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R alis pa l’atta h e
de justice :
DOUGHMI Sara
Sous la direction de :
Maître DOUGHMI Mustapha
Président de la chambre criminelle de 1er
degré près la Cour d’appel de Kénitra
2017
Table des matières
Introduction…………………………………………………………………5
2
§1. Décisions susceptibles du recours en révision…………………..38
§2. Cas d’ouverture de la demande en révision……………………..38
Chapitre 2. Des réformes nécessaires…………………………………....41
Section 1. Réformes procédurales…………………………………...41
§1. La garde à vue…………………………………………….41
§2. L’instruction………………………………………………42
Section 2. Réformes didactiques…………………………………….44
§1. Formation des magistrats………………………………....44
§2. Formation des enquêteurs………………………………...46
Conclusion………………………………………………………………...48
Références bibliographiques………………………………………….….39
3
« La vérité est en marche
et rien ne l'arrêtera.
Qui souffre pour la vérité et la justice
devient auguste et sacré…
…il n'est de justice que dans la vérité
Il n'est de bonheur que dans la justice1. »
1
Mots d’E ile Zola ep is da s u e st le à sa mémoire érigée en 1985 à la place Alfred Dreyfus à Paris.
4
Introduction
Thémis, allégorie de la justice dans la mythologie grecque, est représentée
avec un bandeau lui couvrant les yeux. La justice doit ainsi être rendue
objectivement et impartialement. Elle ne doit pas se fier aux apparences,
souvent chimériques, mais devrait tendre à déceler « la vérité » au-delà des
simulacres.
Paradoxalement, une justice répondant à son concept, celui d’appliquer de
façon impartiale les lois et dans le souci de parvenir à la manifestation de la
vérité est forcément faillible même si elle tente de tout mettre en œuvre pour
minimiser le risque de l’erreur judiciaire. La vérité ne descendrait
miraculeusement pas du ciel pour venir s’incarner dans la parole du juge :
c’est bien un processus humain au terme duquel une vérité toute terrestre est
produite et au cours duquel chaque étape est susceptible de receler un risque
d’erreur2.
Mais si on s’attarde sur cette recherche de vérité dans le procès pénal compte
tenu des normes procédurales et de la valeur des preuves, cette quête semble
épineuse. D’une part les preuves doivent d’abord être recevables, et d’autre
part la notion même de vérité est relative, ce qui devrait inciter le juge à
s’immerger dans les abysses de sa conviction pour considérer les faits et se
décider.
2
Billier Jean-Cassien, La manifestation de la vérité en question : pour une éthique de la vérité judiciaire,
article consulté sur raison-publique.Fr
5
En effet, la vérité judiciaire, celle qui est proclamée par la décision de
justice, celle qui constitue l’objectif du mécanisme probatoire, ne peut être
que relative. La preuve ne peut être objective et universelle que dans les
sciences purement formelles comme les mathématiques. Ce constat est
accentué en matière pénale puisque cette vérité repose sur l’intime
conviction du juge, ce qui éloigne par essence toute vérité absolue ou
objective3.
3
Bolze Pierre, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, thèse de doctorat en droit, université de
Lorraine, 2010.
4
Billier Jean-Cassien, vérité et vérité judiciaire, article publié le 03/10/2005 consulté sur raison-
publique.Fr.
5
Paul RICŒUR, Histoire et vérité, Paris : Seuil, 1955, p. 156 et 175.
6
telle adéquation ou à un tel accord qui n’a pas le même sens, selon les
domaines abordés, lorsqu’on parle de vérité scientifique, de vérité
philosophique, de vérité éthique, de vérité esthétique, voire de vérité
romanesque ou, enfin, de vérité judiciaire6.
En fait, de façon plus simple, nous appréhenderons ici la vérité en tant que
mise en pratique des normes et leur application à ce qu’il est convenu de
nommer la réalité des faits.
6
Van de Kerchove Michel, « Vérité judiciaire et para-judiciaire en matière pénale : quelle vérité ? », Droit
et société, 2013 (n° 84), p. 411-432.
