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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

SAISIES ET VOIES D’EXECUTION


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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

INTRODUCTION GENERALE
Les procédures d’exécution en droit civil sont les moyens par lesquels le créancier peut obtenir
ce qui lui est dû, au besoin par la coercition. Il s’agit d’imposer au débiteur l’exécution d’une
obligation qu’il aurait dû s’en acquitter volontairement. Cette contrainte, qui peut se faire
avec ou sans recours à la force publique, prend souvent la forme d’une saisie qui a des moyens
variés. Il en est ainsi parce que les procédures d’exécution visent très souvent le recouvrement
des créances de sommes d’argent ou la restitution ou la délivrance d’un bien meuble corporel.
Ces différentes contraintes sont appelées voies d’exécution. Elles empruntent à la procédure
civile, au droit des sûretés et entretiennent des relations très étroites avec le droit substantiel
(ou droits subjectifs). La terminologie voies d’exécution ne rendrait pas suffisamment compte
du contenu de la matière de sorte qu’elle a été abandonnée en France au profit de celle des
procédures civiles d’exécution (loi du 09 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles
d’exécution).
La saisie constitue dans le contexte burkinabè la principale voie d’exécution. Mais elle n’est
pas la seule ; des moyens plus souples de recouvrement des créances existent et ont pour
objectif de permettre de parvenir à une exécution rapide. Il s’agit des procédures simplifiées
de recouvrement des créances dont il faut cependant admettre qu’elles ne sont pas à
proprement parler des mesures de contrainte.
La matière était autrefois réglementée par le Code de procédure civile de 1806, au livre V de
la première partie et intitulé « De l’exécution des jugements » et ensemble ses modificatifs.
Elle est aujourd’hui régie par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSVE) du 10 avril 1998 et publié au Journal
officiel de l’OHADA le 1er juillet 1998 auquel renvoie le Code de procédure civile de 1999. Cet
Acte uniforme, qui ne porte que sur l’exécution d’une obligation de somme d’argent ou d’une
obligation de restituer ou de délivrer un bien meuble corporel, semble la seule source des
voies d’exécution puisque le Code de procédure civile, en son livre IV intitulé « Les voies
d’exécution », dispose que « les dispositions relatives au présent livre sont celles prévues aux
articles 28 à 338 de l’Acte uniforme de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit
des affaires (OHADA) portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d’exécution, adopté à Libreville le 10 avril 1998 et annexé au présent code ».
Il en résulte que pour l’exécution des autres obligations, telles que l’expulsion par exemple, il
faille se référer soit aux lois spécifiques, soit aux dispositions anciennes. L’on comprend alors
l’intitulé du cours « Saisies et voies d’exécution ». Il s’agit d’aborder les moyens par lesquels
le créancier peut parvenir au paiement d’une somme d’argent. Ces moyens peuvent être des
mesures conservatoires ou des actes de contrainte de nature à rendre indisponible tout ou
partie du patrimoine. Il y est compris l’exécution des obligations de restituer ou de délivrer.
Ainsi, il sera examiné distinctement les procédures simplifiées de recouvrement des créances
(TITRE I) et les voies d’exécution proprement dites (TITRE II).

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TITRE I- Les procédures simplifiées de recouvrement des créances.


A la différence des saisies qui rendent indisponibles les biens corporels ou incorporels du
débiteur et qui permettent, le cas échéant, au créancier de se les attribuer ou de les vendre

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pour se payer sur le prix, les procédures simplifiées de recouvrement des créances visent
l’obtention rapide d’un titre exécutoire par un ordre de s’exécuter délivré par le juge au
débiteur. Elles constituent alors une phase préparatoire aux saisies en cas d’inexécution
spontanée.
Les procédures simplifiées de recouvrement regroupent l’injonction de payer (CHAPITRE I) et
l’injonction de restituer ou de délivrer (Chapitre II).
CHAPITRE I- L’injonction de payer
C’est une procédure classique comparativement à l’injonction de restituer ou à l’injonction de
délivrer qui sont d’introduction récente. Elle avait été introduite en droit français par le décret-
loi du 25 août 1937 rendu applicable aux colonies par le décret n°54-963 du 18 septembre
1954.
C’est une procédure simple puisqu’elle permet au créancier, sur simple requête, d’obtenir une
décision faisant injonction au débiteur de s’acquitter de sa dette. Elle apparaît néanmoins
spécifique aussi bien du point de vue des conditions d’ouverture que de celui de la procédure.
SECTION I- Les conditions d’ouverture de l’injonction de payer.
Suivant l’article 1er AUPSVE « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut
être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ; l’article 2 du même Acte uniforme
précise que cette « procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque :
1) la créance a une cause contractuelle ;
2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou
d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ».
Il en résulte que la créance, objet de la procédure d’injonction de payer, doit réunir des
conditions dont certaines se rapportent à son caractère, et d’autres à sa cause.
§I- Les caractères de la créance
Ce sont ceux qui résultent de l’article 1er AUPSVE. La créance doit être certaine et liquide d’une
part, et exigible d’autre part.
A- La créance certaine et liquide
Certitude. La créance est certaine lorsqu’elle existe au moment où le créancier la réclame. Elle
s’oppose à la créance éventuelle ou à la créance conditionnelle. C’est la créance dont
l’existence ne souffre d’aucune contestation (CA Abidjan, arrêt n°234 du 20 sept. 2009,
MSOEB c/ SOCABO SARL) ou celle qui résulte d’un protocole d’accord librement signé par les
parties (CCJA, arrêt n° 060 du 27 juin 2015, Entreprise Le Gite c/NECSO Cubiertas SA). N’est
donc pas certaine la créance constituée du solde résultant d’un compte courant qui n’a pas
été contradictoirement clôturé (CCJA, arrêt n° 009/201 du 7 mars 2013, BIAO-CI c/ Société
Travaux publics ZAHOUR et CHOUR) ; le compte courant ne pouvant générer de créance
certaine liquide et exigible qu’après avoir été clôturé contradictoirement (CCJA, arrêt n° 095
du 28 mars 2019, Commercial Bank Centrafrique c/ Fouad FAWAZ).

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Le caractère certain s’apprécie au moment de l’action. C’est pourquoi il est demandé au


créancier de justifier sa demande en produisant tous documents qui établissent de manière
indiscutable son existence.
Liquidité. La créance liquide est celle dont le montant est déterminé en somme d’argent. A
tout le moins, ce montant doit être déterminable c'est-à-dire qu’on le connaît ou on peut le
connaître. En engageant la procédure d’injonction de payer, le créancier doit préciser le
montant de sa créance avec des pièces justificatives qui peuvent être des factures, des
reconnaissances de dette… En effet, l’article 4 AUPSVE dispose que la requête d’injonction de
payer doit contenir, à peine d’irrecevabilité, l’indication précise du montant de la somme
réclamée, avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de
celle-ci. Ainsi, la créance est liquide lorsque le montant est déterminable en somme d’argent
(CA Ouagadougou, arrêt n°155 du 5 mai 2004, SODEGRAIN c/ STCK SA), ou lorsque le débiteur
a opposé une compensation de dettes (CCJA, arrêt n° 100 du2 juin 2016).
Si la créance doit être certaine et liquide, elle doit aussi être exigible.
B- La créance exigible
La créance exigible est celle qui est arrivée à échéance. Ce caractère exclut donc les créances
à terme. Le terme peut être fixé par la volonté des parties, il peut l’être par la loi ou par une
décision judiciaire. Dans tous les cas, la procédure d’injonction de payer ne peut être engagée
pour une exécution anticipée de l’obligation. Pour plus de succès, il importe que le créancier
doive accompagner sa demande d’une mise en demeure préalable adressée au débiteur et
restée sans effet (CA Ouagadougou, Ch. Com., arrêt n° 041 du 19 juin 2009, KBG c/ SOPAFER-
B). Est donc exigible la créance dont le débiteur ne peut se prévaloir ni d’un terme
conventionnel, ni d’un moratoire, la convention ayant prévu qu’en cas de retard de paiement,
la totalité des comptes devient immédiatement exigible (CCJA, arrêt n° 21 du 17 juin 2004,
SDV Côte d’Ivoire c/ Société RIAL Trading).
Si toutes ces conditions sont cumulatives en ce qui concerne les caractères de la créance
(CCJA, arrêt n° 06 du 25 août 2011, Burkina & Shell c/ Les syndics liquidateurs de TAGUI), il
n’en va pas pour autant de la cause qui peut être variée.
§II- la cause de la créance
La procédure d’injonction de payer ne peut être engagée que pour une catégorie de créances.
Il s’agit des créances qui, soit ont une cause contractuelle, soit résultent de l’émission ou de
l’acceptation d’un effet de commerce ou d’un chèque revenus impayés.
A- La créance ayant une cause contractuelle
La créance ayant une cause contractuelle est celle qui résulte de l’exécution d’une obligation
contractuelle. Il doit s’agir d’une créance civile ou commerciale née d’un contrat ; c’est-à-dire
que le contrat doit donner lieu au paiement d’une somme d’argent. Dans le contrat de vente
par exemple, seul le vendeur impayé peut recourir à l’injonction de payer à l’exclusion de

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l’acheteur qui n’a pas reçu livraison. Ici, l’obligation de l’acheteur est de payer une somme
d’argent représentant le prix, et celle du vendeur est de délivrer le bien vendu.
Les créances résultant d’un délit, d’un quasi contrat, d’une loi fiscale et de manière générale
d’une infraction ne peuvent être poursuivies suivant la procédure d’injonction de payer. S’il
est certain que ces créances n’ont pas une cause contractuelle, peut-on cependant concevoir
la procédure d’injonction de payer pour les créances de salaire ?
Il est évident que le salaire qui est une obligation de l’employeur de payer à l’employé est une
créance civile ayant une cause contractuelle. Toutefois, au regard du fait que le droit social,
un droit spécifique, ne fait encore pas partir du droit harmonisé, il est difficile de conclure que
la procédure d’injonction de payer lui est applicable. Néanmoins, dans une décision du 30 juin
2009, la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) a retenu que s’il ne peut être contesté
que les conflits sociaux ressortissent de la juridiction du travail, il reste que le tribunal de
commerce est compétent dès lors que, dans la requête qui le saisit, il ne lui était pas demandé
de trancher une contestation en matière sociale, mais d’ordonner le paiement d’une créance
qui représente le montant de retenues illicites opérées par une société sur les droits légaux et
conventionnels calculés par l’inspection du travail et acceptés par ladite société. Du point de
vue de la Cour, une telle requête n’est pas une assignation en paiement de dommages et
intérêts pour rupture abusive ou irrégulière du contrat de travail, mais une procédure de
recouvrement de créance contre une société commerciale. (CCJA, arrêt n°037/2009 du 30
juin 2009, ABB LUMUS GLOBAL SPA c/ BASSEYISSILA Jean Robert et autres, Rec. CCJA n°53,
P. 97).
B- Les effets de commerce et le chèque
Les effets de commerce regroupent la lettre de change, le billet à ordre et le warrant.
La lettre de change ou encore traite est le titre par lequel une personne appelée tireur donne
l’ordre à un de ses débiteurs appelé tiré de payer une certaine somme à une époque donnée
à une troisième personne appelée bénéficiaire ou à son ordre.
La lettre de change peut faire l’objet d’un endossement ou d’un aval. En cas de non-paiement,
toutes ces personnes (endosseurs et avalistes) sont tenues solidairement envers le porteur.
Le non-paiement d’une lettre de change doit être constaté par un protêt.
Pendant que la lettre de change traduit une opération triangulaire entre 3 personnes, le billet
à ordre quant à lui met en présence deux personnes. C’est le titre par lequel une personne
appelée souscripteur s’engage à payer à une époque déterminée une somme d’argent au
bénéficiaire ou à son ordre. Il suit le même régime que la lettre de change.
Le warrant est dérivé du billet à ordre. C’est un billet à ordre souscrit par un commerçant et
garanti par des marchandises déposées dans un magasin général ou qu’il s’engage à conserver
chez lui.
Le chèque est un instrument de paiement et non un instrument de crédit comme les effets de
commerce. C’est un titre écrit en vertu duquel une personne appelée tireur donne l’ordre à

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son banquier ou tiré de payer au porteur ou au bénéficiaire, le montant porté sur le titre. Le
tiré ne peut en principe refuser de payer sauf en cas d’opposition par suite de vol, de perte ou
en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’égard du porteur.
Tout comme la lettre de change, le non-paiement d’un chèque doit être constaté par un protêt
établi soit par un huissier soit par un notaire dans les conditions fixées par le Règlement n°
15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les États membres de l’UEMOA
du 19 septembre 2002.
Opportunité? Il se pose cependant des questions s’agissant de l’opportunité du recours à
l’injonction de payer en ce qui concerne le chèque revenu impayé. En effet, le Règlement
UEMOA prévoit une procédure plus rapide d’obtenir un titre exécutoire lorsque le chèque a
été rejeté faute de provision. Suivant l’article 123 dudit Règlement, en cas de défaut de
paiement, le porteur du chèque peut obtenir du tiré la délivrance d’un certificat de non-
paiement établi dans les trente (30) jours à compter de la date de la première présentation et
qui pourra être notifié au tireur. En cas de non-paiement dans les dix (10) jours qui suivent
cette notification, le notaire ou l’huissier constate ce non-paiement par un acte en vertu
duquel il peut requérir du greffier du tribunal compétent la délivrance d’un titre exécutoire
dans un délai maximum de huit (8) jours.
Si les conditions de liquidité, de certitude et d’exigibilité de la créance sont cumulatives en cas
de recours à l’injonction de payer, il n’en va pour autant des conditions posées à l’article 2 de
l’Acte uniforme. Ces deux dernières conditions sont plutôt alternatives et il suffit qu’une
d’elles soit remplie pour ouvrir droit à la procédure d’injonction de payer.
SECTION II – La procédure
La procédure d’injonction de payer connait deux phases : une phase devant le président du
tribunal et une autre devant le tribunal lui-même.
§I- Devant le président du tribunal.
Suivant l’article 3 de l’Acte uniforme, la procédure d’injonction de payer est introduite par une
requête adressée à la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le
effectivement le débiteur.
L’article 9 du même Acte uniforme précise indirectement qu’il s’agit de la juridiction du
président puisqu’il dit que l’opposition est portée devant la juridiction « dont le président a
rendu la décision ».
Compétence d’attribution. Au Burkina Faso, la juridiction compétente en matière
d’ordonnances sur requête était traditionnellement la juridiction du président du tribunal de
grande instance. Cette compétence a été étendue au Président du tribunal de commerce pour
les matières ressortissant de cette juridiction (article 17 de la loi 22-2009/AN du 12 mai 2009
portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce au Burkina
Faso. In extenso, [le président du tribunal de commerce est également compétent en matière
d’ordonnance sur requête et en matière gracieuse conformément aux dispositions des articles

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471 et suivant du code de procédure civile]) puis au président du tribunal d’instance par la loi
n° 77-2015/CNT du 23 novembre 2015 portant modification de la loi n°10/93/ADP du 17 mai
1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
Important. La loi n° 015-2019/An du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire a supprimé
les tribunaux d’instance et a reparti leur compétence entre les tribunaux de grande instance,
de commerce et les tribunaux départementaux ou d’arrondissement. Ces tribunaux ont
désormais compétence pour connaître des litiges civils et commerciaux dont le taux évalué en
argent est inférieur ou égal à 300 000 F CFA (art. 93). Les litiges dont le taux évalué en argent
est supérieur à 300 000 F CFA ressortissent des tribunaux de grande instance (art. 39) et de
commerce (art. 71).
Compétence territoriale. En disposant que la demande est formée « auprès de la juridiction
compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur » (article 3 alinéa 1
AUPSVE), l’Acte uniforme apparait avoir consacré la règle de la compétence de la juridiction
du domicile du défendeur à l’exclusion des options de compétence en matière contractuelle
en ce qui concerne la compétence territoriale. Il a cependant tempéré cette rigueur en
admettant que les « parties peuvent déroger à ces règles de compétence au moyen d’une
élection de domicile » (article 3 alinéa 2).
Qu’il s’agisse du président du tribunal de grande instance ou ou du président du tribunal de
commerce, une requête émanant du demandeur est nécessaire avant la décision portant
injonction de payer.
A- La requête
L’Acte uniforme n’a pas exigé de forme particulière de la requête ; on en déduit alors que cette
requête obéît aux formes de saisine de la juridiction compétente. Au Burkina Faso, il a été
retenu dans la pratique la forme ordinaire de la saisine sur requête qui consiste à présenter
au Président une requête en trois exemplaires avec chacun un projet d’ordonnance.
Suivant l’article 4 de l’Acte uniforme, la requête doit contenir à peine d’irrecevabilité :
1) les noms, prénoms, profession et domiciles des parties ou, pour les personnes morales,
leurs forme, dénomination et siège social ;
2) l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents
éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.
La requête est accompagnée des documents justificatifs en originaux ou en copies certifiées
conformes et comporte un projet d’ordonnance. Si le demandeur est un étranger, il doit faire
élection de domicile au siège de la juridiction saisie au Burkina Faso.
Si la demande lui parait fondée en tout ou partie, le président de la juridiction rend une
décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe.

