BLOC 2 2016/2017
Prologue
Dans Les animaux malades de la peste, Jean de la Fontaine défend que la justice, selon lui, n’est pas
juste. Elle rend des jugements différents selon la classe sociale ou la fortune des plaignants. Ce qui nous
intéresse est l’ensemble des procédés que Jean de la Fontaine va utiliser pour expliquer cela. Il parle d’un
lion, qui est la personnification d’un Roi. Jean de la Fontaine utilise aussi le procédé de la narration, la
fable raconte et met en scène une allégorie. Dans la fable, il y a également un renard, qui représente la
flatterie, la tromperie. C’est une personnification du courtisan. Ensuite, l’âne (le sujet, le citoyen)
intervient. Dans un contexte d’argumentation, il apparaît comme innocent parce qu’il n’a rien compris.
Mais on juge tout de même que son pêché (manger un peu d’herbe) est grave et tous les animaux le
dévorent. Au final c’est l’argumentation du lion, forte et puissante, et celle du renard rusé, flattant, qui
gagnent. L’argumentation de l’âne, qui se basait sur la sincérité, ne vaut rien ici face au lion et au renard.
Tout cela pour dire que l’argumentation est présente partout, même dans les fables.
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Arguments
De plus, dans la manipulation, la personne cache souvent son jeu. Cela se fait parfois en argumentation,
mais ça n’a jamais effet sur le long terme, on se rend vite compte de la fausseté des arguments amenés.
Dans la tromperie, une des personnes utilise des moyens pour mentir ou ruser en vue de tromper. Tandis
qu’argumenter doit profiter aux deux personnes. Dans l’argumentation, on coopère. On n’affirme que ce
en quoi on croit ou ce pour quoi on a des preuves. Dans bien des cas, l’argumentation est soutenue par un
désir de coopération. Le philosophe Jürgen Habermas a écrit Théorie de l’agir communicationnel où il
distingue trois impératifs de l’argumentation : s’exprimer de manière intelligible ; être véridique dans ce
que l’on donne à entendre ; présenter ses intentions sincèrement.
L’argumentation est donc très différente de la manipulation. Elle apparaît même fragile et précaire car le
langage peut facilement être détruit ou déconstruit.
b. Argumentation et raison
L’argumentation entretient des rapports avec le raisonnement et la logique. Elle suppose un « circuit
long », c’est-à-dire une élaboration cognitive et intellectuelle plus complexe que la simple force physique.
Cela suppose à un recours à la raison. Comme
l’argumentation a besoin du langage, elle fait partie des
circuits longs, les circuits rationnels qui s’opposent aux
circuits courts, ceux de la force. La pyramide montre bien
que les circuits courts (comme les insultes) sont séparés
des circuits longs par des stades. Ils interviennent quand la
personne a recours à des souvenirs, construit des
hypothèses, analyse les éléments, etc. Il faut donc avoir
des facultés cognitives élaborées pour avoir recours à
l’argumentation. Ces circuits longs font appel à des
mécanismes d’interférence dans le traitement de
l’information. En psychologie, l’interférence est une
opération cognitive, un mode de raisonnement. Nous en
parlerons dans le premier chapitre.
Au final, l’argumentation se rapproche fortement de la rhétorique. Les différents arguments se basent sur
les différentes émotions dans le pathos, le langage correspond au logos, etc. La réflexion sur
l’argumentation fera appel aux cinq moments de la rhétorique :
La recherche des arguments concerne l’inventio
Le plan dans lequel les arguments sont ordonnés relève de la dispositio
L’elocutio, mise en forme du discours, sera abordée dans la partie consacrée aux figures de style
L’actio elle est au centre de l’enseignement d’expression orale de Florence Gabriel
La memoria est la mémorisation du discours
Dans la rhétorique, il y a trois composantes indispensables, définies par Aristote qui sont : l’orateur (qui
représente l’ethos), l’auditoire (le pathos) et le discours (le logos). Ces trois pôles de la rhétorique
correspondent à trois moyens de persuader, selon qu'ils s'appuient sur l'ethos, le pathos ou le logos, les
deux premiers étant d'ordre affectif, le troisième d'ordre rationnel. Le caractère de l’orateur joue sur
l’argument d’autorité. Ce qui compte, c’est qui il est, sa prestance, sa posture, son expérience, etc. Le
public doit ressentir des passions, des émotions pour qu’il soit convaincu. On va ici employer l’argument
ad metam (argument de la peur). Dans ce cours on va surtout voir la dimension du langage.
