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Suffit-il d'observer pour connaître ?

(L, juin 2017)

Énoncé
Suffit-il d'observer pour connaître ?

Comprendre le sujet
Il importe pour traiter ce sujet d'être très attentif à sa formulation. L'expression « suffit-il » invite à s'interroger sur le
caractère exclusif, ou non, de l'observation dans la connaissance. Cette question repose sur l'idée de condition
nécessaire et suffisante, ou non-suffisante.
Le sujet ne remet pas en question la nécessité de l'observation dans la connaissance, mais le fait qu'elle en soit la
seule et unique condition. L'observation est-elle une condition suffisante pour parvenir à la connaissance, ou, bien que
nécessaire, doit-elle être complétée par d'autres conditions tout aussi indispensables ? Si c'est le cas, il convient alors
de préciser la nature de ces conditions. Il est également impératif de bien définir les termes d'« observation » et de
« connaissance ».

Mobiliser ses connaissances


Notions et distinctions utiles
Dans la partie du programme regroupée sous le couple de notions « la raison et le réel », se référer principalement au
couple « théorie et expérience ».

Repères du programme
Abstrait/ concret ; analyse/ synthèse ; cause/ fin, contingent/ nécessaire/ possible ; expliquer/ comprendre ; intuitif/
discursif ; objectif/ subjectif.

Œuvres pouvant servir de référence


– Platon, « L'allégorie de la caverne » dans La République.
– Aristote, Physique.
– Descartes, Le Discours de la méthode, Méditations métaphysiques.
– Kant, Critique de la raison pure.
– Gaston Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique.
– Claude Bernard, Introduction à la médecine expérimentale.
– Carl Hempel, Éléments d'épistémologie.

Procéder par étapes


Problématiser
L'observation renvoie à une perception des choses à la fois précise et rigoureuse et s'avère être indéniablement un
prérequis indispensable à la connaissance scientifique. Ainsi, le biologiste observera les organismes qu'il étudie afin
de pouvoir mieux cerner leurs fonctions et la manière dont elles sont accomplies. Néanmoins, cette observation n'est
pas toujours neutre, elle n'est jamais innocente. Elle est toujours déterminée par un certain type de questionnement
qui n'est jamais le fruit du hasard. D'autre part, la connaissance, et principalement la connaissance scientifique, ne se
contente pas de décrire des phénomènes et ne se limite pas à des comptes rendus d'observation. Connaître, n'est-ce
pas aller au-delà de l'observation pour mieux identifier les causes des phénomènes, afin d'aboutir à une véritable
explication ?

Élaborer un plan détaillé du développement


Dans un premier temps, on commencera par définir l'observation en précisant à quel type de connaissance elle permet
d'aboutir. Dans un second temps, on soulignera les insuffisances d'une connaissance qui ne s'appuierait que sur
l'observation pour montrer, dans un troisième moment du développement, en quoi l'observation est nécessaire, mais
non suffisante, pour accéder à une véritable connaissance, dans la mesure où cette observation est toujours orientée
en fonction d'autres éléments qu'elle-même.

Corrigé
Introduction
Dans la mesure où l'observation nous permet de percevoir les choses dans le détail avec précision et rigueur,
nous sommes tentés de penser qu'elle suffit pour parvenir à une connaissance objective de la réalité.
Néanmoins, se limiter à l'observation, n'est-ce pas prendre le risque de réduire la connaissance à une simple
description des apparences, en oubliant que la véritable connaissance résulte d'une découverte, c'est-à-dire
d'une démarche consistant à déceler, certes à partir de l'expérience sensible, ce qui ne se manifeste pas à
l'intuition sensible. Ainsi, j'aurai beau observer aussi rigoureusement qu'il est possible la chute d'un corps, et
renouveler cette observation une multiplicité de fois, je n'y verrai jamais la force d'attraction qui en explique la
trajectoire. Par conséquent, lorsque Newton découvrit la théorie de la gravitation, il semblerait qu'il ne se soit
pas contenté d'observer le mouvement des corps dans l'espace, mais qu'il ait également procédé à d'autres
opérations pour parvenir à élaborer une véritable connaissance. Par conséquent, si l'observation est
nécessaire, elle ne semble pas suffire pour connaître véritablement. Peut-être même risque-t-elle de nous
induire en erreur, si elle n'est pas méthodiquement orientée par d'autres opérations qui font appel à des
éléments supplémentaires, différents de ceux issus de l'expérience sensible ?

