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Qu'est ce que

prouver ? (II)

Grands Repères

Université Paris Nanterre

Année universitaire 2019-2020


Semestre I
Table des
matières

I - La preuve judiciaire 3

1. Approche chronologique ............................................................................................................... 5


1.1. Antiquité ................................................................................................................................................ 5
1.2. Moyen Age et époque moderne ............................................................................................................... 10
1.3. Droit contemporain ............................................................................................................................... 14

2. Approche thématique ................................................................................................................. 18


2.1. L'ordalie ............................................................................................................................................... 18
2.2. Le serment ........................................................................................................................................... 22
2.3. La preuve scientifique ............................................................................................................................ 25

3. Bibliographie sommaire .............................................................................................................. 25

Glossaire 27
La preuve judiciaire

La preuve judiciaire
I
Approche chronologique 5
Approche thématique 18
Bibliographie sommaire 25

Considérations générales sur la preuve en justice (d'après Henry Lévy-Bruhl).


Henry Lévy-Bruhl (1884-1964) est un juriste (thèse de droit romain en 1910), dont l'œuvre est
marquée par sa profonde inspiration sociologique. A partir de 1945 il va travailler pour développer
la sociologie du droit. Directeur d'études à l'Ecole pratiques des hautes études (1951), il s'attache à
l'étude des faits juridiques, considérés en eux-mêmes, et sans préoccupations pratiques. Il étudie les
institutions, dans quelque groupe social qu'elles se rencontrent. Son ouvrage sur La preuve judiciaire
(1964) illustre sa méthode et mérite de servir de support à cette introduction ainsi qu'à certains
développements qui suivront.
Dans le cadre judiciaire, les plaideurs ne sont pas les seuls intéressés par l'issue du procès et donc
par l'administration de la preuve. C'est en effet la société (le groupe social) qui est troublée par le
doute qui pèse sur le droit de l'un de ses membres ; elle se considère lésée par l'infraction, et donc
particulièrement intéressée au procès. Elle est incarnée par le juge qui dirige l'administration de la
preuve et qui va rétablir l'équilibre en s'appuyant sur des preuves pour dire le droit.
A la différence de la preuve scientifique, la preuve judiciaire doit être administrée dans un délai
relativement court. La société n'admet en effet pas les blocages qui pourraient être générés par
l'absence de preuve et donc l'absence de décision de justice.
La preuve judiciaire n'est pas absolue. Elle consiste à faire diminuer le plus possible la marge
d'incertitude, à rapprocher le vraisemblable du vrai. Le juge qui représente le groupe social cherche
à obtenir la ratification de la collectivité.
Les parties au procès cherchent à convaincre le juge par la présentation de leurs arguments. La
preuve a donc un caractère conflictuel. Encore une fois, elle sert alors à gagner le procès, davantage
qu'à dévoiler la vérité. En matière pénale certains éléments comme la personnalité de l'accusé
pourront entrer en ligne de compte, alors que l'élément psychologique est plus limité en matière
civile ou commerciale. Dans les sociétés primitives, ce sont surtout des affaires de nature pénale qui
vont devant le juge, qui prendra en compte les éléments liés à la personne de l'accusé : la crédibilité
qu'il inspire, la considération dont il jouit dans la société mais aussi auprès des dieux (ou du dieu).
Par exemple on considérera que tel accusé bénéficie de la faveur divine et n'a donc pas pu
commettre d'infraction. Le caractère social de la preuve judiciaire est dès lors très marqué.
Le procès peut être considéré comme un combat avec une affirmation et une négation argumentées.
Mais qui doit prouver en premier lieu ? En d'autres termes, sur qui pèse la charge de la preuve au
procès  ? On pourrait penser que c'est à celui qui prétend bénéficier de la décision de justice,
c'est-à-dire qui demande, et non celui qui n'a initialement rien demandé. Par exemple, est
demandeur le créancier qui n'a pas été payé et qui réclame en justice ce qu'il considère comme son
dû. Il doit apporter la preuve de son bon droit. Mais le demandeur n'est pas le seul à entrer en
action. Son adversaire s'efforce en effet de répondre à chaque coup porté. Du coup, preuves et
contre-preuves se succèdent, par lesquelles les plaideurs recherchent la "vérité" ou l'homologation
par le groupe social de ce qui sera considéré comme tel.
De son côté, le juge – celui qui apprécie la preuve – n'est pas un individu ordinaire. Il est supposé
être « l'émanation du sentiment collectif du groupe ». Il est celui qui dit le droit et qui l'applique. Il
n'exprime pas son propre point de vue mais le point de vue collectif (en s'appuyant sur la coutume
ou la loi). Aujourd'hui, dans le Code de procédure pénale, l'intime conviction a aussi cette

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La preuve judiciaire

dimension : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par
tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction  » (art. 427 du Code de
procédure pénale).
Le juge n'est donc pas entièrement libre. Il ne peut chercher les éléments de solution au problème
partout où il le croit utile comme le ferait le scientifique. Le groupe lui impose un certain nombre
d'impératifs qu'il ne peut enfreindre (les règles qui encadrent l'administration de la preuve). Cette
tendance a atteint son apogée avec le système des «  preuves légales  », notamment pratiqué dans
l'Europe médiévale. C'est – nous le verrons – un système par lequel le juge doit utiliser pour des cas
déterminés, tel mode de preuve, à l'exclusion des autres. Une hiérarchie entre moyens de preuve est
alors établie. On assortit même les preuves de coefficients numériques. Une preuve est donc le
résultat de l’addition de fractions de preuves ! Nous verrons aussi qu'aujourd'hui, l'administration
de la preuve est toujours encadrée plus ou moins selon les domaines.
Le juge doit juger le plus exactement possible. Il est obligé de juger sous peine de troubler l'ordre
public (déni de justice). Il ne peut donc rester sans opinion sur le litige dont il est saisi, même si au
fond de lui il n'a pas de conviction ou s'il lui semble que le droit est lacunaire.
Aujourd'hui, d'après l'article 434-7-1 du Code pénal, « le fait, par un magistrat, ou toute autre
personne siégeant dans une formation juridictionnelle ou toute autorité administrative, de dénier de
rendre la justice après en avoir été requis, et de persévérer dans son déni après avertissement ou
injonction de ses supérieurs est puni de 7 500 € d'amende et de l'interdiction de l'exercice des
fonctions publiques pour une durée de cinq à vingt ans ».
D'une manière générale, dans toutes les sociétés, la recherche de preuve doit s'effectuer dans un
délai suffisamment court, pour éviter autant que possible la disparition des preuves. La preuve
judiciaire diffère en cela de la preuve scientifique pour laquelle le temps n'est pas un facteur
fondamental. Le juge doit juger dans un délai relativement bref. C'est ce que rappelle aujourd'hui la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par
un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi [...] » (art. 6). Du coup, le juge ne tranche pas
toujours dans la sérénité, notamment à cause de la pression de l'opinion publique, «  qui parfois
prend partie sur des critères émotionnels très subjectifs » (Borricand & SimonBorricand & Simon, p. 304).
Pour Henri Lévy-Bruhl, «  il semble bien que ce caractère incertain, imparfait soit une faiblesse
congénitale de la preuve judiciaire » (p. 54Henri Lévy-Bruhl).
Le régime de la preuve est très lié aux manières de penser et aux croyances de la société où il s'est
développé. On pourrait donc penser qu'il y a autant de systèmes de preuve qu'il y a de sociétés
différentes. En fait non. Les modes de preuve judiciaire sont très peu nombreux. Mais
l'administration de la preuve varie beaucoup selon les valeurs qui fondent telle ou telle société à telle
ou telle époque. C'est ce que nous allons voir – dans les grandes lignes – en étudiant comment la
preuve judiciaire a évolué au cours du temps depuis l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui.

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La preuve judiciaire

1. Approche chronologique
1.1. Antiquité
1.1.1. Avant Rome
Dès le début de la période historique (témoignages écrits les plus anciens), il est possible de
constater la diversité des modes de preuve. Les sources font en effet notamment référence au
témoignage ainsi qu'à la preuve écrite.
A Babylone, au XVIIIe siècle avant notre ère, le système des preuves est déjà développé. Il
s'appuie à la fois sur le témoignage, et sur le serment. A cela il faut ajouter l'écrit qui joue un
grand rôle, à en croire les innombrables tablettes cunéiformes que l'on a retrouvées.
Dans la Bible, le témoignage est très réglementé. Les partiesParties- p.28 § , leurs parents, les
*

femmes, les mineurs, les fous, les sourds, les muets, les aveugles, les esclaves... ne peuvent
témoigner. Les cas les plus graves nécessitent des preuves sûres, c'est la raison pour laquelle une
condamnation à mort ne peut être prononcée sur le fondement d'un seul témoignage (
DeutéronomeDeutéronome- p.27 § XIX, 15). En cas de doute, l'accusé prête serment devant Dieu et
*

un refus de sa part est considéré comme un aveu de culpabilité. A une époque où la collecte des
preuves est souvent difficile à réaliser et où le témoignage est un mode de preuve privilégié, on
va chercher à se garantir autant que possible des abus et dissuader ceux qui seraient tentés de
faire de faux témoignages. C'est ainsi que les faux témoins sont punis de la peine que l'on aurait
infligée à celui qu'ils ont accusés à tort.
Mais lorsque tous ces modes de preuve se révèlent inefficaces, faute de témoignages valables ou
d'écrits, on se tourne vers ce l'on a appelé les preuves surnaturelles ou ordalies. L'ordalie
est une épreuve physique passée par l'une des partie au procès (parfois les deux), le plus souvent
l'accusé. Au cours de cette épreuve, on attend de la divinité une manifestation indiquant la
culpabilité ou l'innocence de celui qui subit l'ordalie.
Il y a des traces d'ordalies chez les Grecs (précipitation dans le vide, d'après StrabonStrabon- p.28 §
*

) et les Romains, mais ces traces possibles font écho à des époques très anciennes. En fait, on
s'aperçoit que les preuves rationnelles ont pris le dessus dès la création de la cité. L’Europe
occidentale connaît alors la laïcisation de la justice, à partir de la philosophie grecque du VI e s
avant notre ère. Cette révolution entraîne l'utilisation de preuves rationnelles (qui s'adressent à
la raison). L'ordalie ne disparaît cependant pas pour toujours car avec la chute de l'Empire
romain d'Occident, les populations germaniques vont contribuer au développement de nouvelles
ordalies qui se répandent dans toute l'Europe. Mais voyons tout d'abord comment les Romains
envisagent la preuve.