7
F. H lie, T ait de l’i st u tio i i elle ou th o ie du Code d’i st u tio i i elle, t. ; Pa is, Plo ,
2ème édition, 1866, p. 4
7
Pour y répondre et cerner à bien notre sujet, nous allons dans un premier
temps établir une typologie générale des causes qui pourraient enchevêtrer
notre quête de vérité à l’aune du système probatoire et de ses limites (Titre1),
puis dans un second temps il conviendrait de voir comment l’erreur
judiciaire est combattue à posteriori et comment elle aurait pu être évitée
(Titre 2).
8
Titre 1. Preuve et vérité
Le processus probatoire se trouve au cœur de la procédure pénale et du débat
sur la culpabilité8.
Ce sont bien les règles d’établissement de la preuve qui vont influer sur la
conviction de l’homme et faire peser un soupçon, une accusation, une
condamnation sur une personne ou bien alors faire reconnaître son
innocence9.
8
M.-L. Rassat, Procédure pénale ; Paris, Ellipses, coll. « Manuel Droit », 2010, p. 233 s.
9
Bolze Pierre, opcit.
10
Littré, V° Preuve
11
Cesaro J-F, v it et e oue e t, appo t a uel su l’ tude de la p euve, Cou de assatio .F
9
Ainsi convient-il de se demander sur le terrain probatoire, comment la
matière pénale parvient-elle à concilier cet impératif de recherche de liberté
avec la nécessaire préservation des droits et libertés des justiciables à l’aune
du principe de la liberté de la preuve ?
La matière pénale a dû s’adapter à l’évolution de la criminalité par la
diversification des modes de preuve qui sont la clé de la quête de la vérité,
mais ils connaissent néanmoins des failles qui pourraient entraver cette
dernière (Chapitre 2). Elle a toutefois veillé à ce que les preuves répondent à
un régime juridique commun afin d’être encadrées (Chapitre 1).
10
Chapitre 1. Les confins de la liberté de la preuve
12
Mekki Mustapha, Preuve et vérité, article consulté sur gautrais.com
13
H. Lévy-Bruhl, La preuve judiciaire. Etude de sociologie juridique, Librairie Marcel Rivière et Cie, Paris,
1964, p. 56 et p. 110 et s
11
§1. Notion de légitimité
Ce principe est consacré par l’article 287 du code de procédure pénale qui
dispose que « la juridiction ne peut fonder sa décision que sur des preuves
versées aux débats et discutées oralement et contradictoirement devant elle ».
14
Mekki Mustapha, Op. cit.
12
Dans ce sens, la Cour de Cassation a consacré ce principe en cassant un arrêt
qui a condamné un accusé en se basant sur des témoignages recueillis en
première instance- jugement qui a relaxé le prévenu- sans convoquer à
nouveau les témoins afin d’entendre leur témoignages oralement et les
discuter contradictoirement devant elle15.
Notons également que, dès lors que la recherche de la vérité reste l’objectif
majeur du procès pénal, les questions liées à l’origine et à la valeur de la
preuve sont d’autant plus importantes compte tenu de l’évolution de la
criminalité.
15
Ccass 17/03/2004, 9530, 11324/98 Bafkir Mohammed, études judiciaires, tome 6
16
Ph. Conte, P. Maistre du Chambon, "Procédure pénale", A. Colin, 4° éd., 2002, p. 32.
17
E. Moli a "R fle io iti ue su l’ volutio pa ado ale de la li e t de la p euve des i f a tio s e d oit
français contemporain" : Rev. sc. crim., 2002, p. 263.
18
L. Raison-Rebufat, Le principe de loyauté en droit de la preuve, Gaz. Pal. 2002, p. 1195 et s.
13
A vrai dire, le principe de loyauté de la preuve est dénué de consécration
textuelle explicite. La jurisprudence est ainsi venue pallier cette carence en
consacrant très tôt des principes généraux dans la recherche des preuves. De
manière générale, il est interdit à celui qui administre la preuve l’utilisation de
procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes, ce qui serait appliqué sans
équivoque quand il s’agirait d’enquêteurs ou de juges19, mais ceci dit, le droit
à la preuve afférent aux parties leur donne la possibilité d’avancer toutes les
preuves qu’elles ont pu recueillir à condition qu’elles soient discutées
contradictoirement.
