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Qu'est ce que

prouver ? (III)

Grands Repères

Université Paris Nanterre

Année universitaire 2019-2020


Semestre I
Table des
matières

I - Argumenter, est-ce prouver ? 3

1. Les questions indémontrables ....................................................................................................... 4


1.1. Point théorique. Démonstration et argumentation. ..................................................................................... 4
1.2. Point historique. Rhétorique et démocratie ................................................................................................ 5

2. L'adaptation au public : le pathos ............................................................................................... 5


2.1. Les moyens du pathos ............................................................................................................................. 5
2.2. Argumentation et mensonge ................................................................................................................... 10

3. La figure de l'orateur. L'èthos. ................................................................................................... 13


3.1. L'Ethos ................................................................................................................................................ 13

4. La place du rationnel : le Logos ................................................................................................. 14


4.1. Pascal et l'esprit de géométrie ................................................................................................................ 14
4.2. Un raisonnement géométrique fait la Révolution ...................................................................................... 15
4.3. Goethals parle-t-il comme un ordinateur ? ............................................................................................... 17

5. Méthodologie et exercices ........................................................................................................... 17


5.1. Figures et procédés ................................................................................................................................ 17
5.2. Les principaux types d'arguments ........................................................................................................... 19

6. Exercices 1 : mondialisation et société de consommation ........................................................... 21

7. Exercices 2 : questions sur le cours ............................................................................................ 24

Question de synthèse 27

Glossaire 28

Références 30
Argumenter, est-ce prouver ?

Argumenter, est-ce
prouver ? I

Les questions indémontrables 4


L'adaptation au public : le pathos 5
La figure de l'orateur. L'èthos. 13
La place du rationnel : le Logos 14
Méthodologie et exercices 17
Exercices 1 : mondialisation et société de consommation 21
Exercices 2 : questions sur le cours 24

Objectifs
distinguer argumentation (qui joue sur les émotions) et démonstration (qui engage la
logique).
une fois cette distinction établie, voir quelles interférences sont possibles entre les deux.
dans les productions personnelles, être conscient des moyens que l'on peut utiliser.
Dans les deux parties précédentes, vous avez vu que l'on prouvait une vérité avant tout par la
logique, puis que cette activité, indispensable dans tout travail intellectuel, pouvait avoir des
conséquences réelles ; dans un tribunal, elle peut aller jusqu'à peser sur la vie d'un être humain.
Nous allons maintenant nous intéresser au fait que dans la vie de tous les jours, ou dans les sciences
que l'on ne qualifie pas d'"exactes", il n'est pas toujours possible, ni optimal d'utiliser la stricte
logique.
L'argumentation est un art de l' adaptation. Sa spécialité n'est pas de prouver, mais de
persuader. Dans ce but, elle s'adapte en particulier à deux données du réel :
certaines vérités ne sont pas démontrables, et pourtant, il faut tout de même se faire un avis
à leur sujet.
les publics auxquels on s'adresse ne sont pas toujours prêts à se laisser convaincre par la pure
logique.
L'objet de ce cours est de vous montrer comment l'argumentation répond à ces contraintes, et de
vous conduire à vous demander dans quelle mesure elle peut intervenir dans vos travaux
universitaires. Il s'agit de vous donner des outils en tant que lecteurs et/ou producteurs
d'argumentations.
Nous observerons d'abord en quoi consiste le recours aux preuves plausibles (1), puis comment
fonctionne le recours à l'émotion (2). Nous verrons qu'un troisième élément caractérise
l'argumentation, l'image que l'orateur donne de lui-même dans son discours (3). Dans ce parcours,
nous nous demanderons si l'argumentation est un art de la tromperie. Nous verrons enfin que la
logique y joue un rôle important, et qu'elle peut parfois être exhibée dans un but persuasif (4). Nous
finirons par une présentation sommaire des figures argumentatives et des principaux types
d'arguments (5), suivie par quelques exercices testant votre compréhension du cours (6-7).

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Argumenter, est-ce prouver ?

1. Les questions indémontrables


1.1. Point théorique. Démonstration et argumentation.
Dans la réalité, les relations de cause à effet sont parfois trop nombreuses et complexes pour que
l'on puisse les résoudre à l'aide de la pure logique.
Le logicien, le mathématicien, le scientifique cherchent à démontrer  : c'est pourquoi on
parle de "sciences exactes". Dans ces disciplines, tant que l'on n'arrive pas à une
démonstration, on estime que le travail n'est pas fini : on est alors face à une énigme de
la science.
Au tribunal, on essaie aussi de démontrer. Les séries télévisées nous donnent à penser que
l'intervention d'experts, c'est-à-dire de scientifiques, rend la chose possible. Mais dans la
réalité, bien souvent, on manque d'indices et de preuves. On s'en remet alors à
l'explication des faits la plus probable, celle qui est susceptible d'emporter "l'intime
conviction". Conviction, convaincre : nous voici du côté de l'argumentation.
De même, dans la vie courante, en politique, ou dans les sciences humaines, on est
souvent contraint de s'en remettre à l'opinion la plus plausiblePlausible- p.28 § . Faut-il
*

favoriser l'endettement ou la rigueur ? La Révolution française fut-elle inspirée par une


bourgeoisie frustrée de ne pas avoir de réel statut social ou par une aristocratie dont les
pouvoirs étaient rognés depuis deux siècles par la monarchie absolue ? Faut-il favoriser la
relance par une bonne rétribution des fonctionnaires ou limiter la dette publique en
gelant leur point d'indice ?
Dans certains cas, nous sommes incapables de démontrer où est la vérité. En matière de
prévision économique, de perspective politique, de culpabilité juridique, c'est souvent le cas.
C'est aussi souvent vrai dans les savoirs qui touchent à ce que l'on appelait autrefois les
"humanités", et qui en se développant et en se spécialisant sont devenus les "sciences
humaines". En anthropologie, en histoire, en étude des textes, il faut bien souvent interpréter
des faits.
Faut-il renoncer à avoir un avis, renoncer à faire des choix (d'action ou d'interprétation des
faits) ? Dans les domaines politique, juridique ou économique, cela paraît impossible ; dans le
domaine des savoirs, ce serait renoncer à toute réflexion non mathématisable.
Il paraît plus productif de s'en remettre à l'argument le plus vraisemblable : cette règle a été
mise en forme rigoureusement par Aristote dans sa « Rhétorique » (mais elle avait déjà été
énoncée par les rhéteurs qui l'avaient précédé).
Dans ces cas, la logique est utile et même nécessaire, mais ne suffit pas ; il faut faire intervenir
d'autres ressources, celles de l'argumentation, afin de présenter les éléments en faveur d'une
thèse de la manière la plus efficace. L'objet de ce cours est de vous montrer comment elles
fonctionnent et de vous conduire à vous demander dans quelle mesure elles peuvent intervenir
dans vos travaux universitaires.

Fondamental
Telle est la nature du débat, qu'il soit démocratique, juridique ou scientifique  : l'argumentation
permet de confronter les arguments les plus plausibles, de manière à ce que le parti le plus crédible
l'emporte.

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Argumenter, est-ce prouver ?

1.2. Point historique. Rhétorique et démocratie

Dans la culture occidentale,


l'argumentation prend son essor avec la démocratieJ.-J. Robrieux
. A l'époque des tyrans, elle ne servait pas à grand-chose : les
décisions n'étaient pas discutées en public. Au Ve siècle avant
Jésus-Christ, en Sicile, deux tyrans sont renversés par le
peuple. Il faut réparer les préjudices subis, rendre les terres
perdues. Des procès sont intentés, et pour la première fois, ils
se tiennent devant des jurys populaires. De cette situation
démocratique inédite naît un art nouveau, l'art de
l'éloquence, de la parole persuasive, de l'argumentation. De
grands orateurs vont se distinguer (Protagoras, Gorgias,
Isocrate...) ; certains vont théoriser leur art, qui s'appellera la
rhétorique, première approche scientifique du langage et du
discours.
Gorgias de Leontinoi (483-375
av. JC)
 

Remarque : Quels termes utiliser ?


Nous parlons ici de l'art de persuader, dont le nom technique est la rhétorique (que l'on peut
encore appeler éloquence ou art oratoire), et qui recoupe en partie ce que l'on appelle aujourd'hui la
  communication  , enfin, la «  com  », c'est-à-dire la communication qui vise à agir sur son
auditoire, à obtenir un résultat pratique : on l'utilise dans les métiers de la publicité, en politique,
en droit, un peu dans l'enseignement...et bien souvent dans la vie quotidienne.
Le terme "argumentation" désigne un type de discours, sur un plan plus technique (par opposition
à "narration", "description", "explication").
La rhétorique utilise l'argumentation, mais elle peut aussi recourir à la description ou à la narration.
En racontant les "amours" d'un gorille échappé du zoo, G. Brassens argumente contre la peine de
mort.
Fondamental
Dès sa naissance, l'éloquence est en rapport avec la démocratie, et les débats juridiques. Elle
concerne toute parole ayant une puissance d'action sur la réalité. En se développant elle se
théorise, donnant naissance à la rhétorique.

2. L'adaptation au public : le pathos


2.1. Les moyens du pathos
La rhétorique intervient pour traiter de cas que l'on ne peut résoudre par la pure logique. Elle
est une adaptation du raisonnement aux sujets complexes. Elle a aussi vocation à s'adapter à
l'auditoire.
Dès ses débuts, l'argumentation intègre à son propos une partie plus proche à toucher les cœurs,
les passions : le pathos. Dans la culture grecque, la rhétorique repose sur ce couple fondamental :
- le logosLogos- p.31 * ¤ , qui désigne l'effort de démonstration rationnelle
- le pathosPathos- p.31 * ¤ , qui désigne l'appel à l'émotion nécessaire pour emporter la conviction
du public

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Argumenter, est-ce prouver ?

