Vous êtes sur la page 1sur 20

Master : Droit privé comparé

Espace Afrique Francophone et Commonwealth

Module : Droit Processuel Comparé


Semestre 3

Sous la direction du Professeur :


M. BENDAHMANE Youness

Moyens de preuve en droit processuel

Préparé par :
AAZAZ Hajar

AGDOUD Hanane

MOQRICH Fadwa

Année universitaire : 2023-2024


Sommaire

INTRODUCTION :

I : LA PREUVE : SA CHARGE ET SON


ADMISSIBILITE
A: LA NOTION DE PREUVE ET SA CHARGE
B : L’ADMISSIBILITE DES MODES DE PREUVE

II : LES DIFFERENTS MODES DE PREUVE

A : LA PREUVE DANS UN PROCES CIVIL


B : LA PREUVE DANS UN PROCES PENAL

CONCLUSION :
INTRODUCTION

Le droit processuel est-il culturel ? La procédure 1, avant tout, s’agit d’une affaire de
spécialistes, au premier chef les juges et les avocats, qui la gèrent dans une perspective
éminemment pragmatique. Il est difficile d’imaginer qu’il se trouve, dans la liste des délais de
rigueur, dans les détails de la procédure écrite et de l’audience ou dans l’organisation verticale
et horizontale des juridictions, un quelconque indice de la spécificité culturelle d’une
communauté juridique donnée.

Le droit processuel est animé, par quelques aspirations et principes fondamentaux dont
on peut citer notamment: l’équité du processus, l’efficacité du traitement des réclamations, la
bonne foi des parties et l’impartialité des décideurs. L’apparition de ces principes fondamentaux
favorise d’ailleurs des efforts importants d’harmonisation du droit processuel à l’échelle
transnationale.

Ce droit processuel encadre la preuve, établit et fait reconnaître que cette chose est vraie, réelle,
et certaine par plusieurs moyens réglementés. Dans cette mesure, la preuve est « ce qui montre
la vérité d’une proposition, la réalité d’un fait » selon le Littré2. Elle est « ce qui démontre,
établit la vérité d’une chose » selon le Petit Larousse illustré3.

La preuve est à la fois une opération intellectuelle ainsi qu’une opération matérielle4. Dite
opération intellectuelle, puisqu’elle est un processus, une démonstration proprement juridique
distincte des autres sciences. Alors qu’on parlons de l’opération matérielle, elle renvoie au fait,
au document qui prouve quelque chose. « La preuve se réalise grâce à des preuves », disait
Raymond Legeais5. Elle établit l’existence d’un fait et lève le doute6. En droit, la preuve est
essentiellement judiciaire. Essentiellement, car elle peut être concurrencée ou complétée par

1 Manière de procéder juridiquement, série de formalités qui doivent être remplies.


2 Littré, Vo Preuve.
3 Le Petit Larousse illustré, Vo Preuve
4 L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI-MEKKI, Théorie générale du procès, PUF, 2e éd., 2013, nos 250 et s. Un

parallèle peut être fait avec la distinction entre évidence et proof. Evidence renverrait aux moyens de preuve alors que proof
désignerait davantage le processus.
5 R. LEGEAIS, Les règles de preuve en droit civil. Permanences et transformations, Préf. R. SAVATIER, L.G.D.J., 1955,

spéc. p. 144.
6 Ibid.

1|Page
d’autres vérités : vérité légale, vérité scientifique ou « vérité » plus consensuelle, telle celle de
la transaction7.

La preuve est un outil de manifestation de la vérité. Les exemples sont légion. L’article
10, alinéa 1er du Code civil énonce que « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice
en vue de la manifestation de la vérité »8. Ainsi que l’article 81 alinéa 1er du Code de procédure
pénale qui prévoit que « Le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes
d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. (...) ». L’article R. 623-3, alinéa
3 du Code de justice administrative énonce que « La formation de jugement ou d’instruction ou
le magistrat qui procède à l’enquête peut d’office convoquer ou entendre toute personne dont
l’audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité ». La preuve judiciaire n’est sollicitée
qu’en cas d’incertitude, de doute qui constitue un passage obligé de la vérité. Il suffit de relire
les articles précités : « en vue de » la manifestation de la vérité ; « utile » à la manifestation de
la vérité.

