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LA RAISON

LA VERITÉ
LA SCIENCE
PEUT-ON TOUT
DÉMONTRER ?

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MISE AU POINT
- Ne pas confondre vérité et sincérité. Je peux dire quelque chose de faux en étant sincère :
l'erreur est humaine. Le contraire de « vrai » n'est donc pas « mensonger » (volontairement
trompeur) mais « faux », mot qui qualifie la fiction, l'ironie ou l'erreur aussi bien que le
mensonge.
- Ne pas confondre vérité et croyance. Une opinion (ou croyance) peut être fausse. On évitera
donc des formules comme « Personne n'est d'accord sur ce sujet : à chacun sa vérité », ou
« Avant tout le monde pensait que la terre était plate. Mais cette vérité est devenue fausse ».
Plutôt que « vérité », il faudrait employer les mots « opinion », « croyance », « points de
vue »....
- Ne pas confondre vérité et réalité. Un énoncé faux peut être tout à fait réel. En revanche, il
ne correspond pas à la réalité. Les mensonges existent, les livres de Tolkien ou Voltaire sont
réels. Mais les dragons, les elfes, Cunégonde ou le philosophe Pangloss sont purement
imaginaires.
- Ne pas confondre preuve et explication. On explique les phénomènes observés (comme une
éclipse de soleil par exemple) et on prouve les théories au sujet de ces phénomènes. Expliquer,
c'est rendre plus compréhensible. Prouver, c'est rendre certain. 2
INTRODUCTION
Alain disait : « on prouve tout ce qu’on veut, et la vraie
difficulté consiste à savoir ce que l’on veut prouver ». La
question est alors peut-on vraiment prouver tout ce que
l’on veut ?
Admettons que ce soit possible, toute preuve ne serait-elle
pas suspecte et vaine ? Si une véritable démonstration est
la démonstration de ce que l’on sait, alors peut-on
démontrer tout ce que l’on sait ? Toute vérité est-elle donc
démontrable ?

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1 È R E PARTIE : L'ART DE CONVAINCRE

La démonstration n’est pas que mathématique, car alors tout pourrait se


démontrer mathématiquement, ce qui serait absurde. Pascal disait : « Le cœur
a son ordre, l’esprit a le sien, qui est par principe et démonstration. Le cœur en
a un autre. On ne prouve pas qu’on doit être aimé en exposant d’ordre les
causes de l’amour ; cela serait ridicule » (fr. 298).

La démonstration peut aussi être rhétorique et relever de l’art de persuader. Le


sophiste Gorgias, dans un dialogue de Platon, prétend vouloir tout démontrer,
lorsqu’il essaie de convaincre Socrate de la puissance de la rhétorique. En
effet, là où un médecin serait impuissant à convaincre ses patients de la
nécessité de prendre des médicaments, la rhétorique y parviendrait.
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Mais l’art de convaincre rencontre parfois des obstacles et n’arrive
pas toujours à son but. Ces obstacles ne sont donc pas insurmontables
et ne constitue donc pas une objection de principe au fait de « tout
démontrer ».
Si nos désirs nous font quelquefois nier l’évidence (la mauvaise foi),
comme peut le faire la volonté par la pratique de la suspension du
jugement (les sceptiques), cette même évidence ne saurait être un
obstacle insurmontable à la démonstration de ce qui pourrait lui
sembler contraire.
La puissance de la rhétorique n’est-elle pas ce qui en fait sa faiblesse ?
Car pouvoir tout démontrer, c'est ne pouvoir rien démontrer en
particulier, et à vouloir trop prouver, le rhéteur ne fait que prouver la
vanité de toute démonstration. 5
Question : Qu'en est-il alors de la démonstration du
vrai ? Et puis ne dit-on pas que la science est la voie
royale pour atteindre la vérité ? Comment se
caractérise la science et qu’elle est la spécificité de la
connaissance scientifique ?