Complément
Le recours à l'ordalie est mentionné dans le Code du roi Hammourabi de Babylone, vers 1750
avant notre ère. Dans cette région de Mésopotamie où coulent deux grands fleuves – le Tigre et
l'Euphrate – et de multiples canaux, l'eau revêt un caractère sacré. Il n'est donc pas étonnant que
l'épreuve ait lieu dans ces cours d'eau. D'après le Code, l'ordalie du fleuve est organisée pour des
accusations d'adultère ou de sorcellerie, deux cas pour lesquels l'infraction est difficile à prouver en
dehors du flagrant délit : « Si quelqu'un a imputé à un homme des manœuvres de sorcellerie, mais
sans pouvoir l'en convaincre, celui à qui les manœuvres de sorcellerie ont été imputées ira au
Fleuve-divin et il plongera dans le Fleuve. Si le Fleuve s'empare de lui, son accusateur emportera sa
maison. Mais si le Fleuve innocente cet homme et qu'il en sort sain et sauf, celui qui avait imputé des
manœuvres de sorcellerie sera tué, et celui qui a plongé dans le fleuve emportera la maison de son
accusateur » (Code d'Hammourabi §2). Un peu plus loin on peut lire que « si l'épouse d'un homme a
été montrée du doigt à cause d'un autre homme, sans toutefois qu'elle ait été surprise avec lui, pour
son mari, elle devra plonger dans le fleuve divin » (Code d'Hammourabi §132). On s'est alors posé la
question de savoir comment l'épreuve était organisée. Les archives royales de la ville de Mari
renferment une description de l'ordalie du fleuve, qui date du XVIII e siècle avant notre ère. On y
décrit une véritable cérémonie au cours de laquelle les faits qui doivent être prouvés sont énoncés
après un rituel particulier. C'est une épreuve particulièrement physique, qui consiste à parcourir une
certaine distance sous l'eau (« au cœur du dieu »). En cas d'échec – et donc de culpabilité – c'est la
noyade : « le Fleuve (le dieu) l'a épousée », dira-t-on d'une femme qui s'est noyée au cours de
l'épreuve.

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La preuve judiciaire

On retrouve le recours à l'ordalie en cas de suspicion de l'adultère de la femme, chez les Hébreux.
Même si l'on admet que cette épreuve devait être marginale, celle-ci est prévue dans la Bible (
NombresLivre des Nombres- p.28 § V, 12-31), où l'on peut lire que la femme que l'on accuse devra boire les
*

eaux d'amertume, un breuvage spécial préparé par le prêtre à l'issu d'une cérémonie. Le prêtre « fera
boire ces eaux à la femme. Et lorsqu'il les lui aura fait boire, s'il est vrai qu'elle s'est rendue impure
en trompant son mari, alors les eaux de malédiction, pénétrant en elle, lui seront amères : son ventre
enflera, son sexe se flétrira, et pour son peuple elle servira d'exemple dans les malédictions. Si au
contraire elle ne s'est pas rendu impure, et si elle est pure, elle restera indemne et elle aura des
enfants ». La culpabilité de la femme adultère est révélée par les effets terribles du breuvage,
provoqués par Dieu, qui rendent la coupable à jamais stérile.

Stèle sur laquelle est gravé le Code d'Hammourabi (Musée du Louvres)

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La preuve judiciaire

Détail de la stèle : le roi Hammourabi (à gauche) face au dieu Shamash.

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La preuve judiciaire

Texte du Code d'Hammourabi.

1.1.2. Rome
Malgré le changement constitué par l’effacement de l’élément religieux en matière judiciaire, on
cherche toujours à recueillir l’adhésion du groupe social, autant ou plus que la vérité. Avec le
droit moderne les preuves se perfectionnent. Les principales sont le témoignage et l’écrit.
Problème : le témoignage reste fragile (pressions) et l’écrit la cible des faussaires.

a) Époques classique et impériale (IIe s. av.-284 apr. JC)


A partir de la deuxième moitié de IIe siècle avant notre ère, les orateurs romains qui plaidaient
dans les tribunaux (avocats) s'inspirent de la rhétorique grecque. Cette influence ne prit pas fin
avec le début de l'Empire. La rhétorique est « la théorie de l'art de plaider ». Pour CicéronCicéron
- p.27 § , QuintilienQuintilien
* - p.28 §
*

ou TaciteTacite- p.28 § il est tout à fait naturel que les


*

connaissances professionnelles de l'orateur, surtout s'il plaide au barreau, s'enracinent dans la


rhétorique. Mais la connaissance du droit est aussi essentielle pour l'orateur (Cicéron). On
s'appuie donc à la fois sur la rhétorique et sur la jurisprudence. La rhétorique, « théorie de
l'art d'argumenter et de persuader », permettait d' « exposer et défendre sa propre thèse de la
manière la plus efficace et de réfuter avec la même efficacité la thèse de l'adversaire  ». La
jurisprudence ou l'étude et la connaissance du droit, « apprenait impartialement ce que, dans
un cas donné, prescrivait le droit ou bien les conséquences, qui, du point de vue du droit,
résultaient d'un certain fait ou certain acte » (PuglieseGiovanni Pugliese, p. 290). La jurisprudence est
pour le juge et la rhétorique pour l'avocat.

Complément
La procédure de l'époque classique laissa une place importante à la rhétorique car on faisait appel à
des jurys ou à des juges privés (choisis par les plaideurs ou avec leur concours), donc des particuliers
issus des hautes classes mais « dénués de connaissances juridiques ». La rhétorique gagna ainsi une
place importante en matière de preuve. Mais avec la professionnalisation des juges la jurisprudence
va gagner du terrain sur la rhétorique.
Dès le début du principat (Ier siècle av. J.C.), les empereurs et le Sénat vont légiférer sur des
questions de preuve, mais sans qu'une théorie générale en soit élaborée (les juristes romains
n'ont pas coordonné leurs solutions dans un système et n'ont pas énoncé de notions et de
définitions générales). Mais on considère malgré tout que « jusqu'à la fin du 1 er siècle de notre
ère, la notion de preuve [...] fut plutôt rhétorique que juridique » (PuglieseGiovanni Pugliese, p. 298).
Les règles commencèrent à se fixer lorsque les juristes étudièrent véritablement les questions
touchant à la charge de la preuve aux IIe et IIIe siècles de notre ère.
En se fondant notamment sur la classification de Quintilien, on peut distinguer les preuves
suivantes : le témoin (testis), le serment (iusiurandum), l'aveu (confessio), les écrits (tabulae),
les rumeurs publiques (rumores), les précédents (praeiudicia). Quelques mots sur certains
d'entre eux.

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La preuve judiciaire

i Le témoignage
Les témoins sont le plus souvent volontaires et viennent éclairer le juge sur les faits, mais
surtout manifester leur solidarité pour l'une ou l'autre des parties au procès. Ils déposent
oralement ou par écrit (hors procès). Le témoignage par écrit a tendance à se développer à
partir du Ier siècle avant notre ère. Les témoins peuvent aussi être cités par l'accusateur. La loi
les oblige alors à comparaître et à faire leur déposition. En revanche le droit romain dispense
certaines personnes de témoigner en raison de leur proximité avec l'accusé, en raison par
exemple d'un lien de parenté ou d'autorité (patron-client), mais cette règle peut être contournée
en se présentant comme témoin volontaire. Le lien de parenté n'est donc pas cause d'incapacité
à témoigner.
Le droit romain va cependant progressivement aborder cette question de l'incapacité à
témoigner. La loi va par exemple interdire de témoigner en justice à ceux qui ont été condamnés
pour certains crimes ou bien encore aux mineurs (impubères). Mais les femmes et les étrangers (
peregrini) peuvent témoigner en justice. La déposition des témoins s'accompagnait d'un serment
(dont on trouve aussi mention dans les témoignages écrits).
Procédure. Les témoins déposent à l'oral après les plaidoiries des avocats et lorsqu'un écrit
avait été rédigé, il est lu devant le juge qui dans tous les cas apprécient librement l'importance
qu'il faut donner à chaque témoignage (principe de la libre appréciation des preuves).
L'empereur Hadrien (117-138) demandera seulement au juge de ne pas s'appuyer sur un seul
type de preuve. On peut ajouter que pour certains auteurs, le témoignage écrit, pour être
efficace, doit être confirmé par la déposition de témoins présents à l'audience (supériorité du
témoignage oral).