Il existe au moins deux particularités fondamentales de la preuve juridique, par rapport


aux autres domaines :

 La preuve juridique est judiciaire : quelle que soit la matière, la preuve juridique est
destinée à convaincre le juge, et même si on envisage la preuve en dehors de tout procès
(par exemple un individu prouve sa filiation pour pouvoir bénéficier d'un héritage), c'est
toujours en fonction de ce que déciderait le juge si un litige naissait.

 La preuve juridique est règlementée : le fait que la preuve s'apprécie essentiellement


dans le cadre d'un procès civil ou pénal a pour conséquence que son administration ne
se fait pas en toute liberté, mais selon des règles plus ou moins contraignantes, dictés
par des objectifs autres que la simple recherche de la vérité. Il s'agira ainsi de préserver
une certaine sécurité juridique (prescription extinctive) ou judiciaire (respect de
l'autorité de la chose jugée par de précédentes décisions), et de s'assurer que le litige
sera bien tranché, pour éviter les dénis de justice. On voit ici que la recherche de la
vérité n'est pas l'unique objectif de la preuve juridique => Cette spécificité se concrétise
dans les règles d'admissibilité des modes de preuve.

7Il est possible de concevoir qu’il est dans ce cas moins question de vérité que d’utilité de l’accord
8V. égal. CPC, art. 181 : « Le juge peut, au cours des opérations de vérification, à l’audience ou en tout autre lieu, se faire
assister d’un technicien, entendre les parties elles-mêmes et toute personne dont l’audition paraît utile à la manifestation de la
vérité ».

2|Page
 Alors la question qui s’impose est la suivante : Quelles sont les différents moyens de preuve
réglementés par le droit processuel ?

I. LA PREUVE : SA CHARGE ET SON ADMISSIBLILITE


Le principe de la liberté de la preuve et sa charge (A) ; peuvent être reconnues par tout
moyen, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement9. Il existe toutefois des cas où les seuls
modes de preuve admis sont déterminés par la loi (B).

A. LA NOTION DE PREUVE ET SA CHARGE

La preuve est « ce qui persuade l’esprit d’une vérité » (Jean DOMAT)10. Juridiquement,
la preuve est l’établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence d’un acte juridique. Elle est
présente dans tous les domaines de la vie juridique et est déterminante quel que soit le procès.
La charge de la preuve est l'obligation faite à une personne ou à l'une des parties en
présence d'apporter, par des arguments étayes et vérifiables, la preuve qu'une proposition
avancée est vraie ou bien fausse, selon le cas. La charge de la preuve est une notion importante
en droit processuel.

 En droit civil :

La preuve et sa charge sont régies par le DOC dans son septième titre relatif à la preuve
des obligations et de celle de la libération. L’article 399 énonce : « La preuve de l'obligation
doit être faite par celui qui s'en prévaut »11. Article 400 prévoit : « Lorsque le demandeur a
prouvé l'existence de l'obligation, celui qui affirme qu'elle est éteinte ou qu'elle ne lui est pas
opposable doit le prouver »12.

Ce même principe est régi par l'article 1353 du code civil français: "Celui qui réclame
l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit
justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."

9 article 1358 du Code civil


10 Encinas de Munagorri, Raphaël. "Les problèmes de preuve posés par l'évolution des sciences et des
technologies." L'éthique appliquée au tournant du millénaire (2001).
11 Art 399 du D.O.C.
12 Art 400 du D.O.C.

3|Page
Par extension à l'ensemble du droit, la charge de la preuve appartient à celui qui réclame, qui
affirme être détenteur d'un droit ou au contraire être libéré d'une obligation. A titre d’exemple
: pour se prévaloir d'un contrat, le demandeur devra apporter la preuve de l'existence de celui-
ci, sinon la demande devra être rejetée.

Le renversement de la charge de la preuve intervient par exemple lorsque le demandeur a


apporté la preuve de ce qu'il alléguait (Exemple : le défendeur lui doit une somme d'argent). Si
le défendeur affirme ne pas avoir à se soumettre à cette obligation (Exemple : il prétend avoir
remboursé sa dette), il a, à son tour, la charge de la preuve, c'est-à-dire qu'il doit prouver qu'il a
effectivement payé ce qu'il devrait. C'est le début du "débat probatoire" où les deux parties sont
à tour de rôle demandeur et défendeur et qui s'achève lorsque que l'un des deux protagonistes
ne peut remplir la charge de la preuve qui lui incombe. Au bout du compte, c'est celui qui ne
peut apporter les preuves de ses prétentions ou allégations qui perd le procès.