Pourquoi faire intervenir le pathos  ? Parce que l'on ne parle pas à de purs esprits
mathématiques ; parce que l'on cherche à convaincre des personnes qui résistent à notre opinion
(des juges, des électeurs, des consommateurs...).
C'est aussi une question d'intensité dans la preuve établie. La démonstration permet de montrer
qu'une opinion est absurde  ; mais il faut l'argumentation pour suggérer qu'elle est
révoltanteDescotes.

Exemple : Un exemple voltairien


Dans l'article "Torture" de son Dictionnaire philosophique (1764), Voltaire écrit :
  « Le grave magistrat qui a acheté pour quelque argent le droit de faire ces expériences sur son
prochain, va conter à dîner à sa femme ce qui s'est passé le matin. »
Il aurait pu dire :
« Il est scandaleux que l'on devienne juge en payant une charge et non en recevant une formation
morale et intellectuelle. Il est insupportable que leur métier comprenne le fait de torturer des gens,
comme si c'était une activité quotidienne. »
Mais à la place, il évoque une petite scène où l'on voit un magistrat rentrer chez lui, et raconter à sa
femme sa matinée, qui a consisté à torturer des suspects. Il met en scène le contraste entre cette
activité et le cadre quotidien du repas familial, de manière à ce que le lecteur ressente le scandale
sans qu'il y ait besoin de le nommer. Le facteur aggravant, le fait que ce magistrat accède à sa
fonction en payant une charge, est intégré comme une information secondaire, dans une subordonnée
relative ("qui a acheté..."), comme si ce n'était pas important, alors qu'aux yeux de Voltaire, c'est un
scandale absolu. Dire une chose grave comme si c'était une information incidente donnée au passage,
c'est encore une manière de jouer avec les sentiments du lecteur, pour lui faire sentir plus fortement
le scandale.
Fondamental
La rhétorique s'adapte à deux données du réel, que l'on ne peut pas toujours surmonter par la
logique : la complexité des problèmes, et la variation des publics.

Nous allons observer les rapports entre logos et pathos chez un penseur qui veille
particulièrement à leur équilibre : l'auteur des Pensées, Blaise Pascal.

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Argumenter, est-ce prouver ?

2.1.1. Pascal, le cœur et la raison


« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît
point. »PascalPascal, Pensées
Certains d'entre vous ont déjà entendu cette phrase,
certains même savaient peut-être qu'elle est de
Pascal, et en auront même déduit qu'elle date du
XVIIe siècle. Elle a donc traversé plus de trois
siècles pour arriver jusqu'à nous.
Que dit-elle  ? Que la raison ne suffit pas, qu'elle
n'est pas toute puissante. Que ce qui est vrai, juste,
logique, raisonnable, n'est pas toujours ce qui nous
convainc le plus. Que pouvons-nous en déduire  ?
Que lorsque l'on veut convaincre quelqu'un, il est
bon de raisonner de manière juste, mais qu'il peut
être utile aussi de parler à son cœur, à ses émotions,
à sa sensibilité.
Est-ce que cette affirmation de Pascal est vraie ? Ce
qui est sûr, c'est qu'elle a fonctionné : elle a traversé
plus de trois siècles. Elle a su convaincre.
Comment ? Peut-être met-elle en pratique ce qu'elle Manuscrit des Pensées, fr. du Pari
dit. Peut-être parle-t-elle à notre sensibilité. Si
Pascal n'avait parlé qu'à notre raison, nous
n'aurions sans doute pas aussi bien retenu son idée.
Arriveriez-vous à dire ce qui, dans sa formulation,
lui a donné la force de traverser les siècles ?
Vous pouvez noter quelques réponses avant de lire
la réponseRéponse...- p.32 ¤ .
*

2.1.2. La répétition.
Il paraît qu'une anaphoreanaphore- p.28 § peut faire gagner une élection présidentielle. Vous
*

rendez-vous compte  ! Le langage conserve donc quelque chose de la puissance des formules
magiques, des incantations que les sorciers clament dans les sociétés tribales, et qui sont
censées agir directement sur le réel V. S. Duval-M. Martinez,: oui, parfois, dire c'est faireQuand dire, c'est faire
- p.32 ¤ . Et dans ce but, les figures les plus simples sont souvent les plus efficaces. Quoi de plus
*

simple qu'une répétition  ? Ici, ce n'est pas tout à fait une anaphore  : c'est plutôt ce que les
spécialistes de la rhétorique appellent une antanaclaseantanaclase- p.28 § , et pour aller plus loin,
*

c'est même une antanaclase externe. Un même mot, le mot « raison », est employé deux fois,
mais avec un sens différent :
la première fois, il signifie   "motivations"  , «  inspirations profondes, cachées,
mystérieuses » (comme dans l'expression : « j'ai mes raisons »). On est dans le domaine
de l'affectif.
la deuxième fois, il désigne au contraire la raison, notre capacité de jugement et de
réflexion.
Ainsi le mot « raison » est employé deux fois, mais pour désigner deux principes antagonistes,
les deux forces contraires qui dirigent l'Homme : le rationnel et l'irrationnel. Il y a dans ce jeu
de contraste une énergie sémantique que l'on ressent, même si l'on n'est pas conscient du
mécanisme en cause.

Fondamental
Anaphore, antanaclase, sont des termes spécialisés de linguistique et de stylistique. Ils ne sont pas à
retenir.
Il faut retenir que la répétition est un procédé efficace pour rendre une formulation frappante et lui
injecter de l'émotion, du pathos, des sentiments ; elle sera encore plus forte si elle s'accompagne d'un
jeu de contraste sémantique entre les deux moments de la répétition.

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Argumenter, est-ce prouver ?

Remarque
Pascal, lui, est conscient du mécanisme, sait très bien ce qu'il fait. La preuve ? Il le dit. Il le dit dans
cette autre «  pensée  », où il explique que la répétition est à éviterLa répétition à l'âge classique- p.31 ¤ en
*

général, mais qu'elle doit être pratiquée quand elle est nécessaire, expressive :
« Quand dans un discours se trouvent des mots répétés, et qu'essayant de les corriger, on les trouve
si propresSens en français classique- p.32 ¤ qu'on gâteraitSens en français classique- p.32 ¤ le discours, il les faut
* *

laisser, c'en est la marqueSens en français classique- p.32 ¤ [...] ». Pensées,fr. 48.
*

2.1.3. La brièveté
Plus simple encore que la répétition, la brièveté permet de concentrer la puissance de
signification de la phrase (à condition qu'elle existe  : toutes les phrases brèves ne sont pas
vouées à passer à la postérité...). Avec la première phrase d'un discours : « Je vous ai compris »,
le président de Gaulle met fin à la guerre d'Algérie. J'exagère à peine (mais l'exagération fait
aussi partie des figures de persuasion) ; c'est en tout cas la manière dont la mémoire collective
se représente cet événement.
Ici, cette force de condensation donne toute sa puissance à l'articulation logique de la phrase.
Quel est le raisonnement ? Il consiste à articuler deux idées :
La raison, la partie intellectuelle de l'homme, croit être celle qui fixe les règles, suivant
les principes de la logique ;
Mais le cœur (c'est-à-dire les sentiments, la partie passionnelle de l'homme) a ses règles,
ses motivations, et il suit son chemin.
Ici encore, Pascal est conscient de ce qu'il fait. Une phrase brève, contenant une petite énigme,
une apparente contradiction, oblige le lecteur à interpréter. Or le premier principe du discours
de persuasion, c'est qu'il faut faire participer l'auditoire. Il ne faut pas tout dire :
« On se persuade mieux, pour l'ordinaire, par les raisons qu'on a soi-même trouvées, que par
celles qui sont venues dans l'esprit des autres ». Pensées, fr. 10.Pensées- p.31 ¤ *

Cette propriété est souvent utilisée par les messages publicitaires, notamment lorsqu'elle
dissimule un contenu licencieux.
 

Quand la RATP dit M à la pollution


 

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Argumenter, est-ce prouver ?

Publicité Energizer : "Never let their toys die. The world's longest lasting battery" ("Ne laissez
jamais leurs jouets mourir. La pile la plus durable au monde"). Energizer » DDB – 2007

Méthode
Dans vos devoirs, en revanche, on ne s'attend pas à ce que vous laissiez votre lecteur deviner ce que
vous voulez dire... C'est au contraire une tendance courante à éviter. Le correcteur n'est pas un
lecteur ordinaire. Il doit lire vite beaucoup de choses : elles doivent donc être parfaitement claires. A
la rhétorique de l'énigme s'oppose celle de la clarté. Une fois encore, la rhétorique est un art de
l'adaptation. Il faut prendre en compte le contexte, et votre public.

2.1.4. L'image
Y a-t-il des figures de style dans cette phrase  ? Il y en a au moins une, discrète certes, car
commune : la métaphore qui consiste à utiliser le mot « cœur » pour désigner les sentiments.
Elle est commune, usée, peu surprenante, et pourtant, ne participe-t-elle pas à la force de cette
phrase ? On peut lui prêter au moins deux effets :
toute usée qu'elle soit, cette métaphore appartient au langage galant, au langage des
romans d'amour qui fleurissent en ce 17e siècle, mariant bergères et princes dans un
décor bucolique, et qui plaisent énormément au public ; il appartient aussi au langage de
la tragédie, dans laquelle il symbolise toutes les contradictions qui conduisent l'homme à
se déchirer lui-même. Juste après Pascal, Racine montrera que l'homme gouverné par son
cœur finit par y planter une épée.
en même temps, l'emploi de ce mot permet de dresser face à face deux forces s'opposant
en l'homme. Le cœur, mot singulier, masculin, affronte la raison, qui apparaît comme son
inversion symétrique. La métaphore engage ici une discrète personnification de "cœur" et
"raison". L'effet est plus fort que si Pascal avait dit « les sentiments », « l'émotion » ou
«  la/les passion(s)  ». On pourrait rattacher cette mise en scène aux grandes
"psychomachies" antiques et médiévales dans lesquelles s'affrontent les grandes entités
qui gouvernent l'âme humaine, "Passion", "Vertu", "Courage", sous une forme
allégorique.
On pourrait ajouter que cette phrase suit un rythme poétique : elle est composée de vers blancs,
une moitié d'alexandrin ("Le coeur a ses raisons, 6 syllabes) et un octosyllabe (que la raison ne
connaît pas, 8 syllabes). Aucun doute, si cette phrase a traversé le temps, c'est qu'elle est un
condensé de signification, sous une formulation frappante.