ii Le serment des parties


Le serment en tant que moyen de preuve est destiné à donner au juge des éléments lui
permettant d’aboutir à un jugement. On distingue le serment décisoire, dont le contenu lie le
juge, du serment qui laisse toute liberté d’appréciation au juge.

iii L'aveu
Par l’aveu (confessio), l’accusé reconnaît sa culpabilité, conformément à l’accusation portée
contre lui. Le juge, qui dispose d’une liberté d’appréciation n’est cependant pas lié par l’aveu et
peut rendre un jugement qui ne le prend pas en compte.

iv Les écrits
Cicéron (qui classe les écrits parmi les preuves) et Quintilien utilisent le mot latin tabulae pour
désigner les preuves écrites. Dans les affaires civiles, on pouvait ainsi produire toute une série de
titres probatoires, qui allaient être de plus en plus protégés contre les falsifications par
l’apposition de cachets.
A l’époque classique, les preuves ne sont pas obtenues à l’initiative du juge, qui se contente des
preuves apportées par les parties. C’est cependant lui qui va apprécier ces mêmes preuves pour
juger selon son intime conviction. Les choses vont changer dans les derniers siècles de l’Empire
romain d’Occident.

b) Antiquité tardive
A l’époque de l’Antiquité tardive (après 284 de notre èreAntiquité tardive- p.27 § ), la législation de
*

l’empereur contribue à restreindre la liberté en matière de preuve :


Le serment prend une importance certaine avec le développement du christianisme, le
parjure étant désormais considéré comme une grave faute envers Dieu.
L'écrit acquiert une force plus importante face au témoignage oral.
La règle selon laquelle un seul témoin ne suffit pas va s'imposer (« un témoin unique est
un témoin sans valeur », testis unus, testis nullus).
La preuve par témoin ne résiste pas à un écrit rédigé par un tabellion (praticien
appartenant à une corporation) ou contre un écrit privé qui a été vérifié par une autorité
publique.

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La preuve judiciaire

Le rang social et la fortune du témoin influent sur la crédibilité de son témoignage.


On retrouve les règles qui gouvernent la preuve dans les compilations juridiques romaines de
l'Antiquité tardive. Le Code ThéodosienCode Théodosien- p.27 § (Ve siècle) aborde la question de la
*

force probante des témoins et des écrits dans l'un de ses titres. Au VI e siècle, « la compilation
de Justinien, au DigesteDigeste- p.27 § et au CodeCode- p.27 § , rassemble en trois titres 62 passages de
* *

jurisconsultes et 67 constitutions impériales sur la charge de la preuve, le témoignage et


l'autorité, auxquels il convient d'ajouter d'autres titres sur le faux, l'aveu, la torture, le
serment » (LevyJean-Philippe Lévy). Toute cette matière juridique influencera grandement les juristes
du Moyen Âge, fondateurs des Universités, qui la redécouvriront au XIIe siècle.

1.2. Moyen Age et époque moderne


1.2.1. Premier Moyen Âge
Avec l’effondrement de l’Empire romain d’Occident (476 après J.C.476- p.27 § ) et l’établissement
*

des royaumes barbares, le droit romain est simplifié ou disparaît devant les coutumes. Dans le
même temps, la religion chrétienne s’implante peu à peu en Gaule.
Prenons l'exemple du procès pénal pour illustrer les changements qui se sont produits en
matière de preuve judiciaire. Avec le recul de la culture latine, l'écrit se raréfie et n'est que de
peu d'utilité en matière pénale. Il reste alors deux principaux modes de preuves qui se fondent
sur la religion : le serment et l'ordalie.

a) Le serment
Le serment est prêté par l’accusé mais aussi par les témoins qui déposent devant le juge. Ce
faisant, ils s’engagent devant Dieu à dire la vérité sur les faits de la cause et prennent le risque
d’une sanction divine au cas où ils prêteraient un « faux serment ». Dans ce contexte bien des
tourments consécutifs à un serment (perte de la vue, perte de la parole…) ont été interprétés
par les contemporains comme la punition de Dieu à la suite d’un parjure. Lorsque l’accusé prête
serment c’est pour se disculper (se purgare), il prête alors ce que l’on appelle un «  serment
purgatoire ». Mais il ne le prête pas seul. Il s’entoure en effet de ses proches (parents et amis)
qui vont prêter serment eux aussi, et garantir la sincérité de l’accusé. On les appelle des
cojureurs, qui ne sont donc pas des témoins.

b) Les cojureurs
Les cojureurs sont des personnes qui collaborent à un serment prêté en justice, généralement à
celui de l'accusé. Il est fait appel à eux car on considère que le seul serment de l'accusé ne suffit
pas. Plus l'affaire est grave et plus le droit exige un nombre de cojureurs important. Ils peuvent
être choisis dans la famille, les amis ou plus largement dans le groupe social. On applique le
principe de la solidarité familiale au sens large, qui conduit les membres du groupe à prêter
serment comme ils se seraient engagés dans la vengeance si la justice n'avait pas été saisie. Les
cojureurs ne prêtent pas serment à propos de faits dont ils auraient été témoins : ce ne sont pas
des témoins visuels ou auditifs. Ils répètent vraisemblablement le serment prêté par l'accusé
lui-même (« je jure qu'un tel n'a pas commis tel délit ») et n'apportent aucun argument de fait
nouveau, mais témoignent plutôt du crédit que l'on peut accorder à l'accusé. En cas de parjure,
ils encourent les mêmes risques que l'accusé qui se serait parjuré.

Complément
Le droit et le juge fixent précisément le nombre de cojureurs nécessaire. Par exemple le droit
germanique (loi salique) réclame 12 cojureurs pour les crimes ordinaires et 25 pour les crimes graves.
Mais pour des affaires relatives à l’aristocratie les cojureurs pouvaient être bien plus nombreux
comme le relate Grégoire de ToursGrégoire de Tours- p.27 § à propos de l’adultère reproché à la reine
*

franque Frédégonde. Accusée par son mari le roi Chilpéric, elle vint prêter serment accompagnée de
300 cojureurs de haut rang (Grégoire de Tours, Histoire des Francs VIII, 9).
Un accusé qui n'aurait réuni suffisamment de cojureurs n'aurait donc pas l'appui de son groupe
et perdrait sa cause. D'après Lévy-Bruhl, «  tout se passe ici comme si l'objet de la preuve
n'était pas le délit lui-même, mais la personne du suspect, dont on se demande s'il bénéficie ou
non du crédit social ». « On peut rapprocher nos témoins de moralité des cojureurs germaniques

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La preuve judiciaire

et médiévaux » (p. 95Henri Lévy-Bruhl).

Complément
Certaines lois barbares punissent le parjure de lourdes amendes (15 sous d'or, Loi salique ; 300 sous
d'or, Loi des BurgondesLoi des Burgondes- p.28 § ). CharlemagneCharlemagne- p.27 § ira même jusqu'à réclamer
* *

l'amputation de la main droite (celle qui a touché la Bible ou les reliques) pour les faux témoins et
les parjures. Lorsque l'on avait affaire à des affirmations contradictoires sous serment, le recours à
l'ordalie devenait nécessaire.

c) Ordalies
Les ordalies sont des épreuves physiques subies par l'une des parties (ordalie unilatérale) ou par
les deux (ordalies bilatérales). Elles sont destinées à révéler la véracité du serment de celui qui
passe l'épreuve.L'ordalie unilatérale est une épreuve nécessitant le recours à des éléments
primordiaux comme l'eau ou le feu afin de révéler la pureté de celui qui y est soumis (le
« patient ») et donc la véracité de son serment. Les ordalies semblent se généraliser au VIII e
siècle et sont encadrées par une Église qui montre en même temps des signes de réticence à leur
égard. On constate que l'épreuve s'entoure alors d'un véritable rituel. «  Avant l'épreuve le
‘patient' était dépouillé de ses vêtements et revêtu d'habits religieux, cela afin d'éliminer les
talismans et autres protections magiques. On célèbre ensuite une messe solennelle, au cours de
laquelle sont bénis les divers instruments de l'épreuve ; celle-ci a lieu à la fin de la messe, en
présence d'une nombreuse assistance qui chante des psaumes et des litanies  » (
J.-M. CarbasseJean-Marie Carbasse, p. 95)
Les différentes ordalies :
L'ordalie de l'eau bouillante. L'accusé plongeait la main dans un chaudron d'eau
bouillante pour en ramasser un objet mis au fond (pierre ou anneau). Au bout de trois
jours le juge allait examiner l'allure de la blessure qui avait été préalablement enveloppée
dans un sac de cuir scellé. C'est probablement l'épreuve la plus fréquente.
L'ordalie du fer rouge. L'accusé saisissait un fer rougi au feu, qu'il maintenait pendant
qu'il effectuait neuf pas. La main était examinée de la même manière que dans l'épreuve
précédente.
L'ordalie de l'eau froide. L'accusé était plongé dans l'eau, pieds et poings liés. L'eau
pure (préalablement bénie) rejetait le parjure (qui flottait) et accueillait celui qui avait
dit la vérité (il coulait), ce qui devait être fréquent.
L'ordalie de la croix. C'est une ordalie bilatérale, c'est-à-dire qui fait participer les
deux parties au procès. Beaucoup moins violente que les premières, elle s'adresse
vraisemblablement aux clercs qui doivent rester debout les bras tendus (en croix) le plus
longtemps possible. Le premier qui baisse les bras est considéré comme celui qui n'a pas
le soutien divin et est désigné parjure. Cette ordalie finira par être interdite en 818-819,
car manquant au respect dû à la passion du Christ.