Il existe cependant des situations pour lesquelles c'est la loi ou la jurisprudence qui confère la
charge de la preuve. C'est le cas, par exemple, de l'article 2274 du Code civil français : "La
bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver."

En matière civile la procédure est accusatoire, le principe est que la charge de la preuve
repose sur le demandeur. Ainsi, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Si le demandeur ne rapporte pas la preuve de sa prétention, il perd le procès qu’il a lui-même
initié. En revanche, lorsque le demandeur prouve l’existence de l’obligation, celui qui se
prétend libérer doit le prouver à son tour. En somme il devient demandeur à son tour. La charge
de la preuve pèse donc alternativement sur chacun des adversaires au fur et à mesure qu’ils
allèguent de nouveaux faits.

A titre d’illustration : le demandeur « A » a prouvé l’existence d’un vice affectant la validité


d’un acte juridique ; c’est alors le défendeur « B », qui devenant « demandeur à la preuve » va
devoir prouver, s’il veut échapper à la condamnation, par exemple qu’il a déjà exécuté le contrat
et que le vice n’entraîne pas la nullité...

Toutefois, La preuve de l’obligation ne peut être faite :

« 1) Lorsqu’elle tendrait à établir l’existence d’une obligation illicite ou pour laquelle la loi
n’accorde aucune action ; 2) Lorsqu’elle tendrait à établir des faits non concluants ; »13.

13 Article 426 du D.O.C

4|Page
 En droit pénal :

L’aménagement de la charge de la preuve en procédure pénale n’est pas sans analogie


avec celui qu’établissent les règles de procédure civile. Le ministère public et la partie civile,
demandeurs, doivent rapporter la preuve de l’infraction qui forme la base de leurs prétentions
respectives ; la loi met d’autre part expressément à la charge de la personne poursuivie la preuve
de certains faits exceptionnels de nature à écarter ou à atténuer sa responsabilité.

En matière pénale, le juge appréciera les preuves en fonction de son intime conviction.
En outre, le prévenu/accusé bénéficie de la présomption d’innocence, devenue aujourd’hui un
principe fondamental régissant le droit de la preuve en matière pénale. Cette dernière présente
donc un particularisme certain et revêt une importance capitale dans la mesure où il doit prendre
en compte et concilier différents intérêts, souvent opposés : la recherche efficace et relativement
coercitive des preuves, d’une part, et la protection des libertés et droits fondamentaux des
individus, d’autre part.
La charge de la preuve est liée au principe de la présomption d’innocence, qui, selon Jean
Pradel, est le principe selon lequel toute personne poursuivie ou même simplement soupçonnée
d’une infraction reste juridiquement innocente aussi longtemps que sa culpabilité n’a pas été
constatée définitivement par une juridiction pénale14. Étant présumé innocent, le prévenu ou
l’accusé ne doit pas, en principe, prouver sa non-culpabilité.

En vertu de la présomption d’innocence, c’est à la partie poursuivante de rapporter la


preuve de l’existence de l’infraction. Sur le terrain de l’action publique cette preuve incombe
essentiellement (et parfois exclusivement) au ministère public. S’il y a une partie civile en
cause, celle-ci partagera la charge du ministère public ; il est même possible que cette charge
repose principalement sur elle si l’action a été mise en mouvement sur son initiative et si le
ministère public conclut au non-lieu ou à l’acquittement ; celui-ci développe d’ailleurs
librement « les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice.15

De plus, conventionnellement ce principe est reconnu par l’article 6 AL.2 de la


Convention européenne des droits de l’Homme qui dispose que « toute personne accusée d’une
infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie », par

14 Pradel, Jean. "Les principes constitutionnels du procès pénal." Les Cahiers du Conseil Constitutionnel 14 (2003) : 84-86.
15 Art. 33 C.pr.pén.

