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LA VÉRITÉ:

I INTRODUCTION:

la vérité est d’abord l’objet d’une recherche. Une telle démarche suppose qu’on
postule son existence. Une telle assertion est-elle fondée: La vérité existe - t elle
vraiment ou n’est elle qu’une exigence infondée d’un esprit qui voudrait en finir
avec sa condition toujours et en tous points relative? Si on admet l’existence de
la vérité tous les problèmes ne sont pas pour autant levés ,au contraire:
-un premier problème se pose quant aux Moyens qui permettent d’y
accéder.
-Ensuite il faut réfléchir sur les critères qui permettent de la reconnaitre.
-Vient enfin la question de sa valeur.
Autant de points qu’il nous faudra aborder dans ce chapitre.

II LA QUESTION DE L’EXISTENCE DE LA VÉRITÉ:

1/ position des problèmes:


Le projet de recherche de la vérité est constitutif de la démarche philosophique
et ce depuis ses débuts. La philosophie de Platon exprime cette exigence: Il
s’agit d’abord de distinguer l’être” et l’apparence” ;le discours véritable et le
discours qui ne relève que de l’opinable. La vérité voit sa recherche liée au refus
d’accorder crédit à ce qui apparait immédiatement a nos sens ou a notre sens
commun (bon sens).Il s’agit d’une volonté de rendre raison et non de faire une
confiance aveugle à ce qui apparait.
Toutes les démarches philosophiques ont pour ambition de rapporter les
discours et les pratiques a la vérité et de les y soumettre. Les questions d’utilité
d’efficacité sont alors secondaires.

Pourtant on peut désigner 2 attitudes qui symbolisent un refus de la notion de


vérité comme autre chose que comme chimère..
-D’abord une attitude ancienne le relativisme sous lequel peut tomber tte
espèce de jugement. Pour eux ttes les opinions sont des jugements de valeur ;A
partir de là ttes se valent et “a chacun sa vérité”. Le domaine du savoir échappe
dans une certaine mesure aux relativistes. Don Juan affirmait bien que sa seule
religion était que 2+2=4.
Il ne reconnait pour les jugements de valeur . Une seule vérité : « ttes les
vérités sont relatives”.

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-le révisionnisme qui s’attaque à la vérité historique.(attitude plus


moderne).Ex: la remise en cause, de l’existence des chambres à gaz.
L’argumentation qu’ils déploient, comme l’a montré Vidal-Naquet s’appuie sur
une sorte de preuve non-ontologique qui consiste à frapper d’inexistence des
réalités sociales politiques ou idéologiques. On cherche à montrer que tout ce
qui est tenu pour vrai peut tout aussi bien être tenu pour faux.

Il convient donc d’analyser ces diverses façons d’envisager la question de


l’existence de la vérité .pour cela nous allons tout d’abord interroger les
relativistes dans la personne de Protagoras ,l’un de leurs meilleurs
représentants:

2 /l’option relativiste:

a /le relativisme de Protagoras:

-Diogène laerce:”Protagoras fut le premier qui déclara que sur toute chose on
pouvait faire 2 discours exactement contraires et il usa de cette méthode”. Vies
et Sentences des Hommes Illustres. Il ne s’agit pas là d’un simple constat sur le
caractère contradictoire des opinions.il affirme là que ce type de contradiction
n’est pas un simple fait mais qu’il s’agit d’une contradiction de droit.

La première conséquence pratique est la substitution de la problématique de la


vérité par la problématique du pouvoir. Le but de toute prise de parole est de
séduire de convaincre de persuader. Si on peut légitimement soutenir qu’une
chose et son contraires sont également défendables alors la seule chose qui
importe est d’obtenir l’adhésion de celui Qui nous écoute à la thèse que l’on
défend. Il ne faut plus pour cela être véridique mais être habile, brillant..Les
sophistes sont des professeurs de rhétorique: leur but est d’enseigner comment
parler avec vraisemblance de toutes choses. Ils savent quant à eux soutenir
n’importe quelle thèse quel qu’en soit le sujet, et bien qu’ignorants de ce dont il
retourne.
Dans l’Athènes du 5° siècle la chose est d’importance: Le régime politique alors
en vigueur est la démocratie directe: Chacun prend la parole dans l’agora et
l’emporte celui qui a su faire l’adhésion du plus grand nombre .on se presse
donc aux leçons des sophistes” habiles à faire de l’escrime avec pour arme des
paroles”. Platon Euthydème.”
C’est la victoire qui juge du vrai et non l’inverse.