I. L'observation peut-elle produire une connaissance ?


1. Qu'est-ce qu'observer ?
L'observation apparaît comme étant à la base de la démarche scientifique, qui permet d'aboutir à une connaissance
objective des phénomènes. Par « observation », il ne faut pas simplement entendre une perception spontanée et sans
règle des choses. L'observation relève d'un travail rigoureux, d'un examen précis de l'objet que l'on étudie.
L'observation nécessite que l'objet soit décrit dans tous ses aspects, elle demande du temps, car elle porte également
sur les changements que peut subir ou opérer ce que l'on étudie. Ainsi faut-il procéder à l'inspection détaillée de toutes
les étapes d'un processus, qu'il soit physique, chimique, biologique ou même humain. L'observation joue aussi bien
son rôle dans les découvertes qui peuvent être réalisées dans les sciences de la nature que dans les études relevant
des sciences humaines. Ainsi, lorsque le médecin et physiologiste Claude Bernard découvre la fonction glycogénique
du foie, c'est après avoir observé à plusieurs reprises, et après les avoir lavés, des foies de chien afin de montrer qu'ils
produisent du sucre grâce à une substance qu'ils contiennent, substance qu'il isolera ensuite et qu'il nommera
glycogène. Dans le domaine des sciences humaines et plus précisément de la psychologie, Jean Piaget – il relate
cette étude dans son livre La Naissance de l'intelligence chez l'enfant – va observer méticuleusement pendant une
vingtaine de jours la manière dont le nourrisson tète le sein maternel afin de montrer que la succion, qui est
initialement un acte réflexe, devient progressivement une conduite intentionnelle et adaptée.
Deux questions se posent néanmoins relativement à l'observation. D'une part, ne risque-t-elle pas, si on lui accorde
une trop grande importance, de nous conduire à nous laisser abuser par les apparences ? D'autre part, est-elle, à elle
seule, source de connaissance, et surtout est-elle neutre ? La manière dont elle est réglée dans les sciences ne
suppose-t-elle pas une démarche intellectuelle qui la précède ?

2. La méfiance relativement à l'intuition sensible


Tout un pan de la pensée occidentale a nourri envers l'expérience sensible, et par conséquent à l'égard de son
observation et de la volonté d'en tirer une science, une certaine méfiance. Ainsi, la philosophie platonicienne s'est
constituée autour de l'idée selon laquelle le sensible ne peut être compris par lui-même et pour lui-même. Son
intelligibilité ne peut résulter que de la compréhension du lien de participation qui l'unit au monde des idées. Ainsi, je
ne sais vraiment ce qu'est un arbre que lorsque je suis en mesure de contempler l'idée d'arbre, dont les arbres
particuliers ne sont que de pâles reflets. J'aurai donc beau observer aussi scrupuleusement et minutieusement qu'il est
possible n'importe quelle chose sensible, je ne la connaîtrai pas pour autant. Je ne connaîtrai que des réalités
imparfaites et périssables. Je serai comparable à ces prisonniers décrits dans l'allégorie de la caverne qui sont très
habiles pour observer les ombres projetées sur la paroi de la cavité à l'intérieur de laquelle ils sont enchaînés, mais
qui prennent ces ombres pour la réalité et sont incapables d'en percevoir la véritable origine. On ne peut donc pas
considérer que, pour Platon, il suffit d'observer pour connaître ; bien au contraire, l'observation du sensible peut être
une source d'erreur. À l'observation qui consiste à porter le regard vers ce qui est sous nos yeux et à l'étudier et
l'analyser en détail, Platon préférera la contemplation – theoria en grec –, qui consiste en une élévation vers les
formes intelligibles perceptibles par l'esprit. Contre cette disqualification de l'observation et du sensible qui s'accomplit
au prix d'une séparation du réel, Aristote défendra un retour à l'expérience sensible afin de monter en quoi
l'observation peut être source de connaissance.
3. La connaissance empirique et ses limites
« Sauver les phénomènes » ou « sauver les apparences ». Cette formule est généralement attribuée à Aristote pour
rendre compte du retour qu'il opère vers le monde sensible, afin de cerner la part d'intelligible qu'il contient. Certes, le
sensible n'est pas totalement intelligible, pour Aristote, dans la mesure où ce dernier est constitué de réalités
singulières, toutes différentes les unes des autres, ce qui signifie qu'il existe une part de contingence dans le monde.
Or il ne peut y avoir de science que du général. Le but de l'observation est alors de saisir quelles sont les formes qui
déterminent la matière en toute substance, chaque individu étant un composé indissociable de matière et de forme.
Aristote ne sépare donc pas les formes et la réalité sensible, ces dernières ne sont plus transcendantes – elles
n'existent pas en un autre lieu que le monde sensible –, mais immanentes – elles sont présentes en chaque chose et
déterminent son identité. Néanmoins, l'observation, telle qu'Aristote la pratique, reste insuffisante dans la mesure où
elle ne fait que rendre compte des effets que produit l'objet étudié sur le sujet connaissant. C'est pourquoi la physique
d'Aristote consistera en grande partie en une physique de la qualité et non de la quantité. Il faudra attendre la
révolution scientifique galiléenne pour que l'observation donne lieu à la mesure et à la mathématisation de la nature.

