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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques


Département de droit privé

Professeur Y. Bodian
FSJP – UCAD

À L’USAGE DE LA LICENCE 2
2022
Sommaire (de la première partie)

Introduction

1ère PARTIE : LE CADRE GÉNÉRAL DE LA PROCÉDURE PÉNALE

CHAPITRE 1 : OBJET ET PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE PÉNALE

SECTION 1 : L’OBJET DE LA PROCÉDURE PÉNALE

SECTION 2 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE PÉNALE

CHAPITRE 2 : LES ORGANES DE LA PROCÉDURE PÉNALE

SECTION 1 : LES ORGANES DE POLICE

SECTION 2 : LES ORGANES DE JUSTICE


1ère Partie : LE CADRE GÉNÉRAL DE LA PROCÉDURE PÉNALE

- Existence de principes directeurs de la procédure pénale


- Encadrement de la procédure pour l’atteinte d’un objet précis
- Existence d’organes chargés de la mise en œuvre de la procédure pénale

CHAPITRE 1 : OBJET ET PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE PÉNALE

SECTION 1 : L’OBJET DE LA PROCÉDURE PÉNALE

- L’objet principal c’est l’action publique (Parag.1).


- L’objet accessoire c’est l’action civile pour la réparation du dommage causé par
l’infraction (Parag.2).

PARAGRAPHE 1 : L’OBJET PRINCIPAL : L’ACTION PUBLIQUE

L’action publique : « action pour l’application des peines »1 = article premier du Code
de procédure pénale.

- Nécessité de conditions pour le déclenchement de l’action publique.

- Conditions positives : les faits doivent être constitutifs d’une infraction 2. Ainsi,
l’action publique n’existe que si une infraction pénale a été commise : vol,
meurtre abus de confiance etc. Lorsque les faits ne supportent aucune
qualification pénale (faute civile par exemple) l’action publique n’existe pas3.

- Conditions négatives : absence d’obstacles à l’existence de l’action publique.

Ces conditions apparaissent dans le déclenchement de l’action publique.

1 Cf. art. 1er CPP.


2 Cette condition relative à l’infraction est étudiée dans le cadre du cours de droit pénal

général.
3Lorsque les faits ne constituent pas une infraction, l’Officier de police judiciaire ou le
procureur de la République doit classer le dossier sans suite. Le juge d’instruction saisi doit
rendre une ordonnance de non informer et la juridiction de jugement doit rendre une
décision de relaxe pure et simple.
I- LE DÉCLENCHEMENT DE L’ACTION PUBLIQUE

- Fondement juridique : Article 1er CPP : L’action publique pour l’application


des peines est mise en mouvement (…) par les magistrats ou les fonctionnaires
auxquels elle est confiée par la loi.

A- Le déclenchement de l’action publique par le ministère public

- Quels sont les mécanismes par lesquels l’action publique est mise en
mouvement par le ministère public ?
- La loi prévoit ainsi la citation directe, la comparution immédiate et la réquisition
introductive d’instance.

a) La citation directe

- C’est la possibilité donnée aux parties de saisir directement les juridictions


pénales de jugement en citant l'auteur supposé de l'infraction à comparaître
devant ladite juridiction de jugement. En cela elle constitue un mode de
déclenchement de l’action publique.

- Elle est utilisée lorsque l’infraction dont la répression est poursuivie n’exige pas
une information préalable (ex : les contraventions ou les délits pour le jugement
desquels l’ouverture d’une information n’est pas jugée nécessaire).

b) Le réquisitoire introductif

- C’est la procédure par laquelle, le procureur de la République, par la délivrance


d’un réquisitoire introductif, demande au juge d’instruction de mener une
enquête sur des faits qu’il considère comme une violation de la loi pénale 4.

- Le réquisitoire est dit « introductif5 » dès lors qu’il permet de saisir le juge
d’instruction et, en même temps, de déclencher l’action publique,
d’« introduire » ou d’engager les poursuites.

- Il peut être délivré soit contre une ou des personnes dénommées (réquisitoire
nominatif)6 soit contre un inconnu que le juge d’instruction devra identifier.

4
Le procès-verbal d’enquête, ou tout autre document pouvant justifier l’ouverture de
l’information, est généralement annexé au réquisitoire introductif.
5 Réquisitoire introductif d’instance.
6
MICHAUD, « La portée du réquisitoire nominatif », RSC, 1972, p. 180.
- Il doit obligatoirement qualifier les faits et viser les textes de loi applicables ce
d’autant qu’il fixe la saisine du juge d’instruction.

- Le procureur de la République peut étendre la saisine du juge d’instruction en


lui délivrant un réquisitoire supplétif. La délivrance du réquisitoire supplétif
n’est pas nécessaire lorsqu’il s’agit de poursuivre des personnes non visées dans
le réquisitoire, dès lors qu’elles sont poursuivies pour les faits ayant donné lieu
à celui-ci7.

c) La procédure de flagrant délit

- Permet la comparution rapide de la personne poursuivie devant la juridiction de


jugement ; elle est règlementée pour l’essentiel par les articles 63 et 381 à 385
du code de procédure pénale8.

✓ Procédure utilisable dans deux cas :


en cas de délit flagrant lorsque le fait est puni d’une peine d’emprisonnement
ou ;

lorsqu’il existe contre une personne des indices graves et


concordants de nature à motiver son inculpation pour une
infraction correctionnelle et lorsque cette personne reconnaît
devant le procureur de la république avoir commis les faits
constitutifs du délit considéré.

Le président du tribunal doit avertir le prévenu de son droit de demander un


délai pour préparer sa défense 9.

B- Le déclenchement de l’action publique par d’autres personnes

✓ Certaines personnes sont habilitées par la loi à mettre en mouvement


l’action publique. Il en est ainsi des victimes d’infractions pénales et de
certains fonctionnaires des administrations.

✓ La victime d’une infraction pénale dispose, en plus de la citation directe, de


la plainte avec constitution de partie civile comme moyens de déclencher
l’action publique.

7
D’ailleurs dans cette hypothèse, il ne s’agit pas d’une extension de la saisine du juge
d’instruction.
8
DE NAUW, « La décision de poursuivre ; instruments et mesures », RSC, 1976-1977,
p. 449. 44 R. LEVY, « Recherche sur le flagrant délit », RSC, 1985, p. 410.
9
Article 384, al. 3 du Code de procédure pénale. Il résulte de l’alinéa 2 du même texte
que lorsque le prévenu use de cette faculté, le délai qui lui est accordé ne pourra être
inférieur à trois jours.
✓ La plainte avec constitution de partie civile est un mode spécifique à la
victime. Elle a été admise, pour la première, par la jurisprudence dans
l’affaire Placet10.

II- L’EXERCICE DE L’ACTION PUBLIQUE

✓ Il faut distinguer « mise en mouvement » et « exercice » de l’action publique.

✓ Le Ministère public doit prendre une décision sur la suite à donner à l’affaire. Il
a le choix entre l’abandon des poursuites et l’engagement des poursuites.

A- La décision sur les poursuites

L’abandon des poursuites peut intervenir soit dans le cadre d’un classement sans suite
soit après une médiation pénale.

a) Le classement sans suite

✓ L’article 32 du Code de procédure pénale dispose notamment que le Procureur


de la République peut décider de classer l’affaire sans suite 11 ; dans ce cas il doit
aviser la victime éventuelle.

✓ Ce pouvoir est une manifestation de la règle de l’opportunité des poursuites qui


permet au Procureur de la République d’apprécier librement la suite à donner
aux plaintes dénonciations et autres enquêtes 12.