B- La décision portant injonction de payer

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Elle est rendue sous la forme d’une ordonnance ; on l’appelle d’ailleurs ordonnance
d’injonction de payer (OIP). Après un examen de la requête et des pièces justificatives, le
président du tribunal signe le projet d’ordonnance pour peu que celui-ci lui paraisse aussi
régulier en la forme. C’est ce qu’on appelle ordonnance placée au pied d’une requête. La
décision doit comporter un ordre exprès à l’endroit du débiteur exprimé souvent sous la forme
de « Nous, président du Tribunal …….enjoignons à X de payer à Y la somme de XOF ». La Cour
de cassation burkinabè censure les décisions qui se contentent de dire « autorisons X à
signifier une injonction de payer à Y… ». (Arrêt n°020 du 14 décembre 2006, Telecel Faso c/
Spiro Stanislas ADTEVI, inédit).
Le président du tribunal peut rejeter en tout ou partie la demande. Là encore, la pratique,
mais très mauvaise, consiste pour le président à porter la mention « rejetée » en cas de rejet
total. Cela peut se comprendre car la décision de rejet est sans recours pour le requérant (art.
5 al.2 AUPSVE). Néanmoins celui- ci peut procéder selon le droit commun notamment par voie
d’assignation devant le tribunal lui-même.
La requête et la décision portant injonction de payer sont conservées à titre de minute au
greffe. Une expédition est délivrée au demandeur. Les documents produits en originaux sont
restitués mais le greffe conserve des copies certifiées conformes.
La décision portant injonction de payer doit être notifiée au débiteur dans les trois (03) mois
de sa date par acte extrajudiciaire, autrement elle serait non avenue.
Suivant l’article 8 AUPSVE, cette signification contient, entre autres, à peine de
nullité sommation au débiteur :
- Soit de payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les
intérêts et les frais de greffe dont le montant est précisé ;
- Soit de former opposition devant la juridiction qui sera saisie de l’ensemble du litige si
le débiteur entend faire valoir des moyens de défense.
La difficulté majeure à cette étape concerne les intérêts surtout dans le cas où ceux-ci n’ont
pu courir. Les juridictions de fond annulaient les significations qui ne comportaient pas le
montant déterminé des intérêts en ce que l’absence de précision des intérêts ne permettait
pas au débiteur de connaître l’étendue de ses obligations vis-à-vis du créancier (Cour d’appel
de Ouagadougou, arrêt n° 043 du 20 juin 2008, KILIMANDJARO c/ SEA-B, TGI Ouaga jgt n°329
du 2 juillet 2003, Fédération Wend Yam/ONG c/ la générale de commerce et service
ohadata, J-04-312, jgt n°242 du 14 juillet 2004, ETFF c/ Zongo S. Jean Baptiste, ohadata J-05-
240, CA abidjan, arrêt n°221 du 20 février 2001, ohadata J-04-118 ). Mais pour la Cour
commune de justice et d’arbitrage (CCJA), le défaut d’indication des intérêts dans l’exploit de
signification ne remet pas en cause la validité de cet acte dès lors que les intérêts n’étaient
pas réclamés par le créancier lequel peut ne demander que le principal (arrêt n°044/2005 du
07 juillet 2005, société de transport aérien Middle East Airlines Air Liban c/ KAMAGATE
Mangale, REC. N°6, juillet-décembre 2006, P. 29 jurisqcope.org.).

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La signification contient également à peine de nullité l’indication du délai dans lequel


l’opposition doit être formée ainsi que la juridiction devant laquelle elle doit être formée. Elle
avertit en outre le débiteur qu’il peut prendre connaissance au greffe de la juridiction
compétente dont le président a rendu la décision, des documents produits par le créancier et
qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué, il ne pourra plus exercer de voie de recours et
qu’il pourra être contraint.
En l’absence de contestation dans les délais requis ou en cas de désistement du débiteur, le
créancier peut demander l’apposition de la formule exécutoire sur la décision. Celle-ci produit
alors tous les effets d’un jugement contradictoire.
La demande d’apposition de la formule exécutoire doit intervenir dans les deux mois suivant
l’expiration du délai d’opposition. Elle est faite par simple déclaration écrite ou verbale
adressée au greffe de la juridiction qui a rendu la décision.
Par contre si le débiteur choisit d’élever des contestations, il lui est offert une seule voie de
recours : l’opposition devant le tribunal dont le président a rendu la décision.
§II- L’opposition devant le tribunal
Elle est réglementée par les articles 9 à 15 AUPRVE qui ne lui ont cependant pas donné de
définition. Ces dispositions l’ont seulement soumise à des conditions et à une procédure
particulière devant la juridiction compétente.
A- Les conditions de l’opposition
Elle est formée par acte extrajudiciaire devant la juridiction dont le président a rendu la
décision. La notification faite par voie d’huissier ne serait pas la seule forme recommandée,
l’opposition serait valablement formée lorsqu’elle est faite par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception. Toutefois, la pratique judiciaire burkinabè a retenu l’acte
d’huissier comme moyen d’opposition pour la raison évidente que cette opposition doit
contenir assignation.
Computation du délai. L’opposition doit être formée dans les quinze (15) jours qui suivent la
signification de la décision portant injonction de payer. On rappelle que les délais de l’Acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution sont des délais francs (article 335). Suivant la CCJA, lorsque les délais sont francs,
« ni le premier jour de l’acte (dies a quo), ni le dernier jour du délai (dies ad quem) ne doivent
être pris en considération ». (Arrêt n°017 du 29 mars 2004, Batim-CI c/ Société GIC, ohadata
J-04-302). La formalité peut donc être accomplie le lendemain du dies ad quem. Ainsi, « pour
un acte daté du 03 août 2006, le délai d’un mois commence à courir à partir du 04 août 2006
pour expirer le 05 septembre 2006 » (CCJA, arrêt n°046/2010 du 15 juillet 2010, BIAO
finances c/ KOUYA KAMA inédit). Ce délai connait l’incidence des jours fériés. Dans une
espèce, il a été décidé « qu’il est constant que l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue
le 12 septembre 2012 et été signifiée le 10 octobre 2012 ; que l’opposition a été formée le
lundi, 29 octobre 2012 ; que si l’expiration normale du délai d’opposition était prévue le 26

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octobre 2012, en application de la règle du délai franc contenue dans l’article 335 sus visé, le
délai d’opposition a commencé à courir à compter du 11 octobre 2012 pour expirer le
vendredi 26 octobre 2012, jour de la Tabaski, déclaré férié ; que la règle invoquée reporte la
date d’expiration du délai d’opposition au premier jour ouvrable suivant, c’est-à-dire le lundi
29 octobre 2012 à zéro heure ; que l’arrêt en ne prenant pas en compte les prescriptions des
dispositions des articles 10 et 335 invoquées encourt la cassation »(CCJA, arrêt n° 126 du
7/06/2018, KROU Ettien Jean paul c/ SIB)
Délai de distance (inutile). Ce délai est éventuellement augmenté des délais de distance (art
10 AUPSRVE). Les délais de distance au Burkina Faso sont de quinze (15) jours pour les
personnes qui sont domiciliées hors du siège de la juridiction et de deux (02) mois pour celles
qui demeurent à l’étranger (article 78 du code de procédure civile).
Lorsque la signification n’a pas été faite à la personne du débiteur, l’opposition est recevable
jusqu’à l’expiration du délai de quinze (15) jours suivant le premier acte signifié à personne
ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible
en tout ou en partie les biens du débiteur.
Relevé de forclusion ? Il faut noter que nulle part l’Acte uniforme n’a fait cas du relevé de
forclusion. C’est une procédure exceptionnelle qui permet de mettre fin aux effets de la fin de
non-recevoir tirée de la forclusion. Sur son fondement, tout plaideur qui justifie d’une
impossibilité matérielle ou d’un empêchement valable de respecter les délais impartis peut
être relevé de la déchéance encourue (article 80 Code de procédure civile).
Contenu de l’acte d’opposition. L’opposant est tenu à peine de déchéance, et dans le même
acte que celui de l’opposition de :
- Signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la
décision d’injonction de payer ;
- Servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à date fixe qui ne
saurait excéder le délai de trente jours (30) à compter de l’opposition.
Il en résulte que l’opposition faite uniquement au greffe n’est pas régulière (CCJA, arrêt n° 005
du 4/02/2010, CCJA arrêt n° 34 du 8/12/2011).
Lorsqu’elle est régulièrement faite, l’opposition donne lieu à une procédure particulière
devant le tribunal.
B- L’instance en opposition
Avant de rendre sa décision, le tribunal est tenu de procéder à une tentative de conciliation.
Dans cette procédure spéciale d’instance en opposition, il se pose également la question des
demandes incidentes et de la recevabilité de certains moyens.
La tentative de conciliation est une étape obligatoire et son défaut est sanctionné par la nullité
de la décision du tribunal. La procédure a lieu à la barre du tribunal et ne s’accommode pas
d’un renvoi à un juge conciliateur comme la pratique avait tenté de l’imposer. A cette étape,

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

le tribunal ne tranche pas le litige mais se contente de faire un travail de médiateur. Il veille à
rapprocher les points de vue des parties dans l’objectif d’aboutir à une solution consensuelle.
Si la tentative de conciliation aboutit, le président d’audience dresse un procès-verbal de
conciliation signé de lui et des parties. Ce procès-verbal est ensuite revêtu de la formule
exécutoire et produit tous les effets d’un jugement contradictoire. Par contre, si la tentative
de conciliation échoue, le tribunal « statue immédiatement sur la demande en recouvrement,
même en l’absence du débiteur ayant formé opposition, par une décision qui aura les effets
d’une décision contradictoire » (art.12 al.2 AUPVE). Peut-on donc considérer que la
conciliation a échoué si une partie ne se présente pas à l’audience ? Il semble qu’une certaine
jurisprudence la conçoive ainsi : « l’opposant est sensé avoir renoncé à l’instance lorsque, bien
qu’ayant été régulièrement cité à cette tentative de conciliation, il n’a pas comparu, ni
personne pour lui. Il y a lieu donc de valider l’ordonnance portant injonction de payer » (TGI
Ouaga, jgt n°74 du 19 février 2003, KIEMTORE Ervé c/ APG inédit ; TPI Cotonou, jgt n°020 du
15 juillet 2002, GB c/ ECOBANK, ohadata-J-284).
Le jugement sur opposition est un jugement de droit commun et se substitue à l’ordonnance
d’injonction de payer (art. 14 AUPVE). Le créancier, bien que défendeur à l’opposition,
supporte la charge de la preuve (art. 13 AUPVE).
Problème. Ce jugement recèle quelque complexité non perceptible a priori.
Dès lors que ce jugement se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer, il se pose la
question du contenu des jugements statuant uniquement sur la régularité de la procédure
comme par exemple lorsqu’il déclare l’opposition irrecevable. La forclusion, en tant qu’elle
intervient après l’expiration d’un délai préfix, est une fin de non-recevoir qui empêche le juge
d’examiner le fond du litige. Dès lors qu’elle est établie, le juge doit se contenter de déclarer
la procédure irrecevable sans pouvoir condamner la partie adverse au fond. Certains auteurs
pensent que dans ces conditions, le jugement ne se substitue pas à l’ordonnance d’injonction
de payer dont les effets ne seraient que suspendus (BONZI Birika Jean Claude). Cependant,
pour lever toute équivoque, certains juges procèdent malgré tout à la condamnation du
débiteur demandeur à l’opposition (TGI Ouaga, jgt n°345 du 28 mars 2001, R. Gauthier c/
CIMEX). Cela apparait juste en ce que dès lors que le jugement se substitue à l’ordonnance
d’injonction de payer, c’est celui-là qui devrait être mis à exécution. L’ordonnance d’injonction
de payer est censée disparaître en cas de jugement sur opposition et le jugement qui déclare
irrecevable une opposition est bien un jugement sur opposition. Son exécution pourrait être
compromise lorsqu’il ne comporte pas de condamnation.
En effet, le juge ne devrait pas se contenter, dans le dispositif de sa décision, d’examiner le
bien-fondé ou non de la créance dont recouvrement est poursuivi par l’ordonnance
d’injonction de payer. Il peut être confronté à des demandes incidentes. L’on sait que le
jugement rendu sur opposition est un jugement contentieux ordinaire qui se substitue à
l’ordonnance d’injonction de payer. Sont-elles donc recevables les oppositions fondées

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

uniquement sur une demande de délais de grâce et les demandes incidentes c'est-à-dire les
demandes additionnelles et reconventionnelles ?
Délai de grâce. Pour certains, la demande de délais de grâce à l’instance d’opposition est
incompatible avec la procédure d’injonction de payer. Cette demande de délais de grâce serait
non seulement contraire à l’esprit de la procédure d’injonction de payer qui est de contraindre
le débiteur au paiement, mais aussi contraire à l’esprit de l’opposition dont le rôle n’est autre
que de permettre au débiteur de contester la dette elle-même. L’opposition serait donc une
voie de contestation de l’ordonnance portant injonction de payer et lorsqu’il n’y a pas
contestation, il n’y a pas voie de recours.
Pour d’autres, puisque le jugement rendu sur opposition est un jugement de droit commun
susceptible d’appel, on doit convenir que l’opposition réintègre les parties dans un procès
ordinaire où celles-ci conservent leurs positions initiales ; le créancier en tant que demandeur
et le débiteur en tant que défendeur. On ne voit dès lors pas pourquoi il serait interdit à un
débiteur qui renonce à contester ce qu’il doit, de solliciter des délais de paiement.
Demandes incidentes. La question des demandes reconventionnelles et additionnelles est
aussi l’objet de discussions.
D’une part, il est permis d’opiner que l’opposition a pour but de saisir la juridiction de
l’intégralité du litige qui est la demande de paiement. Pourquoi ne serait-il pas permis aux
parties de modifier leurs prétentions initiales, le créancier par une demande additionnelle et
le débiteur par une demande reconventionnelle ? Cela est d’autant plus justifié que la décision
qui sera rendue aura l’autorité de chose jugée et il serait difficile pour le créancier d’engager
contre le débiteur une autre procédure pour demander un paiement supplémentaire. De la
même manière, certaines demandes reconventionnelles sont en réalité des moyens de
défense permettant au débiteur de faire rejeter la prétention du créancier : c’est le cas par
exemple du bailleur qui, en fin de contrat, réclame des loyers impayés alors que le preneur
invoque le paiement d’une avance de nature à couvrir ces impayés.
D’autre part, on peut retenir que l’opposition est une voie de recours et non un acte
introductif d’instance ; qu’ainsi, le tribunal saisi ne peut statuer que dans la limite de
l’ordonnance d’injonction de payer.
De notre point de vue, l’opposition a pour but de transformer la procédure jusque-là
unilatérale en contentieux qui ne se distingue de tout autre que par son mode de liaison. Du
reste c’est ce qui semble résulter des dispositions de l’article 8 de l’Acte uniforme lorsque
celles-ci disposent que l’acte de signification doit contenir sommation au débiteur si celui-ci
entend faire valoir des moyens de défense, d’avoir à former opposition, « celle-ci ayant pour
objet de saisir la juridiction, de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige ».
Voies de recours. Le jugement rendu sur opposition est susceptible d’appel dans les
conditions du droit national de chaque Etat-partie dans le délai de trente (30) jours. Dès lors
que ce jugement se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer, il se pose la question du
contenu des jugements statuant uniquement sur la régularité de la procédure comme par

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

exemple lorsqu’il déclare l’opposition irrecevable. La forclusion, en tant qu’elle intervient


après l’expiration d’un délai préfix, est une fin de non-recevoir qui empêche le juge d’examiner
le fond du litige. Dès lors qu’elle est établie, le juge doit se contenter de déclarer la procédure
irrecevable sans pouvoir condamner la partie adverse au fond. Certains auteurs pensent que
dans ces conditions, le jugement ne se substitue pas à l’ordonnance d’injonction de payer dont
les effets ne seraient que suspendus (BONZI Birika Jean Claude). Cependant, pour lever toute
équivoque, certains juges procèdent malgré tout à la condamnation du débiteur demandeur
à l’opposition (TGI Ouaga, jgt n°345 du 28 mars 2001, R. Gauthier c/ CIMEX). Cela apparait
juste en ce que dès lors que le jugement se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer,
c’est celui-là qui devrait être mis à exécution. L’ordonnance d’injonction de payer est censée
disparaître en cas de jugement sur opposition et le jugement qui déclare irrecevable une
opposition est bien un jugement sur opposition. Son exécution pourrait être compromise
lorsqu’il ne comporte pas de condamnation.
Finalement la procédure d’injonction de payer est instituée pour permettre d’obtenir
rapidement soit l’exécution, soit une décision exécutoire. C’est dans le même sens que tend
la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer.
CHAPITRE II- l’injonction de délivrer ou de restituer
C’est une nouvelle procédure qui permet à celui qui se prétend créancier d’une obligation de
délivrance ou de restitution d’un bien meuble corporel déterminé de demander au président
de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur de
l’obligation d’ordonner cette délivrance ou restitution. Elle est régie par les articles 19 à 27 de
l’Acte uniforme. La procédure est calquée sur celle de l’injonction de payer dont les règles
sont reprises ou font l’objet de renvoi. Il s’agit donc substantiellement des mêmes règles et
conditions avec quelques précisions ou différences.
Relativement aux conditions du bien soumis à restitution, il faut préciser qu’il doit s’agir d’un
bien meuble corporel ce qui exclut les biens meubles incorporels.
En outre, il doit s’agir d’un bien sur lequel le détenteur n’a pas un droit de rétention. C’est le
cas du vendeur à l’égard du bien vendu, du dépositaire à l’égard du bien objet du dépôt, de
l’emprunteur pour le bien prêté, du créancier gagiste pour le bien remis en gage.
Quant à la procédure, elle est identique à celle de l’injonction de payer. Il faut simplement
relever au titre des mentions requises à peine de nullité de la requête, la désignation précise
du bien dont la remise est demandée. Après l’ordonnance portant injonction de restituer ou
de délivrer, la signification contient à peine de nullité sommation au débiteur d’avoir, dans un
délai de quinze (15) jours, à transporter à ses frais le bien désigné en un lieu et dans les
conditions indiqués.
Le reste de la procédure est soumise aux mêmes dispositions prévues pour l’injonction de
payer.

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

En définitive, l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer sont des moyens


de pression pour parvenir à une exécution rapide. Alors même qu’elles ne sont pas des
mesures d’exécution forcée stricto sensu, elles permettent néanmoins l’obtention rapide d’un
titre exécutoire, condition essentielle dans les voies d’exécution.

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

TITRE II- Les voies d’exécution


Les voies d’exécution sont les moyens par lesquels les créanciers poursuivent la réalisation
forcée de leurs droits.
La voie d’exécution forcée par excellence est la saisie. Elle permet au créancier de faire mettre
sous-main de justice les biens de son débiteur en vue de les faire vendre aux enchères
publiques et de se faire payer sur le prix ou de se les attribuer.
On distingue entre les saisies mobilières et la saisie immobilière. Toutes ces saisies obéissent
à des dispositions communes alors même que chacune conserve des particularités.