5|Page
l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, par l’article 11 de la Déclaration
universelle des droits de l’Homme de 1948, par l’article 14 du Pacte sur les droits civils et
politiques et par l’article 48 de la chartre des droits fondamentaux de l’Union européenne de
2000.

Il faut préciser que la charge de la preuve pèse également sur les magistrats du siège,
notamment le juge d’instruction qui doit instruire « à charge et à décharge ».

Dans un arrêt du 11 mai 2004, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir
condamné un conducteur atteint d’un malaise au volant, dès lors qu’il ne ressortait d’aucune
des conclusions régulièrement déposées qu’il eût invoqué la contrainte résultant de la maladie
dite de l’apnée du sommeil.

La personne poursuivie, doit-elle aussi rapporter la preuve des faits justificatifs, c’est-à-dire
l’autorisation de la loi, le commandement de l’autorité légitime, la légitime défense et l’état de
nécessité ? La Chambre criminelle, dans un arrêt en date du 22 mai 1959, considère que la
preuve d’une cause d’irresponsabilité doit être faite par la personne poursuivie sauf si elle est
présumée
Lorsque tous les éléments de l’infraction se trouvent réunis alors, il incombe à la personne
poursuivie par la charge de prouver les faits susceptibles d’écarter ou d’atténuer la répression
qu’elle encourt légalement.16 Ce renversement de la charge de la preuve s’avère justifié par le
caractère exceptionnel de ces situations

 En droit administratif :

Le principe est connu : la preuve est libre devant le Juge administratif, et les parties
peuvent étayer leurs allégations par tout type de preuve : témoignages écrits, constats
d’Huissier, copies d’écran…

On a même été jusqu’à dire que le Conseil d’Etat était « viscéralement » attaché au
principe de la liberté de la preuve, ce qui l’amène à écarter comme inopérant tout moyen relatif
à l’origine des éléments de preuve, et notamment par exemple ceux obtenus en violation du
secret de l’instruction.17

16 Crim, 22 mai 1959.


17 CE 14 juin 1999, Baumet, n° 196215.

6|Page
Le code de justice administrative (CJA) ne prévoit aucune règle d’attribution de la charge
de la preuve en droit administratif. Ainsi, en contentieux administratif, le demandeur ne peut
va voir son recours rejeté au seul motif que ses allégations ne seraient pas suffisamment étayées.
Ainsi, le droit administratif répartit la charge effective de la preuve des faits entre
l’administration, le requérant et le juge.

B. L’ADMISSIBILITE DES MODES DE PREUVE

Il existe deux approches possibles pour déterminer les modes de preuves à utiliser :

Le système de la preuve légale : (la loi détermine l’admissibilité et la force probante de chaque
moyen de preuve)

Le système de la preuve libre ou morale : (tous les moyens de preuves peuvent être utilisés ;
c’est notamment le système appliqué en droit pénal)

Ainsi,tant qu’on respecte le principe de la loyauté de la preuve ( on ne peut pas retenir une
preuve si elle a été obtenue par violence ou par fraude).

En revanche, les actes juridiques résultant d’une manifestation de volonté, ils doivent
normalement être prouvés par écrit. Il existe cependant quelques exceptions :

Il est possible de suppléer un écrit par l’aveu judiciaire ou le serment décisoire.

L’exigence d’un écrit ne vaut que pour les actes constatant un engagement d’un montant
supérieur à 1500 euros.

Entre commerçants, la preuve est libre

A noter que le droit reconnaît l’impossibilité de produire un écrit :

Impossibilité physique de présenter un écrit parce qu’il a été détruit

Impossibilité morale ou matérielle d’établir un écrit

Le cas échéant, la preuve peut se faire par tout autre moyen.18

18
https://juriswin.com/2017/01/29/les-modes-de-preuve-et-admissibilite-des-modes-de-preuve/

7|Page
II. LES DIFFERENTS MODES DE PREUVE
La preuve est le moyen permettant d’établir l’existence d’un droit ou d’un fait, ou de
démontrer et établir la vérité de quelque chose. Dans cette partie on va traiter les modes de
preuve Premièrement au cours du Procès civil (A) puis dans le Procès pénal (B).

A. LA PREUVE DANS UN PROCES CIVIL

Dans un procès civil, toute personne qui fait une requête en justice doit apporter la preuve
de ses demandes. Elle doit respecter certaines règles. En principe, les preuves sont apportées
par les parties sauf exception lorsque le juge les cherche lui-même.

