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CONTRIBUTIONS A L'HISTOIRE DE L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT

Author(s): Lewis Robinson


Source: Revue de Métaphysique et de Morale, T. 31, No. 2 (Avril-Juin 1924), pp. 269-353
Published by: Presses Universitaires de France
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Accessed: 31-10-2015 15:25 UTC

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A L'HISTOIRE
CONTRIBUTIONS
DE L'ÉVOLUTION DEKANT
PHILOSOPHIQUE

1. En publiant le présent mémoire,notre intentionn'est pas


de reprendredans son ensemble le thèmedéjà si souvent traité
de l'histoirede révolutionde la philosophiede Kant. Nous nous
proposonsseulementd'en détacherles momentssur lesquels nous
avons quelque chose de neufà dire, ou que nous croyons pou-
voir éclairerd'un jour nouveau. Toutefois,pour obtenir,dans la
mesure du possible, un tableau d'ensemble, nous ne pourrons
éviterde toucher,en passant, à mainte donnée connue, et déjà
bien établie. Ce sera le cas, surtout dans le paragraphe suivant,
où sont traitésles débuts assez clairs de la pensée philosophique
de Kant, c'est-à-direla période connue chez les historiens,sous
le nom de rationaliste-dogmatique.
2. Pendant cette période, Kant est sous l'influencede deux
grands espritsauxquels il fait allusion, dès les premièreslignes
de son premierécrit: Gedankenvon der wahren Schätzung der
lebendigenKräfte. Ce sont: Newton,dans le domainedes sciences
naturelles,Leibniz et son école, dans le domaine de la philoso-
phie. Dans le domaine des sciences naturelles,auquel il se voue
de préférenceà cetteépoque de sa vie, Kant est,on le sait, arrivé
beaucoup plus tôt à maturitéque dans celui de la philosophie,et
son chef-d'œuvreen cette matière,YAllgemeineNaturgeschichte
und Theorie des Himmels, appartient déjà à cette première
période.
En métaphysique,son pointde vue est, à cette époque, celui de
la Monadologie,qu'il n'interprétait cependant aucunement dans
un sens idéaliste, mais bien, avec Wolff et son siècle, dans un
sens étroitement dualiste. C'est le faitd'avoir découvert la nature

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dynamiquede la substance simple et non sa nature psychique


qu'il vante,dans son écritde 1746,commeétantla grande décou-
verte de Leibniz, une découverteque seul Aristotè,dans sa doc-
trinesi généralementmal interprétéede l'Entéléchie, avait pres-
sentie.Leibniz, écrit-ilau début de ce traité{Wahre Schätzung,
§ I), dem die menschliche Vernunftso viel zu verdanken hat,
lehrtezuerst,dass dem Körper eine wesentlicheKraft beiwohne,
die ihm sogar noch vor der Ausdehnungzukommt.De même,il
prend une attitude absolumentétrangère à l'idéalisme dans le
principalécritphilosophiquede toutecettepériode, dans la Nova
Dilucidatio, de 1755. Il y enseigneque l'âme, dans l'accomplisse-
mentdes fonctionsintellectuelles,est forcémentliée à la matière,
et doit toujours rester unie à un corps organique, faute de quoi
elle demeureraittoujoursdans le même état, sans pouvoir subir
aucun changement,- un pointde vue qui se distinguede la doc-
trinenuisible du matéralisme,uniquement par le faitde ne pas
refuserà l'âme la facultéde la représentation(Prop. XIII, usus).
Quant à la seconde conceptionfondamentalede la métaphy-
sique leibnizo-wolffîenne : l'harmonie préétablie, Kant, suivant
les traces de son professeurde philosophie MartinKnutzen,-
comme, d'ailleurs,la plupartde ses contemporains,représentants
du wolffianisme, - l'abandonnedéjà dès le débutde cettepremière
période1.Son attitudeà ce sujet est particulièrementnette dans
son premierécrit,où il se déclare carrémentpour la doctrinede
l'influencephysique.Le corps agit sur l'âme, de mêmeque l'âme
agit sur le corps; car l'âme aussi est le siège d'une force essen-
tielle, d'une vis activa, et commel'âme se trouveen un lieu défini,
et que le lieu (d'après la théorieleibnizo-wolffîenne) est quelque
chose qui désigne les actions réciproques des substances,recon-
naîtreune influencede ce genre n'offreplus aucune difficulté.
Es hat also einen gewissenscharfsinnigenSchriftsteller - c'est-à-
-
dire MartinKnutzen nichtsmehrverhindert,den Triumphdes
physischenEinflussesüber die vorherbestimmte Harmonie voll-
kommenzu machen( WahreSchätzung, § 6). Dans la Dissertation
de 1755,par contre, il défend une conception qui paraît moins
éloignée de la conceptionleibnizo-wolffïenne. Il repousse main-

1. On verra, en lisant B. Erdmann(Martin Knutzen und seine Zeit, 1876,


p. 79 et suiv.), que, dès environ 1740,la doctrinede l'harmoniepréétablie avait
été presque complètementabandonnée dans l'école de Wolff.