II. La démarche expérimentale


1. En quoi l'observation n'est jamais neutre ?
Selon Galilée, « le livre de la nature est écrit en langage mathématique » ; par là le grand physicien italien affirme que
les rapports entre les faits que l'on peut observer dans la nature peuvent être mesurés, quantifiés et exprimés par des
nombres et des formules mathématiques. Ainsi, au lieu de parler de chaud ou de froid, comme le faisaient les anciens,
la physique moderne utilisera la notion de température. L'observation dans la science moderne sera donc déterminée
par une certaine conception de la nature et guidée par le souci de la mesure. D'autre part, l'observation scientifique ne
se fait jamais sans raison, elle n'est jamais totalement sans a priori. Elle est toujours orientée par un questionnement,
celui de l'esprit confronté à un fait qui l'interroge et remet en question les explications qu'il considérait comme admises
ou allant de soi. Comme le souligne Gaston Bachelard, « ce n'est jamais la première observation qui est la bonne.
L'observation scientifique est toujours une observation polémique, elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un
schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle
transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas ».
Il ne suffit donc pas d'observer naïvement pour connaître, il faut observer avec en tête le souci de remettre en question
une théorie antérieure ou de vérifier une nouvelle hypothèse. Lorsque Torricelli découvre la pression atmosphérique,
c'est à la suite de l'observation d'un fait inexplicable jusque-là et concernant l'impossibilité de faire monter de l'eau
dans une pompe au-delà de 10,33 m.

2. Observation et imagination
Pour parvenir à sa découverte, Torricelli ne s'est pas contenté d'observer le phénomène, il a aussi dû élaborer une
hypothèse pour parvenir à lui trouver une explication. Élaborer une hypothèse, cela signifie principalement envisager
une explication possible du phénomène, c'est-à-dire imaginer les causes de celui-ci. Autrement dit, se représenter ce
que l'observation immédiate ne fournit pas directement. De même que Newton n'a pas observé directement les lois de
la gravitation, mais leurs effets en voyant des corps en chute libre, Torricelli n'a pas observé directement la pression
atmosphérique lorsqu'il a étudié le fonctionnement des pompes qu'utilisait le fontainier de Florence pour puiser l'eau
de l'Arno. Il a fallu qu'il imagine une solution possible au problème qu'il devait résoudre, c'est-à-dire une explication
dont la réalité est envisageable sans contradiction. Néanmoins, comme le possible n'est pas le réel, il va falloir ensuite
faire appel à la raison scientifique pour mettre en œuvre tout un protocole de vérification afin d'observer si la réalité est
en accord avec l'hypothèse.

