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La quête de la vérité

dans le procès pénal

Mémoire de fin formation


à l’Institut Supérieur de la Magistrature

R alis pa l’atta h e
de justice :
DOUGHMI Sara

Sous la direction de :
Maître DOUGHMI Mustapha
Président de la chambre criminelle de 1er
degré près la Cour d’appel de Kénitra

2017
Table des matières

Introduction…………………………………………………………………5

Titre 1. Preuve et vérité…………………………………………….9


Chapitre 1. Les confins de la liberté de la preuve…………………….....11
Section 1. Preuve et vérité : une question de légitimité…………...…11
§1. Notion de légitimité………………………………….........12
§2. Liberté et loyauté de la preuve……………………………13
Section 2. Restrictions légales……………………………………….17
§1. Valeur probante des procès-verbaux……………...………17
§2. Limites procédurales…………………………………..….18
Chapitre 2. Des preuves contestables…………………………………….20
Section 1. Les erreurs imputables aux non-professionnels…………..20
§1. L’aveu……………………………………………………..20
§2. Le témoignage…………………………………………….24
Section 2. Les erreurs imputables aux professionnels……………….28
§1. L’expertise……………………………………………..….28
§2. L’instruction………………………………………………31

Titre 2. Parades contre les erreurs judiciaires……………….......32


Chapitre 1. Les voies de recours………………………………………….33
Section 1. Les voies de recours contre les décisions non définitives..33
§1. Les voies de recours ordinaires : L’appel et l’opposition...34
§2. Une voie de recours extraordinaire : Le pourvoi en
cassation........................………………………………………35
Section 2. Le recours contre les décisions définitives : La révision…36

2
§1. Décisions susceptibles du recours en révision…………………..38
§2. Cas d’ouverture de la demande en révision……………………..38
Chapitre 2. Des réformes nécessaires…………………………………....41
Section 1. Réformes procédurales…………………………………...41
§1. La garde à vue…………………………………………….41
§2. L’instruction………………………………………………42
Section 2. Réformes didactiques…………………………………….44
§1. Formation des magistrats………………………………....44
§2. Formation des enquêteurs………………………………...46

Conclusion………………………………………………………………...48
Références bibliographiques………………………………………….….39

3
« La vérité est en marche
et rien ne l'arrêtera.
Qui souffre pour la vérité et la justice
devient auguste et sacré…
…il n'est de justice que dans la vérité
Il n'est de bonheur que dans la justice1. »

1
Mots d’E ile Zola ep is da s u e st le à sa mémoire érigée en 1985 à la place Alfred Dreyfus à Paris.
4
Introduction
Thémis, allégorie de la justice dans la mythologie grecque, est représentée
avec un bandeau lui couvrant les yeux. La justice doit ainsi être rendue
objectivement et impartialement. Elle ne doit pas se fier aux apparences,
souvent chimériques, mais devrait tendre à déceler « la vérité » au-delà des
simulacres.
Paradoxalement, une justice répondant à son concept, celui d’appliquer de
façon impartiale les lois et dans le souci de parvenir à la manifestation de la
vérité est forcément faillible même si elle tente de tout mettre en œuvre pour
minimiser le risque de l’erreur judiciaire. La vérité ne descendrait
miraculeusement pas du ciel pour venir s’incarner dans la parole du juge :
c’est bien un processus humain au terme duquel une vérité toute terrestre est
produite et au cours duquel chaque étape est susceptible de receler un risque
d’erreur2.

Distinguer ce qui est « vraisemblable » de ce qui ne l’est pas et rendre un


jugement équitable est le dessein de la justice, notamment en matière pénale
qui est l’objet de notre contribution.

Mais si on s’attarde sur cette recherche de vérité dans le procès pénal compte
tenu des normes procédurales et de la valeur des preuves, cette quête semble
épineuse. D’une part les preuves doivent d’abord être recevables, et d’autre
part la notion même de vérité est relative, ce qui devrait inciter le juge à
s’immerger dans les abysses de sa conviction pour considérer les faits et se
décider.

2
Billier Jean-Cassien, La manifestation de la vérité en question : pour une éthique de la vérité judiciaire,
article consulté sur raison-publique.Fr
5
En effet, la vérité judiciaire, celle qui est proclamée par la décision de
justice, celle qui constitue l’objectif du mécanisme probatoire, ne peut être
que relative. La preuve ne peut être objective et universelle que dans les
sciences purement formelles comme les mathématiques. Ce constat est
accentué en matière pénale puisque cette vérité repose sur l’intime
conviction du juge, ce qui éloigne par essence toute vérité absolue ou
objective3.

A vrai dire, l’énonciation même de la vérité se fait à des titres différents, au


point que dès que l’on y réfléchit un peu on y distingue de différentes
nuances. Lorsque le témoin s’engage à dire la vérité, cela signifie en gros
qu’il s’engage à ne pas mentir, à rapporter les faits tels qu’il les a perçus.
Lorsque le juge dit la vérité, il n’énonce certes pas seulement des faits, dont
on espère bien qu’ils sont vrais au sens très commun qu’ils ont bien eu lieu,
mais des faits en tant qu’ils sont qualifiés par le droit, et il est censé prendre
une décision qui dit la vérité du droit sur le cas. L’exigence de vérité, pour le
juge, ne se borne d’ailleurs pas à l’interdiction de l’arbitraire : la sécurité
juridique comprend également une conformité à l’attente légitime du public
d’être traité selon des normes acceptées comme justes4.

Même si « nous voulons que la vérité soit au singulier », selon l’expression


de Paul Ricœur, « l’esprit de vérité est de respecter la complexité des ordres
de vérité ; c’est l’aveu du pluriel »5. Dès lors, sous le couvert d’une
définition unique, simple et traditionnelle, comme « l’adéquation entre la
pensée et l’objet de la pensée » ou l’« accord de notre discours avec la
réalité » , se dissimulent en fait la pluralité et la complexité inhérentes à une

3
Bolze Pierre, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, thèse de doctorat en droit, université de
Lorraine, 2010.
4
Billier Jean-Cassien, vérité et vérité judiciaire, article publié le 03/10/2005 consulté sur raison-
publique.Fr.
5
Paul RICŒUR, Histoire et vérité, Paris : Seuil, 1955, p. 156 et 175.
6
telle adéquation ou à un tel accord qui n’a pas le même sens, selon les
domaines abordés, lorsqu’on parle de vérité scientifique, de vérité
philosophique, de vérité éthique, de vérité esthétique, voire de vérité
romanesque ou, enfin, de vérité judiciaire6.

En fait, de façon plus simple, nous appréhenderons ici la vérité en tant que
mise en pratique des normes et leur application à ce qu’il est convenu de
nommer la réalité des faits.

Nous analyserons ce cheminement qui conduira à faire apparaître la


culpabilité ou l’innocence d’une personne soupçonnée d’avoir commis une
infraction pénale.
Tout le problème est que cette démarche est extraordinairement complexe
dans la mesure où le processus pénal doit assurer un équilibre « entre deux
intérêts également puissants, également sacrés, qui veulent à la fois être
protégés, l'intérêt général de la société qui veut la juste et prompte répression
des délits, l'intérêt des accusés qui est lui aussi un intérêt social et qui exige
une complète garantie des droits de la collectivité et de la défense »7.

L’intérêt de notre sujet réside dans l’importance de parvenir à déceler la


vérité en tenant compte de cet équilibre délicat, une vérité qui constitue la
raison d’être de tout procès.

Comment parvenir alors à ce précieux sésame qu’est la vérité ? Comment


peut-on appréhender sa notion judiciairement ? Quelle place occupe-t-elle
au niveau de la finalité du procès ?

6
Van de Kerchove Michel, « Vérité judiciaire et para-judiciaire en matière pénale : quelle vérité ? », Droit
et société, 2013 (n° 84), p. 411-432.
7
F. H lie, T ait de l’i st u tio i i elle ou th o ie du Code d’i st u tio i i elle, t. ; Pa is, Plo ,
2ème édition, 1866, p. 4
7
Pour y répondre et cerner à bien notre sujet, nous allons dans un premier
temps établir une typologie générale des causes qui pourraient enchevêtrer
notre quête de vérité à l’aune du système probatoire et de ses limites (Titre1),
puis dans un second temps il conviendrait de voir comment l’erreur
judiciaire est combattue à posteriori et comment elle aurait pu être évitée
(Titre 2).

8
Titre 1. Preuve et vérité
Le processus probatoire se trouve au cœur de la procédure pénale et du débat
sur la culpabilité8.

Ce sont bien les règles d’établissement de la preuve qui vont influer sur la
conviction de l’homme et faire peser un soupçon, une accusation, une
condamnation sur une personne ou bien alors faire reconnaître son
innocence9.