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tenant l'idée de l'influence physique,et croit devoir acceptery


entreles substances, une harmoniegénérale,bien que non préé-
tablie. La dépendance réciproque des substances, l'action des
esprits sur les corps et des corps sur les esprits ne sont pas
expliquées par leurs qualités intérieures,mais par le fait d'être
unies dans leur origine,dans l'intelligencedivine (Nova Diluez-
datio, Prop. XIII).
Dans ces débuts Kant accepte, en principe, la preuve ontolo-
gique de l'existencede Dieu (Prop. Viet VII), bien qu'ilrepousse
les formessous lesquelles elle se présente d'ordinaire,et notam-
mentcelle que lui a donnée Descartes; dans ce derniercas, parce
qu'elle repose sur le concept insoutenable de la causa sut. La
preuve qu'il donne lui-mêmepeut être considéréecomme une
preuveleibnizienneà rebours.Dieu, l'être nécessaire, enseignait
Leibniz,doitêtre,pourvuseulementqu'il soitpossible. Tandis que
Kant dit : Si seulement quelque chose est possible, Dieu, l'être
nécessaire,doitexister.Car; nihil tanquampossibileconcipipotest ,
nisi, quicqùid est in omnipossibili notione reale, existât, et qui-
dem (quoniam, si ab hac discesseris,nihil omninopossibile, h, e.
nonnisi impossibileforet) existet absolute necessário.Ainsi se
trouvedéjà indiquée la preuve que Kant a exposée plus tard,en
détail, dans l'écrit de 1763,Einzig möglicherBeweisgrund]non
pas, il est vrai,sous la formerigide et dogmatique, sous laquelle
il la conçutla premièrefois. Il manque, en outre,dans l'écritde
1755,la conception qu'il acquerra plus tard,à savoir que l'exis-
tence n'estpas un attributou une qualité distinctivedes choses.
Dans la scolie de la Prop. VIII, il parle directementdu praedica-
tumexistentiae.
C'est d'une façon frappanteque Kant, plus tard le grand
championphilosophique du libre arbitre,se place dans la Nova
Dilucidatio (Prop. VIII et XI), au point de vue du semi-déter-
minisme leibnizo-wolffîen.S'attaquant à Crusius, il combatle
conceptde Yindifferentiae aequilibris, parce que ce principecon-
treditcelui de la raison suffisante,
et il montre,dans un exposé
détaillé et ingénieux,qu'en niant l'indifférencede la volonté,on
ne détruitpas la responsabilitémorale de l'homme. De mêmele
problème de la théodicée,la justificationde Dieu au sujet de
l'existencedu mal dans le monde, est traité par la même occa-
sion, et résolu dans le sens leibnizien. Particulièrement intéres-

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santé estla positionprisepar Kant, dans la Nova Dilucidado,


devantle problèmede la causalité,problèmequi devaitplustard
jouer un rôle si important dans l'histoirede l'évolutionde sa
pensée.A côtédu principed'identité, parlequelil comprend à la
foisle principed'identitéet celuide contradiction, il place celui
de la raisonsuffisante, ou, commeil préfèrele nommeravec
Crusius,dela raisondéterminante (Leibniz,on le sait,emploie
déjà les deuxtermes).Déterminer, explique-t-il à ce sujet, est
affirmer un attribut,en excluantson contraire;une raison,par
contre,est ce qui détermine un sujetpar rapportà un attribut,
ou aussi ce qui effectue une certaineliaisonet dépendanceentre
un sujetet un attribut(Prop. IV). Sous le conceptde raison
suffisante enfin,est subsumecelui de cause : quicquidenim
rationemexistentiaealicujus rei in se continet,hujus causa
est(Prop.VI).
Dans l'ensemble,Kant prepd positiondans cet écritcomme
défenseurde la ropositionleibnizo-wolffienne contre les
attaquesde Crusius,bienqu'il critique,d'une façon cinglante,
en plusieurspoints,les explications donnéespar Wolff,telle,par
exemple, sa définition de la ratio(Prop. IV), ou la démonstration
Wolff-Baumgarten de ladite proposition (Prop.VIII, scol.). Par
contre,ilsuit,danscertainscas, les suggestions de Crusius.C'est
ainsi qu'il est d'accordavec lui, lorsqu'ilmetles philosophes en
garde contre la confusion entre la raisonréelle etla raison idéale,
ou, autrement dit,la raison de connaissance: quippe rationem
cognoscendi, rationem itidemmoralemetalias idealespro reali-
buset antecedenter determinantibus subindeusurpari(Crusius)
notât*.Kantcaractérisela raisonréelle ou raison antérieure-
mentdéterminante (ratio antecedenter determinam, Prop. IV)
commela raisondu pourquoi ou raison de l'être ou du devenir;
parcontreil définit la raisonde connaissance ou raison postérieure-
mentdéterminante (ratio consequenter determinam)comme la
raisondu quoi ou de la connaissance.Les relationsréciproques
de ces deuxraisonssont éclairées parl'exemplesuivant: l'as-
1. Cf.CrusiosjEntwurfder notwendigen Vernunftwahrheiten (§ 34) : Der
Grundistentweder ein Erkenntnisgrund,welcheraucheinIdealgrundheissen
kann (principiumcognoscendi), oder ein Realgrund(principiumessendivel
De usu et limitionsprinc. rat. determinantis
fiendi).Dans la Dissertation (Cf.
Opusculatheol.philosophica,1750,218),Crusiusdivisela raisonideelled'une
façonassez compliquée,y faisantfigurer la ratioexistentiaemoralis,prüden-
tiae,justitiae,etc.

