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Note : Observation :
C’est donc parce que l’homme est conscient qu’il peut se détacher du
monde, et se donner comme objet. C’est la conscience commune qui
perçoit des « objets » (l 1). De plus, on peut aussi définir une science par
son objet et sa méthode, mais ce qui fait la science en tant que telle,
avant même l’objet, c’est la méthode. Ce qui fait la valeur d’un savoir, ce
n’est pas ce qu’on sait mais comment on le sait.
Dans ce passage, Bachelard oppose l’évidence première et la
vérité fondamentale. L’évidence, loin d’être un chemin d’accès, la
première étape du savoir constituerait au contraire sa négation. On peut
donc déjà supposer que la « vérité fondamentale » (l 6) implique une
élimination de ce qui pourtant se présente comme « premier » (l 1). La
vérité, quoique fondamentale, devra s’imposer à ce qui semble toujours
inattaquable, parce qu’elle « saute aux yeux » : l’évidence. Ce qui « saute
aux yeux » n’est donc que la vérité fondamentale. Il n’y a qu’une
méthode, celle de « l’objectivité scientifique » (l 6-7).
Mais qu’est-ce qui empêche de parvenir à cet objectif ?
Percevoir des objets, c’est percevoir les objets à distance, mais
c’est forcément y mêler beaucoup de subjectivité aussi bien individuelle
que spécifique. Je ne perçois qu’au travers de mon vécu, de mes affects et
fondamentalement que relativement à mon point de vue. Au fond,
l’objectivité scientifique implique la disparition du point de vue,
forcément partiel et partial. Cette objectivité veut donc la complète
élimination du sujet dans l’objet ; il faut, pour parvenir à l’objectivité
scientifique, non pas tant s’interroger sur l’objet que sur le sujet, voir
comment il peut s’introduire furtivement dans nos observations. En fait, il
faut dans le sujet connaissant, éliminer la part rationnelle, émotive,
affective, imaginaire, considérée comme parasite et perturbatrice. Ce
sera alors elle qui deviendra la source de l’objectivité et de ses normes.
Ainsi, il faut adopter une attitude radicale. Il faut « rompre » (l 7),
« refuser » (l 7), « arrêter et contredire » (l 8) et non négocier ou faire des
compromis avec celle-ci. La preuve de l’efficacité, c’est que l’objectivité
« vérifiée » (l 9) « dément » (l 9) ou réfute l’expérience primitive avec
l’objet. Dès lors, n’y a pas entre l’évidence ou l’expérience première une
différence de degré, mais une différence de nature. L’évidence n’est pas
qu’un savoir élémentaire mais confus : c’est un préjugé et donc un
obstacle au savoir. Avoir des préjugés, c’est ne pas savoir, certes, mais
c’est surtout ne pas savoir qu’on ne sait pas, et donc croire que l’on sait. Il
n’y a pas plus grand obstacle aux savoir. Il faut alors vaincre le préjugé
avant d’espérer s’instruire. On peut alors comprendre pourquoi
Bachelard insiste sur le commencement de la science. Ce n’est pas
l’éminence de l’objet qui fait la science mais la méthode. Autrement dit,
c’est le sujet connaissant qui est la source de l’objectivité réclamée, et
c’est au prix d’un travail sur soi que le scientifique peut espérer ce
Soa VENNAT