✓ Limites à l’opportunité des poursuites prévues par la loi.

✓ Nécessité d’une plainte préalable de la victime pour la poursuite de certaines


infractions (adultère, diffamation contre un particulier, vol entre ascendants et
descendants).

✓ Nécessité d’une mise en demeure préalable dans certains cas ( cas du délit
d’abandon de famille (abandon de foyer) prévu par l’article 350 1 e et 2e du Code
pénal dont se rend coupable le père ou la mère de famille ou le conjoint qui

10
Crim., 8 décembre 1906 Placet, dit Laurent-Atthalin, du nom du conseiller rapporteur de
la Cour de cassation dans cette affaire. Voir également : A. DONNIER, Les effets d’une
constitution de partie civile jugée irrecevable », note sous Cass. Crim. 18 juin 2014, (deux
arrêts) JCP 2014, Actualités, n°783, p.1337.
11
Aandré VITU, « Le classement sans suite », RSC, 1947, p. 505 et s. GLESENER, « Le
classement sans suite et l’opportunité des poursuites », RSC, 1972-1973, p. 353.
12
Jean-Jacques THOUROUDE, « Vers un déclin du principe de l’opportunité des poursuites
», Gaz. Pal, 1981, 2, doctr. 495.
abandonne sans motif grave, pendant plus de deux mois, la résidence familiale
; la poursuite n’est possible que quinze jours après une interpellation du
délinquant par un officier de police judiciaire ou un huissier).

✓ Enfin, dans certains cas exceptionnels, la décision de poursuivre peut se trouver


paralysée par l’existence d’une question préjudicielle à l’action. Il s’agit de
questions de nature essentiellement civile, qui ne peuvent être tranchées que
par une juridiction civile ou commerciale. La doctrine reconnait une question
préjudicielle à l’action dans l’article 348 du Code pénal. Selon ce texte lorsqu'une
mineure enlevée ou détournée aura épousé son ravisseur, celui-ci ne pourra être
poursuivi que sur la plainte des personnes qui ont qualité pour demander
l'annulation du mariage et ne pourra être condamné qu'après que cette
annulation aura été prononcée.

b) La médiation pénale (32 du code de procédure pénale)

✓ Objet de la médiation pénale : assurer la réparation du dommage causé à la


victime, mettre fin au trouble résultant de l’infraction et contribuer au
reclassement de l’auteur.
✓ Initiateur de la médiation pénale: Le Procureur de la République,
préalablement à la décision sur l’action publique, et avec l’accord des parties. En
cas d’échec de la médiation pénale, le Procureur de la République apprécie alors
l’opportunité d’engager les poursuites pour l’application des sanctions pénales.
Les informations recueillies dans le cadre de la médiation pénale ne peuvent
cependant être utilisées contre l’une ou l’autre partie.

B- L’absence de causes d’extinction de l’action publique

✓ La prescription : l’action publique doit être mise en mouvement dans un certain


délai, à défaut elle est prescrite. La prescription dont il s’agit ici est la prescription
de l’action publique13 qu’il faut distinguer de la prescription de la peine.

✓ Justification de la prescription : elle se justifie d’une part par le fait


qu’au bout d’un certain temps il est préférable d’oublier l’infraction
dans un intérêt de paix et de tranquillité publique. D’autre part, avec
le temps les preuves s’effacent et l’œuvre de justice se fait moins sûre.

✓ Délai de prescription : il est de :


o 10 ans en matière de crime ;

13
André VARINARD, La prescription de l’action publique (sa nature juridique, droit matériel,
droit formel), Thèse, Lyon, 1973.
o 3 ans en matière de délits, sauf si la loi en décide autrement. Il
existe en effet des délits pour lesquels le délai de prescription
est fixé à 7 ans. Il en est ainsi pour les infractions prévues aux
articles 152 et 153 du Code pénal14 et par la loi n° 2018-02 du
23 février 2018 relative à la répression du faux monnayage et
des autres atteintes aux signes monétaires15 ;
o 1 an dans le cas d’une contravention.

✓ Le décès du prévenu. Le principe de la personnalité des peines interdit de


poursuivre des délinquants par personnes interposées. On ne peut pas
poursuivre les héritiers en cas de décès du délinquant. Mais, cette règle ne
constitue pas un obstacle à la poursuite des co-auteurs et des complices.

✓ L’amnistie. Lorsqu’elle intervient avant le jugement, elle constitue une cause


d’extinction de l’action publique. Lorsqu’elle intervient après le jugement elle
constitue une cause d’extinction de la peine.

✓ L’abrogation de la loi pénale. Elle enlève au fait son caractère délictueux et


entraine la disparition de l’élément légal. L’action publique est donc éteinte
lorsque la loi pénale qui prévoyait un acte est abrogée avant l’exercice des
poursuites.

✓ L’autorité de la chose jugée. Lorsqu’une décision est intervenue sur l’action


publique celle-ci s’éteint et il n’est plus possible d’exercer à nouveau des
poursuites contre le délinquant en raison des mêmes faits, même si on adopte
une qualification différente.

✓ La transaction. Elle consiste à proposer au délinquant l’abandon des poursuites


moyennant la reconnaissance de l’infraction et le versement d’une somme
d’argent fixée par l’autorité des poursuites. Lorsque la loi accorde dans certains
cas à certaines administrations le pouvoir de transiger, la transaction éteint
l’action publique si intervient avant le jugement30.

✓ Le retrait de la plainte. En principe, le retrait de la plainte est sans influence sur


la mise en mouvement de l’action publique. C'est-à-dire que le retrait de la
plainte et sans influence sur le cours de l’action publique. Toutefois par
dérogation à cette règle le retrait de la plainte éteint l’action publique dans les
cas où la plainte est une condition d’exercice des poursuites (cas d’immunité
familiale (article 365 CP), de diffamation contre un particulier et d’adultère).

14
Il s’agit des cas de détournements, de soustractions et d’escroqueries portant sur les
deniers publics.
15 JO n° 7095 du 14 mai 2018 ; voir article 25 de cette loi.
PARAGRAPHE 2 - L’OBJET ACCESSOIRE : L’ACTION CIVILE

Dans la procédure pénale, l’action civile est celle ouverte aux particuliers victimes
d’infractions. L’existence de cette action (A) doit être bien comprise pour mieux en
appréhender les modalités d’exercice (B).

A- L’existence de l’action civile

Article 2 du Code de procédure pénale (CPP) : « L’action civile en réparation du


dommage causé par l’infraction appartient à tous ceux qui ont personnellement
souffert du dommage causé par l’infraction ».

L’action civile a ainsi pour objet exclusif la réparation du dommage causé par
l’infraction16.

La jurisprudence rappelle souvent que « l’exercice de l’action civile devant la juridiction


pénale est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement
renfermé dans les limites fixées par la loi » 17.

Il faut distinguer l’action des personnes physiques (a) de celle des groupements (b).

a) L’action des personnes physiques

✓ Pour les personnes physiques : le préjudice personnel est celui subi par la
victime dans son intégrité physique, dans son patrimoine ou dans son honneur
(ex : la victime d’un vol peut se constituer partie civile parce qu’elle a subi une
atteinte dans son patrimoine).