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sombrissementdes satellites de Jupiterest la raison postérieure-


mentdéterminanteou raison de connaissance, l'élasticité des
petitessphèresd'air, qui, selon l'hypothèse de Descartes, ont
besoin de temps pour ère mises en mouvement,la raison anté-
rieurementdéterminantede la vitesse finie dela transmissionde
la lumière.(Avec une remarquableacuité d'intuition,Kant, bien
que newtonien,incline ici vers la théorie Descartes-Huyghens-
Euler de la lumière. Cf. aussi De igné, Prop. VIII, 2Θpreuve).
Le mêmerapportest traitéplus à fond au début dela Prop. IX.
Kant y définitla raison idéale comme raison de vérité,la raison
réelle commeraison d'actualité.Dans la première,il s'agit de poser
un attribut,qui est déjà contenu dans le sujet d'une manièrecon-
ceptuelle, et que la propositionne faitque dévoiler; autrement
dit, il s'agit de poser un attributd'après la règle de l'identité:
solum de ea praedicati positione agitur, quae efficitur per notio-
num, quae subjecto, vel absolute,vel in nexu spectatoinvolvun-
tur^cumpraedicatoidentitatem^etpraedicatum^quodjamadhaeret
subjecto,lantum detegitur.Il en est autrement,bien qu'il ne
s'agisse pas d'une opposition,de la raison de réalité,où, au sujet
de l'existence des choses et de leurs attributs,on ne pose pas la
questions*(utrum),mais la question d'où (unde). C'est seulement
lorsqu'il s'agit de l'êtrenécessaire par définitionque l'on peut se
passer de poser cette dernière question, vu qu'il n'y a/rien qui
puisse supprimerson existence; mais lorsqu'il s'agit de choses
contingentes,il fauttoujourschercherles raisons antérieurement
déterminantes, qui excluent le contrairede leur existence: quae
lia non aliter determinando,existentiaeoppositumexcludant.
En dépit de mainte intuition pénétrante,il manque encore à
Kant la connaissance claire du caractèrealogique de la raison
réelle,la connaissance que loin que l'effetpuisse êtredéduit de la
cause par la règle de l'identité,il est quelque chose de tout à fait
différent de la cause, quelque chose d'essentiellementnouveau.
Dans la Dilucidatio, il ne-s'est pas avancé dans la voie qui le
mèneraità reconnaîtrece rapport,plus loin que Crusius ou Leib-
niz, bien qu'il y ait cependant dépassé Wolff1. Le principe de
1. Cassirer{Das Erkenntnisproblem, II, 556)croitdéjà pouvoirconstater que
Crusiusa dépassé,en principe,la conception leibnizo-wolfïïenne
de la causalité,
en proclamant « que le principede la cause suffisante
etla réalitédansnoscon-
ceptsdecause et d'effet doitavoir dans notreentendement une autrebase que
celledu principede contradiction ». Maisen celaCrusiusne dépasseaucunement

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raison suffisanten'est évidemment pas confondu avec celui