La preuve est définie comme étant « ce qui montre la vérité d’une


proposition, la réalité d’un fait»10.
La vérité judiciaire est encore particulière en cela qu’elle en conditionne une
autre : la vérité du fait détermine la vérité du droit. En effet, la détermination
de la bonne règle applicable ou de sa signification réelle n’a de sens et ne
permet de rendre justice que lorsque les faits sont prouvés. Sans preuve, le
droit est comme désarmé, il ne peut être mis en œuvre par le juge11.

Ce lien de consubstantialité entre preuve et vérité doit cependant être


relativisé car la vérité n’est pas la seule finalité du procès. Le cadre du procès
explique non seulement que la vérité soit relative mais aussi qu’elle soit
découverte dans le respect d’une certaine procédure.

Devant opérer un équilibre entre la recherche de la vérité et la protection des


droits et libertés, le législateur aménage l’arsenal probatoire afin de concilier
cette finalité avec ces derniers.

8
M.-L. Rassat, Procédure pénale ; Paris, Ellipses, coll. « Manuel Droit », 2010, p. 233 s.
9
Bolze Pierre, opcit.
10
Littré, V° Preuve
11
Cesaro J-F, v it et e oue e t, appo t a uel su l’ tude de la p euve, Cou de assatio .F
9
Ainsi convient-il de se demander sur le terrain probatoire, comment la
matière pénale parvient-elle à concilier cet impératif de recherche de liberté
avec la nécessaire préservation des droits et libertés des justiciables à l’aune
du principe de la liberté de la preuve ?
La matière pénale a dû s’adapter à l’évolution de la criminalité par la
diversification des modes de preuve qui sont la clé de la quête de la vérité,
mais ils connaissent néanmoins des failles qui pourraient entraver cette
dernière (Chapitre 2). Elle a toutefois veillé à ce que les preuves répondent à
un régime juridique commun afin d’être encadrées (Chapitre 1).

10
Chapitre 1. Les confins de la liberté de la preuve

L’article 286 du Code de procédure pénale consacre les principes de la


liberté de la preuve et de l’intime conviction du juge

La liberté de la preuve permet ainsi aux parties de produire librement des


preuves au soutien de leurs prétentions, le juge, par la suite, est libre dans
leur appréciation afin de fonder son intime conviction à condition que sa
décision soit motivée.

Mais la recherche de la vérité doit se concilier avec d’autres valeurs telles


que la dignité, l’intimité de la vie privée et différents autres secrets (secret
médical, secret bancaire, secret défense, secret d’affaires…)12.

En effet, dans un Etat de droit, la recherche et le recueil des éléments de


preuve doivent se faire dans le respect de la loi et des droits fondamentaux
de chaque individu. Si la preuve est libre, cette liberté est nuancée par des
exigences de légitimité (Section 1) et limitée par des restrictions légales
(Section 2).

Section 1. Preuve et vérité : une question de légitimité

La dialectique entre preuve et vérité peut être abordée sous l’angle de la


légitimité. La légitimité du procès conditionne la légitimité des rapports
entre preuve et vérité et participe à ce mouvement de rationalisation de la
preuve13.

12
Mekki Mustapha, Preuve et vérité, article consulté sur gautrais.com
13
H. Lévy-Bruhl, La preuve judiciaire. Etude de sociologie juridique, Librairie Marcel Rivière et Cie, Paris,
1964, p. 56 et p. 110 et s
11
§1. Notion de légitimité

Il existe principalement deux formes de légitimité, complémentaires, deux


moyens de rendre la solution acceptable : la légitimité est à la fois
substantielle et procédurale. La légitimité substantielle renvoie à la vérité
comme finalité, comme objet de la preuve. Il s’agit de comprendre comment
le juge découvre la vérité substantielle qui constituera la matière de son
jugement. La récolte et le choix des éléments probatoires ne sont pas
arbitraires et reposent sur une certaine logique qui légitime la décision du
juge. Un lien s’établit ici entre la preuve et la décision de justice ayant
autorité de chose jugée, cette dernière n’étant rien d’autre qu’une
présomption de vérité. La légitimité substantielle suppose alors de
s’intéresser à la manière dont le juge utilise les éléments probatoires pour
construire cette vérité judiciaire. La légitimité procédurale, complémentaire
de la première, désigne un ensemble de principes procéduraux et de règles
procédurales. La vérité ne peut être légitime qu’à la condition d’avoir été
établie par des éléments de preuve obtenus et débattus dans le respect d’une
certaine procédure. A la différence de la légitimité substantielle, considérant
la vérité comme une finalité, la légitimité procédurale invite à aborder la
vérité comme le résultat d’un débat, d’une discussion. C’est dans le respect
d’une éthique de la discussion que les parties et le juge parviendront à
dégager une vérité légitime14.

Ce principe est consacré par l’article 287 du code de procédure pénale qui
dispose que « la juridiction ne peut fonder sa décision que sur des preuves
versées aux débats et discutées oralement et contradictoirement devant elle ».

14
Mekki Mustapha, Op. cit.
12
Dans ce sens, la Cour de Cassation a consacré ce principe en cassant un arrêt
qui a condamné un accusé en se basant sur des témoignages recueillis en
première instance- jugement qui a relaxé le prévenu- sans convoquer à
nouveau les témoins afin d’entendre leur témoignages oralement et les
discuter contradictoirement devant elle15.

Notons également que, dès lors que la recherche de la vérité reste l’objectif
majeur du procès pénal, les questions liées à l’origine et à la valeur de la
preuve sont d’autant plus importantes compte tenu de l’évolution de la
criminalité.

Comment garantir, dans ces conditions, une exigence de loyauté dans la


production des preuves qui soit compatible, non seulement avec le principe
de liberté des preuves posé, notamment, par l’article 286 du Code de
procédure pénale, mais aussi avec l’assurance d’une procédure pénale
équitable et impartiale tout en restant efficace ?

§2. Liberté et loyauté de la preuve

Si « l’intérêt supérieur de la société, mais aussi l’intérêt du présumé innocent


convergent pour que, devant la vérité, tout obstacle juridique tenant aux
modes de preuve soit aplani »16, n’y-a-t ‘il pas "quelque contradiction à
sanctionner la transgression de la loi sur la base de preuves elles-mêmes
obtenues illégalement »17?

La loyauté signifie, à l’égard des justiciables, faire preuve de probité et


d’honneur18. Cette loyauté s’adresse au juge et aux parties.

15
Ccass 17/03/2004, 9530, 11324/98 Bafkir Mohammed, études judiciaires, tome 6
16
Ph. Conte, P. Maistre du Chambon, "Procédure pénale", A. Colin, 4° éd., 2002, p. 32.
17
E. Moli a "R fle io iti ue su l’ volutio pa ado ale de la li e t de la p euve des i f a tio s e d oit
français contemporain" : Rev. sc. crim., 2002, p. 263.
18
L. Raison-Rebufat, Le principe de loyauté en droit de la preuve, Gaz. Pal. 2002, p. 1195 et s.
13
A vrai dire, le principe de loyauté de la preuve est dénué de consécration
textuelle explicite. La jurisprudence est ainsi venue pallier cette carence en
consacrant très tôt des principes généraux dans la recherche des preuves. De
manière générale, il est interdit à celui qui administre la preuve l’utilisation de
procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes, ce qui serait appliqué sans
équivoque quand il s’agirait d’enquêteurs ou de juges19, mais ceci dit, le droit
à la preuve afférent aux parties leur donne la possibilité d’avancer toutes les
preuves qu’elles ont pu recueillir à condition qu’elles soient discutées
contradictoirement.

En droit comparé, la Cour européenne ne paraît pas avoir condamné, de


manière générale, le recours à des preuves déloyales voire illégales.

En effet, dans l’arrêt "Schenk c/ Suisse" du 12 juillet 1988, elle a admis qu’une
preuve illégale pouvait être produite et utilisée en justice dès lors qu’elle avait
pu être discutée dans le cadre d’un procès équitable20.

Un arrêt de la chambre criminelle du 27 janvier 201021 retient également


qu’« aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter des
moyens de preuve remis par un particulier aux services d’enquête, au seul motif
qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale et qu’il leur appartient
seulement, en application de l’article 427 du code de procédure pénale, d’en
apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à la discussion
contradictoire ».

19
A tit e d’e e ple, l’a ti le du ode de p o du e p ale dispose ue « les actes annulés sont retirés
du dossie d’i fo atio et lass s au g effe de la Cou d’appel. Il est i te dit d’ puise des ha ges o t e
les parties aux débats, à peine de sanctions disciplinaires pour les magistrats et avocats.

20
Lemoine Pascal, la loyauté de la preuve, 2004, sur Courdecassation.Fr
21
Pouvoir n° 09-83395, www.legifrance.gouv.fr
14
Bien avant, par un arrêt du 23 juin 199922, la chambre criminelle française
avait admis que bien qu’obtenu de manière illicite, un enregistrement vidéo
réalisé par une caméra de surveillance placée dans les parties communes d’un
immeuble collectif pouvait valablement constituer un élément permettant de
rapporter la preuve de dégradations et d’en identifier les auteurs ou qu’un film
réalisé à l’aide d’une caméra installée dans une officine pharmaceutique
pouvait servir de preuve pour établir des vols de numéraire commis par des
employés23.

