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SECRÉTAIRE JURIDIQUE – CORRIGÉ DU DEVOIR DSJ05

CORRIGÉ DU DEVOIR DSJ05

Correction des questions posées.


LECTURE D’ÉLÉMENTS JURIDICTIONNELS

A. PREMIERE LECTURE : L’ORDRE DES MEDECINS CONTRE TRENTE MEDECINS


DE L’ISERE

1. Quel est l'objet du litige ?


Une trentaine de médecins de l’Isère refusent de payer leur cotisation à l'Ordre des
médecins, au motif que ce dernier a pris des positions contraires « à leurs opinions en
matière d'éthique professionnelle », notamment dans le domaine de l'avortement et de la
contraception.
2. Quelles sont les parties en présence ?

Deux parties sont opposées dans ce litige : l'Ordre des médecins (du conseil départemental
de l'Isère) qui joue le rôle de « demandeur », et le groupe de 30 médecins qui joue le rôle de
« défendeur ».
3. Quel a été le tribunal compétent en première instance ? Pourquoi ?
Le tribunal compétent au premier degré a été le Tribunal d'instance de Grenoble. C’est lui
qui a rendu une première décision le 11 juillet N-3.
Pourquoi lui ?

 Parce qu’iI s'agit d'un litige civil, car le conflit oppose des professionnels civils : le
Conseil de l'Ordre des médecins est une personne morale de droit privé, bien qu'il
possède des prérogatives de puissance publique, notamment en matière
disciplinaire, et les médecins sont des professionnels libéraux civils.
 Parce que les sommes financières en jeu (la cotisation des médecins à l’Ordre
départemental) sont vraisemblablement modestes et inférieures au seuil de
compétence civile du TGI.
4. Comment peut-être qualifiée la décision contre laquelle le premier pourvoi en
cassation a eu lieu ?
Le litige est de modeste importance puisque la cotisation demandée à chaque médecin est
vraisemblablement inférieure au taux de premier et dernier ressort devant le TI. Il n’y a pas
donc de possibilité d’appel.
Le jugement du TI de Grenoble est donc un « jugement rendu en premier et dernier
ressort » : c'est-à-dire une décision non susceptible d'appel devant la cour d'appel, mais

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contenant une possibilité de recours extraordinaire par pourvoi direct devant la Cour de
cassation.
5. Combien de décisions judiciaires ont été rendues en tout ? Quelle a été toute
la procédure suivie dans cette affaire ? Quelles solutions ont été données à
chaque fois ?

Quatre décisions judiciaires ont été rendues successivement dans cette longue procédure
(4 ans) :

 une première décision rendue en premier et dernier ressort, par le Tribunal


d'instance de Grenoble (le 11 juillet N-3), donnant raison aux 30 médecins ;
 un arrêt rendu sur pourvoi direct de l’Ordre, par la première chambre civile de la
Cour de cassation (le 27 novembre N-2), cassant la décision du TI Grenoble et
renvoyant la cause et les parties devant le TI de Chambéry ;
 un deuxième jugement rendu en premier et dernier ressort, par le Tribunal d’instance
de Chambéry, statuant sur renvoi après cassation (le 28 mai N-1), donnant encore
raison aux 30 médecins, en s’appuyant sur la Convention européenne des droits de
l'homme et sur le Pacte international de New York pour soutenir que le paiement de
la cotisation constituait « une contrainte et une atteinte à la liberté de pensée et
d'expression » ;
 un deuxième arrêt de cassation rendu sur deuxième pourvoi direct de l’Ordre, par
l’Assemblée plénière de la Cour de cassation (le 10 octobre N), cassant sans renvoi
la décision du TI Chambéry et statuant au fond en faveur de l’Ordre des médecins
aux motifs que :
 l'Ordre des médecins « regroupe obligatoirement tous les médecins habilités à
exercer leur art en France, lesquels doivent verser au conseil départemental de
l'Ordre une cotisation obligatoire » ;
 « les médecins sont tenus, quelles que soient les prises de position de l'Ordre, qu'il
n'appartient pas aux tribunaux judiciaires d'apprécier, de payer la cotisation » ;
 selon l’interprétation des conventions internationales, le recouvrement des
cotisations « ne peut, en aucun cas, constituer une atteinte aux convictions
personnelles ou à la liberté de pensée et de conscience des médecins ».
Ce dernier arrêt de cassation sans renvoi met fin au conflit et condamne les médecins de
l'Isère à payer leur cotisation à l’Ordre, majorée des intérêts au taux légal, à partir de la date
de délivrance de l'assignation devant le Tribunal d'instance de Grenoble (le tout premier
tribunal saisi, car c’est la toute première assignation qui interrompt la prescription et fait
courir les intérêts de retard).
Cet arrêt est insusceptible de recours, la procédure est définitivement terminée le 10 octobre
N et les médecins doivent payer leur cotisation à l’Ordre, majorée des intérêts de retard,
sous peine d’exécution forcée de la décision de l’Assemblée plénière.

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6. Comment s'appellent les décisions rendues par la Cour de cassation ?

Les décisions de la Cour de cassation sont des « arrêts ».


