L’esthétique en questions
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1
« Le choix était fondé sur une réaction d’indifférence visuelle, assortie au
même moment à une absence totale de bon ou mauvais goût … en fait une
anesthésie complète » (Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Champs Flammarion,
1994, p. 191).
2
Roger Pouivet, « Esthétique », in Précis de philosophie analytique, Puf,
2000, p. 269.
3
Hegel commence son introduction aux Cours sur l’esthétique, en précisant
que si le terme d’esthétique peut être conservé comme « simple nom », « la formule
qui, en toute rigueur, convient à notre science, est « philosophie de l’art », et plus
exactement « philosophie du bel art » (I, Aubier, 1995, p. 6).
4
Pouivet, ibid.
5
On ne peut assimiler le jugement de valeur « ceci est beau » au jugement
descriptif « ceci est de l’art », à moins d’identifier bel objet, objet esthétique et
œuvre d’art, ce qui justement en question.
6
Cf J.-M. Schæffer, L'art de l'âge moderne, Gallimard 1992, p.11 et p. 344-
387.
7
Cf . Serge Trottein, « Introduction. Naissances de l’esthétique au siècle des
Lumières », in L’esthétique naît-elle au XVIIIe siècle ?, Puf, 2000.
8
Luc Ferry, Homo Æstheticus, Grasset, 1990, p. 44-45.
9
J.-M. Schæffer, Les célibataires de l’art, Gallimard, 1996, p. 15.
10
Ibid. Cf. aussi J. Habermas, « La modernité – un projet inachevé »,
Critique, XXXVII, n° 41, oct. 1981.
11
Esthétique, L’Herne, 1988, § 1, p. 121. Pour la citation suivante, cf. § 14,
p. 127.
12
Yves Cusset, Réflexions sur l’esthétique contemporaine, Pleins Feux,
2000, p. 36.
13
« S’il faut compter parmi les caractéristiques de l’art moderne à la fois la
nouveauté de ses avancées inattendues, la conquête de terrains viergers, le
reniement radical des formes habituelles, l’autodestruction et l’accentuation des
effets de choc, alors l’expérience esthétique qui en est le théâtre est le seul moyen
fiable de s’instruire à ce sujet. L’actualité de l’esthétique kantienne … tient au fait
qu’elle a donné une analyse de cette expérience, inégalée en subtilité et en
pénétration, sans s’exposer au reproche d’hétéronomie et de déformation
structurelle » (Rüdiger Bubner « De quelques conditions devant être remplies par
18
Regard, parole, espace, L’Âge d’homme, 1973, p. 135.
19
Michel Henry, La Barbarie, Grasset, 1987, p. 48. Sur l’autonomie
« esthétique » de la sensibilité, cf. L. Cournarie et P. Dupond, La sensibilité,
Ellipses, 1998.
20
Du Bos développe notamment, dans ses Réflexions critiques sur la poésie
et sur la peinture (1719), l’idée que le goût, sens commun (sens autant que
sentiment) juge du beau de façon immédiate, qu’il n’y a pas de création artistique
sans passion – ce que l’on retrouvera radicalisé plus tard par exemple chez Hume
(« la norme du goût » de 1757). Quant à Bouhours (La manière de bien penser dans
les ouvrages de l’esprit, 1687), son esthétique de la « délicatesse » représente un
moment intermédiaire entre Boileau et Du Bos. Cf. L. Ferry, Homo Æstheticus, p.
52-69. Cf. l’ouvrage classique d’E. Cassirer, La philosophie des Lumières, Fayard,
1966. Pour une chronologie de l’esthétique au XVIIIè s. en France, en Allemagne,
en Angleterre et en Italie, cf. l’édition de la Recherche philosophique sur l’origine
de nos idées du sublime et du beau de Burke par Baldine Saint Girons, Vrin, 1990,
p. 237-241.
21
Heidegger, op. cit., p. 79.
22
« De l’origine de l’œuvre d’art », Chemins qui ne mènent nulle part, p. 56.
23
Cf. Serge Trottein, op. cit., p. 7.