Le Dahir des Obligations et des Contrats reconnaît traditionnellement cinq moyens de


preuve : la preuve littérale ou écrite, la preuve testimoniale, les présomptions, l’aveu, le serment
et le refus de le prêter. On distingue des preuves reconstituées et des preuves a posteriori.

a) Preuves reconstituées :

La preuve reconstituée résulte d’un écrit. Il existe deux types d’écrits :

L’acte Authentique : Est un acte dressé avec les solennités requises par des officiers
publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé. Sont également
authentiques : les actes reçus officiellement par les juges, en leur tribunal et les jugements
rendus par les tribunaux tunisiens et étrangers, en ce sens que ces derniers peuvent faire foi des
faits qu’ils constatent, même avant d’avoir été rendus exécutoires. L’acte authentique fait pleine
foi, même à l’égard des tiers et jusqu’à inscription de faux, des faits et des conventions attestées
par l’officier public qui l’a rédigé comme passés en sa présence.

L’acte sous seing privé : Ecrit rédigé par des particuliers dont la signature reste
obligatoire. L’acte sous seing privé peut être d’une autre main que celle de la partie, pourvu
qu’il soit signé par elle. Ils font foi de leur date, entre les parties, leurs héritiers et leurs ayant
cause à titre particulier, agissant au nom de leur débiteur. Envers les tiers, l’acte sous seing

8|Page
privé n’a de date que dans les cas prévus par l’article 425 du Dahir des Obligations et des
Contrats et qui sont :

« 1) Du jour où ils ont été enregistrés, soit au Maroc, soit à l’étranger ;

2) Du jour ou l’acte a été déposé dans les mains d’un officier public ;

3) Si l’acte est souscrit, soit comme partie, soit comme témoin, par une personnalité décédée
ou réduite à l’impossibilité physique d’écrire, du jour du décès ou de l’impossibilité reconnue ;

4) De la date du visa ou de la légalisation apposée sur l’acte par un officier à ce autorisé ou par
un magistrat soit au Maroc soit à l’étranger ;

5)Lorsque la date résulte d’autres preuves équivalentes et absolument certaines. »

Les ayants cause et successeurs à titre particulier sont considérés comme tiers, lorsqu’ils
n’agissent pas au nom de leur débiteur.

A côté de l’acte authentique ou de l’acte sous seing privé, il existe d’autres actes écrits :
Correspondance, livres comptables, copies, des télégrammes, et des livres des parties, des
bordereaux des courtiers dûment signés par les parties, des factures acceptées, des notes et
documents privés…

b) Preuves a posteriori :

-L’aveu de la partie : L’aveu est judiciaire ou extrajudiciaire.

L’aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice au cours d’une instance la partie ou
son représentant spécialement autorisé à cet effet. L’aveu judiciaire peut également résulter du
silence de la partie, lorsque, formellement invitée par le juge à s’expliquer sur la demande qui
lui est opposée, elle persiste à ne pas répondre et ne demande pas le délai pour ce faire.

L’aveu doit être libre et éclairé, il fait pleine foi contre son auteur, contre ses héritiers et ses
ayants cause et ne produit des effets contre les tiers que dans les cas exprimés par la loi.

L’aveu extrajudiciaire est celui qui est fait en dehors de la présence du juge ou dans une
autre instance. Il ne peut être prouvé par témoins toutes les fois qu'il s'agit d'une obligation pour
laquelle la loi exige preuve par écrit.

N.B :
9|Page
L'aveu ne peut être divisé contre celui qui l'a fait, lorsqu'il constitue la seule preuve contre lui.
« Il peut être divisé :

1° Lorsque l'un des faits est prouvé indépendamment de l'aveu ;

2° Lorsque l'aveu porte sur des faits distincts et séparés ;

3° Lorsqu'une partie de l'aveu est reconnue fausse.

L'aveu ne peut être révoqué, à moins qu'on ne justifie qu'il a été déterminé par une erreur
matérielle.

L'erreur de droit ne suffit point pour autoriser la révocation d'un aveu, à moins qu'elle ne soit
excusable, ou causée par le dol de l'autre partie.