D’autres arrêts de la Cour de Cassation française corroborent ce qui a été


dit :
« Le plaignant peut produire à l’appui de sa plainte des enregistrements qu’il
a établis lui-même »24.
« Une partie peut produire des moyens de preuve obtenus de façon illicite ou
déloyale et il appartient au juge d’en apprécier la valeur probante en
respectant le principe du contradictoire »25.

En matière d’écoute téléphoniques, des arrêts de la cour de cassation


française ont édicté quelques principes allant dans le sens des droits de la
défense.

C’est ainsi que la chambre criminelle française dans son arrêt du 12 juin
1952 avance que « porte atteinte aux droits de la défense l’officier de police
judiciaire commis rogatoirement qui provoque et intercepte une

22
Pourvoi n° 98-84.701 ; cf. également Cass. crim. 6 avr. 1994 (bull. crim., n° 136). La loyauté de la preuve
(à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle) (par M. Pascal Lemoine, conseiller
référendaire à la Cour de cassation). Courdecassation.Fr
23
Cass Fr. crim., 6 avr. 1994 : bull., n° 136. Ibid.
24
Crim. 23 juillet 1992, Les grands arrêts de la procédure pénale, Pradel, Varinard, 7 ème édition, Dalloz, p
206.
25
Crim. 11 juin 2002, Ibid, p 208.
15
communication téléphonique entre un témoin et un suspect (ultérieurement
inculpé) pour inciter ce dernier à faire des aveux26.

Dans un autre arrêt, elle affirme que l’interception de communications


téléphoniques à la demande d’un juge d’instruction est licite, sauf en cas de
mise en œuvre d’un stratagème ou en cas d’atteinte aux droits de la
défense27.

En matière de jurisprudence Marocaine, la Cour de Cassation dans son arrêt


datant du 27/06/200728 a disposé qu’une conversation téléphonique ne
constitue pas une preuve de l’acte délictuel. Seule une enquête en vue de
s’assurer de la crédibilité, de l’exactitude des faits, et de leur certitude
matérielle peut constituer une preuve.

Dans un autre arrêt datant du 04/02/200929, elle a admis la prise en compte


des écoutes téléphoniques effectuées par une autorité étrangère spécialisée
ainsi que les procès- verbaux d’écoutes relatifs à ces opérations des lors que
le but de cette procédure est d’éviter la disparition des éléments de preuves
opposables à l’auteur ou le prévenu, les juges répressifs ayant tous pouvoirs
pour évaluer les éléments de preuves qui leur sont soumis. Ceci a été motivé
par le fait qu’il n’existe aucune disposition légale interdisant à la justice
marocaine de prendre en compte ces écoutes.

Tout compte fait, la motivation des arrêts repose sur le syllogisme suivant :
aucun texte ne prohibant la production de preuves déloyales ou illicites, dès
lors que ces dernières sont soumises à la discussion contradictoire des parties,

26
Ibid, p 195 .
27
Crim. 9/10/1980, ibid. p 197.
28
Chambre pénale. N° 719/1. Jurisprudence.ma
29
Chambre pénale. N° 319/7. Jurisprudence.ma
16
il appartient au juge d’apprécier leur pertinence et leur valeur probante, même
si leur origine est contestée.

Il peut paraître surprenant, de prime abord, qu’une preuve déloyale puisse se


trouver ainsi "blanchie" par les seules vertus du débat contradictoire devant le
juge, mais ceci hisse la valeur de la vérité au détriment des autres valeurs.

En somme, "le procès pénal met en jeu l’ordre public et la sécurité de la


collectivité ; l’intérêt supérieur de la manifestation de la vérité justifie la
recevabilité de tout moyen de preuve"30.

Section 2. Restrictions légales

Dans certains cas édictés par la loi, la liberté de la preuve et par extension la
recherche de la vérité, se trouvent conditionnées et restreintes.

Ainsi en est-il lorsque le législateur attribue une valeur probante spécifique à


certaines preuves.

§1. Valeur probante des procès-verbaux

Par exemple, en matière contraventionnelle et délictuelle, les procès-verbaux


ou rapports dressés par les officiers de la police judiciaire font foi jusqu’à
preuve du contraire31.

Dans un arrêt datant du 21/09/201132, la Cour de Cassation a affirmé que le


juge doit donner l’occasion à l’accuser de prouver le contraire de ce qui est

30
Lemoine Pascal, la loyauté de la preuve, 2004, étude apparue sur le site de la Cour de Cassation
française.
31
Article 290 code de la procédure pénale.
32
N°901 , dossier 6012/06/10/2011 , Jurisprudence de la Cour de Cassation n 74 , 2012

17
mentionné dans le procès-verbal, et si documents il y a dans ce sens, il doit
en tenir compte et les discuter contradictoirement.

En matière criminelle, le procès-verbal n’est qu’un renseignement33.


Néanmoins, dans son arrêt datant du 07/04/201134, la cour de cassation a
cassé et annulé la décision qui a acquitté l’accusé sous motif que son aveu
contenu dans le procès-verbal de l’enquête préliminaire n’est qu’un
renseignement et a considéré que l’aveu est un mode de preuve à part
entière.

Notons également certains procès-verbaux dont le contenu fait preuve


jusqu’à l’inscription de faux.35

§2. Limites procédurales

D’autres restrictions légales sont à noter.

Il s’agit notamment de l’article 288 qui dispose que « si la preuve de


l’infraction est subordonnée à une preuve de droit civil ou des dispositions
spéciales, la juridiction observe à cet égard lesdites règles ».

Mais cette limite doit être nuancée.


Dans un arrêt datant du 17/09/201136, la Cour de Cassation a considéré que
la preuve est libre en matière pénale, et que la décision qui s’est appuyée sur
la preuve testimoniale pour prouver que le plaignant a donné une somme

33
Art 291 du code la procédure pénale.
34
CCass, 07/04/2011, 290, dossier 2333/6/9/2011, jurisprudence de la Cour de Cassation n 74, 2012
35
Art 292 du code de la procédure pénale.
36
CCass, 17/08/2011, 788 , dossier 6999/6/10/2011, Jurisprudence de la Cour de Cassation n 74,
2012

18
d’argent vu l’escroquerie dont il a été victime, a bien appliqué la loi dans le
sens où elle n’a pas considéré cette somme comme étant une dette civile.

Notons également les restrictions légales figurant dans l’article 493 du code
pénal qui dispose que la preuve des infractions réprimées par les articles 490
et 491 s’établit soit par procès-verbal de constat de flagrant délit dressé par
un officier de police judiciaire, soit par l’aveu relaté dans les lettres ou
documents émanant du prévenu ou par l’aveu judiciaire.

En outre, l’article 294 qui dispose que la preuve par écrit ne peut résulter de
la correspondance échangée entre l’inculpé et son avocat.

Ainsi en est-il également de l’article 334 du code de procédure pénale qui


dispose qu’il ne peut être entendu en témoignage l’avocat du prévenu, sur ce
qu’il a appris en cette qualité.
Les personnes liées par le secret professionnel peuvent être entendues dans
les conditions et limites fixées par la loi.

Tout compte fait, la liberté de la preuve reste le principe en matière pénale et


le juge tranche en se fiant à son intime conviction. Mais pour se faire, il doit
se baser sur les preuves avancées, des preuves utiles certes, mais qui
connaissent des failles.

19
Chapitre 2. Des preuves contestables :

La quête de la vérité est un chemin parsemé d’embûches. Parfois, la justice


se trompe et la vérité est alors voilée.

Il se peut que des erreurs judiciaires soient commises car le juge suit un
raisonnement logique mais rend des conclusions erronées dans la mesure où
il s’est appuyé sur des bases fausses. En effet, le juge de fond se base sur les
dires de l’accusé et des témoins que nous qualifierons de « non
professionnels » (section 1) ainsi que sur le fruit du travail des personnes qui
ont apporté leur aide, notamment en matière d’expertise et d’instruction
préparatoire c’est à dire « les professionnels » (Section 2)37.

Section 1. Les erreurs imputables aux non-professionnels

§1. L’aveu

L’article 293 du code de procédure pénale dispose que « l’aveu, comme tout
autre moyen de preuve, est soumis à la libre appréciation des juges. N’est
pas admis l’aveu extorqué par la violence ou la contrainte ».

Dans ce sens, la Cour de Cassation a affirmé que le juge de fond est libre
d’apprécier la valeur probante de l’aveu et qu’il peut tenir compte de son
intégralité ou d’une de ses parties38.

Pourtant on observe une différence entre les textes et la pratique, car


l’individu qui avoue son méfait, fournit souvent une preuve inespérée.