24
« L’art se distingue de la nature comme le faire (facere) se distingue de
l’agir ou de l’effectuer en général (agere), et le produit ou la conséquence de l’art se
distingue en tant qu’œuvre (opus) du produit de la nature en tant qu’effet (effectus) »
(Critique de la faculté de juger, § 43, p. 288). L’artefactualité est le premier critère
mobilisé dans la définition de l’œuvre d’art (concept causal ou génétique). Mais
même s’il était une condition nécessaire de l’identification artistique – Goodman
n’y fait pas appel – il reste encore à en indiquer la condition suffisante, c’est-à-dire
la différence spécifique des « Beaux-arts » par rapport aux arts techniques. C’est ici
qu’intervient, en général, l’idée d’originalité, de création, qui serait le propre du
génie (art = Beaux arts = arts du génie). La production technique est une activité
hétérodéterminée, utilitaire et mercenaire où il suffit d’appliquer des règles déjà
connues et indépendantes d’elle, tandis que la production artistique est une activité
autodéterminée, libre et désintéressée, créant en même temps, mais de façon
inconsciente, l’œuvre et les règles qui la rendent possible (des règles sans concept
déterminant) (cf. Kant, ibid., § 46-47). L’œuvre du génie est absolument originale
(ne suit aucune règle et n’imite aucun artiste antérieur) et exemplaire pour l’histoire
de l’art (sert de règle à l’art) – de telle sorte que l’histoire de l’art n’est pas un
progrès mais recommence et meurt avec chaque nouveau génie.
Mais on pourra contester l’idée d’une activité artistique générique (comme si
« dessiner des formes, inventer une histoire, composer des séries d’événements
sonores » (cf. Schæffer, op. cit., p. 37) mettaient en œuvre exactement les mêmes
capacités et les mêmes procédures mentales) et surtout l’hypothèse d’une exception
artistique (d’une activité mentale spécifique à la création artistique) : l’invention du
prototype n’est-elle pas originale et, inversement, n’y-a-t-il pas dans l’art une forme
de production standardisée, au moins avec les œuvres dites allographiques (cf.
infra) ? Les œuvres d’art n’ont-elles jamais été des marchandises, et enfin, toute
activité ne recourt-elle pas à des régles indétachables d’elle (cf. R. Pouivet,
Esthétique et logique, Mardaga, 1996, p. 23-27).
25
« L'Idée régulatrice de l'art moderne et contemporain, après Dada, c'est le
n'importe quoi » (Au nom de l'art, Minuit, 1989, p. 142).
26
J.-M. Schæffer, ibid., p. 33.
27
« Les esthéticiens peuvent bien aligner des conditions de similitude, mais
jamais des conditions nécessaires et suffisantes pour l’application correcte du
concept. En ce qui concerne le concept “art ”, ses conditions d’application ne
peuvent jamais être énumérées exhaustivement puisque de nouveaux cas peuvent
être envisagées ou créés par des artistes, ou même par la nature, qui réclameraient
une décision de la part de quelqu’un afin d’étendre ou de clore l’ancien concept, ou
d’en inventer un nouveau. (…) Ce que je soutiens donc, c’est le caractère expansif,
aventureux de l’art, ses changements incessants et ses nouvelles créations, font qu’il
est logiquement impossible de garantir un ensemble de propriétés déterminantes »
(in Philosophie analytique et esthétique, Klincksieck, 1988, p. 34).
28
Cf. Yves Michaud, L’artiste et les commissaires, chapitre I, J. Chambon,
1989.
29
« Voir une chose comme de l’art exige quelque chose que l’œil ne peut
apercevoir – une atmosphère de théorie artistique, une connaissance de l’histoire de
l’art : un monde de l’art » (« The Artworld », The Journal of Philosophy, LXI,
1964, p. 580).
30
G. Dickie, « Définir l’art » (1969), in Esthétique et poétique, Seuil, 1992,
p. 22.
31
Danto, La transfiguration du banal (1981), Seuil, 1989.
32
L’histoire du musée fait partie intégrante de l’histoire de la modernité
esthétique. Sur les stratégies du musée, le brouillage ironique de sa fonction
communicationnelle, cf. Y. Cusset, Le musée : entre ironie et communication,
Pleins Feux, 2000.
33
Manières de faire des mondes, J. Chambon, 1992, p. 90.