d'identitéou de contradiction;il n'est pas non plus basé sur ce
dernier(comme c'est le cas chez Wolffet Baumgarten); cepen-
dant il est considérécomme ayant une analogie avec lui, comme
pouvant en quelque sorte se substituerà lui. Ceci ressortaussi
du faitque le principede la raison suffisante,et parconséquentde
cause réelle, est posé comme valable, même pour l'intelligence
divine(Prop. IX) ; et plus nettementencore de la suite de consé-
quences que Kant se croit en droit de tirerde ce principe(Prop.
XI) : nihil est in rationato,quod nonfueritin ratione... Rerum,
quae nihil communehabent, una non potest esse ratio alterius
(Cf. Spinoza,Eth.,lyProp. Ill: quae res nihil communeinterse
habent,earum una alterius causa esse nonpotest)..»Non a??iplius
est in rationato,quam estin ratione.Il en tirecommeconséquence
le principede la conservationde la quantité de réalitédans le
monde: quantilas realitatis absolutae in mundonaturaliternon
mutatur,nec augescendonec decrescendo.Les lois du choc pour
les corps élastiques et non élastiques sont une preuvede plus des
conséquences qu'on peut tirerde cette loi générale: Si e. g. cor-
pus A alterumΒ percutiendopropeliat,vis quaedamper consequens
realitas huic accedit. Verumpar motusquantitas corpori impin-
genti detracta est,igitur viriumsumma in effectif aequiparatnr
viribus causae, etc. Enfinil chercheici à établir l'impossibilité
d'un perpetuummobile,en procédantde la même façon éminem-
ment rationaliste.
Dans le dernierécritde la premièrepériode traitantde questions
philosophiques,dans la Monadologiaphysica (1756) se manifeste
avant tout la tendanceparticulièreà Kant de se poser en intermé-
diaire et en arbitre entre des conceptions opposées. Dans son
premierécrit,il essaye de réduireles différencesentre Leibniz et
Descartes,surune des questions fondamentalesde la mécanique;
dans la Nova Dilucidatio, il s'efforce d'apaiser le différend
entreWolffetÇrusius,au sujet dela raisonsuffisante, etenfin,dans
la Monadologiaphysica, il essaye de détruirel'oppositionentrela
métaphysiquede Leibniz et la science de Newton.Car c'est, selon
l'énoncé mêmedu titrede la Monadologiaphysica> le but que se
proposel'œuvre,à savoirune union entre,d'une part la métaphy-
Leibniz lui-même,ainsi que le prouve le § 14 de l'appendice III de la Théodi-
cée, et le second écrit adressé à Clarke.

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sique, de l'autrela géométrie,dans son applicationà la philosophie


de la nature. Or,il ressortde l'explicationdonnéedans la préface
qu'il faut entendrepar métaphysiquecelle de Leibniz et par phi-
losophie de la nature celle de Newton : illa spatium in infinitum
divisibilepraefractenegat,haec eadem, qua cetera solet,certitu-
dine asseverai.Haec vacuumspatiumad motusliberosnecessarium
esse contenait,illa explodit. Haec attractionems. gravitatemuni-
versalem... com?nonstrat} illa intervana imaginationisludibria
ablegat.
Seule la premièredes questions spécifiéedans ce passage et que
nous nous proposons de reprendreplus tard, à savoir celle qui
concernel'infiniedivisibilité,est traitéedans la Monadologia phy-
sical et c'est pourquoi cet écrit est désignédans l'énoncé du titre
comme n'étantque le premieressai de l'union ici promiseentrela
métaphysiqueet la géométrie.Par la suite, Kant ne s'y est plus
essayé ; probablement parce que, bientôt après, grâce à une
influenceextérieurequi futdécisive, sa pensée philosophiqueprit
une tout autre direction.
3. Si nous comparons les écrits antérieursà 1760,dont nous
venonsde parler,et qui appartiennentà la périodequ'on désigne
comme rationaliste-dogmatique, aux écrits de la décade comprise
entre1760et 1770,désignéegénéralementcommepériodeempirico-
sceptique, nous y voyons se manifesterun espritentièrementdif-
férent1.Il est vrai qu'on peut contester,et qu'il a été réellement
contesté,que le terme par lequel on désigne la seconde période
comme empirique,et surtout comme sceptique, ait l'extension
pleine et entièrequ'on a pu donnerau termerationaliste-dogma-
tique pour caractériserla premièrepériode. Toutefois,on ne peut
nier sérieusenffentqu'une fortedispositionau scepticismeet sur-
toutà l'empirismeet,par conséquent,une réelle divergenceentre
.les deux époques, aient existé. S'il est exact que Kuno Fischer, de
1. Il est à remarquerici que l'opposition qui permetde classerles doctrines
philosophiques endogmatiques et sceptiques,
de mômequ'en généralla nomen-
claturepropreà l'histoire de la philosophieemployéepar Kant,ne futpas créée
d'abord par lui-même,mais par Wolff.Celui-cidivisaittous les philosophes
(pourla première foisdansla préfacede la secondeéditiondes Vern.Gedanken
vonGott yder Welt usw., 1722) en scepticosoder Zweifleret en dogmáti-
cos oderLehrreiche, ces derniersen dualistes et monistes,les monistesen
matérialistes et idéalistes,et, enfin,les idéalistesen pluralisteset égoïstes
(Cf.notrearticle« Un solipsisteau xvncsiècle,Année Philosophique, 1913).
Quantà lui-même - ainsique son maîtreLeibniz- il se classait,cela va sans
dire,parmiles dogmatiqueset dualistes.

