l'action « aux seules personnes qu'elle qualifie
pour élever ou combattre une prétention »1. Ce sont les actions dites « attitrées
»2. Ainsi par exemple, la loi réserve le droit d'agir en divorce aux seuls
époux3. De même, le tiers qui désire exercer une action oblique ou
paulienne à l'égard des biens d'un débiteur devra justifier de sa qualité de
créancier4.

Paragraphe 2
Conditions d'exercice de l'action

Point 1
Conditions relatives à la personne du sujet qui agit : la capacité
d'agir

La capacité d'agir, capacité d'exercice, suppose la capacité de jouir.


Être capable d'exercer une action en justice suppose que l'on ait la
capacité de jouir, qu'il ne soit pas interdit à une personne de jouir du
droit à l'exercice de l'action sans raison grave. Il est cependant possible
qu'il ne soit pas reconnu à un individu le droit d'agir activement tout
simplement parce que le fondement légal de son droit d'action a disparu.
De façon passive, la personne peut ne pas avoir le droit d'agir en
justice parce qu'elle n'est pas, par exemple, concernée par l'action
intentée.
La capacité d'agir suppose l'existence de son titulaire. Une procédure
ne doit donc pas être menée par, ni contre une personne décédée. En
découle que lorsqu'un groupement est dépourvu de personnalité
juridique, il ne peut agir ni à la demande qu'à la défense5. Aucune action
judiciaire ne peut être exercée au nom d'une personne dont l'existence
et la capacité ne sont pas reconnues6.
Une action en justice n'est valablement exercée que si son titulaire
a d'abord la capacité d'agir. L'exercice d'un droit subjectif substantiel

1 C. CHANAIS, op. cit., p. 163.


2 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 176.
3 Art. 549, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Lire Art. 64&65, Code civil livre 3.
5 C.A., L’shi., 29 déc. 1973.
6 Cass B, 12 nov. 1935.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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suppose que son titulaire ait la capacité requise. La demande en justice


n'est régulièrement formée que si son auteur a la capacité d'ester en
justice. Cette capacité est une capacité d'exercice. Il s'agit donc de
l'aptitude que possède une personne à faire valoir les droits dont elle se
prétend titulaire. À ce propos, l'incapacité d'exercice des droits et
notamment celle d'ester en justice frappe certaines catégories de
personnes qui ne peuvent comparaître en justice que par leurs
représentants ou avec une assistance.
Il arrive que la personne qui met effectivement en œuvre l'action
en justice ne soit pas le titulaire de l'action. Tel est le cas, par exemple,
lorsque la personne titulaire de l'action n'a pas la capacité d'exercice, ou
encore lorsque le titulaire de l'action préfère mandater quelqu'un pour
exercer ce droit, dans le cadre d'un mandat conventionnel. La
représentation à l'action (représentation ad agendum) suppose ainsi
qu’un tiers a reçu pouvoir d’agir au nom d’autrui, en demande et en
défense, aux lieu et place du titulaire de cette action1. Ce pouvoir doit
avoir été donné expressément au tiers, soit par la loi, soit en application
d’un contrat de mandat (plus ou moins général), soit par le juge.
Il ne faut pas confondre capacité et pouvoir2, même si la situation normale
est celle d'une partie qui, tout à la fois, a la capacité d'exercice et le
pouvoir d'agir en justice. Les deux concepts peuvent être dissociés dans
certaines situations. En premier lieu, il arrive qu'une partie ait la capacité
d'exercice, mais pas le pouvoir d'agir, par exemple lorsqu'en raison des
règles de son régime matrimonial, le pouvoir appartient aux deux époux
ensemble. En deuxième lieu, celui qui a, à la fois, la capacité d'exercice
et le pouvoir d'agir, peut préférer confier à un tiers, par un mandat, le
soin d'agir à sa place (mandat ad agendum) ; plusieurs personnes peuvent
même, parallèlement, confier à une unique personne le mandat pour agir
en leur nom. En troisième et dernier lieu, lorsqu’une partie n’a pas la
capacité d’exercice (mineur ou majeur incapable), elle peut néanmoins
ester en justice par l’intermédiaire d’un représentant qui a le pouvoir
d’agir en son nom.
En matière de représentation, il est de principe que nul ne plaide par
procureur. Cette règle exprime aujourd’hui une condition de forme : la
représentation en justice n’est pas interdite, mais le mandant doit figurer en
nom dans toutes les pièces de la procédure, sans que sa personnalité soit occultée par

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 180.


2 C. CHANAIS, op. cit., p. 243 ; MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 181.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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celle du mandataire1. Ainsi, l'action est irrecevable lorsque le titulaire


n'établit pas qu'il a le droit d'agir pour le compte d'une tierce personne2.
L'exception est d'ordre public3. Est fondé et entraîne cassation pour
défaut de qualité, le moyen pris de la violation du principe selon lequel «
nul ne plaide par procureur », en ce que le juge a reçu l'action mue en
nom propre par un oncle maternel pour le compte de son neveu majeur
et ayant droit coutumier dans la lignée patrilinéaire4.

Point 2
Conditions relatives à l'objet

L'action en justice doit avoir pour but d'obtenir la solution d'un différend
entre parties. Doit être déclarée d'office non recevable, l'action qui ne
relève aucun litige, mais sollicite des tribunaux des avis, des déclarations
de principe ou la solution de questions de droit abstrait5 ou qui demande
aux tribunaux de constater ou authentifier des conventions6.
Doit être considéré comme sans objet l'action ad futurum, visant
un droit purement éventuel. Mais une partie est en droit de demander
acte de ses réserves quant à un dommage matériel futur du moment qu'il
y a une probabilité de réalisation de ce dommage7.
Par ailleurs, la prétention ne doit pas être contraire à la loi, à l'ordre
public ou aux bonnes mœurs.

Point 3
Conditions relatives à la nécessité d'agir dans un certain délai

L'exercice de l'action en justice est pratiquement toujours enfermé


dans certaines limites de temps : la prescription, ou d'autres délais. Une
action intentée hors délai est irrecevable.
On appelle délais d'action, les délais qui visent à assurer un
déroulement suffisamment rapide de l'instance et qui imposent par

1 C. CHANAIS, op. cit., p. 248.


2 Léo., 19 avr. 1966.
3 Élis., 25 août 1934.
4 C.S.J., R.C. 303, 16 sept. 1981.
5 Élis., 18 nov. 1913.
6 Élis., 8 mars 1941.
7 Léo., 27 juill. 1943.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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conséquent un délai maximum pour accomplir l'acte de procédure1. C'est


le cas du délai d'exercice d'une voie de recours par exemple.

Section 3
Les évènements qui affectent l'action2

Paragraphe 1
Les clauses contractuelles relatives à l'action en justice

Il peut exister des clauses contractuelles bilatérales tendant à éviter


l'action en justice. Les parties peuvent s'entendre, afin d'éviter la lenteur
de la justice ou l'inexpérience des juges dans une matière spécifique, pour
choisir l'un des modes alternatifs de règlement des conflits (MARL). Il
arrive ainsi que les parties signent une clause compromissoire à
l'occasion d'un contrat. Elles peuvent tout autant choisir la conciliation
ou la médiation.
D'autres clauses peuvent autoriser la solution unilatérale du litige.
Il s'agit des clauses pénales et des clauses résolutoires.
D'autres clauses tendent vers l'adaptation de la solution judiciaire
du litige. Elles peuvent être relatives au choix de tel ou tel juge
territorialement compétent, à la réduction du temps de l'instance ou
l'accélération de la procédure.

Paragraphe 2
La transmission de l'action

La transmission de l'action est en principe liée à la transmission du droit


subjectif substantiel. L'action se transmet, en principe, entre vifs ou pour
cause de mort. Elle peut être transmise alors qu'il n'y a pas instance, dans
ce cas, elle accompagne la transmission du droit subjectif substantiel.
Elle peut l'être en cours d'instance, ici, le nouveau titulaire doit justifier
des conditions lui permettant de figurer dans l'instance.
Ce principe est cependant limité. Il existe en effet des actions
intransmissibles. Cas de l'action en remboursement de la dot ou au
paiement du solde de la dot ou l'action en divorce. Ces actions sont
personnelles aux époux.

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 183.


2 Lire MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., pp. 184 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
L'extinction de l'action

Les causes de l'extinction de l'action sont d'abord liées aux causes


de l'extinction du droit subjectif substantiel. L'action étant un droit
subjectif auxiliaire, elle est rattachée au droit subjectif substantiel qui la sous-
tend. Elle s'éteint donc avec ce dernier en cas de paiement, renonciation ou
compensation.
Il existe cependant des causes propres à l'extinction de l'action.

Point 1
Le désistement

Le désistement d'action est l'acte par lequel le demandeur principal ou le


défendeur qui a formé une demande reconventionnelle déclare abandonner ses
prétentions à l'encontre de son adversaire.
C'est un acte de disposition puisqu'il emporte la renonciation à un
droit, celui d'agir et prive ainsi définitivement, sauf demande nouvelle
par son objet ou son fondement juridique, de la possibilité de saisir le
juge.
Le désistement requiert la capacité de disposer du droit. Il faut la
capacité et le pouvoir d'ester en justice. L'avocat doit être muni d'une
procuration spéciale.
On estime cependant que les actions relatives à l'état des personnes n'étant
pas disponibles ne peuvent faire l'objet de désistement.
Ce désistement ne requiert pas en principe l'acceptation de
l'adversaire. Il n'a pas de forme sacramentelle, mais ne se présume pas.
Il doit ressortir soit d'une renonciation expresse, soit des faits qui
permettent de conclure qu'il s'agit d'une renonciation radicale à l'action.

Point 2
L'acquiescement

L'acquiescement à l'action est l'acte juridique unilatéral par lequel une


partie au procès renonce à son droit d'action en se soumettant à la demande de son
adversaire ou au jugement de la juridiction.
Elle n’Elle n’exige pas de formalité sacramentelle. Il peut être total
ou partiel, exprès ou tacite.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 4
Les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC)

Renvoient à l'arbitrage, la conciliation, la médiation.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
La mise en œuvre de l'action
L'action est le droit d'être entendu sur le fond de sa prétention afin
que le juge la juge bien ou mal fondée. Ce doit s'exprime au moyen de la
demande, qui est l'acte juridique par lequel s'exerce l'action, « l'acte d'ouverture
des hostilités judiciaires »1. Cette demande est dirigée contre une ou
plusieurs personnes qui sont défendeurs. Celles-ci jouissent du droit de
discuter du bien-fondé de l'action à travers leurs moyens de défense. Par
ces derniers, les défenseurs exercent aussi leur action.

Section 1
La demande

Paragraphe 1
Les éléments de la cause

La demande comprend des parties, un objet et une cause. Les sujets


actifs — demandeurs — et passifs — défendeurs — ou les parties
doivent être clairement identifiées dans la demande. Ils doivent exister2.
L'objet de la demande est la prétention. Il peut s'agir d'obtenir le
divorce, le paiement d'une dette, la résolution d'une convention, la
réparation d'un préjudice, la cessation d'un trouble de jouissance. Le juge
peut requalifier la demande mais ne peut pas la modifier. Une partie ne
peut être condamnée au profit d'une autre qui n'a rien demandé contre
elle. La demande doit être conforme à l'ordre public et aux bonnes
mœurs.
Conformément à l’exigence de la cause, les parties soumettent au
juge les faits auxquels celui-là appliquera la norme juridique appropriée.
La demande doit être formulée devant le juge compétent.

Paragraphe 2
Les différentes catégories de demande

On distingue la demande initiale des demandes incidentes3.

1 Moral, cité par MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 191.


2 Cass. b., 12 nov. 1935.
3 Lire MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., pp. 196 et s ; J. HERON et T.

LE BARS, op. cit., pp. 75 et s ; C. CHANAIS et alii., op. cit., pp. 271 et s.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 1
La demande introductive d'instance

La demande introductive d'instance désigne la demande initiale par


laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge des
prétentions. On l'appelle aussi demande principale.
Sur cette demande peuvent se greffer en cours d'instance plusieurs
autres demandes. Ce sont des demandes incidentes. Cas de la demande
reconventionnelle, en intervention volontaire ou forcée, additionnelle…

Point 2
Les différentes demandes incidentes

Toute demande intervenant au cours d'un procès déjà engagé est


dite incidente et on distingue plusieurs sortes de demandes incidentes.

A. La demande additionnelle

La demande additionnelle est la prétention nouvelle du demandeur par


laquelle il modifie ses prétentions premières soit en les réduisant soit en les étendant.
C'est le prolongement immédiat de la demande principale. Elle est
recevable dès lors qu'elle présente un lien suffisant avec celle-ci dans la mesure
où elle est une réclamation implicite comprise dans les termes de
l'assignation. Cas de l'aggravation d'un préjudice depuis l'assignation.
Ainsi a-t-il été jugé qu'une demande de paiement de préavis pour rupture
unilatérale et abusives est une demande additionnelle, elle s'ajoute à la
demande originelle de paiement de rémunération, ces deux demandes
ayant pour objet le contrat de travail1.

B. La demande nouvelle au premier degré

Après l'assignation introductive d'instance, la partie demanderesse


peut toujours, en cours d'instance, modifier la demande telle qu'elle avait été
originairement formulée. La demande peut être nouvelle parce que
l'objet de la demande vient à changer.
La demande nouvelle au premier degré est recevable, à condition qu'elle
procède de la même cause que l'initiale. Ainsi par exemple, une demande en
exécution forcée peut être transformée en résolution. Ensuite, la

1 Kis., 4 avr. 1972.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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demande doit être introduite par conclusions à un moment où la


procédure est contradictoire pour que les parties en discutent. On peut
aussi se référer au cours des débats aux faits non évoqués dans l'exploit
introductif mais qui sont survenus ou qui ont été découverts
postérieurement. Dans la pratique, les plaideurs recourent à une
assignation distincte de la première et en cours d'instance, demandent la
jonction de deux procédures.

C. La demande nouvelle au second degré

Il ne peut être formé, en degré d'appel, aucune demande nouvelle1. Est


nouvelle en cause d'appel et partent irrecevable, une demande dont
l'objet n'a pas été énoncé dans l'acte introduction d'instance et n'a donné
lieu à aucun débat contradictoire devant le premier juge.
Toutefois, il est admis des demandes en dommages-intérêts pour le
préjudice souffert depuis le jugement de première instance2. La loi admet
également des demandes en compensation3.
L'exception de nouvelléité doit être expressément soulevée par les
parties4.

D. La demande reconventionnelle

La demande reconventionnelle est celle qui est formée par le défendeur


en réplique à celle du demandeur. Elle lui permet soit d'atténuer la condamnation
qui le menace, soit de l'empêcher complètement, soit de faire prononcer une
condamnation contre le demandeur. Le défendeur cherche à obtenir un
avantage autre que le simple rejet de la demande. La demande
reconventionnelle est fondée sur le caractère vexatoire et téméraire d'une
action.
La demande reconventionnelle ne peut être formée que par un
défendeur et contre le demandeur originel. Deux conséquences : le
demandeur originel, devenu défendeur sur reconvention, ne peut
prétendre en former une à son tour car reconvention sur reconvention

1 Art. 77, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile. Boma, 17
sept. 1901.
2 Elis., 20 janv. 1912.
3 Art. 77, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile. Léo., 28 fév.