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2ÈME PARTIE : LA CONNAISSANCE
SCIENTIFIQUE
I.- L’OBJET DE LA SCIENCE
La science se distingue-t-elle par la spécificité de l’objet qu’elle étudie ?
Cette hypothèse ne semble pas convaincante, car les objets d’étude de la
science sont aussi des objets de réflexion pour d’autres types d’approches : la
terre est à la fois l’objet d’étude des géologues et objet de cultes religieux ou
d’évocations poétiques ; la vie peut être aussi bien l’objet d’une science
particulière (la biologie) que d’interrogations philosophiques (le sens de la
vie) ; la lumière est étudiée aussi bien par les physiciens (optique) que par les
peintres, etc.
Donc, si l’on cherche à déterminer ce qui est le propre de la connaissance
scientifique, il semble qu’il faille plutôt aller chercher du côté de sa
démarche, de la méthode, ou même de la fonction et des objectifs que vise la
science. 7
Une connaissance qui ne pourrait jamais être réfutée ne relèverait plus de la
science, mais de l’idéologie, comme le montre aussi le philosophe des
sciences Karl Popper, qui faisait de la falsifiabilité (la possibilité qu’une
théorie soit falsifiée – contredite) la marque de la connaissance scientifique,
par opposition aux discours idéologiques, qui ne peuvent jamais être réfutés.
Une hypothèse infalsifiable ne serait donc pas une hypothèse scientifique ;
mais cela veut-il dire qu’elle est fausse ? En tout cas, une théorie
scientifique se définit, selon Popper, comme un ensemble de propositions
qui résistent jusqu’à présent aux tests auxquels on les soumet, mais qui,
en droit, peuvent à tout moment être réfutées, en fonction de l’évolution
des connaissances et des techniques.
Mais il n’en reste pas moins que, selon Popper, toute connaissance
scientifique doit pouvoir espérer se rapprocher d’une description objective de
la réalité.
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II.- LA FONCTION DE LA SCIENCE
Peut-on alors estimer que c’est par ce qu’elle vise, par les objectifs et les
fonctions qu’elle se donne, que se distingue la connaissance scientifique ?
La réponse la plus immédiate serait de dire qu’à la différence des autres
types d’explications ou de discours, la connaissance scientifique cherche la
vérité. La science se singulariserait donc par sa fonction, celle de chercher
la vérité.
Cependant, cette thèse ne va pas de soi et on peut lui objecter deux
arguments : d’une part, les rapports entre science et vérité n’ont rien
d’évident, car il n’est pas du tout certain que LA vérité existe ni que la
connaissance scientifique cherche LA vérité (nous reviendrons plus tard sur
ce point). D’autre part, peut-on vraiment dire que la philosophie, la
mythologie, l’art ou la religion, ne cherchent pas aussi quelque chose
comme la vérité ou une vérité ?
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Il semble que la philosophie se donne aussi pour tâche de découvrir la vérité, par-delà
les opinions ou les préjugés concernant certaines questions. De même, l’art vise aussi
d’une certaine manière la vérité : vérité des émotions ou des sentiments, vérité de la
représentation du monde, vérité de la lumière ou de la couleur. On voit donc que cette
notion de vérité est bien trop complexe et bien trop indéterminée pour que l’on puisse
dire : la connaissance scientifique se démarque de toute autre forme d’explication ou
d’interprétation du monde par le fait qu’elle vise et cherche à atteindre la vérité.
Ce n’est donc pas par sa fonction que se distingue la science, comme l’a d’ailleurs
souligné François Jacob (1965), prix Nobel de médecine, dans son ouvrage Le jeu des
possibles :
« A certains égards, mythes et sciences remplissent une même fonction. Ils fournissent
tous deux à l’esprit humain une certaine représentation du monde et des forces qui
l’animent ». Mythes et sciences seraient ainsi deux manifestations d’une même
exigence, d’une même tendance de l’esprit humain « d’avoir une représentation du
monde qui soit unifiée et cohérente. Faute de quoi apparaissent anxiété et
schizophrénie ». 10
Et l’on peut même aller plus loin, en suivant encore F. Jacob, en disant
qu’à ce jeu-là, le mythe a plus de force que la science, car le mythe, les
récits portant sur l’origine du monde ou l’origine de l’homme, ont plus
d’unité et de cohérence que les explications scientifiques. En effet : « la
science ne vise pas d’emblée à une explication complète et définitive de
l’univers. Elle n’opère que localement. Elle procède par une
expérimentation détaillée sur des phénomènes qu’elle parvient à
circonscrire et à définir. Elle se contente de réponses partielles et
provisoires ».
Non seulement la connaissance scientifique ne se distingue pas des autres
formes de connaissance et d’explication du monde par ses fonctions, mais
encore, à ne conserver que ce critère, on découvre que la science fournit
bien moins d’unité et de cohérence que les discours magiques,
mythologiques ou religieux. 11
La raison est que la science n’offre pas d’explication intégrale du monde, elle ne donne
pas UNE réponse unique à toutes les questions ; la science ne fournit que des réponses
locales et limitées à des problèmes relevant d’un domaine du réel. En un sens, la
connaissance scientifique est moins ambitieuse. Mais, du coup, on parvient, à partir de
cette caractéristique, à mettre en évidence l’une des singularités majeures de la
connaissance scientifique, qui ne se situe pas dans les objets qu’elle étudie ou dans la
fonction qu’elle remplit, mais bien dans la démarche qu’elle propose.
C’est précisément ce que veut signifier Gaston Bachelard, dans La formation de l’esprit
scientifique, lorsqu’il fait de la capacité à « formuler des problèmes » la marque de
l’esprit scientifique. L’esprit scientifique ne se démarque pas de l’esprit religieux ou de
l’esprit mythologique par sa fonction, par les objets qu’il étudie, mais par un type
particulier de démarche. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’esprit scientifique,
ce n’est pas d’abord la capacité à donner des réponses, à apporter des solutions, à être
efficace, mais c’est d’abord une manière de formuler des problèmes. Fournir des
explications cohérentes, donner des réponses satisfaisantes, les religions, les mythes, l’art,
la politique, etc. en sont capables et sans doute même plus capables que les sciences.
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La science ne fait donc pas que connaître le
monde qui l’entoure, mais elle pose aussi des
problèmes qui doivent être résolus. On pourrait
même dire que les problèmes qu’elle formule
sont essentiels dans sa démarche. Quelle est,
donc, la démarche de la science ?