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Argumenter, est-ce prouver ?

Voilà donc une phrase qui dit que pour convaincre, il faut savoir utiliser d'autres moyens que
ceux qui parlent à la raison...et qui en le disant applique ce principe, confrontant son lecteur à
une étrange répétition, laquelle cache une apparente contradiction, le tout en quelque mots bien
calibrés.

2.2. Argumentation et mensonge


Ne se contentant pas de la démonstration logique, l'argumentation, en raison des cas qu'elle
traite et du public auquel elle s'adresse, intègre des effets qui la rapprochent de la
"communication" ou même de la littérature. En cela, n'est-elle pas l'art de la manipulation et de
la tromperie ?

2.2.1. Rhétorique et cuisine

Ce soupçon a vite pesé sur elle, dès ses origines antiques.


Nous n'avons presque rien conservé des écrits des grands
orateurs qui ont inventé et théorisé l'art de la rhétorique dans
la Grèce antique - il faut mettre à part Isocrate, dont l’œuvre
nous est parvenue. Nous connaissons les autres essentiellement
par les écrits de leur plus grand adversaire, qui eux se sont bien
conservés  : Platon. Platon, qui rêve d'un roi-philosophe, ne
croit pas beaucoup à la démocratie, et encore moins aux vertus
de la technique oratoire. Il dénonce les orateurs, qu'il appelle
des sophistes, comme des menteurs, des manipulateurs, qui ne
cherchent pas la vérité, mais le succès personnel.
Il explique que la rhétorique fait partie, comme la parure et la
cuisine, des arts de la flatteriePlaton
.
Cette opinion est-elle vraie ou fausse  ? En tout cas, elle n'est
pas nuancée  ; elle évacue les bons côtés de l'art oratoire. On
pourrait soutenir à l'inverse que le philosophe qui prétend
pouvoir accéder au vrai néglige le fait que le langage est un
Platon, copie du portrait
détour, un outil dont il faut connaître les principes de
exécuté par Silanion pour
fonctionnement  ; c'est en partie l'orientation que prendra
l'Académie vers 370 av.
Aristote, pour qui
J.-C., Centrale Montemartini
la rhétorique est apte à construire des preuvesV. Carlo Ginzburg.
 

Complément
Marnix de Sainte-Aldegonde, satiriste protestant du XVIe siècle certes peu connu, a inventé un mot,
«  argumenterieTableau des différends de la religion- p.32 ¤   », pour dénoncer cette union naturelle entre
*

argumentation et mensonge, chez ses adversaires, les jésuites.

2.2.2. Eloge du mensonge


Cette aptitude à la manipulation peut aussi être revendiquée comme une preuve de la puissance
de l'argumentation. Dans un petit livre intitulé L'art d'avoir toujours raisonL'Art d'avoir toujours raison
(consultable en ligne), le philosophe allemand Arthur Schopenhauer pousse au bout cette idée,
en expliquant que l'éloquence ne vise qu'à défendre des idées, sans se soucier de savoir si elles
sont justes ou fausses. Il y explique que :
la vérité importe peu pour être cru
personne ne peut vraiment savoir si ce qu'il dit est vrai
Dans ce cas, il reste le souci de convaincre, et autant avoir de bonnes techniques dans ce but.
Ces dernières reposent sur une vérité que tous les rhéteurs ont reconnue, depuis l'Antiquité : il
faut connaître le fonctionnement de la psychologie humaine. Ainsi, pour Schopenhauer, il faut
savoir cacher son jeu, clamer victoire malgré la défaite, forcer l'adversaire à aller trop loin, lui
dire qu'on ne comprend rien à ce qu'il dit pour le désarçonner, se défendre en coupant les
cheveux en quatre... Vous avez maintenant compris que l'argumentation fait partie de la vie de

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Argumenter, est-ce prouver ?

tous les jours.

2.2.3. Chronologie. Une évaluation par oscillations


A partir de cette situation, l'histoire de la perception de l'éloquence peut être schématisée très
grossièrement comme une succession de (-) et de (+) :
(+) Invention de l'art oratoire
(-) Soupçons platoniciens
(+) Réhabilitation aristotélicienne
(-) La suspicion va se perpétuer dans l'Occident chrétien, méfiant vis-à-vis des pouvoirs de la
parole.
(+) Elle sera affaiblie au moment de l'humanisme, dont l'un des piliers, la « philologie », est
un mélange entre rhétorique et grammaire.
(-) Mais après avoir fleuri au XVIIe siècle, la rhétorique redevient suspecte au XVIIIe, l'âge des
«  philosophes  » des Lumières (Voltaire, Rousseau...), qui veulent souvent un langage pur et
transparent.
(+) Le XXe siècle l'a réhabilitée. La linguistique moderne a conduit à considérer que les
« sophistes » avaient été de grands connaisseurs des fonctionnements du discours, de la langue,
de grands pédagogues, et que la connaissance de l'art oratoire n'est sans doute pas entièrement
mauvaise, car consciemment ou non, nous l'utilisons tous les jours.
(-) Mais le soupçon platonicien fait toujours partie de nos présupposés. Ainsi, notre vision de la
rhétorique hésite entre admiration pour cette première linguistique, et méfiance vis-à-vis de cet
art de l'ornement, toujours suspect d'être trompeur.

2.2.4. Un équilibre
Eloge du logos

Lorsque l'on oppose démonstration logique et argumentation, on établit des jugements de valeur
pour dire la quelle est la meilleure.
Notre tendance "naturelle" (mais en réalité assez culturelle) est de dire que l'argumentation
est :
moins honnête,
plus manipulatrice,
et moins rigoureuse que la démonstration.
Elle serait une sorte de démonstration impressionniste, dégradée.

Eloge du pathos

A l'inverse, on peut dire que la démonstration purement logique manque d'efficacité. Elle
établit des vérités de manière indiscutable, mais pas toujours communicative ; elle cherche à
prouver , non à convaincre . Ses moyens sont bien plus pauvres que ceux de
l'argumentationDominique Descotes, : moins riches en procédés, moins littéraires. Si les hommes étaient
tous des mathématiciens, la démonstration suffirait peut-être, mais les hommes sont tous des
hommes, et donc elle ne suffit pas.

2.2.5. Figure et mensonge.


Pourquoi utilise-t-on une figure de rhétorique ?

Alors, l'argumentation est-elle menteuse ? Elle peut l'être, car le menteur argumente volontiers.
Mais dans son usage honnête, elle ne cherche pas à tromper. Son but n'est pas de tromper, mais
de frapper. Ce qu'elle recherche, c'est une efficacité plus stable que celle du mensonge.
Observons un cas simple, celui de l'entraîneur dans un vestiaire de football. Comment

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Argumenter, est-ce prouver ?

convaincre ses joueurs de se dépasser ?

La rhétorique dans les vestiaires de l'OM.

Nous aurons affaire cette fois à un cas


d'éloquence contemporaine, non littéraire, mais
surtout, en prise directe avec le réel. Il s'agit
d'influer sur l'attitude de joueurs de football
pour leur faire gagner une compétition.
Comment la rhétorique peut-elle s'y prendre  ?
Nous verrons ici qu'elle peut utiliser les moyens
du langage en visant des buts très concrets. Et
nous verrons apparaître le troisième grand
élément de l'art de l'éloquence : l'ethos.

Raymond Goethals (1921-2004)


 

S'il va à gauche, va à gauche ; s'il va à droite, tu vas à droite. S'il va


pisser, va pisser !
Voila comment Raymond Goethals- p.32 ¤ , qui n'a pas l'habitude des
*

fioritures, explique à l'un de ses joueurs la façon dont il doit surveiller


un adversaire durant le match. L'entraîneur de l'Olympique de
Marseille ne gagnera peut-être pas la finale de la Coupe d'Europe,[ ...]
mais il aura, à tout le moins, réussi un exploit : battre les Marseillais
sur leur propre terrain, celui de la gouaille. (Le Monde)

Le commentaire du journaliste montre les liens de ce « bon mot » avec notre sujet ; la gouaille
ne serait-elle pas une version populaire et quotidienne de la rhétorique ?
Autour de cet exemple facile à comprendre, nous pouvons nous interroger sur la place de la
vérité. L'entraîneur au parler rugueux dit-il la vérité à ses joueurs ? Imaginons que l'un d'entre
eux manque de distance critique : on risquerait de le retrouver aux toilettes avec un adversaire,
et les conséquences seraient potentiellement brutales. Il pourrait accuser son entraîneur d'avoir
menti. Mais il ne devrait normalement pas trouver beaucoup de camarades pour le soutenir. Les
autres auraient bien compris qu'il ne fallait pas prendre son ordre au pied de la lettre, que
c'était une exagération. Peut-être certains pourraient-ils lui donner le nom rhétorique de cette
figure ?
a. La métaphoreMétaphore- p.28 § *

b. La paraboleParabole- p.28 §
*

c. L'hyperboleHyperbole- p.28 § *

d. L'euphémismeEuphémisme- p.28 § *

Cette figure de style est-elle un mensonge ? Non, car un mensonge a pour but que
l'interlocuteur croie à la lettre ce qui est dit, sans se rendre compte de l'écart pris par rapport à
la réalité. Ici, c'est le contraire : l'entraîneur ne veut pas que ses joueurs prennent ses paroles au
pied de la lettre, mais qu'ils mesurent au contraire la part d'exagération qui y entre, afin de
comprendre ce qu'il veut réellement dire.

Le vrai sens de la figure

Au fait, que veut-il réellement dire ? Qu'il faut « marquer » les joueurs adverses sans faille, les
harceler, ne pas les quitter d'une semelle (pardon, cette hyperbole vient de m'échapper).