✓ Nature et caractères du préjudicie réparable : le préjudice subi doit être


direct (= il doit y avoir une relation de cause à effet entre l’infraction survenue
et le dommage invoqué). Le préjudice doit provenir directement de la
commission de l’infraction. Le préjudice doit-il être personnel ? Qu’en est-il
de l’action civile des héritiers de la victime ? Il faut, pour répondre à cette
question, distinguer suivant que la victime est décédée immédiatement des
suites de l’infraction ou après la commission de l’infraction. // Victime décédée
des suites directes de l’infraction, les héritiers peuvent se prévaloir d’un

16
Fernand BOULAN, « Le double visage de l’action civile exercée devant la juridiction
répressive », JCP, 1973, I, 2563 ; Joseph GRANIER, « Quelques réflexions sur l’action civile
», JCP 1957, I, 1386 ; J. VIDAL, « Observations sur la nature juridique de l’action civile »,
RSC, 1963, p. 481 et s.
17
Crim. 25 février 1897, S. 1898.1. 201, J.-A. ROUX, 11 décembre 1969, D. 1970, 156.
préjudice personnel18. Dans ce cas, ces héritiers sont titulaires d’une action qui
leur est propre. // Victime décédée après l’infraction et que celle-ci n’est pas
la cause directe du décès, les héritiers n’ont pas d’action propre, ils ne peuvent
exercer que l’action appartenant à la victime en vertu du mécanisme de la
succession19.

Dans cette hypothèse, la question s’est posée de savoir si les héritiers peuvent, en cette
qualité, mettre en mouvement l’action publique. Les solutions admises conduisent à
faire les distinctions suivantes :
✓ La victime décédée a déjà exercé l’action civile avant son décès en cours
d’instance ; dans ce cas, les héritiers peuvent continuer l’action déjà entamée
pour obtenir réparation du préjudice causé à la victime.
✓ La victime est décédée sans avoir exercé l’action civile et l’action publique n’a
pas été mise en mouvement par le parquet, la jurisprudence décide que
« l’action publique n’ayant été mise en mouvement ni par le ministère public ni
par la victime, seule la voie civile est ouverte à l’hériter »20. Cependant, si l’action
publique a été déclenchée par le ministère public21 ; l’action civile des héritiers
est recevable à la condition que la victime n’ait pas renoncé à l’action civile.

Le droit des groupements de se prévaloir de l’action civile devant les juridictions


pénales est encore plus encadré.

b) L’action des groupements

✓ Une action civile difficilement admise : de nombreuses réserves à l’admission de


cette action.
✓ Un action admise par la jurisprudence 22 sous certaines conditions :
o La nécessité de défendre un intérêt personnel au groupement (renvoi à
l’article 2 CPP : exemple d’un vol subi par le groupement qui doit
nécessairement jouir de la personnalité morale : syndicat, association,
société commerciale, etc.)) ;

18
La nature du préjudice peut cependant susciter des discussions.
19
En vertu de l’article 407 du Code de la famille, les héritiers légitimes naturels et le
conjoint survivant sont saisis de plein droit des actions du défunt sous l’obligation
d’acquitter toutes les charges de la succession. La Cour de cassation française, Assemblée
plénière, arrêt n° 566 du 9 mai 2008 a ainsi décidé que « toute personne victime d’un
dommage, quelle qu’en soit la nature, a droit d’en obtenir réparation de celui qui l’a causé
par sa faute ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès,
étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers ».
20
Cass. Ass. Plén. 9 mai 2008, n°06-85.751, D. 2008, AJ. 1415,note Léna ; AJ pénal 2008,
366, Obs. Claire Saas.
21
Directement ou au vu de la constitution de partie civile.
22 Jean Larguier, L’action publique menacée (à propos de l’action civile des associations

devant les juridictions répressives), D. 1958, Chron. p. 29.


o Possibilité d’agir en justice pour défendre un intérêt collectif que le
groupement a pour mission de protéger : le groupement doit justifier
d’un titre juridique, d’une habilitation du législateur. Le législateur utilise
cette méthode de l’habilitation ponctuelle.

B- L’exercice de l’action civile

✓ L’action civile étant accessoire, la victime a un droit d’option pour choisir entre
exercer son action devant le juge civil ou devant le juge pénal (droit d’option
prévu par l’article 4 CPP
✓ Cette option est exclue dans certains cas : infractions en matière de presse.

En dehors de ces situations exceptionnelles, la partie civile peut exercer son action
devant la juridiction répressive (a) ou l’exercer devant la juridiction civile (b).

a) L’exercice de l’action civile devant la juridiction pénale

✓ Cette option a des avantages pour la victime :


o elle est plus pratique et moins coûteuse (possibilité de profiter des
preuves produites pendant l’enquête de police et l’instruction
o elle procure à la victime une place dans le procès pénal et de contrôler
son déroulement ; ce qui lui permet de connaître les causes du délit…

Le choix de la voie répressive procure ainsi des facilités de preuve. La victime profite
des pouvoirs d’investigations du magistrat instructeur qui a de larges prérogatives de
recherche des éléments de preuve de nature à prouver la matérialité des faits reprochés
à l’inculpé.

b) L’exercice de l’action civile devant la juridiction civile

✓ Choix qui emporte un certain nombre d’incidences sur le déroulement de la


procédure : l’option faite par la victime de porter son action devant la juridiction
civile est définitive et irrévocable : « electa una, via non datur recursus ad
alteram », d’où le nom donné à cette règle : la règle electa une via23.

23
Le changement laisserait penser que la victime est brusquement prise d’un sentiment
de défiance à l’égard de la juridiction qu’elle-même avait saisie, défiance qui lui viendrait
de ce qu’elle paraît craindre que cette juridiction ne lui donne pas une suffisante
satisfaction ; or il ne faut pas que son adversaire ait à pâtir des erreurs d’orientation qu’elle
a faites. L’on justifie également l’interdiction de renoncer à la voie civile pour la voie pénale
par une sorte d’humanisme manifestée à l’égard de la personne poursuivie. V. Ch.
FREYRIA, « L’application en jurisprudence de la règle electa una via », RSC, 1951, p. 213.
✓ Article 5 du Code de procédure pénale : la partie qui a exercé son action
devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction
répressive. Il n’en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public
avant que le jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile. Mais, il
résulte de ce texte que seul le choix de la voie civile est irrévocable ; ce qui veut
dire que celle de la voie pénale est révocable.

✓ Prééminence de l’action publique sur l’action civile. Cette prééminence


s’exprime à travers deux règles : la règle selon laquelle le criminel tient le civil
en l’état et l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

• En vertu de la règle « le criminel tient le civil en l’état », la victime


d'une infraction pénale peut choisir d'engager son action en
réparation devant le juge civil (article 4, al. 1 CPP)24. Toutefois, lorsque
le juge civil est saisi d'une action en réparation du dommage causé
par une infraction pénale alors qu'une action publique, relative à cette
infraction, est engagée devant une juridiction pénale (article 4, al.2
CPP), il est tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision
définitive du juge répressif.

• Le principe de l’autorité de la chose jugée du pénal sur le civil


signifie que lorsque la juridiction civile statue après la juridiction
répressive, elle ne jouit pas d’une liberté d’appréciation et de décision.
La juridiction civile est en effet liée par ce qui a été jugé au pénal. Par
exemple, lorsque le prévenu a été déclaré coupable d’occupation
illégale d’un terrain appartenant à autrui (article 423 du CP) devant le
juge pénal, le tribunal civil saisi d’une action en expulsion contre le
prévenu sera tenu d’ordonner son expulsion.

SECTION 2 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Les principes directeurs consacrés dans la procédure pénale sont nombreux et tendent,
tous, à la protection de l’individu. Ils s’expriment, de manière plus visible, à travers
plusieurs principes que sont notamment :
- la présomption d’innocence ;
- la liberté de la preuve ;
- les droits de la défense.