1950.
4 C.A. Léo., 2 mars 1965.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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ne vaut1. En cas de pluralité de défendeurs à la demande principale, l'un


d'eux ne peut pas davantage former une demande reconventionnelle
contre un autre.
La demande reconventionnelle doit avoir un lien avec la demande
principale. Il a été jugé que « la demande reconventionnelle qui sort du
cadre des débats liés par l'assignation doit être rejetée »2. Pour qu'une
demande reconventionnelle soit recevable, il faut qu'elle ne sorte pas du
cadre de la demande principale, que la créance invoquée soit liquide et
certaine et que son examen ne soit pas de nature à retarder la solution
du litige principal3. Toutefois, ce lien de connexité n'est pas exigé en cas
de demande de compensation4.
La demande reconventionnelle est irrecevable pour la première fois en
appel5, sauf lorsqu'elle tend à obtenir compensation6. L'exception doit
être soulevée par les parties7.

E. La demande en intervention

Il s'agit d'une demande par laquelle une partie tierce à une procédure
sollicite d'y participer — intervention volontaire —, ou par laquelle une partie
à une procédure déjà engagée sollicite la mise en cause d'un tiers — intervention
forcée —. L'intervention forcée peut avoir pour but d'obtenir
l'opposabilité de la décision à ce tiers — intervention aux fins de
jugement —, ou la condamnation de ce dernier — intervention aux fins
de condamnation —.

F. La demande provisoire

La demande provisoire est celle qui tend à faire prendre, sans lier le
juge du fond, les mesures nécessaires pour atténuer les inconvénients

1 Comm., Bruxelles, 7 juill. 1932. En France, la Cour de cassation admet


expressément qu’une demande reconventionnelle soit formée par le demandeur
originaire, marquant ainsi son rejet de l’ancien adage « reconvention sur
reconvention ne vaut ». Cass. fr., Civ., 2e, 10 janvier 2013.
2 Ie Inst., Elis., 5 fév. 1925.
3 Ie Inst., Léo., 28 août 1929.
4 C.A. Élis., 15 mars 1960.
5 Élis., 1e mai 1943.
6 Élis., 18 juin 1932.
7 Élis., 18 juin 1932.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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sérieux qui résulteraient de la longue attente de la décision définitive sur


le fond.

G. La demande subsidiaire

La demande subsidiaire est celle qui n'est introduite que si l'on


estime que pour une raison ou une autre, le juge dira irrecevable ou non
fondée la demande principale.

Paragraphe 3
Les effets de la demande

La demande crée le lien d'instance. Ce lien d'instance emporte des


conséquences juridiques vis-à-vis du juge et des parties.

Point 1
Vis-à-vis du juge

La demande est une condition nécessaire de la saisine du juge. On


considère que c'est la remise au greffe de l'assignation qui saisira le juge
qui crée le lien juridique d'instance. Pendant toute l'instance, les parties
sont soumises à un lien juridique ou rapport d'instance. Elles sont tenues
d'effectuer des actes de procédure sous peine de sanction. Le juge devra
statuer sous peine de déni de justice. Il doit statuer en respectant le
principe dispositif. Il n'accordera que ce qui lui a été demandé sans aller
au-delà.

Point 2
Entre les parties

La demande constitue une mise en demeure et transfère les risques


à charge du débiteur. Elle interrompt la prescription. Elle fait courir les
dommages-intérêts moratoires.

Section 2
Les défenses

On désigne par là tous les procédés légaux qui permettent au défendeur de


réagir contre l'attaque dont il est l'objet. Il dispose en cette matière de moyens
classés en quatre catégories : la défense au fond, l'exception, la fin de

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

non-recevoir et la demande reconventionnelle1. La demande


reconventionnelle a déjà été traitée précédemment.

Paragraphe 1
Les défenses au fond

Constitue une défense au fond, tout moyen qui tend à faire rejeter comme
non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire2. Il s'agit
donc d'un moyen dirigé directement à l'encontre de la prétention du
demandeur pour établir qu'elle est injustifiée et donc non fondée. Ce
moyen s'analyse comme la dénégation du droit du demandeur, par
contestation soit des faits allégués, soit de la règle de droit que le
demandeur invoque à l'appui de sa prétention.
Toute défense au fond est fondamentale dans un procès puisqu'elle
porte sur les mérites mêmes des prétentions de l'adversaire et constitue
ainsi la manifestation éclatante des droits de la défense et du principe de
la contradiction. C’est pourquoi la défense au fond peut être présentée «
en tout état de cause » : d’une part, elle peut être soulevée à tout moment
au sein d’une même instance, d’autre part, elle peut être invoquée à toute
hauteur d’un procès, en première instance, en appel, et même en
cassation dans la mesure où elle ne constitue pas un moyen nouveau3.

Paragraphe 2
Les exceptions

Point 1
Définition

Est considéré comme une exception de procédure, tout moyen qui


tend à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours4.
Il s'agit donc d'une contestation non sur le fond de l'affaire mais sur la procédure.
Lorsqu'il oppose une exception de procédure au demandeur, le

1 Lire MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., pp. 207 et s ; J. HERON et T.


LE BARS, op. cit., pp. 81 et s ; C. CHANAIS et alii., op. cit., pp. 283 et s. Voir le
tableau des défenses et des solutions y réservées, dressé par A. RUBBENS, op.
cit., pp. 75-76.
2 Art. 71, Code de procédure civile français.
3 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 285.
4 Art. 73, Code de procédure civile français.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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défendeur fait donc savoir qu'il n'accepte pas le débat au fond. Ce refus
n'est que temporaire, car souvent, le défendeur ne fait que paralyser
provisoirement l'instance, emportant un retardement du débat au fond.
Mais l'exception peut consister dans l'anéantissement de l'instance.
Toutefois, ceci n'empêche pas de réintroduire éventuellement et
ultérieurement une nouvelle instance.

Point 2
Régime juridique

Alors que la défense au fond peut, en principe, être présentée à


toute hauteur du débat, au contraire, la jurisprudence, dans le dessein
d'éviter la chicane, a soumis les exceptions de procédure à un régime
rigoureux, celui des règles de l'antériorité et de la simultanéité : les exceptions
de procédure doivent, en principe, être invoquées toutes ensemble —
exigence de simultanéité — et avant toute défense au fond ou fin de
non-recevoir — exigence d’antériorité —. Le limine litis est marqué
objectivement par la première audience pour laquelle l'affaire est inscrite
et le moment où s'ouvre la procédure devant la juridiction de jugement.
Il se place subjectivement, pour chaque partie, au moment où le tribunal,
lui accordant la parole, lui offre l'occasion de faire valoir ses exceptions
et défenses1.
Toutefois, il y a des exceptions qui peuvent être soulevées alors que
le débat est déjà engagé. C'est notamment le cas des exceptions de
connexité ou certaines exceptions de nullité contre des actes de
procédure intervenus au cours de l'instance.

Point 3
Types d’exceptions

A. Les exceptions dilatoires

Sont des exceptions dilatoires, les exceptions qui tendent à obtenir


la suspension de la procédure et qui n'engagent pas le débat sur le fond. Elles
ont pour objet direct et immédiat d'obtenir un délai.
C'est le cas de l'exception de défaut de communication tirée de l'article 15
du Code de procédure civile. Il découle de cet article que les parties sont
entendues contradictoirement, et conséquemment, chaque partie doit

1 Ie Inst., App. Élis., 15 janv. 1929.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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communiquer à l'autre les conclusions qu'elle déposera au tribunal. Il a


été jugé que viole les droits de la défense et donc l'article 15 du Code de
procédure civile, la décision qui statue sur les mérites des conclusions
non communiquées au préalable à l'autre partie, non soumise au débat
contradictoire et qui ont été déposées après la clôture de celui-ci1.
C'est le cas encore de l'exception d'incompétence, qui tend à obtenir le
renvoi de la cause devant un autre juge compétent. À ce stade, la
jurisprudence considère d'ordre public l'incompétence matérielle2, mais
d'ordre privé l'incompétence territoriale3.
Cas encore de l'exception d'obscuri libelli, lorsque l'assignation n'est pas
claire. Il n'est toutefois pas nécessaire que le demandeur détaille dans
l'exploit les causes de l'assignation, il suffit que les personnes assignées
les aient comprises4. N'est pas obscure la demande que le défendeur a
comprise, mais dont seule l'argumentation n'est pas développée en
l'exploit5. C'est le cas également de l'exception de connexité, de
litispendance, ou de constitutionnalité.

B. Les exceptions péremptoires ou exceptions de


nullité

Ce sont celles qui visent l'anéantissement de l'instance à cause d'une


irrégularité affectant un acte de procédure. Le juge peut, d'après les
circonstances, soit vider l'exception soulevée, soit la joindre au fond et
ordonner aux parties de conclure conformément à l'article 26 du Code
de procédure civile. Rappelons qu'aucune irrégularité d'exploit ou d'acte
de procédure n'entraîne leur nullité que si elle nuit aux intérêts de la
partie adverse.

1. Les mentions dites substantielles

L'omission des mentions dites substantielles entraîne nullité peu


importe qu'il y ait eu grief ou pas — même si y en a souvent —. C'est le
cas d'une assignation qui ne comporte pas la mention du tribunal appelé
à connaître de l'affaire ou le nom de la partie défenderesse. Il y a ici un

1 C.S.J., R.C. 470, 30 nov. 1983.


2 Élis., 21 mai 1938.
3 Cons. Sup., 1e déc. 1923.
4 Élis., 7 fév. 1931.
5 Ie Inst. Ruanda-Urundi, 22 mars 1932.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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problème sur l’existence de l'acte lui-même. L'identité et la qualité de la


personne qui instrumente l'exploit, la date et le nom de l'agent,
constituent des mentions dites substantielles dont l'omission rend l'acte
inexistant1.

2. Les mentions prescrites à peine de nullité

Les mentions prescrites à peine de nullité ne nécessitent pas de grief


et entraînent la nullité absolue.

Point 3
Les fins de non-recevoir

Les fins de non-recevoir sont des moyens de défense mixtes qui


ressemblent tantôt à la défense proprement dite, dans la mesure où, dans
leurs effets, ils entraînent un échec définitif de la demande ; tantôt aux
exceptions quant au terrain sur lequel ils placent le débat. Le défendeur,
sans entrer au fond de la demande, paralyse celle-ci. Elle consiste en fait
à dénier le droit d'agir à l'adversaire.
Les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause,
y compris après une défense au fond. Elles doivent être accueillis sans
que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief.
Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire
déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond,
pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la
prescription, le délai préfix, la chose jugée, inexistence d'une partie.

1 C.S.J., 2 fév. 1978.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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TITRE 2
L'INSTANCE

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Chapitre 1
La théorie de l’instance
Section 1
L'acte juridictionnel

Paragraphe 1
La notion d'acte juridictionnel

Au regard des effets qu'il produit, liés principalement à l'autorité de


la chose jugée, il importe de poser avec précision les contours de la
notion d'acte juridictionnel. À ce propos, on notera que la doctrine était
partagée, entre définition formelle et matérielle, desquelles a découlé une
définition mixte aujourd'hui retenue en doctrine1.

Point 1
Les conceptions classiques

A. Le critère formel

Pour les tenants du critère formel, avec notamment Raymond


Carré de Malberg, l'activité du juge ne se distinguerait pas, par sa nature
et son but, de celle d'un administrateur, si bien que c'est seulement en
considérant son aspect extérieur qu'on parviendrait à l'isoler. L'acte
juridictionnel serait accompli par des organes spécialisés, hiérarchisés,
indépendants et autonomes — critère organique — et en suivant des
règles de procédure particulières donnant des garanties aux plaideurs —
critère procédural —.
Cette conception a été critiquée. D’abord, parce que les critères
formels ne permettent guère d’identifier, au sein d’un organe réunissant
ces traits caractéristiques — spécialisation, hiérarchisation,
indépendance, autonomie et règles de procédure particulières — ce qui
relève du juridictionnel et ce qui n’en relève pas. Ensuite, parce qu’à
l’inverse, le caractère très sommaire d’une procédure n’enlève en rien à
un organe la possibilité d’exercer une fonction juridictionnelle.

1C. CHANAIS et alii., op. cit., pp. 743 et s ; J. HERON et T. LE BARS, op. cit.,
pp. 183 et s ; MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., pp. 218 et s ; S.
GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), op. cit., p. 62.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Ces difficultés expliquent que d'autres auteurs, Japiot et surtout


Jèze, se soient attachés à un autre facteur, lui-même d’origine externe :
la force de vérité légale, l’autorité de la chose jugée.
Un acte serait juridictionnel lorsqu’il aurait force de vérité légale, et
pour savoir si cette autorité appartient ou non à un acte, il faudrait
interpréter la volonté du législateur.
Ce raisonnement est considéré comme entaché d’une erreur de
méthode. En effet, il n’est pas d’usage de déterminer la nature d’un acte
au moyen de ses attributs. Si l’interprète a besoin de qualifier un acte,
c’est précisément pour en déduire les conséquences. L’autorité de la
chose jugée découle du but de la fonction juridictionnelle : un acte la
possède précisément parce qu’il est juridictionnel.

B. Le critère matériel

Les tenants du critère matériel voient dans l'acte juridictionnel,


tantôt l'idée de contestation, tantôt de structure, tantôt de but de l'acte.

1. L’idée de contestation

Pour les tenants de l’idée de contestation, l'existence d'une


contestation soumise au juge serait l'élément décisif de l'acte
juridictionnel. La juridiction serait le pouvoir de trancher les litiges. Le
contentieux apparaîtrait comme une contestation que les parties ont
accepté de soumettre à un juge public afin qu’il lui donne une solution
pacifique.
L’existence d’une contestation paraît bien être le signe révélateur
d’une situation contentieuse. Pourtant, l’absence de contestation ne
permet pas toujours de refuser à un acte tout caractère juridictionnel. Ce
caractère est notamment reconnu à la prétention unilatérale par laquelle
un plaideur forme un recours pour excès de pouvoir, ou par laquelle le
ministère public défère à la Cour de cassation une décision rendue en
violation de la loi. Il serait donc dangereux d’aller trop loin dans cette
voie. En procédure civile, si l’acte juridictionnel intervient très souvent
pour mettre fin à une contestation, ce n’est pas toujours le cas ; la notion
de litige est plus large que celle de contestation ; pour mettre en œuvre
l’activité juridictionnelle du juge, une prétention unilatérale suffit.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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2. L’idée de structure

Pour les tenants de l'idée de structure, c'est dans la structure de


l'acte que l'on peut déceler sa spécificité. La fonction du juge serait, saisi
d’une prétention, de constater les atteintes au droit et d’en dégager les
conséquences par une décision. Les éléments de l’acte seraient au
nombre de trois : une prétention, c’est-à-dire une question de droit posée
au juge et qu’il doit résoudre ; une constatation, c’est-à-dire une solution
fournie par le tribunal à la question posée concernant une violation du
droit ; on dit volontiers que la constatation se réduit à un syllogisme : la
majeure en est la règle de droit ; la mineure est constituée par les faits de
l’espèce concrète sur lesquels s’appuie la prétention ; la conclusion
consiste dans la réponse par oui ou par non à la question posée. Ainsi
présentée, la constatation est œuvre de l’intelligence ; et enfin, une
décision, conséquence logique et directe de la constatation et tendant à
sa réalisation concrète. À la différence de la constatation, la décision qui
déduit de la constatation des conséquences pratiques (défense,
condamnation, etc.) est un acte de la volonté. C’est cette réunion
d’éléments divers dans un même acte, lui donnant une complexité de
structure originale, qui permettrait d’isoler l’acte juridictionnel, de le
distinguer notamment de l’acte administratif.
Parmi ces trois éléments, il nous semble que, seule, la constatation
caractérise réellement l’acte juridictionnel. La prétention qui est une
condition nécessaire de l’intervention du juge demeure, en effet,
extérieure à l’acte. Par ailleurs, un certain nombre d’actes juridictionnels
ne comportent pas de décision consécutive. Tel est le cas pour les
questions préjudicielles ; quand la solution du procès civil dépend de
l’appréciation préalable par un tribunal administratif de la validité d’un
acte, ce tribunal se borne à effectuer une simple constatation dont le juge
civil déduit ensuite les conséquences nécessaires par une décision.