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3 ÈME PARTIE : LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
Si, comme on le voit avec Bachelard, l’esprit scientifique se distingue essentiellement par
sa faculté non à donner des réponses, mais à poser des problèmes, alors c’est qu’il existe
bien quelque chose comme une démarche propre à la connaissance scientifique. On peut
dès lors poser la question : quels sont les critères de la scientificité ? Poser cette question,
ce n’est pas se demander ce qu’est la science, mais s’interroger sur la justification et la
validité du savoir scientifique : à quelles conditions peut-on dire d’une théorie ou d’une
connaissance qu’elle est scientifique ? Il s’agit donc ici de déterminer des critères de
scientificité.
a) Les faits scientifiques
On peut donner comme premier critère scientifique l’injonction suivante : partir des faits
et s’en tenir aux faits. Ainsi, toute approche qui s’écarterait de la stricte observation et
explication des faits serait hors du champ scientifique. La métaphysique, par exemple, qui
traite de questions qui ne sont pas des faits observables (existence de Dieu ; origine de
l’homme ; nature de l’âme, etc.) ne ferait pas partie de la science. C’est la thèse défendue
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« Positif » signifie ici le réel, par opposition au fictif ou au chimérique. Le
positivisme se caractérise par la volonté d’établir des lois invariables à partir
de faits observables et reproductibles. Cette approche a une portée normative,
car elle vise surtout à exclure toutes les disciplines qui traitent de phénomènes
réputés insolubles du champ de la science et à faire de toute science une
science des faits.
Ce critère est extrêmement rigide, car il réduit la démarche scientifique à une
méthode inductive (on part du fait particulier observable pour parvenir à
formuler une théorie générale) et il a tendance à négliger les particularités de
chaque domaine du savoir.
L’idéal scientifique véhiculé par le positivisme est l’idéal d’un champ
scientifique parfaitement homogène (toutes les sciences auraient la même
méthode) structuré autour de la physique. Mais à travers cet attachement aux
faits, l’intention du positivisme est garantir l’objectivité des sciences ; cela
passe par l’évacuation de tout ce qui relève de la sensibilité ou de la perception
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Pour étudier les phénomènes naturels comme des faits objectifs, il faut que le
scientifique lui-même se mette en retrait, se place en position de spectateur. Par
ce stratagème, il espère analyser le « monde réel autour de lui », un monde
prétendument objectif et neutre, dépourvu d’esprit et d’âme, de joie, de beauté et
de tristesse.
C’est cette attitude qui est la marque de l’esprit scientifique tel qu’il s’est
développé en occident depuis la Renaissance. C’est d’ailleurs un énorme
problème, en particulier pour la biologie, comme l’a montré Jacques Monod,
Prix Nobel de médecine, dans Le hasard et la nécessité : la contradiction majeure
de la biologie réside dans le fait qu’elle doit se soumettre à cette exigence
d’objectivité (alors que le scientifique lui-même est un vivant), tout en devant
reconnaître objectivement que les vivants qu’elle étudie possèdent des structures
et des performances qui poursuivent des projets, des buts, des fins (or, on sait
que l’exclusion de l’explication par la finalité est l’une des conditions de
l’objectivité de la science). 16
b) Du donné au construit