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

CHAPITRE I- Les règles communes à toutes les saisies


Les articles 28 à 53 de l’Acte uniforme posent des règles censées s’appliquer à l’ensemble des
voies d’exécution. Ces règles se rapportent d’une part, aux conditions de l’exécution forcée et
à l’objet de la poursuite et, d’autre part, à l’exercice des poursuites et au rôle de l’autorité
judiciaire.
SECTION I- les conditions de l’exécution forcée et l’objet de la poursuite
Alors que le droit à une exécution forcée exige une double condition, l’objet de la poursuite
quant à lui obéit à un principe général malgré des exceptions.
§I- les conditions de l’exécution forcée
Elles se rapportent à la créance et à l’exigence d’un titre exécutoire.
A- La créance, cause de la saisie
L’article 31 de l’Acte uniforme dispose que « l’exécution forcée n’est ouverte qu’au créancier
justifiant d’une créance certaine, liquide et exigible ». Il s’agit des mêmes conditions déjà vues
en ce qui concerne l’injonction de payer. Il faut toutefois exclure cette condition de l’exécution
forcée par voie d’appréhension ou de revendication de biens meubles corporels. Ces
procédures particulières d’exécution ont leurs conditions différentes de celles des autres
saisies en ce qu’elles n’exigent pas de créance certaine, liquide et exigible constatée par un
titre exécutoire.
B- Le titre exécutoire
Suivant Roger Perrot et Philippe THERY, « on appelle titre exécutoire, un acte délivré au nom
du Souverain qui donne pouvoir à son titulaire de procéder à l’exécution forcée du droit qu’il
constate ». Il en est ainsi des jugements et des actes notariés. Le caractère exécutoire du titre
se matérialise par l’apposition de la formule exécutoire. Aucune mesure d’exécution forcée
ne peut être entreprise si le créancier ne se prévaut d’un titre exécutoire. Il existe une variété
de titres exécutoires. En effet, aux termes de l’article 33 de l’Acte uniforme, constituent des
titres exécutoires :
1) Les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont
exécutoires sur minute ;
2) Les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales
déclarés exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptible de recours
suspensif d’exécution, de l’Etat dans lequel ce titre est invoqué ;
3) Les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4) Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
5) Les décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat partie attache les effets d’une
décision judiciaire.
Jugements (jugement, arrêt et ordonnance) nationaux. Les décisions juridictionnelles
nationales considérées comme titres exécutoires sont celles qui sont passées en force de

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

chose jugée et sur lesquelles il y est apposé la formule exécutoire. Cette formule ordonne la
mise à exécution de la décision et vaut réquisition directe de la force publique. Aux termes de
l’article 386 du code de procédure civile, la formule exécutoire est libellée ainsi qu’il suit : « Le
peuple du Burkina Faso mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis, de mettre
ledit arrêt (ou ledit jugement etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs du
Faso d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main
forte lorsqu’ils en seront légalement requis ». Il faut préciser qu’en outre de la formule
exécutoire, la décision juridictionnelle nationale doit contenir une condamnation du débiteur.
Elle doit en plus, avoir été régulièrement signifiée et être insusceptible de voies de recours si
ce n’est une décision exécutoire par provision (comme les jugements en premier ressort
assortis de l’exécution provisoire , jugements d’ouverture des procédures collectives, des
ordonnances de référés par exemple,) ou exécutoire sur minute comme les ordonnances sur
requête (article 471 alinéa 3 code de procédure civile) ou les ordonnances de référés déclarées
expressément exécutoires sur minute (article 468 alinéa 2 code de procédure civile).
Jugements et actes publics étrangers. Quant aux actes et décisions juridictionnelles étrangers,
ils ne sont exécutoires dans le for que s’ils ont préalablement obtenu l’exequatur. Les
conditions de l’exequatur du jugement étranger sont précisées aux articles 998 et 999 du Code
des personnes et de la famille. Elles se rapportent principalement à la régularité internationale
de la décision. Le jugement étranger est régulier s’il a été rendu par un juge
internationalement compétent c'est-à-dire qu’en la matière, il n’y a pas de compétence
exclusive des juridictions burkinabè et que le litige présente un lien suffisant avec le pays
dont le juge a rendu la décision. A cette condition de la compétence internationale indirecte
s’ajoute celle de la conformité de la décision à l’ordre public international burkinabè. Cet ordre
public implique la prise en compte des valeurs de fond (ordre public substantiel ou de fond)
et surtout le respect des droits de la défense (ordre public procédural). En outre, il est exigé
du jugement étranger qu’il ne soit pas rendu dans une hypothèse de litispendance avec une
procédure pendante devant les juridictions burkinabè antérieurement saisies. Il faut noter
cependant que les dispositions de certaines conventions et accords de coopération judicaires
auxquels le Burkina Faso est partie infléchissent souvent ces règles applicables à l’exequatur
des jugements et actes publics étrangers.
Sentences arbitrales. L’exequatur des sentences arbitrales obéît à des conditions plus souples.
En effet, suivant l’article 31 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, « la
reconnaissance et l’exequatur de la sentence arbitrale supposent que la partie qui s’en
prévaut établisse l’existence de la sentence arbitrale. L’existence de la sentence arbitrale est
établie par la production de l’original accompagné de la convention d’arbitrage ou des copies
de ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité.
La reconnaissance et l’exequatur sont refusés si la sentence est manifestement contraire à
une règle d’ordre public international ». On en conclut qu’en plus de la régularité de la
sentence qui n’est que formelle, l’Acte uniforme n’exclut l’exequatur que dans le seul cas de
violation manifeste d’une règle de l’ordre public international des Etats partie.

18
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Procès-verbaux de conciliation. Les procès-verbaux de conciliation signés du juge et des


parties ne sont pas tout à fait des jugements mais quand même sont des titres exécutoires.
C’est le cas du procès-verbal de conciliation dressé par la juridiction saisie sur opposition à
ordonnance d’injonction de payer.
Autres titres exécutoires. Les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement sont
le plus souvent des actes administratifs. En matière du droit du travail par exemple, les procès-
verbaux de conciliation totale ou partielle et les procès-verbaux exécutoires c'est-à-dire ceux
qui portent sur les éléments non contestés du litige et qui sont relatifs aux salaires légaux,
conventionnels ou contractuels, aux congés payés et aux primes d’ancienneté sont des titres
exécutoires (article 326 du code du travail). C’est aussi le cas lorsqu’après mise en demeure
adressée à l’employeur indélicat pour le paiement des cotisations sociales, la Caisse nationale
de sécurité sociale établit, après avis de l’inspecteur du travail, une contrainte qui sera revêtue
de la formule exécutoire. Cette contrainte « comporte tous les effets d’un jugement » (article
21 de la loi portant régime de sécurité sociale) ancien ?
Lorsque ces conditions sont réunies, des poursuites peuvent être engagées contre le
patrimoine du débiteur.
§II- l’objet des poursuites.
Droit de gage général. Suivant l’article 2093 du code civil, les biens du débiteur sont le gage
commun des créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y
ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. Cette disposition pose le principe
de la saisissabilité de l’actif du patrimoine. Il existe cependant des exceptions.

A- La saisissabilité de principe de tous les biens du débiteur.


Le principe de la saisissabilité de tous les biens du débiteur est aussi posé par l’Acte uniforme
qui déclare que « les saisies peuvent porter sur tous les biens du débiteur alors même qu’ils
seraient détenus par des tiers, sauf s’ils ont été déclarés insaisissables par la loi nationale de
chaque Etat partie » (article 50). Il s’agit évidemment des biens actuels de l’actif du patrimoine
constitué éventuellement de biens meubles et immeubles. Même si le droit de saisir les biens
futurs est reconnu (quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son
engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir, article 2092 du
code civil), ce droit demeure virtuel tant que le bien ne fait pas partie de l’actif du débiteur.
Proportionnalité. Toutefois, en disposant que « sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou
privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et, en cas
d’insuffisance de ceux-ci, sur les biens immeubles », l’article 28 alinéa 2 de l’Acte uniforme
semble avoir organisé l’ordre des poursuites sur les biens. Ainsi, les créanciers chirographaires
seraient tenus de saisir en premier lieu les biens mobiliers de leur débiteur défaillant et c’est
seulement en cas d’insuffisance de ceux-ci que l’exécution pourra être poursuivie sur les
immeubles. Les créanciers hypothécaires et les créanciers privilégiés devraient poursuivre

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

d’abord le bien affecté à la garantie de leurs créances et en cas d’insuffisance de celui-ci, ils
poursuivront la vente des autres biens. En matière hypothécaire, l’article 251 l’Acte uniforme
dispose que « le créancier ne peut poursuivre la vente des immeubles qui ne lui sont
hypothéqués que dans le cas d’insuffisance des immeubles qui lui sont hypothéqués… ». On
devrait comprendre qu’en cas d’insuffisance des immeubles affectés en garantie, le créancier
puisse procéder à la saisie des autres immeubles du débiteur sans passer par la saisie préalable
et infructueuse des biens mobiliers.
Ce droit de saisir tous les biens du débiteur se heurte exceptionnellement à des obstacles
juridiques.
B- Les obstacles à la saisissabilité
Limites du droit de gage général. Hormis le cas des biens indivis qui ne peuvent être saisis
qu’en cas de partage que peuvent provoquer les créanciers et la question non résolue de la
saisie de l’immeuble servant de logement familial, des obstacles tenant soit à la nature du bien
, soit à la personne du débiteur peuvent avoir pour effet de rendre la saisie inefficace.
1- Les biens insaisissables
L’Acte uniforme reconnait que des biens peuvent être déclarés insaisissables mais renvoie,
pour leur détermination, à la loi nationale de chaque Etat partie.
Vide législatif. Il n’existe pas dans le droit burkinabè une réglementation générale des biens
insaisissables. A part quelques dispositions éparses tel que le décret n° 2008-741 du 17
novembre 2008 qui fixe les conditions dans lesquelles les rémunérations et pensions des
agents publics de l’Etat peuvent être saisies, il n’existe pas de dispositions textuelles
déterminant la liste des biens insaisissables. La jurisprudence naissante a du se saisir de la
question et a estimé que « d’une manière générale, il est de jurisprudence constante que
certains biens sont insaisissables lorsqu’ils sont nécessaires à la vie courante et au travail du
débiteur, tels les vêtements, la literie, le linge de maison, les objets et produits nécessaires
aux soins corporels et à l’entretien de la maison, les denrées, les livres et objets nécessaires
à la poursuite des études ou de la formation professionnelle, les objets d’enfants, les
instruments de travail nécessaires à l’activité professionnelle du débiteur (arrache clous
d’un menuisier, ordinateurs d’une société de téléphonie, véhicule professionnel) […] ; qu’en
l’espèce, la saisie porte sur tout le parc automobile de T. F. ; que les véhicules saisis sont
affectés à des taches biens déterminées ; qu’on ne saurait imaginé qu’une société de
télécommunication puisse fonctionner voir survivre sans véhicule automobile … ». (Tribunal
de commerce de Ouagadougou, Ordonnance n°2013-046-1 du 04 décembre 2013, Telecel
Faso c/ Altech Namitech (pty) limited).
Il faut noter que cette jurisprudence s’inspire fortement de l’ordonnance française du 9 juillet
1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution qui a établi en son article R.112-2 la
liste des biens insaisissables. Mais sa portée doit être relativisée puisqu’il est d’acception
constante que ce texte ne s’applique qu’aux personnes physiques à l’exclusion des personnes
morales (TGI Lyon (JEX), 14 juin 1994, Bull. inf. C. Cass., 1994, n°922).

20
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Par ailleurs, l’on pourrait légitimement se poser la question de savoir si, en ayant recours au
vocable « loi » et non droit, l’article 50 AUPSRVE n’autorise autre détermination des biens
insaisissables que formellement par voir législative ; autrement la jurisprudence ni le décret
devraient pas intervenir dans un domaine réservé à la loi.
Les obstacles à la saisie peuvent aussi résulter de la situation de la personne du débiteur.
2- Les obstacles liés à la personne du débiteur
Il s’agit des immunités d’une part, et de l’incidence des délais de grâce et des procédures
collectives d’autre part.
Immunités d’exécution. Les immunités sont des privilèges accordés à certaines personnes en
vertu desquels elles ne peuvent, sauf renonciation, être déférées aux juridictions (immunité
de juridiction), ni être contraintes à l’exécution d’une décision de justice ou tout autre titre
exécutoire (immunité d’exécution). Ces immunités bénéficient le plus souvent aux Chefs
d’Etat et Souverains étrangers, aux agents diplomatiques et aux personnes morales de droit
public. Les personnes morales de droit public comprennent l’Etat, ses démembrements et les
entreprises publiques. La renonciation peut être tacite ou expresse. La renonciation à
l’immunité de juridiction ne vaut pas renonciation à l’immunité d’exécution.
L’Acte uniforme a consacré l’immunité d’exécution des entreprises publiques ; en effet,
suivant l’article 30 « l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables
aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution.
Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public
ou des entreprises publiques, quelles qu’en soient la forme et la mission, donnent lieu à
compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera
tenu envers elles, sous réserve de réciprocité ».
Jurisprudence. Bien que l’extension de l’immunité d’exécution aux entreprises publiques
paraisse excessive au regard du régime de ces entreprises notamment des sociétés d’Etat et
des sociétés d’économie mixte qui fonctionnent suivant les règles du droit privé (article 1 er de
l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique), la Cour commune de justice et d’arbitrage a décidé d’en faire une application
généralisée. C’est le cas de l’arrêt TOGO TELECOM.
En effet, la loi togolaise du 4 décembre 1990 portant réforme du cadre institutionnel et
juridique des entreprises publiques soumet ces entreprises aux règles du droit privé. Son
article 1er dispose que « les règles de droit privé, notamment celles du droit civil, du droit du
travail et du droit commercial, y compris les règles relatives aux contrats et à la faillite sont
applicables aux entreprises publiques dans la mesure où il n’y est pas dérogé par la présente
loi ». La société TOGO TELECOM, société constituée de capitaux publics a été condamnée à
payer la somme de 118 970 213 F CFA à des employés qu’elle avait licenciés. Ceux-ci ont alors
pratiqué une saisie-attribution de créances sur les avoirs de ladite société et le contentieux
s’est retrouvé devant la CCJA. Les requérants travailleurs ont posé évidemment la question à

21
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

la Haute juridiction communautaire de savoir si les juges du fond avaient raison de lever la
saisie pour immunité d’exécution au regard du fait que la société est soumise aux règles du
droit privé. La CCJA a relevé que « lesdites dispositions de droit interne togolais, qui
soustraient les entreprises publiques du régime du droit public pour les soumettre au droit
privé, privent celles-ci , notamment de l’immunité d’exécution attachée à leur statut
d’entreprises publiques ; que ce faisant, elles contrarient les dispositions de l’article 30 de
l’Acte uniforme susvisé alors même que, d’une part, l’article 336 dudit Acte uniforme a
expressément abrogé toutes les dispositions relatives aux matières qu’elle concerne dans
les Etats parties et, d’autre part, que l’article 10 du traité susvisé dispose que les actes
uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats nonobstant toute
disposition contraire de droit interne , antérieure ou postérieure ». (CCJA, arrêt n°043 du 07
juillet 2005, Aziablévi YOVO et autres c/ Société TOGO TELECOM). La CCJA a estimé par la
suite que l’immunité d’exécution ne bénéficie pas aux sociétés d’économie mixte (arrêt n° 103
du 26 avril 2018, MBULU MUSESO c/ SGHC) sauf si la loi nationale prévoit que cette société
d’économie mixte est une entreprise publique (arrêts n° 259 et 260 du 13 décembre 2018,
IAD c/ CMDT). Elle semble même exclure société d’état puisque dans un arrêt du 28 novembre
2019 (CCJA, 1ère Ch., Arrêt n° 267/2019, 28 Novembre 2019), elle a dit que lorsqu’une société
est soumise au droit privé, elle ne peut bénéficier de l’immunité d’exécution peu importe que
l’Etat ait une participation ou non. On sait que les sociétés d’état, c’est-à-dire celles dont le
capital social est détenu intégralement par l’Etat ou ses démembrements, sont soumises à
l’Acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique (art. 1).
Lorsqu’elle est acquise, l’immunité met le débiteur à l’abri de toute voie d’exécution. Les délais
de grâce et les procédures collectives d’apurement du passif produisent également les mêmes
effets pendant une certaine période.
Délai de grâce. Le délai de grâce est un report ou un échelonnement des paiements que le
juge peut accorder au débiteur pendant un certain temps compte tenu de la situation de celui-
ci et des besoins du créancier. Il trouve son fondement dans divers textes que sont les articles
1244 du code civil, 399 et 400 du code de procédure civile et 39 de l’Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Si le code
civil ne précise pas la durée, le code de procédure civile et l’Acte uniforme le confinent dans
le délai d’un an. Cependant, les conditions sont nuancées suivant les textes et face à cette
pluralité de fondements on se pose la question de savoir lequel l’emporte ou bien chaque
texte conserve sa spécificité. Dans un avis de 1999, la CCJA, saisie par la République du Mali
sur la question de savoir si les conditions particulières et différentes de l’octroi du délai de
grâce d’un projet de loi était compatible avec les dispositions harmonisées, a répondu de la
manière suivante : « L’article 10 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en
Afrique ayant affirmé la force obligatoire des Actes uniformes et leur supériorité sur les
dispositions de droit interne des Etats parties et les articles 336 et 337 de l’Acte Uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