3. L’idée de but

Pour les tenants de l'idée de but, le but de l’activité du juge, lorsqu’il


statue sur une prétention, est de procéder à une vérification, à un
contrôle. Si l’idée de sanction est incluse dans la notion de règle de droit,
la mise en œuvre de cette sanction suppose une vérification préalable de
l’atteinte portée à la règle. Chaque fois qu’un particulier ou un agent
public soutient qu’une règle de droit a été violée, il doit pouvoir obtenir
d’un juge la reconnaissance de cette violation.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
La conception moderne

La doctrine moderne met l’accent, de manière générale, sur le critère


téléologique fondé sur le but de la fonction juridictionnelle, ce but étant
littéralement de dire le droit — la juridiction — c’est-à-dire d’opérer la
vérification des situations juridiques à l’aide d’une constatation qui
constitue, à elle seule, l’acte juridictionnel.
Il faut que celui qui procède à la vérification de la situation juridique
par une constatation soit un tiers étranger aux intérêts en cause, inspiré par le
seul souci de faire respecter la légalité. Ce peut être un juge au sens exact,
mais aussi un organisme indépendant qui, sans constituer une juridiction,
exercera une mission, une fonction, juridictionnelle. Dans la mesure où
le jugement amiable répond à ce dernier critère, on serait tenté de le
considérer comme un acte quasi juridictionnel.
L'on ne considère, cependant pas, pour autant, que des signes aussi
importants que la distinction et la structure des organes, l’existence des
formes procédurales doivent être négligés. Si les critères formels sont à
eux seuls insuffisants, ils complètent et confirment le résultat de l’analyse
menée sur le plan matériel. La combinaison de critères distincts semble bien
s’imposer. Il est en effet des actes qui, tout en étant juridictionnels au
point de vue matériel, ne le sont pas au point de vue formel : cela se
produit, par exemple, lorsqu’un fonctionnaire a le droit d’annuler l’acte
d’un subordonné pour illégalité. Cette annulation a la nature d’un
jugement, mais n’est pas entourée des garanties organiques et
procédurales.

Paragraphe 2
Les effets de l'acte juridictionnel

Point 1
L'autorité de la chose jugée

A. Fondements de l'autorité de la chose jugée

L'autorité de la chose jugée est envisagée par le Code civil au titre


des « présomptions établies par la loi ». La loi dispose que « la présomption
légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits ;

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

tels sont : (...) 3o l’autorité que la loi attribue à la chose jugée (...) »1. Une
présomption légale de vérité est ainsi attachée à la décision du juge. Cette
présomption légale est une présomption irréfragable, c’est-à-dire qu’elle
ne peut être renversée. Elle appartient à cette catégorie de présomptions
qui constituent moins une règle de preuve qu’une règle de fond décidée
par le législateur. Elle emporte non seulement une dispense de preuve
pour celui qui en bénéficie mais aussi une interdiction absolue de preuve
contraire pour l’adversaire. En outre, le jugement a la force probante
d’un acte authentique : les énonciations du jugement, tout au moins les
constatations personnelles du juge, font foi jusqu’à inscription de faux.
Enfin, la présomption de vérité se double d’une présomption de régularité,
dont bénéficie le jugement2. Au demeurant, la chose irrévocablement
jugée couvre même les erreurs du jugement3.
Comme le souligne Jean Carbonnier4, le droit « fait l’aveu hautain
de l’irréalité de son univers : la chose jugée n’est pas la vraie vérité ; elle
est reçue par le bon peuple pour tenir lieu de vérité ».
L’autorité de la chose jugée remplit donc une fonction politique : la
vérité judiciaire renfermée dans le jugement s’écarte parfois de la vérité
matérielle. L'idée c'est qu'il est de l’intérêt de la chose publique qu’il existe une
fin des instances. Montesquieu5 a dit que « le repos des familles et de la société
tout entière se fonde non seulement sur ce qui est juste mais sur ce qui est fini ».
Par ailleurs, l’interdiction d’engager de nouveau un procès à propos
d’une affaire déjà jugée permet d’éviter des incohérences entre les jugements
rendus. La chose jugée s'affiche alors comme un corollaire de la
litispendance.

B. La dimension négative de l’autorité de la chose


jugée : le principe non bis in idem

1. Définition

Exprimée dans sa dimension négative, la chose jugée postule que


personne ne doit être attaqué deux fois pour une seule et même cause. Le caractère

1 Art. 226 point 3, Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des obligations
conventionnelles.
2 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 807.
3 Cass. fr., Civ., 1re, 3 nov. 1966.
4 Cite par C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 808.
5 Cite par C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 809.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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définitif du jugement doit protéger le défendeur à un premier procès


d’éventuelles actions ultérieures à propos d’une affaire déjà jugée. Dans
sa dimension négative, l’autorité de chose jugée interdit que soit soumis
à nouveau à un tribunal ce qui a déjà été jugé, sous la condition de la
triple identité de parties, de chose demandée et de cause.
Lorsque le juge a dit le droit, il faut, à un certain moment, que ce
dire s’impose à tous, que le droit ainsi dit puisse s’insérer dans
l’ordonnancement juridique ; précautions prises, tant au niveau de
l’élaboration de l’acte juridictionnel que des voies de recours, la sécurité
juridique commande d’empêcher toute remise en cause, de donner un
terme au litige et d’arrêter le processus judiciaire. Et cela, quel que soit
le contenu du jugement, même si la réalité ne correspond pas à ce qui
est acté dans le jugement.

2. Sanction de l’autorité négative de la chose jugée

Le non-respect de l'autorité de la chose jugée entraîne une fin de non-


recevoir1 que peut opposer la partie contre laquelle on voudrait reprendre
une prétention déjà jugée. Le moyen est seulement d’intérêt privé2, les
parties peuvent y renoncer. Le juge ne peut pas le relever d’office et il ne
peut être présenté pour la première fois en cassation3.

3. Les conditions de l’autorité négative de la chose


jugée

La mise en œuvre de l’autorité négative de la chose jugée est


subordonnée à la réunion de trois conditions : une identité d’objet, de
cause et de parties4.

1 A. RUBBENS, op. cit., p. 87.


2 C.S.J., R.C. 302, 27 fév. 1980.
3 Élis., 22 nov. 1960.
4 C.S.J., R.C. 76, 8 août 1979 ; C.S.J., R.C. 679, 10 déc. 1986 ; C.S.J., R.P.P. 157,

15 août 2003. Lire C. CHANAIS et alii., op. cit., pp. 814 et s ; J. HERON et T.
LE BARS, op. cit., pp. 203.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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a. Identité d'objet

L’objet de la demande désigne le résultat économique ou social qui


est recherché1. Quand il s’agit de savoir si, par rapport à une nouvelle
demande, la chose a déjà été jugée, il faut examiner et la matérialité de la
chose demandée et la nature du droit réclamé sur cette chose ; si l’une ou l’autre
change, il n’y a pas autorité de chose jugée.
Pour que celle-ci joue, il faut que le demandeur réclame le même
droit2, sur une demande matériellement identique3. Il faut aussi que
l’objet de la demande ait déjà été effectivement jugé4 et que la première
juridiction ait examiné les moyens de droit considérés5.

b. Identité de cause

Il faut entendre par cause, le pourquoi de la demande, ce sur quoi


elle est fondée. Un consensus se dégage pour entendre dans cette notion
l'ensemble des faits sur lesquels la demande est fondée.
A minima, la cause se comprend comme le complexe des faits sur
le fondement desquels la demande a été présentée au juge. Une demande
ultérieure se heurtera à une fin de non-recevoir si la situation factuelle
qui a servi de fondement à la décision antérieure est demeurée identique,
c’est-à-dire si les faits invoqués au soutien de la demande sont inchangés.
Inversement, des faits nouveaux sont de nature à permettre que s’ouvre
un nouveau procès.
Il en va ainsi lorsque des événements postérieurs sont venus
modifier la situation antérieurement reconnue en justice : en effet, le juge
n’a alors pu rendre la première décision qu’en s’appuyant sur des faits
existants au jour de la décision rendue6. En revanche, l'on considère
qu’un revirement de jurisprudence ne constitue par un fait juridique
nouveau permettant de faire réexaminer une affaire donnée à la lumière
du nouveau droit prétorien7.

1 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 814.


2 Req. 8 nov. 1937.
3 Cass. fr., Civ., 1re, 19 avr. 1977.
4 Cass. fr., Civ., 2e, 27 mai 2009.
5 Cass. fr. Soc., 1er févr. 2011.
6 Cass. fr., Civ., 2e, 3 juill. 2008.
7 Cass. fr., Civ., 2e, 18 oct. 2007.

1537
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

La jurisprudence considérait que le seul changement de fondement


juridique suffisait à caractériser un changement de cause. Lorsqu’un
plaideur revenait devant un juge en invoquant la même demande, contre
le même adversaire, mais en invoquant un fondement juridique nouveau,
sa demande était donc considérée comme recevable et ne se heurtait pas
à une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée. Ainsi avait-
on jugé que l’autorité de la chose jugée sur une demande en nullité d’un
contrat — réalité et validité du consentement — ne s’opposait pas à une
nouvelle demande en nullité fondée sur une cause différente — existence
d’un prix réel et sérieux —1.
Mais il en va différemment depuis un arrêt de la Cour de cassation
de France du 7 juillet 2006 rendu en Assemblée plénière dit Cesareo, qui
considère que le fait d'invoquer un nouveau fondement juridique ne
suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause et, par suite, à écarter
l'autorité de la chose jugée sur la demande originaire2. Dans cet arrêt, la
Cour de cassation de France décide que le justiciable doit présenter, dès
l’instance relative à la première demande, l’ensemble des moyens qu’il
estime de nature à fonder sa demande et à rejeter celle de leur adversaire.
À défaut, le seul changement de fondement juridique ne suffit pas à
caractériser la nouveauté de la cause et, par suite, à écarter l’autorité de
la chose jugée sur la demande originaire. Les parties ne seront plus
recevables à présenter ultérieurement une demande nouvelle qui serait
fondée sur les mêmes faits, mais avec un autre fondement juridique. Elle
fait ainsi peser sur le demandeur un principe de concentration des
moyens.
La conception renouvelée de l’autorité de la chose jugée devient donc une
conception strictement factuelle de la cause. La cause s’entend simplement du
complexe de faits examiné par le juge et non du même complexe de faits,
qualifié en droit. Le droit congolais semble s'être aligné sur cette
conception de la cause. Il a en effet été jugé non fondée, « la fin de non-
recevoir de la requête tirée de la violation de l'autorité de la chose jugée
par un arrêt de la Cour dès lors que les faits visés ne sont pas les mêmes
que ceux jugés »3. Il en résulte que l’identité de cause est désormais
beaucoup plus aisée à caractériser.

1 Cass. fr., Ass. Plén., 3 juin 1994.


2 Cass. fr., Ass. Plén., 7 juill. 2006.
3 C.S.J., R.R. 1510, 5 juill. 2013.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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c. Identité des parties

Un demandeur ne se heurtera dans une affaire à l'autorité de la


chose jugée qu'à condition que la demande soit entre les mêmes parties,
et formée par elles et contre elles en la même qualité. Ces parties sont le
demandeur, le défendeur, les intervenants ; on leur assimile les ayants
cause universels et à titre universel.
L'interdiction procédurale d'engager un nouveau procès sur la
même affaire ne s'applique pas aux tiers. L'acte juridictionnel, en dépit
de la force de vérité légale qui le caractérise, n'a qu'une autorité limitée,
relative. Le jugement produit sa pleine efficacité substantielle entre les
parties et elles seulement. Plus généralement, il n’a pas autorité à l’égard de
ceux qui n’étaient pas parties au procès.

4. Domaine formel de l'autorité négative de la


chose jugée

Il est érigé en principe que « l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à
l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son
dispositif »1. En principe donc, l'autorité de la chose jugée n'est attachée
qu'au dispositif d'une décision.
À ce propos, il convient de distinguer les motifs décisifs des motifs
décisoires.
On appelle décisoires ces motifs qui tranchent une partie du principal sans
être pour autant en relation avec le dispositif, sans en constituer le soutien nécessaire.
On observe, dans la pratique, par suite notamment d'une rédaction
défectueuse des jugements, que les juges laissent parfois dans les motifs
une partie de ce qui devrait figurer dans le dispositif. La doctrine et la
jurisprudence rejettent toute autorité de la chose jugée à ces motifs.
Les motifs décisifs sont ceux qui constituent le soutien nécessaire du
dispositif, qui font corps avec la sentence. Il s’agit de motifs qui ont été
intellectuellement décisifs pour conduire au dispositif adopté dans le
jugement plutôt qu’à un autre dispositif. En raison de leur lien intime
avec le dispositif, la doctrine leur admet une autorité négative de la chose
jugée2.

1 Cass. fr., Ass. Plén., 13 mars 2009.


2 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 832 ; J. HERON et T. LE BARS, op. cit., p. 217
; MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 222.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Cela dit, la Cour de cassation de France a rejeté, en assemblée


plénière, cette considération de l'autorité négative de la chose jugée aux
motifs, décisifs soient-ils. Elle a énoncé très clairement que « l’autorité
de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet du jugement et a
été tranché dans son dispositif ».

5. Dimension progressive de l'autorité de la chose


jugée

La présomption de vérité et de régularité dont est assortie la chose


jugée se renforce avec le temps, au fur et à mesure que les voies de
recours ont été utilisées ou ont fait l’objet d’une renonciation. La chose
jugée connaît donc des gradations.
Lorsque le jugement est rendu, il a l’autorité de la chose jugée. Mais
l’intensité de la présomption attachée à cette autorité varie selon que sont
ouvertes, ou non, des voies de recours contre ce jugement.
La présomption gagne un degré supplémentaire en intensité dès
lors que le jugement n’est pas ou n’est plus susceptible d’aucun recours
suspensif d’exécution. Les décisions qui ne sont pas ou plus susceptibles
d’une voie de recours ordinaire — soit que le délai pour exercer cette
voie de recours soit expiré, soit que ce recours ait été exercé — ont force
de chose jugée.
La présomption se renforce encore pour devenir irréfragable à partir
du moment où les voies de recours extraordinaires ne peuvent plus être
exercées, soit que le délai pour ce faire soit expiré, soit qu’il ait été fait
usage de ces voies de droit. On rend compte de ce renforcement ultime
de la présomption en qualifiant de jugements irrévocables les décisions qui
ne sont pas ou plus susceptibles de voies de recours extraordinaires.
L’autorité qui accompagne les jugements est si forte qu’elle s’attache à
tout jugement devenu inattaquable, même si le tribunal était
incompétent d’une manière radicale, d’ordre public, ou s’il a commis une
violation flagrante des formes. L’irrégularité sera couverte ; on ne pourra
plus s’en prévaloir, il faudra se soumettre au jugement et l’exécuter.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Point 2
Le dessaisissement du juge

A. Principe

Le dessaisissement du juge est un autre effet de l'acte


juridictionnel1. Le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la
contestation qu’il tranche. Le juge épuise son pouvoir en prononçant sa
sentence.
Par le prononcé du jugement, le juge est dessaisi ; ce
dessaisissement est une conséquence directe de l'autorité attachée à la
chose jugée, autorité qui interdit au tribunal de connaître à nouveau
d'une prétention qui a fait l'objet d'un acte juridictionnel. Dès lors que
se trouve réalisée la triple identité de parties, de cause et d'objet, le
tribunal ne peut plus statuer à nouveau, en dehors des cas d'opposition.