En effet, dans l’arrêt "Schenk c/ Suisse" du 12 juillet 1988, elle a admis qu’une
preuve illégale pouvait être produite et utilisée en justice dès lors qu’elle avait
pu être discutée dans le cadre d’un procès équitable20.
19
A tit e d’e e ple, l’a ti le du ode de p o du e p ale dispose ue « les actes annulés sont retirés
du dossie d’i fo atio et lass s au g effe de la Cou d’appel. Il est i te dit d’ puise des ha ges o t e
les parties aux débats, à peine de sanctions disciplinaires pour les magistrats et avocats.
20
Lemoine Pascal, la loyauté de la preuve, 2004, sur Courdecassation.Fr
21
Pouvoir n° 09-83395, www.legifrance.gouv.fr
14
Bien avant, par un arrêt du 23 juin 199922, la chambre criminelle française
avait admis que bien qu’obtenu de manière illicite, un enregistrement vidéo
réalisé par une caméra de surveillance placée dans les parties communes d’un
immeuble collectif pouvait valablement constituer un élément permettant de
rapporter la preuve de dégradations et d’en identifier les auteurs ou qu’un film
réalisé à l’aide d’une caméra installée dans une officine pharmaceutique
pouvait servir de preuve pour établir des vols de numéraire commis par des
employés23.
C’est ainsi que la chambre criminelle française dans son arrêt du 12 juin
1952 avance que « porte atteinte aux droits de la défense l’officier de police
judiciaire commis rogatoirement qui provoque et intercepte une
22
Pourvoi n° 98-84.701 ; cf. également Cass. crim. 6 avr. 1994 (bull. crim., n° 136). La loyauté de la preuve
(à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle) (par M. Pascal Lemoine, conseiller
référendaire à la Cour de cassation). Courdecassation.Fr
23
Cass Fr. crim., 6 avr. 1994 : bull., n° 136. Ibid.
24
Crim. 23 juillet 1992, Les grands arrêts de la procédure pénale, Pradel, Varinard, 7 ème édition, Dalloz, p
206.
25
Crim. 11 juin 2002, Ibid, p 208.
15
communication téléphonique entre un témoin et un suspect (ultérieurement
inculpé) pour inciter ce dernier à faire des aveux26.
Tout compte fait, la motivation des arrêts repose sur le syllogisme suivant :
aucun texte ne prohibant la production de preuves déloyales ou illicites, dès
lors que ces dernières sont soumises à la discussion contradictoire des parties,
26
Ibid, p 195 .
27
Crim. 9/10/1980, ibid. p 197.
28
Chambre pénale. N° 719/1. Jurisprudence.ma
29
Chambre pénale. N° 319/7. Jurisprudence.ma
16
il appartient au juge d’apprécier leur pertinence et leur valeur probante, même
si leur origine est contestée.
Dans certains cas édictés par la loi, la liberté de la preuve et par extension la
recherche de la vérité, se trouvent conditionnées et restreintes.
30
Lemoine Pascal, la loyauté de la preuve, 2004, étude apparue sur le site de la Cour de Cassation
française.
31
Article 290 code de la procédure pénale.
32
N°901 , dossier 6012/06/10/2011 , Jurisprudence de la Cour de Cassation n 74 , 2012
17
mentionné dans le procès-verbal, et si documents il y a dans ce sens, il doit
en tenir compte et les discuter contradictoirement.
33
Art 291 du code la procédure pénale.
34
CCass, 07/04/2011, 290, dossier 2333/6/9/2011, jurisprudence de la Cour de Cassation n 74, 2012
35
Art 292 du code de la procédure pénale.
36
CCass, 17/08/2011, 788 , dossier 6999/6/10/2011, Jurisprudence de la Cour de Cassation n 74,
2012
18
d’argent vu l’escroquerie dont il a été victime, a bien appliqué la loi dans le
sens où elle n’a pas considéré cette somme comme étant une dette civile.
