Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
RABAT
PROCES PENAL
Réalisé par :
HAMMOUYAT JAMAL
EL HARIB REDA
Encadré par :
1
SOMMAIRE
Introduction
I. LA PRESOMPTION D’INNOCENCE : GARANTIE D’UN
PROCES EQUITABLE
A) UNE REGLE DE PREUVE FAVORABLE A LA PARTIE POURSUIVIE
B) LA DETENTION PREVENTIVE
2
Parmi les règles qui gouvernent le procès pénal figure à une place de choix un principe
considéré comme une garantie fondamentale de la liberté individuelle et des droits de
l’homme. C’est la présomption d’innocence selon laquelle toute personne qui se voit
reprocher une infraction est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement et
définitivement établie.
Sa première mise en relief revient au juriste et philosophe italien Cesare Beccaria dans son
traité des délits et des peines publié en 1764 : « La justice doit respecter le droit que chacun a
d'être cru innocent ». D’un point de vue textuel, le principe a été affirmé, avec éclat, dans une
déclaration de Louis XVI, le 1er Mai 1788. Elle a été reprise par l’article 9 de la déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789, également par l’article 11 de la déclaration
universelle des droits de l’homme sous l’égide de l’ONU en 1948 et aussi par l’article 6 de la
convention européenne des droits de l’homme.
Au Maroc, ce principe s’est vu attribué force législative dans la loi n°22-01 relative au Code
de Procédure Pénale promulgué par le Dahir n° 1-02-255 du 3 Octobre 2002. Les membres de
la Commission de la justice, de la légalisation et des droits de l’homme sont unanimes pour
constater que c’est la disposition la plus importante de la reforme du Code de Procédure
Pénale de 2002, qui place le Maroc au rang des pays qui sont attachés aux droits de l’homme
tels qu’ils sont universellement reconnus.
Il ne s’agira pas dans cette analyse d’une étude d’ensemble de la preuve (modes, moyens,
appréciation…) mais spécifiquement de la charge de la preuve et seulement en matière pénale
dont la recherche quelquefois empiète sur les libertés individuelles que la présomption
d’innocence prétend garantir.
Dès lors, deux questions principales semblent se dégager: le principe présumant l’innocence
domine-t-il le problème de l’attribution de la charge de la preuve ? Protège-t-il suffisamment
les libertés individuelles dans sa réalité procédurale et sociétale ?
3
En abordant ces questions, nous tenterons d’abord de présenter la présomption d’innocence
comme la garantie d’un proces équitable (I) avant de la traiter au regard des libertés
individuelles (II)
L’individu poursuivi, qu’il soit délinquant primaire ou récidiviste, et qu’elles que soient les
charges qui pèsent sur lui, doit être considéré comme innocent et traité comme tel jusqu’à
l’établissement de sa culpabilité à l’appui des preuves réunies par le parquet. En cas de doute,
celui-ci profite au prévenu.
C’est au ministère public, agissant au nom de la société, qu’il appartient d’apporter la preuve
en démontrant l’existence de l’infraction, celle du dommage et le lien de causalité entre les
deux.
Le CPP, dans son livre premier (titre 1er, chap.3) charge le ministère public de la mise en
mouvement, de l’exercice et du contrôle de l’action publique. Dans la pratique, il ne fait
aucun doute que si le ministère public est convaincu que les faits reprochés à la personne
poursuivie ne tombent sous le coup d’aucune disposition légale, il se gardera d’engager des
poursuites. Dans le cas contraire, il est tenu de prouver que l’infraction existe bien dans ses
éléments constitutifs (l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral).
Prenant l’initiative des poursuites, le ministère public doit démontrer que celles-ci sont
fondées au regard de telle ou telle incrimination. Ceci découle du principe de la légalité des
peines consacré par les articles 3 et 4 CP. En revanche, le prévenu ne peut invoquer sa
méconnaissance des textes, car il reste entendu aux termes de l’article 2 CP que « Nul ne peut
invoquer pour son excuse l’ignorance de la loi pénale ».S’il appartient à la partie poursuivante
de prouver que l’élément légal n’a pas disparu par exemple par prescription ou amnistie, par
contre c’est au prévenu d’apporter la preuve des faits justificatifs.
4
b) La preuve de l’élément matériel
Outre l’élément légal, l’accusateur doit prouver l’élément matériel constitutif de l’infraction
(aussi bien l’action ou l’omission ou les circonstances aggravantes). Dans le cas où
l’agissement délictueux est une omission….