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_la position de Protagoras est donc fondée sur le postulat selon lequel l’homme
est mesure de toute chose”. Il ne faut pas comprendre cette affirmation en
reference a un sujet humain universel, mais au sens individuel du mot homme:
Aristote Métaphysique: ”Ce qui revient à dire que ce qui parait à chacun est la
réalité même”. ou encore Platon”Théétete:”telles que les choses m’apparaissent
a moi les choses existent pour moi;, telles qu’elles t’apparaissent à toi, telles
elles existent pour toi”.

b/la définition pragmatiste de la vérité

La vérité ne serait qu’une convention commode ou mieux efficace. Cette


éventualité lie la vérité a la réussite de l’action. William James au début du 20°
S a donné la formule la plus achevée de cette façon de concevoir la vérité( .Il
importe à nos idées d’augmenter notre puissance d’agir .

c/ apercu critique:

Une telle assertion revient-elle à dire que tout est vrai?.


-N’est ce pas dire qu’une chose peut à la fois être et n’être pas?. Cela
reviendrait à contredire les fondements de toute pensée logique: Le principe de
non contradiction est ruiné par une telle assertion.
-En tant que postulat, ce principe de non-contradiction et son contraire
pqr la même occasion est indémontrable. On ne peut don discréditer les
fondements de la sophistique pas plus d’ailleurs que celles de la pensée de
Platon.
-Si on ne peut démontrer le bien fondé du principe de non contradiction
on peut éventuellement montrer que son contraire conduit a une impossibilité
logique .Le point de départ de la réflexion est donc le langage considéré comme
porteur de sens pour celui qui parle et pour son interlocuteur. Or dire que 2
contradictoires sont vraies en même temps c’est ruiner toute possibilité de
langage. La signification devient une notion
creuse sans valeur .La stabilité des êtres ,des choses est mise en péril du même
coup. Si le blanc est aussi non-blanc si l’homme est aussi non-homme alors il
n’y a plus de différence entre les êtres. Platon: Théétete:”De toute façon le mot
être doit être éliminé”.
-Si on revient à une perspective plus pratique on s’aperçoit que personne
n’applique une telle conception. Ayant faim je ne pense pas un instant que le
pain et la pierre sont identiques.
Essayons maintenant d’interroger la genèse de la sophistique pour expliquer ses
errances:
-Alors d’ou vient la sophistique?:Pour Aristote elle est née de la
considération par les anciens des choses physiques dans lesquelles ils avaient

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constaté qu’elles pouvaient engendrer le contraire de ce qu’elles étaient. Ce


faisant ils ont commis l’erreur de généraliser :passant de ce que le sensible
donne parfois a apercevoir à tous les êtres ce qui n’est aucunement justifiable.
-De plus les changements constatés dans les choses sensibles ne sont que des
modifications et pas des changements de nature. En outre on ne peut même pas
expliquer ces changements par la sophistique elle même: Si rien n’a d’identité
les notions de transformation et de modification n’ont plus ni valeur ni sens
.Dire “tout est vrai c’est ruiner toute lien entre” discours” et “être “.Pour que
l’on puisse parler il faut supposer l’existence d’êtres qui ont des définitions
posées une fois pour toutes.: C’est la stabilité ontologique qui fonde le principe
de non contradiction dans la sphère de la pensée.
Aristote ”Ce n’est pas parce que nous pensons d’une manière vraie que tu es
blanc que tu es blanc, mais c’est parce que tu es blanc qu’en disant que tu l’es
nous disons vrai” .Métaphysique.

3/le refus du relativisme et de la sophistique:L’affirmation de l’existence


du’une vérité Une et inaltérable:
a/ le Platonisme:
la pensée de Platon se présente comme un effort pour lutter contre les
apparences.
là ou les sophistes pèchent dans les eaux troubles du relativisme Socrate montre
que si on adopte les principes relativistes, les hommes sont condamnés a
s’ignorer se haïr se combattre :Si ce que chacun pense est vrai il est impossible
de réaliser l’accord des esprits et les hommes ne peuvent avoir d’autres rapports
entre eux que les rapports de force. Ce qui importe c’est de trouver l’unité
derrière la multiplicité. Le refus de l’apparence se trouve partout chez Platon:
Mythe de la Caverne, ainsi que Gorgias, Protagoras..
Platon,a l’opposé de Protagoras admet que” la mesure de toute chose est ailleurs
que dans les choses”.
A la fin de la République(VI),Platon distingue 4 objets de la connaissance
auxquels correspondent 4 opérations de l’esprit:

#les choses visibles:-les images des choses.-->Opinion.