34
Les problèmes dont traite Goodman ne relèvent pas directement du
« domaine de ce que l’on considère habituellement comme l’esthétique » (Langages
de l’art, introduction, J. Chambon, 1990, p. 27) mais d’une « théorie générale des
symboles » - ce qui fait son intérêt et aussi sa limite (cf. D. Château, La Question de
la question de l’art, Presses Universitaires de Vincennes, 1994). L’art est abordé
comme un langage, c’est-à-dire un système de symboles, et donc comme une
activité cognitive au même titre que la science, puisque comprendre un symbole est
une conduite cognitive et qu’inversement, toute connaissance suppose un langage
qui, à sa manière, construit un monde – par cette thèse de la pluralité des modes de
symbolisation, Goodman entend radicaliser, dans le sens de son nominalisme, la
philosophie de Cassirer auquel il rend hommage (cf. Manières de faire des mondes
(1978), J. Chambon, 1992, p. 9). Les œuvres d’art, comme les théories scientifiques,
organisent ou réorganisent l’expérience, font et défont nos visions du monde. Ainsi,
il faut abandonner « la dichotomie tyrannique … entre le cognitif et l’émotif. (…)
Dans l’expérience esthétique, les émotions fonctionnent cognitivement. (…) La
différence entre l’art et la science ne passe pas entre le sentiment et le fait,
l’intuition et l’inférence, la jouissance et la délibération, la synthèse et l’analyse, la
sensation et la cérébralité, le caractère concret et l’abstraction, la passion et l’action,
le médiat et l’immédiat, ou la vérité et la beauté, mais constitue plutôt une
différence dans la manière de maîtriser certaines caractéristiques spécifiques des
symboles » (p. 290 et p. 307-308).
35
Manières de faire des mondes, p. 89.
36
Les œuvres sont davantage « des machines ou des personnes … des entités
dynamiques qui ont besoin d’être mises en marche, remises en marche et
maintenues en fonctionnement. Bien que l’activation d’une œuvre ne soit
habituellement effectuée par l’artiste et en appelle souvent à des procédures
routinères, voire serviles, accomplies par des techniciens, elle ne doit pas être
négligée comme une question purement pratique et artistiquement accessoire ; car
ce que les œuvres sont dépend en dernier ressort de ce qu’elles font » (N. Goodman,
« L’art en action », in Nelson Goodman et les langages de l’art, Cahiers du musée
national d’art moderne, 41, Automne 1992, p. 7).
37
Cf. R. Pouivet, L’œuvre d’art à l’age de sa mondialisation – Un essai
d’ontologie de l’art de masse, La Lettre volée, 2003.
38
qui définit ainsi l’œuvre de masse : « (1) x est une œuvre d’art à instances
multiples ou à types ; (2) produite ou distribuée par une technologie de masse ; (3)
dont les choix structurels qui président à sa production (par exemple, ses formes
narratives, le symbolisme, l’affect escompté et même son contenu) sont
intentionnellement dirigés vers ce qui promet une accessibilité au moindre effort, si
possible au premier contact, pour le plus grand nombre d’individus appartenant à un
public non éduqué (ou relativement non éduqué » (A Philosophy of Mass Art
(1998), in Pouivet, op. cit., p. 21-22).
39
Schæffer n’hésite pas à écrire : « La plus grande entrave de l’esthétique est
la théorie de l’art » (op. cit., p. 22).
40
Critique de la faculté de juger, § 45, p. 138.
41
Cf. J.-M. Schæffer, L’art de l’âge moderne, p. 55-65.
42
Cours d’esthétique, I, p. 18.
43
Cf. Nietzsche, Généalogie de la morale, 3è dissertation, § 6.
44
Cf. Schæffer : « A différentes époques diverses communautés humaines
ont doté d’une fonction sociale de nature esthétique certaines pratiques créatrices
d’artefacts ou d’actions – le choix se portant de préférence sur des artefacts et des
actions destinés à être contempllés, regardés, écoutés, lus… Dans notre société, une
partie de ces pratiques se sont cristalllisées sous la forme de ce qu’il est convenu
d’appeler Art. (…) Cette cristallisation est instable du point de vue culturel et
historique : elle ne délimite pas une domaine clos, mais un agrégat soumis à
évolution et dérive. Plus fondamentalement, malgré ces liens de fait très forts entre
la relation esthétique et le domaine artistique, il n’existe pas de lien de jure entre
eux : les deux doivent être définis indépendamment l’un de l’autre » (op. cit., p.
347).
45
Ibid., p. 41-48. Pour la citation suivante, cf. p. 13-14.