Notons également les restrictions légales figurant dans l’article 493 du code
pénal qui dispose que la preuve des infractions réprimées par les articles 490
et 491 s’établit soit par procès-verbal de constat de flagrant délit dressé par
un officier de police judiciaire, soit par l’aveu relaté dans les lettres ou
documents émanant du prévenu ou par l’aveu judiciaire.
En outre, l’article 294 qui dispose que la preuve par écrit ne peut résulter de
la correspondance échangée entre l’inculpé et son avocat.
19
Chapitre 2. Des preuves contestables :
Il se peut que des erreurs judiciaires soient commises car le juge suit un
raisonnement logique mais rend des conclusions erronées dans la mesure où
il s’est appuyé sur des bases fausses. En effet, le juge de fond se base sur les
dires de l’accusé et des témoins que nous qualifierons de « non
professionnels » (section 1) ainsi que sur le fruit du travail des personnes qui
ont apporté leur aide, notamment en matière d’expertise et d’instruction
préparatoire c’est à dire « les professionnels » (Section 2)37.
§1. L’aveu
L’article 293 du code de procédure pénale dispose que « l’aveu, comme tout
autre moyen de preuve, est soumis à la libre appréciation des juges. N’est
pas admis l’aveu extorqué par la violence ou la contrainte ».
Dans ce sens, la Cour de Cassation a affirmé que le juge de fond est libre
d’apprécier la valeur probante de l’aveu et qu’il peut tenir compte de son
intégralité ou d’une de ses parties38.
37
Cette dénomination « de professionnels et non professionnels » s’est i spi e du oi e de Fi heau
Aline, les erreurs judiciaires, université de Lille 2, 2002.
38
Ccass 28/06/2000 , 1366/1, Med bafkir, etudes judiciaires, tome 6
20
D’après l’article 290 du code de procédure pénale, « les procès-verbaux ou
rapport dressés par les officiers de police judiciaire pour constater les délits
et les contraventions font foi jusqu’à preuve du contraire».
Comment peut-on en arriver là ? Qu’est-ce qui pousse des gens à avouer des
crimes qu’ils n’ont pas commis ? Pour Saul Kassin, psychologue spécialiste
des faux aveux (au John Jay College of Criminal Justice de New York), il
existe trois types de faux aveux40 :
39
Ficheau Aline, Op cit.
40
Mohent-Vincent Aline, article publié sur la revue Sciences Humaines, mensuel n° 215, mai 2010.
21
autre cas, plus fréquent, est l’aveu spontané destiné à protéger une autre
personne.
Mais le cas le plus fréquent est celui des aveux lors de l’interrogatoire de
police. Durant la garde à vue, le suspect est soumis à une forte pression
psychologique. La fatigue et les intimidations poussent des gens à avouer
uniquement pour que l’on cesse de les harceler, en pensant pouvoir se rétracter
par la suite.
- Les faux aveux extorqués
Certaines techniques d’interrogatoire invitent le suspect à avouer en le mettant
face à un dilemme cornélien où avouer est finalement la meilleure solution.
La méthode consiste à faire croire au suspect que sa condamnation est
inévitable et qu’il est placé devant ce seul choix : « Soit tu refuses de coopérer
et tu risques la peine maximale ; soit tu avoues et ta peine sera plus faible. » Si
le suspect en vient à penser qu’il est dans une impasse, alors l’aveu devient
pour lui un moindre mal.
De plus, la personne poussée à avouer ne se rend pas toujours exactement
compte des implications de ces aveux. Parfois le suspect avoue parce que la
formulation de l’aveu est ambiguë.
- Les faux aveux-faux souvenirs
Mais il existe un troisième type de faux aveu, plus étonnant. Il arrive qu’une
personne innocente en vienne à penser qu’elle est réellement coupable ! Ce
cas relève, selon S. Kassin, d’un faux souvenir. La psychologue Elizabeth
Loftus a montré par des expériences ingénieuses que l’on pouvait parfaitement
induire chez une personne un souvenir inventé de toutes pièces et portant sur
leur propre passé41. Si l’on raconte à des adultes un souvenir fictif – par
41
Pascal de Sutter, « La oi e est e teuse », e t etie ave Eliza eth Loftus, Sciences Humaines, n°
192, avril 2008.
