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Université Assane SECK de Ziguinchor

Unité de Formation et de
Recherche des Sciences
Économiques et Sociales

Département de Sciences
juridiques

Procédure pénale

Licence 2 – Sciences juridiques


Avril 2022

©Abdoulaye DIALLO
adiallo@univ-zig.sn
Chapitre préliminaire : L’encadrement de la procédure pénale
Avant d’envisager les principes régissant le procès pénal, nous nous
intéresserons d’abord à la distinction entre la procédure pénale et les autres branches
du droit qui peuvent parfois avoir, plus ou moins des connexités avec elle.
Section 1 : Les rapports entre la procédure pénale et d’autres branches
du droit
Paragraphe 1 : Procédure pénale et procédure civile
La principale différence entre la procédure pénale et la procédure civile est que
le procès civil oppose deux parties, personnes privées. Dans le procès pénal l’Etat est
partie au procès par l’intermédiaire du parquet, demandeur au pénal.
La ressemblance entre procédure pénale et procédure civile est que celui qui,
en dernière analyse va décider, est un tribunal indépendant de l’exécutif de l’ordre
judiciaire. Il y a des règles qui tendent à assurer l’impartialité du juge et l’égalité des
parties, règles de droit processuel communes aux trois procédures. Elles vont poser
plus de problèmes dans le domaine pénal, notamment en ce qui concerne la règle
d’égalité des parties dans la mesure où dans le procès pénal il faut éviter un
déséquilibre trop important entre un magistrat doté de pouvoirs importants (procureur)
et un auteur présumé d’une infraction dont on veut prouver la culpabilité. C’est en ce
sens qu’il semble dangereux de demander aux parties pénales d’apporter elles-
mêmes les preuves de la thèse qu’ils avancent. Ainsi par exemple, l’auteur présumé
aurait en général plus de difficultés à démontrer son innocence en raison de ses
moyens financiers limités.
De plus, dans ces deux types de procès la solution dépend des preuves. La
preuve est encore plus essentielle en matière pénale. En effet, en matière civile les
preuves préexistent au procès la plupart du temps (il existe des actes juridiques,
notamment), tandis qu’en matière pénale la preuve, bien que déterminante, n’a pas pu
être préconstituée avant même que soit lancée la procédure. C’est en raison de cette
particularité que le droit pénal nécessite un juge qui a pour but, dans un certain nombre
d’affaires, de récolter des preuves à charge et à décharge.
Paragraphe 2 : Procédure pénale et droit pénal
Dans son aspect sanctionnateur, le droit pénal n’existe pas sans procédure
pénale. En principe, aucune sanction ne peut être prononcée pour la commission