Il convient dès lors de voir le contenu des principes directeurs de la procédure pénale
en étudiant ceux protecteurs des droits de la défense (paragraphe 1) et ceux relatifs à
la présomption d’innocence et de la liberté de la preuve (paragraphe 2).

24
Sauf dans certains cas particuliers.
Paragraphe I : Les principes protecteurs des droits de la défense

Historiquement, les droits de la défense sont considérés comme liés à la matière


pénale. Ils ont ainsi pu être définis comme : « l’ensemble des droits reconnus à la
personne inculpée en vue de lui permettre de préparer et de présenter sa défense... »
25. L’importance de ces droits dans le déroulement du procès pénal a conduit à les

ériger en droits fondamentaux, inhérents à la personne humaine. La constitution


dispose que « La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés
de la procédure ».

Les droits de la défense comportent plusieurs dimensions. 26 Il est cependant possible


d’y voir deux volets complémentaires que sont le contradictoire27 (A) et le droit à
l’assistance d’un avocat (B).

A- Le principe du contradictoire

Le principe du contradictoire, encore appelé principe du respect de la contradiction,


s'applique à tous les états de la procédure en général28 et de la procédure pénale en
particulier. C’est en vertu de ce principe que la personne poursuivie doit être informée
de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle. C’est également en vertu
de ce principe que chaque partie doit pouvoir connaitre et discuter les observations ou
preuves produites devant le juge et qui serviront à la solution du litige. Il résulte ainsi
de l’article 414, al. 2 du Code de procédure pénale que « Le juge ne peut fonder sa
décision que sur des preuves qui lui ont été apportées au cours des débats et discutées
devant lui ».

Le principe du contradictoire ne trouve à s'appliquer que principalement au cours des


phases d'instruction et de jugement.

Il implique que les parties soient mises en mesure de discuter les différents éléments
du dossier. Autrement dit, il consiste à imposer un débat entre les parties avant la
décision du juge.

25
Notamment par le Vocabulaire juridique d’Henri Capitant de 1930.
26
V. G. TAUPICA-NOUVEL et A. BOTTON, « La réforme du droit à l’information en procédure
pénale », JCP 2014, doctr. p.1351 et s.
27
Il faut cependant remarquer que l’appartenance du principe du contradictoire aux droits
de la défense admise de manière unanime. Pour autant, cette incertitude n’a pas de
véritable incidence sur le contenu du principe du contradictoire et il est possible de le
présenter comme faisant partie des droits de la défense à l’image de beaucoup de décisions
de la Cour européenne des droits de l’homme.
28
L’on retrouve ce principe dans les presque toutes les procédures : civile, sociale,
administrative.
Le principe du contradictoire est intimement lié à l'équilibre des droits des parties. Un
débat contradictoire ne peut avoir de sens que si toutes les parties ont pris
connaissance des mêmes éléments.

B- Le droit à l’assistance d’un avocat

Le droit à l’assistance d’un avocat est une dimension fondamentale des droits de la
défense. Il est ainsi consacré par la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples qui stipule en son article 7, 1. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue. Ce droit comprend: (…) c) le droit à la défense, y compris celui de se faire
assister par un défenseur de son choix ». L’article 9 de la Constitution y renvoie lorsqu’il
dispose que la défense est un droit absolu.

Au plan communautaire, le droit à l’assistance d’un conseil est prévu par le Règlement
UEMOA. Aux termes de l’article 5 de ce texte, « Les avocats assistent leurs clients dès
leur interpellation, durant l’enquête préliminaire, dans les locaux de la police, de la
gendarmerie ou devant le parquet (…). Les avocats assistent et défendent leurs clients
dès leur première comparution devant e juge d’instruction ».

L’interprétation de ce texte a conduit certains auteurs à considérer la présence de


l’avocat comme obligatoire dès l’interpellation29. Le législateur a apporté une réponse
à cette question en précisant, dans le Code de procédure pénale, les modalités
d’assistance de l’avocat dès l’enquête de police.

En effet la loi n°2016-30 du 08 novembre 2016 modifiant la loi n° 65-61 du 21 juillet


1965 portant Code de procédure pénale30, a réglementé la présence de l’avocat dès
l’interpellation. L’article 55 du Code de procédure issu de cette réforme dispose ainsi
que « L’officier de police judiciaire informe la personne interpellée de son droit de
constituer conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage. Mention de
cette formalité est faite obligatoirement sur le procès-verbal d’audition à peine de
nullité ».

La consécration du droit à l’assistance d’un conseil se justifie amplement par le souci


de consacrer l’égalité des armes entre les parties. Ces exigences permettent aujourd’hui
d’exercer un contrôle sur le caractère équitable du procès. 31 La consécration d’une
présomption d’innocence s’inscrit dans cette dynamique.

29
Nous avons émis un avis plus relativisé, dans un article cosigné avec le Professeur Papa
T. FALL, notamment au sujet de l’applicabilité de l’article 5 du Règlement UEMOA.
30
JO n°6976 du 26 novembre 2016.
31
Le droit à l’égalité des armes n’est pas expressément invoqué en jurisprudence dans nos
juridictions. Mais il peut être envisagé dans l’exigence du procès équitable ou le respect
des droits de la défense. C’est en ce sens qu’en France, la chambre criminelle de la cour
de cassation a pu se fonder sur la violation du principe de l’égalité des armes en matière
de détention provisoire, pour censurer une chambre d’accusation qui avait entendu une
partie sans ordonner la comparution de toutes les parties : Crim. 18 décembre 1996 : Bull.
Paragraphe II : Les principes garantissant une bonne administration de la justice
pénale

A- Le principe de la présomption d’innocence

Dans la mise en œuvre des règles de procédure pénale, il est requis que la personne
poursuivie bénéficie du principe de la présomption d’innocence. Ce principe
fondamental n’est pourtant pas expressément consacré par le Code de procédure
pénale32.

La présomption d'innocence est un principe en vertu duquel, en matière pénale, toute


personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés
tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente. Inscrite dans
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 33 et ayant à ce titre valeur
constitutionnelle, cette présomption a notamment pour effet de faire bénéficier à la
personne concernée, le doute qui existerait sur sa culpabilité. Ainsi, à défaut de charges
suffisantes, le juge doit prononcer la relaxe. C’est tout le sens de l'adage in dubio pro
reo, qui trouve une application dans la phase de jugement.

La mise en œuvre de la présomption d’innocence entraine des effets sur la charge de


la preuve en matière pénale. Ainsi, la personne poursuivie bénéficiant d’une
présomption d’innocence, il apparaît au ministère public, qui soutient l’accusation, de
rapporter la preuve des faits et de la culpabilité de la personne à laquelle ils sont
imputés.

