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Toute vérité est-elle définitive ? Mais qu’est-ce que la vérité ?

La vérité relève de
l’intelligible et non du sensible. Saint Thomas d’Aquin la définit ainsi : veritas est
adequatio intellectus et rei, la vérité est l’adéquation entre la réalité et l’intellect.
Autrement dit, c’est dire ce qui est. La vérité s’oppose donc à l’erreur qui manque
involontairement la vérité, mais également à l’illusion et au mensonge. Or, la vérité est
toujours vraie. L’expression “définitive” confirme l’aspect irrévocable de la vérité, elle
ne peut être modifiée. Deux et deux feront toujours quatre, et ce de manière
universelle et intemporelle. Dans ces conditions comment ne pourrait-elle pas être
définitive ? Une vérité qui pourrait ne pas être définitive reviendrait à dire qu’elle n’est
plus vraie. Existe-t-il des vérités fausses ? Cela impliquerait-il qu’avec le temps
certaines vérités sont réfutables ? Le déterminant indéfini “toute” présuppose qu’il
existe plusieurs vérités et que toutes ne sont pas définitives. Donc, si nous nous basons
sur la définition donnée par Augustinien et que la vérité est un accord avec le réel,
comment garantir son aspect définitif dans la mesure où le réel change, évolue.
Devrions-nous alors faire la différence entre des vérités constantes et des vérités
provisoires ? N’y aurait-il rien d’absolu dans la vérité, et de fait, serait-elle
nécessairement dépendante d’autre chose telle que la connaissance ? Afin de
répondre à cette question, nous verrons tout d’abord qu’il existe des vérités
définitives, puis nous étudierons en quoi certaines vérités peuvent-être réfutées, et
enfin nous nous demanderons si la vérité n’est pas liée au langage.

Selon Platon, la vérité est définitive et tout le monde y a accès car notre âme a pu la
contempler lors de ce qu’il appelle la Réminiscence. En d’autres termes, avant de venir
au monde, notre esprit a accès au monde des Idées et s’imprègnent de toutes les Idées
parfaites. De fait, tout ce que nous percevons dans notre réalité matérielle ne serait
qu’une copie de ces Idées parfaites. La vérité serait alors une valeur absolue, à l’instar
du Bien et du Beau. On peut alors se demander ce qu’est la vérité et comment on
pourrait y accéder sans la confondre avec la réalité qui, elle, est perceptible grâce à
nos sens, et ne relève donc que du simple constat ? Selon le philosophe grec, la vérité
se trouve dans le monde des Idées, et non pas dans celui du sensible, de la Doxa, dans
lequel nous évoluons. Cette vérité est cachée et nous avons besoin de la connaissance
pour y accéder. En effet, celle-ci ne relève ni des sens ni de l’opinion, mais au contraire
elle doit déterminer ce qu’on peut concevoir de manière logique et pas simplement
sur l’observation. C’est ce que Platon nous démontre avec son Allégorie de la caverne.
Il nous révèle qu’il est possible d’atteindre la connaissance, les Idées, en changeant
notre rapport au monde sensible et en entreprenant un long cheminement vers la
vraie connaissance. À l’issue de ce cheminement, à la sortie du prisonnier, nous
pouvons contempler la vérité car nous aurons pris le seul chemin pour y arriver : celui
de la raison. On peut d’ailleurs affirmer que cette allégorie est tout à fait d’actualité
dans un monde où l’apparence est reine car elle nous enjoint de prendre de la distance
avec ce qui nous entoure, à aller au fond des choses sans se limiter à examiner la
surface.

C’est d’ailleurs ce que se propose de faire Descartes, philosophe, mathématicien et


physicien, dans ses Méditations Métaphysiques. Alors certes, le procédé change mais
la raison reste la seule qualité capable de nous faire parvenir à la vérité. En effet,
Descartes se demande s’il est possible de trouver une vérité initiale par soi-même, de
manière totalement indépendante. Pour ce faire, il va utiliser la méthode du doute
radical qui lui permet de réexaminer tout ce qu’il a appris jusque-là. En effet, ayant
suivi une éducation scolastique, ses connaissances lui ont été transmises comme
autant de vérités indubitables. Mais, avec le temps il va réaliser que certaines
s’avèrent fausses. Il va donc se mettre à douter de tout dans le but de trouver la vérité,
et surtout pouvoir prouver qu’elle est vraie. Dès lors le doute est posé par Descartes
comme étant un outil pour trouver la vérité. Après avoir écumé moult hypothèses, les
sens trompeurs, le rêve, le malin génie, il va découvrir qu’au cœur de cette dernière
hypothèse, celle du malin génie, se cache une vérité certaine : il est puisqu’il se
trompe. C’est ainsi que la formule « Cogito ergo sum », « je pense donc je suis »
implique que la pensée et l’être coexistent nécessairement. En d’autres termes, douter
c’est penser, et pour penser il faut bien que je sois un être pensant. Le cogito est de ce
fait une vérité définitive qui permettra de fonder le savoir objectif sur le sujet à
l’instant où il est conscient de lui-même et non sur la seule contemplation du monde.
Descartes crée alors le doute cartésien en s’appuyant sur sa raison et sur l’évidence
pour atteindre la vérité, et ainsi il acquiert cette première certitude du cogito.