12
Argumenter, est-ce prouver ?

Pourquoi ne le dit-il pas ainsi alors ? Il éviterait des méprises toujours possibles.
Pourquoi R. Goethals utilise-t-il cette hyperbole, au lieu de dire simplement à ses joueurs de
"marquer" leurs adversaires ? Parce qu'il sait, intuitivement, par expérience, que l'hyperbole est
plus efficace qu'un langage purement informatif, neutre et descriptif.
Qu'en disent les rhétoriciens ? Voici l'avis de Fontanier, l'auteur de l'un des grands recueils de
figures de rhétorique du XIXe siècle :

L'hyperbole augmente ou diminue les choses avec excès, et les présente


bien au-dessus ou bien au-dessous de ce qu'elles sont, dans la vue, non
de tromper, mais d'amener à la vérité même, et de fixer, par ce qu'elle
dit d'incroyable, ce qu'il faut réellement croire.

Non seulement l'hyperbole ne ment pas, mais elle dit la vérité mieux que ne l'aurait fait un
langage neutre, sans figure.
Si Goethals avait dit à ses joueurs  : «  marquez vos adversaires de près, sans relâche  », il
n'aurait pas vraiment exprimé sa pensée. Dans un match à très fort enjeu, ce qu'il demande à
des sportifs de haut niveau, c'est de dépasser leur attitude habituelle, d'effectuer leur tâche de
façon diabolique.

Le déchiffrage de la figure, un premier pas vers la persuasion

L'hyperbole de Goethals dit beaucoup plus de choses que ne l'aurait dit une phrase neutre,
plate, descriptive, sans en avoir l'air. Elle les dit indirectement : si Goethals avait détaillé tout
le sens de son hyperbole, ses joueurs n'auraient pas gagné la Coupe d'Europe (
on les aurait retrouvés endormis dans le vestiaireOh ! Vous exagérez.- p.31 ¤ ).
*

Goethals applique le principe rhétorique énoncé par Pascal  : on se persuade mieux par les
raisons qu'on a trouvées soi-même que par celles qui nous viennent des autres. Il oblige ses
joueurs à un petit effort de déchiffrement ; cet effort est au bénéfice de l'entraîneur : en faisant
l'effort de déchiffrer ce qu'il dit, ils sont déjà sur le chemin de la persuasion. Certes, il ne
faut pas en abuser - surtout dans un devoir universitaire.

Remarque
Les joueurs n'ont pas besoin de comprendre le fonctionnement de l'hyperbole pour en saisir le
sens. C'est même le contraire. Un joueur très éduqué, qui n'aurait pas été retiré des études
secondaires dans ses jeunes années, et pourrait déchiffrer les mécanismes de l'hyperbole, serait moins
sujet à sa force de fascination.
Nous parlions plus haut des pouvoirs magiques du langage  ; ils sont nécessairement moins forts
quand on connaît le «  truc  ». Celui qui connaît le truc du prestidigitateur est plus à même
d'apprécier son art, son adresse, mais il est moins captif du spectacle. Il est plus libre. Ce n'est sans
doute pas ce que Goethals attend de ses joueurs, en cette circonstance en tout cas.
C'est en revanche ce que l'on attend de vous. En tant qu'étudiants et citoyens, vous devez acquérir
des repères qui vous aident à ne pas être captifs des différents discours auxquels vous pouvez être
confrontés, qu'il s'agisse des discours du savoir, des médias, ou, pourquoi pas, du quotidien.

3. La figure de l'orateur. L'èthos.


3.1. L'Ethos
La communication de R. Goethals a le mérite d'être clair. Il reste qu'on peut y déceler un
message enfoui, à un niveau presque psychanalytique. En parlant ainsi à ses jouteurs, en
évoquant l'organe qui leur permet d'uriner, il dit indirectement : « soyez des hommes », « ayez
un rapport simple à votre corps  ». La gouaille est souvent un peu machiste. La phrase de
Raymond Goethals dit tout cela, en peu de mots.
De la même manière, quand Platon rapproche la rhétorique des autres arts de la flatterie, ce
n'est pas par hasard qu'il classe parmi ces derniers la parure et la cuisine. On peut considérer

13
Argumenter, est-ce prouver ?

qu'il y a là un sous-entendu sexiste, exercé à l'encontre des rhéteurs.

Les sous-entendus présents dans la phrase-choc de R.


Goethals ne concernent pas seulement le message
communiqué. Ils transmettent aussi une image de
l'orateur. Nous sommes ici dans un discours
d'exhortation, proche de la
harangue qu'adressait César à ses troupesCésar, Guerre
civile, livre I
avant le combat. Le chef communique aux
combattants une image de lui-même à laquelle ils
pourront s'identifier : image de rudesse, ou pour dire
les choses autrement, de virilité sans chichi. Par son
langage, il communique l'image d'un homme
spontané, sans détour, qui parle juste. Virilité et
vérité sont les deux constituants essentiels de cet
autoportrait implicite.
Statue de Jules César réalisée par
Nicolas Coustou en 1713 (Musée du
Louvre)
 

Fondamental
On appelle Ethos l'image que l'orateur communique de lui-même à travers son discours. Logos,
pathos et ethos sont les trois pôles du discours.
Il est possible d'élaborer un ethos ponctuel, pour un discours particulier. Voyez les vœux
présidentiels : selon la circonstance, le chef d’État donnera de lui-même une image de complicité, de
compassion, d'autorité ou de pugnacité.

L'ethos est en général positif. Selon les rhéteurs anciens, l'orateur doit en général communiquer
une image de vir bonus dicendi peritusVir bonus...- p.32 ¤ . Mais l'exemple de R. Goethals montre
*

qu'un peu de négativité peut favoriser la transmission du message.

Méthode
Dans vos devoirs universitaires, vous communiquez une image de vous-mêmes, qu'il est bon de
maîtriser. L'idée n'est pas de laisser transparaître des indices de votre personnalité : ce n'est pas le
lieu adéquat. Vous devez plutôt communiquer une image de rigueur, de neutralité scientifique. Clarté
de l'expression, de la présentation, correction de la langue et de l'orthographe sont les premiers
éléments de cet autoportrait implicite. Les enseignants sont sensibilisés à certains troubles tels que la
dysorthographie, mais dans l'usage commun, si l'on fait tant d'efforts pour suivre les règles de la
langue, c'est aussi parce que notre expression véhicule une image de nous-mêmes. L'honnêteté du
raisonnement, l'aptitude à reconnaître certaines hésitations peuvent aussi faire partie d'une démarche
scientifique rigoureuse. Dans les devoirs universitaires, il ne faut pas faire du Goethals.

4. La place du rationnel : le Logos


Pathos, ethos... que reste-t-il finalement du logos dans l'argumentation  ? Dans cette recherche de
l'efficacité, quelle place reste-il pour la logique, qui était au cœur de la démonstration ?

4.1. Pascal et l'esprit de géométrie


Y a-t-il du logos chez Pascal  ? Bien entendu. Nous l'avons vu, sa phrase est avant tout une
articulation logique, un jeu d'inclusion-exclusion. Pascal, mathématicien et philosophe chrétien,
considère que les hommes se divisent entre esprits de géométrie et esprits de finesse, les uns

14
Argumenter, est-ce prouver ?

dominés par la raison, les autres par le cœur. Il faut parler aux deux, et toujours partir de la
raison géométrique. Ses "pensées" ont souvent une forme géométrique.

Voici un exemple de pensée très géométrique, dans un fragment qui examine les rapports entre
la justice et la force :

Justice, force.- II est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire
que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est
impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans
force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants ; la force sans
la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ;
et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit
juste.
La justice est sujette à dispute, la force est très reconnaissable et sans
dispute. Ainsi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a
contredit la justice et a dit que c'était elle qui était juste. Et ainsi ne
pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût
juste ». Pensées, fr. 48.- p.31 ¤
*

Avez-vous tout compris ? L'idée est la suivante : la justice a besoin de la force pour s'imposer,
et la force a besoin de la justice pour se légitimer. Il faut donc qu'elles s'allient. L'idéal serait
que la force se mette au service de la justice. Mais la force est forte  : c'est donc elle qui
s'impose. Et c'est donc la justice qui s'est mise au service de la force. La logique peut aussi
insuffler une critique acerbe de la monarchie absolue en train de se construire.

4.2. Un raisonnement géométrique fait la Révolution


Sortons un peu des Pensées. Un autre argument de forme mathématique très connu est celui
employé par SieyèsSieyès (Emmanuel Joseph, dit l'abbé Sieyès)- p.32 ¤ , député du tiers-état, à la veille de la
*

Révolution française :

15
Argumenter, est-ce prouver ?

Le plan de cet Écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous
faire :
1° Qu'est-ce que le Tiers-État ? Tout.
2° Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien.
3° Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose.

L'effet frappant de cet argument est qu'il place sur une balance,
qui apparaît comme la balance de la justice, deux faits,
l'existence réelle du tiers-état, et sa représentation
politique, en leur donnant une valeur contradictoire  :
tout/rien.
L'injustice politique est traduite en des termes purement
quantitatifs, suivant une logique qui ressemble au langage
binaire utilisé par les ordinateurs  ; la dénonciation prend la
forme de la mesure d'une disproportion  : dans la réalité, le
tiers-état est tout, mais dans la représentation politique, il n'est
rien. C'est un avertissement aux puissants de l'ordre féodal  :
vous avez fait parler l'autorité et la force, apprêtez-vous à
affronter la force du nombre.
Le coup de force de ce dispositif est qu'il donne le sentiment
que la revendication du tiers-état est modérée  : il ne demande
pas à être tout, mais seulement quelque chose. Cette conclusion
est mise en valeur par le rythme ternaire, qui contribue souvent
à donner à un raisonnement une forme aboutie, géométrique,
bien ficelée (on serait tenté de dire  :  «  carrée  », même si le Le pamphlet de 1789
terme qui convient est plutôt : « triangulaire »).
Cette modération est vraiment un effet rhétorique  : en  
réalité, cette revendication est extrêmement forte, par rapport à
la tradition politique de la monarchie française.

