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Séquence III : Science

Fiche VÉRITÉ

Définition : Adéquation entre le discours et la réalité, entre ce que l’on énonce et ce qui est.
Par exemple : « l’eau bout à 100°C » = proposition vraie car dans la réalité, l’eau bout à 100°C
La vérité est souvent considérée comme parfaite, éternelle, universelle → réservée à une intelligence infinie, omnisciente VS moyens de connaître humains (limités/imparfaits)

Définitions à connaître :
Erreur : prendre le faux pour le vrai. Manquer la vérité involontairement (se tromper, soit par inattention, soit par manque de connaissance)
Mensonge : consiste à cacher volontairement la vérité, ce qui implique de la connaître
Illusion : représentation fausse qui exprime un désir inconscient

Domaine théorique

Question 1 : Peut-on dire « à chacun sa vérité » ?


1/ La vérité est relative :
A/ aux opinions de chacun
Dire « à chacun sa vérité » peut signifier qu’il ne faut pas imposer ses idées à qq1 en croyant posséder une vérité absolue → Cette expression semble :
- s’opposer au dogmatisme, càd au fait de défendre une thèse sans accepter qu’on puisse la critiquer,
- promouvoir un principe de tolérance (attitude qui consiste à admettre une autre manière de penser ou d’agir que la sienne → associée à la liberté d’opinions)
B/ à celui qui l’énonce : Protagoras
Pour les sophistes, la vérité est relative à celui qui l’énonce. Protagoras affirme que « l’homme est la mesure de toute chose », ce qui signifie que l’homme n’a pas accès à ce que les
choses sont, indépendamment de la façon dont il les perçoit. Exemple : le vent n’est ni chaud ni froid, tout dépend de la personne qui le perçoit.
→ Pour le relativiste, il faut renoncer à l’idée de vérité absolue.
C/ à la culture de celui qui parle : Montaigne, Essais, « Des cannibales »
La vérité peut aussi être relative à la culture. C’est ce que montre Montaigne en affirmant que nos représentations et nos valeurs sont le produit de notre culture.
La culture est le fond à partir duquel nous comprenons le monde. Se faisant, il semble impossible d’imaginer une compréhension neutre et objective des autres cultures = ethnocentrisme
→ Dès lors, nous ne pouvons pas produire de jugement objectifs car nos discours sont relatifs à notre perception subjective et à notre culture.
Faut-il renoncer à produire un discours vrai ? Pour Protagoras, un discours vrai est un discours fort, càd que c’est celui qui implique l’adhésion du plus grand nombre de personnes. Pour
permettre au discours fort de s’imposer, il faut donc maîtriser l’art de la parole : la rhétorique. La maîtrise de la parole permet à un discours de s’imposer, mais aussi de manipuler les
affects de l’auditoire (persuader ≠ convaincre). Le langage peut être un instrument de domination quand il ne vise pas une vérité commune, mais la manipulation des foules pour servir
l’intérêt de l’orateur (démagogisme).

2/ Les limites du relativisme :


A/ La contradiction du relativisme : Platon, Théétète
Dans le Théétète, Platon montre que la thèse du relativiste est contradictoire car elle n’est pas un discours fort : la thèse relativiste serait donc fausse.
De plus, si on admet que ttes les opinions se valent, alors impossible de distinguer science et simple opinion → le seul critère de vérité serait la vraisemblance (apparence de vérité) et la
popularité d’une opinion en fonction de l’habileté de l’orateur (maîtrise de la rhétorique)
Dès lors, le principe de tolérance risque de dissoudre l’idée de vérité, s’il va jusqu’à admettre que chacun peut tenir ce qu’il veut pour vrai.
Séquence III : Science
B/ La menace du scepticisme : Sextus Empiricus
Le relativisme peut mener au scepticisme qui est un courant philosophique qui considère que l’homme est incapable d’atteindre la vérité. Il ne peut que se contenter d’opinions.
Démarche du sceptique :
1/ impossible de distinguer opinions vraies/fausses car relativisme
2/ Incertitude qui produit de l’inquiétude
3/ Pour atteindre la paix de l’âme (ataraxie), il faut convertir son regard sur les choses.
4/ Il faut se détacher de la vérité et chercher la contradiction : c’est par l’absence de certitude que naît l’ataraxie (tranquillité de l’âme). → doute généralisé

C/ Une thèse intenable sur le plan pratique ?