Toutefois la loi édicte des présomptions favorables à l’accusation. Nous y reviendrons à un
moment plus opportun.
Enfin, pour établir la culpabilité de la personne poursuivie, le ministère public doit, en plus
des éléments légal et matériel, apporter l’existence de l’élément moral à moins d’en être
dispensé par d’autres types de présomptions. Ainsi, s’il s’agit d’une infraction intentionnelle,
l’accusation doit prouver l’intention délictueuse de l’auteur principal, et si elle poursuit un
complice, elle doit prouver en plus de l’intention de l’auteur principal, l’intention personnelle
du complice. S’il s’agit enfin d’une contravention qui ne suppose ni l’intention ni une faute
d’imprudence, le ministère public est tenu simplement de faire la preuve du fait matériel
constitutif de la contravention.
Dans les cas où il ya insuffisance de preuve et ou si les faits invoqués sont infiniment
probables, il y a donc doute. Celui-ci, aux termes de l’al. 2 de l’article 1 er CPP, doit profiter à
l’accusé. Selon une expression idiomatique, « in dubio pro reo ». Ce qui signifie que le
prévenu doit être relaxé ou acquitté au bénéfice du doute. Cette règle est non seulement à
l’égard de magistrats mais aussi de la police judiciaire et des auxiliaires de la justice
répressive. Mais un très léger doute ne saurait faire obstacle aux poursuites.
En somme, il découle de la présomption d’innocence que la partie poursuivante réunisse la
preuve des éléments qui constituent l’infraction comme on vient de le voir. Mais que se passe-
t-il lorsque la vraisemblance de certains faits décharge le ministère public du fardeau de la
preuve ? Il va s’en dire qu’à l’encontre du prévenu, il pèse des présomptions défavorables
autrement dites présomptions de culpabilité.
Dans la pratique, il s’avère parfois inutile d’obliger le ministère public à prouver l’existence
de faits évidents ou l’absence de faits dont l’existence est infiniment peu probable, étant
donné les preuves déjà apportées à l’appui de l’accusation. En outre, il est constant que la
confrontation du principe de la présomption d’innocence à la réalité procédurale et sociétale
conduit à des violations qui sont des atteintes graves aux droits de la personne mise en cause.
5
1) Les présomptions défavorables à la partie poursuivie
Il s’agira d’abord des PV de la police judiciaire, ensuite de la loi 03-03 relative au terrorisme,
enfin de la violation par les médias et responsables politiques de la présomption d’innocence.
Il s’agit d’une force probante particulière destinée à neutraliser non seulement la présomption
d’innocence mais aussi la règle du doute favorable et même l’intime conviction. Sa base
légale est fournie par l’article 290 et suivants CPP. En dépit des conditions exigées pour sa
validité, ce genre de PV apparaît comme la preuve par excellence dans le système pénal
marocain. Ce qui constitue une lacune au système. Non seulement la force probante de ces
PV ne peut céder devant les seules dénégations et explications du prévenu, mais aussi elle
limite considérablement l’intime conviction du juge lequel est sommé de recourir à ces
constations qui ne devraient normalement valoir qu’à titre de simples renseignements.
Ensuite, la lecture analytique de cette loi révèle de graves restrictions des garanties
individuelles et un recule spectaculaire des droits de l’homme. En effet, la définition floue de
l’acte terroriste dans la loi 03-03 susceptible d’engendrer des abus de toutes sortes, le
prolongement de la garde à vue jusqu’à 96 heures et même renouvelable soit 12 jours, les
perquisitions autorisées toute la nuit (au lieu de 6h à 21h comme c’est le cas en droit commun
de procédure pénale), la violation du secret de correspondance, du secret bancaire…
constituent entre autres de graves atteintes au droit de l’inculpé dont la culpabilité n’est pas
d’abord établie légalement et définitivement.