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son temps,a exagéré la différencedes deux époques, en tropaccu-


sant leur caractère antithétique,ceux qui, par la suite, se sont
opposés à sa conceptionsont, comme nous le verronsplus tard,
allés troploin. S'il y a quelque part, dans le développementphilo-
sophique de Kant, une dissolutionde continuité,c'est ici, et non
plus tard,comme par exemple dans la transitionde la seconde à
la troisièmepériode,qu'on peut la constater.Resteà savoirà quelle
influenceun revirementaussi importantest dû.
Nous voilà donc parvenus à la fameuse question des rapports
de Hume et de Kant. Il est mis en doutejusqu'à ce jour que c'est
l'influencede Hume qui a provoqué chez Kant le passage de la
premièreépoque de son développementà la seconde. Il s'agit donc
de savoir s'il y a réellementlieu de reportercette influencevers
le débutde la seconde période,ou si elle n'a motivéque la transition
de la seconde à la troisième période, et par conséquentdoit être
placée vers 1769; d'aucuns, enfin,prétendentque l'influencede
Hume ne s'est fait sentirqu'au moment de l'élaborationde la
déductiontrascendantaledes catégories,en sortequ'elle n'aurait
pu se produireavant 1772.
C'est peut-être un des phénomènes les plus étranges,dans le
domaine de l'histoirede la philosophie,qu'une pareille question
ait pu surgiren général. Il est plus étrangeencore que la solu-
tion qui tend à prévaloiractuellementsoit précisémenten contra-
diction avec la seule qui soit acceptable
La questionqui se pose d'abord est celle-ci : En quoi a consisté
cet « avertissementde David Hume » dont parle Kant, dans son
témoignagesolennel de l'introductionaux Prolégomènes,et qui,
pour lui, a été was ihm vor vielen Jahrenzuerst den dogmati-
schenSchlummerunterbrach,und seiner Untersuchungim Felde
der spekulativen Philosophie eine ganz andere Richtung gab ?
Cette introductionmême nous renseigne là-dessus d'une façon
claire et n'admettantpas d'équivoque. Nous y lisons : Hume ging
hauptsächlich von einem einzigen; aber wichtigen Begriffder
Metaphysikaus, nämlichdemder Verknüpfungder Ursacheund
Wirkung{mithinauch von dessenFolgebegriffe von Kraft und
Handlung usw.), und fordertedie Vernunft, die da vorgibt, ihn
in ihremSchosse erzeugt zu haben, auf, ihm Hede und Antwort
zu geben,mitwelchemRechte sie denkt,dass etwas so beschaffen
sein könne, dass, wenn es gesetzt, dadurch auch etwas anderes

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 277

notwendig gesetztwerdenmüsse; denndas sagt derBegriff der


Ursache.Er bewiesunwidersprechlich, dassesderVernunft gäns-
lichunmöglich sei, a prioriundaus Begriffen einesolcheVerbin-
dungzu denken,denndieseenthältNotwendigkeit ; esistabergar
nichteinzusehen, wie darum,weiletwasist,etwasanderesnot-
wendigerweise auchseinmüsse,undwie sichalso derBegriff von
einersolchenVerknüpfung a priorieinführenlasse. Il est vrai
que la solutionque Humelui-môme a trouvéeà ce problèmeest
désignéeici parKantcommeprécipitée et fausse,maisle sortqui
de toustempsa pesé surla métaphysique a vouluque le sens et
la portéede la façondontHumeavaitseulement posé le problème
fussentpartoutmalcompris.Ainsides philosophes commeReid,
Oswald,Beattyet Priestleyont cru devoiradmettre que Hume
avaitmisen doutela validitéet la nécessitédu conceptde cau-
salitédans la connaissancede la nature,tandisqu'en réalité il
n'avaitcherchéqu'à expliquercettevalidité,esquissantainsi le
problèmede la Critique de la Raison pure : commentsont
possiblesles jugementssynthétiques a priori.C'estpour empê-
cherque, parla suite,la Critiquede la Raisonpure,qui précisé-
mentreprésente une « réalisationdu problèmede Humedans sa
plus large application», soit menacéed'unpareilmalentendu,
que furent écritsles Prolégomènes.
Ce que nousvenonsde dire suffira à fairecomprendre en quoi
devait consister,d'aprèsKant,le problèmede Hume,«, l'aver-
tissement de David Hume». ΙΓ résidetoutentierdansla formule
que nous avonssoulignéedans le passageprécité,et que nous
désignerons, pour abréger,sous le nom de formuledu Wie-
darum: pourquoi,parce que quelque chose est,quelque autre
chose doit nécessairement êtreaussi. Nous arrivonsà la même
conclusionen lisantles considérations surle problème de Hume,
dansla Critiquede la Raisonpratique(Ed. Kerbach,pages61 et
suiv.): David Hume...schlossso. Der BegriffderUrsacheistein
Begriff, derdieNotwendigkeit der Verknüpfung derExistenzdes
Verschiedenen, undzwar, sofernes verschieden ist, enthält,so :.
dass, wenn A gesetztwird, ich erkenne, dass etwas davon ganz
Verschiedenes, B, notwendig auchexistieren müsse....nunistes,
sagt er, unmöglich die Verbindung, die zwischeneinemDinge
und einemanderenbesteht{odereinerBestimmung und einer
anderen,ganz von ihr verschiedenen), wenn sie nichtin der
Rbv. Méta. - T. XXXI(n· 2, Í924). 19