46
Cf. l’article de Dickie de 1964, « Le mythe de l’attitude esthétique » (in
Philosophie analytique et esthétique) qui critique notamment la définition
kantienne, mais dans un style d’interrogation empirique et non transcendantal, de
l’attitude esthétique par Stolnitz : « l’attention désintéressée et pleine de sympathie
et la contemplation portant sur n’importe quel objet de conscience quel qu’il soit,
pour lui-même seul » (« L’attitude esthétique » (1960), ibid., p. 105).
47
Ou plutôt il n’y a aucune contradiction à affirmer que le concept
d’esthétique est inventé au XVIIIè et que la conduite esthétique est universelle.
48
Ici l’analyse conduit à montrer principalement que « la notion d’œuvre
d’art ne délimite pas de domaine ontologiquement spécifique » (p. 108), qu’il faut
« abandonner la recherche d’une définition en termes de conditions nécessaires et
52
Causeries (1948), Seuil, 2002, p. 55.
53
Cf. l’analyse de la conscience esthétique à partir de l’exemple de la
gravure de Dürer, « Le Chevalier, la Mort et le Diable », in Idées directrices pour
une phénoménologique, § 111, Gallimard, 1950, p. 373.
54
Cf. L’imaginaire (1940), Gallimard, 1966, p. 366. Pour les citations
suivantes, cf. p. 362 et p. 367.
55
M. Dufrenne, Phénoménologie de l’expérience esthétique, I, PUF, 1953, p.
47. Pour la citation suivante, cf. p. 46-47.
56
La réévéluation de la notion de forme est une réévalution l’une par l’autre
de l’esthétique et de la politique. L’esthétique ne doit pas plus imposer de l’extérieur
à l’art sa vérité que l’art se laisser imposer de l’extérieur sa mission politique. Il faut
partir de l’œuvre, situer sa dimension spirtuelle en elle (contre la thèse hégélienne
d’une relève de l’œuvre d’art par la forme sans forme sensible du concept, de l’art
par la science de l’art) dans le procès ou l’intrigue de la forme qui devient, ainsi, à la
fois principe de sa logicité (structuration, réflexion) et de son pouvoir critique et
politique : la forme organise en un langage cohérent « des éléments épars » mais
sans résoudre dans une unité parfaite et sans faille ces divergences et ces
contradictions. Au contraire, elle laisse être et apparaître la tension dans la
réconciliation. La forme est dans l’œuvre l’attestation que la contradiction est
indépassable : l’art, face à la domination du monde social, est le refuge du négatif et
du non-identique. Cette « esthétique négative » est une inversion de l’esthétique
hegelienne : l’art dépasse le concept en exprimant ce qu’il ne peut penser. Cf.
l’article de D. Payot « La « science » des œuvres – Remarques sur la Théorie
esthétique d’Adorno », in La part de l’œil, 15-16, 1999-2000.
57
Cf. Adorno, Horkheimer, La dialectique de la Raison (1944), Gallimard,
1974, p. 129-176, où est décrit le processus de « réification » de l’art qui renie son
automie en s’aliénant à la logique marchande.
58
Sur l’histoire du malentendu entre les avant-gardes russes et la révolution
prolétarienne, cf. l’article de J.-P. Bouillon, «Le retour à l’ordre en U.R.S.S. 1920-
1923 », in Le retour à l’ordre dans les arts plastiques et l’architecture, 1919-1925,
CIEREC, VIII, 1974.
59
W. Benjamin, « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique», in
Essais 2, 1935-1940, Denoël- Gonthier, 1983, p. 90.
60
« Celui qui se recueille devant une œuvre d’art se plonge en elle (…) ; au
contraire, dans le cas du divertissement, c’est l’œuvre d’art qui pénètre dans la
masse » (ibid., p. 122).
61
Cf. la version plus complète publiée dans les Ecrits Français, Gallimard,
1991, sous le titre « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée », p.
144. Pour la citation suivante, cf. p. 167.
62
« Au cours des grandes périodes historiques, avec tout le mode d’existence
des communautés humaines, on voit également se transformer leur façon de sentir et
de percevoir. La forme organique que prend la sensibilité humaine – le milieu dans
lequel elle se réalise – ne dépend pas seulement de la nature mais aussi de
65
Expérience esthétique et ontologie de l’œuvre, Bruxelles, 1989, p. 181.
