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RAISON ET VERITE

On va s’intéresser à l’homme comme un être tourné vers la connaissance ; l’homme


comme celui qui est curieux au point d’interroger le monde qui l’entoure (le réel) et de
chercher à en « rendre raison » c’est-à-dire donner du sens aux choses , en
comprendre les causes , le mécanisme.

La philosophie est naît de l’étonnement ; d’où l’ambition du philosophe d’embrasser le


réel par la pensée.

La philosophie est naît quand elle a questionné le monde ne se satisfaisant plus des
explications religieuses ou mythologiques ; ce faisant , elle inaugure la démarche
rationnelle ou scientifique . Les premières théories scientifiques datent des
présocratiques avec Thalès ou Pythagore -soit des théories atomistes par exemple ou
soit l’explication de la vie par les éléments naturels (l’eau , le feu , l’air ) .

Le désir des savants est de rendre compte de la totalité du réel (désir légitime) mais comment s’y prendre pour arriver à

cette connaissance ? Se pose donc le problème de la méthode .Quel chemin prendre pour arriver à la vérité ? Et comme il

y a des formes diverses de connaissance rationnelle (l’expérimentation , la démonstration , l’interprétation), ne doit-on pas

envisager des chemins différents vers la vérité ?ou plutôt que de parler de vérité ne devrait-on pas plutôt dire ‘des’
vérités ?

Se pose également le problème de la limite de la connaissance rationnelle. N’est-ce pas naïf de penser que la raison peut

tout connaître ? N’y a-t-il pas une forme d’aveuglement à réduire le réel à ce que la raison peut en connaître ?

La raison vient du latin « ratio » qui signifie le calcul .Elle est la faculté de l’esprit
qui permet de distinguer le vrai du faux, le bien du mal .

Donc elle est la faculté de connaître , de combiner des jugements ; définition que l’on
retrouve dans les expressions comme « mener un raisonnement » ou « être
rationnel »(fonctions comme induction , déduction, combinaison, lien entre cause et
effet).

Elle est aussi la faculté de bien juger parce que la raison guide l’esprit dans son
investigation réfléchie et ordonnée de tout ce qu’il cherche à connaître .

« Etre raisonnable » en agissant indique que nous sommes capables d’utiliser notre
raison pour faire des choix qui respectent la morale , la mesure.

Þ A remarquer : la raison peut être dite pure quand elle relève du domaine de la
connaissance car elle est indépendante de l’expérience – et elle est pratique lorsqu’elle
est utilisée dans le domaine de l’action.
La raison s’oppose à la folie ou à la passion incontrôlée ; elle va même un temps s’opposer
à la sensibilité (autre faculté humaine).

 Preuves supplémentaires de la prééminence en nous de la raison :

-Le code civil reconnaît la responsabilité d’un individu que si au moment de son acte , il
était sain d’esprit. Dans le cas où il est déficient mental ou fou ,sa responsabilité civile
est ou atténuée ou annulée.

-Enfin le fait même de parler fait de l’homme un être de raison :Lorsque l’enfant
commence à parler , il sort de l’enfance ( puisque enfant signifie in-fans « ne parlant
pas ») ; il commence à raisonner ; il cesse de crier. Il donne de la voix pour nommer les
choses, poser des questions. Il va vers l’expression articulée de ses besoins et de ses
émotions et enfin il découvre la relation .

Þ On retiendra de cette analyse conceptuelle que quelque soit les nuances dans les
définitions , que la raison est reconnue comme le propre de l’homme et comme une
faculté supérieure qui commande aussi bien la pensée , la connaissance que la
moralité et le langage.

LA VERITE
Le terme de vérité est redoutable à définir quand on pense à ses différents usages dans la langue :
ainsi on parle « de vraie joie », « d’or véritable », « de dire la vérité » ou encore « de raisonnement
vrai » ,« d’une personne vraie » ou encore « d’histoire vraie ». Le terme de vérité dans ses différentes
expressions n’a pas le même sens.

On peut néanmoins remarquer en s’appuyant sur ces expressions ordinaires que la vérité comporte
une double dimension puisqu’elle signifie à la fois exactitude du jugement porté et droiture morale .

Son équivalent en grec est alethéia, qui signifie « dévoilement » ; cela sous-entend que la vérité est
liée à l’idée d’une manifestation, d’un dévoilement , de quelque chose qui apparaît, qui est arrachée
à l’oubli. On retrouve cette connotation dans les termes comme clarté, révélation , illumination .

Plus strictement , la vérité est l’adéquation entre un jugement, posé par l’esprit, et la réalité, objet
de ce jugement. Autrement dit, ce ne sont pas les choses en elles mêmes qui sont vraies mais les
jugements que les hommes portent sur elles .