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278 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

Wahrnehmung a prioriund als notwendig


gegeben, zu erkennen.
Et plus loin : was nun meineBearbeitungin der Kritik der
reinenVernunft die zwar durch^jene Humesche
betrifft, Zwei-
fellehreveranlasst ward,dochviel weiterging, und das ganze
Feld derreinentheoretischen Vernunft insystematischem Gebrau-
che,mithinauch derjenigen,was man Metaphysiküberhaupt
nennt,befasste: so verfuhrich,in Ansehung derden Begriff der
Kausalität betreffenden Zweifel des schottischen Philosophen,
auf folgender Art.Dass Rume,wenner(wie es dochfast überall
geschieht) die Gegenständeder Erfahrungfür Dinge an sich
selbstnahm,der^Begriff der Ursachefür fraglichundfalschen
Blendwerk daran
erklärte, tat er ganz recht; dennvon Dingen
an sichselbstund derenBestimmungen als solchenkann nicht
eingesehen werden,wiedarum,weiletwas A gesetztwird,etwas
anderesΒ auchnotwendig gesetztwerdenmüsse,undalso konnte
ereinesolcheErkenntnis a priorivon Dingen an sichselbstgar
nichteinräumen.
Enfinon retrouvela mêmeformuledans la Critiquede la
Raisonpure,sous une forme,il estvrai, quelquepeu modifiée.
Ainsion lit,au chapitresur la disciplinede la raisonpure dans
l'usagepolémique: Humehatteesvielleicht inGedanken, wiewohl
er es niemalsvölligentwickelte : dass wir in Urteilenvon gewis-
serArt, überunseren Begriffvo?nGegenstande hinausgehen. Ich
habediese Art vonUrteilensynthetisch Er
genannt... bezog sich
aber zu Behauptungdieses befremdlichen Satzes (c'est-à-dire
que le conceptde causalitéases racinesdans l'habitude, qui vient
de l'expérience) auf denallgemeinanerkannten Grundsatzvon
^demVerhältnisder Ursachezur Wirkung.Denn,da uns kein
Verstandesvermögen vondemBegriffe eines Dingeszu demDa-
seinvonetwasAnderem, was dadurch allgemeinundnotwendig
gegebensei,führen kann: so glaubteerdarausfolgern zu können,
dass wir ohneErfahrungnichtshaben,was unserenBegriff ver-
mehrenund zu einemsolchena priorisich selbsterweiternden
Urteileberechtigenkönnte.
Or,nousrencontrons déjà cetteformule sacramentale du Wie-
«
darum,sous laquelleKantpose le problème, l'avertissement »,
de Hume,qui devaitêtresi lourde de conséquencespour l'his-
toirede son développement philosophique, déjà bien avant1772
ou 1769; pourla première foisen 1763,dansla Abhandlungüber

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 279

die NegativenGrossen.Reprenantla distinctionque Grusiuséta-


blit entre la raison réelle et la raison idéale ou de connaissance,
que Kant appelle ici d'une façon significativela raison logique,
ce dernierdéclare dans la Note générale qu'on trouveà la findu
traité: Was nun diesen Realgrund und dessenBeziehung auf
die Folge anlangt, so stelltsich meineFrage in dieser einfachen
Gestaltdar : Wie soll ich es verstehendass, weil Etwas ist,etwas
anderes sei?... Ein Körper A ist in Bewegung,ein anderesΒ in
der geraden Linie derselben in Ruhe. Die Bewegung von A ist
etwas,die von Β ist etwas anderes, und doch wird durchdie eine
die andere gesetzt. Dans le dernierchapitre des Traume eines
Geistessehers (1766), nous retrouvonsla même formule: Unsere
Vernunftregel,y lit-on, geht nur auf die Vergleichung nach
der Identität und dem Widerspruche.Sofern aber etwas eine
Ursacheist,so wird durchEtwas etwas Anderesgesetzt,und es ist
also kein ZusammenhangvermögederEinstimmunganzutreffen1 .
Grâceà Hume, Kant a donc rompudéfinitivement avec le ratio-
nalisme de Wolff,au seuil même de la seconde époque de son
évolutionphilosophique,et a vu le caractère alogique de la rela-
tion causale, ou, pour nous servir de l'expression dont il usera
plus tard, reconnu que le jugement causal n'a nullement un
caractèreanalytique,mais bien synthétique;il avait, par consé-
quent, déjà faitle premierpas vers la découvertede la question
principalede la Critiquede la Raison pure,à savoir commentdes
jugements synthétiquesa priori sont-ilspossibles. On observera,
il est vrai, que, dans ses formulesde la période empiriste,Kant a
moins insisté sur le caractèrede nécessitéde la relation causale
qu'il ne Ta faitplus tard, à l'époque de Tapriorismecriticiste.
Mais, dans les formulesantérieures,il n'a faitque suivrede plus
près l'espritde Hume.
Si, au contraire,on voulait admettreque Kant ne fut réveillé