Chapitre 1 : raisonnement logique et raisonnement argumentatif
b. Le syllogisme
La science d’Aristote (la philosophie) est le lieu où la vérité peut être atteinte au moyen de
démonstrations. C’est lui qui a inventé le syllogisme. Cela se caractérise par le fait que, des prémisses
étant posées, on peut en déduire une conclusion de façon contraignante. L’exemple le plus connu est le
suivant :
Tout homme est mortel (prémisse majeure, notée M)
Socrate est un homme (prémisse mineure, notée m)
Donc Socrate est mortel (conclusion, notée C)
Le syllogisme met en relation deux termes (mortel et Socrate) grâce à un moyen terme (homme) qui ne se
retrouve pas dans la conclusion. C’est le terme commun entre la majeure et la mineure. En gros :
C’est l’exemple le plus flagrant du discours irréfutable, toujours vrai. Si l’on accepte les deux prémisses,
on est obligé d’accepter la conclusion tirée. La science utilise énormément ce procédé d’argumentation.
c. L’enthymème
On arrive nécessairement à la conclusion d’un syllogisme, mais cela reste un idéal. En général, il n’y a
pas toujours une seule conclusion. Le syllogisme et l’enthymème sont tous deux des raisonnements
déductifs, ils partent du général pour arriver au particulier. Ils ont cependant des caractéristiques
distinctes. En fait, on peut décrire l’enthymème comme un syllogisme logiquement rigoureux, mais qui
repose sur des prémisses seulement probables et/ou qui peuvent rester implicites (syllogisme dont une
prémisse est sous- entendue). La conclusion est logique ou sous-entendue, mais il existe bien souvent
d’autres conclusions. On utilise souvent ce procédé dans les publicités. Par exemple :
Il vaut mieux acheter des voitures qui polluent peu.
La voiture X pollue peu (c’est possible mais pas démontré)
Donc achetez cette voiture (on peut arriver à d’autres conclusions si on s’en fiche de la pollution,
ou si on n’a pas d’argent pour une voiture et qu’on préfère acheter un vélo)
d. Les formes de raisonnements
D’une manière très générale, on peut dire que le raisonnement s’oppose à l’intuition. Celle-ci porte
directement sur une vérité, ou une supposée vérité. Nous n’argumentons jamais avec des intuitions mais
en suivant un chemin langagier qui doit être rationnel. Le raisonnement emprunte un chemin pour aboutir
à une conclusion. Des preuves sont toujours demandées. Les raisonnements principaux sont les suivants :
Ou plus généralement :
2
Syllogismes
a. Les preuves extrinsèques et intrinsèques
Selon Aristote, il y a deux types de preuves. Celles qui sont non rhétoriques (atechnai) et celles qui sont
rhétoriques (entechnai) à proprement parler. En fait, la distinction porte sur le fait que certaines preuves
existent dans les faits ou dans les textes, indépendamment de l’orateur tandis que d’autres sont fournies
par l’orateur lui-même, par son propre talent, sa créativité, son discours.
Les preuves extrinsèques sont celles qui demandent une enquête sur le sujet, qui demandent de trouver
des preuves dans des textes ou sur le terrain. Ce sont les arguments ayant le plus de poids. Il s’agit des
différents types de preuves dont on dispose au niveau juridique, par exemple les témoignages, les indices.