37
Cette dénomination « de professionnels et non professionnels » s’est i spi e du oi e de Fi heau
Aline, les erreurs judiciaires, université de Lille 2, 2002.
38
Ccass 28/06/2000 , 1366/1, Med bafkir, etudes judiciaires, tome 6

20
D’après l’article 290 du code de procédure pénale, « les procès-verbaux ou
rapport dressés par les officiers de police judiciaire pour constater les délits
et les contraventions font foi jusqu’à preuve du contraire».

Ainsi, en matière délictuelle, l’aveu au moment de l’enquête préliminaire


peut déjà être décisif et la jurisprudence en la matière est opulente.

En pratique, on voit que la preuve de l’aveu reste la preuve idéale qui


dispense parfois les enquêteurs d’aller plus loin. Même si une enquête a été
menée de manière exemplaire, l’enquêteur préférera obtenir l’aveu qui va
corroborer ses autres éléments de preuves39.

Il est incontestable que l’aveu est d’une importance capitale dans la


manifestation de la vérité, car il est présumé qu’une personne ne ferait pas
une déclaration susceptible de lui nuire, à moins qu’elle ne soit vraie.
Néanmoins, les erreurs judiciaires à travers l’Histoire témoignent que les
faux aveux existent bel et bien.

Comment peut-on en arriver là ? Qu’est-ce qui pousse des gens à avouer des
crimes qu’ils n’ont pas commis ? Pour Saul Kassin, psychologue spécialiste
des faux aveux (au John Jay College of Criminal Justice de New York), il
existe trois types de faux aveux40 :

- Les faux aveux spontanés


En premier lieu, il y a les faux aveux spontanés. Parmi ces cas, on trouve
d’abord des personnes qui s’accusent d’un crime pour des raisons
publicitaires. Lors de l’assassinat de John F. Kennedy, des dizaines de
déséquilibrés se sont spontanément présentées à la police pour s’accuser. Un

39
Ficheau Aline, Op cit.
40
Mohent-Vincent Aline, article publié sur la revue Sciences Humaines, mensuel n° 215, mai 2010.
21
autre cas, plus fréquent, est l’aveu spontané destiné à protéger une autre
personne.

Mais le cas le plus fréquent est celui des aveux lors de l’interrogatoire de
police. Durant la garde à vue, le suspect est soumis à une forte pression
psychologique. La fatigue et les intimidations poussent des gens à avouer
uniquement pour que l’on cesse de les harceler, en pensant pouvoir se rétracter
par la suite.
- Les faux aveux extorqués
Certaines techniques d’interrogatoire invitent le suspect à avouer en le mettant
face à un dilemme cornélien où avouer est finalement la meilleure solution.
La méthode consiste à faire croire au suspect que sa condamnation est
inévitable et qu’il est placé devant ce seul choix : « Soit tu refuses de coopérer
et tu risques la peine maximale ; soit tu avoues et ta peine sera plus faible. » Si
le suspect en vient à penser qu’il est dans une impasse, alors l’aveu devient
pour lui un moindre mal.
De plus, la personne poussée à avouer ne se rend pas toujours exactement
compte des implications de ces aveux. Parfois le suspect avoue parce que la
formulation de l’aveu est ambiguë.
- Les faux aveux-faux souvenirs
Mais il existe un troisième type de faux aveu, plus étonnant. Il arrive qu’une
personne innocente en vienne à penser qu’elle est réellement coupable ! Ce
cas relève, selon S. Kassin, d’un faux souvenir. La psychologue Elizabeth
Loftus a montré par des expériences ingénieuses que l’on pouvait parfaitement
induire chez une personne un souvenir inventé de toutes pièces et portant sur
leur propre passé41. Si l’on raconte à des adultes un souvenir fictif – par

41
Pascal de Sutter, « La oi e est e teuse », e t etie ave Eliza eth Loftus, Sciences Humaines, n°
192, avril 2008.
22
exemple : « Quand tu avais 5 ans, un jour, tu t’es perdu dans un grand
magasin, et tu as été retrouvé » – et que l’on glisse ce souvenir parmi d’autres
réels, un quart des personnes se remémore tout à coup cet épisode. Beaucoup
en viennent même à donner des détails précis sur l’événement qu’on leur a
suggéré. À force d’entendre et répéter une autre version que ce que l’on a vécu,
on en vient à douter de sa propre mémoire, puis à intégrer dans son passé des
faits fictifs42.
Notons également que la façon de rédiger les procès-verbaux peut induire en
erreur, d’où la nécessité de transcrire exactement les dires du suspect sans
reformulation.

Dans l’histoire des erreurs judiciaires, l’affaire Patrick Dils, reconnue comme
étant une erreur judiciaire le 24 avril 2002 par la Cour d’assises du Rhône en
France, est une parfaite illustration de la possibilité pour la justice de se
tromper en se fiant à l’aveu. Dans son cas, Patrick Dils passe aux aveux au
bout de 48 heures de garde à vue pour un meurtre. Il sera condamné à la
réclusion criminelle à perpétuité pour homicide volontaire. Plus tard, la justice
reconnaîtra son erreur et annulera la condamnation prononcée.
On retiendra de cette célèbre affaire que les aveux de Patrick Dils, même
rétractés plus tard, ont été la cause de sa condamnation.
Aveux volontaires, aveux extorqués, aveux intériorisés, les faux aveux font
l’objet de beaucoup d’attention. Quand on sait que le nombre de gardes à vue
a considérablement augmenté, quand on connaît le poids des aveux dans les
décisions judiciaires, on saisit l’enjeu de mieux comprendre comment se
fabriquent les aveux43.

42
Mohen-Vincent Aline, Op.cit.
43
Mohen-Vincent Aline, op. cit.
23
Tout compte fait, il faut considérer l’aveu comme un commencement de
certitude, rien de plus. Si aucun élément matériel ne le conforte, les juges
doivent ne pas en tenir compte et l’écarter»44.

§2. Le témoignage

Le témoignage est la relation, orale ou écrite, spontanée ou provoquée, par


un sujet appelé témoin, de ce qu’il a observé. Le témoignage judiciaire est la
déposition de la personne qui atteste en justice avoir vu ou entendu une
chose. Ce témoignage, dont le code pénal et de procédure pénale ont établi
les conditions et réglé les formalités, est sanctionné, dans sa moralité
générale, par une échelle de pénalités rigoureuses, qu’édicte la loi contre les
auteurs ou les inspirateurs de faux témoignages45.

Mais tout au long de l’histoire jurisprudentielle, bien des condamnations ont


été prononcées sur la foi de témoignages faux ou erronés sur l’identité de
l’inculpé ou de l’accusé. La variation de la perception de faits, les
soubresauts de la mémoire et ses trahisons doivent être pris en compte
lorsqu’il s’agit de preuve testimoniale46.

L’étude psychologique d’un témoignage est forcément complexe. Pour


apprécier convenablement la valeur d’un témoignage, il faudrait reconstituer
toutes les réactions qui ont été celles du témoin.

Le témoignage est la résultante d’une série d’opérations psychiques


complexes, où entrent en jeu successivement : la perception, considérée
surtout dans ses rapports avec la conscience et l’attention ; la mémoire dans
toutes ses qualités de fixation, de conservation, et de reproduction ;

44
LOMBARD (P.), Quand la justice se trompe, 1981, p.17
45
Dr Dupré Ernest , Le témoignage – Etude psychologique et médico-légale, Revue des Deux Mondes tome
55, 1910
46
Pouget Régis, La fragilité du témoignage, Conférence n°3776, académie des sciences et lettres de
Montpellier, séance du 18/03/2002
24
l’imagination, principalement dans ses facultés créatrices, et dans ses rapports
avec l’activité mythique, normale et pathologique, de l’esprit, c’est-à-dire
avec la tendance plus ou moins consciente et volontaire à l’altération de la
vérité, au mensonge et à la fabulation.

Mais les altérations de la perception, de la mémoire, de l’imagination, du


jugement et enfin des sentiments font du témoignage une action complexe.

Mais, même dans les conditions ordinaires de la vie, et, comme l’on dit, à
l’état normal, le plus simple des témoignages représente une opération
psychique tellement complexe, qu’on peut déjà, par le seul raisonnement,
soupçonner quelles variations et quelles altérations peuvent apporter, au
témoignage normal, les multiples conditions objectives et subjectives de sa
formation et de sa production.

Parmi ces conditions objectives, on entrevoit tout de suite l’influence que


doivent exercer sur les qualités d’un témoignage la nature des faits observés
par le témoin, leur durée, leur complexité, leur répétition, leur ancienneté,
etc. Parmi les conditions subjectives, dont l’influence est encore bien plus
importante, figurent l’âge du témoin, son sexe, son niveau intellectuel,
l’ensemble de ses qualités et de ses aptitudes psychiques, l’état de son
émotivité au moment de l’observation des faits sur lesquels il témoignera,
puis, au moment de la déposition, les facteurs de suggestion, intervenus chez
le témoin, aux phases successives de la genèse et de la production de son
témoignage, etc.