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La preuve judiciaire

Ordalies du feu et de l'eau


Pour Jean-Marie Carbasse, «  il paraît évident que les jugeurs choisissaient les modalités de
l'épreuve et en interprétaient les résultats en fonction de leur intime conviction préalable : quoi
de plus simple (en temps normal !) si l'on veut disculper un accusé que l'on pressent innocent,
que de le soumettre au ‘jugement' de l'eau froide ? » (p. 96Jean-Marie Carbasse).
Pourquoi l'ordalie est-elle encore utilisée dans l'Europe chrétienne  ? Comment ces pratiques
brutales coexistaient-elles avec la doctrine de l’Église ? Jusqu'à la redécouverte du droit romain
la pratique et la théorie du droit sont réduites presque à néant. Les populations devaient être
attirées par la doctrine du miracle. La littérature populaire véhicule des histoires où le bon est
sauvé et le méchant est châtié par Dieu ou un personnage sacré. L'ordalie est en adéquation
avec cette façon de voir les choses (Lévy-Bruhl, p. 80-81Henri Lévy-Bruhl).
L’Église apparaît comme particulièrement embarrassée par l'ordalie. C'est certes un hommage
rendu à la religion et un acte de foi. Elle va donc les tolérer en les encadrant. Mais certains
prélats vont être critiques.

d) Le duel judiciaire
C'est une ordalie bilatérale. Les parties combattent elles-mêmes ou se font représenter par un
« champion ». Dieu permettra à celui qui a dit vrai de l'emporter. Si son adversaire trouve la
mort, le duel aura à la fois prouvé sa culpabilité et infligé la peine. Mais s'il survit l'accusé
reconnu coupable sera condamné. S'il existe antérieurement, le duel judiciaire semble se
développer à partir du IXe siècle.

Complément
Dès cette époque l’Église condamne cette pratique de manière récurrente, ce qui ne l'empêche
cependant pas de se développer aux Xe-XIIe siècles. En l'absence de témoignages efficaces, le duel est
la preuve utilisée chez les chevaliers, qui répugnent à subir les autres ordalies (réservées aux rustres).
Le duel est le mode de preuve noble, celui des hommes en armes. On rejoue la guerre devant le juge,
et cela jusqu'à la fin du Moyen Age, et au-delà par le duel (en principe interdit) qui suit souvent une
accusation de mensonge.
Duel judiciaire

12
La preuve judiciaire

Duel judiciaire
Le duel judiciaire n'est généralement pas considéré comme une ordalie, pourtant il a les
caractéristiques d'une ordalie bilatérale. Lors du combat, l'accusé a besoin des puissances sacrées
pour surmonter l'épreuve. S'il existe des combats qui peuvent apparaître comme des duels
judiciaires dans l'Antiquité, c'est surtout au Moyen Age que le duel est pratiqué, devant les
cours féodales. Dans un champ clos, le duel est réglementé. Souvent il se termine par la mort de
l'un des combattants. «  Le duel individuel peut et doit éviter de véritables batailles  » (
Lévy-Bruhl, p. 84Henri Lévy-Bruhl). Le duel fut combattu par l’Église (et même davantage que
l'ordalie).

1.2.2. XIIe-XVIIIe siècles


a) La fin des preuves surnaturelles
L’Église qui avait déjà commencé à critiquer ce type preuve dès le IXe siècle, va poursuivre dans
ce sens et finir par interdire aux clercs de participer à des ordalies en 1215 (IV e concile de
Latran). Mais déjà tout au long du XIIe siècle un certain nombre de villes avaient obtenu de ne
plus subir les ordalies. De son côté, le serment purgatoire a presque disparu des cours laïques au
XIIIe siècle. Seul le duel judiciaire se maintient, soutenu par la noblesse, qui le considère comme
la seule preuve noble. Mais là encore, l’Église s'oppose à ce qu'elle considère comme un sacrilège
et convainc le roi de légiférer. C'est ainsi que Louis IX (Saint Louis) prend deux ordonnances
(1254 et 1258), visant à substituer au duel judiciaire la preuve par enquête. Mais la noblesse
continuera à y avoir recours jusqu'à la fin du XIVe siècle où son usage décroît.
Au moment où les preuves surnaturelles déclinent, l'Occident connaît une renaissance juridique
qui se fonde sur la redécouverte du droit romain, notamment le Code de Justinien et le Digeste.
Ce droit précis et technique qui avait progressivement disparu avec l'Empire romain d'Occident
est à nouveau compris et enseigné depuis les écoles d'Italie (Bologne) et se répand en Europe
notamment grâce aux Universités. Du coup, les preuves «  raisonnables  » (
Carbasse, p. 192Jean-Marie Carbasse) s'imposent, comme l'aveu et le témoignage, sans cependant
abandonner le serment du prévenu et des témoins. Les juristes formés au droit romain
s'appuient sur les leges (lois romaines) pour mettre sur pied le système des « preuves légales ».

13
La preuve judiciaire

Dans ce système, l'aveu (confessio) est considéré comme la preuve la plus efficace (mais doit
être étayé par des indices). Cet aveu pouvait avoir été fait directement au juge où bien déduit
de la fuite du suspect. Sans aveu, le juge devait se tourner vers les témoins. A partir du XIII e
siècle le droit romain va inspirer une théorie du témoignage. Le témoin est celui qui a lui-même
vu ou entendu les faits reprochés à l'accusé, ce qui exclut les ouï-dire. Les juristes vont aussi
dresser la liste de ceux qui ne peuvent témoigner : ceux qui n'en sont pas dignes en raison de
leur activité ou d'une condamnation (les infâmes), les étrangers ou les femmes de mauvaise vie.
Enfin on attend du témoin qu'il prête serment de dire la vérité avant de déposer.

i Les preuves légales


Nous sommes désormais dans un système inquisitoireInquisitoire- p.27 § où l'accusé est présumé
*

innocent, ce qui a comme conséquence que c'est l'accusation qui a la charge de la preuve. Dans
ce contexte l'enquête est menée par le juge qui recherche les preuves. Des preuves qui doivent
être fiables, « plus claires que le jour à midi », écrivent les juristes en se fondant sur le Code de
Justinien. Ces « docteurs », enseignants en droit, vont élaborer une doctrine, que l'on a appelé
la théorie des preuves légales, que l'on a aussi préféré appeler « preuves objectives ». L'idée est
d'éviter la subjectivité du juge qui doit mettre de côté toute impression personnelle : « Le juge
doit former son jugement non sur une connaissance privée, mais sur ce qui a été allégué ou
prouvé au cours de l'instance  ». On va donc simplement examiner au procès si les preuves
exigées par la doctrine sont réunies. Toujours selon la doctrine, seule les « preuves complètes »
entraînaient une condamnation ; sans elles, le doute profitait à l'accusé : "dans le doute, pour
l'accusé" (in dubio, pro reo) (Carbasse, p. 194-195Jean-Marie Carbasse).
Ces preuves complètes sont l'aveu explicite ou implicite (fuite) étayé d'indices et le témoignage
d'au moins deux témoins concordants. La déposition d'un seul témoin ne correspond qu'à une
demi-preuve.

Complément
Le droit de cette époque a adopté très tôt ces principes en Italie et en Provence (2 e moitié du XIIe
siècle) ; ils arrivent dans la moitié Nord de la France au milieu du XIII e et sont répandus dans tout le
royaume au XIVe siècle.
En pratique les juges se sont heurtés au difficile problème d'avoir à obtenir une "preuve pleine" – la
seule recevable pour condamner – alors que par un certain nombre d'indices ils avaient la conviction
de la culpabilité de l'accusé. Dans ces cas-là le droit romain les incitait à recourir à la torture : une
torture judiciaire – « la question » – qui allait être réglementée.
A partir du XVIe siècle cependant, le juge se réserve le droit de prononcer une peine (certes inférieure
à la normale, mais parfois lourde) lorsqu'il n'a pas de preuve pleine et que l'accusé a résisté à la
torture. Ce faisant, le juge récupère une certaine liberté d'appréciation, liberté qui va encore
s'accroître lorsqu'il parviendra à punir sur de simples indices, auxquels on attribue une valeur  :
demi-preuve, quart de preuve, huitième de preuve. Un tel système engendrait des dérives que des
auteurs du XVIIIe siècle comme VoltaireVoltaire- p.28 § ou BeccariaBeccaria- p.27 § ne manquèrent pas de
* *

vivement critiquer. Si donc l'intime conviction du juge s'impose peu à peu, la preuve pleine et donc la
torture perdent de leur justification.
Notons, pour terminer, qu'en matière civileDroit civil- p.27 § , la preuve écrite va prendre de
*

plus en plus d'importance, selon l'adage «  lettres passent témoins  » (c'est-à-dire l'écrit est
supérieur au témoignage oral). Le roi de France finira par imposer un écrit « devant notaire et
témoins  » pour les contrats excédant une valeur de 100 livres, par l'Ordonnance de Moulins
(1566), de manière à éviter toute contestation ultérieure. On retrouvera plus tard une règle de
cette nature dans le Code civil (article 1341).