Le respect de la présomption d’innocence connaît néanmoins certaines exceptions, qui


concernent la caractérisation de quelques rares infractions. Par exemple, l’individu qui
ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une
personne se livrant habituellement à la prostitution est réputé commettre le délit de
proxénétisme34. Il en est de même, de manière plus controversée cette fois, pour la
caractérisation du délit d’enrichissement illicite prévu par la loi n°81-51.

n° 476. Mais, dans cette situation, l’on peut s’appuyer sur le principe du contradictoire
pour arriver au même résultat.
32
Le principe est néanmoins suffisamment consacré dans des instruments de droit
international ayant une valeur constitutionnelle au Sénégal. Il en est ainsi de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen (art. 9) ; de la Déclaration universelle des droits de
l'homme (art. 11) ou de Charte africaine des droits de l'homme de l’Homme et des Peuples
(art. 6, § 2).
33
L’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme que « Tout
homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé
indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa
personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».
34
D’autres exceptions peuvent être recherchées notamment dans le code des douanes.
B- La liberté et la loyauté35 de la preuve en matière pénale

La preuve se définit, d’une manière générale, comme la démonstration de l'existence


d'un fait dans les formes admises par la loi. Dans le cadre du procès pénal, la preuve
doit permettre de démontrer non seulement l’existence des faits et leur imputation à
une personne, mais aussi, et souvent, l’intention que cette personne avait de
commettre un tel fait. La réunion de ces éléments ne semble pas compatible avec le
système de la preuve légale en ce que l’efficacité de la répression en serait limitée.

La preuve revêt dans le procès pénal une importance qu'elle n'a dans aucune autre
matière. D'abord, parce qu'elle touche aux garanties des personnes, notamment à la
présomption d'innocence à laquelle elle peut porter atteinte, comme elle concerne
directement l'ordre public. Ensuite, parce que toutes les règles de procédure pénale
n'ont, en définitive, d'autre finalité que la recherche et l'administration de la preuve.

L’admissibilité de la preuve en matière pénale obéit également à une logique différente


des règles admises en droit civil.

En matière pénale le législateur a consacré le principe de la liberté de la preuve. Il


résulte en effet de l’article 414 du Code de procédure pénale que « les infractions
peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime
conviction ».

Cette spécificité découle, notamment, des modes de rassemblement des preuves.

La recherche et l’admissibilité de la preuve pénale sont ainsi régies par le principe de


la liberté qui signifie que les parties au procès peuvent user de tous les moyens de
preuves, sous la seule réserve qu’elle soit obtenue loyalement.

La liberté de la preuve comporte deux dimensions. Elle signifie que les preuves pénales
peuvent être apportées par tous moyens. Il s’agit d’une liberté dans l’admissibilité des
modes de preuve. C’est ainsi que les autorités de poursuite sont habilitées à procéder
à des enquêtes, à des constats, à des perquisitions et saisies, aux écoutes téléphoniques
ou interrogatoires, dans les limites fixées par la loi.

Mais le principe de la liberté de la preuve signifie aussi la liberté́, pour le juge,


d'admettre ou de refuser une preuve 36. Le juge pénal peut s’appuyer sur les

35
Sophie Diagne NDIR, « La loyauté de la preuve en matière pénale », Annales Africaines,
Nouvelle Série, Vol. 1-avril 2019, pp. 1-36.
36
L’on peut ainsi considérer que c’est corrélativement et logiquement, que la liberté́ admise
dans la phase préparatoire à la poursuite et la poursuite elle-même se retrouve en aval de
ces deux phases.
constatations matérielles, les témoignages ou indices 37 pour fonder son intime
conviction. Il n’est en principe pas tenu par une force probante attachée à un mode de
preuve quelconque.

La liberté de la preuve se trouve cependant encadrée, notamment par la prise en


compte des exigences de loyauté. Ainsi, si les parties sont libres d’user des modes de
preuves dont elles disposent pour soutenir leurs prétentions, c’est dans la mesure où
ces preuves ont été obtenues de manière loyale.

La loyauté de la preuve est souvent assimilée à la conformité des éléments produits


à la loi. Ce principe signifie que les preuves ne doivent pas être obtenues à partir de
procédés contraires à la réglementation ou ayant pour conséquence de vicier la
recherche de la vérité. C’est ainsi que demeurent contraires à la loyauté, les procédés
mis en œuvre à l’insu ou contre le gré de la personne concernée, qui tendent soit à
provoquer l’infraction, dont on recherche à établir la preuve, soit à éluder les
protections prévues par la loi pour la réunion des preuves.

CHAPITRE 2 : LES ORGANES DE LA PROCÉDURE PÉNALE

De manière chronologique, les organes de police (Section 1) semblent les plus visibles.
Au fur et à mesure que la procédure se déroule, d’autres organes vont intervenir ;
organes du ministère public ou organes d’instruction qui sont des organes de justice
(Section 2).

SECTION 1 : LES ORGANES DE POLICE

En matière pénale, l’auteur de l’infraction n’est pas toujours connu. Or, s’il est possible
de déclencher des poursuites contre une personne non dénommée (c’est-à-dire contre
X), le jugement ne peut être rendu que contre une personne identifiée.

Dès lors, le rôle confié aux organes de police est déterminant. Ces organes sont souvent
chargés, avant l’ouverture du procès pénal, de constater les infractions, de rechercher
les auteurs et de les déférer devant la justice. Le travail ainsi effectué permet aux
organes de justice (juge d’instruction, juge de jugement) d’ instruire les affaires et de
trancher les litiges.

Les organes de police renvoient surtout à la police judiciaire.

Mais, il y a des corps de fonctionnaires qui se voient chargés d’exercer, à titre


occasionnel, des missions de police judiciaire. Ces agents peuvent constater des
infractions commises au préjudice de leur administration ; ils ont une compétence

37
Il peut également s’appuyer sur des « SMS » ou des courriers électroniques.
limitée par la nature de l’infraction commise. Par exemple, selon l’article 230 du code
des douanes, en matière douanière, les infractions sont constatées, à titre principal par
les fonctionnaires de l’administration des douanes tels que les inspecteurs, les officiers
contrôleurs et sous-officiers. La loi n° 93- 06 du 04 février 1996 portant Code forestier
donne également aux agents forestiers le pouvoir de constater les infractions en
matière forestière.

Mais, dans le cadre de ce cours, nous intéresserons essentiellement à la police


judiciaire, en étudiant d’une part le corps de la police judiciaire (Paragraphe I) avant
d’analyser d’autre part le contrôle de la police judiciaire (Paragraphe II).

Paragraphe I : L’organisation de la police judiciaire

Sur le plan juridique, le mot police peut avoir deux sens.

D’un point de vue organique, la police désigne l’ensemble des fonctionnaires chargés
de maintenir l’ordre public et de constater les infractions. On parle des fonctionnaires
de police.

Dans un sens fonctionnel, la police désigne l’ensemble des actes accomplis dans le
cadre de l’exécution des lois et des règlements et de la sanction de la violation de ces
règles. De ce point de vue, il convient de distinguer la police administrative de la police
judiciaire.

La police administrative est constituée de l’ensemble des mesures de protection des


personnes et des biens ayant pour objet de garantir la sécurité publique, la tranquillité
publique et l’ordre public. Cette police est essentiellement préventive dès lors qu’elle
est destinée à éviter la commission d’infractions pénales.

La police judiciaire a pour objet la constatation des infractions, la recherche et


l’arrestation de leurs auteurs 38. Cette police judiciaire est pour l’essentiel une police
répressive qui suppose la commission d’infractions.

Le personnel de la police judiciaire se compose de plusieurs catégories. Il y ainsi les


officiers de police judiciaire (I) et les agents de police judiciaire (I).

I : Les officiers de police judiciaire (OPJ)

38
J. CATHELINEAU, « La gendarmerie », D. 1964, chr. 109 ; CHAUMEIL, La police judiciaire,
Paris, Sirey, 1953 ; BESSON, « La police judiciaire et le Code de procédure pénale »,
D.1958, chr. 159.
Pour une bonne appréhension du rôle des autorités de police judiciaire dans la
procédure pénale, il est utile de connaître la composition (A) et les attributions des
officiers de police judiciaire (B).