Notons également que la psychologie collective intervient, au cours de


l’observation même, et influence la psychologie individuelle, abstraction
faite des modifications que peuvent apporter au témoignage les

25
conversations ultérieures sur les faits observés. Le témoin « Foule » observe,
interprète et surtout réagit autrement que le témoin « Individu ».

Le témoignage est infidèle parce qu’il contient des lacunes et


des additions, et parce qu’il est altéré par des transformations,
des falsifications, qui sont autant de sources d’erreurs. Ces erreurs ont souvent
la précision des souvenirs exacts.

Dans le témoignage, les qualités générales de l’image sont assez bien


retenues et reproduites ; les qualités accessoires, les détails de forme, et
particulièrement les couleurs, sont au contraire très inexactement ou pas du
tout reproduites. Le signalement d’un individu sera, par exemple, presque
toujours incorrect.

Dans la confrontation, méthode judiciaire qui fait appel à la mémoire de


reconnaissance, le témoignage juste est non pas la règle, mais l’exception. La
reconnaissance de l’agresseur par sa victime est une source féconde d’erreurs
judiciaires. Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir la liste des révisions
de procès, provoquées, après condamnation sur fausse reconnaissance, par la
découverte du vrai coupable.

En outre L’enfant, sans expérience, sans jugement, dépourvu de ces données


de comparaison et de contrôle qui forment l’esprit critique, est un être
peureux, imaginatif et suggestible, qui offre dans son fonctionnement
cérébral tous les éléments d’une activité mythique naturelle et incessante.47

Le témoin fiable est alors celui qui prend de la distance par rapport à
l'événement, qui avance prudemment en ne perdant pas de vue qu'il peut se
tromper, qui ne se prend pas pour la loi et ne se considère pas comme investi

47
Dr Ernest Dupré, Op. cit.
26
de la mission de rendre la justice. Chaque être humain a sa propre vérité. Elle
ne rend pas obligatoirement compte de la réalité48.

Dans l’histoire des erreurs judiciaires, le cas de Loïc Sécher (France)


démontre ce qui a été précité.

Accusé à tort du viol d'une adolescente de son village, l'homme a passé 7 ans
en prison. En juin 2011, l'homme est définitivement acquitté, trois ans après
que la jeune fille se soit rétractée et ait avoué ses mensonges49.

Le témoignage peut être déterminant dans un procès, tout comme il peut être
perfide et induit alors les juges en erreur.

Les témoignages doivent alors être méticuleusement examinés et analysés.


Ils doivent également être recueillis littéralement sans reformulation.

Mais selon l’article 338 du code de la procédure pénale, le greffier doit faire
mention au procès-verbal de l’identité des témoins et de la prestation des
serments, à peine de nullité du jugement ou de l’arrêt.
Il y résume, en outre, l’essentiel de leurs dépositions.

Ce qui a été avancé dans la reformulation des aveux est également applicable
dans les témoignages, car bien des détails peuvent être omis et bien des faits
peuvent avoir un sens différent du sens que veut lui donner son auteur.

Un autre cas d’espèce peut également se poser et entraver cette quête de


vérité. Il s’agit du refus de témoigner.

C’est ainsi que le code de procédure pénale prévoit dans son article 339 la
possibilité que le témoin qui ne comparait pas soit amené par la force
publique. Une amende est également prévue pour la non-comparution ou le

48
Pouget Régis, Ibid.
49
Les 9 grandes erreurs de la justice française depuis 1945, CNEWS Matin.fr
27
fait de refuser de prêter serment ou de faire sa déclaration.
Mais la question qui se pose est la valeur que pourrait avoir un témoignage
sous contrainte, notamment en ce qui concerne sa véracité.

Quant au faux témoignage, il est lourdement réprimandé par les dispositions


du code pénal50.

Section 2. Les erreurs imputables aux professionnels.

§1. L’expertise

La vérité scientifique participe de la vérité judiciaire sans pour autant se


confondre avec elle.

La preuve scientifique permet d’établir sinon une certitude sinon une forte
probabilité sur certains faits. C’est une aide à la décision précieuse pour le
juge dans des domaines où la technicité le rend incapable de juger sans
savoir.51

« L’expert dit sa vérité scientifique comme l’enquêteur a dit sa vérité


policière. Et pour le juge qui les a choisis et leur fait confiance, ces vérités
deviennent la vérité »52.

La science médico-légale a pour finalité de porter à la connaissance de la


justice des données scientifiques afin de lui permettre d’accomplir sa
mission.

Toutefois les conclusions d’expertises sont techniques et échappent à la


compétence des magistrats. Il est vrai que l’entrée de la preuve scientifique
dans les prétoires pose problème aux magistrats qui se retrouvent face à un
domaine qui leur échappe. C’est la raison pour laquelle ils auront trop

50
Art 368 du code pénal et s.
51
G. Deha o, L’a ti ulation du savoir et du pouvoir dans le prétoire, Gaz. Pal., 2005, n° 265, p. 3, spéc. 4.
52
LECLERC (H.), Un combat pour la justice , 1994, p. 271
28
tendance à ne pas discuter les résultats d’expertise, cela est bien dommage
car un débat contradictoire peut être nécessaire pour comprendre ce que
signifient réellement les résultats apportés53.

En outre, les expertises sont relatives, notamment lorsqu’il s’agit du domaine


de la psychiatrie. Le psychiatre dégage une vérité à partir non pas d’un fait
mais d’un homme. La vérité d’un Homme est perçue par un Homme. Il est
évident que la complexité dans la recherche du vrai en est accrue, car elle
suppose de pénétrer dans l’esprit du patient. Le défi pour l’expert psychiatre
sera alors de sonder la psyché au plus proche de sa réalité. Et ce défi est
d’autant plus important qu’il doit établir des conclusions dans un bref délai,
alors qu’il est acquis que le patient n’ouvrira les portes de son subconscient
qu’en raison de la fréquence et de l’ampleur des consultations. De plus, la
justice interroge souvent le médecin non pas sur l’état présent de la personne
mais sur l’état psychique de celle-ci au moment de l’acte qui, du fait de la
lenteur de la justice, peut remonter à plusieurs années.
En définitive, l’éventualité est inhérente à cette branche de la médecine. Le
psychiatre doit s’efforcer d’apporter la réponse la plus claire possible à la
mission judiciaire qui lui est conférée. Il appartiendra ensuite aux magistrats
de composer avec l’éventualité54.

Les expertises en écritures ne sont pas moins complexes. Cette technique


connait également des limites. Il est par exemple difficile d’identifier
l’auteur l’auteur d’une signature réduite dont le graphisme, très simplifié, est
facilement imitable ; En outre une même personne peut avoir plusieurs
écritures différentes, selon le contexte ; il est également possible que des

53
Ficheau Aline, les erreurs judiciaires, mémoire de DEA droit et justice, université de Lille, 2002.
54
Aboukrat Hélène, Doute scientifique et vérité judiciaire, mémoire du master en droit pénal, Université
Panthéon-Assas 2010.
29
personnes différentes aient des écritures très proches les unes des autres, au
point de les confondre55.

Les limites de l’expertise en écritures sont illustrées par la célèbre erreur


judiciaire Dreyfus.

En 1894, un jeune capitaine de l’armée française est arrêté et condamné pour


espionnage et trahison. Une preuve principale est retenue à son encontre : un
bordereau sur lequel quelques lignes manuscrites dévoilaient à l’armée
allemande l’existence d’une fuite au sein de ses effectifs. Une grande bataille
d’experts commence alors pour identifier l’auteur du document. C’est
l’élément déclencheur de l’Affaire Dreyfus. Malgré l’existence de voix
discordantes, le rapport de l’expert principal conclu sur le fait que l’auteur du
bordereau est bien l’accusé. Le capitaine Dreyfus est condamné. L’expertise
en écriture a donc un héritage historique difficile à porter56.

Quoiqu’il en soit la science n’apporte pas une certitude, mais une probabilité
de culpabilité et c’est au juge de décider de l’issue qu’il lui donnerait.
Néanmoins, au cas où le juge écarterait un rapport d’expertise, il est tenu de
motiver sa décision57.

Dans le même sens, la cour de cassation a cassé et annulé un arrêt qui a


écarté une expertise médicale sans recourir à une contre-expertise étant
donné qu’il s’agit d’un domaine technique58.

55
Article consulté sur http://www.labcrim.com/46-bon-a-savoir/74-expertise-de-documents.html
56
http://village-notaires.com/Expertise-en-ecriture-et
57
Cass n° 989 27/07/72, apparu dans les explications du code procédure pénale, Abdelwahed alami, 2ème
tome, page 423.
58
Ccass 10/09/03, n° 1995/1, 03/9440
30
§2. L’instruction

Le juge d’instruction ne doit pas prendre la culpabilité pour seul point de


mire, mais la vérité. Il ne doit pas avoir à l’encontre du suspect une
présomption de culpabilité, il doit aussi bien rechercher les éléments de
preuves qui vont servir à confondre le suspect que ceux qui seront utiles pour
le disculper.