1.3. Droit contemporain


En matière criminelle, la Révolution qui met en place un jury de jugement (comme au
Royaume-Uni) laisse aux jurés une totale liberté pour former leur conviction d'après les preuves qui
leur sont présentées. C'est donc un système de liberté de la preuve en matière pénale qui est
consacrée en 1791 et du même coup l'abandon des preuves légales. Le principe de l'intime conviction
est consacré dans le Code de 1795 qui dispose  :  «  la loi ne demande pas comptes aux juges des
moyens par lesquels ils sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire

14
La preuve judiciaire

particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve  : elle leur prescrit de


s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur
conscience, quelles impressions ont faites sur leur raison les preuves rapportées contre l'accusé et les
moyens de sa défense. La loi... ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de
leur devoir  : Avez-vous une intime conviction  ?  ». On retrouve ce principe de l'intime conviction
dans le Code d'instruction criminelle de 1808, puis dans le Code de procédure pénale (CPP) de 1958
(art. 353).
Distinguons maintenant les règles de preuve du droit pénal (ensemble des règles de droit ayant pour
but la sanction des infractions), de celles qui s'appliquent en droit civil (ensemble des règles de
droit privéDroit privé- p.27 § normalement applicables).
*

1.3.2. En matière pénale


a) Modes de preuve
L'écrit : L'écrit des particuliers constitue en droit pénal un simple indice (contrat, lettre...). En
revanche les procès-verbaux des agents ou officiers de police judiciaire ont un régime particulier.
Ils rapportent ce que leur auteur a constaté, mais ne sont valables qu'à certaines conditions (la
constatation doit être faite dans l'exercice des fonctions de l'auteur et dans son domaine de
compétence).
Le témoignage : La loi considère que témoigner est un devoir de citoyen. Refuser de le remplir
peut conduire à une amende de 3750 euros (art. 326 & 438 Code de procédure pénale ). Mais il
est possible pour certaines personnes, comme les médecins ou les prêtres, d'invoquer le secret
professionnel.
Pour s'assurer de la plus grande fiabilité possible du témoignage, la loi a cherché à l'encadrer le
mieux possible. Le témoin doit en principe prêter serment de dire « toute la vérité, rien que la
vérité » (art. 446 CPP). Mais cette règle ne s'applique pas aux mineurs de moins de seize ans,
aux parents en ligne directe, aux frères et sœurs, aux conjoints et concubins notoires. Gare à
celui qui serait convaincu de faux témoignage  : il encourt 5 ans d'emprisonnement et 75  000
euros d'amende.
L'aveu  : Si la police (au moment de l'interrogatoire) et les magistrats (notamment le juge
d'instruction) ont tendance à chercher absolument à obtenir des aveux, il faut savoir que la loi
considère qu'il s'agit d'une preuve comme une autre. « L'aveu, comme tout mode de preuve, est
laissé à la libre appréciation des juges » (art. 428). Il ne doit pas avoir été fait sous la pression
ou la violence, mais doit avoir été librement consenti. Cette règle exclut donc un certain nombre
de méthodes destinées à extorquer des aveux  : l'usage d'un «  sérum de vérité  » (pentotal)  ;
l'usage de l'hypnose ou encore du détecteur de mensonges (le polygraphe, interdit dans toute
l'Europe, mais qui est en usage aux États-Unis). Enfin, on sait que les personnes mises en
examen reviennent souvent sur leurs aveux, affirmant qu'ils leur ont été extorqués.
Les indices : D'après l'article 54 du Code de procédure pénale, l'indice est « tout ce qui, sans
fournir une preuve immédiate, rend possible le fait recherché ». De plus en plus souvent, on a
recours à des experts pour analyser ces indices qui constituent un vaste ensemble : toutes sortes
de traces sur le sol, douilles, impacts de balles, cheveux, traces de sang... Ces indices que la
science fait de plus en plus parler, ont tendance à constituer de fait une catégorie particulière
(non reconnue en tant que telle par la loi), qui prend de plus en plus d'importance sous le nom
de « preuves scientifiques » (cf. approche thématique sur la preuve scientifique).
Le principe de la liberté de la preuve en matière pénale signifie que des preuves de toutes
natures sont acceptées, mais dans le cadre de la loi, qui interdit un certain nombre de procédés.

b) La loyauté
Pour être recevable la preuve doit répondre à certaines conditions en vertu du principe de
loyauté. C'est d'abord la loyauté du juge, qui ne doit pas obtenir d'aveux en ayant recours à des
procédés déloyaux. Mais c'est aussi la loyauté des officiers de police judiciaires. Le recours à la
force publique, lorsqu'il est nécessaire doit être proportionné. La garde à vue est réglementée de
manière à ne pas provoquer l'aveu par fatigue ou lassitude ou par privation de nourriture. La
police ne peut décider de procéder à des écoutes téléphoniques (initiative réservée au magistrat).
De leur côté, la sonorisation de certains lieux et l'interception de correspondances
(enregistrements), les photos et les vidéos ne sont autorisés que pour lutter contre la
délinquance organisée, en vertu notamment de la protection de la vie privée et du domicile. De
plus, si les policiers peuvent utiliser des procédés pour faire apparaître la preuve d'une infraction

15
La preuve judiciaire

(infraction qui aurait de toute façon été commise sans qu'ils interviennent), ils ne peuvent
provoquer une personne à commettre une infraction. La provocation à la preuve est légale, la
provocation à l'infraction ne l'est pas. Enfin, dernier exemple de limite à la liberté de la preuve
en matière pénale, la police ne peut infiltrer que la délinquance et la criminalité organisée (ex. le
trafic de stupéfiants). Et c'est le procureur de la République ou le juge d'instruction qui doit en
donner l'autorisation.
En revanche, les particuliers (personnes privées) ne sont pas contraints à ces limites en matière
de preuve. C'est ainsi que la justice accueille des écoutes téléphoniques, vidéos et autres
enregistrements (ex. « testing » devant les boites de nuit organisé par SOS Racisme). Les juges
reçoivent aussi des documents obtenus illégalement par des particuliers, comme des documents
volés à l'employeur. Ces preuves déloyales sont appréciées par le juge, qui pourra parfois y
opposer le secret professionnel.
En tout état de cause il formera librement sa conviction à partir des preuves qui lui ont été
fournies : c'est l'intime conviction du juge (art. 353 et 427 Code de procédure pénale).

1.3.3. En matière civile


Le droit civil suit le principe de légalité de la preuve en ce qui concerne les obligations et en ce
qui concerne les conditions de validité des instruments de preuve.

a) La preuve des obligations civiles


L'article 1341 du Code civil pose le principe de légalité des preuves. Au-dessus d'une certaine
valeur (1 500 euros), les parties à un acte juridique doivent préconstituer la preuve de cet acte
par écrit : acte authentique (reçu par un officier public) ou acte sous signature privée. La règle
de l'article 1341 permet de garantir la preuve d'actes portant sur des obligations d'une certaine
valeur.
Le droit civil n'admet qu'un certain nombre de preuves :
L'écrit : l'acte authentique conclu devant un officier public (ex. devant un notaire), avec
les solennités requises (signature, paraphe...) ; l'acte sous signature privée (rédigé par un
particulier et comportant la signature des parties), qui n'est soumis à aucune forme de
solennité particulière en dehors de la signature des (de la) partie(s) et fait en autant
d'originaux que de parties ayant un intérêt distinct (« formalité du double » exemplaire,
ou triple...). Ajoutons que désormais, «  l'écrit sous forme électronique est admis en
preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment
identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de
nature à en garantir l'intégrité » (art. 1316-1 du Code civil).
L'aveu. L'auteur d'un aveu reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre lui
des conséquences juridiques (ex. le montant d'une dette). L'aveu peut être fait en justice
par une partie ou son avocat et fait pleine foi contre son auteur (aveu judiciaire) ou en
dehors du tribunal et n'a alors que la valeur d'un témoignage (aveu extrajudiciaire).
Le serment judiciaire. Il peut être prêté par une partie, à la demande de l'autre partie
(serment décisoire) ; ou par une partie à la demande du juge (serment supplétoire).
Ce système strict de la légalité de la preuve des obligation connaît des aménagements :
Commencement de preuve par écrit (art. 1357) ;
Impossibilité matérielle ou morale d'apporter la preuve (art. 1348).
Si les conditions de ces aménagements sont remplies, on retombe dans le système de la preuve
libre.

b) La liberté de la preuve des faits juridiques


Cette liberté de la preuve s'exprime en dehors des obligations, pour les faits juridiques, sauf
certains d'entre eux, par exemple ceux qui se prouvent par les actes de l'état civil (naissance,
décès). Mais la liberté de la preuve est tout de même encadrée par la loi et la jurisprudence.
Ainsi le juge n'admettra pas de preuves illicites. Il peut s'agir par exemple de preuves dont
l'usage porterait atteinte au droit au respect de la vie privée, au secret de la correspondance.
Malgré cela il est possible de produire, en matière de divorce, des lettres ou SMS entre un époux

16
La preuve judiciaire

et sa maîtresse ou une femme et son amant, s'il n'y a eu ni fraude ni violence pour les obtenir.
On constate donc une liberté certaine.
La loyauté de la preuve. C'est un principe déjà évoqué en droit pénal et qui s'applique aussi en
droit civil. La Cour de cassation a considéré par exemple (2004) que « l'enregistrement d'une
conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un
procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue ». Le principe de légalité
est appliqué plus strictement qu'en droit pénal (voir ci-dessus).
En matière civile le juge joue le rôle d'arbitre entre les parties. Un arbitre qui se doit
d'intervenir dans certains cas, notamment lorsque l'insuffisance des preuves ne lui permet pas de
juger. Il peut alors « ordonner toute mesure d'instruction légalement admissibles » (art. 10 du
Code de procédure civile). Il peut ainsi demander une enquête, ou l'intervention d'un expert. Il
peut encore demander à une partie de produire un élément de preuve (à la demande de l'autre
partie) ou bien demander ou ordonner la production de tous documents détenus par des tiers (à
la demande de l'une des parties) (art. 11 Code de procédure civile).
Dans la partie qui suit, il est proposé d'approfondir trois thèmes évoqués dans « l'approche
chronologique ». Cette « approche thématique » mettra en en évidence le lien entre les modes
de preuve leur contexte social.