Mais ce sont aussi des éléments pour construire un discours délibératif (les lois, des faits, etc.) et
épidictique (savoir ce qu’a fait la personne dont on fait l’éloge). La recherche de preuve extrinsèque peut
s’apparenter au travail d’un juge d’instruction, d’un détective, d’un journaliste d’investigation ou encore
d’un chercheur. Il s’agit d’aller sur le terrain, dans les archives ou d’interroger les personnes. Cette
dimension est évidemment capitale parce qu’on ne sait pas réfuter une preuve flagrante.
Les preuves intrinsèques dépendent du savoir-faire de celui qui parle. Il y a moyen, bien souvent, de
faire tourner en faveur de la cause un dossier défavorable. Il y a des formules utilisées par un avocat
lorsqu’un dossier lui est défavorable au niveau de la loi. Les preuves intrinsèques ne dépendent que de
l’habileté de l’orateur à retourner une situation à son avantage. On comprend donc les critiques faites aux
orateurs puisque parfois ils utilisent des arguments "limites" pour vaincre l’adversaire.
b. Les lieux
Il s’agit de la question des sources dans lesquelles l’orateur peut aller puiser ses arguments intrinsèques.
L’une des tâches de la rhétorique est, en effet, de donner un catalogue de ces sources qui sont appelées
« lieux » (topoi en grec), c’est-à-dire des idées générales, des arguments préétablis et largement admis qui
permettent d’aborder n’importe quel sujet. La science de ces lieux est appelée la topique. C’est comme si
c’était un grand magasin des arguments, rangés les uns à côtés des autres, regroupés en différentes
familles. Ce magasin d’arguments est ancré dans la mémoire et dans la pensée.
Pour nous, l’expression « lieux communs » a pris un sens péjoratif et est devenu synonyme de cliché, de
thème bateau, rabattu, de passe-partout, etc. Pourtant, il y a une importance capitale des lieux pour
conduire une argumentation. Ce magasin d’argument est un lieu commun, connu par tous. Les arguments
les plus efficaces (du moins pour un discours public à une foule) sont souvent ceux qui reprennent les
opinions les plus largement partagées. Cependant, le terme « lieu » a eu un tel succès en rhétorique qu’on
peut le comprendre dans trois sens différents que nous développerons ci-dessous.
PARALOGISMES FORMELS
Les plus courants sont des synonymes incorrects. C’est comme dire :
– Tous les hommes sont mortels
– Or un éléphant est mortel
– Donc un éléphant est un homme
Les paralogismes formels ont une structure erronée à cause de leur forme. Ça peut également être un
raisonnement incohérent.
– Je ne suis pas dans la même école que X
– X n’est pas dans la même école que Y
– Donc je ne suis pas dans la même école que Y
Un paralogisme est un argument contre la logique. Il peut être prononcé de bonne foi par quelqu’un qui
est nul en logique. Ce raisonnement peut paraître exact pour certains.
PARALOGISMES INFORMELS
Ce sont des raisonnements qui ne sont pas invalides à cause de leur forme mais à cause d’une propriété du
langage ou de la manière dont on invoque un fait. On peut retenir 4 paralogismes informels :
La pétition de principe est une faute logique par laquelle on commence à admettre ce qu’en fait on
voulait prouver. C’est un raisonnement qui prétend prouver une thèse en s’appuyant sur les principes
mêmes de cette thèse. Il y a une répétition de la même proposition plusieurs fois. C’est un
raisonnement circulaire, la conclusion est déjà implicitement contenue dans la prémisse. Exemple : je
ne mérite pas d’être puni car seuls les coupables méritent d’être punis. Je ne suis donc pas coupable.