Dans la pratique, en est-il ainsi ? C’est une question qu’il est légitime de se
poser car on peut se demander si la surcharge de travail n’impose pas au juge
d’instruction d’enquêter uniquement à charge.

Le juge d’instruction doit instruire à charge et décharge. Il faut reconnaitre


que cette exigence est très rarement respectée dans la pratique.

Instruire à décharge est très important afin de parvenir au précieux sésame


qu’est la vérité. Prenons l’exemple de deux amants qui font l’amour dans
une voiture, quelqu’un les observe. Une fois l’amant parti, la personne la
viole avec un préservatif et la tue ensuite. Le sperme retrouvé sur la jeune
femme sera celui de l’amant et non celui du coupable, et voilà comment se
forme une possible erreur judiciaire. En effet, si on se contente de la simple
preuve génétique, l’amant innocent sera condamné, car tout porte à croire
qu’il est coupable. C’est grâce à ces exemples que l’on voit la nécessité
d’instruire à décharge, même quand on pense avoir trouvé le coupable,
sinon, le juge d’instruction perdrait toute son utilité59.

59
Ficheau Aline, op.cit.
31
Titre 2. Parades contre les erreurs judiciaires
C’est au stade du jugement que l’on va apprécier l’expression la plus
aboutie de la vérité judiciaire puisque la décision rendue sera revêtue de
l’autorité de la chose jugée et qu’elle sera considérée comme l’expression
de la vérité.

L’autorité de chose jugée conférée aux décisions de justice n’anéantit pas


la possibilité pour la personne mise en cause de contester encore pendant
un certain laps de temps la conclusion du procès. La remise en cause de la
décision solennelle réputée équitable est une exigence imposée par le fait
que la justice reste une œuvre humaine et qu’à ce titre, elle n’est pas
infaillible60 (chapitre 1)

Mais les voies de recours, à elle seules, ne peuvent malheureusement pas


pallier les risques d’erreurs judiciaires, il faudrait songer à des solutions
bien antérieures à la phase du procès, car comme on l’a bien cité dans le
titre précédent, le juge se base sur un ensemble de données avant de
prononcer son verdict (chapitre 2).

60
Pierre Bolze, Op.cit.
32
Chapitre 1. Les voies de recours

L’existence de ces voies de recours peut également s’analyser comme la


volonté de rendre possible une véritable efficacité du droit à la preuve
contraire. En effet, par cette remise en cause, le défendeur va se donner la
possibilité, à l’issue d’un procès, soit de revenir à la phase de recherche de
la vérité et pourra tenter d’anéantir la décision de culpabilité en faisant
valoir de nouveaux éléments de preuve contraires, soit de démontrer que
les éléments précédemment relevés n’ont pas été entendus à leur juste
valeur. L’exercice des voies de recours contre des décisions de justice
apparaît dès lors comme une véritable composante du droit à la preuve
contraire

Le droit de recours contre les déclarations de culpabilité revêt des réalités


différentes selon qu’il touche des décisions non définitives (Section 1) ou
des décisions revêtues de la force de chose jugée et qui sont alors
normalement considérées comme définitives61 (Section 2).

Section 1. Les voies recours contre des décisions non définitives

Le droit à un recours face à une décision non définitive vise une procédure
permettant de critiquer la décision de justice rendue afin de lui en
substituer une nouvelle, présumée meilleure62. Il s’agirait de voies de
recours ordinaires, notamment l’appel et l’opposition (§1) et de voie de
recours extraordinaire, à savoir le pourvoi en cassation (§2).

61
Bolze Pierre, op.cit.
62
J. Pradel, Procédure pénale, préc. , n° 936, p. 879.
33
§1. Les voies de recours ordinaires : L’appel et l’opposition

A. L’appel :

Une des garanties fondamentales d’une bonne justice est, sans aucun
doute, de faire appel à des procédures permettant d’examiner une nouvelle
fois l’affaire qui vient d’être jugée, autrement dit, au principe du double
degré de juridiction, car « ni la science ni la conscience du juge ne sont à
l’abri d’une défaillance »63.

Ce principe, qui se traduit essentiellement par la procédure d’appel.

La voie de l’appel, selon les conditions prévues par le code de la


procédure pénale, permet de porter le litige devant un autre juge qui est
investi du pouvoir de réformer la décision du premier juge. C’est pourquoi
on dit que la voie d’appel est une voie de réformation. Le premier juge a
pu se tromper, l’affaire peut être rejugée64.

La faculté de faire appel a toute sa place dans la quête de la vérité car elle
permettrait de faire valoir à nouveau les éléments de preuve.

B. L’opposition :

L’opposition est une voie de recours ordinaire et de rétractation contre une


décision rendue par défaut. Le prévenu pourra user de cette possibilité
dans deux cas (limitativement énumérés). Tout d’abord lorsqu’il a eu
connaissance de la citation mais qu’il n’a pas pu comparaître à cause
d’une excuse considérée comme légitime par le tribunal. En second lieu,

63
Voy. Jan Larguier, La procédure pénale, « que sais-je », PUF, Paris, 1996, p114.
64
cours-de-droit.net
34
lorsque le prévenu n’a pas eu une connaissance effective de la citation à
comparaître.

S’agissant d’une voie de rétractation, ce recours est porté devant la même


juridiction que celle saisie initialement à qui l’on va demander de statuer
de nouveau et cette fois contradictoirement. Cette procédure se justifie par
l’idée qu’une personne ne peut être condamnée sans avoir été entendue
personnellement, ce qui pourrait en réalité conduire à lui faire perdre un
degré de juridiction. Ce concept révèle également toute la place que
réserve notre droit au poids de la parole de la personne mise en cause au
cours de l’instance et par conséquent de la force de preuve contraire que
peut représenter le droit pour le défenseur de s’exprimer65.

§2. Une voie de recours extraordinaire : le pourvoi en cassation :

Le contrôle de la Cour de Cassation s’étend à la qualification juridique


donnée aux faits ayant servi de fondement à la poursuite pénale, mais ne
s’exerce ni sur la matérialité des faits constatés par les juges des
juridictions répressives, ni sur la valeur des preuves qui sont retenues, sauf
dans des cas déterminés par la loi.66

Par ailleurs, le pourvoi ne permet pas de contester l’interprétation des faits


ou les erreurs de fait des juridictions de dernier degré, mais d’apprécier la
légalité de la décision attaquée et donner une certaine unité à la
jurisprudence dans l’interprétation de la loi.

Face à une voie de recours ordinaire, la preuve contraire touchera


essentiellement les éléments de fait qui conduisent à la mise en cause,

65
Bolze Pierre, Op.cit
66
Art 518 du code de la procédure pénale
35
mais s’agissant du pourvoi en cassation, la preuve contraire à l’accusation
devra nécessairement mettre en cause la légalité de la décision attaquée
par des moyens de droit et non plus par des moyens de fait.

Cette voie de recours semble éloignée de l’exercice réel et efficace du


droit à la preuve contraire dans la mesure où les jugements en matières
pénales s’appuient sur l’intime conviction du juge, une souveraineté qui
ne pourrait être remise en cause.

Mais ce recours un moyen de droit pour obtenir la cassation d’une


décision de fond et peut réellement permettre à une personne mise en
cause de retrouver la possibilité d’emporter l’intime conviction des juges
du fond devant une juridiction de renvoi67.

Néanmoins, la cour de cassation ne peut pas casser une décision pour


n’importe quel motif, mais seulement pour l’un de ceux qui sont
limitativement prévus par la loi. Il s’agirait notamment de la violation des
formes substantielles de procédure, de l’excès de pouvoir, de
l’incompétence, de la violation de la loi de fond et du manque de base
légale ou défaut de motif68.

Section 2. Le recours contre les décisions définitives : La révision

Si le droit de recours est essentiel pour assurer la légitimité de la


manifestation de la vérité, il n’est pas absolu. Le droit de faire réexaminer
sa cause devant un tribunal indépendant et impartial ne doit pas permettre
la remise en cause perpétuelle des décisions et ainsi retarder de manière
dilatoire l’application de la sanction. Le jugement doit à un moment ou à

67
Pierre Bolze. Op.cit.
68
Art 534 du code de la procédure pénale
36
un autre devenir définitif, c'est-à-dire passer en force de chose jugée et
devenir la vérité judiciaire

La volonté de lutter le plus efficacement possible contre l’erreur judiciaire


a néanmoins conduit le législateur à prévoir des mécanismes, certes
restrictifs, qui permettent, alors que la condamnation est passée en force
de chose jugée et peut être considérée comme définitive, de laisser une
ultime chance de rapporter la preuve contraire à la culpabilité69.