Le sceptique trouve la paix dans le renoncement et l’indifférence à la vérité, mais cette posture a des conséquences pratiques.
En effet, celui qui agit doit faire la différence entre le vrai et le faux, mais aussi entre le bien et le mal, le juste et l’injuste. Par exemple, si je donne rendez-vous à quelqu’un, je dois me
représenter ce qu’est l’heure exacte sans quoi, je ne peux plus agir. Je ne sais plus ce qu’est la « bonne » ou la « mauvaise » heure.
De même, lorsque je parle, je formule des jugements qui affirment ou nient quelque chose à propos du réel. Par exemple, lorsque je dis « Il fait beau », j’affirme quelque chose à propos
du temps qu’il fait. Or, pour le sceptique, rien ne me garantit que ce que je dis est vrai.
Dès lors, comment agir et parler si l’on abandonne le critère de vérité ?

3/ Rechercher la vérité : une nécessité pour l’homme


A/ Le relativisme et le scepticisme sont des postures philosophiques intenables pour l’homme
Pour Aristote, se détourner de la vérité est à la fois illégitime et impossible. En effet, affirmer que toutes les opinions sont relatives et qu’il n’existe aucune vérité est non seulement
contradictoire, mais aussi inconséquent.
D’une part, la thèse sceptique est contradictoire car elle est une affirmation qui se contredit elle-même : elle est une thèse qui n’est pas plus vraie qu’une autre, elle s’auto-relativise.
D’autre part, la thèse sceptique est insoutenable car elle a besoin d’être énoncée dans un discours en faisant appel au langage. Or pour le sceptique, le langage est un obstacle car, dans
la mesure où il sert à dire quelque chose à propos du réel (langage → fonction apophantique), il établit d’emblée une distinction entre le vrai et le faux.
B/ Tout discours et toute existence humaine suppose la valeur de vérité
Pour Aristote, abandonner la vérité, c’est rendre tout discours et toute action impossible. Je ne peux plus rien affirmer sur le réel, mais je ne peux plus non plus agir car toute action
suppose un ensemble de représentations. Je ne peux penser et agir que dans un monde structuré par des représentations et des valeurs communes.
C/ La vérité n’est pas une valeur comme les autres : elle est nécessaire à l’existence humaine
Le scepticisme intégral conduit donc à l’inaction et au silence, car dire quelque chose implique toujours une affirmation. Aristote montre qu’il est impossible d’abandonner l’idéal de
vérité sans rendre impossible toute existence humaine. Il est impossible de vivre sans se soucier de la vérité car elle est une valeur nécessaire à la vie humaine.
Sans elle, on ne peut plus distinguer le vrai du faux, la connaissance et l’ignorance, la sincérité et le mensonge. Si rien n’est vrai, alors on peut penser n’importe quoi, mais surtout, on ne
peut plus penser du tout car toute démonstration suppose le critère de vérité. Plus encore, si tout est faux, alors tout est permis.
On peut truquer les expériences ou les démonstrations car aucune n’est valide, on peut mettre la superstition sur le même plan que les sciences puisque rien ne les séparer. On peut faire
condamner un innocent puisqu’il n’y a plus de différence pertinente entre un vrai et un faux témoignage. On peut nier les vérités historiques les mieux établies car elles sont aussi fausses
que le reste. On peut laisser les criminels en liberté car il n’est pas vrai qu’ils sont coupables. On peut s’autoriser à en être un car même coupable, il n’est pas vrai qu’on le soit.

Abandonner la vérité est dangereux car cela menace la connaissance, la morale, la politique mais aussi la justice, l’histoire, les rapports sociaux etc. La vérité est une valeur humaine
essentielle qui a des implications dans le domaine théorique et pratique. L’homme ne peut vivre sans cette valeur : il est nécessaire de s’en soucier car il est impossible de vivre sans elle.
Séquence III : Science
Un texte à connaître : L’allégorie de la caverne

Texte : Platon, La République [IVe siècle av. J.-C.], livre VII, 514a-517c.
La vérité ne doit pas être recherchée du côté des apparences que nous offrent les objets des
sens, mais du côté de leurs modèles intelligibles.