66
M. Dufrenne, op. cit., p. 33.
67
Ibid., p.101. Pour les citations suivantes, cf. p. 99, p. 101, p. 108, p. 103, p.
102, p. 102-103, p.106-107, p. 108.
68
Critique de la faculté de juger, § 59.
69
Dans ce qui devait être la Troisième partie (Juger) de son grand ouvrage
La vie de l’esprit, qui est demeuré inachevé et pour lequel nous ne disposons que de
textes issus de conférences, principalement prononcées à la « New choll for Social
Research » en 1970, H. Arendt entendait montrer que c’est dans la Critique de la
faculté de juger qu’il fallait chercher la philosophie politique de Kant manquante
aillleurs dans l’ensemble du corpus (cf. Juger – Sur la philosophie politique de
Kant, Seuil, 1991).
70
Cf. Condition de l’homme moderne,Calmann-Lévy, 1961, p. 187 sq.
71
Cf . La crise de la culture, Gallimard, 1972, p. 283. Pour les références
suivantes, cf. p. 283, p. 269, p. 268-269. La communauté esthétique, qui n’est ni
fusionnelle ni exclusive, se constitue comme le sentiment de juger en commun, par
référence à la communauté idéale du public. Cf. l’article de J.-Ph. Uzel qui
rapproche le sens commun chez Kant – et son interprétation politique par Arendt –
de la définition du « public » que donne Thomas Crow dans La Peinture et son
public à Paris au XVIIIè siècle. « Le “public” … n’est rien d’autre qu’“une
73
Arendt, op. cit., p. 261. Pour les citations suivantes, cf. p. 269 et p. 284.
74
Le partage du sensible, La Fabrique, 2000, p. 12. Pour les citations
suivantes, cf. p. 14, p. 47, p. 48, p. 31, p. 33, p. ,p. 50, p. 19, p. 22.
75
La mésentente, Galilée, 1995, p. 88.
76
Ce désintéressement, comme l’a remarqué Stolnitz, à la suite de Kant,
n’est pas absence de tout intérêt (in-intéressement) puisqu’il consiste dans la
concentration de la réception sur elle-même. Chédin précise à propos de Kant que
« désintérêt signifie seulement et précisément que « sous le charme » du beau je ne
m’intéresse à rien d’autre qu’à l’effet de plaisir ou de peine que produit sur ma
subjectivité (état d’esprit) la perception actuelle de la forme de l’objet. (…)
Désintérêt signifie donc que l’appréhension esthétique néglige toute sorte d’intérêt
(pathologique, théorique, pratique) qui pourrait sinterposer, s’entremettre (inter-
esse) entre moi-même et le plaisir que j’éprouve à me représenter la forme de l’objet
– à me le (re)présenter immédiatement, c’est-à-dire sans médiation d’aucun intérêt »
(Sur l’esthétique de Kant et la théorie de la représentation,Vrin, 1982, p. 18.
77
Ainsi, pour revenir au cas de Duchamp, la revendication d’anesthésie qui
préside du choix du ready made ne saurait être identifiée au désintéressement dont
parle l’esthétique, parce qu’il constitue une décision théorico-pratique pour lutter
contre « le luxe esthétique de l’art, contre les chefs-d’œuvre produit en série »
comme l’écrit D. Chateau (op. cit., p. 96), et ainsi « ranimer sans cesse l’authenticité
du geste artistique » – ce pourquoi d’ailleurs, Duchamp abandonne lui-même le
ready made « aussitôt qu’il constate que s’instaure un goût du ready made ».
78
Cf. Stolnitz : « n’importe quel objet peut être appréhendé esthétiquement,
c’est-à-dire qu’aucun objet n’est intrinsèquement inesthétique » (op. cit., p. 110).
« L’histoire du goût montre comment les frontières de l’expérience esthétique ont
été repoussées et en sont venus à inclure une variété extraordinaire de choses » (p.
11), ce que vérifie l’histoire de l’art moderne : en l’absence de règles déterminantes
(du beau, du goût…), seule la conscience esthétique peut expliquer l’ouverture du
concept d’art, son extension à de nouveaux objets.
79
M. Jinenez, Qu’est-ce que l’esthétique ?, Gallimard, 1997, p. 429.
80
Cf. A. Badiou, Petit manuel d’inesthétique, Seuil, 1998.