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Soa VENNAT

Mardi 7 Mars 2023


Philosophie

Note : Observation :

L’objectivité est la qualité de ce qui est conforme à la réalité, d’un


jugement qui décrit les faits avec exactitude. Elle peut caractériser, un
objet en tant qu’objet, la connaissance ou la représentation d’un objet,
ou encore le sujet de cette connaissance ou de cette représentation. Mais
suffit-il que nous parlions d’un objet pour nous croire objectif ? L’auteur
aborde la question de la science, il expose ce qui fait l’objectivité
scientifique et au prix de quel effort mental elle s’obtient. On pourra dire
que la méthode scientifique ne s’applique pas à n’importe quel objet et
notamment à l’homme.
Le problème est donc de se demander s’il serait fondamental d’associer la
science et la poésie pour devenir objectif ?
C’est justement ce problème que Gaston Bachelard, dans un passage de
l’avant-propos de son œuvre « Psychanalyse du feu » (1938) aborde ; et à
ce problème, il répond en soutenant que « les axes de la science sont
d’abord inverses » mais que si l’on devait associer objectivité scientifique
et poétique, cela permettrait de former des convictions dont l’apparence
est le savoir.
Dans un premier temps, nous pourrons exposer les conditions nécessaires
pour parvenir à l’objectivité scientifique. Dans un second temps, nous
dégagerons les limites de cette objectivité. Enfin, dans un troisième
temps, nous montrerons que la science peut déterminer ses limites et
faire une place à la poésie.

Au premier abord, nous serions tentés de dire que l’objectivité


scientifique n’est pas donnée ou innée. Elle est le résultat d’un travail du
sujet connaissant, qui doit faire disparaitre tout ce qu’il pourrait mettre
de lui dans l’objet. Paradoxalement, s’interroger sur l’objectivité
scientifique impose une réflexion sur le sujet connaissant. La science est
d’abord un esprit scientifique.
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C’est donc parce que l’homme est conscient qu’il peut se détacher du
monde, et se donner comme objet. C’est la conscience commune qui
perçoit des « objets » (l 1). De plus, on peut aussi définir une science par
son objet et sa méthode, mais ce qui fait la science en tant que telle,
avant même l’objet, c’est la méthode. Ce qui fait la valeur d’un savoir, ce
n’est pas ce qu’on sait mais comment on le sait.
Dans ce passage, Bachelard oppose l’évidence première et la
vérité fondamentale. L’évidence, loin d’être un chemin d’accès, la
première étape du savoir constituerait au contraire sa négation. On peut
donc déjà supposer que la « vérité fondamentale » (l 6) implique une
élimination de ce qui pourtant se présente comme « premier » (l 1). La
vérité, quoique fondamentale, devra s’imposer à ce qui semble toujours
inattaquable, parce qu’elle « saute aux yeux » : l’évidence. Ce qui « saute
aux yeux » n’est donc que la vérité fondamentale. Il n’y a qu’une
méthode, celle de « l’objectivité scientifique » (l 6-7).
Mais qu’est-ce qui empêche de parvenir à cet objectif ?
Percevoir des objets, c’est percevoir les objets à distance, mais
c’est forcément y mêler beaucoup de subjectivité aussi bien individuelle
que spécifique. Je ne perçois qu’au travers de mon vécu, de mes affects et
fondamentalement que relativement à mon point de vue. Au fond,
l’objectivité scientifique implique la disparition du point de vue,
forcément partiel et partial. Cette objectivité veut donc la complète
élimination du sujet dans l’objet ; il faut, pour parvenir à l’objectivité
scientifique, non pas tant s’interroger sur l’objet que sur le sujet, voir
comment il peut s’introduire furtivement dans nos observations. En fait, il
faut dans le sujet connaissant, éliminer la part rationnelle, émotive,
affective, imaginaire, considérée comme parasite et perturbatrice. Ce
sera alors elle qui deviendra la source de l’objectivité et de ses normes.
Ainsi, il faut adopter une attitude radicale. Il faut « rompre » (l 7),
« refuser » (l 7), « arrêter et contredire » (l 8) et non négocier ou faire des
compromis avec celle-ci. La preuve de l’efficacité, c’est que l’objectivité
« vérifiée » (l 9) « dément » (l 9) ou réfute l’expérience primitive avec
l’objet. Dès lors, n’y a pas entre l’évidence ou l’expérience première une
différence de degré, mais une différence de nature. L’évidence n’est pas
qu’un savoir élémentaire mais confus : c’est un préjugé et donc un
obstacle au savoir. Avoir des préjugés, c’est ne pas savoir, certes, mais
c’est surtout ne pas savoir qu’on ne sait pas, et donc croire que l’on sait. Il
n’y a pas plus grand obstacle aux savoir. Il faut alors vaincre le préjugé
avant d’espérer s’instruire. On peut alors comprendre pourquoi
Bachelard insiste sur le commencement de la science. Ce n’est pas
l’éminence de l’objet qui fait la science mais la méthode. Autrement dit,
c’est le sujet connaissant qui est la source de l’objectivité réclamée, et
c’est au prix d’un travail sur soi que le scientifique peut espérer ce
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qu’inconsciemment il projette sur l’objet. Si d’abord, il faut être méfiant,