On ne dira pas d’un arbre existant qu’il est vrai, mais qu’il est réel. On
dira en revanche qu’il est vrai qu’il s’agit d’un chêne : dans ce cas, c’est
bien le jugement sur l’arbre qui peut être vrai ou faux .

=la vérité est toujours un jugement (ne pas confondre vérité et réalité)
Même si l’homme cherche à comprendre le fonctionnement du monde ou de la nature , même si
l’homme est animé par un désir de vérité , force est de constater qu’on n’accède pas directement à
la réalité . Nous sommes avant tout confronté aux phénomènes c’est-à-dire à ce qui apparaît. Or
apparaître signifie dévoiler une part de la réalité mais aussi paraître, c’est-à-dire se cacher derrière
l’apparence. Comprenez que ce qu’on voit quand on voit une chose c’est une réalité déformée,
interprétée par notre point de vue limité .

Quand on voit le soleil se lever le matin, il faut comprendre que


cette vision dépend du lieu où on se trouve (il se lève en France
mais est déjà levé à Moscou et pas encore levé à New York. On
sait également que ce n’est pas le soleil qui se meut mais la
terre.
:

 Un double problème :

L’homme a besoin naturellement de comprendre ce qui l’entoure et il a aussi besoin de relations

humaines fiables et solides c’est pourquoi il sera toujours en quête de vérité et il déplorera le
mensonge , la malhonnêteté, les faux-semblants . Mais est-ce si simple ?

Si l’homme cherche le vrai c’est que la vérité n’apparaît pas facilement. Comment la faire
apparaître ? et comment ensuite la reconnaître ?Ce qu’on a pu croire comme vérité s’est ensuite
révélé être une erreur .Comment dans ce cas ne pas désespérer de la vérité ? N’y a-t-il pas
aussi paradoxalement chez l’homme , une tendance à vouloir rester prisonnier des préjugés et des
illusions si confortables comme nous l’indique déjà l’allégorie de la caverne ?

1-Pour le problème de l’accès à la vérité (Comment parvenir à la vérité ? ) les moyens sont
multiples . Voilà pourquoi votre programme vous propose d’étudier LA DEMONSTRATION . Si la
démonstration est la méthode de raisonnement utilisée dans les mathématiques , en revanche dans
les sciences de la nature , on utilise plutôt les EXPERIENCES et dans les sciences humaines , plutôt
L’INTERPRETATION . Comprenez par là , qu’il y a des conditions d’accès variés pour parvenir à la
vérité . Ce qu’on peut surtout constater c’est la convergence du fait que la vérité n’apparaît pas par
elle-même mais mais qu’elle passe par la médiation de l’homme , son jugement , ses méthodes de
raisonnement .
2-On va s’intéresser plus particulièrement ici à la vérité comme valeur en se demandant si la
recherche de la vérité vaut quelque chose :La recherche de la vérité a -t-elle un sens ?

I- La vérité existe et elle permet de combattre le relativisme et le scepticisme


a- La vérité comme valeur est en danger depuis le 20ème

Les sceptiques d’aujourd’hui (émergence de messages complotistes sur les réseaux sociaux)
contestent sans relâche toute prétention du discours au vrai . Pour beaucoup, il paraît évident que
puisque tout change et évolue, on ne peut pas dire où est la vérité.

Pire même, notre rapport à la vérité s’est brouillé au sens où on est nombreux à ne plus croire à la
vérité. Si l’on combine l’effondrement des grandes idéologies au XXème aux multiples scandales du
monde politique , il est clair que notre rapport à la vérité s’est abîmé. Un terme a même été inventé
dans les années 90 pour décrire cette nouvelle ère dans laquelle les leader politique orientent les
débats davantage vers l’émotion plus que vers le vrai ; on parle de « post truth », de « post-vérité ».
Pour le dire clairement , nous sommes sur le terrain moins sur les vérités de faits et davantage sur
les vérités d’opinions. Or, Ces dernières ne demandent aucun travail .

Ainsi même devant des vérités scandaleuses , nous sommes devenus indifférents ; parce qu’il y a de
moins en moins de réflexion commune, ni de vérité commune, aucun monde commun ne peut alors
se dégager. C’est le relativisme qui l’emporte ensuite sur le terrain.

