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Alciati Carla

“L’idée de progrès est liée à la croyance que nous nous rapprochons du bien absolu, ce qui
permet à beaucoup de mal de se manifester”. Il n’est pas question de savoir si un progrès peut
être négatif, mais de comprendre, comme nous y invite Magritte à travers sa pensée, les liens
étroits entre croyance et connaissance véritable, et, encore davantage, pourquoi au lieu d’être
traité comme une simple réalité signe d’une constante amélioration de la connaissance et de
la maîtrise de la nature, le progrès donne lieu à des prises de positions idéologiques, des
éloges ou des condamnations. Puisqu’en effet, si ces convictions donnent lieu à orienter nos
observations de manière purement subjective, sans pour autant parvenir à neutraliser la
divergence des interprétations, la connaissance scientifique, basée sur un modèle de progrès
en tant qu’accumulation d’observations, peut venir trouver des insuffisances au sein même de
ce qui la caractérise, à savoir la capacité d’établir des faits qui ne soient pas contraire aux
théories. L’observation scientifique doit alors maîtriser cette subjectivité sans pour autant lui
substituer une observation neutre, c’est à dire remplacer les interprétations personnelles par
des interprétations théoriques. Ainsi fondée comme une construction, élaborée par
l’intelligence à partir des matériaux sensibles qui ne se peut que grâce aux structures de la
raison humaine, il semble convenir pour la connaissance scientifique de prendre acte des
données de l’expérience, et de chercher à les comprendre et les expliquer par ces mêmes
observations. Tandis que la science progresse, par le biais de la connaissance des
phénomènes, il convient néanmoins de s’entendre sur le fait que les observations nous
permettant d’approuver les théories qui font progresser la connaissance, et par-là même, la
science, sont dès lors fiables en tant qu’elles permettent la validité d’une théorie, mais ne
seront jamais absolument viables, en tant qu’il suffit une nouvelle émergence d’interprétation
du monde pour venir démonter la précédente. Ainsi, il semble pertinent d’appréhender
l’accumulation en tant que possibilité de proposer d’une part, une interprétation du monde en
rupture avec les discours religieux, mythiques ou idéologiques de leur époque, et, d’autre
part, la possibilité de rendre de nouvelles théories scientifiques toujours probables, reposant
toutefois sur la base de conditions et de constats, mais conduisant l’idée qu’il faut pour cela
renoncer à la connaissance absolue des causes premières ou des fins dernières des choses.
Car, une théorie se prétendant absolument vraie, ne serait-elle pas le propre d’une fausse
science ?
Pour le savoir, nous examinerons d’abord l’évolution des sciences et les limites de la
raison, avant d’évaluer les limites même de l’observation, et, pour finir, les limites de la
science.

I - Evolution des sciences et limites de la raison

[introduction partielle] De nouvelles théories scientifiques voient le jour lorsqu'une théorie


précédente éprouve une incapacité à expliquer un phénomène ou une expérience nouvelle, et,
pour son auteur, d’en démontrer sa validité à travers une nouvelle interprétation du monde.
Mais, à cela se rajoute le fait qu’aucune théorie scientifique n’a jamais été établie une fois
pour toute, et, il suffit dès lors d’une observation contraire pour que la théorie, qui ne
demeure qu’hypothèse, s’effondre. cet inachèvement suppose de penser la science non plus
en termes de vérité, mais en termes de recherches, d’observations, et voire même de
distinctions pour saisir ces dernières.

a. Un accord unanime ne fonde pas forcément une connaissance

Il convient pour cela de comprendre les distinctions auxquelles s'expose la connaissance


scientifique et quels en sont les usages qui permettent le progrès.
Si dans le domaine de la connaissance et des sciences nous entendons deux manières de
raisonner, soit par déduction, soit par induction, alors il est nécessaire d’établir une
distinction entre vérité formelle et vérité matérielle.
Donc si déduction = vérité formelle en tant qu’absence de contradiction et adéquation avec la
raison, alors : analyse seulement logique entre postulats sans pour autant prouver l’existence
de ces postulats dans le monde réel (non seulement avec le monde de la raison)
Donc si induction = vérité matérielle en tant qu’elle nécessite l’observation d’expériences
afin de faire la synthèse des éléments particuliers du réel, alors : la vérité ne peut plus
seulement se définir comme absence de contradiction car nous observons la possibilité même
de sa rencontre.