En outre, lorsqu’on veut montrer une vérité indiscutable on a tendance à dire


« C’est mathématique » comme si cette discipline détenait la vérité absolue. Les
mathématiques ne seraient-elles pas une voie qui permettrait à l’esprit humain
d’accéder aux vérités absolues ? C’est en tout cas ce que pensait Platon pour qui le
modèle de la vérité est celui des mathématiques d’où la devise de son Académie « Nul
ne rentre ici s’il n’est géomètre ». Ici le terme géomètre est assez éloquent car il ne
réduit pas l’univers des mathématiques aux seules quantités, mais également aux
formes pures afin que l’on puisse juger correctement la réalité. En effet, les
mathématiques étudient les nombres et les figures, et pour en conclure les propriétés
elles utilisent des règles de logique ainsi qu’un raisonnement déductif irréfutables.
Même si les maths évoluent dans un univers abstrait elles concernent également notre
monde réel. La vérité en mathématiques est formelle, à savoir un enchainement
logique des propositions, et matérielle, c’est à dire que le contenu des propositions est
conforme à la réalité. Nous pouvons donc affirmer que les vérités mathématiques sont
définitives, telles que deux plus deux font quatre ou le théorème de Thalès.

La notion de vérité définitive se rencontre très souvent dans la science, et le


philosophe mathématicien allemand Husserl affirme qu’« elle veut des vérités valables
une fois pour toutes et pour tous, définitives ». Selon lui, la recherche de vérités
définitives est le but principal de la science. Cependant, en sciences comme dans
d’autres domaines, tout ne peut être démontré et il nous faut parfois admettre
certaines propositions comme vraies car ces mêmes propositions serviront de base aux
démonstrations d’autres propositions. A partir du moment où on accepte ces
propositions comme base, elles sont automatiquement considérées comme vraies et
définitives car si on modifie la base d’une démonstration, celle-ci est faussée. D’où
l’utilisation de postulats qui sont des propositions qui ne sont pas démontrables mais
qui sont toutefois admises.
Mais l’existence de vérités définitives se ressent également dans la grammaire
française. Il n’est pas rare d’utiliser le présent de vérité général pour certains cas afin
de montrer le caractère permanent de la vérité dont il est question. On le retrouve
d’ailleurs dans de nombreux énoncés scientifiques et dans des proverbes dont la
morale est universelle. Le présent de vérité générale définit qu’un fait est vrai quel que
soit le moment où on le considère. Par exemple, si on prend la définition du théorème
de Pythagore, mathématicien et philosophe de la Grèce Antique il est clairement dit :
le carré de la longueur de l'hypoténuse, qui est le côté opposé à l'angle droit, est égal à
la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés. On retrouve l’emploi du
présent de vérité général car cet énoncé a été démontré de manière rigoureuse à
l’instar des théories scientifiques.

Enfin, une vérité de fait est une vérité définitive. En effet, l’eau bout à cent degrés,
la Terre est ronde, tous les êtres humains ont un cerveau, sont autant de faits qui ont
été expérimentés, prouvés et démontrés scientifiquement. Ce sont donc des vérités
définitives. D’autres vérités de faits sont également immuables, comme par exemple
celles qui touchent à l’histoire. De fait, l’Allemagne nazi a exterminé des millions de
juifs, c’est un fait que nous ne pouvons contredire, et qui, dans ce cas précis, nie toute
subjectivité de l’historien. Les faits historiques peuvent donc être considérés comme
des vérités définitives car ils se déroulent de manière précise : l’histoire a pour objet
des faits, datés, localisés, distincts et singuliers, comme par exemple la nuit de la Saint
Barthélémy ou encore l’explosion de la bombe Hiroshima en 1945. Wittgenstein nous
dit dans De la certitude que « tous ces faits ont été confirmés des centaines de fois ».
Dans ce cas nous pouvons donc affirmer que ces vérités sont définitives puisqu’elles
sont historiques. L’extermination des juifs dans les camps de concentration nazis
durant la seconde guerre mondiale est une vérité définitive car nous savons tous
qu’elle a véritablement eu lieu, on ne peut donc pas la nier.