Complément : Pour vous éclairer (vous n'avez pas à apprendre ceci)


Le contexte est le suivant : la France de cette fin du XVIIIe siècle est divisée en trois grands ordres
issus de la féodalité, la noblesse, le clergé, et un troisième groupe, surtout composé surtout de
paysans, mais dominé par la classe montante, la bourgeoisie. Cette tripartition se répercute dans les
assemblées qui secondent le pouvoir royal, en particulier les états généraux. Le troisième groupe est
représenté par les députés du «  tiers état  » (mot sur lequel est calquée plus tard l'appellation de
« Tiers monde »). Ce groupe peut exprimer ses avis et doléances, mais n'a guère de pouvoir politique,
bien qu'il représente 90% de la population (d'autant plus que les états généraux ne sont pas
convoqués entre 1614 et 1789). C'est ce déséquilibre que souligne Sieyès dans son pamphlet Qu'est-ce
que le Tiers état ?, destiné à unifier la représentation du peuple, à la veille de la transformation des
états généraux en Assemblée nationale constituante.
Fondamental
L'argumentation ne s'oppose pas à la démonstration, elle la prolonge, pour l'adapter à l'échange
entre humains imparfaits, sensibles et influençables. Elle recourt au pathos et utilise l'ethos, mais sa
base est le logos, le langage de la raison logique.
Parfois le logos est dissimulé sous une apparence légère  ; parfois il est au contraire exhibé, car
donner une apparence logique à une affirmation qui reste une opinion parmi d'autres est un procédé
argumentatif.

Méthode
Dans vos travaux universitaires, la première marque de la présence du logos, de la raison qui
ordonne, est le plan qui organise votre réflexion. La rhétorique antique a beaucoup réfléchi à cette
question. La plupart des auteurs se sont entendus pour distinguer 4 parties :

16
Argumenter, est-ce prouver ?

1. L'exorde (introduction) qui fait entrer l'auditeur dans le discours


2. La narration (corps du discours) qui expose les faits
3. L'argumentation qui expose la thèse soutenue
4. L'épilogue (conclusion) qui condense avec efficacité le résultat de ce travail.
Dans vos travaux universitaires, on vous demande des plans un peu différents, mais la logique et les
objectifs sont les mêmes. Il s'agit de montrer au lecteur qu'il entre dans un discours construit sur les
bases de la raison.

4.3. Goethals parle-t-il comme un ordinateur ?


Revenons un instant à la phrase de R. Goethals. Elle paraît simple et gouailleuse. On n'y sent
pas immédiatement la logique. Pourtant, elle est régie par une logique assez forte, qui n'est pas
sans rapport avec la logique intraitable de la programmation informatique. Elle est structurée
par l'une des articulations de base des langages de programmationLes langages de programmation- p.31 ¤ ,
*

l'instruction "if then else".


C e t t e c o m m a n d e
Exécute un groupe d'instructions soumises à une condition, en fonction de la valeur d'une
expressionIf...Then...Else, instruction (Visual Basic)
 : Si (telle valeur est entrée), Alors (exécute telle action), Sinon (exécute telle action).
On pourrait transcrire son injonction ainsi :

IF (condition requise) : "il va pisser"


THEN (commande à exécuter) : "vas-y avec lui"
ELSE (si la condition requise n'est pas réalisée) : "reste à côté de lui"...

Cette phrase a donc la rigueur d'un programme informatique  : implicitement, l'entraîneur


demande à ses joueurs de lui obéir comme des machines. L'hyperbole prend appui sur une
relation cause/conséquence absolument logique. Le langage informatique n'a fait qu'utiliser l'une
des structures logiques de base, le système hypothético-déductif.

Fondamental
La logique peut apparaître comme une forme plus pauvre que l'argumentation, dans la mesure où
elle ne fait pas intervenir tous les procédés de persuasion qui touchent au pathos. Mais à l'inverse,
une argumentation qui ne prendrait pas appui sur la logique serait vide de sens : nous serions dans
la situation absurde mise en scène par le petit traité de Schopenhauer cité plus haut.
L'argumentation n'a de justification que si elle se place au service d'une démonstration, qu'elle
s'attache à rendre plus persuasive. Pour persuader, la première règle est de tenir un
discours logique.

5. Méthodologie et exercices
5.1. Figures et procédés
L'argumentation se distingue de la démonstration dans la mesure où, sans exclure le
raisonnement logique, elle lui ajoute divers procédés qui visent à la persuasion de l'auditoire, son
but étant avant tout l'efficacité. Dans les sous-parties précédentes, nous avons vu qu'elle
pouvait utiliser des tournures logiques ou paralogiques (induction, raisonnement par l'absurde...)
ou des figures de style (métaphore, comparaison...). Dans cette dernière partie nous allons
observer ces différents éléments, les distinguer, et insister sur les principaux types d'arguments.

5.1.1. La mondialisation selon Chateaubriand (analyse de texte)


Au retour d'un voyage en Amérique, dans les années 1825,
ChateaubriandFrançois-René de Chateaubriand (1768-1848)- p.31 ¤
*

médite sur la communication


internationale, les avantages et les inconvénients de la mondialisation... voilà qui est plutôt
lucide. Spontanément, comme Raymond Goethals (mais c'est à peu près le seul point commun),

17
Argumenter, est-ce prouver ?

Chateaubriand utilise plusieurs procédés, que l'on peut relever :

Est-il bon que les communications entre les hommes soient devenues
aussi faciles ? Les nations ne conserveraient-elles pas mieux leur
caractère en s'ignorant les unes les autres, en gardant une fidélité
religieuse aux habitudes et aux traditions de leurs pères ?
J'ai vu dans ma jeunesse de vieux Bretons murmurer contre les chemins
que l'on voulait ouvrir dans leurs bois
- p.31 ¤ ,
*

alors même que ces chemins devaient élever la valeur des propriétés
riveraines.
- p.31 ¤
*

Je sais qu'on peut- p.30 ¤ appuyer ce système de déclamations fort


*

touchantes : le bon vieux temps a sans doute son mérite ; mais il faut se
souvenir qu'un état politique n'en est pas meilleur parce qu'il est caduc
(ancien) et routinier ; autrement
il faudrait convenir que le despotisme de la Chine et de l'Inde, où rien n'a
changé depuis trois mille ans, est ce qu'il y a de plus parfait dans ce
monde.
- p.31 ¤
*

Je ne vois pas pourtant ce qu'il peut y avoir de si heureux- p.32 ¤


*

à
s'enfermer pendant une quarantaine de siècles avec des peuples en
enfance et des tyrans en décrépitude.
Le goût et l'admiration du stationnaire- p.28 § viennent des jugements
*

faux que l'on porte sur la vérité des faits et sur la nature de l'homme :
sur la vérité des faits, parce qu'on suppose que les anciennes mœurs
étaient plus pures que les mœurs modernes, complète erreur ; sur la
nature de l'homme, parce qu'on ne veut pas voir que l'esprit humain est
perfectible.
- p.31 ¤
*

Les gouvernements qui arrêtent l'essor du génie


ressemblent à ces oiseleurs qui brisent les ailes de l'aigle pour l'empêcher
de prendre son vol.
- p.30 ¤ *

Enfin on ne s'élève contre les progrès de la civilisation que par


l'obsession des préjugés : on continue à voir les peuples comme on les
voyait autrefois, isolés, n'ayant rien de commun dans leurs destinées.
Mais si l'on considère l'espèce humaine comme une grande famille qui
s'avance vers le même but
- p.31 ¤ ; si l'on ne s'imagine pas que tout est fait ici-bas pour qu'
*

une petite province, un petit royaume- p.31 ¤ , restent éternellement


*

dans leur ignorance, leur pauvreté, leurs institutions politiques- p.31 ¤ *

telles quela barbarie, le temps et le hasard- p.31 ¤ les ont produites,


*

alors ce développement de l'industrie, des sciences et des arts- p.31 ¤ ,


*

semblera ce qu'il est en effet- p.32 ¤ , une chose légitime et naturelle.


*

Dans ce mouvement universel on reconnaîtra celui de la société, qui,


finissant son histoire particulière, commence son histoire générale.
- p.30 ¤ *

Fr. René de Chateaubriand,


Préface du Voyage en Amérique, 1827.

5.1.2. Quelle conclusion tirer de cette analyse ?


La première qui vient est que l'argumentation utilise des ressources très variées.
Certaines lui sont propres  : il s'agit de tous les procédés qui se rattachent à la
logique. On voit ici la concession, l'antithèse, la déduction, la généralisation, ou encore
la démonstration par l'absurde. Même si cette logique n'est pas tout à fait aussi pure que
celle des mathématiciens, nous sommes ici dans le domaine du logos.
D'autres sont communes à d'autres types de discours. C'est le cas de tout ce que l'on
peut considérer comme des figures de style : à l'hyperbole s'ajoutent ici la comparaison

18
Argumenter, est-ce prouver ?

(dévalorisante), la répétition, la liste notamment. Nous sommes ici dans le domaine du


pathos.
Nous retrouvons l'idée formulée au début de ce cours, selon laquelle l'argumentation est plus
riche en moyens que la démonstration. Les rhéteurs anciens, jusqu'à Pascal, ont justifié
l'utilisation de figures variées dans l'argumentation par la faiblesse des auditeurs. Si le public
était logique, il suffirait de démontrer. Mais comme il raisonne avec ses tripes (Pascal dirait :
son cœur), il faut des moyens plus forts.

Remarque : Faut-il connaître toutes ces figures ?


Cela ne peut pas faire de mal, mais c'est l'objet d'un enseignement beaucoup plus long que ce cours,
et beaucoup plus spécifique, adressé à certaines disciplines. Dans le cadre de ce cours, l'essentiel
serait :
de savoir que l'argumentation peut utiliser une grande variété de procédés. Toutes les figures
peuvent servir. L'essentiel est de comprendre comment elles fonctionnent. Ce fonctionnement,
c'est toujours le même, celui du mensonge qui ne ment pas.
de connaître les principaux procédés logiques. C'est l'objet de la dernière partie de ce cours.