22
exemple : « Quand tu avais 5 ans, un jour, tu t’es perdu dans un grand
magasin, et tu as été retrouvé » – et que l’on glisse ce souvenir parmi d’autres
réels, un quart des personnes se remémore tout à coup cet épisode. Beaucoup
en viennent même à donner des détails précis sur l’événement qu’on leur a
suggéré. À force d’entendre et répéter une autre version que ce que l’on a vécu,
on en vient à douter de sa propre mémoire, puis à intégrer dans son passé des
faits fictifs42.
Notons également que la façon de rédiger les procès-verbaux peut induire en
erreur, d’où la nécessité de transcrire exactement les dires du suspect sans
reformulation.
Dans l’histoire des erreurs judiciaires, l’affaire Patrick Dils, reconnue comme
étant une erreur judiciaire le 24 avril 2002 par la Cour d’assises du Rhône en
France, est une parfaite illustration de la possibilité pour la justice de se
tromper en se fiant à l’aveu. Dans son cas, Patrick Dils passe aux aveux au
bout de 48 heures de garde à vue pour un meurtre. Il sera condamné à la
réclusion criminelle à perpétuité pour homicide volontaire. Plus tard, la justice
reconnaîtra son erreur et annulera la condamnation prononcée.
On retiendra de cette célèbre affaire que les aveux de Patrick Dils, même
rétractés plus tard, ont été la cause de sa condamnation.
Aveux volontaires, aveux extorqués, aveux intériorisés, les faux aveux font
l’objet de beaucoup d’attention. Quand on sait que le nombre de gardes à vue
a considérablement augmenté, quand on connaît le poids des aveux dans les
décisions judiciaires, on saisit l’enjeu de mieux comprendre comment se
fabriquent les aveux43.
42
Mohen-Vincent Aline, Op.cit.
43
Mohen-Vincent Aline, op. cit.
23
Tout compte fait, il faut considérer l’aveu comme un commencement de
certitude, rien de plus. Si aucun élément matériel ne le conforte, les juges
doivent ne pas en tenir compte et l’écarter»44.
§2. Le témoignage
44
LOMBARD (P.), Quand la justice se trompe, 1981, p.17
45
Dr Dupré Ernest , Le témoignage – Etude psychologique et médico-légale, Revue des Deux Mondes tome
55, 1910
46
Pouget Régis, La fragilité du témoignage, Conférence n°3776, académie des sciences et lettres de
Montpellier, séance du 18/03/2002
24
l’imagination, principalement dans ses facultés créatrices, et dans ses rapports
avec l’activité mythique, normale et pathologique, de l’esprit, c’est-à-dire
avec la tendance plus ou moins consciente et volontaire à l’altération de la
vérité, au mensonge et à la fabulation.
Mais, même dans les conditions ordinaires de la vie, et, comme l’on dit, à
l’état normal, le plus simple des témoignages représente une opération
psychique tellement complexe, qu’on peut déjà, par le seul raisonnement,
soupçonner quelles variations et quelles altérations peuvent apporter, au
témoignage normal, les multiples conditions objectives et subjectives de sa
formation et de sa production.
25
conversations ultérieures sur les faits observés. Le témoin « Foule » observe,
interprète et surtout réagit autrement que le témoin « Individu ».
Le témoin fiable est alors celui qui prend de la distance par rapport à
l'événement, qui avance prudemment en ne perdant pas de vue qu'il peut se
tromper, qui ne se prend pas pour la loi et ne se considère pas comme investi
47
Dr Ernest Dupré, Op. cit.
26
de la mission de rendre la justice. Chaque être humain a sa propre vérité. Elle
ne rend pas obligatoirement compte de la réalité48.
Accusé à tort du viol d'une adolescente de son village, l'homme a passé 7 ans
en prison. En juin 2011, l'homme est définitivement acquitté, trois ans après
que la jeune fille se soit rétractée et ait avoué ses mensonges49.