Ce recours de la dernière chance prend la forme du recours en révision.

Par l’institution du recours en révision, la justice tend à démontrer sa


finalité, c'est-à-dire la recherche de la vérité et la condamnation des
coupables. Lorsqu’un doute apparaît postérieurement à la déclaration de
culpabilité, la légitimité des décisions de justice commande le réexamen
de la condamnation70.

La procédure de révision permet de rejuger une affaire qui, pourtant, avait


été définitivement jugée, faisant ainsi exception à l’autorité de chose jugée
qui rend la décision de justice irrévocable. Cette possibilité devant rester
exceptionnelle, cette voie de recours est qualifiée d’extraordinaire afin de
souligner son caractère dérogatoire et l’ultime possibilité de faire
reconnaître l’erreur de fait qui a conduit à une condamnation infondée71

En d’autres termes, cette voie de recours extraordinaire s’analyse comme


l’ultime possibilité de faire valoir la preuve contraire à la culpabilité alors
que la condamnation est définitive. Elle a pour conséquence, lorsqu’elle
aboutit, de faire réexaminer l’affaire par une juridiction de même degré et

69
Pierre Bolze Op.cit.
70
J. A. Romeiro, « La visio o e fa teu d’e o lisse e t de la justi e » ; Rev. s . i . 9 , p. 9.
71
3L. Leturmy, « La révision pour erreur judiciaire, Le droit français » ; RPDP, décembre 2001, n° 4, p. 669.
37
de même nature que celle qui a prononcé la décision attaquée. Cette
faculté participe à l’affirmation d’un réel droit à la preuve contraire qui
doit permettre en tout état de cause de rapporter des éléments de preuve de
nature à démontrer l’innocence de la personne concernée72.

La demande en révision, de par son caractère exceptionnel, est soumise à


des conditions strictes tenant aussi bien aux caractères des décisions
susceptibles d’être attaquées (§1) qu’aux cas d’ouverture du pourvoi en
révision (§1).

§1. Décisions susceptibles d’un recours en révision

D’après l’article 565, la révision n’est ouverte que pour la réparation


d’une erreur de fait commise au détriment d’une personne condamnée
pour un crime ou un délit.
Elle n’est recevable qu’à défaut de toute autre voie de recours.

Ceci implique que la décision de condamnation est irrévocable, en matière


de crime et de délit, ce qui exclut la matière contraventionnelle.

Cette limitation s’explique par le fait que ce recours touche les infractions
les plus graves qui pourraient être considérées comme déshonorantes.

§2. Cas d’ouverture de la demande en révision

D’après l’article 566 du code de procédure pénale, la révision peut être


demandée, quelle que soit la juridiction qui a statué et la peine qui a été
prononcée :

- Lorsqu’après une condamnation pour homicide sont produits des


pièces ou éléments de preuves dont résultent des présomptions ou

72
Pierre Bolze, Op.cit.
38
indices suffisants de l’existence de la prétendue victime de
l’homicide ;
- Lorsqu’après une condamnation, une deuxième décision condamne
pour le même fait un autre inculpé et que les deux condamnations
ne pouvant se concilier, leur contradiction établit la preuve de
l’innocence de l’un des condamnés ;
- Lorsqu’un témoin entendu a été, postérieurement à la
condamnation, poursuivi et condamné pour faux témoignage contre
l’accusé, le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu en cette
qualité dans les nouveaux débats ;
- Lorsqu’après une condamnation un fait vient à se produire ou à se
révéler, ou lorsque des pièces inconnues lors des débats sont
présentées, de nature à établir l’innocence du condamné.

Le droit de demander la révision appartient au procureur général du Roi


près la Cour de cassation sur sa propre initiative ou à la requête du
ministère de la justice, au condamné, ou en cas d’incapacité à son
représentant légal, au conjoint après la mort ou l’absence déclarée du
condamné, à ses enfants, à ses parents, à ses héritiers, à ses légataires et à
ceux qui en ont reçu la mission expresse avant sa mort, et finalement au
ministre de la justice, après avis d’une commission composée de
directeurs du ministère et de trois magistrats de la Cour de cassation
désignés par le premier président de cette Cour73.

La chambre pénale de la Cour de cassation est saisie, elle statue ensuite


sur sa recevabilité.

73
Art 567 du code de la procédure pénale.
39
Lorsqu’elle déclare que le pourvoi est recevable, elle procède à toutes
enquêtes, confrontations, reconnaissances d’identité et investigations
propres à mettre en évidence la vérité74.

La révision serait alors une sorte de quête de vérité luttant contre l’erreur
judiciaire.

Mais des réformes devraient être envisagées afin de minimiser encore plus
ce risque d’erreur.

74
Art 570 du code de la procédure pénale
40
Chapitre 2. Des réformes nécessaires

Des erreurs peuvent être commises depuis la constatation des infractions


jusqu’au jugement. Il faudrait alors chercher à fortifier les maillons faibles
en envisageant des réformes, que ce soit sur le plan procédural (section 1)
ou sur le plan de la formation du personnel de la justice (section 2).

Section 1. Réformes procédurales

§1. La garde à vue75

Une erreur judiciaire se crée parfois dès le début de l’enquête policière,


c’est à dire essentiellement au moment de la garde à vue.

Le législateur, conscient de ces risques, a pris les dispositions nécessaires


pour renforcer les droits de la personne gardée à vue, et ce, afin de faire en
sorte que la garde à vue ne soit pas le point de départ du « dérapage » de
la justice.

Mais quelques dispositions devraient être adoptées. On peut donc


légitimement penser que les risques de création d’une erreur judiciaire lors
d’une garde à vue seraient nettement restreints :

-La présence de l’avocat dès la première heure de garde à vue : L’homme


le plus honnête, le plus respecté, peut faire l’objet d’une garde à vue.
L’individu entre alors dans un univers qui lui est inconnu, il ne sait pas
pour quelles raisons il se trouve là. On lui pose un tas de questions, et il ne
sait toujours pas pourquoi il a été interpellé, il ne sait pas ce qu’il peut ou
ce qu’il doit faire. La panique peut donc l’emporter, et ce même s’il n’a
rien à voir avec l’affaire pour laquelle il a été arrêté. Nous avons vu qu’un

75
Cette partie s’est inspirée du mémoire d’Aline Ficheau, op.cit
41
certain nombre d’individus, faibles intellectuellement ou simplement par
peur du scandale avouent les faits qui leurs sont reprochés afin de faire
cesser la pression à laquelle ils sont soumis. Dans de telles circonstances,
la présence d’un avocat à la première heure de garde à vue aurait pour but
de rassurer la personne, même si l’avocat ne connaît encore rien de
l’affaire. L’avocat pourra lui dire qu’il a le droit de garder le silence, s’il
le désire, et surtout qu’il ne faut pas qu’il avoue quoi que ce soit. La
présence de l’avocat permet donc d’éviter que des « faux aveux » ne
soient donnés. Cela permet donc de limiter au maximum l’une des causes
des erreurs judiciaires, car des aveux donnés dans ces circonstances sont
relativement fréquents.

-L’enregistrement audio-visuel des auditions : Cette disposition pourrait


présenter un intérêt majeur, on pourrait notamment vérifier que le contenu
des procès-verbaux correspond à ce qu’a dit exactement la personne
gardée à vue ou du moins est-ce que les paroles du gardé à vue ont bien
été retranscrites.

Cet enregistrement inciterait à retranscrire mot pour mot ce qu’a dit le


gardé à vue pour ne pas entrer dans des débats sémantiques. Il est vrai que
cette mesure représente un coût très important, cependant, si elle permet
d’éviter la survenance de quelques erreurs judiciaires, cela en vaut la
peine.

§2. L’instruction :

Le rôle du juge d’instruction est fondamental, mais il connait de


nombreuses critiques.

42
Quelle réforme faut-il envisager pour éviter qu’une erreur d’instruction ne
devienne une erreur de la justice, faut-il pour cela supprimer le juge
d’instruction, comme certains le préconisent ?

Nous ne pensons pas que la suppression du juge d’instruction soit la clé


pour éviter les erreurs judiciaires.

La première qualité du juge d’instruction réside dans son indépendance. Il


est statutairement indépendant. Supprimer ce juge indépendant et
impartial reviendrait, peut-être, à consacrer un système accusatoire, ce qui
à nos yeux parait regrettable. En effet, les pays de Common-Law ne sont
pas exempts d’erreurs judiciaires célèbres. Dans ce système, dans un souci
d’égalité entre les parties, l’accusé peut se procurer ses propres preuves. Il
peut alors se payer ses propres investigateurs privés : c’est alors le plus
fortuné qui gagne. Ce système est alors contradictoire car, en proclamant
l’égalité « théorique » entre les parties, il fait place en pratique à une
inégalité flagrante d’ordre financier entre celles-ci76.