22
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

ayant exclu toute possibilité de dérogation audit Acte uniforme dans les matières qu’il
concerne, il s’ensuit que l’article 16 du projet de loi malien qui déroge à l’article 39 de l’Acte
uniforme en ce qu’il édicte des conditions nouvelles, impératives et restrictives pour le
bénéfice par le débiteur du délai de grâce, est contraire et incompatible avec l’article 39
précité. » (Avis n°002/99 du 13 octobre 1999).
L’on peut conclure de cet avis que le texte applicable au délai de grâce est l’Acte uniforme. Le
délai de grâce peut être accordé par la juridiction de fond ou par le juge des référés (code civil
et code de procédure civile), il peut aussi l’être par la juridiction compétente en matière de
difficultés d’exécution (article 433 code de procédure civile). Lorsque la mesure est
prononcée, elle empêche pendant la période toute saisie sur les biens du débiteur ou entraine
une discontinuation des poursuites si des voies d’exécution ont déjà été entreprises (article
433 du code de procédure civile).
Procédures collectives. Suivant l’Acte uniforme du 10 septembre 2015, les procédures
collectives d’apurement du passif regroupent les procédures préventives (conciliation,
règlement préventif) et les procédures curatives (redressement judiciaire, liquidation des
biens). Lorsqu’elles sont ouvertes, ces procédures collectives empêchent certains créanciers
du débiteur d’engager des poursuites (créanciers dans l’accord amiable en cas de conciliation)
ou arrêtent toutes poursuites individuelles à compter de la décision d’ouverture (Règlement
préventif, redressement judiciaire, liquidation des biens). C’est la suspension des poursuites
individuelles.
A ces deux derniers évènements (délai de grâce et procédures collectives) restrictifs du droit
du créancier vis-à-vis du débiteur, on peut rattacher les défenses à exécution.
Défenses à exécution provisoire. On rappelle en effet que l’article 32 de l’Acte uniforme
dispose qu’« à l’exception de l’adjudication d’immeuble, l’exécution forcée peut être
poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision ». Il s’agit
principalement des jugements rendus en premier ressort et dont l’exécution provisoire a été
ordonnée en application des articles 401 et 402 du code de procédure civile. Ces jugements
peuvent faire l’objet de défenses à exécution. Suivant les articles 407 du Code de procédure
civile, le Premier président de la cour d’appel « accorde des défenses à exécution lorsque
notamment celle-ci :
1) est interdite par la loi ou a été ordonnée hors les cas prévus par la loi ;
2) est de nature à entrainer des conséquences manifestement excessives ou irréparables ».
Lorsqu’elle est ordonnée, la défense à exécution anéantit le caractère exécutoiree du titre et
empêche toute exécution de la décision en entendant l’issue de l’appel ou interrompt cette
exécution lorsqu’elle a commencé. Face à la contrariété évidente de cette procédure avec les
dispositions de l’article 32 de l’Acte uniforme, la CCJA a donné une position quelque peu
nuancée. Dans l’arrêt Epoux Karnib, la CCJA a été stricte sur l’inapplicabilité de la procédure
de défenses à exécution aux décisions bénéficiant de l’exécution provisoire. En effet, elle a
décidé dans cette espèce que « Attendu qu’aux termes de l’article 32 de l’Acte Uniforme

23
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

susvisé « à l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être


poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est
alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement
modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu
de relever de faute de sa part » ; qu’en application de l’article 10 du Traité relatif à
l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, cette disposition est directement
applicable et obligatoire en Côte d’Ivoire, Etat Partie audit Traité, nonobstant toute
disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ;
Attendu que les requérants avaient entamé l’exécution forcée en vertu du Jugement n° 4
rendu le 21 janvier 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou ; que cette
exécution ne concernait pas l’adjudication d’immeubles ;
Attendu que l’ordonnance attaquée, qui a eu pour effet de suspendre l’exécution forcée
entreprise sur l’unique fondement des dispositions des articles 180 et 181 du Code de
procédure civile ivoirien a, dès lors, violé l’article 32 de l’Acte Uniforme susvisé et encourt
de ce fait la cassation ;
Attendu qu’il échet, en conséquence, d’annuler ladite ordonnance et d’autoriser les
requérants à poursuivre l’exécution entreprise ». (CCJA, arrêt n°002/2001 du 11 octobre
2001, Les Epoux Karnib c/ Société générale de banques de Côte d’Ivoire).
Par la suite la CCJA s’est montrée moins catégorique et a quelque peu modéré sa position.
Dans l’arrêt SOCOM, elle estime « qu’en effet, contrairement à ce que prétend la
demanderesse au pourvoi, l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’est pas applicable en
l’espèce, la procédure introduite le 10 octobre 2001 et qui a abouti à l’arrêt attaqué n’ayant
pas eu pour objet de suspendre une exécution forcée déjà engagée mais plutôt d’empêcher
qu’une telle exécution puisse être entreprise sur la base d’une décision assortie de
l’exécution provisoire et frappée d’appel ; qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit se déclarer
incompétente pour statuer sur le recours en cassation introduit par SOCOM SARL ». (CCJA,
arrêt n° 013/2003 du 19 juin 2003, SOCOM SARL c/ Société générale de Banque du Cameroun).
Sursis à exécution. La procédure de défenses à exécution s’apparente à la procédure de sursis
à exécution. En effet, suivant l’article 607 nouveau du Code de procédure civile, « en cas de
pourvoi en une matière où cette voie de recours n’est pas suspensive, le premier président de
la Cour de cassation ou tout président de chambre de ladite cour spécialement désigné par le
premier président peut ordonner, qu’il soit sursis à l’exécution des arrêts rendus par les Cours
d’appel ou des jugements rendus en dernier ressort lorsque l’arrêt ou le jugement contient un
excès manifeste de pouvoir, une violation flagrante des droits de la défense ou une grossière
erreur de droit ou lorsque l’exécution dudit arrêt ou jugement est de nature à entrainer des
conséquence excessives au regard de la situation du débiteur de l’exécution ou au regard de
la situation du créancier, notamment en raison du risque de restitution impossible ou difficile

24
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

en cas de cassation [ …]. Le premier président statue en la forme de référé et renvoie l’affaire
devant la Chambre compétente pour la poursuite de la procédure de pourvoi […] ».
On rappelle que le pourvoi est suspensif d’exécution dans trois cas :
- En matière d’état des personnes ;
- Quand il y a faux incident ;
- En matière d’immatriculation foncière et d’expropriation forcée.
A part ces obstacles de nature à les paralyser, l’effectivité des voies d’exécution est assurée
par des organes en charge de l’exercice des poursuites.
SECTION II- L’exercice des poursuites
Exclusion faite du créancier et du débiteur, l’exercice des poursuites est l’œuvre d’organes qui
font appel à l’intervention nécessaire d’un huissier de justice et à la contribution de l’Etat et
des tiers, le contrôle étant laissé à l’autorité judiciaire.
§I- Les organes d’exécution.
Il s’agit de l’huissier de justice ou de l’agent d’exécution. L’Etat et les tiers doivent contribuer
à l’effectivité des opérations s’il s’en trouve nécessaire.
A- L’huissier de justice
Pour la mise en œuvre des voies d’exécution, l’Acte uniforme fait du recours à un huissier de
justice ou à un agent d’exécution une condition essentielle. La législation burkinabè ne
reconnaissant pas l’agent d’exécution, les mesures d’exécution forcée restent alors l’œuvre
presqu’exclusive de l’huissier de justice dont les droits et les obligations sont définies aux
articles 41 à 49 de l’Acte uniforme. Celui-ci peut constituer un gardien en l’absence de
l’occupant du local où la saisie est opérée et peut se faire assister de deux témoins majeurs. Il
ne peut opérer ni les dimanches, ni les jours fériés sauf autorisation spéciale du président de
la juridiction compétente. Aucune mesure ne peut être entreprise avant 8 heures ni continuer
après 18 heures sauf autorisation de la juridiction compétente.
L’huissier est un mandataire du créancier et peut engager sa responsabilité pour les fautes
commises. Ces fautes qui consistent principalement en l’inobservation des diligences
prescrites peuvent donner lieu à sa condamnation à des dommages et intérêts. Il y a lieu de
rappeler que l’Acte uniforme a édicté des formalités qui doivent être impérativement
observées par l’huissier à peine de nullité de ses actes. Suivant la CCJA, ces nullités doivent
être prononcées même en l’absence de griefs. En effet, dans l’avis 001/99 du 7 juillet 1999
rendue à la suite de sa saisine par le président du tribunal de première instance de Libreville,
la haute juridiction communautaire a déclaré que « L’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a expressément prévu que
l’inobservation de certaines formalités prescrites est sanctionnée par la nullité. Toutefois,
pour quelques-unes de ces formalités limitativement énumérées, cette nullité ne peut être
prononcée que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui
qui l’invoque. Hormis ces cas limitativement énumérés, le juge doit prononcer la nullité

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

lorsqu’elle est invoquée s’il constate que la formalité prescrite à peine de nullité n’a pas été
observée sans qu’il soit alors besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice ».
Elle a confirmé cette position dans des décisions postérieures (CCJA 008/2004 du 26
février 2004 (Banque commerciale du Niger c/ Hamadi Ben Damma) et n°12/2004
du 18 mars 2004) mais face à la crique elle a parfois tempéré cette position assez rigoureuse
en estimant que l’erreur commise dans la désignation de la juridiction compétente reprochée
à l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer a été réparée dès lors que le
débiteur a saisi la juridiction compétente et par les indications contenues dans l’article 9 de
l’Acte uniforme, intégralement reproduit dans l’exploit attaqué ; par conséquent, l’arrêt
attaqué qui a annulé l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer doit,
quelles que soient les conséquences qu’il a tirées de cette sanction, être cassée (Arrêt
n°026/2005 du 07 avril 2005, BOU CHEBEL MALECK c/ Station Mobil de Yamoussokro). On
rappelle que l’article 8 alinéa 2 de l’Acte uniforme prescrit à peine de nullité que la signification
contient l’indication de la juridiction devant laquelle l’opposition doit être portée.
« malgré [l’inexactitude de] l’erreur effectivement commise sur l’orthographe de son nom,
lorsque le défendeur a accepté de recevoir et de signer lui-même l’exploit de signification de
l’acte d’appel à lui servi par l’huissier de justice et de conclure au fond, il apparait que si à
l’évidence, l’inexactitude constatée dans la reproduction de son nom est imputable audit
huissier, celle-ci n’a pu être commise dans le dessein rédhibitoire de faire échec à ses droits,
encore qu’il n’en offre aucune preuve et, par conséquence, il s’en suit que la demande de
nullité de l’exploit de signification est mal fondée » (arrêt n°008/2002 du 21 mars 2002, Société
PALMAFRIQUE c/ KONAN BALLY KOUAKOU).
L’Acte uniforme ne s’est pas appesanti sur la responsabilité de l’huissier de sorte qu’il revient
à la loi nationale de régir le régime de la responsabilité de cet auxiliaire de justice. Suivant
l’article 102 du code de procédure civile, « si un acte est déclaré nul par le fait d’un huissier,
celui-ci est condamné aux frais de l’acte, sans préjudice de tous autres dommages et intérêts
qui pourront lui être réclamés ».
L’huissier n’est pas le seul à instrumenter les actes d’exécution. Dans des hypothèses
exceptionnelles, ce rôle est dévolu à d’autres intervenants. Il s’agit du greffier en cas de saisie
des rémunérations (article 183) et de l’avocat en tant qu’il a compétence exclusive pour
dresser le cahier des charges en matière de saisie immobilière (article 266) et pour requérir
l’adjudication de l’immeuble à l’audience (article 280).
Ce personnel ne peut parvenir souvent à l’exécution qu’avec le concours des tiers et de l’Etat
par la force publique.
B- Le concours des tiers et de la force publique
Force publique. L’Etat doit prêter son concours à l’exécution des décisions et autres titres
exécutoires. En effet, la formule exécutoire vaut réquisition directe de la force publique et la
carence ou le refus de l’Etat de prêter son concours engage sa responsabilité (article 29 Acte
uniforme). Il résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat que l’Etat doit réparer les dommages

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

de toute nature résultant du refus d’exécution forcée d’une décision de justice. (CE, 30
novembre 1923, COUITEAS, GAJA, arrêt n°43).
Responsabilité des tiers. Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de
l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils
en sont requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entrainer leur condamnation
à verser des dommages et intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie
peut également et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la
saisie, sauf son recours contre le débiteur (articles 38 et surtout 156 AUPSRVE). Cette
condamnation ne peut être cependant prononcée que par l’autorité judiciaire compétente qui
assure le contrôle de l’ensemble des opérations d’exécution.
§II- l’Autorité judiciaire
Détermination. Suivant l’article 49 de l’Acte uniforme, la juridiction compétente pour statuer
sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie
conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat
délégué par lui.
En l’absence d’intervention légale, la détermination de ce juge a posé quelques difficultés au
Burkina Faso. Il s’agissait de savoir si le juge compétent était le juge des référés qui est le juge
naturel du l’urgence ou du juge de l’exécution du droit français, qui quoique statuant en la
forme des référés, rend des décisions de fond qui ont autorité de chose jugée dans un
domaine où il a une compétence exclusive.
En effet, en France, il est créé une juridiction spécialisée chargée de statuer sur tous les
incidents de procédure et sur toutes les questions de fond en matière de voies d’exécution.
Cette juridiction qui est celle du président du tribunal de grande instance, à la différence du
juge des référés, rend de véritables jugements de fond qui ont autorité de chose jugée. Ces
décisions rendues dans des délais abrégés sont susceptibles d’appel et alors même qu’elles
sont exécutoires par provision, elles peuvent faire l’objet de défense à exécution. C’est la
juridiction du juge de l’exécution.
La loi n°015-2019 du 2 mai 2019 portant organisation judiciaire au Burkina Faso a aussi créé
le juge de l’exécution. En effet, suivant les articles 60 à 62 de ladite loi, « le président [du
tribunal de grande instance] statue sur les difficultés d’exécution d’une décision
juridictionnelle ou d’un autre titre exécutoire. Il peut déléguer ses pouvoirs à un ou plusieurs
juges. Le juge de l’exécution a compétence exclusive pour :
- Connaître en premier ressort des difficultés relatives aux titres exécutoires et des
contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent
sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de
l’ordre judiciaire ;
- Connaitre des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution
dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires ;

27
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

- Autoriser les mesures conservatoires ou connaitre du contentieux de leur mise en


œuvre ;
- Exercer des compétences particulières qui lui sont dévolues par des textes
spécifiques ».
En ne donnant cette compétence qu’au président du tribunal de grande instance (les articles
60 à 62 se trouvent dans la rubrique relative aux compétences propres du président du
tribunal de grande instance), la loi portant organisation judiciaire a exclu la compétence du
président du tribunal de commerce et celui du tribunal de travail qui doivent se contenter des
pouvoirs du juge des ordonnances sur requête et des référés dans les matières qui relèvent
des tribunaux dont ils sont les présidents.
Malgré la précision des termes, la chambre civile du tribunal de grande instance continue de
connaitre du contentieux de la saisie immobilière. Pourtant, l’article 49 AUPSRVE et les
dispositions nationales relatives au juge de l’exécution n’ont pas distingué entre saisies
mobilières et saisie immobilière de sorte que le contentieux de la saisie immobilière, qu’il
s’agisse de l’audience éventuelle ou de l’audience d’adjudication, devrait relever du juge de
l’exécution.
Régime. Le juge de l’exécution statue en la forme des référés ainsi qu’il est dit à l’article 433
du Code procédure civile. « Il ne peut, en ce cas, ni modifier le dispositif de la décision servant
de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution si ce n'est dans le cas où il octroie
un délai de grâce ».
Les décisions du juge de l’exécution sont exécutoires par provision sauf dispositions contraires
de l’acte uniforme. L’exception vient de l’article 172 AUPSRVE relatif au contentieux de la
saisie-attribution de créances qui prévoit, en ce qui concerne le contentieux de la saisie-
attribution de créances, que « le délai pour faire appel ainsi que la déclaration d'appel sont
suspensifs d'exécution sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction
compétente ».
Les décisions sont susceptibles d’appel dans les quinze (15) jours.

28
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

CHAPITRE II. Dispositions spécifiques


Il existe deux catégories de règles spécifiques : celles applicables aux saisies mobilières d’une
part, et celles qui gouvernent la saisie immobilière d’autre part.
SOUS CHAPITRE I- Les saisies mobilières
Les saisies mobilières ont la particularité de porter sur des biens meubles qu’ils soient
corporels ou incorporels. Ces saisies peuvent consister en des mesures conservatoires (section
1) ou en des mesures d’exécution forcée (section 2).
Section 1. Les saisies conservatoires
Selon, Anne-Marie ASSI-ESSO, les « saisies conservatoires sont les saisies qui ont simplement
pour but de soustraire les biens mobiliers du débiteur à la libre disposition de ce dernier afin
de les conserver au profit du créancier ». Ces saisies appartiennent à la grande catégorie des
mesures conservatoires qui, outre les saisies conservatoires, comprennent aussi les sûretés
judiciaires. Mais à la différence des saisies conservatoires, les sûretés judiciaires peuvent
porter aussi bien sur les meubles (fonds de commerce, droits de propriété intellectuelle, droits
d’associés et valeurs mobilières) que sur les immeubles (hypothèque judiciaire) et sont régies
par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés. Elles confèrent au créancier un droit de
suite et un droit de préférence.
Les saisies conservatoires du droit OHADA ont une assiette variée mais limitée : elles ne
peuvent porter que sur les meubles corporels, les créances et les droits d’associés et les
valeurs mobilières.
Des règles communes leur sont applicables et concernent essentiellement les conditions (§ 1).
Toutefois, chacune d’elles conserve sa particularité et fait l’objet de dispositions propres (§ 2)
§ 1. Les règles communes à toutes les saisies conservatoires
Suivant l’article 54 de l’acte uniforme : « toute personne dont la créance parait fondée en son
principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où
demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens
mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle
justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ». Cette disposition pose à
la fois les conditions de fond (A) et les conditions de procédure (B).
A. Les conditions de fond
Elles se rapportent à la créance dont le recouvrement doit être menacé.
Caractère de la créance. Le principe de la créance suffit pour solliciter l’autorisation du juge
aux fins de saisie conservatoire. La souplesse de cette condition se justifie par l’objectif de la
mesure qui est de sauvegarder les droits du créancier dans l’attente de l’exécution. Il n’est
donc pas exigé de commandement préalable ni de titre exécutoire qui mettraient à mal son
efficacité puisqu’elle repose sur l’effet de surprise. Dans le même objectif, il n’est pas exigé
que la créance soit certaine, liquide et exigible.