Le témoignage peut être déterminant dans un procès, tout comme il peut être
perfide et induit alors les juges en erreur.
Mais selon l’article 338 du code de la procédure pénale, le greffier doit faire
mention au procès-verbal de l’identité des témoins et de la prestation des
serments, à peine de nullité du jugement ou de l’arrêt.
Il y résume, en outre, l’essentiel de leurs dépositions.
Ce qui a été avancé dans la reformulation des aveux est également applicable
dans les témoignages, car bien des détails peuvent être omis et bien des faits
peuvent avoir un sens différent du sens que veut lui donner son auteur.
C’est ainsi que le code de procédure pénale prévoit dans son article 339 la
possibilité que le témoin qui ne comparait pas soit amené par la force
publique. Une amende est également prévue pour la non-comparution ou le
48
Pouget Régis, Ibid.
49
Les 9 grandes erreurs de la justice française depuis 1945, CNEWS Matin.fr
27
fait de refuser de prêter serment ou de faire sa déclaration.
Mais la question qui se pose est la valeur que pourrait avoir un témoignage
sous contrainte, notamment en ce qui concerne sa véracité.
§1. L’expertise
La preuve scientifique permet d’établir sinon une certitude sinon une forte
probabilité sur certains faits. C’est une aide à la décision précieuse pour le
juge dans des domaines où la technicité le rend incapable de juger sans
savoir.51
50
Art 368 du code pénal et s.
51
G. Deha o, L’a ti ulation du savoir et du pouvoir dans le prétoire, Gaz. Pal., 2005, n° 265, p. 3, spéc. 4.
52
LECLERC (H.), Un combat pour la justice , 1994, p. 271
28
tendance à ne pas discuter les résultats d’expertise, cela est bien dommage
car un débat contradictoire peut être nécessaire pour comprendre ce que
signifient réellement les résultats apportés53.
53
Ficheau Aline, les erreurs judiciaires, mémoire de DEA droit et justice, université de Lille, 2002.
54
Aboukrat Hélène, Doute scientifique et vérité judiciaire, mémoire du master en droit pénal, Université
Panthéon-Assas 2010.
29
personnes différentes aient des écritures très proches les unes des autres, au
point de les confondre55.
Quoiqu’il en soit la science n’apporte pas une certitude, mais une probabilité
de culpabilité et c’est au juge de décider de l’issue qu’il lui donnerait.
Néanmoins, au cas où le juge écarterait un rapport d’expertise, il est tenu de
motiver sa décision57.
55
Article consulté sur http://www.labcrim.com/46-bon-a-savoir/74-expertise-de-documents.html
56
http://village-notaires.com/Expertise-en-ecriture-et
57
Cass n° 989 27/07/72, apparu dans les explications du code procédure pénale, Abdelwahed alami, 2ème
tome, page 423.
58
Ccass 10/09/03, n° 1995/1, 03/9440
30
§2. L’instruction
Dans la pratique, en est-il ainsi ? C’est une question qu’il est légitime de se
poser car on peut se demander si la surcharge de travail n’impose pas au juge
d’instruction d’enquêter uniquement à charge.
59
Ficheau Aline, op.cit.
31
Titre 2. Parades contre les erreurs judiciaires
C’est au stade du jugement que l’on va apprécier l’expression la plus
aboutie de la vérité judiciaire puisque la décision rendue sera revêtue de
l’autorité de la chose jugée et qu’elle sera considérée comme l’expression
de la vérité.
60
Pierre Bolze, Op.cit.
32
Chapitre 1. Les voies de recours
Le droit à un recours face à une décision non définitive vise une procédure
permettant de critiquer la décision de justice rendue afin de lui en
substituer une nouvelle, présumée meilleure62. Il s’agirait de voies de
recours ordinaires, notamment l’appel et l’opposition (§1) et de voie de
recours extraordinaire, à savoir le pourvoi en cassation (§2).
61
Bolze Pierre, op.cit.