B. Exceptions

Deux exceptions sont cependant admises : l'interprétation et la


correction d'erreurs matérielles.

1. L'interprétation

Il peut arriver qu'après le prononcé du jugement, souvent au


moment de son exécution, des difficultés naissent de son ambiguïté.
Rien de plus raisonnable alors que de revenir devant le tribunal et de lui
demander un deuxième jugement expliquant clairement les termes du premier,
en formant un « recours » en interprétation. Il appartient à tout juge
d'interpréter sa décision si elle n'est pas frappée d'appel.
C’est donc au juge qui a rendu la décision qu’appartient, en
principe, le pouvoir de l’interpréter, sauf en cas d’appel, ce pouvoir étant
alors transféré au juge d'appel, en raison de l’effet dévolutif de l’appel,
mais dans la limite de celui-ci.
La demande en interprétation est formée par simple requête,
unilatérale ou conjointe. Elle n'est soumise à aucun délai. On applique
donc la prescription trentenaire des actions réelles et personnelles, sauf

1C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 840 ; MATADI NENGA GAMANDA, op. cit.,
p. 224.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

à réserver le cas de l’exercice de l’appel qui dessaisit le juge. Le juge se


prononce après avoir, sinon entendu, du moins appelé les parties.
Sous couvert d’interprétation, le juge ne doit pas modifier la décision
précédente1, même si les dispositions précises de la décision interprétée
sont erronées2. Mais la Cour de cassation de France a admis que le juge
pouvait replacer, dans le dispositif du jugement à interpréter, la décision
implicite qui se trouvait nécessairement contenue dans les motifs3. Il a
été jugé que « viole le principe du non bis in idem et partant, encourt
cassation totale avec renvoi, le jugement qui, sous le prétexte d'une
interprétation ou d'une rectification d'erreur matérielle, a porté atteinte
à l'autorité de la chose jugée en changeant le fond de la décision
interprétée, en attribuant à un clan le droit de jouissance des terres, lequel
avait été reconnu à un autre clan par un jugement ayant acquis l'autorité
de la chose jugée »4.
Le jugement interprétatif a la même valeur que le jugement interprété ; il
fait corps avec lui et il ne peut faire l’objet de voies de recours
autonomes, indépendamment des voies exercées contre le jugement
interprété, sauf en cas de violation ou de dénaturation de la chose
précédemment jugée par le premier juge, ou lorsque la décision
interprétative n’a pas été rendue dans les mêmes conditions que la
décision interprétée ou lorsque le juge refuse d’interpréter sa décision.

2. Action en rectification d’erreur ou d’omission


matérielle

La procédure de rectification matérielle, qui n'est pas une voie de


recours à proprement parler, vise à parfaire un acte juridictionnel
matériellement altéré. Le tribunal s’est trompé, il s’est glissé une erreur
matérielle dans sa décision ou il a omis une mention. On agira en
rectification du jugement. Tout juge est concerné, y compris le juge de
cassation. Même lorsque le jugement est passé en force de chose jugée,
ces erreurs peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu
ou par celle à laquelle il est déféré.
L’erreur matérielle suppose une pensée du juge déformée par sa
transcription matérielle : la pensée est exacte, mais son expression ne l’est pas.

1 Cass. fr., Civ., 1re, 5 juill. 1978.


2 Cass. fr., Civ., 2e, 20 nov. 1996.
3 Cass. fr., Civ., 2e, 7 juin 1978.
4 C.S.J., R.C. 020/T.S.R., 31 oct. 1997.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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L’erreur intellectuelle, l’erreur de raisonnement du juge, ne relève pas de


cette procédure, mais des voies de recours normales. Quant à l’omission
matérielle, ce n’est pas celle qui traduit une défaillance de la volonté du
juge, mais celle qui traduit une manière infidèle de transcrire cette
volonté lors de la rédaction du jugement1.
Aucun délai n’est prescrit. On applique le droit commun de la
prescription2. La juridiction compétente est normalement celle qui a
rendu la décision entachée de l’erreur ou omission. En cas d’appel, le
pouvoir de rectification passe à la cour d’appel dès qu’elle est saisie de
l’affaire, en raison de l’effet dévolutif de l’appel ; mais elle ne peut pas en
être saisie si l’appel est limité à la rectification. Le juge de cassation peut
procéder à la rectification de l’erreur matérielle lorsque la décision lui a
été déférée ; en revanche, un pourvoi ne peut être exercé à titre principal
en rectification.
La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les
expéditions du jugement et elle est notifiée comme ce dernier. Elle n’a
pas d’autre autorité que celle du jugement rectifié auquel elle s’incorpore3. N’ayant
aucune autonomie propre, elle suit, quant aux voies de recours, le régime
de la décision rectifiée : si celle-ci était susceptible d’appel ou d’un
pourvoi, celle-là l’est également.

Paragraphe 3
La matière contentieuse et la matière gracieuse

Il y a matière contentieuse lorsque la matière qui est soumise au


juge consiste en des prétentions qui s'affrontent et auxquelles une solution
judiciaire doit être trouvée : cette procédure s'exerce sous l'office du juge
et sous le double signe de la contestation et de la contradiction. Cela suppose
la présence d'un adversaire et d'un litige.
Il y a matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige, le juge est saisi
d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de
la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle. Pour que la
matière soit gracieuse, il faut qu'il y ait une difficulté qui soit dépourvue
de caractère contentieux et il est ensuite nécessaire que cette difficulté
ne puisse pas être réglée sans l'intervention d'un juge chargé d'exercer un

1 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 846.


2 Paris 29 avr. 1977.
3 Cass. fr. Soc. 15 déc. 1999.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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contrôle. Cette intervention peut consister en une autorisation, en une


défense, en une homologation, en une désignation, etc.

Section 2
Les actes non juridictionnels

Les actes non juridictionnels sont les mesures d'administration judiciaire.


Ces mesures sont des actes liés au fonctionnement de la juridiction. C'est
notamment les actes relatifs au roulement des audiences, au rôle des
affaires, à la police d'audience, à la formation d'une chambre par le
président de la juridiction, etc. Ces mesures ne font pas l'objet de recours.
Il existe également des actes non juridictionnels ayant trait à la
solution d'un litige. Ce sont généralement des jugements, certes, mais
des jugements qui relèvent des accords que les parties soumettent au juge
après que la contestation, objet du litige, a disparu.

Section 3
Les délais de procédure

Les lois de procédure fixent les délais en matière de procédure


civile. Tout délai est soumis aux règles suivantes : le jour de l'acte qui est
le point de départ d'un délai n'y est pas compris. Le jour de l'échéance
est compté dans le délai, si celui-ci n'est qualifié de franc. Lorsque le
dernier jour prévu pour accomplir un acte de procédure est un jour férié
légal, le délai est prorogé jusqu'au plus prochain jour ouvrable. Lorsque
le délai légal expire un jour où le greffe est fermé, l'acte y est valablement
reçu le plus prochain jour d'ouverture de ce greffe. Le délai qui est fixé
par jour se compte de jour à jour ; celui qui est fixé par mois ou par
année se compte de quantième à veille de quantième, selon le calendrier
grégorien1.
Les délais prévus par la loi peuvent être augmentés par elle-même. La
loi prévoit que le délai d'assignation est de huit jours francs entre
l'assignation et la comparution. Ce délai est majoré d'un jour par cent
kilomètres de distance. Par ailleurs, le délai d'assignation pour les
personnes qui n'ont ni domicile, ni résidence au pays est de trois mois2.
Mais le délai peut également être réduit par la procédure d'abréviation
des délais. La loi dispose que dans les cas qui requièrent célérité, le

1 Art. 195, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.


2 Art. 9, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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président de la juridiction compétente peut, par ordonnance rendue sur


requête, permettre d'assigner à bref délai. La requête et l'ordonnance
sont transcrites sur la copie de l'exploit et signifiées en même temps que
celui-ci1.

Section 4
Les actes de procédure

Les actes de procédure sont ceux qui émanent des juges et des
parties en cause, mais également des greffiers et huissiers. Les actes des
juges et des parties seront étudiés prochainement. Voyons ici ceux des
huissiers et des greffiers.

Paragraphe 1
Les actes d'huissier et les actes de greffiers

Point 1
Les actes d'huissier

La mission de l'huissier consiste à faire des exploits. Les exploits sont


des procès-verbaux dans lesquels les huissiers relatent en forme
authentique leurs propres actes de procédure : ce qu'ils ont vu, entendu,
fait, constaté dans les domaines les plus variés — assignations, citations,
sommations de comparaître, avenirs, significations de jugements, etc. —
. Ils sont chargés des saisies, destructions, expulsions, remises, etc. Ils
procèdent également aux exécutions forcées des jugements et actes
exécutoires. Les actes de l'huissier sont authentiques.
L'original et la copie de l'exploit sont datés ; ils mentionnent
l'identité et la qualité de celui qui effectue la signification et sont signés
de lui2.

Point 2
Les actes de greffiers

Le greffier partage la compétence de la signification avec les huissiers. Ils


exercent également la compétence en matière de rédaction des actes :
assignations, recours des parties, minutes des jugements.

1 Art. 10, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.


2 Art. 5 al. 2, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
La sanction des irrégularités des actes de procédure

Aucune irrégularité d'exploit ou d'acte de procédure n'entraîne leur nullité que


si elle nuit aux intérêts de la partie adverse1. C'est le principe étudié
précédemment, pas de nullité sans grief. Il a été jugé que « l'exception de
nullité n'est pas fondée lorsque le demandeur ne prouve pas que
l'omission invoquée lui a causé un quelconque préjudice si cette
omission se rapporte à une formalité qui n'est pas prescrite à peine de
nullité »2.
Cependant, la nullité absolue est concevable lorsque les formalités prévues par
la loi sont substantielles ou prescrites à peine de nullité3. Ainsi, un exploit qui
manquerait de nom et de signature de l'agent qui instrumente ou encore
la signification d'un jugement au moyen d'une photocopie non certifiée
conforme par le greffier constituent l'inobservation d'une formalité
substantielle sanctionnée de nullité sans qu'il ne soit question de savoir
s'il y a eu grief ou pas.

Section 5
Les procédures préalables

Dans certains cas, la loi prévoit des procédures préalables à la


saisine du juge civil. Le non-respect de ces procédures entraîne
l'irrecevabilité de la requête. C'est le cas de la mise en demeure avant
l'action en exécution forcée.
Le droit de la famille prévoit plusieurs cas de conciliation préalables
obligatoires : conciliation préalable des époux par le juge de paix avant
l'action en divorce, conciliation préalable des époux en cas de refus de la
dot ; de refus de consentement des parents des époux au mariage.
D'autres mesures préalables peuvent consister en l'autorisation du
juge préalable à l'introduction de la demande en justice, comme dans le
cas où une femme veut agir contre la volonté de son mari dans les
matières autres que celles où elle en est dispensée ; la désignation d'une
personne ayant qualité pour ester en justice pour un incapable, tuteur ou
curateur ; l'autorisation du président de la juridiction pour l’abréviation
de délai ; la désignation d'un conseil, dans les cas où l'office d'un avocat

1 Art. 28, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.


2 C.S.J., 1e sept. 1977.
3 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 240.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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est obligatoire, tel que la saisine de la Cour de cassation ou la requête


civile ; les mesures conservatoires ; l'autorisation du Président de la
juridiction pour la dispense de consignation des frais.
Par ailleurs, la mise en demeure est aussi une nécessité préalable à
la saisine du juge en matière d’exécution forcée. Toutefois, la sanction
ici n’est pas l’irrecevabilité, mais plutôt le non fondement de l’action, car la
mise en demeure est en fait une condition de l’exigibilité de la créance,
qui se vérifie au fond.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2
L'introduction de l'instance
Section 1
Les formes de la demande

Les demandes, en matière de droit privé, s'exercent par voie


d'assignation, de comparution volontaire des parties devant le juge, de
conclusions, de requête ou de plainte en matière coutumière1.

Paragraphe 1
L'assignation

L'assignation est un acte authentique signifié aux personnes appelées au


procès2. Les mentions contenues dans l'assignation renferment une force
probante. Ses termes sont réputés être ceux du demandeur.
L'assignation est l'œuvre du greffier. Aux termes de la loi, « toute
personne qui veut en assigner une autre fournit au greffier de la
juridiction où la demande sera portée, tous les éléments nécessaires à la
rédaction de l'assignation. Si le requérant sait écrire, il remet au greffier
une déclaration signée »3. En pratique, les parties préfèrent s'adresser à
un avocat pour rédiger l'exploit, et celui-ci sera ensuite remis au greffier
qui en endossera finalement l'écriture.
L'assignation est rédigée par le greffier. Elle contient les noms,
profession et domicile du demandeur et les noms et demeure du
défendeur ; elle énonce sommairement l'objet et les moyens de la
demande et indique le tribunal où la demande est portée, ainsi que le lieu,
le jour et l'heure de la comparution4. Il a été jugé que « viole la loi, le juge
qui rejette l'exception de nullité de l'exploit introductif d'instance
soulevée dans les conclusions d'appel et basée sur le fait que ni l'original,
ni la copie dudit exploit ne sont datés, ne mentionnent l'identité et la
qualité de la personne qui avait procédé à la signification et ne sont signés
par elle »5.