A- La composition du personnel des OPJ

La liste des OPJ est fixée par l’article 15 du code de procédure pénale. Ce texte confère
la qualité d’officier de police judiciaire :
✓ aux officiers de gendarmerie (les officiers généraux à savoir les généraux de
brigade, de division et de corps d’armée, les officiers supérieurs, à savoir les
commandants, lieutenants-colonels et colonels et les officiers subalternes que
sont les sous-lieutenants, les lieutenants et les capitaines ;
✓ aux sous-officiers de gendarmerie exerçant les fonctions de commandant de
brigade, les commissaires de police, les officiers de police, les élèves officiers et
les sous-officiers de gendarmerie nominativement désignés par arrêté conjoint
du ministre de la Justice et du ministre des Forces armées après avis conforme
d’une commission ;
✓ aux fonctionnaires des cadres de police nominativement désignés par arrêté du
ministre de la Justice sur proposition des autorités dont ils relèvent, après avis
conforme d’une commission.

B- Les attributions des OPJ

Selon l’article 16 du Code de procédure pénale, les Officiers de police judiciaire sont
chargés de rechercher et de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les
preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte.

Lorsqu’une information est en effet ouverte, les Officiers de police judiciaire exécutent
ces attributions sur délégations des juridictions d’instruction et défèrent à leurs
réquisitions.

Les Officiers de police judiciaire sont chargés de recevoir les plaintes et dénonciations,
mais aussi de procéder aux enquêtes préliminaires.

De même, en cas de crime ou délit flagrant ils exercent, dans le cadre de l’enquête, les
prérogatives que la loi confère aux officiers de police judiciaire.

Ils peuvent également recevoir les déclarations des victimes désireuses de se constituer
partie civile. La constitution de partie peut donc se faire devant l’Officier de police
judiciaire (article 16 alinéa 4 CPP).
La loi leur reconnaît le droit de requérir directement le concours de la force publique
pour l’exécution de leur mission.

Seul l’Officier de police judiciaire peut exécuter les commissions rogatoires des juges
d’instruction (article 142 CPP) ou décider d’une mesure de garde à vue (article 55 CPP).

L’article 18 du Code de procédure pénale fait obligation aux officiers de police


judiciaire de rendre compte sans délai au Procureur de la République ou à son délégué
des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance.

Ils doivent également, à la clôture de leurs opérations faire parvenir directement à ce


magistrat l’original des procès-verbaux ainsi que tous actes et documents y afférents.

Les objets saisis sont tenus à la disposition du ministère public au greffe de la


juridiction. Dans l’accomplissement de leur mission, les Officiers de police judiciaire
sont assistés par des agents de police judiciaire.

II : Les agents de police judiciaire

Sont agents de police judiciaire, lorsqu’ils n’ont pas la qualité d’Officier de police
judiciaire, les militaires de la gendarmerie et les membres des forces de police (article
19 du CPP).

En vertu de l’article 20 du Code de procédure pénale, les agents de police judiciaire


ont pour mission :
- de seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire;
- de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou
contraventions dont ils ont connaissance;
- de constater, en se conformant aux ordres de leurs chefs, les infractions à la loi
pénale et de recueillir tous les renseignements en vue de découvrir les auteurs
de ces infractions, le tout dans le cadre et dans les formes prévus par les lois qui
leur sont propres.

Cependant les gendarmes sont habilités à dresser procès-verbal des infractions qu’ils
constatent et à recevoir, dans la forme requise, les déclarations qui leur sont faites par
toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements
sur les auteurs et complices de ces infractions. Ils n’ont cependant pas qualité pour
décider des mesures de garde à vue.

Paragraphe II : Le contrôle et la responsabilité des officiers de police judiciaire

Dans l’exercice de leurs missions, les personnels de police judiciaire sont soumis à
un contrôle (A) qui peut aboutir à l’engagement de leur responsabilité (B).
A- Le contrôle de la police judiciaire

L’exercice des fonctions de police judiciaire implique des atteintes aux libertés
individuelles. C’est la raison pour laquelle le législateur a organisé des mécanismes de
contrôle de la police judiciaire par les autorités judiciaires.

Ainsi, la police judiciaire est placée sous la direction du procureur de la République,


sous la surveillance du Procureur général près les Cours d’appel et sous le contrôle de
la chambre d’accusation.

Dans le cadre de ce contrôle, la chambre d’accusation est saisie soit par le procureur
général ou par son président ; elle peut même se saisir d’office à l’occasion de l’examen
d’une procédure.

B- La responsabilité de la police judiciaire

Dans l’exercice de ses fonctions, l’Officier de police judiciaire peut voir sa responsabilité
engagée.

Il peut d’abord engager sa responsabilité disciplinaire. En effet, les fonctionnaires de la


police judiciaire sont avant tout des membres de la fonction publique. À ce titre, ils
peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires de la part de leurs supérieurs
hiérarchiques.

Les Officiers de police judiciaire peuvent également engager leur responsabilité civile
lorsqu’ils commettent des fautes civiles dans l’exercice de leurs fonctions dans les
conditions du droit commun (articles 118 et suivants du Code des obligations civiles et
commerciales).

Ils peuvent aussi engager leur responsabilité pénale. Selon l’article 216 du Code de
procédure pénale, si la chambre d’accusation estime que l’officier de police judiciaire
a commis une infraction à la loi pénale (séquestration arbitraire, torture, corruption,
etc…) , elle ordonne en outre la transmission du dossier au Procureur général.

La procédure à suivre est réglée par les articles 661 et suivants du code de procédure
pénale.

La Chambre d’Accusation prononce s’il y a lieu le renvoi devant la Cour d’appel,


composée de cinq magistrats au moins, seule compétente pour statuer sur le crime
commis par l’OPJ.
SECTION 2 : LES ORGANES DE JUSTICE,

Les organes de justice sont chargés de trancher les litiges qui s’élèvent au cours du
procès pénal. Il existe deux types d’organes de justice chargés de fonctions
juridictionnelles. Il s’agit d’une part des organes représentant le ministère public
(Paragraphe I) et d’autre part de ceux qui sont chargés de l’instruction des affaires
(Paragraphe II). Les organes de jugement étant consacrés par ailleurs dans la phase
de jugement des infractions.

PARAGRAPHE I : Les organes du ministère public

Le ministère public, organisé sous forme de Parquets, est constitué des magistrats du
parquet encore appelés « magistrats debout » parce qu’ils se lèvent à l’audience pour
prendre leurs réquisitions 39. Le rôle important que joue le ministère public dans le
déroulement de la procédure pénale justifie qu’il soit nécessaire d’étudier son
organisation (A) avant d’étudier ses caractères (B).

A. L’organisation du ministère public

Il s’agira de distinguer le ministère public près les juridictions ordinaires (1) du


ministère public près les juridictions d’exception (2).

1. Le ministère public près les juridictions ordinaires

Auprès du tribunal d’instance, le ministère public est représenté par le délégué du


Procureur de la République ou son adjoint. Cependant en l’absence d’un délégué du
Procureur de la République près le tribunal D’INSTANCE, l’article 24 du code de
procédure pénale prévoit en son alinéa 2 que les fonctions du ministère public sont
assurées par le Président de cette juridiction, sous le contrôle direct du Procureur de la
République.

Auprès du tribunal de grande instance, le ministère public est représenté par le


Procureur de la République en personne ou par ses substituts. En cas d’empêchement
ou d’absence momentanée, il est remplacé, s’il n’a pas de substitut, par un délégué du
Procureur de la République du ressort ou par un juge commis à cet effet par le
Président du Tribunal de grande instance sur sa proposition ou à défaut sur celle du
Procureur Général.