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d’une infraction sans qu’un procès pénal ait eu lieu. Tout ce qui concerne le droit pénal
général passe en principe par la procédure pénale.
Paragraphe 3 : Procédure pénal et libertés publiques
La justice pénale a un rôle inquisiteur, pour rechercher les preuves elle va
inévitablement avoir recours à des procédés de contrainte. La question centrale est
alors de savoir jusqu’où les autorités qui recherchent les preuves pourront aller.
La procédure pénale donne des pouvoirs de contrainte aux policiers, au parquet
et éventuellement au président du tribunal en jugement. En même temps, elle donne
des limites à ces pouvoirs de contrainte.
Lorsque l’infraction vient de se commettre, on est alors dans le cadre d’une
enquête de flagrant délit, la police est autorisée à perquisitionner sans autre accord, à
condition de ne pas agir entre 21h et 6h du matin, sauf exceptions. La procédure
pénale peut donc autoriser les acteurs du jeu pénal à aller à l’encontre de certaines
libertés publiques dans certains cas.
Dans l’enquête préliminaire en revanche, ce n’est que très exceptionnellement
que la police peut perquisitionner de force. Elle ne peut le faire qu’avec l’autorisation
d’un juge indépendant (juge des libertés et de la détention).
En d’autres termes, la procédure pénale, tout en donnant des droits et
obligations aux autorités, règlemente le droit des individus face aux autorités qui
recherchent les preuves (art. 9 constitution). Parmi ces droits on comptabilise
notamment le droit à l’intimité de la vie privée, le droit à la présomption d’innocence,
etc.
En France, jusqu’à une période récente (loi du 15 juin 2000), une personne
placée en détention provisoire pendant la procédure et reconnue innocente au terme
de la procédure ne pouvait prétendre à une indemnité systématique. Cette loi permet
dorénavant à toute personne placée à tort en détention provisoire d’obtenir une
indemnité. Cela explique l’importance des principes généraux parmi les sources de la
procédure pénale.
Malheureusement, cette solution n’était pas encore consacrée en droit
sénégalais. Mais, au regard des longues détentions provisoires, il a paru nécessaire
au législateur sénégalais de s’orienter dans ce sens, afin de renforcer la protection des
droits des personnes. Ainsi, en 2008 fut créée la commission juridictionnelle chargée
de statuer sur les demandes d'indemnités présentées par les personnes ayant fait
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Procédure pénale Dr A. DIALLO
l'objet d'une décision de détention provisoire et qui ont bénéficié d'une décision
définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement n’a jamais rempli sa mission. Mais,
depuis sa création, elle n'a jamais statué sur une quelconque demande
d'indemnisation tendant à la réparation des préjudices causés par les longues
détentions provisoires. Alors que la loi confère à toute personne qui n’a pas été
déclarée coupable définitivement, le droit d’obtenir la réparation du préjudice que lui a
causé la détention provisoire.
La loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi
organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême vient renforcer le dispositif
mis en place.
A cet effet, l’art. 107 dispose que « Sans préjudice d’autres voies de recours,
une indemnité peut être accordée à la personne ayant fait l’objet d’une détention
provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-
lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, lorsque cette détention lui a causé
un préjudice manifestement anormal et d’une particulière gravité ».
L’indemnité prévue à l’article 107 est allouée par décision d’une commission
juridictionnelle fonctionnant auprès de la Cour suprême qui statue souverainement
(art. 108).
La commission est composée du premier président ou de son représentant et
de deux magistrats du siège de la Cour suprême. Ces magistrats sont désignés
annuellement, en même temps que trois suppléants par le premier président.
Les fonctions du ministère public sont remplies par le procureur général près la
Cour suprême ou son représentant.
Les fonctions de greffe de la commission sont exercées par le greffier en chef
de la Cour suprême.
L’État, pris en sa qualité de débiteur prétendu, est représenté par l’agent
judiciaire de l’État.
Selon l’art. 109 « La commission saisie par voie de requête accompagnée de
toutes pièces justificatives dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de
relaxe ou d’acquittement devenue définitive, statue par une décision non motivée qui
n’est susceptible d’aucun recours.

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Dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la requête, le greffier
en chef en transmet copie au procureur général près la Cour suprême et par lettre
recommandée avec accusé de réception à l’agent judiciaire de l’État ou par tout moyen
laissant trace écrite.
Le greffier en chef se fait communiquer par le greffe de la juridiction qui a rendu
la décision l’intégralité du dossier de procédure. De même, le demandeur peut se faire
délivrer, à ses frais, copie des pièces de la procédure pénale. Le conseil du demandeur
et l’agent judiciaire de l’État peuvent prendre communication du dossier au greffe de
la commission.
Dans le délai de deux mois à compter de la réception de la requête transmise
par lettre recommandée ou tout moyen laissant trace écrite, l’agent judiciaire de l’État
dépose ses conclusions au greffe de la commission.
Lorsque l’agent judiciaire de l’État a déposé son mémoire ou à l’expiration du
délai de deux mois précité, le greffier en chef transmet le dossier au procureur général
près la Cour suprême.
Celui-ci dispose d’un délai d’un mois pour déposer ses conclusions. Après le
dépôt des conclusions du procureur général, le demandeur n’est plus recevable à
déposer une pièce.
Les débats ont lieu et la décision est rendue en chambre du conseil. Le débat
est oral et le requérant peut être entendu personnellement sur sa demande.

Le débat fait intervenir dans l’ordre de leur prise de parole : le demandeur ou


son avocat, l’agent judiciaire de l’État, le procureur général.
La procédure devant la commission a le caractère d’une procédure civile. A ce
titre, il appartient au requérant de démontrer le préjudice causé par sa détention.
La commission procède ou fait procéder à toutes mesures d’instruction utiles ».
L’indemnité allouée en application de la présente loi organique est à la charge
de l’État, sauf le recours de celui-ci contre le dénonciateur de mauvaise foi ou le faux
témoin dont la faute aurait provoqué la détention ou sa prolongation. Elle est payée
comme frais de justice criminelle.
Si la requête est rejetée, le demandeur est condamné aux dépens, à moins que
la commission ne l’en décharge d’une partie ou de la totalité (art. 110).
Section 2 : Les principes régissant le procès pénal