6
c) Violation par les médias et responsables politiques de la présomption
d’innocence
Enfin, dans un contexte sociopolitique très médiatisé, les relations entre l’intérêt légitime du
public à être informé et l’intérêt de la personne soupçonnée d’infraction à la préservation de
sa présomption d’innocence peuvent s’avérer inconciliables avec la discrétion qu’impose une
enquête judiciaire. Très souvent, dans la pratique, la culpabilité est débattue par la presse
donnant l’effet d’une pré-condamnation on d’un procès spectacle. Dans les affaires
importantes, il faut critiquer l’attitude des responsables politiques qui avant tout jugement se
plaisent à spéculer sur la culpabilité du prévenu. En guise d’exemple, il est opportun de
rappeler l’affaire Belliraj, dans le cas de terrorisme qu’a connu le Maroc. Avant même
l’enquête policière, la presse et le ministre de l’intérieur d’alors l’ont présenté publiquement
coupable d’agissement terroriste. En France, Un ancien conseiller de Michèle Alliot-Marie
avait porté plainte contre le ministre de l'Intérieur pour des propos tenus sur RTL, dans
lesquels il lui imputait une violation du secret professionnel, dans le cadre de l'affaire
Béthencourt. La justice lui a donné raison.
Nous nous limiterons, dans notre étude, aux différentes garanties apportée par le CPP quant
aux institutions qui restreignent la liberté individuelle dans le cadre de la procédure pénale à
savoir la garde à vue et la détention préventive. Ces mesures, qui font subir à la personne
soupçonnée ou à l’inculpé l’équivalent d’une peine avant le jugement définitif, nous semble
contraire à la présomption d’innocence.
Il est important, dans un souci de protection des libertés individuelles, de soumettre ces
mesures à une réglementation minutieuse de façon à ce qu’elles ne dégénèrent pas en abus et
à ce que l’intéressé soit protégé au maximum. C’est dans cette voie que s’est engagée le Code
de procédure pénale de 2002.
A) La gare à vue
7
Il s’agit d’une mesure qui permet à la police judiciaire de maintenir à sa
disposition durant un certain délai des personnes qui ne sont pas encore inculpées et qui ne
font pas non plus l’objet d’un mandat de dépôt ou d’arrêt.
En raison des incertitudes qui pesaient sur sa durée et ses modalités d’applications et pour y
mettre fin, tout en donnant satisfaction aux nécessités de l’enquête de police, les rédacteurs du
Code de procédure pénale ont décidé de légaliser la garde à vue et de la soumettre à une
réglementation stricte. Il sera question notamment des mesures qui nécessitent son recours, les
modalités de son exécution ainsi que celle de son contrôle.
Seuls les officiers de polices judiciaires (OPJ) ont qualité pour décider des mesures de la
garde à vue, en ce qui concerne les membres du ministère public et les magistrats, ils ont pour
missions de contrôler la garde à vue et d’autoriser éventuellement sa prolongation. Il serait
inconcevable que le procureur ou le juge d’instruction puisse tout à la fois ordonner la mesure
et se contrôler lui-même par la suite.
En cas de crime ou de délit flagrant, la garde à vue peut concerner indifféremment les
individus présents sur les lieux de l’infraction. Ceci étant, il apparait nécessaire de vérifier
leur identité, de distinguer entre ceux qui peuvent fournir des renseignements sur les faits de
ceux contre lesquels ils existent des indices graves ou concordants de nature à motiver leur
inculpation.
En vertu de l’article 80 du Code de procédure pénale, il est permis aux OPJ de retenir à leur
disposition tous ceux dont l’audition est dictée par la nécessité de l’enquête préliminaire ou de
l’exécution de la commission rogatoire. Cette mesure est difficilement justifiable en ce qui
concerne les témoins. Est-il rationnel et équitable d’employer des moyens coercitifs à
l’encontre d’une personne qui ne fait l’objet d’aucun soupçon ?
Quant aux motifs, les articles 67 et 68 du Code de procédure pénale fond obligation à l’OPJ
de mentionner les raisons de la garde à vue sur un procès verbal d’audition ainsi que sur le
registre spécial et sur le carnet de déclaration. Il en va de même en cas d’enquête préliminaire
et en cas d’exécution d’une commission rogatoire. Ceci nous parait un moyen de
renforcement de la présomption d’innocence.
Cette mesure privative de liberté est d’une durée de 48 heures et peut être prolongée de 24
heures par une autorisation écrite du procureur du Roi. En ce qui concerne les atteintes à la
sureté de l’Etat, la durée est fixée à 96 heures renouvelable une fois. La loi 03-03 relative à la
8
lutte contre le terrorisme a prévu également une période initial de 96 heures susceptible d’être
renouvelé deux fois pour une durée identique.