17
La preuve judiciaire

2. Approche thématique
Pendant des siècles la religion a pénétré l'activité judiciaire à des degrés divers, et c'est seulement il
y a une centaine d'année, que les dernières traces de ce phénomène se sont estompées. Sous l'Ancien
Régime (avant la Révolution française) en effet, les juges sont « convaincus que Dieu, comme il l'a
expressément promis, est présent au milieu d'eux lorsqu'ils s'assemblent pour juger : Dieu les voit,
Dieu les écoute, Dieu les jugent en même temps qu'ils jugent » (
Marie-France Renoux-ZagaméMarie-France Renoux-Zagamé). Dans ce contexte, il paraît important de
développer ici deux thèmes liés à la présence divine au procès : l'ordalie et le serment.
Après la Révolution française, puis à l'arrivée des Républicains au pouvoir (après 1879), la justice a
fini par se débarrasser des derniers signes de l'influence religieuse. Par exemple, la circulaire Vallé du
1er avril 1904 demande de faire disparaître des prétoires, tous les signes religieux ostentatoires. Un
peu plus tard, en application de la loi du 9 décembre 1905 (séparation des Églises et de l’État), on
enlève ou on dissimule les œuvres religieuses et les crucifix des Palais de justice (
Jean-Pierre RoyerJean-Pierre Royer). Ce début du XXe siècle correspond à la période à laquelle les juges
commencent à se tourner vers la science pour étayer leurs convictions. Le phénomène va prendre
une ampleur sans précédent à partir de la fin du XXe siècle. C'est la raison pour laquelle il en sera
question pour clore cette partie sur la preuve judiciaire.

2.1. L'ordalie
2.1.1. Définitions
Définition : Définitions
«  L'ordalie est une épreuve physique imposée soit à l'une des parties au procès, soit aux deux
parties, dont l'issue, censée être imposée par la Divinité, désignera au juge le coupable ou l'innocent
s'il s'agit d'un procès pénal, ou, s'il s'agit d'un procès civil, la partie titulaire d'un droit  » (
LainguiAndré Laingui). On note que l'ordalie est plutôt utilisée en matière criminelle.
De son côté, Henri Lévy-Bruhl définit l'ordalie en ces termes  : «  en présence d'une difficulté qui
émeut le groupe social, notamment lorsque deux ou plusieurs membres de ce groupe se trouvent en
conflit, une procédure est organisée, dont le but est de permettre aux forces supérieures d'intervenir
et de faire connaître leur avis souverain. [...] La solution est fournie par des puissances dont l'autorité
n'est contestée par personne » (p. 42-43Henri Lévy-Bruhl). Il continue en considérant l'ordalie comme une
«  épreuve à laquelle on soumet un individu que l'on soupçonne de quelque méfait, et qui est
aménagée de telle sorte que l'intervention supposée de la puissance sacrée produise automatiquement
la solution du litige  » (p. 43Henri Lévy-Bruhl). Enfin, il ajoute que «  le mécanisme de cette procédure
consiste en ceci : l'individu au sujet duquel se pose une question – le plus souvent il s'agira de savoir
s'il est coupable ou innocent – est placé, peut-on dire, dans un état d'équilibre imparfait. Il est
soumis à une épreuve qui, en apparence, n'a aucun rapport avec le problème qu'il s'agit de résoudre,
et dont l'issue entraînera cependant sa solution d'une manière absolue et indiscutable. L'innocence ou
la culpabilité sera dès lors établie »(p. 59-60Henri Lévy-Bruhl).
Le terme "ordalie" (vieil anglais ordal) est apparenté à l'allemand Urteil, jugement ; il remonte au
latin médiéval ordalium. Mais le plus souvent les textes anciens emploient des périphrases pour
désigner l'épreuve, comme « aller au chaudron », « aller au fleuve », « la vérité de Dieu », « la vérité
du chaudron »...

2.1.2. Dans quel type de société a-t-on recours à l'ordalie ?


On observe le recours à l'ordalie dans des sociétés où le surnaturel est omniprésent, où le
mysticisme a une grande importance. « Le mysticisme désignera ici la croyance au surnaturel, la
conviction que le monde est régi par un ou plusieurs êtres sacrés, supérieurs à l'humanité » (
Lévy-Bruhl, p. 57Henri Lévy-Bruhl). Du coup, on se situe dans un contexte dans lequel le hasard
n'existe pas, puisque tout est le fait du surnaturel. Cette situation apparaît pour le moins
étrange, voire choquante à des esprits rationnels modernes. Vu de l'extérieur en effet, le résultat
de l'ordalie semble tenir davantage du hasard que de la vérité.
Pourtant dans ces sociétés imprégnées de surnaturel, on admet que le divin se manifeste
fréquemment, y compris sur des questions de culpabilité ou d'innocence. Il arrive par exemple
que l'échec d'une exécution capitale soit considéré comme la preuve divine de l'innocence du
condamné à mort. Par exemple :

18
La preuve judiciaire

- dans la Grèce antique, le condamné qui est précipité dans le vide en réchappe ;
- au Moyen Âge, la corde du pendu qui cède sous son poids.
Dans ce contexte, il paraît naturel de solliciter une divinité sur la question de la culpabilité ou
de l'innocence d'un accusé afin de mettre un terme à une situation bloquée faute de ce que nous
appelons aujourd'hui des preuves rationnelles.

2.1.3. Quels sont les différents types d'ordalies ?


Sans aller jusqu'à dresser une liste exhaustive, on peut citer un certain nombre d'épreuves, de
l'Antiquité à nos jours, puisqu'un grand nombre de sociétés semble avoir connu l'ordalie à un
moment ou à un autre de leur développement :

a) Dans l'antiquité :
Ordalie du fleuve en Mésopotamie ;
Poison (« eaux amères ») chez les Hébreux.
La précipitation du haut d'un rocher. On en trouve seulement des traces dans les légendes
grecques et romaines avec le saut de Leucade (Grèce) et la roche Tarpéienne (Rome). Si la
précipitation est une peine à l'époque historique, c'est à l'origine une ordalie.

b) Au Moyen Âge :
Ordalie de l'eau où l'accusé est plongé dans une eau profonde ;
Ordalie de l'eau bouillante, où le suspect plonge la main dans un récipient d'eau
bouillante pour y retirer un objet ;
Ordalie du fer rouge saisi à main nue ;
Ordalie de la Croix ;
Ordalie du « pain et du fromage » (risque d'étouffement) ;
Ordalie du cadavre ;
Duel judiciaire.

19
La preuve judiciaire

La justice de l'empereur Otton III (980–1002) : L'épreuve du feu (par Dirk Bouts, vers
1471-1473, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles).

c) En Afrique aujourd'hui :
L'ordalie la plus fréquente est l'épreuve du poison  ; ce n'est pas une mise à mort car on

20
La preuve judiciaire

administre seulement une certaine dose.


L'ordalie de l'huile bouillante (voir les extraits du film de Raymond Verdier).

2.1.4. Comment fonctionne l'ordalie ?


a) Les cas
L'ordalie revêt un caractère exceptionnel. Il ne faudrait pas croire que la divinité soit
constamment sollicitée, alors que les hommes peuvent trouver ailleurs la solution judiciaire. On
a en effet recours à l'ordalie lorsque les modes de preuve «  rationnels  » n'ont pas donné de
résultat, c'est-à-dire lorsqu'aucun aveu n'a été obtenu, lorsque le témoignage ou l'écrit ont fait
défaut. On peut lire par exemple dans un texte juridique du Moyen Âge, que  « la ‘vérité de
Dieu' (l'ordalie) est nécessaire lorsque la ‘vérité de l'homme' (les preuves rationnelles) n'a pas
été obtenue » (Archan, p. 272Christophe Archan). Devant le blocage du processus judiciaire, on ne
peut que demander aux forces surnaturelles de donner la solution par le mécanisme de l'ordalie.

b) Qui passe l'épreuve ?


C'est le défendeurDéfendeur- p.27 § qui passe l'épreuve. Mais, d'après Lévy Bruhl, celui qui a été
*

accusé est «  déjà plus que suspect  » car désigné comme coupable par la rumeur publique et
souvent par le porte-parole des puissances surnaturelles  : le sorcier. Il est donc «  présumé
coupable ». C'est donc à lui d'opérer le renversement qui conduira les puissances surnaturelles à
l'innocenter. L'accusé a donc la charge de se disculper. En l'absence d'accusé le groupe peut se
tourner vers des procédés de divination, qui conduiront à trouver une victime « expiatoire » (
p. 39 & p. 77Henri Lévy-Bruhl).

c) Comment le résultat est-il interprété ?