62
J. Pradel, Procédure pénale, préc. , n° 936, p. 879.
33
§1. Les voies de recours ordinaires : L’appel et l’opposition
A. L’appel :
Une des garanties fondamentales d’une bonne justice est, sans aucun
doute, de faire appel à des procédures permettant d’examiner une nouvelle
fois l’affaire qui vient d’être jugée, autrement dit, au principe du double
degré de juridiction, car « ni la science ni la conscience du juge ne sont à
l’abri d’une défaillance »63.
La faculté de faire appel a toute sa place dans la quête de la vérité car elle
permettrait de faire valoir à nouveau les éléments de preuve.
B. L’opposition :
63
Voy. Jan Larguier, La procédure pénale, « que sais-je », PUF, Paris, 1996, p114.
64
cours-de-droit.net
34
lorsque le prévenu n’a pas eu une connaissance effective de la citation à
comparaître.
65
Bolze Pierre, Op.cit
66
Art 518 du code de la procédure pénale
35
mais s’agissant du pourvoi en cassation, la preuve contraire à l’accusation
devra nécessairement mettre en cause la légalité de la décision attaquée
par des moyens de droit et non plus par des moyens de fait.
67
Pierre Bolze. Op.cit.
68
Art 534 du code de la procédure pénale
36
un autre devenir définitif, c'est-à-dire passer en force de chose jugée et
devenir la vérité judiciaire
69
Pierre Bolze Op.cit.
70
J. A. Romeiro, « La visio o e fa teu d’e o lisse e t de la justi e » ; Rev. s . i . 9 , p. 9.
71
3L. Leturmy, « La révision pour erreur judiciaire, Le droit français » ; RPDP, décembre 2001, n° 4, p. 669.
37
de même nature que celle qui a prononcé la décision attaquée. Cette
faculté participe à l’affirmation d’un réel droit à la preuve contraire qui
doit permettre en tout état de cause de rapporter des éléments de preuve de
nature à démontrer l’innocence de la personne concernée72.
Cette limitation s’explique par le fait que ce recours touche les infractions
les plus graves qui pourraient être considérées comme déshonorantes.
72
Pierre Bolze, Op.cit.
38
indices suffisants de l’existence de la prétendue victime de
l’homicide ;
- Lorsqu’après une condamnation, une deuxième décision condamne
pour le même fait un autre inculpé et que les deux condamnations
ne pouvant se concilier, leur contradiction établit la preuve de
l’innocence de l’un des condamnés ;
- Lorsqu’un témoin entendu a été, postérieurement à la
condamnation, poursuivi et condamné pour faux témoignage contre
l’accusé, le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu en cette
qualité dans les nouveaux débats ;
- Lorsqu’après une condamnation un fait vient à se produire ou à se
révéler, ou lorsque des pièces inconnues lors des débats sont
présentées, de nature à établir l’innocence du condamné.
73
Art 567 du code de la procédure pénale.
39
Lorsqu’elle déclare que le pourvoi est recevable, elle procède à toutes
enquêtes, confrontations, reconnaissances d’identité et investigations
propres à mettre en évidence la vérité74.
La révision serait alors une sorte de quête de vérité luttant contre l’erreur
judiciaire.
Mais des réformes devraient être envisagées afin de minimiser encore plus
ce risque d’erreur.
74
Art 570 du code de la procédure pénale
40
Chapitre 2. Des réformes nécessaires
75
Cette partie s’est inspirée du mémoire d’Aline Ficheau, op.cit
41
certain nombre d’individus, faibles intellectuellement ou simplement par
peur du scandale avouent les faits qui leurs sont reprochés afin de faire
cesser la pression à laquelle ils sont soumis. Dans de telles circonstances,
la présence d’un avocat à la première heure de garde à vue aurait pour but
de rassurer la personne, même si l’avocat ne connaît encore rien de
l’affaire. L’avocat pourra lui dire qu’il a le droit de garder le silence, s’il
le désire, et surtout qu’il ne faut pas qu’il avoue quoi que ce soit. La
présence de l’avocat permet donc d’éviter que des « faux aveux » ne
soient donnés. Cela permet donc de limiter au maximum l’une des causes
des erreurs judiciaires, car des aveux donnés dans ces circonstances sont
relativement fréquents.