-les êtres vivants et les choses--->La croyance.

#les choses intelligibles:-les mathématiques-->Connaissance discursive.


-les idées-->connaissance intuitive.

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La théorie des idées apparait la première fois dons le Cratyle. Il s’agit pour
Platon d’affirmer que les êtres ont une certaine permanence. Ils ne sont ni
relatifs a nous ni indépendants de nous. Elles se laissent entrainer au gré de
notre imagination mais au fond elles sont indépendantes de nous. L’appel aux
mathématiques donne une explication de ce qui parait contradictoire à nos sens.
La science des chiffres à le mérite de nous faire échapper a la sphère de ce qui
change et passe pour nous faire réfléchir sur des quantités éternelles. .Au dela
des mathématiques se trouve la connaissance la plus haute parce qu’elle est an
hypothético-déductive.: La connaissance des idées.Les mathématiques ne sont
que ”le prélude à l’air qu’il faut apprendre”..République
Le Dialecticien est celui qui atteint l’essence de chaque chose.Il est parvenu au
couronnement au faite des sciences.(cf cours sur la Métaphysique).
C’est dans le discours ;l’échange verbal; que l’apprenti philosophe ou les
interlocuteurs de Platon vont pouvoir appréhender plus aisément l’existence de
la vérité et parviendront à l’atteindre. Face a la parole efficace du sophiste va
s’ériger la recherche de la Vérité objective chez Socrate et Platon. Le but du
discours est de découvrir la vérité en s’aidant mutuellement. C’est désormais
l’accord des esprits et non le pouvoir qui est visé. L’usage du discours est donc
nécessairement réglé par une éthique. Un discours véritable est tout le contraire
d’une dispute avec ses arguments ad-hominem et l’inévitable cortège de
passions. Socrate admet que la vérité en tant qu’elle s’atteint se signale d’une
certaine manière dans la concordance des discours d’hommes de bonne volonté
et raisonnables. Le dialogue exclut donc la dispute ;la mobilisation des
passions.il faut en outre remettre en question ce qui a pu faire l’objet d’un
accord .

Mais la conception de la vérité comme correspondance pose aussi des


problèmes : elle suppose que les données de l’expérience auxquelles nos
théories se devraient de correspondre existent indépendamment de nos théories,
de notre langage et de notre façon de percevoir et de juger de la réalité. Or nous
savons qu’il n’existe pas de faits bruts, indépendants de notre effort pour
connaitre. ( cf Théorie et expérience )

Kant remarquera toutefois que définir la vérité comme accord de la


connaissance et de son objet est juste mais que c’est une définition purement
nominale qui ne nous livre pas de critère permettant de savoir quelle
connaissance est vraie. Est-ce comme le pensent les empiristes que l’esprit doit
être adéquat aux choses ou est-ce comme le veut Kant aux choses de l’être à
l’esprit ?

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B/ la question des critères de vérité et de leur fiabilité:

La liste des critères de vérité est constituée de la manière suivante : le


sentiment de l’évidence ou l’intuition, la correspondance de ce qu’on a dans
l’esprit avec ce que les choses sont, ou la concordance des données avec un
principe. Essayons de passer ces critères en revue en nous interrogeant sur ce
qui les fonde, les rend fiables ou plus ou moins suspects.

III/ DEFINITION ET CRITERES DE LA VERITE

Il nous faut d’emblée démêler le vrai ( et le faux ) du réel ( et de l’irréel ); le réel


concerne les choses qui existent; le vrai concerne nos affirmations sur les
choses qui existent; le vrai ne qualifie pas les choses en elles-mêmes, mais nos
jugements et raisonnements sur les choses.
Dès lors qu’est ce que le vrai ? Faut il ne tenir pour vrai que ce qui peut être
prouvé ? Prouver c’est établir qu’un jugement est vrai, mais la vérité se réduit
elle à l’ordre de la preuve ?