L'interprétation du comportement de celui qui passe l'épreuve varie d'une société à une autre et
s'appuie vraisemblablement sur la coutume. Elle se fait en public, souvent en plein air, dans un
cadre dans lequel l'opinion publique peut se faire sentir. C'est au juge (ou au sorcier selon les
sociétés) d'intervenir à ce moment crucial de la procédure. Il est alors le véritable « maître du
jeu » et « l'interprète du groupe social » (Lévy-Bruhl, p. 62Henri Lévy-Bruhl).
C'est d'ailleurs lui qui a auparavant choisi le type d'épreuve (lorsqu'il en existe plusieurs) et qui
organisera son déroulement. D'après Jean-Marie Carbasse, «  il paraît évident que les jugeurs
choisissaient les modalités de l'épreuve et en interprétaient les résultats en fonction de leur
intime conviction préalable : quoi de plus simple (en temps normal !) si l'on veut disculper un
accusé que l'on pressent innocent, que de le soumettre au ‘jugement' de l'eau froide [plutôt qu'à
celui du fer rouge] » (p. 96Jean-Marie Carbasse). De la même manière, le juge qui ordonne une ordalie
du poison pourra jouer sur la toxicité du breuvage selon sa conviction (
Lévy-Bruhl, p. 63Henri Lévy-Bruhl).
Lors du rituel, immédiatement avant l'épreuve, la crainte de la sanction divine peut amener le
patient qui se sait coupable à avouer de manière à éviter la sanction du dieu. L'élément
psychologique est donc loin d'être négligeable dans ce type d'épreuve.

d) Quelle est la force de l'ordalie ?


Même si l'ordalie est peu fréquente, la facilité avec laquelle l'accusé se plie à l'épreuve peut
surprendre. Si celui qui se sait coupable est démasqué aux yeux de tous, la situation est moins
simple pour celui qui se considère innocent. On peut penser que sa foi le pousse à aborder
l'épreuve avec confiance. Et ce que l'on peut constater (notamment au regard de l'ordalie
contemporaine), c'est que si l'épreuve lui est défavorable il acceptera bon gré mal gré la
sentence. D'après Henri Lévy-Bruhl, le résultat de l'ordalie a ébranlé et détruit chez lui jusqu'à
la croyance en son innocence. La force de l'ordalie le conduit à considérer qu'il a pu commettre
l'infraction sans s'en rendre compte ou en ayant perdu son souvenir... Pour l'intéressé la preuve
est donc une preuve parfaite, qui n'est perçue ainsi – nous l'avons vu – que dans les sociétés où
« une foi aveugle est unanimement répandue » (p. 45 & p. 77Henri Lévy-Bruhl).

21
La preuve judiciaire

2.1.5. L'ordalie aujourd'hui.


Justice de la Nature et des Puissances Surnaturelles chez les Kabiè du Togo. Exemple d'une
ordalie filmée par Raymond Verdier (Directeur de recherche honoraire au CNRS) et Andreas
Helmis (Université nationale d'Athènes) en 2003 au Togo.
Introduction : Deux personnes s'opposent dans une affaire de sorcellerie, pour laquelle le juge
de droit commun ne s'estime pas compétent en matière de preuve. Les deux parties sont donc
envoyées dans la montagne des ancêtres (lieu sacré, donc en contact avec les forces
surnaturelles) pour passer l'épreuve de vérité. En ville, le juge attend le résultat de l'épreuve
pour rendre sa décision. Une fois sur place les parties exposent les faits : une jeune femme est
supposée avoir été ensorcelée par son oncle. Celui-ci nie les faits et s'oppose au devin qui
l'accuse.
Les deux parties sont donc : l'oncle de la jeune malade (l'accusé) et un devin (l'accusateur). Ils
vont tous deux passer l'épreuve du feu (ordalie bilatérale).
Toutes les étapes du rituel ont lieu en public.
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Premier temps du rituel. Dans le cercle de pierre, l'accusé donne sa version des faits et nie
l'accusation qui pèse sur lui. L'accusateur le contredit en donnant sa version.
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Deuxième temps du rituel. Devant la case des grands ancêtres, on sort les ustensiles qui
vont servir à l'épreuve. Les deux parties répètent leurs versions des faits. Le grand ancêtre est
invoqué pour que la vérité soit révélée.
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Troisième temps du rituel. On prépare l'huile bouillante. La divinité est invoquée. L'anneau
est plongé dans l'huile bouillante. L'accusé puis l'accusateur passent l'épreuve.
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Quatrième temps du rituel et épilogue. L'accusé perd l'épreuve. Les partie retournent dans
la plaine où l'on enregistre officiellement le résultat de l'ordalie ainsi que les aveux de l'accusé.
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2.2. Le serment
Le serment est une « affirmation ou promesse solennelle faite en invoquant un être ou un objet
sacré, une valeur morale reconnue, comme gage de sa bonne foi  » (Robert). Celui qui prête
serment est appelé le « jureur » (il jure de la justesse de son affirmation). Pendant longtemps, la
promesse ou l'affirmation du jureur a été assortie d'une formule (formule de malédiction)
prévoyant des sanctions au cas où il n'aurait pas dit la vérité. C'est la raison pour laquelle on a
pu considérer que le serment était alors «  une auto-malédiction conditionnelle, exposant le
jureur aux pires malheurs s'il manque à sa parole » ( Lévy-Bruhl, p. 43 & p. 85Henri Lévy-Bruhl). Par
exemple : « Je jure que telle chose s'est produite. Si je mens j'encourrai tel ou tel châtiment ».
Mais l'efficacité de cette auto-malédiction est conditionnée par un contexte particulièrement
favorable au surnaturel  : celui des sociétés dans lesquelles on croit à des forces supérieures
auxquelles on confie le soin de juger. Celui qui prête serment invoque directement les puissances
surnaturelles. Chez les chrétiens il peut s'agir de Dieu ou des saints. Dans d'autres sociétés on
peut invoquer le soleil ; mais l'élément sacré peut être localisé dans certains endroits ou dans
certains objets (terre, eau, feu, ciel, animaux sacrifiés...).
Ce mécanisme ne fonctionne donc que s'il repose sur un système de croyance universellement
répandu, étroitement lié au sacré. Le sacré est d'ailleurs souvent matérialisé lors du serment, par
un objet avec lequel le jureur prend contact, par exemple un livre sacré (Bible, Coran) ou des
reliques (fragment du corps d'un saint dont le culte a été autorisé par l’Église). D'après
Lévy-Bruhl, «  l'essentiel est qu'une communication soit établie entre le jureur et le divin
(contact direct avec une chose). On a appelé « serment corporel » le serment prêté en touchant
les Évangiles ou les reliques d'un saint (les vies de saints montrent les effets mortels du

22
La preuve judiciaire

parjure)" (p. 88Henri Lévy-Bruhl).


On appelle le serment qui sert de preuve un serment « assertoire ». Il affirme solennellement
une manière de voir sur un point litigieux. Mais qui est amené à prêter ce genre de serment ?
Le serment peut être imposé à l'accusé. Ou bien l'accusé prend l'initiative de prêter
serment. Le refus de prêter serment peut être considéré comme un aveu (droit romain) ;
Le serment peut être imposé au demandeur ou à l'accusateur ;
Le serment peut être prêté par les témoins ;
Il est aussi pratiqué par les cojureurs. Les cojureurs ne sont pas des témoins des faits en
rapport avec l'affaire pour laquelle ils ont été sollicités. La force de leur déposition émane
du serment qu'ils prêtent avec l'accusé.
Le serment est prêté par les jurés dans certains systèmes juridiques.

Illustration du XVe siècle montrant les 12 jurés d'une Cour royale anglaise (Banc du roi à
Westminster) prêtant serment sur la Bible (sur la gauche de l'image)
Dans bien des cas il arrive que deux serments s'opposent, ce qui ne facilite pas la tâche du juge.
Au Moyen Age, ce blocage est alors réglé par le recours à l'ordalie.
Le serment n'est pas un acte anodin. C'est un acte solennel. Il consiste à prononcer une formule
rituelle qui n'est pas élaborée par le jureur lui même, mais qui a été établie par la coutume.
C'est ce qui donne à la formule toute sa force et qui ne permet pas de s'en écarter. Si la formule
est courte, elle peut être apprise par cœur, mais si elle est longue elle sera soufflée au jureur.
Aujourd'hui, le président des États-Unis prête serment sur la Bible lors de son investiture. Il
répète une formule après un personnage officiel. Mais attention, nous ne sommes pas ici dans le
cadre judiciaire. La scène peut cependant donner une idée de ce type de "récitation". Voir la

23
La preuve judiciaire

vidéo ci-dessous.
https://webtv.parisnanterre.fr/permalink/v125613b4886cmwptt7c/
Quels sont les effets du serment  ? Le serment a une réelle force en raison du caractère
sacré qui le caractérise. Mais le juge est le seul qualifié pour rendre une sentence à l'issue des
serments. En cas de parjure, il faut s'attendre à ce que les différents malheurs énumérés dans les
formules de serment se produisent. Cependant, on constate qu'en général ils ne se produisent
pas sur le champ. C'est ainsi qu'un malheur de la vie, même tardif pourra être attribué par son
auteur (qui se sait coupable) ou par les tiers, à un parjure. Dans une société très empreinte de
surnaturel, l'innocent pourra voir dans ses malheurs, la marque d'une culpabilité à son insu (la
même chose peut se produire pour l'ordalie).