Alors doit-on renoncer définitivement à la vérité ? La philosophie estime que la vérité est une valeur
essentielle ; elle ne la considère plus comme absolue certes mais même provisoire ou partielle , elle
est estimable. Le philosophe estime même qu’il n’a pas d’autres choix que de continuer à prendre
parti pour la vérité ; il sait qu’il faut la chercher même si elle ne promet ni honneurs , ni louanges. Le
philosophe sait aussi en s’appuyant sur l’héritage de Descartes , qu’il ne s’agit pas de tout penser , de
tout connaître mais de bien connaître . Descartes songe à une méthode pour bien penser.(Rappelez
vous le sous-titre en 1637 du discours de la méthode écrit en français par Descartes ‘pour bien
conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences ‘) Faire le pari de la vérité c’est pour le
philosophe adopter une posture de vigilance vis-à-vis des entreprises aussi trompeuses que
séduisantes.

On peut même aller jusqu’à dire que s’il est facile de se laisser décourager par la vérité , on ne doit
pas pour autant céder . Car renoncer à la vérité , c’est se complaire dans l’ignorance et la
manipulation . ( Là encore se rappeler du mythe de la caverne de Platon ; les hommes vivent dans
l’ignorance et l’illusion mais ils ne s’en aperçoivent pas et quand le philosophe vient les détacher , ils
le rejettent et sont prêts à le tuer ! vraiment revoyez sur you tube ce mythe précieux à connaître – Il
est facile à adapter selon les notions )

b- La vérité permet de critiquer le relativisme et le scepticisme

Relativisme et scepticisme sont des postures anciennes ; Dans l’Antiquité , c’était même des écoles .

Considérons d’abord le relativiste : il pense qu’il n’y a pas de vérité mais une pluralité de visions du
monde ; donc tout le monde à raison !!!

Le relativisme est posé par Protagoras qui proclame que « L’homme est la mesure de toute chose » .
Comprenez que chacun mesure à sa manière que telle chose est vraie et belle et du coup c’est très
variable d’un individu à l’autre. Vous retrouvez aujourd’hui la posture sceptique au travers des
formules courantes comme « tout est relatif » ou « à chacun sa vérité ».

Séduisant MAIS dans ce cas on n’en reste qu’aux sensations, à chacun ses croyances et on a aucun
monde objectif commun , aucune différence entre vérité et opinion , et aussi aucune science
possible ! On met toutes les opinions au même niveau . Dans ce cadre , se faire soigner par un sorcier
est équivalent à se faire soigner par un médecin . Or , ce n’est pas vrai !

Une autre posture met en péril la vérité : le scepticisme . Son fondateur est Pyrrhon d’Elis (un
contemporain d’Aristote) . De sorte que vous pouvez aussi parler de pyrrhonisme . Le sceptique
doute de tout et en permanence parce qu’il pense qu’on ne peut pas atteindre une connaissance
certaine du réel ; on ne peut rien connaître avec certitude ; la vérité est illusoire de son point de vue .
Donc il suspend son jugement, il refuse d’affirmer ou de nier quelque chose à propos de la réalité
(ou épochè). Cette position est contraire au dogmatique (celui qui croit pouvoir trancher en matière
de vrai et de faux ).
Pourquoi cette attitude n’est pas tenable ? suspendre son jugement et ne jamais se prononcer est
impossible à tenir dans la vie de tous les jours ; on doit bien se fier à certaines vérités pour s’orienter.

Ces deux positions remettent en cause la vérité comme valeur suprême ; même si on peut les
critiquer ( les 2 mènent à des impasses )elles ont le mérite d’exister contre le dogmatisme et elles
nous permettent de réfléchir à la prétention de notre raison qui cherche souvent à tout connaître et
à tout expliquer.

Descartes au 17ème est à la recherche de la vérité après avoir été déçu par l’enseignement scolastique
reçu . Il traverse une période de doute . Après s’être confronté à la réalité du monde en voyageant , il
remet en doute les Anciens et se fixe comme objectif de trouver des vérités indubitables . On parle
alors chez Descartes de moment « sceptique » sauf que son scepticisme n’a rien à voir avec celui du
Pyrrhon . Descartes adopte un scepticisme méthodique . Comprenez par là qu’il n’entend pas faire
du doute un moment permanent mais bien une étape nécessaire pour atteindre le vrai. Il comprend
que la vérité ne peut être donnée facilement, mais qu’il faut la construire en procédant avec
méthode , pas à pas , comme en mathématiques. Pour raisonner de façon sûre , il met au point une
méthode (=un chemin) :

-rejeter les idées acquises par ouï-dire ou par habitude (opinions de son milieu)

-l’évidence : ne tenir pour vrai que ce qui est évident

-l’analyse : décomposer les difficultés en éléments simples

-la synthèse : recomposer la connaissance en déduisant les vérités les unes des autres