L'aveu ne peut être révoqué, alors même que la partie adverse n'en aurait pas pris acte. » 19

-la preuve testimoniale :

Repose sur le témoignage, qu’est une déclaration faite par une personne sur des faits dont elle
a eu personnellement connaissance. L'objet du témoignage est toujours ce que le témoin a
personnellement vu ou entendu.

A noter que chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de
la vérité.

-la présomption : C’est l’indice au moyen duquel la loi ou le juge établit l'existence de
certains faits inconnus. On distingue entre les présomptions établies par la loi et ceux qui ne le
sont pas.

La présomption établie par la loi, dite légale, est celle qui est attachée par la loi à certains actes
ou à certains faits. Il s’agit :

1-Des actes que la loi déclare nuls d'après leurs seules qualités comme présumés faits en fraude
de ses dispositions ;

2-Des cas dans lesquels la loi déclare que l'obligation ou la libération résulte de certaines
circonstances déterminées, telles que la prescription ;

19 Article 414 du Dahir des Obligations et des contrats.

10 | P a g e
3- L'autorité que la loi attribue à la chose jugée.

Nulle loi n'est admise contre la présomption de la loi. Elle dispense de toute preuve celui au
profit duquel elle existe.

Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont remises à la prudence du juge ; il ne
doit admettre que des présomptions graves et précises ou bien nombreuses et concordantes,
lesquelles ne sont admises que si elles sont confirmées par serment de la partie qui les invoque,
si le juge le croit nécessaire.

-Le serment et le refus de le prêter :

Est une déclaration solennelle faite devant un juge. La partie qui prête le serment doit prononcer
les mots : “ Je jure devant Dieu ”.

Lorsque pour mettre fin définitivement à un litige une partie défère le serment à son adversaire
pour lui permettre de faire la preuve de ses prétentions, ou que ce dernier lui réfère ce serment,
ledit serment est prêté à l'audience par la partie en personne, en présence de l'autre partie ou
elle dûment appelée.

En droit français les modes de preuve peuvent être notamment électroniques:

Les progrès techniques ont rendu nécessaire une réforme du droit de la preuve, qui était depuis
l'origine organisé autour de l'écrit rédigé sur un support en papier. Cette réforme devait
permettre de sécuriser la conclusion des "télé-contrats" conclus à distance, via internet (par la
voie du courriel, ou par l'intermédiaire d'un site commercial) ou grâce au télé-paiement (au
moyen d'une carte de paiement du type Carte Bleue).

.La loi du 13 mars 2000 a donc posé les conditions de validité de tels actes, et adapté les
conditions de validité des modes de preuves traditionnels aux spécificités de l'écrit
électronique.20

20 LOI no 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la
signature électronique

11 | P a g e
-Conditions de validité de l'acte électronique :

Les conditions sont posées par l'article 1375 nouv. du Code civil. L'acte électronique est
considéré comme fiable dès lors que sont garanties :

_l'identité du signataire (certifiée par un code secret - certains organismes sont en mesure de
délivrer un numéro d'identification réputé inviolable - et/ou par l'adresse IP de l'ordinateur)

_l'intégrité du document (pas de modification depuis la signature. Cette intégrité est assurée par
la procédure du "double-clic", qui interdit toute modification après le deuxième clic).

l'acte authentique peut également être dressé sur support électronique.21

B. LA PREUVE DANS UN PROCES PENAL

La théorie de la preuve pénale est le prolongement naturel de la présomption


d’innocence. Le problème de la preuve dans le procès pénal est d’une importance
fondamentale ; la théorie des preuves pose le problème des modes de preuves admissibles. Cela
pose aussi la question de l’appréciation de leur force probante. Il faut aussi se demander la façon
dont les preuves peuvent être recherchées et administrées.

Il semble utile de préciser qu’en matière pénale, « La preuve est libre », ainsi
les enregistrements audios « clandestins » sont donc autorisés. Il convient de distinguer la
matière pénale, d’une part, et la matière civile, d’autre part. En matière civile, la notion de
loyauté invite à ne produire que des enregistrements réalisés avec le consentement de l’auteur
des propos. Une telle exigence a été affirmée avec force en droit du travail. Dans un arrêt de la
Cour de Cassation de 1991 « Chacun a droit au respect de sa vie privée », la chambre sociale
de la Cour de cassation retient en effet que « si l’employeur a le droit de contrôler et de
surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en
soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite »22.