Post hoc ergo propter hoc3 (confusion entre corrélation et relation de cause à effet) signifie que
lorsque deux événements se succèdent, le premier est forcément la cause du suivant. Cependant, la
succession et la cause ne sont pas forcément liées. Exemple : j’ai pris un comprimé homéopathique
puis j’ai guéri. On n’a pas guéri forcément grâce au comprimé homéopathique, mais c’est ce qu’on
veut faire croire en mettant ces deux événements en relation. C’est possible que le comprimé soit la
cause de la guérison, mais ça n’est pas forcément nécessaire (100% véridique). On utilise souvent ce
raisonnement en astrologie, avec les voyantes, etc.
Le faux dilemme est un raisonnement qui réduit une situation à un seul choix entre deux options,
faisant croire qu’il n’y en a pas d’autres. On va présenter une situation comme un dilemme alors que
ce n’en est pas un. Dans un débat politique on pourrait dire "soit vous êtes de gauche, soit vous êtes
de droite" alors qu’il y a beaucoup plus de choix que cela. La réfutation de cet argument se base sur la
complexité du réel, il y a souvent une troisième voie (voire même beaucoup plus).
La pente glissante (dite aussi pente savonneuse ou pente fatale) est une sorte d’exagération. On
reprend la proposition de l’autre et on l’exagère au point de présenter un scénario complètement
catastrophique. C’est très courant dans les débats publics. On l’utilise principalement sur les sujets du
mariage gay ou sur les migrants (si on en accepte quelques-uns, il en viendra des milliers). C’est un
argument de l’effet boule de neige, un argument de la dramatisation. L’argument ad metam est très
utilisé dans ce type de raisonnement, on veut faire peur, on veut démontrer des conséquences très
graves.
b. Les sophismes
Ce terme fait référence aux sophistes, qui se présentaient comme professionnels de l’éloquence. C’étaient
les ennemis des philosophes qui préféraient la vérité à l’envie d’avoir toujours raison. Les sophismes sont
comme les paralogismes que nous venons de voir, mais il est fait en connaissance de cause, avec
beaucoup de mauvaise foi. Ici on souhaite tromper et/ou manipuler. Ce n’est donc pas une simple erreur
3
Après cela donc à cause de cela.
de raisonnement, mais un trucage conscient du raisonnement, animé par la volonté de l’emporter dans le
débat. Parfois c’est compliqué de savoir si la personne a réellement voulu nous tromper ou non.
Pour ces trois raisons, Schopenhauer réfléchit aux stratagèmes pour emporter l’adhésion. Il ne se soucie
pas d’éthique. Dans son texte, il explicite 38 stratagèmes. Ils n’ont pas pour but de triompher face à
l’adversaire mais de le faire changer d’avis sans qu’il ne s’en rende compte. Les plus importants sont les
suivants :
Exagérer. Étirer l'affirmation de l'adversaire, l'interpréter de la façon la plus générale possible.
Jouer sur les mots. Utiliser l'homonymie pour étendre également l'affirmation à ce qui, à part le
même mot, n'a pas grand-chose ou rien du tout en commun avec l'objet du débat, puis réfuter de façon
lumineuse et se donner ainsi l'air d'avoir réfuté l'affirmation elle-même.
Cacher son jeu. Approuver les prémisses dans le désordre pour cacher son jeu. Brouiller les pistes
Susciter la colère de l’adversaire. Un adversaire en colère ne sait pas porter un jugement correct. On
met quelqu’un en colère en étant injuste envers lui, en le provoquant.
Par l’antithèse. Feindre d’adhérer à la thèse de l’opposant en l’appuyant avec nos propres
arguments.
Titre ronflant. Choisir une désignation flatteuse pour notre thèse, ou des termes orduriers pour
désigner la thèse que l’on veut discréditer.
Contraste engageant. Présenter le contraire de notre thèse, en mettant en évidence l’aspect péjoratif
de cette antithèse, en espérant que l’opposant choisira notre thèse au final.