1. Il estfacilede se convaincre
que, quoique la formuledu Wie-darumen
ces termesne se trouvepas chez Hume,elle n'enrendpas moinsd'unemanière
exacteet précisela penséedu philosopheécossais.Il suffit,
pour s'en rendre
compte, de citer le passage suivant du IV· chapitrede VEnquiry, que
nousextrayons, commeles autrespassagesque nousdonnerons par la suite,de
la traductionde Sulzer: Die Wirkungist vonder Ursachegänzlich unter-
schieden,undfolglichkannsie in derselbennichtentdeckt werden.Bewegung
in deranderenBilliardkugelisteine vollkommen unterschiedene
Begebenheit
vonder Bewegungin der ersten; undes istim geringsten nichtsin der einen,
das unsauch nur den kleinstenWinkvonder anderengebenhönnte.

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280 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

de son sommeildogmatique,par l'influencedu philosopheécos-


sais, qu'en 1769ou 1772,on se verraitforcéde supposerqu'en 1762
il a découvertle problèmede Hume lui-même spontanément.Ce
qui voudraitdire que ce n'est qu'en 1769,ou encore plus tard,
en 1772, qu'il a été réveillé,grâce à une influenceétrangère,par
un problèmequ'il avaitdéjà envisagélui-mêmeantérieurement. On
peut même affirmer que la cause des adversaires de notre thèse,
quand on l'examine de plus près, se révèle comme encore plus
compliquée, commeencore,pour ainsi dire, plus impossible. Car
il n'ya aucun doute à ce que Kant n'a pas seulementlu Hume
avant 1769,mais même antérieurementà 1760. Le fait qu'il a
connu Hume avant 1769 ressortde ce qu'il le mentionne- il est
vrai nonentantque philosophethéorique- dans les écritspubliés
à cette époque (dans les Beobachtungenüberdas Gefühl,etc.,
de 1764,dans la Nachrichtüberseine Vorlesungende 1765,et dans
la lettreà Herderde 1767), de même des indicationsque nous a
laissées Herder,sur le temps<*ùil a suivi les cours de Kant (1762
à 1764) et où le maîtreexposait en détail la philosophie de Hume
ainsi que celles de Leibniz,Wolff,Baumgartenet Crusius. D'autre
part, le fait que la connaissance de la philosophiede Hume chez
Kant remontemêmeà la décade antérieure,c'est-à-direà celle qui
précède 1760,nous est confirmépar la lettrede Hamann à Kant,
datée de juillet 1759,dans laquelle il parledes doctrinesdu « phi-
losophe attique », Hume, d'une manièrequi prouve que son cor-
respondanta connu ce dernieret ensuite,par les allégations par-
ticulièrement précises de Borowski, concernant l'époque où
celui-ci était étudiant, élève du jeune professeur Kant (1755
à 1758). Il serait à désirerque nous eussions plus souvent,dans
le domainede l'histoirede la philosophie,des indications à peu
près aussi précises et dignes de foi que le sont celles de ce con-
temporainet biographe principal de Kant : In den Jahren,da
ich zu Kants Schüler gehörte,waren ihm Hutchesonund Hume,
jener im Fache der Moral, dieser in seinentiefenphilosophischen
Untersuchungen, ausnehmendwert.Durch Hume besondersbekam
seine Denkkraft einen ganz neuen Schwung. Er empfahl diese
beiden Schrifstelleruns zum sorgfältigstem Studium.
D'après tout ce que nous venons de dire,on ne peut douter de
ce que la connaissance que Kant eut de Hume date de très tôt.
Et l'adversaireprincipalde la thèse,d'aprèslaquelle l'influencede