Ces arrêts peuvent être des « arrêts de rejet », lorsque le pourvoi du demandeur est rejeté
(ce qui n’a pas été le cas ici).
Ou bien ces arrêts peuvent être des arrêts de cassation, avec ou sans renvoi :

 la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un premier arrêt de


cassation avec renvoi le 27 novembre N-2 ;
 et, statuant en Assemblée plénière le 10 octobre N, la Cour de cassation a rendu un
deuxième arrêt de cassation mais cette fois-ci sans renvoi. La Cour a statué elle-
même au fond.

B. DEUXIEME LECTURE : AFFAIRE FRANCK, COUR DE CASSATION (CHAMBRE


CIVILE), 3 MARS 1936

1. Quelles ont été les décisions des juridictions précédentes ?

La veuve Connot a intenté une action en justice devant le tribunal de grande instance contre
le docteur Franck afin d'obtenir des dommages et intérêts, suite à l’accident mortel dont a
été victime son mari et qui a été causé par la voiture volée au fils Franck.
Elle a été déboutée en première instance. La veuve Connot a alors interjeté appel. Elle a été
déboutée en appel (« arrêt confirmatif »). Elle a alors intenté un pourvoi en cassation contre
l’arrêt rendu par la cour d’appel
2. Que décide la Cour de cassation ?
Elle casse l'arrêt d'appel qui lui a été déféré et renvoie la cause et les parties devant la Cour
d'appel de Besançon au motif que, même si la voiture a été volée au fils Franck, il l’avait
laissée sans surveillance sur la voie publique ; la garde n'a donc pas cessé de lui appartenir
et il est bien responsable du fait des choses dont il a la garde, donc de l’accident causé par
sa voiture.
3. Que peut-il se passer par la suite ? Envisager les différentes possibilités.

Si la Cour d'appel de Besançon statue dans le même sens que la Cour de cassation, la
décision sera définitive, à moins que l’autre partie ne forme à nouveau un pourvoi en
cassation.
Si la Cour d’appel de Besançon statue en sens contraire (on dit alors que la cour d’appel
« résiste »), un nouveau pourvoi en cassation peut être intenté devant la Cour de cassation
(alors réunie en Assemblée plénière).
Celle-ci pourra alors rejeter le pourvoi et entériner l’arrêt de la Cour d’appel de Besançon, ou
bien casser la décision de la Cour d'appel de Besançon, avec ou sans renvoi.
Avec renvoi, l'affaire sera renvoyée devant une troisième cour d'appel qui statuera
obligatoirement dans le sens dicté par l'Assemblée plénière (on dit qu’elle doit « s’incliner »).
Il n’y a pas de possibilité de troisième pourvoi en cassation.

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C. TROISIEME LECTURE : EXEMPLE DE REVIREMENT DE JURISPRUDENCE, COUR


DE CASSATION (ASSEMBLEE PLENIERE), 2 DECEMBRE 1941

1. Comparer cet arrêt avec celui qu'a rendu la chambre civile le 3 mars 1936.

Suite à l’arrêt de la Cour d’appel de Besançon, rendu sur renvoi après cassation (voir ci-
dessus), un deuxième pourvoi est formé et la cause et les parties se retrouvent devant
l’Assemblée plénière.
Cette fois, l’Assemblée plénière va juger dans le sens inverse de la décision de 1936.
Cinq ans après, la Cour retient au contraire, comme la Cour d’appel de Besançon (qui a
donc résisté à la position de la chambre civile de 1936), que Franck, « privé de l'usage, de la
direction et du contrôle de la voiture (à cause du vol) » n'en avait plus la garde au moment
de l’accident. Il n’est donc pas responsable du dommage causé par sa voiture.
2. Quelle va être la portée de cet arrêt ?
Franck échappe à la présomption de responsabilité de l’ancien article 1384 alinéa 1er du
Code civil, nouvellement numéroté article 1242 depuis la réforme de 2016. Il n’aura pas à
indemniser la veuve Connot.
Lorsqu'une voiture volée a causé un accident, le propriétaire de la voiture n'a pas à
indemniser la victime de l’accident si le voleur n'a pas été retrouvé, car on considère qu’il
n’en a plus la garde.
3. Recherchez pour quelle raison la nouvelle décision est appelée « revirement
de jurisprudence » ?

La décision de l'Assemblée plénière désavoue celle de la Cour de cassation, chambre civile,


rendue le 3 mars 1936, puisqu’elle statue en sens contraire.
C’est un revirement de jurisprudence : le principe de droit posé par les juges (le propriétaire
a-t-il encore ou plus la garde d’une chose qui a été volée) est différent entre 1936 et 1941 :

 en 1936, le propriétaire conserve juridiquement la garde de la chose volée et il en est


responsable à ce titre ;
 en 1941, si la chose lui a été volée, le propriétaire n’en a juridiquement plus la garde
et il n’est donc pas responsable des dommages qu’elle peut causer.
On constate, en conclusion, que même si notre pays est un pays de droit écrit, le droit n’est
pas figé, et que, grâce notamment à l’interprétation et l’utilisation qu’en fait la jurisprudence,
l’évolution et l’adaptation des règles de droit sont permanentes.

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