Auprès de la cour d’appel, le ministère public est représenté par le Procureur Général
en personne, ou par ses substituts que l’on appelle substituts généraux ou avocats
généraux selon leur grade.

39
J. P. NADAL, « Le ministère public face à certains impératifs », RSC, 1973, p. 492.
2. Le ministère public près les juridictions d’exception

Devant la Haute Cour de Justice, les fonctions du ministère public sont assurées par le
Procureur Général près la cour suprême alors que devant la commission d’instruction
de la haute cour de justice, celles-ci sont dévolues au Procureur Général près la Cour
d’Appel de Dakar.

Devant le tribunal militaire, le ministère public est représenté par le procureur de la


République près le tribunal de grande instance hors classe de Dakar ou un de ses
substituts lorsque l’infraction a été commise par un militaire dont le grade ne dépasse
pas celui de capitaine. Au-delà de ce grade, l’affaire est directement portée devant la
cour d’appel de Dakar où le ministère public est assuré par le Procureur Général près
ladite cour ou un de ses avocats généraux.

Devant le tribunal pour enfants, l’article 570, alinéa 3 du code de procédure pénale
prévoit que le ministère public est assuré par un substitut du Procureur de la
République chargé cumulativement avec ses fonctions, des poursuites et du règlement
des affaires concernant les mineurs.

Devant la cour de répression de l’enrichissement illicite, il revient au procureur spécial


assisté d’un substitut de remplir les fonctions de ministère public.

B. Le statut des magistrats du ministère public

Les magistrats du ministère public sont régis par des règles statutaires qui présentent
des spécificités par rapport à la condition des magistrats du siège. Le ministère public
est ainsi caractérisé par la hiérarchie (1), l’indivisibilité (2) l’irresponsabilité (3) et le
caractère irrécusable (4).

1. La hiérarchie

La soumission des magistrats du ministère publique, chargé des poursuites et de


requérir l’application des peines faits l’objet de nombreuses critiques. Il est ainsi
reproché à ce système de la hiérarchie des magistrats représentant le ministère public
de ne contredire le principe d’indépendance de la justice, notamment à l’égard du
pouvoir Exécutif. Ainsi, l’article 7 de la Loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017
portant Statut des magistrats40 prévoit que les magistrats du parquet sont placés sous

40
J.O. N° 6986 du mercredi 18 janvier 2017.
la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde
des Sceaux, Ministre de la Justice.

En effet, « le Garde des Sceaux, ministre de la Justice peut dénoncer au Procureur


général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre d’engager ou
de faire engager les poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles
réquisitions écrites qu’il juge opportunes 41 ».

Il ressort de ce texte que si le ministre de la Justice peut donner l’ordre de poursuivre,


il ne peut toutefois ordonner le classement d’une affaire. On dit que l’ordre de
poursuivre est légal, mais l’ordre de ne pas poursuivre est illégal.

Par ailleurs, parallèlement à ces instructions particulières concernant une procédure, le


ministre peut agir par voie de circulaire pour définir la politique pénale, destinée à
assurer une application coordonnée et cohérente de la loi répressive 42.

Par ailleurs, il résulte de l’article 29 du Code procédure pénale que le Procureur général
a autorité sur tous les magistrats du ministère public du ressort de la cour d’appel. A
l'égard de ces magistrats, le Procureur général a les mêmes prérogatives que celles
reconnues au ministre de la Justice. Il est donc le chef hiérarchique de tous les membres
du ministère public exerçant dans le ressort de sa Cour d’Appel.

Enfin, il convient de préciser que, lorsqu’il exerce les fonctions du ministère public, le
président du tribunal d’instance demeure sous le contrôle du Procureur de la
République près le tribunal de grande instance du ressort 43.

Le ministère public est ainsi tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux
instructions qui lui sont données par ses supérieurs hiérarchiques.

Il y a lieu cependant de souligner que le législateur ne confère pas au Procureur général


près la cour Suprême cette autorité sur les parquets.

D’une manière général le Procureur général exerce un pouvoir de direction sur les
Procureurs de la République du ressort de sa cour d’appel. Ceux-ci ont les mêmes
prérogatives à l’égard de leurs substituts et ainsi que sur leurs délégués.

Cependant ce pouvoir comporte une limite puisqu’à l’audience, lorsqu’il requiert, le


magistrat du parquet est libre de dire tout ce qu’il croit au bien de la justice. On exprime
cette idée en disant que « la parole est libre et la plume serve ».

41
Article 28 du code de procédure pénale.
42
M. DELMAS-MARTY, « La politique pénale est-elle une politique publique comme les
autres ? », RSC, janvier-mars 1994, p. 151 ; V. également, Y. AGUILA, « La politique
pénale est-elle une politique publique comme les autres ? », Rev. Adm., 1993, p. 7.
43
Article 38 du code de procédure pénale.
2. L’indivisibilité

L’indivisibilité du ministère public signifie que chacun de ses magistrats représente le


parquet tout entier. C’est pour cette raison qu’ils peuvent se remplacer mutuellement
l’un débutant une audience et prenant la parole pour poser des questions, l’autre
terminant la même audience en prenant des réquisitions.

De même, un acte portant mention du Procureur de la République peut très bien être
signé par l’un de ses substituts ou délégué.

Il en est autrement pour les magistrats du siège qui à l’occasion du jugement d’une
affaire, sont tenus de poursuivre leur office jusqu’au prononcé de la décision.

3. L’irresponsabilité

Les magistrats du parquet sont irresponsables. A la différence de la partie civile qui en


cas de non-lieu peut être condamnée à des dommages-intérêts, le ministère public qui
a intenté à tort l’action publique ne peut jamais être condamné à des dommages-
intérêts envers le prévenu acquitté.

Mais, cette irresponsabilité n’est pas totale. S’il commet une faute personnelle, sa
responsabilité civile peut être mise en jeu, comme pour les magistrats du siège, par la
procédure de prise à partie.

S’il commet une infraction, il pourra être poursuivi, mais il bénéficie d’un privilège de
juridiction.

4. Le caractère irrécusable

Le ministère public, en tant que partie au procès pénal, est irrécusable. La récusation
est l’acte par lequel un plaideur refuse d’être jugé par ou en présence d’un magistrat
dont il conteste l’impartialité notamment en raison des liens qui existent entre ce
magistrat et l’autre partie 44.

En effet, alors qu’un magistrat du siège peut être récusé aussi ben en matière civile que
pénale, le magistrat du parquet ne peut être récusé. Le plaideur ne peut récuser son
adversaire45.

44
V. Vocabulaire juridique H CAPITANT. Il n’empêche qu’un magistrat du parquet puisse
décider de lui-même de s’abstenir de participer au jugement d’une affaire.
45
VIALA, « Le Ministère Public peut-il être récusé ? », Gaz. Pal 1980, I, doc. 163.
Paragraphe I : Les organes d’instruction

Les juridictions d’instruction n’interviennent pas forcément dans toutes les affaires. Il
existe en effet des affaires qui sont portées directement devant les juridictions de
jugement. Par exemple, les contraventions et les délits qui ne présentent pas de
difficultés sont jugés directement en citation directe ou en flagrant délit.

Cependant, pour d’autres affaires le recours au juge d’instruction est nécessaire. Il en


est ainsi chaque fois qu’il y a des éléments à élucider par exemple lorsque l’auteur de
l’infraction est inconnu.