-le dénombrement : faire retour sur notre raisonnement pour ne rien oublier . Ne négliger aucun
point de vue ( par exemple quand on s’intéresse à une question, on devrait chercher à connaître les
différentes réponses possibles ainsi que les objections)

Avec Descartes , la vérité se dote de mains. Une pensée est vraie si elle permet d’agir. La preuve n’est
plus seulement théorique , mais aussi pratique . L’homme pourra par la science devenir « comme
maître et possesseur de la nature ». ( s’il comprend la nature , ses lois , alors il pourra inventer des
remèdes pour protéger sa santé , rallonger son existence et améliorer ses conditions de vies grâce
aux inventions techniques)

Même si la recherche de la vérité est ce qui anime depuis l’Antiquité les philosophes et un certain
nombre de savants , il faut remarquer que la valeur de la vérité fait problème .

II- Est-il toujours louable de rechercher la vérité ?


On peut remarquer que même si nous exigeons la vérité ou la sincérité dans les rapports humains en
général on a tendance parfois à ne pas vouloir savoir . La vérité en effet, lorsqu’elle se dévoile est
crue et douloureuse au point qu’on dit parfois qu’on « aurait préféré de ne pas savoir ».

De ce point de vue , l’illusion qui réconforte est préférable à la vérité qui blesse ou qui dérange .
Qu’est-ce qu’une illusion ? est-ce la même chose qu’une erreur ?

L’erreur est involontaire et inconsciente . Celui qui se trompe est dans l’ignorance . D’un point de vue
méthodologique , l’erreur n’est pas l’ennemie de la vérité car elle est ce qui permet de progresser ;
c’est en surmontant ses erreurs que la science progresse.

L’illusion est une idée que l’on tient pour vraie parce qu’elle répond à nos désirs .2 Freud dans son
livre l’avenir d’une illusion nous explique cette distinction . Lisez :
"Quand je dis : tout cela, ce sont des illusions, il me faut délimiter le sens de ce terme. Une
illusion n'est pas la même, chose qu'une erreur, une illusion n'est pas non plus
nécessairement une erreur(..)

On peut qualifier d'illusion l'assertion de certains nationalistes, assertion d'après laquelle les
races indogermaniques seraient les seules races humaines susceptibles de culture, ou bien
encore la croyance d'après laquelle l'enfant serait un être dénué de sexualité, croyance
détruite pour la première fois par la psychanalyse. Ce qui caractérise l'illusion, c'est d'être
dérivée des désirs humains ; elle se rapproche par là de l'idée délirante en psychiatrie, mais se
sépare aussi de celle-ci, même si l'on ne tient pas compte de la structure compliquée de l'idée
délirante. ., L'idée délirante est essentiellement — nous soulignons ce caractère — en
contradiction avec la réalité ; l'illusion n'est pas nécessairement fausse, c'est-à-dire
irréalisable ou en contradiction avec la réalité. Une jeune fille de condition modeste peut par
exemple se créer l'illusion qu'un prince va venir la chercher pour l'épouser. Or ceci est possible
; quelques cas île ce genre se sont réellement présentés. Que le Messie vienne et fonde un âge
d'or, voilà qui est beaucoup moins vraisemblable : suivant l'attitude personnelle de celui qui
est appelé à juger de cette croyance, il la classera parmi les illusions ou parmi les équivalents
d'une idée délirante(…). Ainsi nous appelons illusion une croyance quand, dans la motivation
de celle-ci, la réalisation d'un désir est prévalente, et nous ne tenons pas compte, ce faisant,
des rapports de cette croyance à la réalité, tout comme l'illusion elle-même renonce à être
confirmée (ou non) par le réel."

Dans ce texte , Freud distingue l’illusion de l’erreur et de délire (perception non conforme au réel).
Que la bergère épouse un prince charmant est rare mais réalisable en droit . La bergère peut y croire
surtout parce qu’elle désire que cette idée soit vraie .

Donc les illusions servent nos intérêts et c’est bien pour cela que la désillusion est douloureuse . Voilà
pourquoi la vérité « fait mal » et que parfois on préfère rester dans nos illusions ; au moins elles sont
réconfortantes . On comprend que Nietzsche ait pu écrire à leur propos qu’elles sont des plaisirs
coûteux mais que leur « destruction est encore plus coûteuse ».

Freud lui-même réalise à quel point il est difficile de se débarrasser de ses illusions . Pensons par
exemple aux 3 blessures narcissiques de l’humanité qu’il évoque . A trois reprises dans l’histoire de
l’humanité , l’homme s’est illusionné sur sa place parce qu’il désirait occuper une place centrale .
( l’héliocentrisme , l’évolutionnisme et l’inconscient). Briser ces illusions s’est fait sur un temps long
et douloureux (Ne pas oubliez tous les savants condamnés à mourir comme Giordano Bruno ou
Galilée )

Ainsi parce que les illusions sont profondément enracinées et pas si simples à déraciner , elles
constituent une vraie remise en question de la valeur de vérité .