1 A. RUBBENS, op. cit., p. 53.


2 A. SOHIER, op. cit., p. 30 .
3 Art. 2, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
4 Art. 2 al. 1, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
5 C.S.J., R.C. 171, 21 avr. 1978.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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A été jugé nulle, l'assignation qui, à raison de l'incertitude sur


l'identité de la personne citée, ne permet pas à la juridiction de jugement
d'identifier la personne contre laquelle elle serait éventuellement appelée
à prononcer la condamnation1.
L'assignation doit mentionner l'objet et les moyens, afin de
permettre au juge de définir son dispositif et au défendeur de préparer
ses moyens de défense. Au cas contraire, il y a obscuri libelli. Cela dit,
du moment que l'énoncé, même sommaire, de l'assignation a permis au
défendeur de se défendre au fond, l'exception d'obscuri libelli doit être
rejetée2. Les fautes d'orthographe n'entraînent pas d'obscurité lorsque la
citation contient les mentions essentielles et importantes et que le texte
est intelligible3.
Lorsque le demandeur n'agit pas en nom personnel ou que le
défendeur n'est pas assigné en nom personnel, l'assignation mentionne
en outre leur qualité4.
L'assignation est signifiée par le greffier ou l'huissier. La signification
consiste en la remise d'une copie — l'original étant conservée au greffe
— de l'assignation au défendeur.
L'assignation est signifiée par un huissier ; elle peut l'être aussi par
le greffier.
Les modes de signification de l'assignation sont similaires à ceux
précédemment étudiés en matière de citation en procédure pénale : la
signification se fait à personne au défendeur lui-même ou à domicile5, au
voisin ou à la commune6, signification par voie postale, par messager7
ou à l'étranger8.
Au sujet de la signification à domicile, l'assignation est signifiée en
parlant à un parent ou allié, au maître ou à un serviteur. À défaut du
défendeur et de ces personnes, une copie de l'exploit d'assignation est
remise, moyennant signature de l'original, à un voisin ou, dans une
circonscription, au chef de cette circonscription, ou au chef de sa
subdivision coutumière. Il a été jugé que irrégulière, la signification faite

1 Ie Inst. Lusambo, 17 juin 1947.


2 Ie Inst. Élis., 4 août 1961.
3 TRIPAIX Ngaliema, R.P. 15365/3, 21 juin 1999.
4 Art. 2 al. 2, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
5 Art. 3, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
6 Art. 4, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
7 Art. 6, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
8 Art. 7, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

au domicile en parlant et en y laissant copie au domestique du signifié


alors que l'huissier instrumentant a omis de mentionner qu'il n'y avait ni
un quelconque parent, ou allié, ni l'autre pour être admis à parler à son
serviteur1.
Par ailleurs, la signification à domicile inconnu ne peut être admise
comme valable que lorsqu'il est établi que la partie signifiante a fait toutes
diligences qu'exige la bonne foi pour rechercher le domicile ou la
résidence de la partie à laquelle le jugement est signifié. Une signification
faite à domicile inconnu en dehors de ces conditions est sans valeur2.
Le domicile des personnes morales se trouve au siège de leur
administration. Le domicile de l'État se trouve à la présidence de la République,
ou au gouvernorat du siège du tribunal. Les administrations et
établissements qui jouissent de la personnalité civile sont assignées en
leurs bureaux, dans le lieu où se trouve leur siège, en la personne ou au
bureau de leur préposé. Les sociétés qui jouissent de la personnalité civile
sont assignées à leur siège social, succursale ou siège d'opérations, ou, s'il n'y en
a pas, en la personne ou au domicile de l'un des associés3.
La loi reconnaît à toute personne physique ou morale le droit d'élire
domicile4. Toute personne peut élire domicile pour l'exécution de tous
actes. Cette élection doit être expresse et ne peut se faire que par écrit5.
Toutes significations, demandes et poursuites pour l'exécution d'un acte
pour lequel domicile a été élu, peuvent être valablement faites à ce
domicile et devant le juge dudit lieu. Il a été jugé que lorsqu'un huissier
qui a procédé à la signification de la date d'audience s'est rendu au
cabinet de l'avocat en l'étude duquel le destinataire de l'acte avait élu
domicile, que cet avocat était absent, et que son collaborer avait refusé
de recevoir l'exploit en alléguant que le client avait déjà rompu le contrat
d'assistance et de représentation avec le cabinet en se choisissant un
autre conseil, que du reste il aurait déjà retiré son dossier, cette
signification reste régulière dès lors que la révocation du mandat spécial
comportant une clause d'élection de domicile n'a pas été apportée à la
connaissance du juge6.

1 C.S.J., R.C. 240.


2 C.A., Léo., 13 juin 1961.
3 Art. 8, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
4 Art. 164, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
5 C.S.J., R.C. 329, 28 mai 1980.
6 C.S.J., R.C. 204, 20 déc. 1978.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Aux termes de la loi, « le délai d'assignation est de huit jours francs entre
l'assignation et la comparution, outre un jour par cent kilomètres de distance. Le délai
d'assignation pour les personnes qui n'ont ni domicile, ni résidence dans la République
(...) est de trois mois. Lorsqu'une assignation à un défendeur domiciliée hors de la
République (...) est remise à sa personne dans ce territoire, elle n'emporte que le délai
ordinaire »1.
Au sujet du calcul du délai de distance, il a été jugé que les délais de
distance à ajouter aux délais ordinaires doivent être calculés suivant la
longueur de la voie à parcourir entre la résidence du cité et le lieu où
siège la juridiction devant laquelle il doit se rendre et non pas suivant la
longueur d'une ligne idéale entre deux points entre lesquels il n'existe
aucun moyen de communication2. En cas de domicile élu, le délai de
distance se calcule en raison du domicile élu et non du domicile réel3.
Toutefois, les délais d'assignation ne sont pas prescrits à peine de
nullité, ils ne sont pas d'ordre public. Ainsi, l'inobservance de ces délais
n'empêche pas la saisine du tribunal ; le tribunal peut régulariser la
procédure en renvoyant la cause à une date ultérieure4.

Paragraphe 2
La comparution volontaire des parties devant le juge

Aux termes de la loi, « les parties peuvent toujours se présenter


volontairement devant le juge. Celui-ci statue en dernier ressort si les
parties le demandent. La déclaration des parties qui demandent jugement
est actée par le greffier. Elle est signée par les parties, ou mention est
faite qu'elles ne peuvent signer »5.
Cette forme de saisine suppose que les parties se sont mises
préalablement d'accord pour obtenir un jugement.
Cette procédure prévue à l'article 12 doit être distinguée de la
procédure de comparution volontaire par laquelle une partie s'abstient
de soulever les irrégularités de l'assignation ou a fortiori déclare y
renoncer expressément. Cela n'est au demeurant pas possible lorsque
l'irrégularité porte sur une mention substantielle ou prescrite à peine de
nullité.

1 Art. 9, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.


2 Léo., 31 oct. 1944.
3 Léo., 11 sept. 1956.
4 Kin., 7 nov. 1967.
5 Art. 12, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 3
La requête

La requête est un acte par lequel est formée la demande en justice


dans les procédures non contradictoires et spécifiées par la loi et qui, consistant
en un écrit motivé, est directement présenté au juge afin que celui-ci statue
sur la requête par décision. Le juge y répond par voie d'ordonnance1.
La requête est prévue pour certaines matières contentieuses,
notamment en matière de divorce. La requête ainsi rédigée doit respecter
les mentions de l'assignation, et être notifiée à la partie adverse dans les
formes prévues pour l'assignation.
Mais la requête est davantage utilisée en matière gracieuse. C'est la
procédure ordinaire pour saisir la juridiction gracieuse. À ce titre, la
requête est l'acte par lequel un justiciable réclame directement d'une
autorité judiciaire une décision de sa compétence. Le demandeur dépose
sa requête au greffe sans en avertir préalablement les autres parties
intéressées : c'est une dérogation au principe du contradictoire, qui se
justifie particulièrement pour des solutions provisoires, préalables à un
procès contradictoire ou en l'absence de tout contentieux2.
Dans certains cas, le législateur impose le recours à la requête pour
introduire certaines procédures préalables à l'assignation en justice. Il en
est ainsi en cas de demande d'abréviation des délais ; de désignation d'un
conseil ou d'un tuteur ad hoc qualifié pour représenter en justice un
incapable ou un absent ; d'autorisation de la femme mariée par le tribunal
de paix pour agir en justice, en cas d'échec de concertation avec son mari
; de mutation de droits immobiliers pour cause de décès ; de viciation
par un des époux de ses devoirs conjugaux ; de saisies conservatoires —
saisie-arrêt, saisie-mobilière —, ces mesures préalables.

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 269.


2 A. RUBBENS, op. cit., p. 57.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Section 2
La mise au rôle et le dossier de la procédure

Paragraphe 1
L'inscription au rôle

Chaque greffe tient un registre où toutes les affaires sont répertoriées sous
un numéro d'ordre d'après l'ordre d'enregistrement. Lorsque la cause est
introduite par assignation, elle reçoit son numéro à partir du moment où
le greffier confie à l'huissier l'exploit pour la signification. L'exploit porte
le numéro de l'affaire — R.C. ou Rôle Civil —. Lorsque la cause est
introduite par requête, la mise au rôle se fait au moment du dépôt au
greffe par le requérant. Lorsqu'elle est introduite par comparution
volontaire, la mise au rôle de fait dès que le juge a acté la comparution
des parties.
Chaque inscription au rôle contient un numéro d'ordre, la date de
la mise au rôle, les noms des parties ainsi que les dates successives des
audiences, souvent aussi les noms des conseils et l'objet de la demande.
Pour les affaires en appel ou en cassation, il y est inscrit en plus la date
et éventuellement le résumé du dispositif de la décision attaquée,
l'indication de la juridiction qui l'a rendue, la date du recours et sa
notification.
Le greffier établit un extrait du rôle pour chaque audience. Cet extrait
mentionne les causes introduites ou renvoyées pour ce jour. Il est affiché
au greffe et à la porte de la salle d'audience avant la date d'audience.
Dès l'inscription au rôle d'une affaire, le greffier ouvre un dossier
sur lequel il inscrit les identités des parties et le numéro de la cause. Il y
portera au fur et à mesure toutes les dates d'audience. Ce dossier peut
être consulté par les parties, le ministère public ou le juge. Le dossier
contiendra l'exploit introductif d'instance, les diverses notifications, les
conclusions des parties, les différents procès-verbaux d'audience ou de
descentes, les rapports d'expertise éventuelles, l'avis du ministère public,
et toutes les pièces que les parties voudront verser au débat. Le tout
constitue le dossier judiciaire1.

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 281.

1554
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 2
La consignation des frais et le non-procéder

Lorsque le demandeur fournit les éléments nécessaires à la


rédaction de l'assignation, il consigne entre les mains du greffier la somme
nécessaire à la rédaction de l'assignation. Lorsque, au cours de la procédure, la
somme consignée paraît insuffisante, le greffier fixe les suppléments à
parfaire. En cas de contestation sur le montant de la somme réclamée
par le greffier, le président de la juridiction décide1.
Aucun acte de procédure ne sera exécuté avant que la consignation prescrite ait
été opérée2. En pratique, le greffier enregistre la cause et le jour de
l'audience, on vérifie si les parties ont consigné. Celles-ci peuvent le faire
même avant le début de l'audience. Au cas contraire, en cas de non
consignation, le juge prononcera le non-procéder3.
La partie indigente est dispensée, dans les limites prévues par le
juge, de la consignation des frais. Les frais d'expertise et les taxations à
témoins sont avancés par le Trésor. L'indigence est constatée par le
président de la juridiction devant laquelle l'action est ou doit être intentée
; ce magistrat détermine les limites dans lesquelles les frais sont avancés
par le Trésor4.

Paragraphe 3
La radiation

La radiation est la sanction du non-paiement des frais exigés par le greffier à


titre de supplément. Ici, l'affaire est déjà portée au rôle, le tribunal aura déjà
procédé à certains actes parce que le demandeur avait payé les frais de
consignation. Il n'y aura donc pas ici non-procéder, l'affaire se trouvant
déjà dans le rôle. En l'occurrence, l'affaire sera rayée du rôle.
La loi dispose que la cause sera rayée du rôle en cas de non-
versement de la somme requise à titre de supplément5. La cause radiée
peut revenir au rôle avec un autre exploit. Il a été jugé que « la radiation
n'opère pas péremption d'instance. C'est une simple mesure suspensive,
indispensable pour permettre au juge saisi de s'abstenir de juger sans

1 Art. 144, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.


2 Art. 145, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
3 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 279.
4 Art. 146, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
5 Art. 145, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

1555
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

commettre un déni de justice. L'instance n'est pas éteinte, mais


simplement interrompue, et la partie peut, après avoir consigné les frais,
ramener la cause par réassignation »1.
La radiation est une mesure administrative non susceptible d'appel
ou de cassation2.

Paragraphe 4
Le règlement du rôle

En vertu de son pouvoir réglementaire, chaque président de


juridiction fixe l'une de ses audiences hebdomadaires pour l'introduction
des causes. À l'ouverture de l'audience, le greffier fait la lecture du rôle
des affaires nouvelles fixées à cette date. Le greffier prend acte de la
comparution ou de la défaillance des parties. Si les parties comparaissent
et que la cause est en état d'être jugée, le juge peut retenir l'affaire. Il peut
sur-le-champ, rendre un jugement sur le banc ou reporter jusqu'après la
lecture du rôle. L'affaire ne sera dite en état que si les parties ont échangé
leurs dossiers ainsi que leurs conclusions, épuisant les moyens de
procédure et de fond, et que les faits ne sont pas contestés où sont établis
par les pièces du dossier.
Les parties peuvent soulever des exceptions qui retardent l'examen
de la cause, soit qu'elles obligent le demandeur à réintroduire son action
en due forme et devant la juridiction compétente, soit qu'elles obligent
d'attendre les délais accordés par le juge pour vider l'incident ou
régulariser la procédure.

Section 3
La comparution des parties et leur représentation

À l'appel de la cause, le greffier constate la comparution ou non des


parties. En matière civile, les parties peuvent toujours être représentées. La
loi dispose que « les parties comparaissent en personne ou par un avocat porteur
des pièces »3. L'avocat porteur des pièces du procès, ne doit justifier
d'aucune procuration spéciale pour représenter son client à l'audience et
pour y défendre ses droits et intérêts4.

1 Ie Inst. Élis., 27 avr. 1933.


2 C.S.J., R.C. 703, 10 sept. 1987.
3 Art. 14 Al. 1, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
4 Kin., 23 août 1972.

1556
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le monopole de la représentation en justice est réservé aux avocats.


La Cour suprême considérait l'alinéa 2 de l'article 141 comme
implicitement aboli par l'ordonnance-loi relative au barreau. Elle
déclarait en conséquence qu'était fondé et entraînait cassation, le moyen
de cassation qui faisait grief à une cour d'appel d'avoir permis à un
mandataire ordinaire de plaider et de conclure au nom d'une partie en
cause2. Désormais donc, ainsi qu'il découle de l'ordonnance-loi sur le
barreau, le monopole de la représentation en justice est réservé aux seuls
avocats et défenseurs judiciaires.
Le mandat de représentation en justice comporte le droit de
comparaître, de postuler et de conclure pour la partie, ainsi que de porter
la parole en son nom3.
Les tuteurs, curateurs et liquidateurs de toute sorte peuvent
comparaître, postuler, conclure et porter la parole pour l'exécution de
leur mandat, tant à l'égard des personnes qu'à l'égard des biens qui leur
sont confiés4.
Le juge peut, en tout état de cause et en toute matière, ordonner
même d'office la comparution personnelle des parties devant lui5. La
décision ordonnant la comparution des parties en fixe les jour et heure
et détermine s'il est procédé en audience publique ou en chambre du
Conseil6. La décision ordonnant la comparution des parties n'est pas
susceptible de recours7.
Les personnes morales comparaissent valablement par leurs
organes8.