Ce seul critère du fait brut observable n’est cependant pas entièrement satisfaisant, car
il semble réduire l’esprit scientifique à la simple opération de collecte ou de recueil des
faits, c’est-à-dire de données auxquelles il ne participe nullement. C’est le nœud de la
réflexion de Claude Bernard. Celui-ci montre qu’un fait brut n’est jamais
scientifique, car il ne signifie rien. La découverte scientifique, c’est l’idée nouvelle et
non le fait. Il faut ainsi distinguer l’observation passive, qui ne peut fonder aucune
connaissance scientifique, de l’expérimentation, qui consiste en l’invention d’un
dispositif guidé par l’intention de poser un problème et de le résoudre.
L’expérimentation est la clé de la démarche scientifique et renvoie toujours et
nécessairement à une intervention volontaire, systématique et contrôlée. La méthode
expérimentale consiste à modifier délibérément les conditions de l’enchaînement des
paramètres pour établir lequel de ces paramètres produit une modification de l’effet.
L’expérimentation est donc une observation active. Sans idée, sans hypothèse qui
guide la réalisation de l’expérience, il n’y a rien à observer ; une hypothèse peut donc
se définir comme l’interprétation anticipée du phénomène à expliquer.
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Une hypothèse est nécessaire à la réalisation d’une expérience.
C’est précisément la thèse que défend Bachelard lorsqu’il affirme
que l’esprit scientifique doit construire son objet ; que celui-ci n’a
rien de donné. Toute connaissance nécessite l’intervention de
l’esprit qui connaît. Les phénomènes naturels deviennent objets de
connaissance lorsqu’ils sont constitués par une subjectivité, en tant
qu’objets. C’est déjà ce qu’avaient démontré les philosophes
partisans des « idées innées » (comme Descartes).
Descartes distingue trois types d’idées : les idées adventices, les
idées factices et les idées innées. Les idées adventices sont celles
qui se forment à partir du contact de l’esprit avec les objets
extérieurs. Ce sont des idées engendrées par des objets étrangers au
contact de l’esprit. Par exemple l’idée du soleil que l’on voit, la
chaleur que l’on ressent, etc.
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Les idées factices sont des idées conçues par l’esprit à partir de la composition
d’autres idées plus simples. Elles sont liées à l’imagination. L’idée de sirène, par
exemple, est la combinaison des idées de « tête et torse de femme » avec celle de «
corps de poisson ». Descartes différencie les idées innées des idées adventices et
des idées factices. Les idées innées appartiennent à l’être humain dès sa naissance.
Elles sont, par conséquent, indépendantes de son rapport avec le monde : elles ne
dépendent pas de notre expérience. Autrement dit, leur contenu n’est pas lié au
contenu informatif que nous obtenons par notre relation avec le monde.
Ainsi, pour Descartes, si on se contente d’observer passivement le comportement
de la cire, on ne saura jamais ce qu’est la cire, puisque celle-ci sera différente
selon qu’on la chauffe ou qu’on la refroidit. Comment établir l’identité de la cire ?
Cela nécessite « l’inspection de l’esprit », c’est-à-dire la constitution de catégories
chimiques ou physiques qui sont purement « artificielles », quand bien même
elles décrivent le comportement de choses naturelles (résistance, viscosité, gravité,
perméabilité, force de frottement = concepts-clé en mécanique des fluides). 19
RAPPEL : HYPOTHÈSE, THÉORIE ET EXPÉRIENCE