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● pour cela suivre Hume et son Enquête sur l’entendement humain pour saisir
l’importance de nouvelles observations afin de saisir le progrès en tant
qu’interrogation sur nos croyances en apparence indémontables, et découvrir que par
exemple, le soleil ne se lèvera pas demain.

b. Le caractère suranné de théories superficielles face à la minutie de l’observation

Derrière la précédente distinction, il semble nécessaire d’y ajouter la différence entre vérité
absolue et vérité technique.
Car : si vérité = éternelle et absolue, et but de la science = recherche de la vérité, alors :
science = vérité = dogme.
Le véritable progrès consiste ici à saisir la remise en cause du caractère religieux ou
dogmatique de la vérité pour en finir avec l’idéologie et l’absolutisme.
Pour cela : reconsidérer le statut de la vérité dans les sciences et admettre qu’une théorie est
le contraire d’un dogme, et que la science n’est pas la recherche de la vérité absolue.
● pour cela suivre Russel à travers Science et religion afin de comprendre qu’une
théorie n’est pas fixée une fois pour toutes, et qu’elle ne cesse de subir, avec l’aide
d’observations, des modifications pour la rendre plus précise, exacte.

[conclusion partielle] Ici le progrès de la science consisterait à ne plus se satisfaire d’une


vérité érigée sur un dogme. Si nous tentons d’appliquer la raison au réel, il convient
cependant de comprendre que nous ne connaissons des choses que les relations que nos sens
et nos jugements entretiennent avec elles. Pour cela, une parfaite connaissance des relations
entre les phénomènes semble requise, et, pour ce faire, ne conviendrait-il pas de limiter le
champ d’application des théories au champ de l’expérience possible dans le domaine de la
nature ?

II - Les limites de l'observation


[introduction partielle] L’expérience précède la connaissance, et, de ce constat va naître
l'appréhension des phénomènes, en tant que seules choses véritables. C’est encore une fois en
procédant à de nouvelles distinctions que nous pouvons davantage saisir la validité et les

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insuffisances des théories. Pour ce faire, la séparation de raison et croyance et d’emblée
primordiale, et celle de science et métaphysique de surcroît.

a. Considération scientifique en termes de recherches

Si le propre de l’Homme est sa recherche de tout savoir, définir et expérimenter, il faut


avouer qu’il y a des choses que nous ne pouvons, malgré tous nos efforts, démontrer ou
savoir. Ne pas admettre cette proposition comme juste n’est plus du domaine de l’acceptation
ou de la science, car cela ne supposerait aucune recherche scientifique, mais est du domaine
de la métaphysique où toute démonstration rationnelle ne serait dès lors possible. Pour ne pas
tomber dans les vaines spéculations, il convient de se tenir au champ de l’expérience
possible, encadrée et définie par les sciences de la nature.
● pour cela suivre Kant à travers la Critique de la raison pure pour comprendre que le
champ d’application des démonstrations et des théories se limite au champ de
l’expérience possible dans la nature.

b. Considération scientifique en termes d’observations

Si prétention de la raison à vouloir connaître absolument toutes les choses alors : place à de
mauvaises théories qui ne peuvent s’élaborer à travers des connaissances véritables. Si la
prétention de la raison est si ambitieuse, la faute en est peut-être à la multitude d’expériences
et d’observations qu’elle éprouve et construit à tout moment qu’elle agit.
● pour cela suivre Pascal, dans une de ses Pensées ; “Diversité” et comprendre que la
supposition dépend de la subjectivité, qu’elle permet alors la spéculation mais pas la
connaissance. A chaque nouvelle observation, on se rend compte qu’il suffit d’un
moindre mouvement pour renverser chaque supposition. Ainsi nous nous perdons à
travers un infini d'observations, qui, dû à la trop grande diversité des points de vue, ne
pourront demeurer qu’en tant que supposition.

[conclusion partielle] S’il devient difficile d’appréhender une saisie totale du progrès en tant
qu’accumulation d’observations, du fait même de la trop grande multitude d’observations
présentes pour un fait recquis, il convient toutefois de s’entendre sur un certains nombres de

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désignations pouvant regrouper un ensemble d’observations, permettant ainsi à l’expérience
d’avoir une prétention nouvelle pour la connaissance. De cette façon, ne pouvons-nous tout
de même pas envisager une possible connaissance indubitable à travers des observations
toutefois imparfaites ?