29
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

La créance doit simplement paraître fondée en son principe, ce qui n’exclut pas les créances
de montant indéterminé (même si la saisie devra être pratiquée pour un montant déterminé
par le juge), les créances conditionnelles, les créances à terme… Toutefois, il n’y a pas de
créance lorsque le saisissant se contente « d’invoquer une commission qui lui reviendrait suite
au mandat qui lui a été donné de vendre un immeuble du saisi sans prouver qu’il a exécuté ce
mandat et que la vente dudit immeuble a été effectuée par ses soins » (CA Abidjan, arrêt n+
458 du 19 avril 2005). Aussi les juges sont souvent hésitants lorsque des factures sont
produites sans être accompagnées de bordereaux de livraison ni de bons de commande.
Le recouvrement douteux. C’est la deuxième condition qui doit être établie. « Constitue une
circonstance de nature à menacer le recouvrement de la créance, des éléments tels que des
risques sérieux d’insolvabilité imminente ou de grosses difficultés financières présentant un
caractère permanent. Le fait que le débiteur ne se soit pas acquitté d’une dette dont il
conteste le montant ne saurait constituer une circonstance de nature à menacer le
recouvrement de la créance » (CA Abidjan, arrêt n° 112 du 13/02/2007). La menace du
recouvrement résulte soit d’un risque d’insolvabilité soit d’une résistance abusive du débiteur
lorsque celui-ci garde un silence face aux sommations successives de payer et des lettres de
relance. Dans tous les cas, il s’agit d’éléments de fait laissés à l’appréciation souveraine du
juge.
B. La Procédure
Principe. Autorisation judiciaire. La saisie, qui n’exige pas en principe de titre exécutoire, est
entreprise en vertu d’une autorisation judiciaire. La juridiction matériellement compétente
est le juge de l’exécution. Pour faire produire à la mesure tout son effet de soudaineté, le juge
est saisi suivant la procédure d’ordonnance sur requête. Elle consiste à soumettre au juge une
requête avec un projet d’ordonnance placée au pied de ladite requête.
La juridiction territorialement compétente est la juridiction du domicile du débiteur ou du lieu
où il demeure effectivement. Toutefois, cette juridiction ne demeure compétente que pour
connaître des litiges élevés sur le principe de la saisie conservatoire. La juridiction du lieu de
la situation du bien saisi peut connaître des contestations relatives aux opérations de la saisie
ou du principe de la saisissabilité (art. 63 in fine AUPSRVE).
Exception. Une autorisation n’est pas nécessaire si le créancier dispose déjà d’un titre
exécutoire ou si la créance réclamée résulte du défaut de paiement, d’une lettre de change
acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer impayé à la condition qu’il soit dû en
vertu d’un contrat de bail d’immeuble écrit (art. 55 AUPSRVE). Il faut préciser que le défaut de
paiement doit être dûment établi conformément au règlement n°15/2002/CM/UEMOA du 19
septembre 2002 relatif aux systèmes de paiement dans les états membres de l’UEMOA ; en
conséquence une simple attestation de rejet d’un chèque délivrée par la banque ne peut
ouvrir le droit de pratiquer une saisie conservatoire.
Caducité. L’autorisation est caduque si dans un délai de trois (03) mois à compter de la
décision la saisie n’a pas été pratiquée.

30
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

A l’exclusion du cas ou la saisie conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le


créancier doit dans le mois qui suit ladite saisie, à peine de caducité introduire une procédure
ou accomplir les formalités nécessaires pour obtenir un titre exécutoire. Cette formalité peut
être une assignation en justice, elle peut être une procédure d’injonction de payer ou la
procédure particulière prévue à l’article 123 du règlement UEMOA de 2002 ou même une
procédure de clôture du compte courant lorsque celui-ci est conclu par acte notarié.
§ 2. Les règles propres à chaque saisie conservatoire
Les saisies conservatoires réglementées par l’acte uniforme s’articulent autour de la saisie
conservatoire des biens meubles corporels, de la saisie conservatoire des créances et de la
saisie conservatoire des droits d’associés et des valeurs mobilières. Chacune de ces saisies a
une particularité qui résulte de son objet.
A. La saisie conservatoire des meubles corporels
Elle commence par les opérations de saisie suivies d’une procédure spéciale de conversion en
saisie-vente. Il est toutefois distingué entre saisies conservatoires de droit commun (1) et
saisies conservatoires spéciales (2).
1. La saisie conservatoire de droit commun
Opérations de saisie. La saisie conservatoire a pour objet de rendre indisponible le bien saisi
dans l’attente de l’accomplissement des formalités nécessaires à l’exécution forcée. Les
opérations de saisie sont de la compétence de l’huissier qui doit dresser un procès-verbal de
saisie conservatoire.
Ce procès-verbal contient, à peine de nullité, les mentions prévues à l’article 64 AUPSRVE et
qui sont relatives au titre justificatif de la saisie (autorisation judiciaire ou autre titre), l’identité
complète des parties que sont le saisissant et le saisi, la désignation des biens saisis, la
déclaration du débiteur sur les éventuelles saisies antérieures, les droits et les devoirs du saisi.
Dans ce cadre de cette dernière mention, il doit être précisé au saisi que les biens sont devenus
indisponibles, qu’il en est le gardien, qu’il ne peut les déplacer ni les aliéner à peine de
sanctions pénales, qu’il doit faire connaître la saisie à tout saisissant ultérieur, qu’il a le droit
de demander mainlevée de la saisie devant la juridiction compétente….
Saisie chez le débiteur. Lorsque la saisie est pratiquée chez le débiteur et lorsqu’il est présent,
il procèdera sur le champ à la déclaration sur l’antériorité d’autres saisies et l’huissier lui
notifie ses droits et obligations et lui remet une copie du procès-verbal.
En l’absence du débiteur sur les lieux, l’huissier dresse un procès-verbal et lui signifie copie en
lui impartissant un délai de huit (08) jours pour faire la déclaration des saisies antérieures.
Saisie chez un tiers. C’est le cas lorsque les biens du débiteur sont détenus par une autre
personne. L’huissier procèdera à la saisie conservatoire chez cette dernière. Si le tiers est
présent, il devra faire la déclaration sur les biens qu’il détient sur l’existence de saisies
antérieures. L’huissier procède à la saisie et dresse procès-verbal. Précision devra être en
outre faite au tiers que toute déclaration mensongère l’expose à être déclaré débiteur des

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

causes de la saisie et au paiement de dommages et intérêts éventuels, qu’il peut refuser d’en
être gardien, qu’il peut faire valoir ses droits sur les biens par déclaration à l’huissier. En cas
d’absence, l’huissier dresse un procès-verbal et lui signifie en lui impartissant un délai de huit
(08) jours pour indiquer les biens concernés et l’existence éventuelle d’autres saisies.
La conversion en saisie-vente. La saisie conservatoire est nécessairement convertie en saisie-
vente. Cette conversion intervient après l’obtention du titre exécutoire. L’acte de conversion
consiste en un procès-verbal d’huissier contenant les mentions indiquées à l’article 69
AUPSRVE et qui sont les suivantes : l’identité des parties, la référence du procès-verbal de
saisie conservatoire, la copie du titre exécutoire, la créance principale et intérêt, le
commandement de payer dans le délai de huit (08) jours.
A l’expiration du délai de huit (08) jours, l’huissier dresse un procès-verbal de vérification des
biens saisis en indiquant les biens manquants et dégradés.
Il avise le débiteur qu’il a un (01) mois pour procéder à la vente amiable. A défaut de vente
amiable dans me délai convenu, il est procédé à la vente forcée suivant les règles de la saisie-
vente.
Pluralités de saisies. La pluralité de saisies est réglée par les articles 74 à 76 de l’AU. Il s’agit
surtout de l’obligation pour le dernier saisissant d’informer les saisissants antérieurs du droit
pour chacun de refuser la vente amiable et de l’obligation de faire connaître au créancier
saisissant la nature et le montant de sa créance, du droit de concourir à la distribution des
deniers résultant de la vente.
2. Les saisies conservatoires spéciales
Il s’agit de la saisie foraine et de la saisie-revendication. Nous n’évoquerons ici que la saisie
foraine à l’exclusion de la saisie-revendication qui sera abordé ultérieurement en raison de
son lien indissociable avec la saisie-appréhension.
Il y a saisie foraine lorsque le débiteur n’a pas de domicile fixe ou lorsque son domicile ou son
établissement se trouve dans un pays étranger. Par débiteur n’ayant pas de domicile fixe, on
pense aux nomades (surtout les bergers), aux saltimbanques (bateleurs ou autres personnes
qui font des tours d’adresse ou des acrobaties en public), aux hôteliers qui pratiquent des
saisies sur les valises ou les automobiles des clients de passage qui ne payaient pas leur frais
d’hôtel.
Dans ce cas, la juridiction compétente pour autoriser la saisie conservatoire et pour trancher
les litiges y relatifs est celle du domicile du créancier qui devient gardien des biens à moins
qu’un gardien ne soit établi.
Si pour des raisons d’évolution législative, l’acte uniforme n’a pas réglementé la saisie-gagerie,
qui permettait au bailleur d’immeuble de saisir conservatoirement les meubles corporels
garnissant les locaux loués sur lesquels portait le privilège du bailleur sans avoir à justifier de
l’urgence (TRHC Dakar, 7/11/2000, ohadata J-03-270), on ne comprend guère pourquoi il n’a
pas réglementé la saisie (ni conservatoire, ni aux fins d’exécution) des biens qui sont placés en

32
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

coffre-fort. La saisie de tels biens ne pouvant s’analyser uniquement en une saisie des biens
meubles corporels chez un tiers. En raison du fait qu’elle emprunte à la saisie-revendication
et la saisie conservatoire de droit commun, le droit français y a consacré des dispositions
particulières à l’occasion de la réforme de 1991 (art. R. 525 et suivants du Code des procédures
civiles d’exécution).
B. Les autres saisies conservatoires
Il s’agit de saisies conservatoires auxquelles des sous-distinctions ne sont pas faites. Ce sont
la saisie conservatoire de créances (1) et de la saisie conservatoire des droits d’associés et des
valeurs mobilières (2).
1. La saisie conservatoire des créances.
Le créancier fait signifier au tiers saisi par acte d’huissier la saisie opérée sur la créance due
au débiteur. Ce procès-verbal contient les mentions énumérées à l’article 77 alinéa 2
AUPSRVE, et qui comprennent essentiellement le décompte des sommes pour lesquelles la
saisie est pratiquée, la défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite
de ce qu’il doit au débiteur saisi.
Le procès-verbal de saisie est notifié au débiteur dans un délai de huit (08) jours à compter de
la saisie. Il s’agit de la dénonciation de la saisie.
Le tiers saisi est gardien des créances visées. Il doit fournir à l’huissier les renseignements
utiles sinon il s’exposerait à payer les sommes causes de la saisie. Il peut être condamné à
payer des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclarations inexactes ou
mensongères.
En vertu d’un titre exécutoire, le créancier fait signifier par huissier un acte de conversion de
la saisie conservatoire en saisie-attribution au tiers saisi et au débiteur.
A partir de la signification, le débiteur a quinze (15) jours pour contester l’acte de conversion
devant la juridiction compétente.
A l’expiration de ce délai, le créancier se fait délivrer un certificat de non contestation par le
greffe, ou la déclaration écrite de non contestation du débiteur délivrée avant l’expiration du
délai de quinze (15) jours.
Sur présentation de ces actes, le tiers effectue le paiement au créancier ou à son mandataire.
Absence d’effet attributif immédiat. Notons toutefois que la saisie conservatoire de créance
n’a pas l’effet attributif immédiat prévu à aux articles 154 et 155 AUPSRVE en ce qui concerne
la saisie-attribution de créances. Le créancier saisissant ne dispose que d’un droit de
préférence que confère le gage ainsi qu’il est dit à l’article 57 in fine AUPSRVE.
2. La saisie conservatoire des droits d’associés et des valeurs mobilières.
Le créancier fait procéder à la saisie par signification d’un acte d’huissier contenant l’indication
du titre ou l’autorisation judiciaire de saisir, le décompte des sommes dues par le débiteur
(art. 85 AUPSRVE).
33
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

La saisie est effectuée soit auprès de la société ou de la personne morale émettrice, soit auprès
du mandataire chargé de conserver ou de gérer les titres.
Le procès-verbal est signifié au débiteur dans les huit (08) jours.
En vertu d’un titre exécutoire, le créancier fait signifier au débiteur par acte d’huissier la
conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente. L’acte de conversion comporte les
mentions de l’article 88 de l’AUPSRVE. Il précise que le débiteur dispose d’un (01) mois pour
procéder à la vente amiable. La vente est effectuée conformément aux articles 240 à 244
AUPSRVE (vente sous forme d’adjudication après établissement d’un cahier des charges...voir
infra).
SECTION II - LES SAISIES MOBILIERES D’EXECUTION
Elles constituent indubitablement l’objet des voies d’exécution puisqu’elles permettent au
créancier de se faire payer directement soit par la vente du bien saisi, soit par l’attribution de
celui-ci en paiement. Ces saisies portent en principe sur l’ensemble du patrimoine mobilier du
débiteur, qu’il s’agisse des biens meubles corporels (§ 1), des créances de sommes d’argent
(§2) ou des droits d’associés et les valeurs mobilières (§3).
§ 1. La saisie des biens meubles corporels
On distingue les saisies qui permettent de faire mettre sous-mains de justice les biens meubles
corporels du débiteur en vue de les vendre et de se payer sur le prix : c’est la saisie-vente (A).
D’autres permettent au créancier se faire attribuer les biens en exécution d’une obligation de
restituer ou de délivrer : c’est la saisie-appréhension (B) dont la phase conservatoire est la
saisie-revendication.
A- La saisie-vente.
Conditions. Elle est régie par les articles 91 à 152 AUPSRVE. Ses conditions se rapportent à la
nature du bien saisi d’une part, et à l’exigence d’un titre exécutoire d’autre part.
S’agissant du bien, il faut noter que la saisie-vente porte sur les biens meubles corporels du
débiteur, peu importe que ces biens soient détenus par lui ou par un tiers. Les biens
immobiliers sont exclus. Cette exclusion concerne aussi bien les immeubles par nature que les
immeubles par destination, c’est-à-dire les biens mobiliers affectés au service ou à
l’exploitation d’un immeuble. Toutefois, il faudrait que ces biens meubles et le fond aient le
même propriétaire.
L’Acte uniforme n’a toutefois pas réglementé la saisie de certains biens particuliers. Il s’agit
des biens placés en coffre-fort, la saisie des aéronefs ou des navires et bateaux. Ces saisies
restent soumises aux dispositions nationales et dans le contexte burkinabè, il existe un vide
législatif même si la jurisprudence estime que ces biens, aéronefs, navires et bateaux sont des
biens meubles corporels soumis comme tels aux règles de la saisie-vente en l’absence de
règles particulières (C.A. Ouagadougou, ord. n° 034 du 20 février 2014 en ce qui concerne la
saisie des aéronefs, Cour d’appel de commerce d’Abidjan, arrêt n° 342 du 24 janvier 2018 en
ce qui concerne la saisie des navires).

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

En ce qui concerne le titre exécutoire, il y a lieu de relever que la saisie ne peut intervenir
qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible (art. 91 AUPSRVE).
Le titre exécutoire obéît aux conditions de l’article 33 AUPSRVE et n’appelle pas
d’observations particulières. Il faut toutefois souligner le cas des conventions de comptes
courant sous forme d’actes notariés qui ne constatent de créances liquides et exigibles qu’une
fois le compte courant régulièrement clôturé. Il faut rappeler que cette clôture doit être
contradictoire c’est-à-dire qu’aucune contestation n’a été élevée dans les délais
conventionnels ou que cette contestation a été définitivement tranchée. En outre, le titre
exécutoire peut avoir circulé soit par cession de contrat, soit par mutation dans la personne
du débiteur ou du créancier comme en matière de transformation de société. Dans des
situations complexes, il est fait recours à la théorie de la confusion des patrimoines (CCJA,
ARRET N° 025/2012 du 15 mars 2012, Ayants-droit de KINDA Valentin).
Procédure. Elle débute pour un commandement de payer suivi des opérations de la vente en
cas de persistance de la défaillance du débiteur.
1- Le commandement
Forme. Il est servi par le créancier au débiteur pour le mettre en demeure de payer la créance
sous peine de vente des biens meuble lui appartenant. Il lui impartie un délai de huit (08) jours
pour s’exécuter. Suivant les articles 92 à 94 AUPSRVE, l’exploit qui doit être signifié à personne
ou à domicile (le domicile élu est exclu) contient notamment la mention :
- Du titre exécutoire avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais
et intérêts échus ainsi que le taux d’intérêts.
- Du commandement de payer sous huitaine sous peine de vente forcée,
- De l’élection du domicile dans le ressort juridictionnel ou la saisie doit être poursuivi.
Effets. Le commandement n’est pas en lui-même une mesure d’exécution forcée puisqu’il
n’entraine pas une indisponibilité des biens du débiteur (CCJA, arrêt n° 007 du 27/01/2005)
qui pourrait être tenté de les soustraire. Pour éviter toute déconvenue pendant ce délai
d’attente, le créancier peut obtenir une mise sous séquestre des biens à saisir (art. 103 al. 3
AUPSRVE). Il a aussi la latitude de pratiquer une saisie conservatoire dont les conditions et la
procédure ont été développées ci haut. Le commandement, qui peut être délivré dans l’acte
de signification du titre exécutoire (art. 94 in fine AUPSRVE), oblige le créancier à attendre le
délai de huit (08) jours avant d’entreprendre les opérations de saisie.
2- Les opérations de saisie
Procédure. Elle est réalisée par l’huissier qui se rend dans le lieu qui abrite les biens à saisir.
Dans le respect des dispositions des articles 41 à 48 AUPSRVE, il procède à la saisie et établit
un procès-verbal inventoriant les biens objets de la saisie et rappelant au débiteur ses droits
et devoirs (art. 100).
La saisie peut se faire entre les mains du débiteur (art. 99 et s.) ou entre les mains d’un tiers.