1 « Elles peuvent aussi, lorsque l'objet du litige n'est pas une question de statut
personnel et que sa valeur n'excède pas 50.000 francs, se faire représenter par un
fondé de pouvoir qui doit être agréé dans chaque cas par le tribunal. Le fondé
de pouvoir établit sa qualité par la déclaration de la partie faite à l'audience et
actée au plumitif ou par une procuration spéciale, qui peut être donnée au pied
de l’original ou de la copie de l'assignation ».
2 C.S.J., R.C. 98, 20 fév. 1975.
3 Art. 14 al. 3, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
4 Art. 14 al. 5, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
5 Art. 49, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
6 Art. 50, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
7 Art. 51, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
8 Art. 57 al. 1, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Section 4
Le principe dispositif

Paragraphe 1
Notions

Point 1
Définition du principe

Le principe dispositif est le principe selon lequel les parties disposent


librement de la matière litigieuse qui comprend l’objet et les faits du litige1.
Les parties, pour les droits qui leur sont disponibles, ont la maîtrise de la
matière litigieuse, le pouvoir de fixer les éléments du litige. Il revient au
demandeur de libeller dans l'acte introductif d'instance ses prétentions
et l'exposé des faits sur lesquels ils les fonde. À son tour, au défendeur
de prendre l'attitude qui s'impose : sauf qu'il acquiesce, il articule
exceptions, fins de non-recevoir ou défense au fond, invoquant les faits
qui, à son estime, justifient son attitude.
La notion de matière litigieuse comprend l'objet et les faits du litige,
c'est-à-dire les éléments objectifs du procès. Le rapport processuel que
constitue le lien d'instance a en effet un objet et une cause. La prétention
du demandeur tend à obtenir, grâce à l'acte juridictionnel, un certain
résultat : annulation, condamnation, etc. ; et cet objet est réclamé en
vertu d'une certaine cause, à savoir les éléments factuels du dossier.

Point 2
Contenu du principe

A. Conséquences sur le juge

Cela est important tout d’abord pour connaître quels sont les
pouvoirs du juge : celui-ci ne peut accorder plus qu’il n’a été demandé —
ultra petita —, ou se prononcer sur des choses non demandées — extra
petita —, ni omettre de statuer sur l’un des chefs de la demande —
sanction de l’infra petita —. En outre, le juge doit respecter la hiérarchie
des demandes, telle qu’elle a été établie par les parties : il ne peut statuer
sur les demandes formées à titre subsidiaire que s’il décide de ne pas faire

1 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 396.

1558
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

droit aux demandes principales1 ; de même, il ne peut faire droit


conjointement à la demande principale et à la demande subsidiaire sans
modifier l’objet du litige2.
En résulte le principe de neutralité du juge. Ce principe est la résultante
du principe de l'indisponibilité de l'objet pour le juge. En vertu de
l'indisponibilité de l'objet du litige, le juge est lié par les conclusions
prises devant lui et ne peut modifier les termes du litige dont il est saisi.
Le juge est enfermé dans le cadre de l'instance tracé par les plaideurs.
Son activité étant déclenchée par la demande en justice, le juge est en
quelque sorte enfermé dans le lien d'instance tel que les parties l'ont
tressé.

B. Conséquences pour les parties

À l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les


faits propres à les fonder. Cette obligation, corollaire du principe dispositif,
concerne aussi bien le demandeur que le défendeur, qui doit alléguer,
non seulement les faits nouveaux par rapport à ceux allégués par le
demandeur, faits propres à le libérer, mais aussi, si le demandeur a été
complet dans ses allégations, les contestations de celles-ci propres à faire
écarter la règle de droit dont le demandeur recherche l’application.
Les faits allégués doivent justifier la prétention par application
d'une règle de droit, puisque le juge, pour admettre une prétention, doit
constater qu'il y a adéquation entre la règle de droit applicable et les faits
de l'espèce, que ceux-ci sont appréhendés par celle-là.
Le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans
le débat. Il doit donc s’en tenir aux faits allégués par les parties, sans rien
apporter de lui-même. Le juge est, à cet égard, « le servant des plaideurs
».
Dès lors que le défendeur s'abstient de contester l'allégation d'un
fait par le demandeur, celui-ci est tenu pour vrai3. C’est la théorie dite du
fait constant, qui permet de considérer que le fait allégué par une partie et
non contesté par l’adversaire n’a pas à être prouvé ; il est inutile de
rapporter la preuve de ce fait4.

1 Cass. fr., Civ. 3e, 11 mai 2011 ; Léo., 11 juin 1959.


2 Cass. fr., Civ. 3e, 6 mai 2015.
3 Cass. fr., Civ. 1re, 9 déc. 1963.
4 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 416.

1559
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits


nécessaires au succès de sa prétention. La charge de la preuve porte en
effet, précisément, sur les faits allégués, sur les faits que les parties
apportent au juge comme étant propres à fonder leurs prétentions.
Le juge dispose de certains pouvoirs dans le cadre de la preuve : il
a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les mesures d'instruction
légalement admissibles. D'office, le juge peut donc ordonner la preuve
d'éléments qu'il estime de nature à l'éclairer ou, à l'inverse, écarter des
débats les preuves offertes, si elles lui paraissent inutiles ou superflues.
Le juge ne peut statuer sur une demande différente de celle qui a
été portée devant lui par les parties au procès1.
En statuant sur le droit de propriété, point de droit non controversé
devant elle, la Cour a dépassé les limites de sa saisine et entraîne cassation
totale2.
Est fondé, le moyen pris de la violation du principe dispositif en ce
que, en se prononçant sur le droit de propriété d'une personne étrangère
au procès, le juge d'appel a statué ultra petita, dès lors que l'objet de la
demande tendait à obtenir le déguerpissement de la demanderesse et sa
condamnation aux dommages-intérêts pour occupation illégale des
lieux3.
N'est pas fondée, le moyen tiré de la violation par le juge d'appel
du principe dispositif en ce qu'il a suppléé aux omissions du défendeur
resté sans réponse à l'exception d'irrecevabilité faute de qualité, car en
restant dans les limites du procès et en statuant en outre sur la qualité du
défendeur qui avait déposé ses actes de propriété sur l'immeuble
litigieux, il n'a pas suppléé en se basant pour trancher cette question sur
les éléments du dossier4.

1 C.S.J., R.C. 95, 22 janv. 1975.


2 C.S.J., R.C. 209, 1e sept. 1977.
3 C.S.J., R.C. 308, 28 juill. 1982.
4 C.S.J., R.C. 413, 28 mai 1986.

1560
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Les limites au principe dispositif

Le principe dispositif est assorti de limites. Ces limites sont d’un tel
impact sur la portée du principe qu’on est venu à parler d’un principe de
concertation entre le juge et les parties1

Point 1
Les limites légales

Aux termes de la loi, « si le défendeur ne comparaît pas, il est donné


défaut et les conclusions du demandeur sont adjugées si elles se trouvent
justes et bien vérifiées »2. Le juge peut, pour les besoins de vérification
et d'examen, suppléer les défenses que le défendeur aurait peut-être
opposées au demandeur.
Dans certaines matières, le juge dispose même de l'action. Il peut
agir d'office en lieu et place des parties. La loi dispose que « dans le cas
où le jugement sur le fond ne peut être immédiatement prononcé, le
tribunal statue à la demande des parties ou d'office sur la résidence des
époux durant l'instance, sur la remise des effets personnels et s'il y a lieu
sur la garde provisoire des enfants, sur le droit de visite des parents, sur
les demandes d'aliments et de provisions durant l'instance (...) »3.
Par ailleurs, la loi reconnaît au ministère public l'initiative de
certaines actions.

Point 2
Les faits adventices

Le juge peut prendre en considération, pour fonder sa décision, des


faits que les parties ont simplement apportés au juge — on dit allégués
— sans en tirer de conséquences juridiques ; ce sont les faits qui ne sont
pas spécialement invoqués à l’appui des prétentions des parties — elles
ne les ont pas incorporés à leur raisonnement destiné à convaincre le
juge — qu'on qualifie de « faits adventices »4.

1 C. CHANAIS et alii., op. cit., p. 405 ; MATADI NENGA GAMANDA, op. cit.,
p. 107.
2 Art. 17 Al. 2, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
3 Art. 568, Loi n° 87-010 portant Code de la famille.
4 Req. 2 mars 1852.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Point 3
La substitution par le juge d'un moyen de droit

Le juge a le pouvoir de substituer d'office un moyen de droit à ceux


proposés par les parties, pourvu qu'il se fonde sur les faits régulièrement
soumis à son appréciation et qu'il ne modifie ni l'objet, ni la cause de la
demande.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 3
L'instruction de la cause
Section 1
Les règles relatives à l'instruction

Le juge est saisi de la cause à l'audience introductive de l'instance,


lorsqu'il considère que la forme de la demande enrôlée par le greffier est
régulière, notamment en ce que l'assignation qui le saisit n'est pas
entachée de nullité pour irrégularité et qu'il peut dès lors en examiner le
bien-fondé même si la cause doit pouvoir connaître une remise1.
Pour commencer l'instruction, les affaires sont appelées, instruites,
plaidées et jugées à l'audience déterminée dans l'exploit introductif, sauf
remise pour juste motif ou prise en délibéré.
À la première audience, le juge pourra accorder une remise pour
permettre aux parties la préparation et la communication des pièces.
Cette remise ne peut excéder un mois. À l'expiration de ce délai, si la cause
n'est toujours pas en état d'être plaidée, le juge pourra accorder à titre
exceptionnel une seconde remise limitée à quinze jours, laquelle ne pourra plus
être renouvelée qu'une seule fois. Si, après ces trois remises, la cause n'est
toujours pas en état, il ne peut être accordé de nouvelle remise qu'avec
l'autorisation du président de la juridiction. À défaut, le juge doit passer outre
et retenir la cause, ou renvoyer l'affaire au rôle général.

Section 2
Les incidents de procédure

Les incidents peuvent être liés à la compétence, à la demande, à la


juridiction ou à l'instance. Rappelons que ces exceptions sont soulevées
in limine litis, sauf si elles sont d'ordre public — et dans ce cas, le juge
peut les soulever d'office et le ministère public peut en faire la demande
—, et que le juge a le choix entre surseoir et joindre l'incident au fond.
Le juge statue d'abord sur l'incident s'il estime qu'il y a lieu à couper court
aux débats. Mais il aura tendance à le joindre au fond s'il l'estime
dilatoire. Mais le juge qui refuse de statuer sur une exception voit son
œuvre annulable.

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 287.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Paragraphe 1
Les incidents liés à la compétence

À ce sujet, on citera le déclinatoire de compétence, la litispendance


ou la connexité, le règlement du juge. Ces exceptions sont d'ordre public.

Paragraphe 2
Les incidents liés à la demande

Ces incidents peuvent être liés à la nullité de la demande. Rappelons


qu'il n'y a pas de nullité sans grief, sauf si la nullité porte sur une mention
substantielle ou prescrite à peine de nullité.
Ces incidents peuvent être liés aux conditions d'existence ou
d'exercice de l'action : intérêt, qualité, existence, capacité.

Paragraphe 3
Les incidents liés à la juridiction de jugement

Sont concernés ici, la récusation, le renvoi pour cause de suspicion


légitime ou de sûreté publique, la composition irrégulière du siège. À ce
dernier sujet, notons que la Cour suprême a maintes fois réitéré le
principe selon lequel une décision ne peut être rendu que par des juges
qui ont assisté à toute l'instruction de l'affaire.

Paragraphe 4
Les incidents liés à l'instance

Ces incidents peuvent concerner la jonction d'instance. Lorsque deux


ou plusieurs instances sont pendantes devant une même juridiction et
qu'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne
administration de la justice de les faire instruire ou juger ensemble, le
juge peut ordonner la jonction. La jonction peut être demandée par les
parties ou soulevée d'office. Il a été jugé que pour qu'il y ait jonction des
causes dans l'intérêt d'une bonne justice, il est nécessaire que ces causes
soient au même degré de juridiction et au même stade de procédure1.
Ces incidents peuvent également être liés à l'interruption de l'instance,
lorsqu’un évènement affecte la situation personnelle des parties ou de
leurs représentants. Il en est ainsi en cas de décès d'un plaideur, de la

1 Ie Inst. Léo., 13 nov. 1946.

1564
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

cessation des fonctions du représentant légal d'un incapable, du


recouvrement ou de la perte par une partie de sa capacité d'ester en
justice, de la cessation des fonctions par un avocat lorsque sa
représentation est obligatoire, notamment devant la cour de cassation.
Pour qu'il y ait interruption, l'événement doit survenir avant la clôture
des débats. Après interruption, l'instance peut être reprise par la
personne concernée, dans un délai de six mois, au risque que cela soit
assimilé à un désistement1.
Par ailleurs, des évènements étrangers à la situation des parties
peuvent arrêter le cours de l'instance. Lorsqu'ils sont levés, il y a
continuation d'instance. La suspension d'instance ou le sursis est souvent
causée par le traitement des incidents de procédure.
Le juge civil, saisi de l'action civile, doit surseoir à statuer jusqu'à la
solution de l'action publique pendante devant la juridiction répressive ou
en instruction devant le parquet. Le juge civil doit attendre le jugement
répressif, sinon il risquerait de déboucher sur une contradiction avec le
juge pénal, préjudiciable à l'ordre public et à la bonne administration de
la justice. C'est le sens du principe du criminel tient le civil en état2.
Pour ce faire, il est nécessaire qu'il y ait entre les deux affaires,
identité d'objet ou de cause, mais pas de parties. Pour décider de la
surséance, le juge doit se trouver dans l'impossibilité de se prononcer sur
la demande civile sans préjuger des faits et de la responsabilité pénale sur
lesquels la juridiction répressive est appelée à se prononcer, et que les
poursuites soient effectivement entamées, soit par l'ouverture de
l'instruction, soit par citation directe3. Il n'y a pas lieu à surséance lorsque
le jugement sur l'action publique ne saurait exercer aucune influence sur
l'action au civil4. L'affaire peut être déjà au stade juridictionnel, ou
simplement devant le parquet, à condition que l'action publique ait été
effectivement mise en mouvement5. La partie qui qui soulève l'exception
doit apporter la preuve de l'existence d'un dossier répressif devant le juge
pénal ou de celle de la réception de sa plainte au parquet6. Lorsque
l'instruction a pris fin par un classement sans suite, ou que l'affaire a déjà
reçu un jugement définitif, il n'y a pas lieu à surseoir. Par ailleurs, il a été

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 307.


2 Idem.
3 L’shi., 13 août 1971.
4 Ie Inst. Élis., 8 juill. 1937.
5 L’shi., 13 août 1971.
6 C.S.J., R.C. 503, 26 janv. 1983.

1565
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

jugé que s'il y a simple plainte mais non citation, si les faits sont reconnus,
la juridiction civile apprécie librement si l'intérêt d'une administration de
la justice exige la surséance1.
Cette exception est d'ordre public, la juridiction est tenue de
surseoir même d'office2. Le ministère public peut intervenir dans
l'instance civile pour signaler l'ouverture de l'action pénale et réclamer la
surséance3.
La décision rendue sur cette exception est avant-dire droit
préparatoire, insusceptible d'appel4.

Paragraphe 5
Les incidents relatifs à l'extinction de l'instance

Point 1
Le désistement

On rencontre ici le désistement, émanant du demandeur. Ce


désistement peut être unilatéral, lorsque le défendeur n'a pas encore pris ses
conclusions.
Mais lorsque le défendeur a pris ses conclusions, le désistement
nécessite son accord. En effet, le défendeur peut avoir intérêt à ce que
l'affaire soit véritablement éteinte pour éviter un nouveau procès, ou, il
peut avoir introduite une demande reconventionnelle dont il aimerait
obtenir gain de cause5. C'est qu'en effet, le désistement est le corollaire
du principe général de droit et d'équité, laissant à toute personne capable
la libre disposition de son droit, à la condition de le pas léser celui
d'autrui6.
Il a été jugé que le désistement d'instance ne requiert pas
l'acquiescement du défendeur tant que le contrat judiciaire n'est pas lié7.
Autrement, le désistement n'est valable que s'il a été accepté par
l'adversaire8.