Il faudrait alors favoriser le contradictoire pendant la phase d’instruction


afin de limiter le risque d’erreur. Notre procédure pénale fait de
l’instruction une phase insuffisamment contradictoire, essentiellement
orale et théoriquement secrète. La défense doit pouvoir se voir reconnaître
les mêmes droits que ceux dont bénéficie l’accusation.

Les détracteurs du juge d’instruction le décrivent souvent comme un


homme solitaire, qui prend seul des décisions graves et décisives.
Néanmoins, nous venons de le dire, il apparaît clairement que le juge
d’instruction ne peut pas se permettre d’agir de façon solitaire sans que

76
Olivier Juridoc, faut-il supprimer le juge d’instruction, article publié le 03/10/2009 sur www.legavox.fr.
43
cela aboutisse à des désastres. Le juge d’instruction dialogue avec le
parquet, les experts, les enquêteurs, les représentants de la défense et des
parties civiles. La solution envisagée à cette solitude est la création d’un
organe collégial d’instruction.

La défense doit pouvoir se voir reconnaître les mêmes droits que ceux
dont bénéficie l’accusation77.

Il faut donc trouver un juste milieu, il faut pour cela retenir le meilleur des
procédures inquisitoires et accusatoires. Une réforme devrait donc être
adoptée, elle ne devrait pas supprimer le juge d’instruction, mais
simplement élargir sa fonction par des dispositions procédurales.

Section 2. Réformes didactiques

Des réformes devraient également être envisagées au niveau de la


formation des professionnels de la justice.

§1. Formation des magistrats :

Les progrès de la police scientifique sont considérables, aujourd’hui rares


sont les procès où une preuve scientifique n’est pas apportée. L’entrée de
la preuve scientifique dans les prétoires présente des intérêts contraires.
En effet, d’un côté cela améliore l’information objective des juges ce qui
limite les risques d’erreurs judiciaires. De l’autre, les juges se retrouvent
face à un domaine qui ne ressort pas de leurs compétences, ils ont donc
tendance à faire confiance à l’expert et à ne jamais remettre en cause la
preuve scientifique, ce qui peut- être dangereux. La preuve ADN est

77
Ibid.
44
entrain de défrayer la chronique, on en entend parler dans pratiquement
tous les procès criminels, or les magistrats qui accueillent cette preuve
sont-ils suffisamment formés pour cela ?

Actuellement, à l’institut supérieur de la magistrature, les attachés de


justice suivent une formation sur la médecine légale mais cela reste
insuffisant.

Comment peut-on réellement apprécier la valeur et la portée des preuves


purement scientifiques ? Sans formation, difficile de se faire une opinion,
cela a pour conséquence que les tribunaux acceptent cette preuve sans la
remettre en cause.

La formation des magistrats présente donc un double intérêt, d’une part


cela leur permettrait de demander systématiquement que des expertises
soient effectuées dans les domaines où il est difficile de trancher, d’autre
part, ils seraient capables d’apprécier la valeur des résultats ainsi obtenus.
Il arrive que l’erreur judiciaire soit commise dès le début de l’enquête, dès
lors c’est une nouvelle formation de l’enquêteur qui peut être nécessaire78.

§2.Formation des enquêteurs

L’aveu bien qu’il soit devenu aujourd’hui un élément de preuve comme


un autre, laissé à la libre appréciation du juge, reste encore et toujours la
reine des preuves. Cela est dangereux, car nous l’avons vu, la façon
d’obtenir des aveux est parfois critiquable, de plus, une fois que des aveux
sont obtenus, cela dispense souvent les enquêteurs d’aller plus loin.

78
Ficheau Aline, Op. cit
45
Une formation aux techniques d’interrogatoires devrait être envisagée ou
sinon mise à jour, en s’axant sur les principaux aspects des techniques
d’interrogatoire, notamment la déontologie, la rigueur du questionnement
et dimension psychologique de la relation entre enquêteur et gardé à vue.

Le principal objectif de l’interrogatoire est de permettre à la personne


entendue de s’expliquer sur les éléments qui lui sont reprochés ou dont
elle est suspectée. Couplé à d’autres éléments récoltés au cours de
l’investigation (témoignages, expertises, empreintes digitales, traces
ADN, écoutes téléphoniques, indices matériels, surveillances, examens de
rétroactifs téléphoniques, etc.), l’interrogatoire vise à répondre à plusieurs
questions, l’aveu n’étant dès lors plus une finalité en soi79.

La dimension psychologique devrait être prise en compte également


quand il s’agit de l’audition d’un témoin.

Le témoin ou la victime est une personne fragile avec qui il faut entretenir
une relation de confiance et se montrer compréhensif et empathique. Le
témoin a généralement la volonté de partager des informations avec
l’enquêteur, mais il n’en n’est pas toujours capable. Il n’est dès lors pas
opportun d’avoir avec lui un comportement «dominant» ou «agressif».
L’attitude envers le témoin doit être encourageante et non intimidante. Si
l’enquêteur part du principe que le témoin est un suspect potentiel, il va
d’emblée transférer cette forme de méfiance ; l’audition en sera d’autant
moins efficace et d’autant plus difficile.

Quels que soient les enjeux, les enquêteurs ne peuvent en aucun cas faire
usage de moyens coercitifs pour extorquer des aveux. Ils doivent respecter

79
Gueniat Olivier et Benoit Fabio, les secrets des interrogatoires et des auditions de police, Traité de
tactiques, techniques et stratégies, presses polytechniques et universitaires romandes.
46
le cadre légal, une certaine éthique et une déontologie ; ils doivent
recourir à un savoir-faire technique, fondé sur l’expérience, mais aussi et
surtout sur des connaissances en intelligence émotionnelle, en
communication ainsi qu’en psychologie sociale. Il est primordial que les
enquêteurs soient formés aux différentes techniques d’interrogatoire et
d’audition et qu’ils ne se basent pas uniquement sur les méthodes acquises
par leur seule expérience. Ils doivent utiliser différentes techniques afin
d’éviter de s’accommoder définitivement de deux ou trois méthodes
empiriques qui ne sauraient leur suffire pour mener à bien leur mission
dans les diverses situations qu’ils seront amenés à rencontrer80.

80
Ibid.
47
Conclusion

Pour conclure, force est de constater que l’erreur judiciaire est inéluctable et
de ce fait la quête de la vérité est une quête perpétuelle.

Néanmoins, des efforts sont possibles pour qu’elle soit réparée, et encore
mieux évitée.

48
Bibliographie

Ouvrages :

R.Agret , La justice à marée basse, Editions Austral, 1994

E.Dupré, Le témoignage – Etude psychologique et médico-légale, 1910

F. Hélie, Traité de l’instruction criminelle ou théorie du Code d’instruction


criminelle, t. 1 ; Paris, Plon, 2ème édition, 1866

H.Leclerc, Un combat pour la justice, 1994

H. Lévy-Bruhl, La preuve judiciaire. Etude de sociologie juridique, Librairie


Marcel Rivière et Cie, Paris, 1964

P.LOMBARD , Quand la justice se trompe, 1981

Y.MAYAUD. Droit pénal général. PUF, 2ème édition, 2007

J. Pradel, A.Varinard Les grands arrêts de la procédure pénale, 7ème édition,


Dalloz

L. Raison-Rebufat, Le principe de loyauté en droit de la preuve, Gaz. Pal.


2002

M.-L. Rassat, Procédure pénale ; Paris, Ellipses, coll. « Manuel Droit »,


2010

P. RICŒUR, Histoire et vérité, Paris : Seuil, 1955

Van de Kerchove Michel, « Vérité judiciaire et para-judiciaire en matière


pénale : quelle vérité ? », Droit et société, 2013

49
Revues et périodiques :

Etudes judiciaires Bafkir Mohammed, tome 6

Jurisprudence de la Cour de Cassation

Magazine Sciences Humaines, mensuel n° 215

Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2002, n° 2, avril-juin

Sciences Humaines, n° 192, avril 2008

Conférences :

Eva Joly, colloque de Bordeaux de 2000 sur les empreintes génétiques en


pratique judiciaire

Pouget Régis, La fragilité du témoignage, Conférence n°3776, académie des


sciences et lettres de Montpellier, séance du 18/03/2002

Thèses et mémoires :

Bolze Pierre, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, thèse de


doctorat en droit, université de Lorraine, 2010.

Ficheau Aline, Mémoire de DEA droit et justice, les erreurs judiciaires,


2002, université de lille 2

Aboucrat Hélène, Master de droit pénal et sciences pénales université


panthéon Assas, doute scientifique et vérité judiciaire 2010

50
Code :
Code de procédure pénale, traduction intégrale non-officielle par le
Procureur général du Roi près la Cour d’appel de Kénitra Marzougui M.,
2ème édition, 2012.

Sites internet :

www.courdecassation.fr

www.cairn.info

www.raison-publique.fr

www.cours-de-droit.net

www.gautrais.com

51

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