35
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Saisie des biens détenus par le débiteur. Lorsqu’elle est pratiquée chez le débiteur et lorsque
ce dernier est présent, l’huissier réitère verbalement la demande de paiement et l’informe de
ce qu’il est tenu d’indiquer les biens qui auraient fait l’objet de saisie antérieure. L’huissier
rappelle au débiteur ces droits et devoirs prévus à l’article 100 AUPSRVE et en fait mention
dans le procès-verbal de saisie dont copie lui est donnée.
Dans le cas où le débiteur n’est pas présent ou lorsque ce dernier refuse l’accès au local, il faut
noter que l’huissier peut procéder à la saisie. Il peut, dans ce cas, établir un gardien afin
d’empêcher le divertissement des biens et est tenu de requérir une autorité administrative
(préfet, maire) ou une autorité de police ou de gendarmerie pour assister aux opérations (art.
42).
Si le débiteur n’a pas assisté aux opérations de saisie alors même que la saisie est pratiquée
chez lui, la copie du procès-verbal lui est signifiée lui impartissant un délai de huit (8) jours
pour procéder à la déclaration de saisie antérieure.
Saisie chez un tiers. Lorsque la saisie est pratiquée chez un tiers, l’huissier procède à la saisie
après présentation du commandement signifié huit (08) jours plus tôt. Si les biens sont
détenus dans un local servant d’habitation, l’huissier est tenu de requérir l’autorisation du
juge de l’exécution compétent. Une copie du procès-verbal laissé au tiers est signifiée au
débiteur dans le délai de huit (08) jours à compter de la saisie.
Le créancier peut pratiquer une saisie sur soi-même lorsqu’il déteint légitimement des biens
du débiteur. Cette possibilité est exclue lorsque les biens se retrouvent en possession du
créancier par suite de voie de fait.
Une copie du procès-verbal contenant les mentions de l’article 109 AUPSRVE est laissé au tiers
lorsque celui-ci a assisté aux opérations. En son absence, la copie du procès-verbal lui est
signifiée lui impartissant le délai de huit (08) jours pour faire la déclaration de saisie antérieure
tout en communiquant le procès-verbal.
Le tiers est tenu d’apporter son concours, en indiquant les biens qu’il détient pour le compte
du débiteur et ceux qui auraient fait l’objet de saisie antérieure. Toute déclaration inexacte
ou mensongère l’expose à être condamné comme débiteur des causes de la saisie sans
préjudice d’éventuels dommages et intérêts (art. 107 AUPSRVE).
Si le tiers se prévaut d’un droit de rétention, il en informe l’huissier par lettre recommandée
avec accusé de réception ou par tout moyen écrit à moins qu’il ne l’ait déclaré au moment de
la saisie. Dans ce cas, le créancier dispose d’un (1) mois pour contester le droit de rétention.
Effets de la saisie. Si les biens ont déjà fait l’objet de saisie conservatoire, il sera procédé à la
conversion en saisie-vente.
Il est dressé un procès-verbal de carence si aucun bien n’est passible de saisie ou n’a
manifestement de valeur marchande.
Les biens saisis deviennent indisponibles et restent sous la garde du débiteur ou du tiers saisi
qui en conserve l’usage. Toutefois, il peut être désigné un séquestre et, en ce qui concerne le

36
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

véhicule automobile, ordonné son immobilisation par décision du juge (art. 103 et 113
AUPSRVE).
Il est à préciser que les sommes en espèce peuvent être saisies. Elles sont consignées entre
les mains de l’huissier ou au greffe selon le choix du créancier saisissant. Le procès-verbal en
fait mention et indique que le débiteur a quinze (15) jours à compter de la notification pour
élever toute contestation. A défaut de contestation dans le délai, les sommes sont
immédiatement versées au créancier.
3- La réalisation
La réalisation peut se faire à l’amiable ou à défaut par vente aux enchères publiques.
Vente amiable. Le débiteur saisi a la possibilité de procéder lui-même à la vente des biens
saisis. Il dispose alors d’un (01) mois à compter de la notification du procès-verbal pour
procéder à la vente des biens. Les biens saisis restent indisponibles sous la responsabilité du
gardien. En aucun cas, ils ne peuvent être déplacés avant la consignation du prix sauf en cas
d’urgence. Le débiteur informe l’huissier des propositions qui lui ont été faites en indiquant
l’identité de l’acquéreur éventuel et le délai dans lequel ce dernier s’offre à consigner le prix
proposé. L’huissier communique ces indications au créancier saisissant et aux opposants.
Ceux-ci disposent d’un délai de quinze (15) jours pour prendre le parti d’accepter la vente
amiable de la refuser ou de se porter acquéreur. Il ne peut être procédé à la vente forcée
avant ce délai d’un mois augmenté si possible du délai de quinze jours imparti aux créanciers
pour donner leur réponse. Le prix de vente est consigné entre les mains de l’huissier ou au
greffe au choix du créancier saisissant.
La vente forcée. Elle est effectuée aux enchères publiques par un auxiliaire de justice habilité
(commissaire-priseur, rôle cumulé par l’huissier de justice) soit dans les lieux où se trouvent
les biens, soit en une salle ou un marché public dont la situation géographique est plus
appropriée pour susciter la concurrence à moindre frais.
Mais avant, il vérifie la consistance et la nature des biens et en dresse un procès-verbal qui
inventorie éventuellement les biens manquants et dégradés. C’est le récolement.
La publicité en vue de la vente est faite par apposition d’affiches à la mairie du domicile ou du
lieu où demeure le débiteur, au marché voisin ou même par voie de presse écrite ou parlée.
L’huissier de justice doit certifier de l’accomplissement de ces formalités. Il avise le débiteur
des lieu, jour et heure de la vente
L’adjudication est faite au plus offrant après trois (03) criées et le prix est payable au comptant,
faute de quoi, l’objet est revendu à la folle enchère de l’adjudicataire. (Le fol enchérisseur est
tenu des intérêts de son prix et de la différence si la seconde vente a recueilli un prix plus bas.
Il n’est remboursé d’aucun frais).
La vente est arrêtée lorsque le prix des biens vendu assure le paiement du montant des causes
de la saisie et des oppositions (principal, intérêts, frais…).

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

4- Les contestations
Le débiteur peut contester la saisissabilité du bien dans le délai d’un (01) mois à compter de
la signification de l’acte de saisie ;
Il peut contester la validité de la saisie jusqu’à la vente (vice de forme ou vice de fond). En cas
de succès, il peut obtenir restitution du prix au cas où la décision interviendrait après la vente
et avant la distribution du prix.
Les autres créanciers peuvent intervenir en opposition sur le prix provenant de la vente
lorsqu’ils sont détenteurs de titre exécutoire. L’opposition qui a pour but de participer à la
distribution du prix n’est pas recevable après la vérification des biens.
Ceux-ci peuvent étendre la saisie par inventaire complémentaire. Cela parce qu’une seconde
saisie n’est pas possible sur les mêmes biens.
Ils peuvent se subroger dans les poursuites en cas de négligence du premier créancier et
lorsqu’ils sont munis d’un titre exécutoire.
Les tiers peuvent, avant la vente, lorsqu’ils s’estiment propriétaires des biens saisis, former
une action en distraction des biens saisis. Dans ce cas, ils doivent établir leur propriété par des
titres justificatifs.
Ils peuvent, après la vente et avant la distribution du prix, former une action en revendication.
N.B. : L’ancienne saisie-brandon est remplacée par la saisie des récoltes sur pied (article 147
à 152). Toutes les dispositions de la saisie-vente lui sont applicables excepté qu’elle :
- ne concerne que les récoltes et fruits proches de la maturité avant leur séparation du sol ou
de l’arbre qui les porte ;
- n’est ouverte seulement aux créanciers de ceux qui ont droit aux fruits ;
- ne peut être faite plus de six (06) semaines avant l’époque habituelle de maturité.
B- La saisie appréhension et la saisie revendication des biens meubles
corporels.
Elles sont réglementées par les articles 218 à 235 AUPSRVE. Ces deux procédures sont
intentées lorsque des biens meubles corporels doivent être délivrés ou restitués. Ces biens ne
peuvent être appréhendés qu’en vertu d’un titre exécutoire, lequel peut être constitué par
une injonction de délivrer ou de restituer.
1- La saisie appréhension
La saisie appréhension suppose toujours un titre exécutoire désignant la personne tenue de
délivrer ou restituer le bien.
Lorsque l’appréhension doit se faire entre les mains de la personne tenue de la remise, la
procédure commence par un commandement de délivrer ou de restituer adressé à cette
personne et contenant les mentions de l’article 219.

38
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

La seule présentation du titre exécutoire, sans commandement préalable suffit si la personne


tenue de la remise est présente sur les lieux où doit s’opérer la saisie. Il est dressé procès-
verbal de la remise volontaire ou de l’appréhension du bien décrivant l’état détaillé de ce bien
qui peut être photographié.
Si l’appréhension a lieu entre les mains d’un tiers détenteur, sommation est faite au tiers de
remettre le bien.
A défaut de remise volontaire dans le délai imparti, le requérant ou le tiers peut saisir la
juridiction pour statuer sur la remise dans le mois de la sommation sous peine de caducité.
2- La saisie revendication
Toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d’un bien
meuble corporel peut, en entendant sa remise, le rendre indisponible au moyen d’une saisie
revendication.
Si elle dispose d’un titre exécutoire, il est procédé comme en matière de saisie appréhension.
Si elle ne dispose pas d’un titre exécutoire et dans l’attente de celui-ci, elle doit obtenir une
autorisation de saisie de la juridiction compétente.
Le juge compétent peut ordonner la mise sous séquestre du bien.
Si le détenteur se prévaut d’un droit propre sur le bien faisant obstacle à la saisie, il en informe
l’huissier et le saisissant qui dispose du délai d’un mois pour porter la contestation devant le
juge compétent.
§2. La saisie des créances de sommes d’argent
Ces saisies ont la particularité de porter sur des sommes d’argent. En cela, elles ne nécessitent
une vente préalable du bien et n’admettent pas parfois de collocation. Au nombre de ces
mesures d’exécution forcée, figure en bonne place la saisie-attribution de créances (A). Mais
il y a également la saisie des rémunérations du travail (B) ainsi que la procédure spéciale de
recouvrement des créances d’aliments (C).
A- La saisie-attribution des créances
Elle correspond à la phase d’exécution de l’ancienne saisie-arrêt. Elle consiste pour tout
créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de saisir entre
les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent. Elle obéit
à des conditions et à une procédure précise. Aussi les décisions rendues en cas de contestation
sont-elles spécifiques
1- Les conditions de la saisie-attribution de créance
La particularité tient à ce qu’il y a nécessairement trois intervenants à savoir un créancier
principal, un débiteur et un tiers saisi. En outre, son objet qui est une créance de somme
d’argent est toute aussi particulier.
1. a. les parties à la saisie-attribution de créances

39
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Créancier et débiteur. Les parties à la saisie-attribution de créance sont principalement le


créancier qui doit être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible
(art. 153 AUPSRVE) lequel n’appelle pas d’observations particulières au regard des
développements précédents. Le débiteur principal est certes, le débiteur du créancier
poursuivant mais il est lui-même créancier d’un tiers. Il peut être créancier de plusieurs
personnes, il peut aussi détenir plusieurs comptes.
Le tiers saisi : il est lui-même débiteur du débiteur. Il est une personne qui détient une somme
d’argent pour le compte du débiteur. Il peut s’agir du maître d’ouvrage pour les sommes dues
au titre des prestations de l’entrepreneur ; il peut s’agir d’un locataire pour les loyers dus au
bailleur, il peut s’agir d’un banquier pour les sommes déposées par son client, il peut s’agir de
toute personne pour les sommes qu’elle détient pour le compte du débiteur. Mais les saisies
sont pratiquées fréquemment entre les mains du banquier et on parle abusivement de
« saisies des comptes ». Toutefois, la détermination du tiers saisi a souvent posé des
problèmes lorsque celui-ci est un banquier. S’il est admis de jurisprudence constante « que la
notion de tiers saisi ci-dessus évoquée renvoie à la personne qui détient des sommes d’argent
dues au saisi en vertu d’un pouvoir propre et indépendant, même si elle le détient pour le
compte d’autrui ». (CA Ouaga, ord. n° 004 du 14 janvier 2016, CCJA, arrêt n° 09/2005 du 27
janvier 2005, arrêt 025 du 13 mars 2014), des variations ont pu être constatées lorsque le
compte a un solde débiteur. Pour une partie de la jurisprudence CCJA, le solde même négatif
confère au banquier la qualité de tiers saisi (l’arrêt n° 074/2019 du 14 mars 2019 (Société
générale de banque au Sénégal c/ Doudou NDOYE) alors qu’une partie réfute cette idée (arrêt
n° 006/2018 du 11 janvier 2018 (UBA c/ Société Axe communication). Il a même été soutenu
que l’existence d’une simple relation contractuelle suffit à conférer la qualité de tiers saisi
(CCJA, arrêt n° 088/ 2015 du 08 juill. 2015 Etat du Burkina Faso c/ SGBB).
1. b. l’objet de la saisie
L’objet saisi est toujours une créance de somme d’argent. L’Acte uniforme précise à cet effet
que « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible,
peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son
débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la
saisie des rémunérations » (art. 153).
En partant de l’idée que le compte fonctionne, il n’existe ni créance, ni dette entre les parties,
la jurisprudence avait conclu l’insaisissabilité du compte courant jusqu’à la clôture (Cass. civ.,
23 janv. 1922, S. 1923, 1, p. 225, note Esmein, ; D. 1925, 1, p. 72). Cette solution a été
critiquée et il a été opéré un revirement de jurisprudence en 1973. (Cass. com. 13 nov. 1973.
Banque 1974, p. 311).
Tous les avoirs en compte sont en principe saisissables (compte à vue, compte à terme,
compte spéciaux) même s’il s’agit d’un prêt avec une affectation précise (plan épargne
logement). La saisie peut porter sur un compte collectif (compte joint) ; dans ce cas elle est
dénoncée à chacun des titulaires du compte (art. 163 AUPSRVE).

40
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

La saisie peut porter sur des créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive. Mais
les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables.

2- La procédure
Opérations de saisie. Le créancier procède à la saisie par acte d’huissier qui est signifié au tiers
saisi et contient les mentions de l’article 157 de l’Acte uniforme.
Cet acte de saisie emporte attribution immédiate au profit du saisissant (art. 154 AUPSRVE).
C’est ce qu’on appelle abusivement privilège du premier saisissant. Cela signifie qu’il n’y a pas
de concours de saisies de sorte que les saisies ultérieures même émanant de créanciers
privilégiés ne remettent pas en cause cette attribution immédiate. Il n’y a de concours de
saisies que lorsque les saisies sont effectuées le même jour ; dans ce cas, si les sommes ne
sont pas suffisantes pour désintéresser les saisissants, ceux-ci viennent en concours. (Art. 155
AUPSRVE).
Dénonciation au débiteur saisi. La saisie est dénoncée au débiteur saisi dans le délai de huit
(08) jours (article 160) par la signification à lui faite du procès-verbal de saisie.
Effets de la saisie à l’égard du tiers saisi. Suivant l’article 156 de l’Acte uniforme, « le tiers
saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi
que toutes les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances,
délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives.
Ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l’huissier ou l’agent
d’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l’acte
n’est pas signifié à personne.
Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au
paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de
dommages-intérêts ».
S’agissant de la communication sur le champ, la jurisprudence a précisé le sens et la portée de
cette disposition très mal accueillie par les banques. Ainsi « il résulte de cette disposition que
que le tiers saisi doit obligatoirement porter à la connaissance du saisissant, le jour même de
la signification de l’acte, l’état de la situation de comptes du débiteur, sauf si ce tiers saisi n’a
pas personnellement reçu ledit acte auquel cas il dispose de 5 jours pour y répondre. Il s’ensuit
que le tiers saisi qui a reçu signification de l’acte le 20 novembre 2009 et qui n’a fait cette
déclaration que le lundi 23 novembre, soit trois jours plus tard viole cette disposition,
l’argument tiré des vérifications à effectuer étant inopérant compte tenu de l’esprit de ce texte
qui impose aux opérateurs économiques d’adapter leurs services aux technologies modernes
afin de pouvoir faire les recherches utiles et d’en déclarer le résultat sur le champ ou dans un
temps très voisin. CA Abidjan, arrêt n° 142 du 23 avril 2010, BFA c/ REMA.
En ce qui concerne la communication des pièces justificatives, la CCJA retient que « que c’est
à bon droit que la Cour d’appel , constatant le défaut de communication de toute pièce

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

relative aux gages évoqués par la Banque, a estimé la déclaration de celle-ci non conforme
aux exigences de l’article 156 de l’Acte uniforme » (CCJA arrêt n°15/2016 du 11 févr. 216
SGBCI c/ CNPS-CI).
La saisie est valablement signifiée à personne lorsque le procès-verbal est reçu par un préposé
représentatif. C’est le cas des personnes morales dont la situation juridique est particulière.
En effet, suivant l’article 86 du code de procédure civile, « la signification faite à personne
morale est à personne lorsque l’acte a été délivré à son représentant légal, à un fondé des
pouvoirs [personne liée à l’entreprise par un contrat de travail mais ayant des pouvoirs de
représentation] de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet ». Face à
l’indétermination de cette « toute autre personne habilitée à cet effet », la CCJA a précisé
que « s’agissant d’une société, personne morale, doit être considérée comme signification à
personne, celle qui est faite à son représentant légal, à un fondé de pouvoir ou à toute personne
habilitée à cet effet ; qu’en l’espèce, il ressort de l’exploit de signification en date du 26 avril
2004 que c’est « Melle NGOUAMBE KOUAKAM Béatrice, Secrétaire Assistante » qui a reçu
copie de l’exploit de signification ainsi que « l’expédition de l’ordonnance d’injonction de
payer n°216/03 -04 rendue le 14 avril 2004 par le Président du Tribunal de grande Instance
du Wouri au bas d’une requête datée du 22 mars 2004 », a signé sur l’exploit de signification
et apposé le cachet de la Société JUTRANS SARL BP 15790 Douala ; que Mademoiselle
NGOUAMBE KOUAKAM Béatrice doit être considérée comme une personne habilitée à
recevoir l’exploit de signification au nom de la Société JUTRANS SARL ; qu’il y a lieu, en
conséquence de relever que la signification de l’Ordonnance d’injonction de payer n°216/03-
04 du 14 avril 2004 a été faite personnellement à la Société JUTRANS SARL et que le point de
départ du délai de quinze jours pour former opposition doit courir à compter du 26 avril 2004 ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel du Littoral à Douala a violé, par mauvaise
application, les dispositions susénoncées de l’article 10 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il y a
lieu, en conséquence, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner
les autres moyens » CCJA, arrêt n° 51/2012 du 7 juin 2012, Sté Gérard Poulalion c/ Jutrans
Sarl)
Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d’un banquier ou d’un établissement financier
assimilé, le tiers saisi est tenu de déclarer la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que
leur solde au jour de la saisie. Toutefois, pour tenir compte des impératifs particuliers à la
tenue à jour des comptes bancaires, il est précisé que dans le délai de quinze (15) jours
ouvrables suivant la saisie, le solde disponible du ou des comptes saisis peut être affecté à
l’avantage ou au préjudice du saisissant par des opérations de crédit et de débit précisées à
l’article 161.
3- Les Contestations
Le débiteur dispose d’un (1) mois suivant la dénonciation pour porter toute contestation
devant la juridiction compétente, le tiers saisi étant appelée à l’instance.