1 Élis., 11 fév. 1933 ; Léo., 5 juin 1951.


2 Élis., 11 août 1928.
3 Ie Inst. Élis., 8 juill. 1937.
4 Kin., R.C.A. 15398, 3 mai 1990.
5 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 312. Voir C.S.J., R.C. 2117, 25 avr.

1997.
6 Élis., 25 juill. 1944 ; Élis., 11 août 1928.
7 Ie Inst. Cost., 25 mars 1949.
8 Léo., 13 nov. 1956.

1566
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Le désistement peut être exprès ou tacite, mais ne se présume pas. Le


désistement implicite doit résulter de circonstances précises et
concordantes ne pouvant s'expliquer d'autre façon que par l'intention de
renoncer à l'instance1. Aucune forme particulière n'est requise. L'avocat
ne peut le faire que s'il est porteur d'une procuration spéciale2.

Point 2
L’acquiescement

On rencontre également l'acquiescement. On distingue


l'acquiescement à la demande, qui emporte acceptation du jugement, et
l'acquiescement au jugement, qui emporte renonciation aux voies de recours3.
Sur le plan de sa forme, l'acquiescement est pareil au désistement :
aucune forme particulière, il peut être exprès ou tacite4.

1 L’shi., 17 mars 1966.


2 L’shi., 14 oct. 1969.
3 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 316.
4 L’shi., 30 août 1966.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1568
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

TITRE 3
LES VOIES DE RECOURS

1569
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1570
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1
Les voies de recours ordinaires
Section 1
L'opposition

Paragraphe 1
Définition

L'opposition est la voie de recours reconnue à la partie défaillante


en vue de faire rétracter le jugement par défaut prononcé par elle. Sauf
exception, tout jugement prononcé par défaut peut être frappé
d'opposition soit que le demandeur ou le défendeur ait fait défaut de
comparaître, soit que le demandeur ou le défendeur ait fait défaut de
conclure, contre un jugement prononcé au premier degré ou en appel.

Paragraphe 2
Formes de l'opposition

L'opposition est formée par la partie ou par un fondé de pouvoir


spécial, soit par déclaration reçue et actée par le greffier du tribunal qui
a rendu le jugement, soit par lettre recommandée à la poste adressée au
greffier de cette juridiction1. L'opposition formée sans mandat doit être
considérée comme irrecevable2. La date de l'opposition est celle de la
déclaration au greffe ou celle de la réception par le greffier de la lettre
recommandée.
L'opposition contient l'exposé sommaire des moyens de la partie3.
Toutefois, l'inobservance de l'article 63 qui veut que l'opposition
contienne l'exposé sommaire des moyens ne constitue pas une fin de
non-recevoir, dès lors qu'il n'est pas allégué ni prouvé que cette
irrégularité a fait grief aux intérêts de la partie adverse4.
L'opposition peut aussi être faite par déclaration sur les
commandements, procès-verbaux de saisie et de tout autre acte
d'exécution, à charge pour l'opposant de la réitérer, dans les dix jours ou
un jour par cent kilomètres de distance, et suivant les formes prévues à

1 Art. 63 Al. 2, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.


2 C.A. L’shi., 29 juin 1973.
3 Art. 63 Al. 1, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
4 C.A. Léo., 15 janv. 1963.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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l'alinéa 2, à défaut de quoi elle n'est plus recevable et l'exécution peut


être continuée sans qu'il soit besoin de la faire ordonner.
Le greffier qui reçoit la déclaration d'opposition fait assigner le
demandeur originaire dans les formes et délais ordinaires.
Bien que la loi ne mentionne que le défendeur1, il est admis que
toute partie défaillante à un procès peut faire défaut2, qu'elle soit
demandeur ou défendeur.

Paragraphe 3
Délais d'opposition3

Le défendeur condamné par défaut peut faire opposition au


jugement dans les quinze jours qui suivent celui de la signification à
personne, outre un jour par cent kilomètres de distance. La distance à
prendre en considération est celle qui sépare le domicile de l'opposant
du lieu où la signification de l'opposition doit être faite.
Lorsque la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition
peut être faite dans les quinze jours, outre les délais de distance, qui
suivent celui où l'intéressé aura eu connaissance de la signification. S'il n'a pas
été établi qu'il en a eu connaissance, il peut faire opposition dans les
quinze jours, outre les délais de distance, qui suivent le premier acte
d'exécution dont il a eu personnellement connaissance, sans qu'en aucun cas,
l'opposition puisse être reçue après l'exécution consommée du jugement.

Paragraphe 4
Effets de l'opposition

L'opposition a un effet suspensif. L'opposition faite dans les formes


et délais suspend l'exécution du jugement4.
Par ailleurs, l'opposition a un effet dévolutif. En tant que voie de
recours de rétraction, l'opposition a pour effet que le juge sera à nouveau
saisi de la même affaire. Le juge qui avait été saisi et qui était dessaisi se
retrouve saisi à nouveau sans que cela ne constitue une nouvelle action.
Tout en reconnaissant au demandeur originaire la liberté de
modifier ses conclusions, il lui est interdit cependant d'étendre la portée

1 Voy. Art. 61 al. 1, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
2 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 407.
3 Art. 61, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
4 Art. 64, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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de son exploit introductif d'instance. La saisine du juge ne peut être


élargie par le fait de l'opposition. Dans l'instance qui recommence, la
recevabilité des prétentions respectives du demandeur et du défendeur
sur opposition s'apprécie en fonction de la demande originelle1.

Paragraphe 5
Opposition sur opposition ne vaut

Aux termes de la loi, « n'est pas recevable, l'opposition contre un


jugement qui statue sur une première opposition »2. L'opposant qui fait
à nouveau défaut ou la partie adverse qui a comparu antérieurement mais
qui a cessé de comparaître durant la procédure en opposition ne peut
plus faire une nouvelle opposition. Seul, à ce moment, le recours en
appel reste ouvert.

Section 2
L'appel

Paragraphe 1
Définition

L'appel est une voie de recours de droit commun et de reformation


ou d'annulation par laquelle une partie qui se croit lésée par un jugement,
défère celui-ci au juge du degré supérieur. L'appel a donc pour objet le
contrôle de la validité formelle et du fondement du jugement du premier
degré de même que la régularité de la procédure au terme de laquelle ce
jugement a été rendu. De ce fait, il permet de faire sanctionner aussi bien
les vices de fond que les vices de forme du jugement entrepris.

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 413.


2 Art. 65, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 2
Sortes d'appel

Point 1
L'appel principal

L'appel est dit principal lorsqu'il est interjeté par celle des parties en
cause au premier degré en prenant, la première, l'initiative d'exercer cette
voie de recours1.
Aux termes de la loi, « l'appel est formé par la partie ou par un
fondé de pouvoir spécial, soit par une déclaration, reçue et actée par le
greffier de la juridiction d'appel, soit par lettre recommandée à la poste
adressée au greffier de cette juridiction »2. Dès que l'une de ces deux
formalités a été valablement accomplie, l'appel est formé et ce n'est
qu'après que le greffier qui a reçu la déclaration d'appel assignera l'intimé
dans les formes et délais prévus pour les assignations introductives
d'instance au premier degré.
Le greffier est chargé de recevoir l'appel en prenant acte. Le greffier
ne juge pas de la recevabilité de l'appel, son rôle est de l'enregistrer et la
question de la recevabilité ou non relève du juge.
Aux termes de la loi, « l'appelant doit fournir au greffier tous les
éléments nécessaires pour assigner la partie intimée devant la juridiction
d'appel »3. En règle générale, la rédaction de l'acte d'appel est soumise
aux règles de procédure établies pour les exploits. On peut citer comme
mention : le numéro de rôle d'appel, la date à laquelle la déclaration est
faite, le nom du comparant avec adresse, l'identité des parties au premier
degré, les références du jugement dont appel, l'identité du greffier qui
reçoit la déclaration, les moyens invoqués à l'appui du recours, les
signatures du greffier et du comparant4.
L'omission de certaines de ces mentions entraîne la nullité absolue
de l'acte qui s'apparente à l'inexistence de l'acte. C'est le cas de l'identité
et de la signature du greffier5. Par contre l'identité de l'appelant est une
n'entraîne la nullité que lorsqu'il nuit aux intérêts de l'autre partie6. Il en

1 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 421.


2 Art. 68 al. 1, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
3 Art. 69, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
4 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 422.
5 Idem., p. 423 ; C.S.J., R.C. 171, 2 fév. 1978. Contra C.S.J., R.C. 27, 1973.
6 Élis., 16 mai 1924.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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est de même de l'identité de l'intimé. Ainsi cette omission peut-elle être


couverte par la comparution de l'intimé1. Par ailleurs, il a été jugé que le
juge d'appel qui reçoit l'appel sur la base d'une procuration spéciale qui
n'indique ni la date, ni les références de ladite décision attaquée et qui
rend ainsi impossible l'identification de ladite décision viole l'article 68
du code de procédure civile2. Par contre, l'omission d'indication de la
date d'appel n'entraîne la nullité que lorsqu'elle porte grief.

Point 2
L'appel incident

L'appel est dit incident lorsqu'il est interjeté par l'intimé, c'est-à-dire la
partie contre qui l'appel principal est dirigé. Il tend lui aussi à une
reconstitution du litige dans son unité première3.
L'appel incident peut d'abord suivre la forme de l'appel principal, c'est-
à-dire, par la déclaration d'appel au greffe de la juridiction d'appel ou par
lettre missive.
Cependant, le plus souvent, l'appel incident est interjeté par
conclusions écrites ou orales. Il a été jugé que l'appel incident ne doit pas
nécessairement être exprès. Il résulte de toutes conclusions demandant
la reformation du jugement entrepris. L'intimé, en reproduisant ses
conclusions de première instance, interjette implicitement appel
incident4. Constitue appel incident, toute conclusions prises à l'audience
à l'encontre du jugement dont appel5.
Pour former un appel incident, il est exigé soit la présence de la
partie adverse à l'audience au cours de laquelle l'appel incident est
oralement fait, soit que les conclusions qui portent un tel appel aient fait
l'objet de communication préalable. L'appel incident doit avoir été
dénoncé à l'appelant principal avant que celui-ci ne fasse, par exemple,
défaut6. Le caractère contradictoire doit être respecté.
Quant au lien entre appel principal et appel incident, l'appel
incident ne devient nul que s'il est formé en dehors des délais. Intenté à

1 Boma, 3 oct. 1905.


2 C.S.J., R.C. 1344, 31 janv. 1990.
3 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 432.
4 Boma, 2 avr. 1907.
5 Élis., 27 déc. 1913.
6 Léo., 21 août 1951.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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temps, il conserverait toute sa valeur, puisque l'intimé aurait pu le former


comme appel principal1.

Paragraphe 3
Règles relatives à l'appel

Point 1
Qualité requise pour former appel

« L'appel est formé par la partie ou par un fondé de pouvoir spécial


». Pour former appel, il faut avoir été partie au procès, en tant que
demandeur, défendeur, garant ou intervenant. L'appel ne peut être formé
que par la partie elle-même ou par un avocat ou défendeur judiciaire —
exception faite des représentants légaux tels que les curateurs, tuteurs et
liquidateurs —, porteur d'un pouvoir spécial appelé procuration spéciale
aux fins d'appel. Un pouvoir spécial est celui que le mandant accorde
pour une affaire ou certaines affaires seulement, alors que le mandat
général englobe toutes les affaires du mandant2.
Le ministère public a le droit de former appel lorsqu'il agit par voie
d'action dans les cas spécifiquement prévus par la loi. Sur les autres
matières où il intervient par voie d'avis non obligatoire, une doctrine
pense qu'il peut interjeter appel3, contre une autre4.

Point 2
Délais d'appel

Le délai pour interjeter appel est de trente jours. Ce délai court,


pour les jugements contradictoires, du jour de la signification et pour les
jugements par défaut, du jour où l'opposition n'est plus recevable5. Le
délai d'appel est un délai fixe, il ne tient pas compte du délai de distance.
Par ailleurs, ce n'est pas un délai franc, donc le dies a quo n'est pas compté.
Pour les jugements contradictoires, le délai d'appel court du jour de
la signification. Le ministère public n'est pas signifié, on estime qu'il est

1 Léo., 1e sept. 1953.


2 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 446.
3 A. RUBBENS, op. cit., p. 170.
4 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 447.
5 Art. 67, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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toujours présent à l'audience et qu'il est censé être au courant du


jugement.
En cas de pluralité des parties, le délai d'appel peut être différent
selon que la signification à chacune d'elles s'est effectuée à des dates
différentes.
Lorsque la signification est nulle, on considère que le délai d'appel
n'a pas encore commencé à courir et la déclaration d'appel faite après
cette signification nulle est recevable1.
Pour les jugements par défaut, le délai d'appel court du jour où
l'opposition n'est plus recevable. Cela suppose que l'opposition pour être
irrecevable quant au délai, il faut que le jugement par défaut ait été lui-
même signifié. Par ailleurs, le délai d'opposition prend également en
compte le délai de distance.
Lorsque la signification d'un jugement de premier degré est
déclarée nulle, le délai d'appel est considéré comme n'avoir pas encore
couru et l'appel doit être déclaré régulier2.
L'appelant tardif pour force majeure peut être relevé de sa
déchéance. Il en serait ainsi par exemple, lorsque les délais sont expirés
suite à un fait imputable à l'huissier seul3. Mais le juge peut déterminer,
à partir des données dont il dispose, le moment à partir duquel la force
majeure a cessé d'exister et où le délai d'appel pouvait objectivement
commencer à courir, car la force majeure n'est pas éternelle pour que
l'appel soit formable à tout moment4.
L'intimé est mis au courant de l'existence du recours et l'instance
d'appel est mise en mouvement non par l'acte d'appel, mais par
l'assignation. Aux termes de la loi, « le greffier qui reçoit la déclaration
d'appel fait assigner l'intimé dans les formes et délais prévus au chapitre
premier du titre deux »5. L'assignation est rédigée et signifiée dans les
formes de l'assignation introductive d'instance de premier degré.

1 L’shi., 24 mars 1974.


2 C.S.J., 28 juin 1977.
3 Léo., 22 nov. 1932 ; Élis., 28 janv. 1939 ; Kin./Gombé, R.T.A. 2613/2628, 30

janv. 1997.
4 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., p. 451.
5 Art. 70, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Paragraphe 4
Jugements susceptibles d'appel

Les jugements définitifs sont évidemment susceptibles d'appel.


Quant aux jugements avant-droit préparatoires, ils ne sont susceptibles
d'appel que conjointement avec le jugement principal1, contrairement
aux avant-dire droit interlocutoires qui sont appelables
indépendamment. On estime que les décisions de non saisine sont
également susceptibles d'appel2.

Paragraphe 5
Effets de l'appel

L'appel produit un effet suspensif et un effet dévolutif.

Paragraphe 6
Procédure d'appel

Aux termes de la loi, « les règles établies pour les tribunaux du


premier degré sont observées devant la juridiction d'appel »3. Les règles
relatives à la comparution des parties et à l'instruction sont donc les
mêmes.