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Paragraphe 1 : Les garanties relatives à l’autorité judiciaire

Première de ces garanties, le droit à un juge ou droit d’accès à un tribunal


est évidemment un droit fondamental, commun à toutes les matières. En matière
pénale, il est reconnu de manière plus large, en amont du jugement, à certaines
opérations de police et, en aval, à l’application des peines. Les mesures
d’arrestation ou de détention doivent ainsi pouvoir être vérifiées par un juge ou un
magistrat habilité, de même que les visites, perquisitions et saisies. Un tribunal doit
pouvoir juger les recours contre de telles mesures d’arrestation ou de détention. La
présomption d’innocence jusqu’au jugement de fond doit aussi être protégée par un
juge. L’accusation doit être portée devant un juge qui, en cas de condamnation,
fixera la peine prononcée. C’est un juge qui doit fixer les modes effectifs
d’application de la peine. La garantie d’une voie de recours et le droit d’accès à un
juge de cassation est garantie

Des garanties institutionnelles tendent à assurer la qualité de la justice


rendue, son indépendance et son impartialité. L’impartialité commande pour sa part
que le même juge ne connaisse pas des mêmes faits pour les mêmes parties à des
instances différentes. Les garanties d’indépendance sont assurées pour l’ensemble
des magistrats, par leurs conditions de recrutement, la protection statutaire et
l’institution d’organes de garanties de l’indépendance, mais selon une intensité
différente pour les magistrats du siège et ceux du parquet. Elles se traduisent au
pénal, dans l’organisation de l’institution judiciaire, par le principe de séparation des
fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement. C’est ainsi que l’article 23 du
CPP délègue les fonctions de poursuite au parquet tandis que les fonctions
d’instruction sont dévolues par l’article 39 du CPP au juge d’instruction. Cependant,
ces règles, visant à assurer la séparation des fonctions de jugement et d’instruction,
et destinée à garantir l’impartialité des juges souffrent de certaines exceptions. Pour
des raisons d’organisation judiciaire, l’article 44 du CPP confère au président du
tribunal d’instance la possibilité de cumuler les fonctions d’instruction et de
jugement. En effet, selon cette disposition, « lorsque le tribunal départemental ne
comprend qu’un magistrat, celui-ci, qu’il se soit saisi d’office des affaires de sa
compétence ou qu’il ait été requis d’informer par le procureur de la république,
remplit les fonctions d’instruction puis juge les affaires qu’il a instruites ». En ce
sens, la jurisprudence estime que les prescriptions de l’article 39 n’interdisaient pas

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au juge d’instruction de remplir les fonctions de ministère public dans les affaires
par lui instruites (C. sup. 19 janvier 1977)

Cependant cette exigence d’impartialité fonctionnelle ne concerne pas le


parquet, qui peut être représenté par le magistrat ayant précédemment assumé les
fonctions d’instruction dans l’affaire en cause. Bien plus, la partialité personnelle de
l’accusation ne semble pas, selon la jurisprudence, susceptible de porter atteinte à
l’impartialité du tribunal.

Enfin, dans la procédure pénale, la juridiction collégiale constituait le


principe, sans pour autant avoir jamais eu de valeur constitutionnelle. Les
exceptions à ce principe sont aujourd’hui nombreuses. La collégialité ne constitue
plus nécessairement, aux yeux du législateur, la forme du « bon juge » pénal.

Paragraphe 2 : Les garanties relatives à la procédure

C’est ici que la distance peut être la plus grande entre les principes du procès
équitable et les réalités concrètes de la procédure pénale. Le droit absolu au respect
de la dignité humaine, la prohibition absolue de la torture et des traitements
inhumains ou dégradants constituent des droits substantiels dans la procédure
pénale.

En premier lieu, l’égalité devant la justice, constitue l’une des garanties


régissant la procédure pénale. Elle est un corolaire du principe d’égalité devant la
loi qui trouve sa source dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789 et constitue l’une des valeurs fondamentales dans un Etat de droit. Au
Sénégal, il est consacré par la Constitution qui dispose la République (…) assure
l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de
sexe, de religion… Le principe d’égalité devant la justice et le principe d’égalité
entretiennent des relations complémentaires dans le sens où l’accès à la justice
permet une concrétisation du principe d’égalité devant la loi. En somme, le principe
d’égalité est « un principe carrefour, un droit tuteur qui vient renforcer la mise en
œuvre d’autres droits et libertés comme le droit de propriété et les droits de la
défense » (G. Canivet, L’égalité d’accès à la Cour de cassation, in Rapport 2003 de
la Cour de cassation française).