Il existe une juridiction d’instruction du premier degré, à savoir le juge d’instruction (I)
et une juridiction d’instruction du second degré : la chambre d’accusation (II).

I : La juridiction d’instruction du premier degré

Le juge d’instruction est la juridiction d’instruction du premier degré. Il s’agit d’une


juridiction à part. Nous allons étudier son statut ( A) avant d’analyser les garanties
d’indépendance que la loi a prévues pour ce magistrat ( B).

A- Le statut du juge d’instruction

Le juge d’instruction est un magistrat du siège 46. En tant que tel, il bénéficie de toutes
les garanties des magistrats du siège. La protection statutaire du juge d’instruction se
manifeste à travers les dispositions régissant sa nomination et son indépendance. Il
existe un juge d’instruction dans chaque tribunal régional. Selon l’article 78 de la loi
organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017, le juge d’instruction est nommé par arrêté
du Garde des Sceaux ministre de la Justice pour une période de trois ans renouvelables.
En cas d’empêchement, il est remplacé par un juge provisoirement désigné par
ordonnance du président du tribunal de grande instance. Cette situation se produit
exceptionnellement puisque dans la plupart du temps, il y a plusieurs juges
d’instruction dans les tribunaux de grande instance.

Lorsqu’il, dans un tribunal d’instance il n’y a qu’un seul juge ; celui-ci exerce les
fonctions de juge d’instruction qu’il cumule avec les fonctions de juge de jugement et
éventuellement de délégué du procureur de la République47.

B- Les garanties d’indépendance du juge d’instruction

46
Patrick Maistre du Chambon, Le juge d’instruction, 3e édition, Dalloz, 1985 ; Bernard
BOULOC, « Le rôle du juge d’instruction dans la recherche de la vérité », Petites affiches,
n° 130, du 29 octobre 1986 ; M. GARREL, « La juridiction d’instruction est-elle
indispensable ? », JCP, 1986, I, 3266.
47
On a pu qualifier le président du tribunal d’instance investi des pouvoirs de juge
d’instruction, de juge de jugement et de délégué du procureur de « monstre juridique ».
La loi a organisé un dispositif tendant à garantir l’indépendance du juge d’instruction
aussi bien par rapport au Procureur de la République (a) que par rapport à la chambre
d’accusation (b).

a) L’indépendance du juge d’instruction par rapport au Procureur de la


République

Dans la conduite de l’instruction, le juge d’instruction est totalement indépendant et


libre d’accomplir les actes qu’il estime nécessairement l’ordre qu’il juge bon de suivre.
Il n’est pas tenu de déférer aux réquisitions du ministère public. Il peut refuser
d’accomplir un acte sollicité par le Procureur de la République, tout comme il peut
accomplir un acte contre la volonté de celui-ci.

Mais, en droit sénégalais, force est de constater l’existence d’atteintes à l’indépendance


du juge d’instruction par rapport au Parquet 48.

D’une part, en cas de pluralité de juge d’instruction, il revient au procureur de la


République de choisir le juge d’instruction qui sera chargé de l’affaire après simple, avis
du président du tribunal qui ne lie pas le procureur (article 74 du Code de procédure
pénale). De sorte que celui-ci peut passer outre l’avis du Président et désigner le juge
qu’il estime le plus docile.

D’autre part pour certaines infractions jugées graves, le juge d’instruction est lié par
les réquisitions du ministère public.

b) L’indépendance du juge d’instruction par rapport à la chambre


d’accusation

La chambre d’accusation est la juridiction d’instruction du second degré. A ce titre elle


dispose d’importantes prérogatives dans le déroulement de la procédure pénale et,
notamment, à l’égard du juge d’instruction.

Elle exerce en effet le contrôle et la surveillance de l’activité des cabinets d’instruction.


Ainsi, le juge d’instruction est surveillé par le président de la chambre d’accusation qui
s’assure du bon fonctionnement des cabinets d’instruction. A cet égard, chaque cabinet
d’instruction établit à son intention un état des affaires en cours portant mention pour
chacune d’elles de la date du dernier acte accompli. Par ailleurs, lorsque l’instruction

48
Sur l’ensemble de la question, V. M. DIOP, « Les limites au pouvoir d’appréciation du
juge pénal », in « Actes du séminaire liberté d’appréciation du juge », RSD, n° 28, janvier,
février mars 1983, p. 13 et ss. ; M. NDIAYE, « Les atteintes à la liberté d’appréciation du
juge relativement à l’article 140 du Code de procédure pénale », in « Actes du séminaire
liberté d’appréciation du juge », RSD, n° 28, janvier, février mars 1983, p. 59 et s.
d’une affaire dure plus de 6 mois, le juge d’instruction fait un rapport circonstancié
adressé au président de la Chambre d’accusation.

La chambre d’accusation est habilitée à infirmer les ordonnances du juge d’instruction


rendues en violation de la loi.

Toutefois, elle ne peut imposer au juge d’instruction l’accomplissement d’un acte


contraire à sa conviction. Par exemple, lorsque le magistrat instructeur refuse de mettre
en détention une personne et que le procureur relève appel contre l’ordonnance de
refus de placement sous mandat de dépôt, si la chambre d’accusation n’est pas du
même avis, elle ne peut imposer au juge d’instruction une décision de placement sous
mandat de dépôt. La chambre d’accusation doit prendre elle-même une décision de
placement sous mandat de dépôt.

II : La juridiction d’instruction du second degré : la chambre d’accusation

La chambre d’accusation est la juridiction d’instruction du second degré 49. Elle est
réglementée par les articles 185 à 217 du Code de procédure pénale. Ces textes
prévoient la composition (A) et les attributions de la chambre d’accusation (B).

A- La composition de la chambre d’accusation

La composition de la chambre d’accusation est fixée par l’article 185 du Code de


procédure pénale. La chambre d’accusation est une section spéciale de la Cour d’appel.

Elle est composée d’un président de chambre, ou à défaut d’un conseiller,


exclusivement attaché à ce service, et de deux conseillers qui peuvent, en cas de besoin,
assurer le service des autres chambres de la cour. Le président et les conseillers
composant la chambre d’accusation sont désignés chaque année, pour la durée de
l’année judiciaire suivante, par l’assemblée générale de la Cour.

B- Les attributions de la chambre d’accusation

En tant que juridiction d’instruction du second degré, la chambre d’accusation est juge
d’appel des ordonnances du juge d’instruction et juge de la régularité de la procédure
suivie devant celui-ci. Elle a ainsi le pouvoir d’infirmer une ordonnance du juge
d’instruction.

Par ailleurs la chambre d’accusation est l’organe disciplinaire des Officiers de police
judiciaire et peut infliger des sanctions à l’encontre de ceux d’entre eux qui ne
respecteraient pas les règles liées à la délicatesse de leurs fonctions.

49
Wilfrid JEANDIDIER, La juridiction d’instruction du second degré, Thèse Nancy, 1975,
édition Cujas, 1975 ; P. CHAMBON, La chambre d’accusation, Dalloz, 1978.
La chambre d’accusation est par également compétente pour donner un avis dans les
procédures d’extradition50.

Elle est juge du règlement des conflits de compétence entre deux juges d’instruction,
deux tribunaux de simple police, deux tribunaux correctionnels se trouvant dans le
ressort d’une même Cour d’Appel.

50
L’extradition est une procédure par laquelle un État peut être amené à remettre un
individu, sous le coup de poursuites ou d’une condamnation pénales et se trouvant sur son
territoire, à un autre Etat qui le réclame pour y être jugé ou subir sa peine.

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