III - Les limites de la science

[introduction partielle] A la suite d’une tentative de distinctions, nous pouvons établir de fait
la connaissance scientifique comme tentative de mise en ordre rationnel et efficace des
représentations du réel à un moment donné. De cette observation, en découle la suivante : le
progrès tend à rendre l’homme “comme maître et possesseur de la nature”. Cette affirmation,
depuis Descartes, n’a de cesse de croître tant les observations des précédentes tentatives et
distinctions se veulent efficaces.

a. Tentative d’un progrès au service de la technique

Si la démonstration vise à faire adhérer la communauté scientifique, et, la majorité des sujets
par extension, la validité et la pertinence des explications doivent tenir compte des nouvelles
façons d’observer, d’expérimenter et d’expliquer. Car pour rendre une théorie scientifique
possible via des observations tant viables que fiables, il faut, de façon efficace, non seulement
prendre en compte le monde intérieur de l’esprit que le monde extérieur tel qu’il est donné.
On comprend de ce fait, l’importance des instruments d’observation pour tendre à
l’affinement des représentations.
● par exemple : comprendre que les grandes découvertes scientifiques sont liées à de
grandes inventions dans le domaine des techniques, en se rappelant les premières
lunettes astronomiques élaborées par Galilée, lui permettant l’observation de
différentes phases de Vénus.
Cette importance permet ainsi de comprendre que la technique est autant au service de la
science que la science est au service de la technique, et que les nouvelles techniques
d’observations ont permis la précision croissante d’interprétations, permettant aux Hommes
de changer leurs conceptions du monde (et de l’univers).

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b. La possibilité d’un plus grand progrès à travers l’accumulation de critères

Si la prétention à l’absolu et à l’universalité semble quelque peu s’estomper en comprenant


que l’homme n’est plus au centre de l’univers (conception de l’héliocentrisme en corrélation
avec l’exemple de Galilée ci-dessus). Il reste néanmoins toujours possible, à travers de
nouveaux critères d’appréhension de la connaissance, d’établir une saisie du monde qui nous
entoure. En effet, il est possible de parvenir à une représentation à la fois rationnelle,
ordonnée, et efficace du réel : car une seule représentation n’est pas capable d’expliquer
différentes observations.
● pour cela suivre Einstein et Infeld dans L’évolution des idées en physique, qui nous
permettent de comprendre que la connaissance scientifique, pour tendre vers le
progrès, ne repose pas uniquement sur l’accumulation d'observations, ni même
uniquement sur la raison et l’expérience, mais encore sur l’invention et l’imagination.
Parce que l’élaboration d’une théorie scientifique suppose d’inventer une nouvelle façon de
voir, d’interpréter, d’observer et d’expliquer le monde, le scientifique lui-même doit être
capable d’allier imagination, raison, et observation.

[conclusion partielle] Une théorie scientifique est donc le résultat de l’alliance entre le monde
intérieur de l’esprit et le monde extérieur tel qu’il nous est donné. Et pour que l’alliance soit
fiable, il faut sans cesse améliorer et affiner les représentations que l’on donne à observer.

[Conclusion] Chaque théorie contient en elle-même l’émergence de nouvelles représentations


et interprétations du monde. Mais, la théorie n’est jamais absolument prouvée, elle est la
condition de possibilité de l’observation. Car il suffit d’une unique observation qui viendrait
contredire la théorie pour que celle-ci soit définitivement fausse.
Cependant, les observations aussi éprouvent des insuffisances et ne sont pas infaillibles, dans
quel cas, ce sont nos hypothèses bien plus que nos théories qu’il conviendrait de remettre en
question, et, dès lors l’observation devient réfutable en tant que c’est elle qui permet
d’augmenter ou non la validité d’une théorie, et, que celle-ci la réfute.
Mais pour autant que la théorie n’est pas encore remise en cause, celle-ci demeure valable et
reste à la merci de nouvelles observations qui viendraient la perfectionner ou l’éliminer
définitivement. Car nous avons pu observer que la connaissance absolue n’est pas possible,

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donc que nos connaissances sont potentiellement faillibles. Car la validité d’une théorie ne
prouve pas sa véracité. Dans le dernier cas, ce n’est jamais un échec puisque au contraire,
c’est cela même qui permet à la connaissance scientifique d'être toujours vivante, au sein
d’un mouvement qui ne peut freiner le progrès. Et l’observation est ce qui va introduire la
modélisation dans la progression de la connaissance scientifique, à l’abri de tout scientisme,
puisque nulle prétention d’absolu, mais seule une contribution à l’augmentation de notre
compréhension du monde et l’enrichissement de notre rapport à celui-ci.

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