5.2. Les principaux types d'arguments


Les manuels sur la rhétorique ou l'argumentation proposent souvent des catalogues des procédés
disponibles, classés par grandes catégoriesC. Perelman- p.30 ¤ . Ce n'est pas l'objet de ce cours, d'une
*

part parce qu'il ne s'adresse pas à des spécialistes de la rhétorique, d'autre part, parce que ces
catalogues sont particulièrement desséchants, et enfin, parce que, vous commencez à le
comprendre, le point de vue défendu ici est que l'argumentation peut faire feu de tout bois. Mais
il est bon de savoir repérer les grands types de raisonnement. En voici cinq que l'on rencontre
fréquemment.

5.2.1. Induction
Elle consiste à tirer une règle générale d'une situation particulière.

A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie ;


Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec laisse tomber sa proie.
Le renard s'en saisit et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute."
La Fontaine, "Le Corbeau et le Renard" (Fables)

Le Renard tire par déduction une règle du tour qu'il vient de jouer au Corbeau ( "je vous ai
bien eu, il ne faut pas écouter les flatteurs, ce sont des profiteurs"). L'induction s'oppose à la
déduction, qui reste sur le terrain de la logique et des principes : on tire la conséquence d'une
cause. Logiquement, la déduction est un peu plus solide que l'induction, mais elle peut aussi être
faussée.

5.2.2. Concession
Je reconnais qu'une partie des arguments de l'adversaire sont justes, mais je ne le fais que pour
mieux attaquer sa thèse générale.

19
Argumenter, est-ce prouver ?

Il est vrai qu'il y aura la queue pour aller voir ce film. Mais c'est parce
qu'il est exceptionnel !

Elle est en relation avec l'ethos. Par la concession, je donne de moi l'image d'une personne
équilibrée, modérée, et non colérique ou extrémiste.

[...] l'orateur, sûr de la bonté de sa cause, semble accorder quelque


chose à son adversaire, mais pour en tirer soi-même avantage, ou pour
prévenir les incidents inutiles par lesquels on pourrait l'arrêter. »
Encyclopédie de Diderot

Elle est introduite par : certes, il est vrai, il est indéniable, j'admets..., en général suivi
de : mais, pourtant, néanmoins...(qui introduisent une réfutation).

5.2.3. Raisonnement par l'absurde (ou ad absurdum)


J'imagine les conséquences que pourrait entraîner l'action que je veux condamner, en montrant
qu'elles seraient catastrophiques ; à l'inverse, je peux montrer qu'en n'appliquant pas telle ou
telle mesure, les conséquences seront néfastes.
C'est un cas particulier de l'argument ad consequentiam. Cette condamnation de la cause par
ses conséquences supposées peut être de mauvaise foi.
« Dieu doit exister : s'il n'existe pas, alors de très nombreuses personnes prient pour rien ! /
alors la vie n'a pas de sens. »
« Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance » (phrase prêtée à Abraham
Lincoln).
«  Vous êtes contre la maltraitance des volailles. Si l'on vous écoutait, il leur faudrait des
poulaillers isolés avec coton aseptisé pour déposer leurs oeufs. »

5.2.4. Argument a fortiori


J'imagine des conditions favorables pour accepter la thèse adverse, et je déclare que même dans
ce cas, elle reste inacceptable. C'est une forme d'hyperbole, qui suggère qu'en l'absence de ces
conditions favorables, cette thèse est totalement inacceptable. A fortiori signifie « à plus forte
raison ».
« Même si j'étais le plus riche des hommes, je ne t'achèterais pas ce manteau.
(sous-entendu : mais je ne le suis pas, donc c'est totalement exclu) »
« Même si je savais qui a cassé la fenêtre, je ne vous le dirais pas.
(sous-entendu : mais je ne le sais pas, donc vraiment arrêtez de me demander) »
« Déjà que je ne supporte pas les chats, alors les chiens ! »
(vous avez compris le raisonnement : c'est plus gros, il faut les sortir et interagir avec eux, donc
jamais de la vie...)

5.2.5. Attaque ad hominem


Elle consiste à attaquer une thèse d'après les personnes qui la défendent. La version la moins
douteuse consiste à montrer que l'adversaire contredit ce qu'il a affirmé, ou les règles impliquées
par ses agissements.

20
Argumenter, est-ce prouver ?

Lorsque notre adversaire fait une proposition, il faut vérifier si celle-ci


ne serait pas inconsistante – même si ce n'est qu'une apparence – avec
d'autres propositions qu'il a faites ou admises, ou avec les principes de
l'école ou de la secte à laquelle il appartient, ou avec les actions des
membres de son culte, au pire avec ceux qui donnent l'impression
d'avoir les mêmes opinions, même si c'est infondé.
Schopenhauer, L', stratagème 16

Lorsque l'on n'attaque plus les discours de l'adversaire, mais lui-même, sa manière de vivre, cela
devient un argument ad personamAd personam. On arrive sur la pente périlleuse de la diffamation.
« Vu la manière dont il traite ses enfants, il n'a pas de conseils éducatifs à nous donner ».
La rigueur logique peut être contestée  : on peut imaginer qu'un individu qui traite mal ses
enfants puisse avoir par ailleurs de bonnes idées pédagogiques.

6. Exercices 1 : mondialisation et société de consommation


Exercice 1 : Identifier la thèse d'un texte argumentatif
Pour comprendre un texte argumentatif, il est nécessaire de distinguer la thèse générale et les
arguments particuliers utilisés.
Dans ce texte, identifiez la thèse générale défendue par le fils.

Sans rire, j'ai tout ! Même beaucoup trop ! Tu trouves pas, papa, qu'on a
trop de choses, d'objets, d'habits, d'engins électroniques ? On a trois
ordinateurs à la maison, quatre téléphones portables, une ligne fixe avec un
combiné sans fil dans chaque pièce, un réfrigérateur qui fait des glaçons !...
Quand on pense que les trois quarts de la population mondiale crèvent de
faim et de soif !
– Ah ! Nous y voilà.
– Mais oui, nous y voilà ! Dans ma classe, ils seraient prêts à tuer père et
mère pour la dernière paire de baskets fabriquées en Asie !
– Et tu ne crois pas que dans ces pays d'Asie où, justement, la vie est dure,
ils sont bien contents de trouver du travail dans les usines qui fabriquent ces
baskets à la mode ici !
Je n'étais pas d'humeur à me laisser déstabiliser, ni même à ne serait-ce
qu'écouter les arguments de qui que ce soit.
– Sauf que les ouvriers de ces usines sont sous-payés ! Qu'ils n'ont pas le
droit aux heures sup ! C'est dégueulasse !
C'est dégueulasse !
Mickaël Ollivier, Tout doit disparaître (2007) Ed. Th. Magnier.

Nous vivons dans une société de gâchis.

La société occidentale croule sous des richesses superflues alors que la moitié du monde vit dans
le besoin

La société de consommation mondialisée crée des déséquilibres insupportables entre les pays.

Nous sommes menacés par l'économie montante des pays émergents.

21
Argumenter, est-ce prouver ?

Exercice 2 : Classer les arguments


Classez dans l'ordre les différents arguments utilisés par le père et le fils pour soutenir ou contester
cette thèse.

Sans rire, j'ai tout ! Même beaucoup trop ! Tu trouves pas, papa, qu'on a
trop de choses, d'objets, d'habits, d'engins électroniques ? On a trois
ordinateurs à la maison, quatre téléphones portables, une ligne fixe avec un
combiné sans fil dans chaque pièce, un réfrigérateur qui fait des glaçons !...
Quand on pense que les trois quarts de la population mondiale crèvent de
faim et de soif !
– Ah ! Nous y voilà.
– Mais oui, nous y voilà ! Dans ma classe, ils seraient prêts à tuer père et
mère pour la dernière paire de baskets fabriquées en Asie !
– Et tu ne crois pas que dans ces pays d'Asie où, justement, la vie est dure,
ils sont bien contents de trouver du travail dans les usines qui fabriquent ces
baskets à la mode ici !
Je n'étais pas d'humeur à me laisser déstabiliser, ni même à ne serait
qu'écouter les arguments de qui que ce soit.
– Sauf que les ouvriers de ces usines sont sous-payés ! Qu'ils n'ont pas le
droit aux heures sup ! C'est dégueulasse !
Mickaël Ollivier, Tout doit disparaître (2007) Ed. Th. Magnier.

1. La mondialisation permet aux pays émergents de trouver des voies de développement.


2. La société de consommation mondialisée entraîne une disproportion de richesses
insupportable entre les pays développés et les pays émergents.
3. Les contraintes de la mondialisation conduisent les pays émergents à adopter des conditions
de travail défavorables.
Réponse : ___ ___ ___

Exercice 3 : Identifier une figure


Identifiez la figure de style employée par le fils dans le premier paragraphe ("on a trop de choses,
d'objets, d'habits, d'engins électroniques" ; "On a trois ordinateurs à la maison, quatre téléphones
portables...glaçons").

Sans rire, j'ai tout ! Même beaucoup trop ! Tu trouves pas, papa, qu'on a
trop de choses, d'objets, d'habits, d'engins électroniques ? On a trois
ordinateurs à la maison, quatre téléphones portables, une ligne fixe avec un
combiné sans fil dans chaque pièce, un réfrigérateur qui fait des glaçons !...
Quand on pense que les trois quarts de la population mondiale crèvent de
faim et de soif !
– Ah ! Nous y voilà.
– Mais oui, nous y voilà ! Dans ma classe, ils seraient prêts à tuer père et
mère pour la dernière paire de baskets fabriquées en Asie !
– Et tu ne crois pas que dans ces pays d'Asie où, justement, la vie est dure,
ils sont bien contents de trouver du travail dans les usines qui fabriquent ces
baskets à la mode ici !
Je n'étais pas d'humeur à me laisser déstabiliser, ni même à ne serait-ce
qu'écouter les arguments de qui que ce soit.
– Sauf que les ouvriers de ces usines sont sous-payés ! Qu'ils n'ont pas le
droit aux heures sup ! C'est dégueulasse !
Mickaël Ollivier, Tout doit disparaître (2007) Ed. Th. Magnier.