-Pour finir sur cette critique de la recherche de la vérité , on peut se reporter aux relations sociales ;
notre attitude est paradoxale ; on dit vouloir la sincérité plutôt que le mensonge et l’hypocrisie mais
en réalité , nous sommes tous dans nos relations soumis à une forme d’hypocrise . Qui peut dire à
l’autre réellement tout ce qu’il pense sans risquer de se retrouver seul ?

C’est ce que Pascal avait déjà bien décrit au 17ème :

«(…) ainsi la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ; on ne fait que s’entre-tromper et
s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre
absence. Peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y
est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion . L’homme n’est que
déguisement , que mensonge et hypocrisie et en soi-même et à l’égard des autres . Il ne veut
pas qu’on lui dise la vérité . Il évite de la dire aux autres » (…)

Alors que faire ? faut-il renoncer à la vérité ? Faut-il cultiver l’hypocrisie ?

Pascal n’écrit pas cela pour nous encourager sur cette voie ; bien au contraire ,il pointe ce
comportement répandu pour que chacun puisse remédier à ce mal . En effet , chacun peut prendre
conscience que dissimuler et mentir n’engendrent que des rapports faux , superficiels ou une
méfiance réciproque, contraires à ce qui fonde une vrai société ou un vrai bonheur .

Certes la vérité est une tâche difficile ( prise de conscience , effort pour se dégager des préjugés etc) ,
mais elle vise le savoir , la connaissance ; elle ouvre vers l’universel (≠ particulier).On dépasse son
nombril ; on se frotte à la pluralité des points de vue ( on évite l’étroitesse d’esprit source des maux
comme le racisme ou l’intolérance).Cet effort de chercher à dépasser son ignorance a le mérite
d’éviter le contentement de soi (la complaisance).

Voilà pourquoi on peut réaffirmer que la recherche de la vérité est nécessaire

III- La nécessaire recherche de la vérité .


-S’il faut défendre la recherche de la vérité , n’oublions pas que connaître la vérité permet une
libération . En effet dans le domaine de la psychanalyse , prendre conscience de ses désirs refoulés
permet d’atteindre une sorte de catharsis . C’est bien ce qui arrive à Elisabeth . Elle ne s’explique pas
la paralysie de ses jambes ; le travail d’investigation qu’est la psychanalyse va lui permettre de
comprendre que son corps n’a fait que convertir en symptômes physiques un désir refoulé . (désir
amoureux qu’elle a ressenti pour son beau-frère mais qu’elle ne peut pas s’avouer consciemment ).
Certes , Elisabeth réagit mal à ce que Freud lui révèle comme ‘sa vérité’ mais il n’empêche que ses
symptômes cessent une fois la vérité énoncée et qu’ensuite elle accepte cette idée . Ne pas
rechercher la vérité , revient alors à rester dans le déni et la souffrance .

-Malgré les incertitudes qui bouleversent le 17 ème (guerres religieuses , savoir cosmologique….) ,
Descartes pense malgré tout que la vérité existe et que tous les hommes , pourvus de bon sens ,
peut parvenir à elle moyennant une méthode comme nous l’avons détaillé . Remarquez que pour
Descartes , une vraie pensée est une pensée qui permet d’agir ; c’est d’ailleurs grâce à la méthode
que Descartes pense que l’homme peut se rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ».
L’idée de méthode ne sera jamais abandonnée au cours des siècles. Autrement dit , il y a l’idée que la
connaissance de la vérité permet d’agir, de connaître le fonctionnement de la nature et de ses lois .
Cela permet d’anticiper, et de maîtriser .En gros , science rime avec prévoyance et action.

- Parce que la vérité dans le temps s’est révélée relative ( bien des théories acceptées ont été ensuite
invalidées ou corrigées), elle a perdu son caractère absolu . Même en science , on admet des
« vérités provisoires ». Est-ce à dire qu’il faut renoncer à la vérité ? Et la considérer comme
impossible ?