Triomphe proclamé. Faire semblant que nous avons brillamment prouvé notre thèse, pour que
l’opposant soit déboussolé et croit qu’il n’a rien compris, qu’il n’est pas assez subtil pour l’avoir
saisi. Il devra alors contester, mais se fera passer pour lent d’esprit ou accepter notre (fausse) victoire
et perdre la face. Souvent c’est la première option qui est choisie. Mais après l’opposant nous déteste.
Inciter à se commettre, à cohérence. Chercher si l’adversaire ne se contredit pas ou ne contredit pas
ce en quoi il croit, ne serait-ce qu’en apparence. Pourquoi habiter Bruxelles si tu dis c’est moche ?
Détourner la conversation. Si l’adversaire peut nous battre, il faut l’en empêcher en l’interrompant.
Réfuter les exagérations. Contredire l’adversaire si, sous l’énervement, il exagère notre thèse.
Retourner son argument contre lui. C’est un enfant, il faut être indulgent. C’est justement parce
que c’est un enfant qu’il faut le punir pour l’empêcher de recommencer ses bêtises.
Mystifier. Faire appel à une autorité respectée par l’adversaire ou par le public. Ça aura encore plus
d’effet si l’on prend une autorité dont l’adversaire ne comprend pas un seul de ses mots.
Ultime stratagème : injurier. Si on voit qu’on va perdre, il faut tenir des propos désobligeants,
blessants et grossiers. On quitte l’objet de la querelle (puisqu’on va perdre) pour s’attaquer à la
personne elle-même.
Chapitre 4 :
l’argumentation dans
le langage
a. L’elocutio
L’elocutio correspond à la
rédaction d’un discours.
C’est la mise sur papier du
discours.
Ce qui a frappé les anciens,
c’est qu’on peut dire la même chose de plusieurs façons différentes (la bouteille à moitié vide ou à moitié
pleine). Cela veut dire qu’on distingue le fond et la forme, les res et les verba. Les res et les verba sont
coupées par la coupure sémiotique : entre le signe et le référent, il y de la marge. La qualité du langage va
déterminer la qualité de l’argument. Par la manière de dire (rhétorique) on va convaincre (argumentation).
La représentation n’est pas la chose représentée. Le monde des signes n’est pas celui des choses. Le
monde du langage est un monde de liberté. C’est par le signe que l’on invente le message et souvent que
l’on invente l’image elle aussi. Le signe et la manipulation des signes vont permettre la manipulation des
images.
En rhétorique, il y a la règle de la convenance, c’est-à-dire que le sujet choisi doit être adapté à l’orateur
(ethos), au sujet en lui-même (logos) et au public visé (pathos). Pour convenir au sujet, il faut choisir le
bon style : noble, employé dans la péroraison ; simple, dans la narration et la confirmation ; agréable,
dans l’exorde.
Le rhéteur doit essayer d’obtenir la collaboration du public. Il doit guider l’auditeur et, en quelque sorte,
veiller à son confort. En littérature, certains auteurs veillent à la compréhension de leurs lecteurs et à ce
qu’ils suivent. D’autres ne s’en soucient pas du tout, comme Proust par exemple. En rhétorique, c’est
impératif que l’on se fasse suivre par ceux qui nous écoutent, il ne faut surtout pas faire du style pour du
style. L’elocutio est donc fondamentale.
Chris Marker, Lettre de Sibérie. C’est un mini film qui nous montre que le commentaire induit la réalité.
Cela montre trois commentaires différents pour présenter la même chose.
b. Les figures de style
Ce sont des éléments importants dans une argumentation. Ce ne sont pas des constructions ornementales,
mais comme l’argumentation passe par le langage, les figures de style vont souvent servir d’arguments.
Le but n’est pas de faire poétique. La figure de style est toujours un écart rapport à une certaine normalité
du langage. Un simple exemple de la figure comme simple écart est celui de la répétition. C’est ce qu’il y
a de plus basique. À force de répétition, on rend cela plus présent et donc plus crédible. Utiliser les
répétitions serait donc un écart, puisque dans la langue française on évite au maximum les répétitions
(c’est même une faute de français). La répétition est donc une figure de style puisque c’est un tic du
langage.