22
Argumenter, est-ce prouver ?

Métaphore

Hyperbole

Liste

Raisonnement par induction

Exercice 4 : Analyser le sens de la figure


Parmi les réponses suivantes, laquelle vous semble caractériser le mieux le sens de cette figure ?
Choisissez la réponse la plus pertinente.
Elle sert à exagérer.

Elle sert à reproduire de manière concrète, dans le texte, l'entassement inutile d'objets.

Il s'agit d'exhiber la beauté des richesses ainsi accumulées.

Le fils est soucieux de donner la liste exacte de tous les objets concernés par sa critique, car il
aime être précis.

Exercice 5 : Identifier une figure d'argumentation simple


Dites quelle figure de style est employée dans la dernière phrase du premier paragraphe
("Quand...soif !"). Veuillez choisir au moins une réponse.

Sans rire, j'ai tout ! Même beaucoup trop ! Tu trouves pas, papa, qu'on a
trop de choses, d'objets, d'habits, d'engins électroniques ? On a trois
ordinateurs à la maison, quatre téléphones portables, une ligne fixe avec un
combiné sans fil dans chaque pièce, un réfrigérateur qui fait des glaçons !...
Quand on pense que les trois quarts de la population mondiale crèvent de
faim et de soif !
– Ah ! Nous y voilà.
– Mais oui, nous y voilà ! Dans ma classe, ils seraient prêts à tuer père et
mère pour la dernière paire de baskets fabriquées en Asie !
– Et tu ne crois pas que dans ces pays d'Asie où, justement, la vie est dure,
ils sont bien contents de trouver du travail dans les usines qui fabriquent ces
baskets à la mode ici !
Je n'étais pas d'humeur à me laisser déstabiliser, ni même à ne serait
qu'écouter les arguments de qui que ce soit.
– Sauf que les ouvriers de ces usines sont sous-payés ! Qu'ils n'ont pas le
droit aux heures sup ! C'est dégueulasse !
Mickaël Ollivier, Tout doit disparaître (2007) Ed. Th. Magnier.

Une métaphore

Une hyperbole

Une liste

Une exagération

Exercice 6 : Relever une figure de style.


Dans le texte, relevez une autre figure du même type. Veillez à recopier correctement le passage
concerné, sans guillemets, pour que votre réponse soit validée.

23
Argumenter, est-ce prouver ?

Sans rire, j'ai tout ! Même beaucoup trop ! Tu trouves pas, papa, qu'on a
trop de choses, d'objets, d'habits, d'engins électroniques ? On a trois
ordinateurs à la maison, quatre téléphones portables, une ligne fixe avec un
combiné sans fil dans chaque pièce, un réfrigérateur qui fait des glaçons !...
Quand on pense que les trois quarts de la population mondiale crèvent de
faim et de soif !
– Ah ! Nous y voilà.
– Mais oui, nous y voilà ! Dans ma classe, ils seraient prêts à tuer père et
mère pour la dernière paire de baskets fabriquées en Asie !
– Et tu ne crois pas que dans ces pays d'Asie où, justement, la vie est dure,
ils sont bien contents de trouver du travail dans les usines qui fabriquent ces
baskets à la mode ici !
Je n'étais pas d'humeur à me laisser déstabiliser, ni même à ne serait-ce
qu'écouter les arguments de qui que ce soit.
– Sauf que les ouvriers de ces usines sont sous-payés ! Qu'ils n'ont pas le
droit aux heures sup ! C'est dégueulasse !
Mickaël Ollivier, Tout doit disparaître (2007) Ed. Th. Magnier.

Exercice 7 : Identifier une induction.


Quelle affirmation permet-elle de déduire par induction : "on a trop de choses" ?
"Dans ma classe, ils seraient prêts à tuer père et mère pour la dernière paire de baskets
fabriquées en Asie"

"On a trois ordinateurs à la maison, quatre téléphones portables, une ligne fixe avec un combiné
sans fil dans chaque pièce"

"Sans rire, j'ai tout ! Même beaucoup trop !"

"les trois quarts de la population mondiale crèvent de faim"

Exercice 8 : Identifier l'èthos


Parmi les expressions qui suivent, laquelle vous semble caractériser le mieux l'èthos adopté par le
fils dans cet échange ?
Neutralité scientifique

Courage

Raillerie

Juste indignation

7. Exercices 2 : questions sur le cours


Exercice 1 : Faire une fiche sur le cours
Les phrases suivantes résument en quelques mots les principaux points du cours. Remettez-les dans
l'ordre suivi par le cours. C'est un exercice que vous pouvez faire avec tout cours, pour vérifier
si vous avez bien suivi son déroulement global. Si vous n'y arrivez pas du premier coup, vous pouvez
regarder la solution, vérifier avec le cours, puis recommencer. Pour apprendre, le mieux est encore
de bien comprendre.

24
Argumenter, est-ce prouver ?

1. L'adaptation au public nécessite l'intervention du pathos.


2. Ainsi l'argumentation utilise volontiers les raisonnements logiques, soit sincèrement, soit de
manière un peu feinte, pour donner une apparence de rigueur mathématique à ses
affirmations.
3. L'argumentation répond à deux difficultés : les sujets complexes, et la variabilité des
auditoires.
4. Dans le but de communiquer efficacement, l'argumentation utilise aussi l'ethos.
5. En réalité l'impératif premier de l'argumentation est l'efficacité communicative. Dans ce but,
elle utilise des moyens détournés, comme les figures, qui ne sont pas faites pour mentir, mais
pour dire la vérité telle qu'elle est.
6. En raison de son recours au langage du cœur, des passions, l'argumentation est régulièrement
soupçonnée d'être un art du mensonge
7. Néanmoins l'utilisation de moyens détournés dans la communication comme les figures, qui
relèvent du pathos, et l'ethos, n'empêche pas que la base de l'argumentation reste le logos.
Réponse : ___ ___ ___ ___ ___ ___ ___

Exercice 2 : Reconnaître un type d'argument


Dans cet extrait de livre, un personnage explique à un autre qu'il estime avoir assez donné aux
soldats, et qu'il faut cesser de les nourrir gratuitement. Quel type d'argument utilise-t-il ?

Vous êtes trop bon, père Moïse, fit-il, et vous croyez que les autres vous
ressemblent [...]. Si l'on vous écoutait, nous péririons de faim dans cette
bicoque ; les paysans nourriraient les Russes, les Autrichiens, les Bavarois à
nos dépens ; ce tas de gueux se gobergeraient matin et soir, et nous autres,
nous aurions les dents longues comme des rats d'église.
Erckmann-Chatrian Le Blocus Episode de la Fin de L'empire, Paris, 1867, p.
63.

Un raisonnement par induction

Un raisonnement par l'absurde

Une attaque ad hominem

Une concession

Exercice 3 : Trouver le type d'argument


Dans ce passage de l’Évangile, dites quel type d'argument est utilisé pour convaincre les chrétiens
qu'ils seront touchés par l'Esprit saint :

Luc 11
12. Ou, s'il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion? 13. Si donc,
méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos
enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le
Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent.

Raisonnement par l'absurde

Attaque ad hominem

Concession

Preuve a fortiori

25
Argumenter, est-ce prouver ?

Exercice 4 : L'ethos de Pascal


Comment caractériseriez-vous l'ethos de Pascal dans la phrase "Le cœur a ses raisons que la raison
ne connaît pas"
Virilité et vérité.

Sensibilité.

Clarté tranchante.

Poésie

*  *
*

La persuasion se divise en deux branches, la démonstration, qui est du côté de la logique, et l'
argumentation, qui recherche le maximum d'efficacité. Ces deux branches correspondent à des
méthodes très différentes, et il est nécessaire de les distinguer. Mais dans la pratique, elles peuvent
coopérer, car l'argumentation fait feu de tout bois.
On peut distinguer 3 catégories d'arguments :
l'argument logique, mathématique, qui prouve définitivement  un fait, mais ne correspond pas à
toutes les vérités, et n'est pas toujours expressif
L'argument semi-logique, qui consiste à utiliser les outils de la logique pour raisonner sur une
matière qui ne peut pas être résolue uniquement par elle.
la figure de style, qui ne prouve pas de manière rigoureuse mais peut avoir une force de conviction
importante.La connaissance des différents types d'arguments vous aidera à vous situer dans les
discours de type argumentatif.
La compréhension du fonctionnement des figures de style vous aidera à rester lucides face à l'emploi de
ces procédés – et éventuellement à en apprécier la plus ou moins grande subtilité.
Dans vos productions universitaires, il n'est pas question d'utiliser de grands effets rhétoriques.
L'essentiel est de raisonner avant tout de manière logique, en veillant à ce qu'une cause mène à une
conséquence, et en évitant tout argument de mauvaise foi, ou tout argument forcé. Il est bon en revanche
d'avoir une vision claire des grands types d'arguments, afin d'être conscients de vos pratiques.
Il est également utile d'être conscient de votre ethos, de l'image de vous que vous renvoyez en écrivant.
A l'écrit, la correction du langage, le soin de la présentation en sont les premiers éléments. Ils ne
surpasseront pas la rigueur du raisonnement et la finesse des connaissances, mais ils permettent de les
transmettre avec plus ou moins d'efficacité. Dans la plupart des productions universitaires, toutes les
inscriptions personnelles (récit d'expérience, conviction intime, goût ou dégoût...) nuisent à l'image de
rigueur et de neutralité que vous devez communiquer.