Serment d'Harold sur les reliques (XIe siècle)


Lorsque la société s'éloigne du sacré, le serment perd de sa force. C'est le cas en Occident où le
serment va cependant persister. Déjà au début du Ve siècle avant notre ère, les arguments de
fait et de droit s'imposent en Grèce. A Rome le procès devient rationnel au niveau de la preuve.
Si le serment demeure, il n'est pas au premier plan (subsidiaire). Au Moyen Âge le serment
connaît une vigueur particulière, mais il décline à nouveau aux temps modernes.
Aujourd'hui, le serment a toujours sa place en droit civil français. Le Code civil (art. 1357)
distingue le serment qui permet de faire la preuve au profit d'une partie à la demande de l'autre
(serment décisoire), du serment demandé par le juge pour seulement compléter une preuve déjà
existante (serment supplétoire). D'autre part, avant de déposer, l'article 211 du Code de
procédure civile prévoit que « les personnes qui sont entendues en qualité de témoins prêtent
serment de dire la vérité. Le juge leur rappelle qu'elles encourent des peines d'amende et
d'emprisonnement en cas de faux témoignage ». Mais aucune formule spéciale n'est prévue par
le Code, contrairement à ce qui est prévu en procédure pénale.
En matière pénale, les jurés de Cour d'assise doivent prêter serment à l'ouverture du procès.
L'article 304 du Code de procédure pénale prévoit que « le président [de la Cour] adresse aux
jurés, debout et découverts, le discours suivant  : «  Vous jurez et promettez d'examiner avec
l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X..., de ne trahir ni les
intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer
avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la
crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit
lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre
conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un
homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos

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La preuve judiciaire

fonctions. Chacun des jurés appelé individuellement par le président, répond en levant la main :
‘Je le jure' ». C'est une formule qui constitue un tout indivisible dont l'observation est prescrite
à peine de nullité (Cour de Cassation, 27 août 1914). Toujours en matière pénale, le témoin est
appelé à prêter serment, d'après l'article 103 du Code de procédure pénale  : «  les témoins
prêtent serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ».

Pour conclure, on note que le serment prononcé


dans les prétoires américains a conservé son
caractère sacré puisqu’il est toujours prêté sur la
Bible (contrairement au serment prêté en
France). Pour conclure, on note que le serment
prononcé dans les prétoires américains a
conservé son caractère sacré puisqu’il est
toujours prêté sur la Bible (contrairement au
serment prêté en France).

Serment sur la Bible aux Etats-Unis

2.3. La preuve scientifique


Les preuves scientifiques ne constituent pas aujourd'hui une catégorie à part. Pourtant elles
prennent une place de plus en plus importante et bousculent par leur présence les catégories
traditionnelles de l'aveu, du témoignage, de l'écrit et des indices, qui paraissent aujourd'hui
inadaptées, notamment du fait de la force probante inégalée de certains procédés scientifiques.
Le droit a en effet été attiré par la fiabilité de ces procédés qui sont vus comme des gages
d'efficacité et de rapidité. Les enquêteurs et les juges se sont facilement tournés vers ces
procédés synonymes de sécurité juridique et qui renvoient à l'idée de vérité.
Les preuves scientifiques font leur apparition au procès dès la fin du XIX e siècle avec
l'utilisation des empreintes digitales (dactylogramme) et ne cessent de se développer en
s'appuyant sur les nouvelles technologies (ex. géolocalisation par traçabilité des téléphones
mobiles). Grâce au développement de la science, le corps humain va peu à peu être la source
d'une multitude de preuves qui se fondent sur l'analyse du sang, de la peau, du sperme, des
cheveux. Avec la découverte des empreintes génétiques et l'ADN, la science entre véritablement
dans le procès pénal.
Mais la preuve scientifique fait aussi naître des problèmes nouveaux comme celui du fichage
génétique des individus et de sa réglementation. Le Code de procédure pénale aborde la question
du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG). Ce fichier est constitué
par des empreintes génétiques prélevées par la police scientifique sur les lieux des infractions et
sur les victimes  ; ces empreintes génétiques sont ensuite analysées. Mais les prélèvements
peuvent aussi être effectués sur des personnes condamnées pour diverses infractions, même sans
leur consentement, ainsi que des personnes suspectées. Le fichier centralise toutes ces empreintes
mais ne conserve cependant pas celles des personnes suspectées, contre lesquelles il existait
seulement plusieurs raisons plausibles de soupçons de crime ou de délit. Enfin les empreintes
génétiques des simple témoins «  ne peuvent en aucun cas être enregistrées, ni donc a fortiori
conservées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques  » (Conseil
Constitutionnel, 13 mars 2003).
Les preuves scientifiques en général et la preuve par ADN en particulier pèsent donc d'un poids
particulièrement important sur l'intime conviction du juge. Mais «  si la science a vocation à
éclairer le juge, il est aujourd'hui urgent de veiller à ce qu'elle ne l'éblouisse pas  » (
DemarchiJean-Raphaël Demarchi).

3. Bibliographie sommaire
Ambroise-Castérot, Coralie, La procédure pénale, Paris, 2009.
Borricand, Jacques & Simon, Anne-Marie, Droit pénal et procédure pénale, Paris, 2012.

25
La preuve judiciaire

Carbasse, Jean-Marie, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle , Paris, 2006.


Cornu, Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, 2007.
Couchez, Gérard & Lagarde, Xavier, Procédure civile, Paris, 2014.
Demarchi, Jean-Raphaël, Les preuves scientifiques et le procès pénal, Paris, 2012.
La preuve, Recueil de la Société Jean Bodin, vol. xvi, Première partie, L'Antiquité, Bruxelles,
1964.
Lafont, Bertrand, « Le jugement du dieu-Fleuve en Mésopotamie », Initiation à l'Orient ancien.
De Sumer à la Bible, éd. Jean Bottéro, Paris, 1992.
Lagarde, Xavier, « Preuve », in Dictionnaire de la justice, Paris, 2004.
Laingui, André, « Duels et ordalies », in Dictionnaire de la justice, Paris, 2004.
Leborgne, Anne, « Serment », in Dictionnaire de la justice, Paris, 2004.
Lévy, Jean-Philippe & Castaldo, André, Histoire du droit civil, Paris, 2002.
Levy, Jean-Philippe, « Preuve », in Dictionnaire de la culture juridique, Paris, 2003.
Lévy-Bruhl, Henri, La preuve judiciaire, Paris, 1963 (1964).
Malaurie, Philippe & Morvan, Patrick, Introduction au droit, Paris, 2012.
Pugliese, Giovanni, « La preuve dans le procès romain de l'époque classique », La preuve,
Recueil de la Société Jean Bodin, vol. XVI, Première partie, L'Antiquité, Bruxelles, 1964, p.
277-348.
Renou-Zagamé, Marie-France, « Justice divine », in Dictionnaire de la justice, Paris, 2004.
Verdier, Raymond (éd.), Le serment, vol. 1 & 2, Paris, 1991.

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Ressources annexes

Glossaire

476
Date de la déposition du dernier empereur romain d'Occident
Antiquité tardive
Période de l'Antiquité qui débute avec l'empereur Dioclétien (284-305).
Beccaria
Cesare Beccaria (1738-1794) : juriste, philosophe, économiste et homme de lettres italien rattaché
au courant des Lumières.
Charlemagne
Charlemagne : roi des Francs à partir de 768, couronné empereur à Rome le 25 décembre 800.
Cicéron
Philosophe romain, homme d'État (106-43 av. J.C.)
Code
Code de Justinien (529) : recueil de constitutions impériales (leges).
Code Théodosien
Le Code de Théodose ou Code théodosien est une compilation officielle de décisions impériales
(constitutions) promulguée par l'empereur Théodose II (438).
Défendeur
Personne contre laquelle un procès est engagé par le demandeur (demandeur : personne qui prend
l'initiative d'un procès).
Deutéronome
Cinquième livre du Pentateuque (Bible)
Digeste
Digeste : compilation décidée par l'empereur Justinien (530), des consultations des jurisconsultes
de la République ou de l'Empire.
Droit civil
Droit civil  : ensemble des règles de droit privé normalement applicables. Il constitue le droit
commun par rapport aux règles correspondant à des milieux spéciaux et qui se sont constituées en
disciplines propres (droit commercial, droit rural, droit social...).
Droit privé
Ensemble des règles régissant les rapports entre particuliers.
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours ( +594), évêque de Tours, historien de l'Église et des Francs.
Inquisitoire

27
Glossaire

Procédure inquisitoire : c'est une procédure qui apparaît au moment où le pouvoir est capable de
mettre en place des magistrats professionnels, qui ont une rôle central dans la conduite du procès.
La procédure était alors écrite, secrète et non contradictoire. Aujourd'hui on parle de procédure
inquisitoire lorsque le juge exerce un rôle prépondérant dans la conduite du procès et dans la
recherche des preuves (ex. : instruction du procès pénal).
Livre des Nombres
Quatrième Livre du Pentateuque, qui raconte l'histoire des Hébreux à partir du départ du Mont
Sinaï jusqu'au partage de la Terre promise.
Loi des Burgondes
Loi des Burgondes : premier recueil de loi d'un roi germanique en Gaule (début du VIe siècle).
Parties
Personnes engagées dans un procès
Quintilien
Rhéteur et pédagogue du Ier siècle après J.-C.
Strabon
Géographe grec (64 av. JC - v. 20 apr. J.-C.)
Tacite
Historien et sénateur romain (58-120 ap. J.-C.)
Voltaire
Voltaire : écrivain et philosophe français (1694-1778).

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