Plusieurs types de vérités définitives sont donc possibles, cependant la notion de vérité
définitive est discutable notamment dans les sciences, où certaines théories
scientifiques vraies à une époque, se sont trouvées faussées plus tard.

Nous avons vu qu’une partie des sciences présente des vérités définitives, cependant
les sciences évoluent et avec elles les vérités scientifiques. D’ailleurs, Bachelard disait
que la vérité scientifique est « une longue histoire d’erreurs surmontées » et l’exemple
le plus illustre est l’histoire des théories sur la lumière. En effet, de Newton à Fresnel
nous sommes passés d’une théorie corpusculaire à une théorie ondulatoire de la
lumière. Puis au début du XXème siècle Planck relance l’idée de corpuscule en
découvrant que la matière est discontinue suivi d’Einstein qui redonne à la matière un
caractère corpusculaire en découvrant les photons. Enfin, Louis Debreuil affirme et
montre que tout objet est à la fois corpusculaire et ondulatoire. La science actuelle en
est toujours à cette théorie. La quête de la vérité ne serait-elle pas sans fin ? N’y aura-
t-il pas à nouveau une théorie de la lumière, et encore une autre et ce de manière
infinie ? La science évolue, on parle de progrès scientifique c’est-à-dire que la
« dernière version de la vérité » est meilleure que la toute première, plus adéquate au
réel. Ainsi, la vérité absolue reste le principal moteur de la science, mais par vérité
absolue nous entendons une explication du monde qui n’a plus besoin de se
perfectionner. Dans la mesure où une connaissance se trouve contredite c’est qu’elle
n’était pas une vérité mais tout simplement une erreur qui a donné l’illusion d’être
une vérité.
De plus, la science d’aujourd’hui affirme que la Terre tourne sur elle-même et autour
du soleil. De plus, elle est entrainée, avec le soleil, autour d’un grand trou noir qui
serait le centre de notre galaxie. Mais dit-elle vrai ? Ou est-elle un peu plus juste que
Ptolémée qui pensait que la Terre était un point fixe autour duquel tout tournait ? Ou
un peu moins fausse que Newton pour qui le soleil était le centre de l’univers ? On voit
bien qu’actuellement, l’idée de vérité en science a perdu son caractère absolu. Le
critère de la vérité est davantage l’efficacité, explicative et pratique pour agir. Ainsi, on
se rend bien compte que des propositions, telles que les théories du géocentrisme et
de l’héliocentrisme, qui étaient valables au Moyen Âge ne le sont plus actuellement. Si
les hommes ont pensé que la terre était au centre du système solaire, et le
considéraient vrai, Copernic puis Galilée ont montré qu’ils étaient dans l’erreur. A ce
moment-là, la vérité a changé, et la théorie du géocentrisme qui était vraie à l’époque
n’était pourtant pas une vérité définitive. La science est une discipline inachevée, elle
progresse continuellement en modifiant ses erreurs. Même si les énoncés scientifiques
sont rigoureux ils n’en demeurent pas moins contingents, donc relatifs.

En effet, si la vérité évolue, change, est-ce que cela implique qu’il n’y ait pas de
vérité définitive ? Si nous évoquons le relativisme, doctrine qui affirme qu’il n’existe
pas de vérité absolue, on peut parler de la relativité de la connaissance. Protagoras
nous dit que « l’homme est la mesure de toute chose », par conséquent c’est l’homme
qui est la mesure des vérités et des valeurs. Il ne peut donc y avoir d’absolu ni
d’universel. Ainsi, comme le dit l’adage, « à chacun sa vérité » car si l’homme devient
le critère de toute chose alors nous assistons à des points de vue multiples et variés en
fonction de la personnalité de chacun, mais également en fonction de l’époque, de la
culture ou de l’environnement social. Dans ces conditions, on ne peut en aucun cas
imposer ses idées à quelqu’un sous prétexte de posséder une vérité absolue. La vérité
serait donc relative au sujet qui l’énonce comme l’affirme Protagoras. Ce qui est vrai
pour moi ne peut pas forcément l’être pour quelqu’un d’autre. En effet, je peux penser
que le vent est froid, pour diverses raisons qui m’appartiennent, alors qu’une autre
personne pensera le contraire. Dans ce cas-là qui dit vrai ? Ainsi, la vérité deviendrait
une compilation d’opinions. Lorsque nous exprimons nos opinions c’est que nous les
considérons comme l’expression de la vérité. Il existe donc des vérités subjectives qui
expriment notre point de vue personnel sur une chose. D’ailleurs dans le monde
artistique c’est souvent le cas. C’est la vision et l’interprétation du monde de l’artiste
qui nous est donné à voir. L’art représente un moyen de multiplier les points de vue
sur le réel et préserve de la vision univoque de la science. L’art est une vérité sensible,
subjective qui se vit de manière intime, intérieure, et à laquelle on ne peut pas fixer de
règle. Ainsi, on ne peut pas établir de vérité définitive dans l’art car ce sont des vérités
sensibles, elles sont subjectives, dépendent des personnes et de fait elles changent en
fonction de l’individu.
Selon le philosophe grec Aristote, seule une proposition peut être démontrée, mais
cela implique-t-il que certaines ne le soient pas ? En effet, si à un instant T nous
affirmons que le président est Emmanuel Macron, notre énoncé est vrai car nous
affirmons quelque chose concernant un état réel. Notre proposition est donc vraie
sans avoir été démontrée car elle provient d’une perception sensible. Nous décrivons
ce que nous voyons actuellement. Pour autant, cet énoncé restera-t-il vrai avec le
temps ? Cette vérité semble être provisoire car Macron ne sera pas éternellement
président dans la mesure où aux prochaines élections un autre homme politique peut
être élu à sa place. On peut donc raisonnablement faire une différence entre la vérité
de raison qui implique une démonstration et la vérité de fait qui, elle, contingente,
occasionnelle. Cette vérité n’étant pas définitive, on peut dire que la vérité n’est pas
toujours absolue ni immuable. Elle peut changer avec le temps.