26
Ressources annexes

Question de synthèse

27
Glossaire

Glossaire

anaphore
une anaphore est la répétition d'un même terme, par exemple au début des vers d'un poème.
antanaclase
Elle consiste à employer un même mots dans plusieurs sens (en général, sens propre et sens figuré).
Ex. : Les étudiants séchent, le linge aussi. (Coluche) "Plus Néron (tyran) que Néron lui-même (que
l'original, l'empereur romain).
Constantin
Constantin Ier (272-337) mit fin à la persécution des chrétiens au sein de l'empire romain, et
favorisa son expansion comme religion unifiée de l'Europe (v. le cours sur l'histoire de l'écriture).
Euphémisme
NON. L'euphémisme est une figure d'atténuation, qui consiste à dire les choses de manière adoucie.
R. Goethals aurait pu dire  : "n'hésitez pas à les suivre un peu de temps en temps"... On place
souvent dans un QCM les réponses contraires.
Faust
Selon ce conte populaire allemand, adapté au 19e s. par Goethe, mais très connu au 16e s., Faust,
savant insatisfait des résultats de son travail, conclut un pacte avec le diable  : il accepte de lui
livrer son âme, et accédera en échange à une vie de plaisirs.
Hyperbole
OUI. L'hyperbole est une exagération. En demandant à ses joueurs de suivre leurs adversaires
jusque dans les toilettes, R. Goethals exagère volontairement. C'est une figure d'insistance.
Métaphore
NON. Il n'y a pas d'image ici, l'entraîneur ne compare pas le match de football à autre chose.
Parabole
NON. La parabole est une histoire imagée servant à illustrer une leçon morale. Ce terme est
proposé ici car il ressemble à la bonne réponse.
Plausible
Synonymes de plausible : probable / vraisemblable.
Saint Barthélémy
On désigne ainsi le massacre des chefs du parti protestant puis des simples protestants à Paris puis
en province, le 24 août 1572 (jour de la saint Barthélémy) et les jours qui suivirent. Cet événement
fut sans doute initié par le roi Charles IX, puis aggravé par la fureur des catholiques parisiens les
plus radicaux. C'est le point culminant des guerres fratricides qui opposèrent catholiques et
protestants français au 16e s.
Scolastique
Doctrine et méthode d'étude développée autour du 12e siècle, afin d'approfondir l'interprétation
des Écritures saintes. Elle naît en même temps que les universités, et est nourrie par les efforts de
Thomas d'Aquin pour réaliser une synthèse entre la religion chrétienne et la philosophie grecque
(notamment aristotélicienne). Elle subira les critiques des humanistes, qui lui reprochent d'être
trop "scolaire", technique, chargée de néologismes (mots latins inventés pour décrire les différentes
méthodes de réflexion mises en place).

28
Glossaire

Stationnaire
Ce qui ne change pas.

29
Références

Références

"Les temps étaient


encore ténébreux..."
Les temps étaient encore ténébreux, ils sentaient l'infélicité et la calamité des Goths, qui avaient ruiné
toute bonne littérature. Mais, grâce à la bonté divine, la lumière et la dignité ont été à mon époque
rendues aux lettres, et j'y vois de tels progrès qu'il me serait aujourd'hui difficile d'être reçu dans la
première classe des petits écoliers [...]
Maintenant toutes les disciplines sont restaurées, les langues mises à l'honneur : le grec, sans lequel il
est honteux qu'on se dise savant, l'hébreu, le chaldéen, le latin. Des livres imprimés, fort élégants et
corrects, sont utilisés partout, qui ont été inventés à mon époque par inspiration divine, comme
inversement l'artillerie l'a été par suggestion du diable. Le monde entier est plein de gens savants, de
précepteurs très doctes, de bibliothèques très vastes, au point qu'à l'époque de Platon, de Cicéron ou de
Papinien, il n'y avait, à mon avis, autant de commodité d'étude qu'il s'en rencontre aujourd'hui [...]. Je
vois les brigands, les bourreaux, les aventuriers, les palefreniers d'aujourd'hui plus savants que les
docteurs et les prêcheurs de mon temps. Que dirai-je ? Les femmes et les filles elles-mêmes ont aspiré à
cette gloire, à cette manne céleste du beau savoir [...].
Pour cette raison, mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter en étude et en vertu [...]
. J'entends et veux que tu apprennes parfaitement les langues, d'abord le grec, comme le veut
Quintilien, puis le latin et l'hébreu pour l'Écriture sainte, le chaldéen et l'arabe pour la même raison
[...]. Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné le goût quand tu étais
encore petit, à cinq ou six ans : continue et deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie, mais
laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice et l'art de Lulle qui ne sont que tromperies et futilités. Du
droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes, et me les commentes avec sagesse.
Quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t'y appliques avec soin : qu'il n'y ait mer, rivière
ou source dont tu ne connaisses les poissons; tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et
buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les
pierreries de tout l'Orient et du Midi. Que rien ne te soit inconnu.

a fortiori
Le sens de cet argument est : "si même les femmes sont instruites, c'est vraiment que l'instruction s'est
répandue"... Vous trouverez une explication du fonctionnement de cet argument dans le cours sur la
Preuve (6e partie).

antithèse antithèse

C. Perelman
La référence en la matière est C. Perelman L'Empire rhétorique, Paris, Vrin, 1977 ; mais on peut
consulter avec profit le classement de M. Angenot, La Parole pamphlétaire, Typologie des discours
modernes, Payot, 1982, 1995, qui a un abord plus pratique.

comparaison
dévalorisante
comparaison dévalorisante  : l'être ou l'objet qui permet la comparaison introduit implicitement des
connotations négatives. Ici, les esprits conservateurs qui brisent la liberté sont comparés à un dompteur
plutôt barbare.

concession concession

30
Références

Donation de Constantin
Ce document, «  connu de toute l'Europe tout au long du Moyen Âge, [...] certifiait que l'empereur
Constantin, par gratitude pour le pape Sylvestre qui l'avait miraculeusement guéri de la lèpre, s'était
converti au christianisme et avait fait don à l'Église de Rome d'un tiers de son empire [...].  La plupart
des historiens sont aujourd'hui d'accord pour considérer que le document a été rédigé vers 750 [soit
quatre siècles après la mort de Constantin Ier en 337] (Carlo Ginzburg, Rapports de force. Histoire,
rhétorique, preuve, Feltrinelli, 2000, trad. Paris, Gallimard, 2003, p. 56).

exemple exemple, implication personnelle

François-René de
Chateaubriand
(1768-1848)
Écrivain français de la période romantique et homme politique , qui évoque dans ses romans ( René,
Atala) et dans ses Mémoires d'outre-tombe les mouvements du moi, les correspondances entre l'homme
et la nature, et montre des paysages imposants, propices à la méditation.

généralisation généralisation (déduction)

La répétition à l'âge
classique
Pascal écrit au moment où se mettent en place les règles du français classique  : nous trouvons la
répétition disgracieuse, et nous cherchons des synonymes, ce qui n'est pas du tout le cas des
anglo-saxons par exemple.

Les langages de
programmation
On la retrouve, avec quelques légères différences de syntaxe dans le langage C, JAVA, php,python, et
sous la syntaxe if then else dans Visual Basic...et Pascal, l'un des premiers langages informatiques, qui
a pris le nom de l'auteur des Pensées, en hommage à ses travaux mathématiques. Il y a décidément
plus de Pascal chez Goethals qu'on ne l'aurait cru.

liste liste

Logos
Du grec λόγος lógos « parole, discours », et par extension, « raison » ; terme que vous connaissez bien
puisqu'il entre dans la formation de tous les mots désignant un savoir  : astro-logie, zoo-logie,
physio-logie... Il forme aussi le mot "logique".

Oh ! Vous exagérez. Oui : c'est une hyperbole.

opposition opposition

opposition opposition

par l'absurde raisonnement par l'absurde

Pathos
Du grec πάθος, pathos, "expérience subie, malheur", qui entre dans la composition des mots
"sympathie" (fait de souffrir avec autrui) , "empathie", "apathie", "homéopathie", "pathétique", et
dans tous les mots de la famille de "pathologie".

31
Références

Pensées Pascal, Pensées,

Période de l'humanisme
La période est assez clairement délimitée au moins pour sa fin  : la fin du 16e siècle, qui marque le
passage au classicisme. Pour le début, on parle d'humanisme en France surtout pour le 16e s., mais en
Italie on le voit s'épanouir dès le début du 15e s.

Quand dire, c'est faire


C'est le titre d'un ouvrage de linguistique fondateur de J. L. Austin, Quand dire, c'est faire, 1962, qui
étudie l'aptitude du langage à agir sur le réel. Un cas typique est celui du prêtre qui dit : « Je vous
déclare mari et femme  » ou du juge qui dit  : «  Je vous condamne à vingt ans de prison  » (aucun
rapport subliminal entre ces deux énoncés). Par leur parole, ils agissent, de manière décisive. On parle
ici d'énoncés « performatifs ».

R. Goethals
Raymond Goethals, 1921-2004, entraîneur de football belge, qui mena l'Olympique de Marseille à son
titre de champion d'Europe en 1993, devenant ainsi le premier et le seul entraîneur à remporter la
Ligue des champions avec un club français.

Réponse...
Deux faits apparemment simples donnent toute sa force à cette formulation : la répétition, et la
brièveté.

sarcasme sarcasme

Sens en français
classique Ici "propres" signifie "appropriés".

Sens en français
classique Ici "gâter" signifie "abîmer".

Sens en français
classique Ici "marque" signifie "signe".

Sieyès (Emmanuel
Joseph, dit l'abbé
Sieyès)
Homme politique français (1748-1836). Adepte des philosophes des Lumières, il publie à la veille de la
Révolution française son essai Qu'est-ce que le Tiers Etat ?, qui connaît un grand retentissement. Il
joue un rôle décisif dans la transformation des Etats généraux en Assemblée nationale en juin 1789.

Tableau des différends


de la religion Tableau des différends de la religion, I, 104 ; II, 161, etc

validation par le présent


générique validation par le présent générique

Version bilingue Version bilingue sur http://www.site-magister.com/humanis.htm

Vir bonus...

32
Références

"Homme de bien qui sait manier le verbe, qui est expérimenté dans l'art de la parole" ; cette définition
de l'orateur, attribuée à Caton, a été reprise par plusieurs rhéteurs, tels Cicéron et Quintilien
notamment.

Vitruve
Il vécut au 1er sièce avant Jésus-Christ. Vous trouverez un plan du De architectura sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/De_architectura

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