Une théorie peut se définir comme un ensemble d’énoncés actuellement


formulés ou potentiellement formulables. Une théorie n’est pas un résumé de
résultats, ni même une synthèse de généralisations empiriques (une théorie
n’est pas obtenue par induction). Une théorie est un discours qui tente de
reconstituer le fonctionnement d’ensemble d’un secteur de la réalité.
Une hypothèse constitue une proposition de réponse à un problème posé.
Le plus souvent, l’hypothèse formule, sous la forme d’un énoncé conditionnel,
une ou des virtualités concernant des faits significatifs.
Une théorie peut se définir comme un langage formel, un cadre, qu’il faudra
par la suite confronter aux données de l’expérience. Si une théorie est un
langage, ou plutôt une logique, alors certaines propositions vaudront comme
des axiomes (principes premiers) et les autres propositions seront logiquement
déduites de ces axiomes initiaux.
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Exemple : Newton, dans les Principes mathématiques de philosophie
naturelle (1686), commence par délimiter le cadre de description des
phénomènes, sous la forme de descriptions liminaires. Il s’agit ainsi
d’énoncer les principes généraux (les axiomes) concernant les lois du
mouvement.
Ceux-ci sont au nombre de trois :
 le principe d’inertie
 la proportionnalité de la force imprimée au changement du mouvement
 l’égalité de l’action et de la réaction
Ces principes théoriques généraux sont associés et confrontés aux données
empiriques, à savoir la régularité de rotation du mouvement des planètes.
Remarquons d’ailleurs que ces données empiriques n’existent pas
nécessairement dans la nature ; il peut être indispensable de le recréer à
partir de calculs.
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Pour résumer, une théorie peut se comprendre, dans l’absolu, comme un
système axiomatique formé d’énoncés synthétiques universels ; ce système
serait tel qu’il devrait fournir une explication causale des faits exprimés par
la théorie.
Un événement sera expliqué s’il est déductible d’une loi universelle à
laquelle on adjoint certaines conditions de départ. Mais tout cela reste
excessivement « théorique » et il ne suffit pas de dire qu’un phénomène est
expliqué lorsqu’il est déduit d’une loi universelle.
La connaissance scientifique ne peut être absolue, puisque les mentalités
évoluent, les connaissances progressent, se précisent et s’affinent, les
domaines scientifiques bougent. On ne peut pas dire que la science grecque
était tout simplement fausse. Cette science grecque correspondait en effet
aux critères de scientificité et de véracité de l’époque. A l’époque, en
fonction des critères et en regard de l’état des connaissances, la science
aristotélicienne de la nature pouvait être dite vraie. 22
DERNIER POINT : LE PROBLÈME DE LA
VÉRITÉ
On dit souvent que ce qui distingue la connaissance scientifique de l’opinion
commune, de la foi religieuse, de la démarche artistique, etc., c’est la recherche
de la vérité. Mais ne faut-il pas d’abord distinguer la recherche de la vérité, qui
semble à l’évidence guider toute démarche scientifique, de la prétention à
posséder LA vérité ? Si l’esprit scientifique s’oppose à l’opinion, comme le dit
Bachelard, n’est-ce pas précisément parce qu’elle ne prétend pas posséder une
vérité ultime et définitive ?
Un scientifique dirait-il « j’ai découvert la vérité » ? L’esprit scientifique ne se
caractérise-t-il pas, au contraire, par sa méfiance à l’égard de la vérité ? Le
discours scientifique ne dirait-il pas plutôt : « en fonction des connaissances dont
nous disposons à l’heure actuelle et au vu des analyses effectuées, l’hypothèse la
plus raisonnable et la plus probable pour expliquer tel phénomène est… » ? Cela
nous renvoie à la thèse de Bachelard selon laquelle la connaissance scientifique
n’est qu’une connaissance approchant la vérité ; une connaissance scientifique
n’est qu’une erreur en sursis. 23
CONCLUSION
Si donc la démonstration rhétorique aussi bien que la
démonstration scientifique ont des limites indépassables
et qui sont propres à chacune, et si la connaissance
scientifique n’atteint pas la vérité absolue, mais tente
d’être, à sa manière, objective, alors il semble clair qu’on
ne peut pas tout démontrer, et que, même en science, la
démonstration reste limitée, essentiellement par le fait
qu’elle est composé d’hypothèses (d’axiomes) pour
tenter d’expliquer les phénomènes qu’elle étudie.
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