On peut catégoriser les figures de sens en différents groupes : les figures de mots, les figures de sens, les
figures de pensée et les figures de construction.
Note : ces deux premières figures de sens sont des tropes : procédé de dénomination consistant à prendre un mot dans le sens d’un autre. Au
départ ces tropes étaient très mal vues, mais désormais on a démontré que la métaphore avait son importance, puisque notre pensée fonctionne
sur base de métaphore. (Lakoff et Johnson)
met l’auditoire de son côté, parce qu’il inspire confiance et
sympathie, contrairement à l’ironie.
Va contre l’opinion, contre la doxa. Il peut heurter l’opinion, Qui paie ses dettes, s’enrichit.
mais on peut aussi l’utiliser à des fins argumentatives. Les
Le paradoxe publicitaires partent d’une affirmation qui est contraire à Le paradoxe est le nom que les
l’opinion courante, pour ensuite démontrer leurs arguments. Le imbéciles donnent à la vérité.
paradoxe est un argument provocateur.
QUESTION
EXAMEN
qui croient en cette théorie réfuteront tous les arguments en prétendant que c’est une preuve
supplémentaire au complot. Les complotistes sont souvent convaincus à 100% de ce qu’ils disent.
L’histoire du complotisme remonte à la Révolution française. C’est l’Abbé Augustin Barruel qui a été le
premier à parler de complot, dans son ouvrage Mémoires pour servir là l’histoire du jacobinisme (1798).
Selon lui, la Révolution ne serait pas le résultat d’un mouvement populaire spontané, mais celui d’une
conspiration antichrétienne. Il essaie de prouver ça en servant de tous les faits possibles et en les
réinterprétant. On constate que dans toute théorie du complot, il y a trois éléments importants :
Une idéologie réactionnaire
Une subjectivité camouflée dans une fausse objectivité
Un langage haineux
Dans tous les cas, il y a toujours beaucoup d’interprétation. Dans ce cas-ci, il y a de l’interprétation sur la
Révolution française, il s’agirait de groupes anciens qui en seraient les responsables : les Templiers, les
Rosicruciens, les Francs-Maçons, etc.
Un autre ouvrage important dans les théories du complot c’est le Protocole des sages des Sion (1903). Il a
été écrit pour dévoiler un complot maçon et juif. Il a été mis au service de l’antisémitisme russe, qui a
servi à justifier les pogroms et a été utilisé par la suite par les antisémites nazis.
D’autres théories du complot ont été élaborées depuis et surtout à partir des années 80, elles se sont
multipliées. Le sénateur McCarthy a dénoncé un grand complot communiste aux USA ; l’assassinat de
Kennedy ; les premiers pas sur la Lune ; les morts de Coluche, Balavoine, Lady Diana ; les attentats du 11
septembre 2001, de Paris, de Bruxelles, etc. Les complots existent aussi en fiction (X-Files, Da Vinci
Code).
Karl Popper, dans Conspiracy theory of society dit que c’est « une opinion selon laquelle l’explication
d’un phénomène social consiste en la découverte des hommes ou des groupes qui ont intérêt à ce qu’un
phénomène se produise (parfois il s’agit d’un intérêt caché qui doit être révélé au préalable) et qui ont
planifié et conspiré pour qu’il se produise. ». C’est un raisonnement par l’intérêt, mais ce n’est pas un
raisonnement valide. Parler de théories du complot est trop généreux, ce ne sont que des rumeurs, des
hypothèses et non pas des théories. On parlait de conspiration « judéo-maçonnico-bolchévique ».
b. Un défi à l’argumentation
En quoi ces théories seraient-elles un défi pour l’argumentation ? Face à des personnes totalement
convaincues d’une théorie du complot, l’argumentation ne sert à rien. La personne est tellement
convaincue qu’elle retourne nos arguments contre nous. L’argumentation ne fait pas mouche, il faut plus
que ça. Il y a toujours moyen de retourner nos arguments. L’imaginaire du complot est insatiable et la
thèse du complot est irréfutable.