 Non ! La science accepte ces vérités provisoires qu’elle corrige au fur et à mesure des
nouvelles données. (MAttention à la représentation que l’on a du scientifique comme d’un
expert, de quelqu’un qui sait, dont la parole est incontestable -En vérité , le scientifique
travaille de manière collective et critique , en révisant de manière permanente les savoirs et
les méthodes . De ce fait il ne peut être que modeste . Par ailleurs , le scientifique , n’est pas
à l’abri du dogmatisme ou des conflits d’intérêt qui l’empêchent de faire son travail en toute
objectivité . )
La science nous apprend aussi que la vérité s’obtient en surmontant une longue suite d’erreurs. La
vérité ne se découvre pas comme par magie grâce au seul génie d’un homme . Galilée ne découvre
pas à lui seul que la terre tourne autour du soleil ; il reprend les travaux de tous ces
prédécesseurs( Bruno et Copernic) et constate que certaines théories sont plus explicatives de
certains phénomènes que d’autres. Donc il en vient à disqualifier certaines théories( notamment
celles d’Aristote et de Ptolémée) et à pousser plus loin certaines hypothèses émises avant lui. Tout
cela pour dire , qu’il ne découvre rien par lui seul mais il corrige les erreurs . Ainsi , la science
progresse en corrigeant les erreurs , en éliminant les hypothèses fausses. Voilà pourquoi l’erreur
n’est pas seulement négative .Elle est un élément indispensable à tout processus de recherche
intelligente . Pour trouver des solutions , notre intelligence procède par essais et tâtonnements , en
surmontant progressivement ses erreurs . ( donc le vrai s’obtient en corrigeant les erreurs et non
seulement en faisant des découvertes spontanées)

Enfin la science ayant fait la lumière sur un certain nombre de choses , force est de constater que la
science du 21ème ne prétend plus atteindre la vérité. Elle cherche surtout aujourd’hui à modéliser le
réel dans le but de prévoir , d’être efficace. Ainsi , si on a un bon modèle explicatif de la force de l’eau
, on va prévoir si notre barrage va résister ou craquer ; s’il craque , c’est parce que le modèle n’était
pas bon. Un modèle n’est dit vrai que tant qu’il fonctionne , qu’il est efficace.

-Enfin même si on ne trouve pas la vérité , ne peut-on pas dire que sa recherche a des vertus ? Celui
qui effectue cette recherche , est amené à faire des efforts , à déployer comme des capacités
intellectuelles , à faire preuve de pugnacité , d’abnégation . Si on renonce à la vérité , on entretient
des vices intellectuels comme la lâcheté , les préjugés ou l’intolérance , le fanatisme .

L’étymologie de fanatique est « fanum » , le temple : on appelait fanatiques les prêtres qui
entraient en transe dans une sorte de délire ; par extension, le fanatique désigne une personne qui
adhère sans recul , mais avec enthousiasme à une cause ; zèle excessif au point d’y perdre sa liberté
et au point de détruire l’autre qui n’y adhère pas comme lui ; donc le rapport à la vérité est effrayant
chez le fanatique .Il est persuadé d’être dans le vrai ( donc il est dogmatique) mais ne procède jamais
par arguments et démonstrations ; il est sur le registre de l’affectif ; il est dans une logique
passionnelle donc aussi violente ( d’où l’impossibilité d’une relation apaisée avec le fanatique ). Or la
seule façon de combattre cet excès très dangereux pour la société, c’est la lucidité ; la pleine
conscience de notre valeur , et le désir de connaissance. (fin )

Cours Bourg St Maurice qui fait suite au cours papier 1« Raison et


Vérité »

Pour vous illustrer l’idée que la raison n’est pas qu’une simple
faculté humaine mais qu’elle est un vrai pouvoir notamment pour
rechercher le vrai , il faut s’attarder sur le cas de la
DEMONSTRATION . (cours 2 dans la raison)
 Le cas de la démonstration
Le pouvoir de la raison s’illustre parfaitement dans la démonstration . Si on considère depuis
longtemps les mathématiques comme prestigieuses c’est bien en raison de sa méthode rigoureuse
dite démonstrative qui permet d’aboutir à des vérités universelles .

LA DEMONSTRATION EN MATHEMATIQUES

 Un modèle de certitude

 Au sens large , l’opinion dira qu’une démonstration est une preuve . Mais le philosophe ne
met pas au même plan démonstration et preuve parce que pour« prouver »on peut avoir
recours à l’expérience donc à un élément empirique ; Or une démonstration est purement
formelle (elle est pure de tout ce que l’expérience peut amener de contingent).

On préférera de ce fait le sens strict qui rapporte la démonstration à celle pratiquée dans les
mathématiques.

 Etymologiquement , la démonstration est « un discours qui montre ». Donc si c’est un


« discours » cela implique des éléments de langage , et si elle a besoin de « montrer »
c’est parce qu’il n’y a rien d’immédiat, d’intuitif . La démonstration repose sur une
démarche discursive (≠ intuitif - il y a des étapes à suivre dans le raisonnement ). La
démonstration de ce fait , est une démarche purement intellectuelle, abstraite qui
consiste en un enchaînement logique et nécessaire d’idées ou de propositions pour
aboutir à une conclusion certaine . C’est la raison pour laquelle , les mathématiques vont
faire autorité . Chacun va y adhérer de manière rationnelle .