A la différence des délais de droit commun qui nous semble raisonnables, les délais (de 8 et
12 jours) prévus en matière d’atteinte à la sureté de l’Etat et en matière de terrorisme, nous
paraissent d’autant plus excessifs que la seule garantie, selon la loi, réside dans le contrôle
exercé par le ministère public soumis à la subordination hiérarchique. Pour notre part, il serait
judicieux au regard des droits de l’homme de revoir à la baisse ces délais d’autant plus que la
personne soupçonnée doit être présumée innocente.
L’assistance d’un avocat permet d’étendre les bases du procès équitable dès l’enquête de
flagrance aux termes de l’article 66 alinéa 4 du CPP.
Les conditions posées à ce niveau sont, encore malheureusement, très restrictives : non
seulement il faut l’autorisation du ministère public, mais aussi l’assistance de l’avocat ne peut
intervenir qu’à partir de la prolongation.
B) La détention préventive
A la différence de la garde à vue, la détention préventive ne peut résulter que d’un mandat de
justice, de plus l’atteinte que cette mesure judiciaire porte à la liberté individuelle est
beaucoup plus importante. De façon générale, l’incarcération de l’inculpé est possible pendant
toute la durée de l’instruction préparatoire et même au-delà, tant qu’une décision définitive
sur le fond n’est pas intervenue. C’est dire le problème existant entre la détention préventive
et la présomption d’innocence.
L’article 159 du CPP affirme le caractère exceptionnel de la détention préventive qui ne peut
s’appliquer qu’en matière de crime ou de délit puni d’une peine privative de liberté.
Les garanties qui doivent entourer cette institution au regard de la présomption d’innocence
résident nécessairement dans la limitation de sa durée, dans ses modalités d’exécution et dans
la possibilité de mise en liberté provisoire du prévenu.
Avec les différentes prolongations, les délais peuvent atteindre 3 mois en matière délictuelle
et 12 mois en matière criminelle. Ces délais sont plus réduits que par le passé. De plus les
prolongations successives ne s’opèrent pas façon automatique, le législateur exige, de la part
du juge d’instruction des ordonnances « motivées » sur réquisitions motivées du procureur du
Roi. La revue à la baisse de ces durées est indispensable à une bonne justice.
9
Le respect de la présomption d’innocence, qui est désormais consacrée par l’article premier
du CPP implique que l’inculpé soit soumis a un régime carcéral différent de celui qui est
organisé pour les personnes emprisonnées à la suite d’un jugement de condamnation.
En France comme dans d’autres législations étrangères, l’accent est mis sur les mesures
suivantes :
Faire exécuter la détention préventive dans des centres spéciaux distincts des
établissements pénitentiaires ordinaires ;
Elle peut être décidée à l’initiative du juge d’instruction ou à la demande du ministère public,
de l’inculpé ou de son conseil juridique.
Cette mesure est subordonnée par l’article 178 du CPP à un certain nombre conditions :
Dans le même ordre d’idée, la mise en liberté provisoire d’office peut se combiner
avec de nouveaux substituts à la détention préventive. Selon l’article 178 al 3 du CPP,
la liberté préventive peut être assortie d’un placement sous surveillance judiciaire.
Le ministère public peut requérir à la liberté provisoire à tous moment. Dans ce cas, le juge
d’instruction doit statuer dans un délai de 5 jours à compter de la date de ces réquisitions. Le
cas le plus fréquent est celui de l’inculpé et de son conseil qui peuvent demander à tous
moment au juge d’instruction la mise en liberté provisoire.
10
En définitive, le procès qui se veut équitable passe nécessairement par des
garanties fondamentales dont la présomption d’innocence laquelle demeure un gage certain
des libertés individuelles et des droit des l’homme. Son mérite est de considérer la personne
mise en cause innocente tant qu’une juridiction pénale n’en a pas décidé autrement en
attribuant la charge de la preuve principalement au Ministère public. Cependant, sa
confrontation à la pratique n’est pas sans dérives. Ce qui justifie de nos jours son
renforcement.
Par ailleurs, le droit marocain, par son code de procédure pénale de 2002 s’est mis au
diapason des pays attachés aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus.
Toutefois, il lui reste des sacrifices à consentir pour parachever cet effort. La revisite des
restrictions des droits de l’inculpé en cas d’infractions terroristes ou flagrantes viendrait à
point nommé.
En fin, le droit français nous parait encore plus enviable avec l’adoption le 15 juillet 2000 de
la loi relative au renforcement de la présomption d’innocence. Une telle initiative devrait
inspirer le législateur marocain dans son souci de garantir un procès équitable au regard des
droits de l’homme.
Bibliographie :
11