A force de chercher la vérité vraie on s’aperçoit qu’elle demeure très difficile à


atteindre et qu’elle demande énormément de paramètres qui peuvent la rendre
définitive ou pas. La vérité ne serait-elle pas une qualité de notre discours et non pas
des choses ? De nos affirmations sur elles ?

Le langage pourrait être le lieu de la vérité. A partir du moment où un homme parle de


quelque chose à un autre homme la question de la vérité surgit. En effet, quand il
s’adresse à quelqu’un, l’homme pourrait choisir de le tromper. La vérité est alors le
contraire du mensonge, qui se définit comme une parole différente de la pensée de
celui qui l’énonce contrairement à la vérité qui suppose l’adéquation entre le discours
et la réalité. Pour savoir si un énoncé est vrai, il faut en premier lieu l’assimiler, à savoir
comprendre les mots, le sens du langage dans lequel il a été énoncé. Pourquoi nous
dit-on depuis notre plus jeune âge qu’il faut toujours dire la vérité ? Pourquoi lors d’un
procès, les témoins doivent-ils dire toute la vérité ? La vérité apparait alors comme une
exigence éthique. En effet, elle est une valeur et par conséquent se rattache au
langage, à la manière dont l’esprit exprime son rapport aux choses. Pour Rousseau, le
mensonge démontre clairement la volonté de leurrer. Ainsi, il met en exergue le fait
qu’un mensonge est un acte intentionnel. En effet, on peut ne peut pas mentir
involontairement. Il n’y a que celui qui connait la vérité qui peut choisir de ne pas la
dire ou alors de la modifier. En revanche, on peut faire une erreur et dire quelque
chose de faux tout en le croyant vrai. Il n’est pas rare de voir que nous avons tendance
à juger sans pour autant avoir toutes les cartes en main et de fait, nous nous trompons
par manque de connaissances. Ainsi, nous prenons nos opinions pour des réalités. Nos
erreurs sont alors des illusions qui viendraient de puissances trompeuses qui
déjoueraient notre esprit en l’éloignant de la vérité. En outre, une chose n’est pas
vraie ou fausse, elle est ou n’est pas : que nous en parlions de manière fausse ne
change en rien sa présence. Quand j’affirme ce « cette table est en bois alors qu’elle
est en pvc ne veut pas dire que cette table est fausse. C’est mon jugement qui l’est. On
pourrait donc dire que la réalité définit une chose alors que la vérité serait le jugement
que l’on porte sur cette chose.
En conclusion, la vérité s’avère être une valeur fondamentale de la vie humaine de par
la sollicitation qu’elle impose à l’esprit critique qu’elle suggère mais également par son
opposition au mensonge. Il semblerait que l’idée de vérité définitive pose problème
car toute vérité peut évoluer, voire être relative. On perçoit alors une opposition entre
la vérité absolue que recherche principalement la science, et la vérité relative dont
nous avons besoin pour mener notre vie. Affirmer que toute vérité est définitive
relèverait du dogme or plusieurs vérités ont évolué avec le temps et se sont parfois
avérées fausses. Les hommes n’ont pas toujours les qualités intellectuelles requises
pour pouvoir accéder à des vérités dites définitives même si certaines semblent l’être.
La vérité se construit, se démontre et sera vrai ce qui fonctionnera. Enfin, la vérité est
liée au langage qui peut, volontairement cacher la vérité ou la formuler de manière
erronée, donc ne pas l’atteindre.

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