42
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

La juridiction compétente peut recevoir la contestation au fond. Elle peut aussi donner effet
à la saisie pour la fraction non contestée de la dette auquel cas sa décision est exécutoire sur
minute. La décision de la juridiction tranchant sur la contestation est susceptible d’appel dans
quinze jours. Le délai d’appel et la déclaration d’appel sont suspensifs d’exécution sauf
décision contraire spécialement motivée (art. 172 AUPSRVE).
4- Le paiement
Le tiers saisi paie le créancier dans les cas suivants :
- Le débiteur saisi a autorisé par écrit le créancier à se faire remettre sans délai les
sommes ou parties des sommes ;
- Le débiteur avant l’expiration du délai de contestation, a déclaré par écrit ne pas
contester la saisie ;
- Sur un certificat du greffe de non contestation ;
- Sur présentation d’une décision exécutoire de la juridiction rejetant de la contestation.
Le paiement se fait entre les mains du créancier saisissant. Si la saisie porte sur des créances
à exécution successive, le tiers saisi se libère au fur et à mesure des échéances.
Lorsque le tiers saisi est un banquier et que le débiteur saisi est titulaire de différents comptes
chez lui, le paiement est effectué en prélevant, en priorité, les fonds disponibles à vue, à moins
que le débiteur ne prescrive le paiement d’une autre manière.
B- La saisie et la cession des rémunérations
Ces mesures d’exécution forcée ont en commun de reposer sur des règles communes alors
même que des dispositions spécifiques s’appliquent à chacune d’entre elles.

1- Dispositions communes (article 173 à 178)


Il est tenu au greffe de chaque juridiction un registre spécial sur lequel sont mentionnés tous
les actes de nature quelconque, décisions et formalités auxquels donnent lieu les saisies et
cessions sur les rémunérations du travail.
Les rémunérations ne peuvent être cédées ou saisies que dans les proportions déterminées.
Suivant le décret n°2008-741 du 17 novembre 2008 portant cessions, saisies et retenues
sur les rémunérations et pensions de retraite des agents publics de l’Etat, des magistrats,
des militaires et des travailleurs salariés du secteur privé, les rémunérations et pensions
sont cessibles ou saisissables dans les proportions suivantes :
- Du SMIG à 75.000 F CFA………………...……………………….……….33,33%
- De 75.001 F à 100.000 FCFA………….………………………………….40%
- De 100.001 F à 200.000 FCFA……………………………………………45%
- De 200.001 F à 300.000 FCFA……………………………………………50%
- Au-delà de 300.000 FCFA………………………………………………...55%

43
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

L’assiette servant au calcul de la partie cessible ou saisissable de la rémunération est


constituée par le traitement ou salaire brut global avec tous les accessoires, déduction faite :
- Des taxes et prélèvements légaux obligatoires retenus à la source ;
- Des indemnités représentatives des frais ;
- Des prestations, majorations et suppléments pour charges familiales ;
- Des indemnités déclarées insaisissables par la loi.
Lorsqu’un débiteur reçoit des traitements ou des salaires de plusieurs employeurs, la
fraction cessible ou saisissable est calculée sur l’ensemble des sommes.
2- La saisie des rémunérations (Art. 179 à 204)
En aucun cas, les rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire. Seul le
créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire
procéder à la saisie des rémunérations.
La saisie des rémunérations ne peut être pratiquée qu’après une tentative de conciliation
devant la juridiction compétente du domicile du débiteur. La demande de tentative de
conciliation est faite par le créancier au moyen d’une requête.
En cas de conciliation, le procès-verbal mentionne les conditions de l’arrangement intervenu.
En cas de non conciliation, le Président de la juridiction ordonne la saisie après avoir vérifié le
montant de la créance et s’il y a lieu, tranché les contestations soulevées.
Les opérations de saisie interviennent dans les huit (08) jours de l’audience de non
conciliation. Le greffier notifie à l’employeur un acte de saisie qui doit contenir les mentions
de l’article 184 de l’Acte uniforme. L’employeur doit faire au greffe la déclaration de tiers saisi
dans les 15 jours, faute de quoi, il peut être déclaré débiteur des retenues à opérer et
éventuellement des dommages et intérêts.
La saisie rend indisponible la quotité saisissable du salaire. Tous les mois, l’employeur adresse
au greffe le montant des sommes retenues. Si l’employeur omet d’effectuer les versements,
la juridiction compétente peut le déclarer personnellement débiteur des sommes dues par
une décision qui lui est notifiée.
Tout créancier muni d’un titre exécutoire peut, sans tentative de conciliation préalable,
intervenir à une procédure de saisie des rémunérations en cours pour participer à la
répartition des sommes saisies. Cette intervention se fait par voie de requête qui est notifiée
au débiteur et aux autres créanciers déjà dans la procédure.
Tout mouvement de fonds est mentionné au registre spécial. S’il n’existe qu’un créancier, le
greffier lui verse le montant des retenues. En cas de pluralités, un compte est ouvert dans une
banque, à la poste ou au Trésor. La répartition est faite en fonction de la quotité de chaque
créancier. Elle est faite par le président du tribunal sur les sommes encaissées chaque
trimestre dans la première semaine des mois de « février, mai, août et novembre ». La
décision du président qui doit être notifiée par le greffier à chaque créancier, indique les frais
à prélever, le montant des créances privilégiées et les sommes à attribuer aux autres

44
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

créanciers. Cette décision peut être contestée par voie d’opposition dans les 15 jours à
compter de la notification.
3- La cession des rémunérations (art. 205 à 212)
Elle ne nécessite pas de titre exécutoire. Elle débute par une déclaration de cession faite par
le cédant en personne au greffe de la juridiction du domicile ou du lieu où il demeure. La
déclaration indique le montant de la dette, la cause de cette dette et le montant de la retenue.
La juridiction compétente vérifie si la cession reste dans les limites de la quotité saisissable. Le
greffier mentionne la déclaration sur le registre prévu à cet effet et la notifie à l’employeur et
au cessionnaire.
L’employeur doit verser directement au cessionnaire le montant des retenues sur production
d’une copie de la cession faute de quoi il peut y être contraint.
En cas de saisie, le cessionnaire est de droit réputé saisissant pour les sommes qui lui
restent dues à ce moment et entre en concours avec les autres créanciers saisissants.
C- La procédure simplifiée de recouvrement des créances d’aliments
(Réservé)
§3. La saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières
La saisie est pratiquée auprès de la société ou de la personne morale émettrice soit auprès du
mandataire chargé de conserver ou de gérer les titres.
Elle débute par un commandement de payer suivi d’un acte de saisie contenant les mentions
prévues à l’article 238 de l’AU ;
La saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur. Celui-ci peut en obtenir main
levée en consignant une somme suffisante pour désintéresser le créancier ;
La vente amiable peut être faite dans les conditions des articles 115 à 119 de l’AU. A défaut, il
est procédé à la vente forcée sous forme d’adjudication.
Pour tenir compte de la nature particulière des biens saisis, il est établi un cahier des charges
contenant les statuts de la société et tout document nécessaire à l’appréciation de la
consistance et de la valeur des biens mis en vente. Une copie du cahier des charges est notifiée
à la société qui en informe les associés. Sommation est faite le cas échéant, le même jour, aux
créanciers opposants de prendre connaissance du cahier des charges chez l’auxiliaire de
justice chargé de la vente.
Tout intéressé peut, dans le délai de deux (02) mois, former des observations sur le cahier des
charges.
La publicité, en vue de la vente indiquant les jour, heure et lieu de celle-ci, est faite par voie
de presse un mois au plus et quinze jours au moins avant la date fixée pour cette opération ;

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

En cas de pluralité de saisies, le produit de la vente est reparti entre les créanciers ayant
procédé à une saisie avant la vente. Toutefois, le créancier ayant pratiquée une saisie
conservatoire avant la saisie qui a conduit à la vente verra les sommes qui lui reviennent
consignées jusqu’à ce qu’il ait obtenu un titre exécutoire.
SOUS CHAPITRE II- LA SAISIE IMMOBILIERE
La saisie immobilière se définie comme une voie d’exécution permettant à un créancier de
faire placer sous-main de justice un ou plusieurs immeubles de son débiteur puis de provoquer
leur vente afin de se payer sur le prix.
La vente forcée d’un immeuble ne peut se faire que par la procédure de la saisie immobilière
et toute convention contraire est nulle. Il en va de même lorsque l’immeuble est hypothéqué
sauf les cas dans lesquels un pacte commissoire est prévu ou si le créancier fait l’option de
l’attribution judiciaire ainsi qu’il est dit aux articles 198 à 200 de l’Acte uniforme portant
organisation des sûretés.
En raison de la particularité du bien qui peut être grevé de différents droits, la saisie
immobilière obéit à des conditions de fond et de procédure spéciales (section 1) de même
que la réalisation et la gestion des incidents (section 2).
Section 1. Les conditions de la saisie immobilière
En plus des conditions générales applicables à l’ensemble des mesures d’exécution forcée, des
conditions particulières sont exigées de la saisie immobilière. Ces conditions sont de fond et
se rapportent à l’objet de la saisie et au titre en vertu duquel elle est entreprise (§1). Ces
conditions sont aussi de forme en ce qu’une procédure particulière de mise du bien sous-main
de justice est édictée en outre de règles strictes relatives à la préparation de la vente (§2).
§ 1. Les conditions de fond
Elles se rapportent à l’objet de la saisie d’une part, et au titre exécutoire
A. L’objet de la saisie
La saisie immobilière ne peut porter que sur un immeuble. Il doit s’agir d’un immeuble par
nature ou par destination (bien mobiliers attaché à un fonds pour l’exploitation ou à
perpétuelle demeure).
Immeubles par nature. Ils comprennent le sol et les produits du sol.
Le sol ainsi que les éléments incorporés (bâtiments) sont les immeubles par excellence ainsi
qu’il est dit à l’article 518 qui prévoit que « Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles
par leur nature ».
Les produits du sol tels que les arbres et leurs fruits, les récoltes sont aussi des immeubles.
Mais par une disposition spéciales, les récoltes sur pieds et les fruits des arbres ne peuvent
faire que d’une saisie mobilière (art. 147 à 152 AUPSRVE).

46
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Immeubles par destination. Il s’agit d’abord des choses mobilières affectées au service ou à
l’exploitation d’un fonds (animaux, matériels utiles à l’exploitation d’un terrain rural. Il s’agit
aussi des usines, forges et papeteries utiles à l’exploitation d’un immeuble industriel.
Les immeubles par destination renvoient encore de l’attache à perpétuelle demeure. Les
exemples sont donnés à l’article 525 C. civ. Les immeubles par destination ne peuvent faire
l’objet de saisie immobilière que lorsqu’ils forment une propriété commune avec l’immeuble
par nature ; autrement, le propriétaire du fond doit être aussi propriétaire des meubles
affectés au service ou à l’exploitation de l’immeuble.
Les démembrements du droit de propriété. Il s’agit de l’emphytéose, de l’usufruit (art. 215 et
216 de la loi portant réforme agraire et foncière (RAF) et du bail à construction qui est inconnu
de notre droit. En raison du fait qu’ils sont indissociables du fond d’une part et leur caractère
personnel et donc incessible, les servitudes (art. 231 RAF) et le droit d’habitation (art. 230 RAF)
ne peuvent faire l’objet de saisie immobilière.
Dans tous les cas, la saisie immobilière ne peut porter que sur les droits réels susceptibles
d’être cédés. Ces droits doivent appartenir alors en pleine propriété au débiteur et c’est ce
qui justifie l’exigence préalable d’immatriculation.
La saisie peut porter sur un bien indivis, dans ce cas le créancier doit provoquer au préalable
la liquidation.
La question du logement familial reste une question non encore résolue par la jurisprudence
nationale. En vertu de l’article 305 du Code des personnes et de la famille, « les époux ne
peuvent, l'un sans l'autre, disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la
famille ». Il en résulte que le conjoint à qui appartient en propre l’immeuble servant de
logement familial ne peut ni vendre ni constituer une hypothèque sans le consentement de
l’autre. La saisie étant une vente forcée, ses créanciers pourront-ils y parvenir sans se heurter
à cette disposition destinée à assurer la protection de la famille ? S’il est permis de penser que
les créanciers du débiteur n’ont pas plus de droits sur les biens du débiteur que le débiteur
lui-même, il demeure que l’article 305 CPF n’édicte pas une insaisissabilité telle que prévue à
l’article 50 AUPSRVE. La jurisprudence française, contrairement à une certaine doctrine a
admis la possibilité de saisie en estimant que « les dispositions de l’article 215, alinéa 3, du
Code civil doivent, hormis le cas de fraude, être considérées comme inopposables aux
créanciers sous peine de frapper les biens d’une insaisissabilité contraire à la loi » (cass. civ.,
12 oct. 1977, D.1978. 333, Cass. civ., 4 juil. 1978, D. 1979. 479, Cass. civ., 18 juin 1985, Gaz.
Pal. 1985. 2. Pan. 333).
Immatriculation préalable. Seuls les immeubles immatriculés peuvent faire l’objet de vente
forcée (art. 253AUPSRVE). L’immatriculation renvoie au titre foncier qui pose souvent
problème. « Elle consiste à désigner un terrain par un numéro chronologique du livre foncier,
à la suite d’une opération de bornage. Elle aboutit à la création du titre de propriété inscrit sur
le livre foncier, appelé titre foncier » (art 238 al 2 de la loi portant RAF).