3. Observation et raison
On peut donc considérer qu'entre l'observation initiale, qui est le plus souvent suggérée par un « fait polémique »
– c'est-à-dire par un fait qui pose un problème parce qu'il entre en contradiction avec l'explication admise jusque-là –,
et l'observation finale, qui permet de vérifier la validité d'une hypothèse, il y a tout un travail théorique de la raison qui
reconstruit son objet d'étude afin de saisir ce que l'observation ne perçoit pas immédiatement. Ainsi, pour reprendre
l'exemple de Torricelli, ce dernier va modifier certains paramètres, puis, après avoir prévu à l'aide de son hypothèse les
effets que ces modifications pourraient entraîner, il va vérifier si les résultats de ses calculs prédictifs coïncident avec
ce qu'il observe effectivement après avoir procédé à ces changements. Il va donc reproduire le phénomène qu'il étudie
en remplaçant l'eau par du mercure, qui offre une résistance plus grande à la pression atmosphérique – il va d'ailleurs
inventer ainsi le baromètre –, après avoir calculé à partir de son hypothèse la hauteur à laquelle il devrait s'élever.
C'est ensuite, en constatant que la valeur qu'il observe dans l'expérience est la même que celle qu'il prévoyait par ses
calculs théoriques, qu'il vérifiera sa théorie. Par conséquent, il ne suffit pas d'observer pour connaître. L'observation
est nécessaire à la connaissance, mais il faut également qu'entre l'observation première et l'observation qui suit
l'expérimentation se mette en place tout un travail de construction théorique. Ce qui fera dire à Gaston Bachelard que
toute expérimentation scientifique est une « théorie matérialisée ».
La manière dont se construit une théorie scientifique va donc dans le sens de la thèse kantienne selon laquelle « si
toute connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience ».

III. La révolution copernicienne


1. L'objet est construit par l'esprit
Dans la Critique de la raison pure, Kant va s'interroger sur les problèmes que posent le rationalisme et l'empirisme
dans la recherche des conditions de possibilité de la connaissance. Alors que la métaphysique repose sur un
rationalisme dogmatique qui la transforme en un véritable « champ de bataille » sur lequel s'affrontent des théories
apparemment tout aussi cohérentes les unes que les autres, parce que sans lien avec l'expérience sensible,
l'empirisme va prétendre quant à lui que toute connaissance provient de l'expérience et donc, en un certain sens, que
l'observation est au fondement même de toute connaissance. C'est l'empirisme du philosophe anglais David Hume qui
va conduire Kant à développer ses interrogations ; il dira d'ailleurs de ce grand penseur qu'il l'a « réveillé de son
sommeil dogmatique ». Mais si l'empirisme permet de sortir d'un rationalisme qui ne se remet pas en question, il ne
résout pas pour autant tous les problèmes. En effet, selon Hume, les lois de causalité qui constituent la connaissance
scientifique résultent de l'habitude que nous avons de voir se produire régulièrement des faits identiques. Ainsi, parce
que j'ai pris l'habitude d'observer un phénomène d'ébullition à chaque fois que j'élève la température de l'eau à plus de
100 °C, j'en conclus que l'eau bout à 100 °C. Néanmoins, cette manière de concevoir la connaissance n'explique pas
pourquoi j'ai tendance à penser que l'eau bout nécessairement à 100 °C, car, en toute logique, il n'est pas légitime de
dégager une règle générale d'une multiplicité de cas particuliers, aussi nombreux soient-ils. Selon Kant, ce caractère
de nécessité des lois scientifiques ne peut venir de l'expérience, mais vient du sujet connaissant qui applique à
l'expérience ses propres catégories. Autrement dit, ce n'est pas l'objet et son observation naïve qui déterminent la
connaissance, mais notre faculté de connaître qui construit son objet en faisant en sorte qu'il se règle sur elle. C'est en
ce sens que Kant va procéder à une véritable révolution dans la conception du rapport entre sujet et objet dans la
connaissance, révolution qu'il va comparer à celle que Copernic a effectuée en modifiant notre représentation de la
position des astres dans le système solaire.