A/ la vérité correspondance ou la vérité cohérence:

On définit depuis les grecs la vérité comme conformité, adéquation ou


concordance du jugement et de la chose.
Au moyen âge Saint Thomas la définissait ainsi : ” La vérité est dans notre
esprit en tant qu’il est adéquat a la réalité perçue”.
Le logicien contemporain Tarsky l’exprimera plus simplement encore sous
l’appellation de vérité correspondance : « la proposition il neige est vraie si et
seulement si en fait il neige ».

Objections :
- Kant remarquera toutefois que définir la vérité comme accord de la
connaissance et de son objet est juste mais que c’est une définition purement
nominale qui ne nous livre pas de critère permettant de savoir quelle
connaissance est vraie. Est-ce comme le pensent les empiristes que l’esprit doit
être adéquat aux choses ou est-ce comme le veut Kant aux choses de l’être à
l’esprit ? CF texte 6

Ainsi la vérité comme adéquation peut s’interpréter en deux sens différents :


veritas est adoequatio intellectus ad rem : la vérité est l’adéquation de
l’intellect et de la chose, l’intellect devant se conformer à ce qu’il perçoit de la

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réalité sensible; la vérité scientifique sera établie par l’observation; c’est la


lecture inductiviste et empiriste des sciences telle qu’elle apparaît chez Diderot
ou Hume par exemple.

veritas est adoequatio rei ad intellectum : la vérité est l’adéquation de la


chose à l’intellect; la vérité sera établie par l’expérimentation, c’est à dire par la
manipulation de la réalité afin de vérifier une hypothèse imaginée par l’intellect.
C’est la lecture rationaliste des sciences telle qu’elle apparaît chez Kant et plus
près de nous chez Claude Bernard par exemple.

- La définition de la vérité comme correspondance ne fait pas cependant


l’unanimité. On peut lui opposer la conception de la vérité comme cohérence (
cf chapitre logique et mathématiques ).
Selon cette conception une théorie scientifique sera dite vraie si les propositions
qui la constituent forment un ensemble cohérent c’est à dire si elles sont
compatibles entre elles.
Toutefois là aussi on doit nuancer cette critique de la vérité adéquation car s’il
est vrai que la cohérence de la pensée avec elle même est une définition
possible de la vérité, il faut bien admettre avec Kant qu’elle n’en est qu’une
condition négative. C’est une condition nécessaire mais non suffisante de la
vérité car que serait une théorie scientifique certes cohérente mais en
contradiction avec les faits ? Reste donc la question de l’adéquation avec la
réalité.

- Mais la conception de la vérité comme adéquation pose aussi des problèmes :


elle suppose que les données de l’expérience auxquelles nos théories se
devraient de correspondre existent indépendamment de nos théories, de notre
langage et de notre façon de percevoir et de juger de la réalité. Or nous savons
qu’il n’existe pas de faits bruts, indépendants de notre effort pour connaître

Transition : se pose également le problème de l’accès à la vérité par la


découverte des critères qui permettent de la reconnaître voire de la faire naître.

B/ le sentiment d’évidence comme critère de la vérité :

a/L’approche des cartésiens:


les philosophes classiques qui ont suivi Descartes voient dans l’évidence le
critère distinctif permettant de déceler la vérité. Ainsi la fonction du cogito ( je
pense donc je suis ) chez Descartes est double; il donne un type exemplaire de
proposition certaine et il prépare la distinction de l’âme et du corps. Laissons ce
second point et interrogeons nous sur le premier :

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Le cogito est certain parce que je perçois clairement et distinctement la liaison


entre ma pensée et mon existence; pour penser il faut être. Je puis donc
considérer comme vrai ce que je percevrai à l’avenir avec la même clarté et la
même distinction en un mot avec la même évidence.
Le cogito témoigne que l’esprit peut avoir une certitude entière et complète;
qu’il peut accéder à la vérité comme évidence d’ordre intellectuel. Le vrai n’est
donc pas ici de l’ordre de la preuve, mais d’une intuition métaphysique, c’est à
dire d’une relation immédiate avec l’être.
Le vrai est connu par intuition, terme qui désigne chez Descartes une
connaissance intellectuellement immédiate.
Cela signifie comme le dit Spinoza que la vérité est index sui ,qu’elle se montre
d’elle même par sa clarté : « Qui a une idée vraie sait en même temps qu’elle
est vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance » ( Ethique II,43 )