47
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Si l’immeuble à poursuivre n’est pas immatriculé (et que la législation nationale le prévoit), le
créancier peut y procéder. Dans ce cas le commandement de payer ne peut être signifié
qu’après dépôt de la réquisition d’immatriculation (adressé au receveur des domaines et de
la publicité foncière) et la vente ne peut avoir lieu qu’après délivrance du titre foncier.
En raison de la particularité du droit de superficie conféré par le permis urbain d’habiter, il est
discuté la possibilité de saisie des réalisations faites par une personne sur un terrain dont il
n’a pas le titre foncier. Alors que certains dispositions de l’acte uniforme semblent en faveur
de cette réalisation des impenses (art. 254-5, art. 258 et art. 295 AUPSRVE), la CCJA estime
que la saisie immobilière ne peut être entreprise qu’en vertu d’un titre foncier o d’impenses
immatriculées. (CCJA, arrêt n° 046/2016 du 18 mars 2016, BSIC C/ Société FARIS et Fils et
SOUMALO Alabi Yessoufou).
B. Le titre exécutoire
La vente forcée d’un immeuble ne peut être effectué qu’en vertu d’un titre exécutoire
constatant une créance liquide et exigible. La poursuite peut également avoir lieu en vertu
d’un titre exécutoire par provision. Mais dans ce cas l’adjudication ne pourra être effectuée
que sur un titre définitivement exécutoire (article 253).
Notons que le titre doit être définitivement exécutoire. Il s’agit des décisions juridictionnelles
coulées en force de chose jugée c’est-à-dire qu’aucune voie de recours suspensive d’exécution
ne doit plus être possible ; c’est aussi le cas des sentences arbitrales munies de l’exequatur et
notifiées un(1) mois plus tôt (art. 27 et 28 acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage) des
ordonnances d’injonctions de payer ou des procès-verbaux de conciliation signés du juge et
des parties, des jugements étrangers déclarés exécutoires au Burkina Faso, des actes notariés.
La question des décisions du juge de l’exécution pourrait soulever des difficultés. En effet, sans
être un juge des référés, ce juge statue en la forme des référés (art. 433 CPC). On sait que les
ordonnances de référés sont des titres provisoires et aucunement ne peuvent permettre
d’entreprendre la saisie d’un immeuble et de parvenir à sa vente.
§2. La procédure
La procédure de saisie-vente commence par un commandement de payer (A) avant
d’envisager la préparation de la vente (B).
A. Le commandement.
Forme et contenu. La vente est obligatoirement précédée d’un commandement de payer
dans les vingt (20) jours. Ce commandement est signifié par un huissier muni d’un pouvoir
spécial de saisir. À la différence de la saisie-vente, l’article 254 fusionne le commandement
de payer et le procès-verbal de saisie dans le même acte. Ainsi, faute de paiement dans le
délai imparti, le commandement est transcrit à la conservation foncière et vaudra saisie à
partir de sa publication. Ce commandement contient les mentions de l’article 254 de l’AU
notamment la constitution de l’avocat chez lequel le créancier poursuivant élit domicile. Si
la saisie est opérée entre les mains d’un tiers détenteur de l’immeuble, celui-ci est sommé,

48
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

soit de payer l’intégralité (principal et intérêts) soit de délaisser l’immeuble ou de subir


l’expropriation forcée.
Publication du commandement. Le commandement doit être publié. Dans ce cas, l’huissier
fait viser l’original du commandement par le conservateur de la propriété foncière à qui copie
est remise pour publication. Si le commandement n’a pas été déposé au bureau de la
conservation foncière dans les trois (3) mois de la signification, le créancier saisissant doit
réitérer le commandement.
En cas de paiement dans le délai de vingt (20) jours, l’inscription du commandement doit être
radiée par le conservateur sur main levée donnée par le créancier ou, à défaut par la juridiction
compétente.
Effets du commandement. En cas de non-paiement, le commandement opère saisie à
compter de son inscription sauf si l’acquéreur ou le créancier consigne une somme suffisante
pour acquitter en principal, intérêts et frais dus aux créanciers saisissants et aux créanciers
inscrits antérieurs, la somme consignée leur étant spécialement affectée. Le commandement
emporte alors indisponibilité des fruits de l’immeuble et une restriction des droits du débiteur.
La publication du commandement qui vaut saisie rend les revenus (fruits naturels ou
industriels, les loyers et fermages) de l’immeuble indisponibles. Ceux-ci sont immobilisés, soit
par consignation, soit par mise sous séquestre par décision du juge de l’exécution, pour être
distribués avec le prix de la vente.
Les droits du débiteur sur l’immeuble sont réduits. Il conserve l’usage de l’immeuble à titre de
séquestre mais il ne peut ni l’aliéner, ni le grever de droit réel. Il ne peut opérer aucune coupe
de bois ni faire de dégradation.
Le débiteur peut même être expulsé à la demande d’un ou de plusieurs créanciers.
Toutefois, si le débiteur justifie que le revenu net et libre de ses immeubles pendant deux
années suffit pour le paiement de sa dette en principal, intérêts et frais et s’il en offre la
délégation au créancier, la poursuite peut être suspendue. Autrement, le créancier pourra
entreprendre les opérations de préparation de la vente.
B. La préparation de la vente
Elle passe par trois formalités essentielles. Il s’agit de la rédaction du cahier des charges, de
l’audience éventuelle et des publications en vue de la vente.
La rédaction d’un cahier des charges. Le cahier des charges précise les conditions et modalités
de la vente de l’immeuble saisi. Il est rédigé et signé par l’avocat du créancier poursuivant et
déposé au greffe dans les cinquante (50) jours suivant la publication du commandement. Il
contient, à peine de nullité, les nombreuses mentions de l’article 267 dont la mise à prix qui
ne peut être inférieur au quart (1/4) de la valeur vénale, l’indication du lieu où se tiendra
l’audience éventuelle, l’indication de la juridiction ou du notaire convenu devant qui
l’adjudication est poursuivie.

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Un extrait de l’état des droits réels est annexé au cahier des charges. La date de la vente est
fixée dans l’acte de dépôt du cahier des charges. Ce délai est compris entre 45 jours au plutôt
et 90 jours au plus tard.
Dans les huit (08) jours qui suivent le dépôt, il est fait sommation au saisi, à personne ou à
domicile, et aux créanciers inscrits, à domicile élu, de prendre communication du cahier des
charges et d’y insérer leurs dires et observations. Les dires et observations sont des
déclarations écrites et rédigées par un avocat et elles constituent une contestation que le
tribunal va trancher.
Cette sommation indique également le jour et l’heure de l’audience éventuelle qui ne saurait
être inférieure à trente (30) jours avant la dernière sommation. Elle indique également le jour
et l’heure de l’audience d’adjudication qui doit avoir lieu entre le trentième (30 e) et le
soixantième (60 e) jour après l’audience éventuelle.
S’il a été formé dans les cinq jours précédents l’audience éventuelle une demande de
résolution d’une vente antérieure ou une poursuite de folle enchère d’une réalisation
antérieure, il est sursis aux poursuites.
L’audience éventuelle. Elle n’a lieu que pour juger les dires et observations. Elle a lieu si des
dires et observations ont été déposés dans le délai. Ces dires seront jugés après débats
contradictoires, éventuellement par échange de conclusions. L’audience éventuelle peut
également avoir lieu en l’absence de dires et observations lorsque la juridiction compétente
décide d’exercer son contrôle sur le cahier des charges comme il est dit à l’article 275
AUPSRVE.
A cette audience, la juridiction compétente peut décider :
- De la modification du montant de la mise à prix ;
- De la fixation d’une nouvelle date d’adjudication ;
- De la distraction de certains biens saisis si leur valeur globale excède le montant des
créances à récupérer.
- De l’expertise de l’immeuble. Lorsqu’elle est à l’initiative d’une partie, celle-ci doit
avancer les frais.
Suivant l’article 273 AUPSRVE, l’audience éventuelle ne peut être remise que pour cause grave
notamment lorsque la juridiction compétente décide d’exercer son contrôle. L’impossibilité
matérielle (TGI Bobo-Dioulasso, jgt n° 30 du 4/02/2004) ou la date de l’audience éventuelle
à un jour non ouvrable (TGI Mfoundi/ Cameroun, jgt n° 232 du 27 /02/2002) peuvent être
constitutifs de ce motif.
La publicité en vue de la vente. En vue de favoriser les enchères en informant le plus grand
nombre d’enchérisseurs, une publicité en vue de la vente est organisée. Cette publicité est
faite par insertion d’un extrait du cahier des charges dans un journal d’annonces légales et par
apposition de placards dans les lieux désignés par l’article 276 AUPSRVE. Il s’agit du domicile
du saisi, de la juridiction compétente ou du notaire convenu, lieux officiels d’affichage de la

50
ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Commune de la situation des biens. L’extrait du cahier des charges publié contient l’identité
des parties et de leurs avocats, la désignation de l’immeuble, la mise à prix, l’indication de la
date de l’adjudication.
Il faut noter que les règles de l’Acte uniforme sur la vente de l’immeuble par saisie immobilière
sont impératives (CCJA, arrêt n° 015/2008 du 24/04/2008). Aucunement il ne peut y a avoir
de vente amiable dès lors que l’immeuble est saisi (CCJA, arrêt N° 009/2012 du 8/03/2012 ;
CA Niamey, arrêt n° 79 du 19/04/2004). Pourtant, pour éviter, le discrédit et tous les
inconvénients de l’expropriation forcée, le droit français a donné la possibilité au débiteur qui
en fait la demande la possibilité de rechercher un acquéreur amiable au meilleur prix et pour
éviter des frais supplémentaires. En effet, le juge de l’exécution peut, à l’audience
d’orientation (audience éventuelle en droit OHADA), ordonner la vente amiable lorsqu’il est
rapporté que celle-ci peut se faire à des conditions satisfaisantes (art. R. 322-15 et suivants).
Ainsi, les opérations de vente de l’immeuble devront se faire dans cette rigueur.
Section 2. La réalisation de l’immeuble
Il s’agit de la vente de l’immeuble qui doit se faire suivant une procédure soigneusement
décrite (§ 1). En outre, certains incidents peuvent surgir et qui ont pour effet d’anéantir la
vente ou l’ensemble de la procédure (§ 2).
§ 1. La vente
Il faut noter que la vente peut se poursuivre à la barre du tribunal ou en l’étude d’un notaire
convenu. Dans ce dernier cas, on parle abusivement d’adjudication amiable. La vente est
marquée par deux étapes, l’adjudication (A) et la surenchère (B).
A. L’adjudication
C’est la séance judicaire au cours de laquelle la vente forcée de l’immeuble est faite aux
enchères. Elle commence par la réquisition de l’avocat du poursuivant qui indique le montant
des frais de poursuite préalablement taxés par le président de la juridiction compétente.
Elle a lieu à la date fixée par l’acte de dépôt du cahier des charges (art. 268 AUPSRVE) et aux
jour et heure et lieu déterminés par la sommation de prendre connaissance du cahier des
charges (art. 270 AUPSRVE).
Procédure. La vente se réalise par voie d’enchères publiques ouvertes à tout le monde y
compris aux avocats par déclaration de command. Toutefois, en disposant que les avocats ne
peuvent enchérir pour les membres de la juridiction compétente, de l’étude du notaire devant
lesquelles l’adjudication est poursuivi e, ni pour la saisi, ni pour les personnes notoirement
insolvables ni pour l’avocat poursuivant, l’article 284 AUPSRVE donne la liste des personnes
exclues des enchères. Il se pose toutefois des questions sur la détermination des membres de
la juridiction compétente et des personnes notoirement insolvable. S’agit-il pour les premiers
des membres de la formation collégiale éventuelle ou de l’ensemble des personnels
magistrats et greffiers ? Par ailleurs, en l’absence de critères de détermination de la personne
notoirement solvable il serait difficile de procéder à des exclusions surtout que le non-respect

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

de l’obligation de paiement du prix dans les vingt (20) jours qui suivent l’adjudication est la
folle enchère.
La procédure d’adjudication est celle des criées. Pour cela, il est préparé à l’avance des
bougies d’une durée d’une minute. Si pendant la durée d’une bougie, aucune enchère n’est
faite, cette enchère est définitive et il est passé à la seconde jusqu’à ce que l’immeuble soit
adjugé. Cette adjudication est prononcée par décision judiciaire ou procès-verbal du notaire
au profit du plus fort enchérisseur ou du poursuivant pour la mise à prix s’il n’y a pas eu
d’enchères. Le créancier poursuivant peut dans ce cas, s’il ne souhaite pas être adjudicataire,
demander la remise de l’adjudication à une nouvelle audience pour laquelle les formalités de
publicités doivent être accomplies.
Voies de recours. La décision judiciaire ou le procès-verbal d’adjudication n’est susceptible
d’aucune voie de recours sauf l’action en nullité qui devra être exercée dans les quinze (15)
jours suivant l’adjudication.
Effets. L’acte d’adjudication est transmis à la conservation foncière pour inscription du droit
de l’adjudicataire dans les deux mois sous peine de revente pour folle enchère (article 294).
L’adjudication emporte purge des privilèges et hypothèques inscrits. Le conservateur de la
publicité foncière procède alors à leur radiation et les créanciers n’ont d’autres actions que
sur le prix qui peut faire l’objet de surenchère.
B. La surenchère.
Dans les dix (10) jours qui suivent l’adjudication, toute personne peut faire surenchère d’au
moins du dixième du prix. Cette surenchère qui lie l’auteur doit être faite au greffe ou en
l’étude du notaire et doit être dénoncée à l’adjudicataire, au poursuivant et au saisi dans un
délai de cinq (5) jours.
La dénonciation indique la nouvelle date de l’audience. A cette date, les enchères ont lieu et
aboutissent à une nouvelle adjudication. Aucune surenchère n’est recevable après la seconde
adjudication.
§ 2. Les incidents de la saisie
Juridiction compétente. La juridiction compétente est celle du lieu où l’immeuble est situé
sauf si la saisie est dirigée contre différents immeubles dépendant d’une même exploitation
et situés sur le ressort de plusieurs juridictions. Même si l’article 248 AUPSRVE indique la
juridiction ayant plénitude de juridiction, Nous pensons que la chambre civile du tribunal de
grande instance ne peut connaître des difficultés d’exécution en matière de saisie immobilière
sans gravement méconnaître les dispositions de l’article 49 AUPSRVE et de celles de l’article
61 de la loi portant organisation judiciaire. Ce dernier article est identique à l’article L. 213-6
du code de l’organisation judiciaire en France. Pourtant là-bas, le juge du contentieux de la
saisie immobilière est le juge de l’exécution. Le droit français qui a inspiré l’Acte uniforme est
conforme à la philosophie de l’article 49 AUPSRVE qui a procédé à un regroupement de
compétences en matière de difficultés d’exécution.

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

Toutes les contestations doivent être tranchées par la seule et même juridiction (CCJA, arrêt
n° 107 du 17/05/2018) à l’exception des questions préjudicielles.
Incidents de la pluralité de saisies. La saisie immobilière peut être entreprise en vertu de
commandements successifs relatifs à des immeubles différents mais appartenant au même
débiteur et dont les poursuites sont exercées devant la même juridiction, les poursuites sont
réunies suivant les règles des articles 302 à 307.
La demande en distraction de l’immeuble saisi est ouverte au tiers qui se prétend propriétaire
et qui n’est tenue ni personnellement de la dette (sûreté réelle pour autrui, ancien
cautionnement réel), ni réellement sur l’immeuble (propter rem : acheteur d’un immeuble
hypothéqué par exemple).
Les demandes en annulation pour des raisons de forme ou de fond de la procédure antérieure
à l’audience éventuelle sont réglées selon les articles 311 à 313 ;
La folle enchère. Elle est ouverte contre l’adjudicataire qui n’a pas rempli ses obligations. La
folle enchère se définie comme la procédure ayant pour objet de remettre à néant
l’adjudication. Elle est ouverte pour deux causes :
- Le défaut de justification dans les vingt (20) jours suivant l’adjudication, du paiement
du prix et des frais ainsi que des conditions du cahier des charges,
- Le défaut de publication de la décision d’adjudication dans le délai de deux (02) mois
à compter de l’adjudication,
Elle peut être dirigée par le saisi, le créancier poursuivant et les créanciers inscrits et
chirographaires et abouti à une nouvelle adjudication avec possibilité de diminution du prix.
Elle a pour conséquence pour le fol enchérisseur de rendre celui-ci débiteur des intérêts de
son prix d’adjudication jusqu’à la nouvelle adjudication d’une part, et de la différence de prix
entre la première adjudication et la seconde en cas de diminution de mise à prix d’autre part.

CHAPITRE III- LES PROCEDURES DE DISTRIBUTION


Elles sont régies par les articles 324 à 334 de l’Acte Uniforme
Lorsque le créancier est unique, le produit de la vente est remis à celui-ci à concurrence du
montant de sa créance en principal, frais et intérêts dans un délai de quinze (15) jours au plus
tard à compter du versement du prix (art. 324 AUPSRVE).
En cas de pluralité de créanciers, deux cas de figurent sont prévus :
- Les créanciers, inscrits ou privilégiés y compris, peuvent se mettre d’accord sur la
répartition du prix du meuble ou de l’immeuble vendu.

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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

- Ils adressent leur accord au greffe ou à l’auxiliaire de justice qui détient les fonds. Celui-
ci distribue les fonds selon cet accord et le solde, s’il y en a un, est remis au saisi.
Si les créanciers n’ont pu parvenir à un accord dans le mois qui suit le versement du prix, le
plus diligent saisi le juge aux fins de répartition. Cette répartition (collocation) se fait à une
audience déterminée par l’acte de saisine. Le même acte fait sommation aux créanciers de
produire et d’indiquer le rang dans les vingt jours qui suivent la sommation à peine de
déchéance. A l’audience dont la date ne peut être inférieure à 40 jours après la dernière
signification, le président du tribunal ou le juge délégué procède à la répartition du prix en
tenant compte des règles établies par les articles 225 et 226 de l’Acte uniforme portant
organisation sûretés après avoir éventuellement tranché les contestations qui peuvent se
faire par dires déposés au plus tard cinq jours avant l’audience. Sa décision peut faire l’objet
d’appel dans les 15 jours suivant lorsque le montant de la somme contestée est supérieur au
taux des décisions judiciaires rendues en dernier ressort.
NOTA BENE
Acte uniforme portant organisation des sûretés :
Art. 225- les deniers provenant de la réalisation des immeubles sont distribués dans l’ordre
suivant:
1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et
à la distribution elle-même du prix ;
2°) aux créanciers de salaire superprivilégiés ;
3°) aux créanciers titulaires d’une hypothèque conventionnelle ou forcée et aux créanciers
séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun selon le rang de son inscription au registre de
la publicité immobilière ;
4°) aux créanciers munis d’un privilège soumis à publicité chacun selon le rang de son
inscription au Registre du commerce et du crédit mobilier ;
5°) aux créanciers munis d’un privilège général non soumis à publicité selon l’ordre établi par
l’article 180 du présent Acte uniforme ;
6°) aux créanciers chirographaires munis d’un titre exécutoire lorsqu’ils sont intervenus par
voie de saisie ou d’opposition à la procédure ;
En cas d’insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 5°) et
6°) du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la
proportion de leurs créances totales, au marc le franc ;
Art. 226- sans préjudice de l’exercice d’un éventuel droit de rétention ou d’un droit exclusif
au paiement, les deniers provenant de la réalisation des meubles sont distribués dans l’ordre
suivant :
1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et
à la distribution elle-même du prix ;
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ZERBO Alain, Saisies et voies d’exécution

2°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du débiteur dans l’intérêt des
créanciers dont le titre est antérieur en date ;
3°) aux créanciers de salaires superprivilégiés ;
4°) aux créanciers garantis par un privilège général soumis à publicité, un gage ou un
nantissement chacun à la date de son opposabilité aux tiers ;
5°) aux créanciers munis d’un privilège spécial, chacun suivant le meuble sur lequel porte le
privilège ; en cas de conflit entre créances assorties d’un privilège spécial sur le même meuble,
la préférence est donnée au premier saisissant ;
6°) aux créanciers munis d’un privilège général non soumis à publicité selon l’ordre établi par
l’article 180 du présent Acte uniforme ;
7°) aux créanciers chirographaires munis d’un titre exécutoire lorsqu’ils sont intervenus par
voie de saisie ou d’opposition à la procédure de distribution.
En cas d’insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 3°)
6°) et 7°) du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la
proportion de leurs créances totales au marc le franc.

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