« - Représente-toi des hommes dans une sorte d’habitation souterraine en forme de – Bien plus vraies, dit-il.
caverne. Cette habitation possède une entrée disposée en longueur, remontant de bas en – Et de plus, si on le forçait à regarder en face la lumière elle-même, n’aurait- il pas mal aux
haut tout le long de la caverne vers la lumière. Les hommes sont dans cette grotte depuis yeux et ne la fuirait-il pas en se retournant vers ces choses qu’il est en mesure de distinguer
l’enfance, les jambes et le cou ligotés de telle sorte qu’ils restent sur place et ne peuvent ? Et ne considérerait-il pas que ces choses-là sont réellement plus claires que celles qu’on lui
regarder que ce qui se trouve devant eux, incapables de tourner la tête à cause de leurs montre ?
liens. Représente-toi la lumière d’un feu qui brûle sur une hauteur loin derrière eux et, entre – C’est le cas, dit-il.
le feu et les hommes enchaînés, un chemin sur la hauteur, le long duquel tu peux voir – Si par ailleurs on le tirait de là par la force, en le faisant remonter la pente raide et si on ne
l’élévation d’un petit mur. du genre de ces cloisons qu’on trouve chez les montreurs de le lâchait pas avant de l’avoir sorti dehors à la lumière du soleil, n’en souffrirait-il pas et ne
marionnettes et qu’ils érigent pour les séparer des gens. Par-dessus ces cloisons, ils s’indignerait-il pas d’être tiré de la sorte ? Et lorsqu’il arriverait à la lumière, les yeux éblouis
montrent leurs merveilles. […] Imagine aussi le long de ce muret, des hommes qui portent par l’éclat du jour, serait-il capable de voir ne fût-ce qu’une seule des choses qu’à présent
toutes sortes d’objets fabriqués qui dépassent le muret, des statues d’hommes et d’autres on lui dirait être vraies ?
animaux. […] – Non, il ne le serait pas, dit-il, en tout cas pas sur le coup.
- Tu décris là une image étrange et de bien étranges prisonniers ! – Je crois bien qu'il aurait besoin de s'habituer, s'il doit en venir à voir les choses d'en-haut.
- Ils sont semblables à nous, dis-je. Pour commencer, crois-tu en effet que de tels hommes Il distinguerait d'abord plus aisément les ombres, et, après cela, sur les eaux, les images des
auraient pu voir quoi que ce soit d’autre, d’eux-mêmes et les uns des autres, si ce ne sont hommes et des autres êtres qui s'y reflètent, et plus tard encore ces êtres eux-mêmes. À la
les ombres qui se projettent, sur la paroi de la grotte en face d’eux ? suite de quoi, il pourrait contempler plus facilement, de nuit, ce qui se trouve dans le ciel, et
- Comment auraient-ils pu, dit-il, puisqu’ils ont été forcés leur vie durant de garder la tête le ciel lui-même, en dirigeant son regard vers la lumière des astres et de la lune, qu'il ne
immobile ? […] contemplerait de jour le soleil et sa lumière. […] C'est seulement au terme de cela qu'il serait
- Mais alors, dis-je, de tels hommes considéreraient que le vrai n’est absolument rien d’autre enfin capable de discerner le soleil, non pas dans ses manifestations sur les eaux ou dans un
que les ombres des objets fabriqués. […] L’un d’entre eux serait détaché et contraint de se lieu qui lui est étranger, mais lui-même en lui-même, dans son espace propre, et de le
lever subitement, de retourner la tête, de marcher et de regarder vers la lumière, à chacun contempler tel qu'il est. […]
de ces mouvements il souffrirait, et l’éblouissement le rendrait incapable de distinguer ces Si, à nouveau, un tel homme descendait pour prendre place au même endroit, […] s'il lui
choses dont il voyait auparavant les ombres. Que crois-tu qu’il répondrait si quelqu’un lui fallait de nouveau concourir avec ceux qui se trouvent toujours prisonniers là-bas, en
disait que tout à l’heure il ne voyait que des lubies, alors que maintenant, dans une plus formulant des jugements pour discriminer les ombres de là-bas, dans cet instant où il se
grande proximité de ce qui est réellement, et tourné davantage vers ce qui est réellement, trouve alors aveuglé, […] ne serait-il pas l'objet de moqueries et ne dirait-on pas de lui : «
il voit plus correctement ? Surtout si, en lui montrant chacune des choses qui passent, on le comme il a gravi le chemin qui mène là-haut, il revient les yeux ruinés », et encore : « cela
contraint de répondre à la question : qu’est-ce que c’est ? Ne crois-tu pas qu’il serait ne vaut même pas la peine d'essayer d'aller là-haut » ? Quant à celui qui entreprendrait de
incapable de répondre et qu’il penserait que les choses qu’il voyait auparavant étaient plus les détacher et de les conduire en haut, s'ils avaient le pouvoir de s'emparer de lui de
vraies que celles qu’on lui montre à présent ? quelque façon et de le tuer, ne le tueraient-ils pas ?
– Si, absolument, dit-il. »
Séquence III : Science
Domaine pratique