Mais peut-on tout connaître par évidence ? La réponse de Descartes est négative
notre entendement étant fini nous ne pouvons pas tout connaître de la sorte mais
nous pouvons percevoir ainsi les premiers principes comme le cogito ou les
axiomes mathématiques.
Ensuite par démonstration ou par voie de déduction nous pourrons déduire
toutes les autres connaissances. Ainsi l’intuition et la déduction sont elles les
deux voies qui conduisent a la vérité. ( voir texte 6 de Descartes cf. logique et
mathématique manuel )

Descartes postule donc que la vérité est a la portée de tout un chacun pour peu
qu’il use de sa raison avec méthode, c’est a dire que la vérité est en quelque
façon rationnelle. L’ordre du vrai aurait donc un modèle rationnel.
Pour Descartes c’est le modèle géométrique qui rend le mieux compte de la
méthode rationnelle :

« Ces longues chaînes de raisons toutes simples et pratiques dont se servent les
géomètres pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations m’avaient
donné l’occasion de m’imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber
sous la connaissance des hommes s’entresuivent de même façon, et que pourvu
seulement qu’on s’abstienne d’en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit ,et
qu’on garde toujours l’ordre qu’il faut pour les déduire les unes des autres, il
n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne ni de si
cachées qu’on ne découvre » ( Discours...2° partie.)

L’évidence dont parle Descartes est purement intellectuelle : c’est l’acte d’un
esprit qui conçoit une idée avec suffisamment de clarté et de distinction pour
que cette vérité s’impose d’elle-même. Ce qui suppose qu’il ne s’agit de
l’évidence des sens qui à cette étape du Discours de la méthode sont récusés car

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trompeurs, et que d’autre part l’esprit doit éviter toute précipitation dans son
jugement ( préjugé ).

b/ aperçu critique:
-Cette approche intellectualiste de la connaissance a été critiquée a partir
du XVIII ° SIÈCLE. Descartes conçoit comme possible d’atteindre une vérité
sur le monde physique d’après des principes a priori déduits de la seule Raison
Humaine. Or on récusa l’idée que l’on puisse ainsi traiter le monde physique
comme un système mathématique et déduire des vérités de fait à partir
d’axiomes évidents.
Ainsi dans le domaine des sciences de la nature le critère doit être avant tout
l’observation même des faits. ( cf Diderot ou Hume )
La vérité est acquise dans et par l’observation des faits et non par inspection de
l’esprit. Dans cette perspective c’est l’évidence sensible qui devient critère de la
vérité.

- le critère cartésien s’est heurté des la fin XVII ° SIECLE à une autre
critique qui fut formulée par Leibniz :
L’évidence est un critère subjectif qui s’accompagne d’un sentiment de
certitude. En effet, l’évidence reste par définition l’expérience que fait une
subjectivité ou pour le dire autrement toute vérité est vérité pour une
conscience. Je pense donc je suis, voilà de quoi j’ai en conscience la certitude,
et c’est pourquoi selon Descartes c’est absolument vrai.
L’évidence ne peut donc pas être autre chose qu’un sentiment qui, comme tel,
n’est pas fondée. C’est le reproche de Leibniz à Descartes : l’évidence n’est pas
un critère suffisant du vrai car ne peut-on parler de fausse évidence ? Ce
sentiment peut très bien être relatif à une culture et ne rien devoir à la seule
raison. Chacun peut faire les frais d’un sentiment d’évidence qui conduit à
l’erreur. Comment alors distinguer l’évidence des faux -semblants ?

Certes Descartes préconisait à cet effet de ne pas tomber dans les deux défauts
que sont la précipitation et la prévention ( manque d’attention à l’évidence
intellectuelle ) mais une fois de plus, penser que l’on a suffisamment fait
attention est très subjectif. Il faut donc à l’évidence un critère objectif qui nous
assure de sa véracité.