§2. L’instruction :
42
Quelle réforme faut-il envisager pour éviter qu’une erreur d’instruction ne
devienne une erreur de la justice, faut-il pour cela supprimer le juge
d’instruction, comme certains le préconisent ?
76
Olivier Juridoc, faut-il supprimer le juge d’instruction, article publié le 03/10/2009 sur www.legavox.fr.
43
cela aboutisse à des désastres. Le juge d’instruction dialogue avec le
parquet, les experts, les enquêteurs, les représentants de la défense et des
parties civiles. La solution envisagée à cette solitude est la création d’un
organe collégial d’instruction.
La défense doit pouvoir se voir reconnaître les mêmes droits que ceux
dont bénéficie l’accusation77.
Il faut donc trouver un juste milieu, il faut pour cela retenir le meilleur des
procédures inquisitoires et accusatoires. Une réforme devrait donc être
adoptée, elle ne devrait pas supprimer le juge d’instruction, mais
simplement élargir sa fonction par des dispositions procédurales.
77
Ibid.
44
entrain de défrayer la chronique, on en entend parler dans pratiquement
tous les procès criminels, or les magistrats qui accueillent cette preuve
sont-ils suffisamment formés pour cela ?
78
Ficheau Aline, Op. cit
45
Une formation aux techniques d’interrogatoires devrait être envisagée ou
sinon mise à jour, en s’axant sur les principaux aspects des techniques
d’interrogatoire, notamment la déontologie, la rigueur du questionnement
et dimension psychologique de la relation entre enquêteur et gardé à vue.
Le témoin ou la victime est une personne fragile avec qui il faut entretenir
une relation de confiance et se montrer compréhensif et empathique. Le
témoin a généralement la volonté de partager des informations avec
l’enquêteur, mais il n’en n’est pas toujours capable. Il n’est dès lors pas
opportun d’avoir avec lui un comportement «dominant» ou «agressif».
L’attitude envers le témoin doit être encourageante et non intimidante. Si
l’enquêteur part du principe que le témoin est un suspect potentiel, il va
d’emblée transférer cette forme de méfiance ; l’audition en sera d’autant
moins efficace et d’autant plus difficile.
Quels que soient les enjeux, les enquêteurs ne peuvent en aucun cas faire
usage de moyens coercitifs pour extorquer des aveux. Ils doivent respecter
79
Gueniat Olivier et Benoit Fabio, les secrets des interrogatoires et des auditions de police, Traité de
tactiques, techniques et stratégies, presses polytechniques et universitaires romandes.
46
le cadre légal, une certaine éthique et une déontologie ; ils doivent
recourir à un savoir-faire technique, fondé sur l’expérience, mais aussi et
surtout sur des connaissances en intelligence émotionnelle, en
communication ainsi qu’en psychologie sociale. Il est primordial que les
enquêteurs soient formés aux différentes techniques d’interrogatoire et
d’audition et qu’ils ne se basent pas uniquement sur les méthodes acquises
par leur seule expérience. Ils doivent utiliser différentes techniques afin
d’éviter de s’accommoder définitivement de deux ou trois méthodes
empiriques qui ne sauraient leur suffire pour mener à bien leur mission
dans les diverses situations qu’ils seront amenés à rencontrer80.
80
Ibid.
47
Conclusion
Pour conclure, force est de constater que l’erreur judiciaire est inéluctable et
de ce fait la quête de la vérité est une quête perpétuelle.
Néanmoins, des efforts sont possibles pour qu’elle soit réparée, et encore
mieux évitée.
48
Bibliographie
Ouvrages :
49
Revues et périodiques :
Conférences :
Thèses et mémoires :
50
Code :
Code de procédure pénale, traduction intégrale non-officielle par le
Procureur général du Roi près la Cour d’appel de Kénitra Marzougui M.,
2ème édition, 2012.
Sites internet :
www.courdecassation.fr
www.cairn.info
www.raison-publique.fr
www.cours-de-droit.net
www.gautrais.com
51