C’est pour cela que Descartes au 17ème soucieux de rechercher en tout le vrai , va vouloir ramener
toutes nos connaissances à la certitude que procure une démonstration mathématique ; il la
considère comme un idéal pour toutes les sciences . Son intérêt pour les mathématiques réside en
ce qu’elles représentent la démarche rationnelle par excellence . Si Descartes admire les
mathématiques ce n’est pas parce qu’elles sont utiles économiquement et socialement (construire
des voitures, des ponts, etc ….)mais parce qu’elles permettent à l’homme de bien penser .
Descartes pratiquait les mathématiques donc pour devenir davantage homme ; il voulait
s’entraîner à bien user de sa raison, s’exercer à penser avec méthode bref se préparer à
conduire sa vie d’homme . (Aviez-vous pensé à cet usage des mathématiques ??)

 Qui invente la démonstration et pourquoi ?


Il faut rendre ici hommage aux grecs , qui par le biais d’Aristote va fonder la logique ( soit les
règles à respecter pour produire un raisonnement juste – Et oui on ne pense pas n’importe
comment, par fantaisie ; il y a des règles du bien penser qui sont imposées par notre propre
raison ( comme le principe de non contradiction , ou le principe de causalité par
exemple).Aristote entend ainsi différencier la démonstration d’une évidence ou encore de
l’opinion qui lorsqu’elle s’exprime pose des affirmations comme vraies alors même qu’elles ne sont
pas fondées en raison . Et il y a aussi à l’époque les sophistes qui , parce qu’ils ont l’art de bien
parler ,sont capables de produire des raisonnements faux qui ont l’apparence du vrai .
Revenons à la démonstration comme forme de raisonnement. Qu’est-ce qu’un raisonnement ?
C’est une inférence qui tire une conclusion à partir de prémisses (les prémisses sont les points de
départ du raisonnement).Il y a deux grandes formes de raisonnement :

-l’induction : la généralisation à partir d’un ensemble d’observations sur le monde . Si les


prémisses sont vraies , alors la conclusion est probablement vraie .

-la déduction : si les prémisses sont vraies alors la conclusion est nécessairement vraie («tout
nombre divisible par deux est un nombre pair .4est un nombre divisible par deux .Donc 4 est un
nombre pair )

Mais attention la démonstration n’est pas une simple déduction logique : Il est nécessaire que les
prémisses soient vraies .

Aristote nous met en garde contre les syllogismes faux des sophistes . Par exemple  Si vous
n’êtes pas avec moi , vous êtes contre moi/Or vous n’êtes pas avec moi /Donc vous êtes contre
moi . 

Ou encore : Tous les végétaux sont verts /Or les carottes sont des végétaux /Donc les carottes
sont vertes !  

Avez-vous vu les failles de ces deux syllogismes ?

Il y a des paralogismes quand on fait un faux raisonnement par ignorance des règles ou par
manque d’attention et il y a sophismes quand on fabrique un raisonnement tordu pour embobiner
les autres .

Il y a quantité de trappes et de pièges quand on raisonne . Donc attention aux prémisses .

Quelles sont les prémisses à partir desquelles on peut pratiquer une démonstration en
mathématiques ? On peut utiliser des théorèmes pour faire une démonstration , mais on peut
aussi chercher à démontrer les théorèmes que nous utilisons.Si on poursuit cette démarche , on
est alors conduit à remonter vers les premiers fondements d’une théorie .Ce sont les axiomes de
cette théorie. Et cela a été la démarche d’Euclide dans l’Antiquité et c’est pourquoi la géométrie
euclidienne a longtemps passé pour un modèle indépassable .

 « On voit clairement pourquoi l'arithmétique et la géométrie sont


beaucoup plus certaines que les autres sciences : c'est que seules elles
traitent d'un objet assez pur et simple pour n'admettre absolument rien que
l'expérience ait rendu incertain, et qu'elles consistent tout entières en une
suite de conséquences déduites par raisonnement. Elles sont donc les plus
faciles et les plus claires de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons,
puisque, sauf par inattention, il semble impossible à l'homme d'y commettre
des erreurs. Et cependant il ne faut pas s'étonner si spontanément beaucoup
d'esprits s'appliquent plutôt à d'autres études ou à la philosophie : cela vient,
en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d'affirmer des
choses par divination dans une question obscure que dans une question
évidente, et qu'il est bien plus facile de faire des conjectures sur une question
quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu'elle
soit.