C’est pourquoi Leibniz oppose à l’intuition de l’évidence, la démonstration où


les jugements s’enchaînent aux jugements selon des nécessités purement
logiques. Dire qu’une proposition est évidente n’est pas une garantie de sa
vérité : encore faut-il qu’elle soit démontrable, c’est à dire qu’elle soit la
conclusion d’un enchaînement de raisons déduites de premiers principes; c’est

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donc que sa valeur de vérité doit relever de la preuve. Ainsi c’est remarquable
dans le cas de l’arithmétique; Il suffit de manier correctement les règles
opératoires pour être sur de ne jamais se tromper. ( cf le grand Art de Lulle au
XIII ° SIECLE ).
On objectera alors que les principes premiers d’un raisonnement, n’étant pas par
définition démontrés, ne peuvent être connus que par l’évidence. Ainsi, vouloir
fonder l’évidence sur la démonstration nous ramènerait finalement à l’évidence
! ( cf logique et mathématique : les géométries non-euclidiennes comme
tentatives pour échapper à ce dilemme. )

B/ vérité de fait ou vérité de raison:

On peut donc selon les philosophes définir différemment la vérité, ainsi que les
critères qui permettent de la reconnaître comme telle. En réalité, il est possible
de rendre raison de ces différences si l’on se place du point de vue des domaines
d’application de ces différents types de vérité, et qu’on distingue ainsi que l’a
fait Leibniz, mais également Hume après lui, les vérités de fait et les vérités de
raison :

- Il existe un type de vérité qui concerne les faits et sur lequel insistent donc les
partisans de la vérité adéquation. Il s’agit de ce que les logiciens nomment la
vérité matérielle d’un raisonnement, et dont le domaine d’application est
essentiellement celui des sciences expérimentales.
Dans ce cas, une théorie scientifique sera vraie si elle est prouvée
expérimentalement. ( cf. Théorie et expérience )

- Le deuxième type de vérité est la vérité de raison qui concerne les


raisonnements mathématiques et logiques et sur lequel insistent les partisans de
la vérité cohérence. Il s’agit de la vérité logique ou vérité formelle, c’est à dire
la conformité d’une affirmation ou d’un raisonnement ( le syllogisme par
exemple ) avec les règles de la logique, et notamment avec le principe de non-
contradiction.
Dans ce cas sera vrai une proposition dont on peut montrer qu’elle est
logiquement déductible d’autres proposition, qu’elle est obtenu par un
raisonnement valide, cohérent et ce indépendamment du rapport de la
proposition avec la réalité qu’elle décrit.
En ce sens les vérités mathématiques sont prouvées de manière logique
puisqu’elles sont toujours démontrées, à l’exception des premiers principes ou
axiomes qui posent problème. ( cf. logique et mathématique)

C/ Conclusion :
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Il faut donc distinguer entre vérité logique et vérité


empirique ou vérité formelle et vérité matérielle ou encore vérité de raison et
vérité de fait, et considérer que si la vérité cohérence ou formelle est suffisante
pour définir la vérité des systèmes hypothético-déductifs que sont les systèmes
mathématiques et logiques, elle est insuffisante dans les sciences
expérimentales.
La vérité cohérence ou formelle est bien la condition nécessaire de la vérité
scientifique puiqu’une pensée contradictoire ne saurait s’appliquer au réel mais
cela ne suffit pas car une théorie scientifique suppose d’être vérifiée par
l’expérimentation.
Quoiqu’il en soit, sur le plan scientifique mais aussi bien sur le plan
philosophique, une affirmation ou une théorie n’ont de valeur de vérité que dans
la mesure où elles sont fondées, c’est à dire prouvées rationnellement.

Pourtant certains jugements invérifiables et indémontrables, selon Kant peuvent


être tenus pour vrais. Ce sont les postulats de la Raison pratique ( affirmation de
la liberté, de l’existence de Dieu ) qui rendent possible l’action morale. Que
serait en effet la morale sans la présupposition de la liberté ? Et pourtant je ne
puis prouver expérimentalement ma liberté ! Dire je suis libre c’est donc tenir
pour vrai un jugement en sachant qu’il n’est pas l’objet d’une vérification
expérimentale. Il est simplement possible de penser ce que l’on ne peut
connaître par quelque approche scientifique que ce soit. “ J’ai du, dit Kant,
supprimer le savoir pour y substituer la croyance.” Une foi rationnelle, telle
qu’elle apparaît chez Kant, tient ainsi pour vraies des propositions qui ne
peuvent être prouvées par expérience ou par déduction.

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