Question 2 : Doit-on toujours dire la vérité ? (vérité/devoir)

Dès l’enfance, on nous apprend à dire la vérité, et à considérer le mensonge comme une mauvaise action. D’où vient cette nécessité de dire la vérité ?

1/ Le devoir de vérité est :


A/ Un impératif religieux : impératif sacré qu’il ne faut pas remettre en q°. 9e commandement de l’Ancien Testament : « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain ».
Dans les monothéismes, Dieu associé à la vérité : le mensonge est ce qui détourne l’homme de Dieu
B/ Un principe juridique : Interdiction du mensonge entériné dans la loi car la vérité est la condition qui garantit tout engagement, tout contrat et toute vie en société.
C/ Une nécessité sociale : Dire la vérité = exigence sociale car condition de la confiance mutuelle → condition du dialogue, mais aussi de l’établissement et du respect des règles et des
valeurs juridiques et morales.
Nietzsche, Gai savoir : On considère habituellement qu’il est rationnel de préférer la vérité au mensonge ou à l’erreur. Mais en réalité, ce désir de vérité vient plutôt une obligation sociale
et un principe moral, que de la raison elle-même. Dès lors, cela signifie-t-il que « dire la vérité » est relatif (à des croyances, des lois et des principes moraux relatifs à une culture).
→ Il faut toujours dire la vérité car condition qui rend possible la vie sociale. Peut-on universaliser l’impératif de vérité ?

2/ Dire la vérité est un devoir absolu et non relatif.


Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs : Pour K, la moralité d’une action dépend de la qualité de son intention. Ai-je agi dans le seul but de faire mon devoir, de telle sorte
que la maxime de mon action puisse être universelle ? Dire la vérité est un principe moral car le mensonge ne peut pas être universalisé. Pour Kant, mentir n’est pas seulement une
mauvaise action, c’est un mal radical car il revient à traiter autrui en objet et non en personne libre.
De plus, mentir détruit la confiance indispensable aux relations morales. Formulation kantienne de l’impératif catégorique c’est-à-dire règle morale de mon action :
« Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. »
Cet impératif est catégorique, il est sans condition, c’est-à-dire inconditionné, et aucune excuse ne doit m’empêcher d’y obéir.
Le terme catégorique s’oppose à hypothétique. Est hypothétique un devoir soumis à condition, par exemple « Je dirai la vérité si l’on me paie ». Aucun si dans l’impératif catégorique :
« Je fais mon devoir parce que c’est mon devoir »

3/ Y a-t-il des situations dans lesquelles il est immoral de dire la vérité ?


Benjamin Constant, Des réactions politiques (XVIIIe-XIXe s.)
« Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était posé de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes
qu’a tirées de ce principe un philosophe allemand qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas refugié dans votre
maison, le mensonge serait un crime ».
Benjamin Constant s’oppose à la thèse de Kant, non pas pour nier que la vérité est un devoir moral, mais pour nuancer son caractère absolu.
D’une part, dire la vérité est un principe moral qui peut entrer en conflit avec d’autres principes moraux, comme la protection de la vie d’autrui. Dès lors, le sujet doit hiérarchiser ces
différents principes en fonction de la situation dans laquelle il se trouve.
D’autre part, tout devoir implique un droit. Autrement dit, nous ne devons pas la vérité à tous, mais seulement à ceux qui y ont droit.
Exemple : A-t-on le droit de mentir à des assassins qui demandent quelqu’un qui s’est réfugié dans notre maison ? Pour Kant, non mentir est un mal radical → il faut toujours dire la vérité
Pour B. Constant, il faut mentir pour protéger autrui : la protection de la vie d’autrui est supérieure à l’impératif de vérité.

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