De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu'il ne faut apprendre que
l'arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit
chemin de la vérité ne doivent s'occuper d'aucun objet, dont ils ne puissent
avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l'arithmétique et de la
géométrie. »

René Descartes, Règles pour la direction de l’esprit , 1628

 Peut-on toujours se fier à la démonstration ? La


raison ne comporte t-elle pas des failles ?
a-les limites de la démonstration

 La démonstration a certes une place essentielle dans les mathématiques mais il ne faut
pas réduire la pratique des mathématiques à la seule démonstration . La recherche
mathématique repose aussi sur l’intuition de connexions , de liens , d’analogies entre
différentes idées mathématiques . Avant de démontrer, il faut avoir une idée de ce qu’on
veut démontrer, et c’est l’intuition qui permet alors d’ouvrir une voie de recherche.
Comme l’a très justement écrit le mathématicien français Henri Poincaré « C’est par la
logique que nous prouvons .C’est par l’intuition que nous inventons ».
 Revenons sur le statut des axiomes . Comment on pourrait démontrer les axiomes étant
donné que les axiomes sont les principes les plus élémentaires d’une théorie. Qu’est-ce
qui permet alors d’affirmer la vérité des axiomes si on ne peut pas les démontrer ?
- Faut-il considérer que les axiomes sont des vérités évidentes par elles-mêmes ? C’est
la position de PASAL . Nous avons accès à la vérité aussi bien par la raison que par le
cœur ; et donc c’est par le cœur que nous connaissons les premiers principes :

« Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis et la raison démontre
ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit double de l’autre. Les principes se sentent, les
propositions se concluent et le tout avec certitude quoique par différentes voies et il est aussi inutile et
aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves des ses premiers principes pour vouloir y
consentir, qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions
qu’elle démontre pour vouloir les recevoir », Pensées L100 de Pascal

Pascal aboutit non pas à une remise en cause de la raison et de toute connaissance possible mais à la
nécessité d’admettre l’existence d’une autre source de vérité qu’il appelle « le cœur » et qui permet
de « sentir » certaines vérités dont il n’est pas possible de faire la démonstration .
 L’histoire des mathématiques montre aussi que des principes qui semblaient évidents en
eux-mêmes se sont révélés faux . Par exemple , l’idée que « le tout est plus grand que la
partie » semble évidente mais dans le cas d’une partie infinie d’un ensemble infini cela
n’est plus vrai. En géométrie l’axiome des parallèles d’Euclide (par un point extérieur à
une droite passe une et une seule parallèle) semble évident et vrai mais il existe des
géométries non-euclidiennes par lesquels , par un point extérieur à une droite, on a une
infinité de parallèles ou bien aucune .
 Plusieurs systèmes axiomatiques sont donc possibles avec des théorèmes différents. Une
vérité démontrée ne l’est qu’à l’intérieur d’un système théorique particulier. Le choix d’un
cadre théorique par rapport à un autre, n’est pas une question de vérité mais de
pertinence , d’utilité. Une géométrie n’est pas plus vraie qu’une autre ; elle peut seulement
être plus commode .

Retenez que le développement des mathématiques non-euclidiennes vont révéler une pluralité de
rationalités là où avant on défendait une unité de la rationalité.

B ) Les limites de la raison humaine

Malgré les prétentions de la raison à vouloir tout expliquer , elle ne permet pas à l’homme de
tout connaître. Pascal , tout en étant mathématicien et philosophe du 17 ème , apparaît comme plus
mesuré (par rapport aux rationalistes de son époque) sur les pouvoirs de la raison. Dans une
pensée appelée « disproportion de l’homme » il souligne la finitude(il a été crée par Dieu , lequel
est infini) de l’homme. La raison est de ce fait à inscrire dans cette finitude . Ainsi , elle ne peut
comprendre qu’une infime partie du monde .

« (….) Que l’homme revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qui est, qu’il se regarde
comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot où il se trouve
logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son
juste prix ». (Pensées , fr 185).

Pascal nous fait comprendre que nos sens et notre raison sont limités parce que nous sommes de
simples créatures. La disproportion est le fait de s’estimer capable de comprendre l’univers dans
sa totalité. C’est là de l’orgueil de notre part. Dans sa pensée , Pascal encourage l’homme à
corriger cette disproportion ; c’est à nous de réévaluer notre place dans l’univers .C’est à nous de
reconnaître nos limites et déjà au lieu de comprendre l’univers , s’attacher à se connaître dans
son existence limitée. (fin du cours )

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