c’est que le piège de l’évidence est premier.

De plus, Bachelard va insister sur les limites à assigner à


l’objectivité scientifique, à cette méthode. Pour lui, les hommes ne sont
pas des « objets » comme les autres. Ce sont des « égaux » (l 14),
autrement dit des êtres qui sont jugés qualitativement, du point de vue
de leur valeur et non analysés quantitativement. Si ce sont mes « frères »
(l 14), cela signifie qu’avec eux, je ne peux pas avoir la distance de
l’objectivité scientifique : j’ai d’emblé avec eux, un rapport moral et un
rapport de solidarité. Je suis unie à eux. C’est le sens du mot
« sympathie » (l 14). La sympathie, c’est le fait de souffrir avec. Cela sera
alors la méthode qui permettra de les connaitre ou de les reconnaitre
comme mes frères. Si le scientifique est seul au monde, l’homme, en tant
que tel, pris dans la globalité, est relié et ne peut faire abstraction de ses
affects. Bachelard dit même qu’il ne le doit pas. C’est donc une question
de méthode. Et si la méthode est valable, c’est parce qu’elle d’adresse à
« un monde inerte » (l 15), qui n’a pas de ressenti intérieur. Prétendre
que la méthode s’applique aux hommes serait forcer le scientifique à se
détacher de la communauté des hommes et à les traiter avec une
« vigilance malveillante » (l 12-13) que Bachelard semble ne pas
envisager.

Enfin, Bachelard à recourt à un concept de philosophie. Pour ce


dernier, réfléchir aux principes qui dirigent une science, c’est faire de
l’épistémologie (théorie de la connaissance), mais dégager les limites de
l’investigation scientifique en distinguant ce qui relève de la science et ce
qui n’en relève pas, c’est plutôt faire œuvre de philosophie.
A l’exemple de Kant qui fait une place à la foi dans sa thèse, Bachelard,
lui, « espère » rendre compatible la science et la poésie. Le concept de
poésie ne désigne pas ici seulement un genre littéraire qui consiste à
écrire en vers, mais une véritable « méthode »(l 14 ) ; celle qui consiste
non pas à interroger mais à s’émerveiller, à se sentir relié au monde, aux
autres, à trouver notre place dans le monde. La poésie est donc une
méthode « sympathique »(l 14), à la fois contemplative et bienveillante
qui fait la part de la subjectivité humaine, aussi bien aux émotions, qu’aux
valeurs du beau et du bien, au sens, totalement étrangers à l’objectivité
scientifique. Si l’épistémologue la refuse, le philosophe la recommande
quand il est question de l’homme. Mais Bachelard pourtant, exprime un
doute : le philosophe ne fait qu’« espérer »(l 17) parvenir à la
complémentarité.
Soa VENNAT

En somme, penser scientifiquement n’empêche pas de rêver


poétiquement, à condition de bien distinguer ces deux attitudes. Mais
cette distinction n’a de réalité qu’en théorie. Dans la vie quotidienne,
Gaston Bachelard souligne que l’esprit ne fait jamais la part des choses.
Nos rêves et nos pensées déteignent les uns sur les autres sans que nous
en prenions conscience. La rêverie poétique contamine l’esprit
scientifique et l’empêche de suivre une logique purement rationnelle.
Seul un travail d’épuration de l’intellect peut alors libérer la raison de
l’imaginaire. C’est ce que Bachelard appelle « la psychanalyse de la
connaissance objective ».

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