Chapitre 2
Les voies de recours extraordinaires

Contenu indisponible.

1 Élis., 11 janv. 1966.


2 Kin., R.C.A. 22598/22596/22597/22598 ; Léo., 11 oct. 1949 ; Léo., 30 nov.
1954.
3 Art. 78 al. 1, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.

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BIBLIOGRAPHIE
A. TEXTES OFFICIELS

1. Constitution du 18 février 2006.


2. Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure
civile.
3. Décret du 30 juillet 1888, Des contrats ou des
obligations conventionnelles.

B. DOCTRINE

1. C. CHANAIS et alii., Procédure civile, Dalloz, Paris,


2018.
2. J. HERON et T. LE BARS, Droit judicaire privé, LGDJ,
Paris 2015.
3. R. LUKOO, La jurisprudence congolaise en procédure civile,
Éditions On s'en sortira, Kinshasa, 2010.
4. MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire
privé, Academia-Bruylant, Louvain-la-Neuve, 2006.
5. A. RUBBENS, Le droit judicaire congolais, PUC,
Kinshasa, 2012.
6. A. SOHIER, Droit de procédure du Congo-Belge, Larcier
& Société d'Étude Juridiques du Katanga, Bruxelles-
Elisabethville, 1955.

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TABLE DES MATIERES


ÉPIGRAPHE ............................................................................................... iii
DÉDICACE .................................................................................................. v
REMERCIEMENTS ................................................................................. vii
AVANT-PROPOS ...................................................................................... ix
PRÉSENTATION ET OBSERVATIONS
MÉTHODOLOGIQUES .......................................................................... xi
PLAN SOMMAIRE .................................................................................. xix
PARTIE 1 : LE DROIT PUBLIC ............................................................. 1
1. Le droit constitutionnel ............................................................................ 3
TITRE 1 : LA CONSTITUTION ET L’ORDRE JURIDIQUE ......... 5
SOUS-TITRE 1 : LA CONSTITUTION ................................................. 7
Chapitre 1 : Notion de Constitution ........................................................... 8
Chapitre 2 : La protection juridictionnelle de la Constitution ............... 33
SOUS-TITRE 2 : L'ÉTAT ........................................................................ 69
Chapitre 1 : Théorie générale de l'État ..................................................... 69
Chapitre 2 : Organisation territoriale de l'État congolais ....................... 87
TITRE 2 : LES INSTITUTIONS .......................................................... 111
Chapitre introductif : La séparation des pouvoirs et les régimes
politiques .................................................................................................... 113
Chapitre 1 : Les institutions de la République démocratique du
Congo ......................................................................................................... 127
TITRE 3 : LES DROITS ET LIBERTÉS FONDAMENTAUX..... 257
Chapitre 1 : Définition des droits et libertés fondamentaux ............... 259
Chapitre 2 : Garanties des droits et libertés fondamentaux................. 267
Chapitre 3 : L’exercice des droits et libertés fondamentaux ................ 281

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 285
2. Le droit administratif ............................................................................ 295
TITRE 1 : QUI FAIT L'ADMINISTRATION ? : LES PERSONNES
ADMINISTRATIVES ............................................................................. 297
Introduction : La personne morale ......................................................... 299
Chapitre unique : L'Administration parastatale ou l'établissement
public .......................................................................................................... 303
TITRE 2 : L'ACTION DE L'ADMINISTRATION .......................... 309
Chapitre 1 : La police administrative ...................................................... 311
Chapitre 2 : Le service public .................................................................. 319
TITRE 3 : LES MOYENS DE L'ADMINISTRATION ................... 337
Chapitre 1 : Les moyens humains : la fonction publique ..................... 339
Chapitre 2 : Les moyens matériels : la domanialité publique............... 373
Chapitre 3 : Les moyens juridiques : les actes de l'Administration ..... 379
TITRE 4 : LA RESPONSABILITÉ DE L'ADMINISTRATION ... 423
Chapitre 1 : Évolution de la responsabilité administrative .................. 425
Chapitre 2 : La responsabilité administrative vue sous l'angle de la
protection des administrés ....................................................................... 429
Chapitre 3 : La responsabilité administrative vue sous l'angle de la
protection de l'Administration ................................................................ 439
BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 441
3. Le droit judiciaire .................................................................................. 443
TITRE 1 : LES COURS ET TRIBUNAUX ........................................ 445
Chapitre 1 : Le statut du magistrat .......................................................... 447
Chapitre 2 : L’organisation et la compétence des cours et tribunaux. 473
TITRE 2 : LE MINISTÈRE PUBLIC ET LA POLICE
JUDICIAIRE............................................................................................. 497

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1 : Le ministère public .............................................................. 499


Chapitre 2 : La police judiciaire ............................................................... 503
TITRE 3 : LE CORPS DU BARREAU ET DES DÉFENSEURS
JUDICIAIRES .......................................................................................... 511
Chapitre 1 : Les avocats............................................................................ 513
Chapitre 2 : Les défenseurs judiciaires ................................................... 543
BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 547
4. Le droit international public ................................................................ 549
TITRE INTRODUCTIF : EXISTENCE ET PARTICULARITÉS
DE L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL ........................... 551
Chapitre 1 : Existence de l'ordre juridique international...................... 553
Chapitre 2 : Particularités de l'ordre juridique international : absence
d'autorité supérieure dans l'ordre juridique international..................... 557
TITRE 1 : LES SUJETS DE DROIT INTERNATIONAL
PUBLIC...................................................................................................... 561
Chapitre 1 : L'État ..................................................................................... 563
Chapitre 2 ................................................................................................... 585
L’organisation internationale ................................................................... 585
TITRE 2 : LES SOURCES DE DROIT INTERNATIONAL ........ 597
Chapitre 1 : Les traités en accords internationaux ................................ 599
Chapitre 2 : La coutume ........................................................................... 615
Chapitre 3 : Les principes généraux du droit ......................................... 619
Chapitre 4 : Les actes unilatéraux des États et des organisations
internationales ............................................................................................ 621
TITRE 3 : LA FINALITÉ DU DROIT INTERNATIONAL ......... 627
Chapitre 1 : Les relations amicales entre États : les relations
diplomatiques ............................................................................................. 629

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2 : La responsabilité de l'État pour fait internationalement


illicite ........................................................................................................... 633
Chapitre 3 : Le règlement pacifique des différends .............................. 641
Chapitre 4 : L'éviction du recours à la force .......................................... 651
BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 659
Le droit pénal ............................................................................................. 661
5. Le droit pénal général ........................................................................... 663
TITRE 1 : LE FONDEMENT DE L'INFRACTION : LE
PRINCIPE DE LÉGALITÉ CRIMINELLE ...................................... 665
Chapitre 1 : Notions ................................................................................. 667
Chapitre 2 : La qualification des faits ..................................................... 683
TITRE 2 : LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE
L'INFRACTION ...................................................................................... 689
Chapitre 1 : L'élément matériel................................................................ 691
Chapitre 2 : L'élément moral ................................................................... 703
TITRE 3 : LA SANCTION .................................................................... 739
Chapitre 1 : Notions ................................................................................. 741
Chapitre 2 : Les circonstances qui font varier la peine......................... 749
Chapitre 3 : Les causes de suspension de la peine ................................ 755
BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 759
6. La procédure pénale ............................................................................. 761
TITRE 1 : L'AVANT-PROCÈS ............................................................. 763
Chapitre 1 : L'enquête de la police judiciaire ......................................... 765
Chapitre 2 : L'instruction du ministère public ....................................... 781
Chapitre 3 : Le déclenchement des poursuites ...................................... 793
TITRE 2 : LE PROCÈS .......................................................................... 805

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1 : Les parties au procès pénal ................................................. 807


Chapitre 2 : La saisine de la juridiction de jugement ............................ 813
Chapitre 3 : Le jugement .......................................................................... 841
Chapitre 4 : Les voies de recours ............................................................ 847
BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 869
7. Le droit pénal spécial ............................................................................ 871
TITRE 1 : LES ATTEINTES À LA VIE ET À L’INTÉGRITÉ
PHYSIQUE ............................................................................................... 873
Chapitre 1 : Les atteintes volontaires à la vie......................................... 875
Chapitre 2 : Les atteintes volontaires à l'intégrité physique ................. 891
TITRE 2 : LES ATTEINTES AUX LIBERTÉS ET À LA
DIGNITÉ .................................................................................................. 903
Chapitre 1 : Les atteintes à la liberté d'aller et venir : arrestation et
détention arbitraires .................................................................................. 905
Chapitre 2 : Les atteintes à la liberté de domicile .................................. 911
Chapitre 3 : Les atteintes à l'honneur : les imputations dommageables
et injures ..................................................................................................... 915
Chapitre 4 : Les atteintes à la liberté sexuelle, à la pudeur et à la
moralité sexuelle ........................................................................................ 921
TITRE 4 : LES ATTEINTES À LA PROPRIÉTÉ ............................ 931
Chapitre 1 : Le vol ..................................................................................... 933
Chapitre 2 : L'escroquerie ........................................................................ 945
Chapitre 3 : L'abus de confiance ............................................................. 953
Chapitre 4 : L'extorsion ............................................................................ 961
TITRE 5 : LES ATTEINTES À L'ORDRE PUBLIC........................ 963
Sous-titre 1 : Les atteintes à la probité.................................................... 965
Chapitre 1 : Le détournement des deniers publics ou privés .............. 965

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 2 : La corruption........................................................................ 969


Sous-titre 2 : Les atteintes à la foi publique ........................................... 973
Chapitre unique : Le faux et l'usage de faux .......................................... 973
BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 977
PARTIE 2 : LE DROIT PRIVE ............................................................ 979
Le droit civil ............................................................................................... 981
8. Le droit des personnes ......................................................................... 983
TITRE 1 : LA PERSONNE ................................................................... 985
Sous-titre 1 : L'identification.................................................................... 987
Chapitre 1 : Le nom .................................................................................. 987
Chapitre 2 : L'état civil .............................................................................. 991
Chapitre 3 : Le domicile et la résidence.................................................. 995
Chapitre 4 : La nationalité ........................................................................ 999
Chapitre 5 : L'absence et la disparition ................................................. 1007
Sous-titre 2 : La capacité et les incapacités .......................................... 1013
Chapitre introductif : La personnalité juridique .................................. 1013
Chapitre 1 : La minorité ......................................................................... 1021
Chapitre 2 : La protection des personnes vulnérables ....................... 1029
TITRE 2 : LA FAMILLE ...................................................................... 1033
Chapitre 1 : Le mariage........................................................................... 1035
Chapitre 2 : La filiation ........................................................................... 1049
BIBLIOGRAPHIE................................................................................. 1055
9. Le droit des biens ................................................................................ 1057
TITRE 1 : THÉORIE GÉNÉRALE DES BIENS........................... 1059
Sous-titre 1 : Théorie générale des biens et du patrimoine ................ 1061

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NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
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Chapitre 1 : Catégorisation objective des biens : les biens par rapport à


leur objet................................................................................................... 1061
Chapitre 2 : Catégorisation subjective des biens : les biens par rapport à
ceux qui les possèdent ............................................................................ 1083
Sous-titre 2 : Apparence de propriété ou droits proches de la propriété
: théorie de la possession et de la détention précaire .......................... 1085
Chapitre 1 : La possession ..................................................................... 1085
Chapitre 2 : La détention précaire ......................................................... 1095
Sous-titre 3 : Modes généraux d'accession à la propriété ................... 1101
Chapitre 1 : Les modes originaires ........................................................ 1101
Chapitre 2 : Les modes dérivés.............................................................. 1103
Sous-titre 4 : Théorie analytique de la propriété ................................. 1105
Chapitre 1 : La propriété ........................................................................ 1105
Chapitre 2 : La propriété fractionnée ou la copropriété .................... 1129
Chapitre 3 : La propriété démembrée ou les démembrements de la
propriété ................................................................................................... 1147
TITRE 2 : THÉORIE SPÉCIALE DES DROITS RÉELS
FONCIERS ET IMMOBILIERS CONGOLAIS ............................. 1153
Chapitre introductif : La conception congolaise de la terre .............. 1155
Chapitre 1 : Le régime foncier : la propriété foncière et les droits de
jouissance foncière .................................................................................. 1159
Chapitre 2 : Le régime immobilier : les droits réels immobiliers ...... 1191
BIBLIOGRAPHIE................................................................................. 1219
10. Le droit des obligations .................................................................... 1221
TITRE 1 : LES OBLIGATIONS SELON LEURS SOURCES ..... 1223
Chapitre introductif : Notion et types d'obligations ........................... 1225
Chapitre 1 : Le contrat ............................................................................ 1229

1587
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

Chapitre 2 : Les quasi-contrats .............................................................. 1347


Chapitre 3 : Les délits et quasi-délits .................................................... 1365
TITRE 2 : LE RÉGIME GÉNÉRAL DES OBLIGATIONS ........ 1389
Chapitre 1 : La transmission des obligations : la cession de créance 1391
Chapitre 2 : Les modes d'extinction des obligations .......................... 1399
Chapitre 3 : Les modalités des obligations et obligations
complexes ................................................................................................. 1451
Chapitre 4 : Les moyens d’action du créancier contre le débiteur .... 1473
BIBLIOGRAPHIE................................................................................. 1491
11. La procédure civile............................................................................ 1493
TITRE INTRODUCTIF : LE CARACTÈRE IMPÉRATIF DES
RÈGLES DE PROCÉDURE .............................................................. 1495
Chapitre 1 : Le caractère formaliste des règles de procédure ............ 1497
Chapitre 2 : Le caractère formaliste ou non de la procédure civile
congolaise ................................................................................................. 1499
TITRE 1 : L'ACTION ........................................................................... 1501
Chapitre 1 : La théorie de l'action ......................................................... 1503
Chapitre 2 : La mise en œuvre de l'action ............................................ 1519
TITRE 2 : L'INSTANCE ...................................................................... 1529
Chapitre 1 : La théorie de l’instance ..................................................... 1531
Chapitre 2 : L'introduction de l'instance .............................................. 1549
Chapitre 3 : L'instruction de la cause .................................................... 1563
TITRE 3 : LES VOIES DE RECOURS ............................................. 1569
Chapitre 1 : Les voies de recours ordinaires ........................................ 1571
BIBLIOGRAPHIE................................................................................. 1579
TABLE DES MATIERES .................................................................... 1581

1588
NOTES DES COURS DE L’ETUDIANT EN DROIT
_____________________________________________________________

1589
Notes des cours de l’étudiant en droit

Le présent travail intitulé « Notes des cours de l'étudiant en droit » est


une compilation des principales matières étudiées dans un graduat de
Droit. Il contient, en deux parties consacrées respectivement au droit
public et au droit privé, les notions relatives aux matières ci-après : 1.
droit constitutionnel, 2. droit administratif, 3. droit judiciare, 4. droit
international public, droit pénal (5. droit pénal général, 6. procédure
pénale, 7. droit pénal spécial) pour le droit public ; et droit civil (8. les
personnes, 9. les biens, 10. les obligations) et 11. procédure civile pour
le droit privé. Les étudiants de premier niveau en droit y trouveront des
informations basiques et nécessaires pour leur formation initiale en
droit.

L'auteur

Andy MALOBA MPIANA, Gradué en Droit de l'Université de Kinshasa.

Version électronique disponible gratuitement


Version papier disponible sur commande à 20 dollars

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