21 L'article 1369, al. 2 du Code civil


22 Cass. 20 novembre 1991, N° 88-43120.

12 | P a g e
Les victimes d’infractions pénales peuvent donc rapporter la preuve même par des
procédés déloyaux voire illicites comme des enregistrements audio clandestins réalisés à l’insu
d’une partie par une personne privée. Ceci ne dispense pas du respect du principe du
contradictoire, au contraire. Le respect du contradictoire est la contrepartie nécessaire à la
souplesse accordée en droit pénal en matière de preuve. Les preuves produites par les parties
(et contraires au principe de loyauté) sont recevables si elles sont soumises à la discussion
contradictoire. Ce qui signifie concrètement qu’un enregistrement « clandestin » pourra servir
de preuve dans un procès s’il a été transmis à la partie adverse dans des délais suffisants pour
qu’elle puisse s’en défendre.

La Cour de Cassation pose le principe qu’aucune disposition légale ne permet au juge


pénal d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au motif qu’ils auraient été obtenus
de façon illicite ou déloyale. La Cour européenne des Droits de l’Homme a aussi rappelé que
la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait in abstracto exclure l’admissibilité
d’une preuve recueillie de manière illégale ou déloyale. La CEDH a admis qu’une preuve
illégale peut être produite et utilisée en justice dès lors qu’elle a pu être discutée dans le cadre
d’un procès équitable.

Quand on parle de la liberté de la preuve, on parle de la liberté des preuves admissibles, ainsi
que la liberté pour le juge d’en tirer les conclusions qu’il veut. C’est une liberté à tous les étages
comme le prévoit l’article 427 du code de procédure pénale français qui dispose dans son alinéa
premier que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies
par tout moyens de preuve et le juge décide d’après son intime conviction » c’est ce qui a été
repris par le code de procédure pénale marocain dans son article 28823. L’article 427 précité et
l’article 289 marocain posent le principe de la liberté des preuves, entendu comme la liberté des
modes de preuves. Quels sont alors les modes de preuve ? Ils sont l’indice, la preuve écrite,
puis vient le témoignage et enfin l’aveu.

L’indice :

Cette catégorie de l’indice est traitée de façon discrète, ce sont des faits qui établissent plutôt
une probabilité d’une preuve véritable. Il vient du latin index qui signifie « qui indique ».
L’indice autorise une présomption, il peut être présenté comme tout ce qui, sans fourniture

23
« Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve
et le juge décide d’après son intime conviction »

13 | P a g e
d’une preuve immédiate, rend possible le fait recherché. Il rend possible le fait que l’on
recherche et c’est cette possibilité qui va permettre de présumer que ce fait existe. L’indice peut
être combattu par des écrits ou témoignages, mais non pas par des indices.

La preuve écrite :

L’écrit prévaut ici même s’il prévaut moins qu’en droit civil, nous avons trois catégories
d’écrits : les écrits qui constituent le corps même du délit, par exemple des lettres de menaces24,
à condition qu’elle émane de la personne poursuivie, les écrits qui prouvent le délit, et les écrits
qui constatent d’autres modes de preuve.

Le témoignage :

Il s’agit des informations ou renseignements fournis aux autorités judiciaires par une personne
n’étant pas partie. Cette personne relate ce qu’elle peut savoir des circonstances de l’infraction
ou de l’identité de son auteur. « Les témoins sont les yeux et les oreilles du juge ». Toute
personne peut être témoin en principe sauf disposition contraire de la loi. Le témoin doit avoir
plus de 15 ans, ne pas être interdit des droits civils et politiques, ne pas être récusable. Le témoin
a trois obligations : l’obligation de comparution, obligation de déposer sauf les cas où le secret
professionnel peut être invoqué, l’obligation de sincérité. Afin de garantir la sincérité du
témoignage, le témoin ne doit pas avoir été contraint à témoigner, sinon il s’agirait de
l’infraction de subornation de témoin. Le juge apprécie souverainement la force probante du
témoignage.