Bronner, un sociologue français a écrit un livre, La démocratie des crédules. Il diagnostique dans les
rumeurs complotistes, une inversion de la charge de la preuve. C’est-à-dire que ceux qui pensent qu’il
n’y a pas de complot doivent prouver qu’il n’y a pas de complot. Ceux qui pensent qu’il y a des complots
ne doivent pas les prouver. C’est cette inversion de la charge de la preuve qui fait que l’argumentation est
toujours difficile. À cela s’ajoute un biais cognitif, également appelé biais de confirmation d’hypothèse.
La certitude préalable qu’un complot existe implique l’analyse de toute information et tout fait au travers
du prisme de la théorie du complot. Chaque fait confirme l’hypothèse du complot et ceux qui ne le font
pas sont exclus. C’est de la mauvaise foi et de l’étroitesse d’esprit. Ce qui donne toujours du poids à ces
théories, c’est qu’il y a toujours un peu de vérité dedans. Il faut mélanger le vrai et le faux, c’est ce
mélange qui troublera. Souvent, les complotistes ont davantage de temps et d’énergie que ceux qui les
réfutent.
Perelman parle du doute et du lien qu’il a avec la rhétorique. En rhétorique, on doit toujours pouvoir
douter. Le doute est consubstantiel à la rhétorique. Dans les théories du complot, on emploie des
enthymèmes, on arrive à des conclusions probables et non pas certaines, contrairement à si on employait
des syllogismes. Les prémisses sont elles-mêmes probables. Dès le début, on doute, plus ou moins. Les
prémisses ne sont pas des vérités scientifiques. Ce doute poursuit le raisonnement et se retrouve dans la
conclusion. Perelman, totalement antifasciste, oppose la maxime fasciste « croire, obéir, combattre »,
maxime de la force à celle de la pensée : « douter, se décider et convaincre ». L’argumentation représente
la voie difficile. La voie facile c’est celle où il n’y a pas de doutes, où on est sûr de la vérité, à laquelle
s’associe souvent la force (on veut faire croire aux autres la même chose que nous par la force).
Les théories du complot ne sont déjà plus de l’argumentation. Les personnes croyant aux complots sont
persuadées de leur vérité et rien ne peut aller à l’encontre de celle-ci, il n’y a pas de doutes et les preuves
sont irréfutables. Dans une vraie argumentation, les arguments ne sont pas collés à la thèse.
Les théories du complot nous permettent de réfléchir sur les post-vérités et sur l’ère post-factuelle. Ces
néologismes désignent une culture politique au sein de laquelle les leaders politiques orientent les débats
vers l’émotion en ignorant (ou en faisant mine d’ignorer) les faits et la nécessité d’y soumettre leur
argumentation (Trump, Brexit, etc.). Les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion
publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles. C’est le triangle du pathos-éthos-logos
où le logos a presque disparu au profit de l’éthos et du pathos. Mais ce n’est pas nouveau, on en parlait
déjà à l’époque des grands philosophes grecs comme Aristote. De nos jours, c’est le numérique qui a
ébranlé notre rapport aux faits. C’est tellement simple désormais de publier des informations
mensongères, qui sont immédiatement reprises et passent pour des vérités. Les médias alternatifs ont de
plus en plus de succès, mais ils ne sont pas professionnels, et donc pas toujours déontologiques.
On parle de l’ère de la post-vérité, cela voudrait dire qu’avant on était dans l’ère de la vérité. Sauf que
pendant la Guerre Froide, les guerres Mondiales, etc. ça n’était pas forcément l’ère de la vérité non plus.