Ensuite, le respect des droits de la défense constitue une garantie

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indispensable au bon déroulement du procès pénal. Il serait utopique en effet de
considérer un procès pénal dans lequel le juge statue sur une affaire qui lui est
soumise sans avoir au préalable entendre les parties, surtout le prévenu. Les droits
de ce dernier sont en effet garantis car la loi lui permet de se défendre en apportant
la contradiction sur les arguments avancés par le parquet ou le juge dans toutes les
étapes de la procédure. La doctrine les définit comme l’ensemble des prérogatives
qui garantissent à l’inculpé la possibilité d’assurer effectivement sa défense dans le
procès pénal. Ces droits se traduisent d’une part par le droit à un procès
contradictoire et le droit à un procès public, d’autre part. Le respect des droits de la
défense est garanti par la Constitution qui dispose que la défense est un droit absolu
dans tous les états et à tous les degrés de la procédure. Exemple article 101 et s.
CPP et 164 et s. CPP durant la phase d’instruction.

La publicité, la célérité, qui ne se confond pas avec la précipitation, et l’équité,


l’équilibre de la procédure, qui, au pénal, implique le respect des droits de la
défense, constituent les standards internationaux de ces garanties. Mais pour
indispensable qu’elle soit, la publicité supporte des exceptions légales nombreuses.
La célérité est requise à diverses étapes de la procédure et son obligation s’impose
de plus en plus aux diverses parties au procès pénal. De même, l’article 127 bis
issu de la loi 99-06 du 29 janvier 1999 limite la durée du mandat de dépôt, délivré
en matière correctionnelle, à un maximum de six mois non renouvelables. Ceci, afin
de lutter contre l’inertie du juge d’instruction privant ainsi le justiciable de son droit
fondamental d’accès à un juge. Désormais, ce dernier dispose d’un délai de six
mois pour terminer son instruction. Au-delà, s’il ne la clôture pas et renvoyer
l’inculpé devant la juridiction de jugement ou rendre un non-lieu, le régisseur de
l’établissement dans lequel se trouve l’inculpé est tenu de libérer ce dernier. Il en
est différemment en matière criminelle où le juge d’instruction n’est enfermé dans
aucun délai à cause de la complexité des affaires criminelles.

Quant à l’équité, elle devrait contraindre à la motivation des décisions de


justice, mais on est, dans les faits, souvent loin du compte. Elle emporte aussi
l’égalité des armes dans l’exercice des voies de recours comme dans l’examen
contradictoire des charges de l’accusation et le droit de se taire et de ne pas s’auto-
incriminer.

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Le droit d’être informé des raisons de son arrestation, de la nature et de la
cause de l’accusation, le droit de préparer sa défense, de l’exercer soi-même ou
avec l’assistance d’un avocat, de convoquer et d’interroger des témoins, le droit à
l’assistance gratuite d’un interprète constituent l’expression des droits de la défense
en matière pénale.

Les questions de la charge et les moyens de la preuve sont au cœur du


procès pénal. La présomption d’innocence impose de laisser la charge de la preuve
à la partie poursuivante, mais ce principe peut souffrir d’exceptions. À la liberté de
l’accusation et de la victime dans la production de la preuve répond la liberté pour
le juge d’admettre ou non cette preuve, selon son intime conviction. Pour autant, la
liberté de la preuve pénale subit toutes les limites posées par la loi, au travers des
règles d’administration de cette preuve. Dans ce domaine, la loyauté n’est pas une
exigence absolue pour les preuves rapportées par les parties civiles. Mais, en
revanche, la procédure organise avec précision les conditions légales dans
lesquelles doit être recueillie la preuve (auditions, interrogatoires, expertises,
perquisitions, interceptions de correspondances, etc.).

Entre les intérêts de la société, ses exigences de sécurité et les intérêts de


la personne poursuivie, dont l’honneur et la liberté sont en cause, la procédure
pénale a la charge de garantir une bonne justice, une justice fiable. Dans le cadre
ainsi défini par les principes, aujourd’hui internationaux, d’un droit processuel, dont
le champ est bien plus large que celui du seul procès pénal, même si celui-ci a ses
exigences particulières, le dossier pénal va « aller en avant », traduction littérale du
latin procedere.

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