L’aveu :

L’aveu est l’acte par lequel un individu reconnait librement et volontairement avoir posé un
acte qualifié d’infraction par la loi, devant un représentant de l’autorité policière ou judiciaire.
Il revêtait une importance extrême dans l’ancien droit. De nos jours, il n’est, en droit, qu’une
preuve comme les autres. Souvent considéré comme la reine des preuves, l’expérience a prouvé
que ce n’est pas une preuve infaillible. Il s’agit en effet des aveux faits par des déséquilibrés et
ceux obtenus par l’usage de la torture. L’aveu peut avoir lieu en dehors de toute intervention de
police et de justice. Usuellement, il est provoqué par un interrogatoire. Le juge pénal apprécie
souverainement la portée et la valeur de l’aveu.

24
Art 222-17 du code pénal français

14 | P a g e
CONCLUSION

Le droit de la preuve est révélateur des évolutions de la société. Il est la traduction des
critères subjectifs qui sont jugés acceptables à un moment donné afin de parvenir à la vérité
judiciaire. L’avènement d’un nouveau système procédural comme celui du procès équitable
permet de dépasser la distinction entre le concept d’inquisitoire et celui d’accusatoire, il tend à
l’universalisme et à l’équilibre nécessaire de la fonction de juger. Cette rupture est justifiée par
une véritable révolution juridique marquée principalement par la concurrence faite au droit
national par le droit européen et international, par l’apparition de juridictions internationales,
par de nouveaux modes négociés de résolution des conflits pénaux et la montée en puissance
du pouvoir médiatique.

Ce nouveau schéma du droit au procès équitable a marqué la reconnaissance du caractère actif


des parties privées et singulièrement de la personne mise en cause. Le droit à la preuve contraire
constitue dès lors une sorte de clef de voute du droit au procès équitable qui permet de maintenir
cet équilibre fragile tendant à la manifestation de la vérité. La vérité doit rester une valeur parmi
d’autres dans un procès. Ce dernier doit avant tout apaiser le conflit dans la recherche du juste.
La preuve de la vérité doit être légitime pour recevoir « l’homologation de la collectivité ». La
vérité judiciaire demeure quoi qu’il en soit une vérité relative.

15 | P a g e
BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages :

 L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI-MEKKI, Théorie générale du procès, PUF,


2e éd., 2013, nos 250 et s. Un parallèle peut être fait avec la distinction entre évidence
et proof. Evidence renverrait aux moyens de preuve alors que proof désignerait
davantage le processus.

 R. LEGEAIS, Les règles de preuve en droit civil. Permanences et transformations, Préf.


R. SAVATIER, L.G.D.J., 1955, spéc. p. 144.

 Encinas de Munagorri, Raphaël. "Les problèmes de preuve posés par l'évolution des
sciences et des technologies." L'éthique appliquée au tournant du millénaire (2001).

 Pradel, Jean. "Les principes constitutionnels du procès pénal." Les Cahiers du Conseil
Constitutionnel 14 (2003).

 K. GACHI, Le respect de la dignité humaine dans le procès équitable, 2012


 M-J. ESSAID, La présomption d’innocence, 1971.
 M-J. ESSAID, Le procès équitable, 2002.

Lois :

 Dahir formant code des obligations et des contrats.


 Code de procédure civil marocain.
 Code de procédure civil français.
 Code de procédure pénal marocain.
 Code de procédure pénal français.
 Code de justice administrative.
 Convention européenne des droits de l’Homme

16 | P a g e
Jurisprudence :

 Crim, 22 mai 1959.


 CE 14 juin 1999, Baumet, n° 196215.
 Cass. Crim. du 31 janvier 2012, pourvoi n° 11-85464
 Cass. du 20 novembre 1991, n°88-43120

17 | P a g e
Table des matières

INTRODUCTION ............................................................................................... 1
I. LA PREUVE : SA CHARGE ET SON ADMISSIBLILITE ...................... 3
A. LA NOTION DE PREUVE ET SA CHARGE ........................................ 3
B. L’ADMISSIBILITE DES MODES DE PREUVE ................................... 7
II. LES DIFFERENTS MODES DE PREUVE................................................ 8
A. LA PREUVE DANS UN PROCES CIVIL .............................................. 8
B. LA PREUVE DANS UN PROCES PENAL.......................................... 12
CONCLUSION .................................................................................................. 15
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 16

18 | P a g e

Vous aimerez peut-être aussi