2. La connaissance est un mixte entre observation de l'expérience et construction intellectuelle


La révolution copernicienne opérée par Kant consiste donc à modifier notre rapport aux objets dans le processus de
connaissance : de même que nous ne devons plus regarder les astres comme tournant autour de notre planète qui en
serait le centre, nous ne devons plus observer les objets que nous désirons connaître comme si notre esprit pouvait se
régler sur eux, mais comprendre que ces objets sont le fruit d'une construction spontanée de nos facultés de
connaissance. Ainsi, même l'expérience sensible – ce que nous percevons, et donc ce que nous pouvons observer –,
est une construction puisque, comme l'explique Kant dans la partie de la Critique de la raison pure intitulée
« l'esthétique transcendantale », elle consiste en une organisation de nos perceptions selon les formes a priori de
l'intuition que sont l'espace et le temps. La connaissance atteint ensuite un degré d'unification et de généralisation
supérieur par l'application aux phénomènes observés de catégories, qui sont des concepts purs, permettant d'unifier la
diversité de nos impressions sensibles. C'est le cas, par exemple, de concepts comme la causalité ou la nécessité
auxquels nous nous sommes référés plus haut.

3. Seuls les phénomènes peuvent être connus


Cette conception de la connaissance aboutit à en limiter l'extension, dans la mesure où Kant en conclut que nous ne
pouvons connaître les choses telles qu'elles sont indépendamment de nos facultés de connaissance, ce qu'il désigne
par l'expression « chose en soi ». Cette connaissance de la chose en soi est celle que vise à atteindre la
métaphysique qui, parce qu'elle veut aller au-delà de l'expérience, ne peut être une science. Nous ne pouvons
connaître que les phénomènes, c'est-à-dire les choses pour nous, telles que nous pouvons les percevoir, les observer
et les concevoir au travers de nos facultés de connaissance.
Ces phénomènes, nous les observons, mais cette observation n'est jamais neutre, elle n'est pas non plus passive, elle
est le fruit de l'activité de l'esprit qui structure nos impressions sensibles. L'expérience sensible serait, comme l'écrit
Kant, « rhapsodique », décousue et désordonnée, si nous n'étions pas en mesure de la construire, c'est-à-dire de
créer les conditions d'une observation susceptible de participer à l'édification d'une connaissance véritable.

Conclusion
L'observation est donc une étape indispensable et nécessaire à toute connaissance. Néanmoins, si elle est une
condition nécessaire à la connaissance, elle n'est pas une condition suffisante. La connaissance n'est pas une simple
description des faits, elle consiste justement à découvrir ce que l'observation immédiate ne révèle pas. Il faut donc,
pour que l'observation soit féconde, qu'elle soit guidée par tout un travail d'élaboration théorique, comme cela apparaît
dans les différentes étapes de la démarche expérimentale théorisée, entre autres, par Claude Bernard. Celle-ci,
certes, commence avec l'observation, mais passe également par la formulation d'un problème, l'élaboration d'une
hypothèse, la mise en place d'un protocole expérimental, l'interprétation des résultats de l'expérience scientifique à
partir de calculs et de prévisions préalables, pour enfin aboutir à une conclusion invalidant l'hypothèse ou lui apportant,
au contraire, des éléments de confirmation. L'observation n'est donc pas la seule source de connaissance, il faut
nécessairement qu'elle s'accompagne d'un travail méthodique de la pensée pour parvenir à une connaissance digne
de ce nom. Le recours naïf à l'observation immédiate ne peut que produire des opinions ; or, comme l'écrit Gaston
Bachelard, « l'opinion ne pense pas ». La connaissance ne peut résulter que d'une remise en question des prénotions
et des préjugés qui se constituent inconsciemment dans l'esprit humain lorsqu'il accorde une trop grande confiance à
l'observation première. Cette remise en question autorise ensuite une observation plus méthodique, une observation
guidée par l'entendement qui permet d'accéder à une connaissance véritable.

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