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 281

Hume dateraitau plus tard d'environ1760,B. Erdmann(Kantund


Hume um 1762,Archiv f. G* d. Ph., I, 62) lui-mêmedoit avouer
« que Kant a lu les Essais de Hume peu après la publication de
la traductionde Sulzer1».
Mais, s'il en est ainsi, ceux qui soutiennentla thèse, d'après
laquelle Hume n'aurait réveilléKant de son sommeildogmatique
qu'en 1769ou 1772,se voientforcésde tracerle plan de son déve-
loppementhistoriquede la façonsuivante: Kant aurait étudié les
essais de Hume peu après 1756,date de leur traduction. En 1762,
il auraitdécouvertlui-mêmele problèmecausal, tel que l'avait for-
«îulé Hume,sans se rappelerque c'était le problèmedontilavaitlu
l'énoncé chez celui-ci. Et ce ne seraitqu'en 1769,ou mêmeaprès
1772,qu'il aurait,en reprenantson étudedes Essays de Hume, été
réveillé de son sommeil dogmatique par le même problèmeque
celui qu'il connaissait par la lecture des Essays depuis 1756 et
qu'il aurait découvertlui-mêmevers 1762.
4. Comme nous l'avons constaté,Kant, dans la Nova Dilucida-
tio, n'est pas parvenuà une connaissance complète du caractère
alogique du conceptde causalité. Il considéraitla raison réelle,la
cause, comme un cas particulierde la raison déterminante, dontil
juxtaposait principe principe l'identité,plutôtqu'il ne le
le au de
lui opposait.Maintenant,par contre,dans l'écritde 1763,Kant,·en
se servantdes termes« raisonlogique » et « raison réelle », indique
que le dernierde ces termesn'a nullementun caractèrelogique,
ce qu'il faitd'ailleurs ressortirdans la définitionqu'il donne des
deux espèces de raisons. Ich nenne die erstereArt eines Grundes
den logischenGrund,weil seine Beziehung au f die Folge logisch,
nämlich deutlich-nach der Regel der Identität kann eingesehen
werden; den Grund aber nenne ich den Realgrund, weil diese
Beziehungwohl zu meinenwahrenBegriff engehört2, aber die Art

1. La traductionde Sulzeren troisvolumes,contenant entreautresYEnquiry


sous le titrede PhilosophischeVersucheüberdie menschliche Erkenntnisvon
David Hume,Ritter als dessenvermischten
■, SchriftenzweiterTeil. Nachder
zweitenvermehrten Ausgabeübersetztund mitAnmerkungen des Herausge-
gebersbegleitet (HamburgundLeipzig,1755),a paru de 1754à 1756.Resewitz,
d'autrepart,a donné,en 1759,une traduction des QuatreÉcritsparmilesquels
se trouveΓ « Histoirenaturellede la Religion».
L'ouvrageprincipalet posthumede Hutcheson,traduiten allemandpar
G.-E.Lessing,a paruen 1756.
2. ues parolesque nousvenonsae citeril ressortque Kant,aeja a ce moment,
se gardede donnerau problèmede Humel'interprétation qu'il reproche,dans
l'introduction aux Prolégomènes, aux adversairesdu philosopheécossais : es

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282 REVUE DE MÉTAPHTSIQUE ET ΌΕ MORALE.

desselben auf keinerleiWeisekann beurteilt werden» Le sensde


cettedernièreaffirmation est expriméplus clairementdans les
phrasesqui précèdent: Ich verstehesehr wohl,wieeine Folge
durcheinenGrundnach der RegelderIdentitätgesetztwerde...
wie aber etwas aus etwasanderem, aber nichtnach der Regel
derIdentitätfliesse,dass istetwas,welchesichmirgernemöchte
deutlichmachenlassen.
Cettedistinction entreraisonlogiqueet raisonréellene res-
sembleque parl'expression à celle de Crusius,qui distinguela
raisonidéaleou de connaissancede la raisonréelle,distinction
que Kant avait adoptée,commenous l'avonsvu,dans la Nova
Dilucidatio.Gelegentlich merkeichnuran, dit-ilmaintenant, dass
die EinteilungdesHerrn Crusius,in den Ideal und Realgrund
von der meinigengänzlichunterschieden sei. Denn sein Ideal-
grund ist einerlei mit dem Erkenntnisgrunde, undda ist leicht
einzusehen, dass, wenn ich etwas schon als einen Grundansehe,
ichdarausdieFolgeschliessen kann...nachunserem ßegriffaber
ist der Realgrundniemalsein logischerGrund.(Tandisque,
d'aprèsCrusius,Entw.d. Notw. Vernunftwahrheiten, § 37 : ein
Idealgrund istnicht allezeit ein Ein
Realgrund. jederRealgrund
aber ist zugleicheinIdealgrund.)
Quant à la vraieportéede la distinction que faitKant,elle
ressembleplutôtà la célèbredistinctionde Hume,que nous
trouvonsau commencement de la partieIV de YEnquiry,la dis-
tinctionentrerelationsof ideas et mattersof fact. La manière
identiquedontles deuxpenseursontconçula causalitéa forcé-
mentmenéà unedivisionanaloguede rapportspossiblesentre
nos concepts.Alle Gegenstände der menschlichen Vernunft oder
Erfahrung, avait dit Hume (nous citons toujoursd'après la
traduction de Sulzer),könnennatürlich unterzweiArtenbegriffen
werden, nämlichsie sindentweder Beziehungen derBegriffe oder
geschehene Dinge. Von der ersten Gattung sind die Gesetze in
der Geometrie, Algeber und Rechenkunst... Sätze von dieser
Gattungkönnendurchdie blosseWirkungder Denkungskraft
entdecktwerden,ohne dass sie von etwas abhängen,das in

war nichtdie Frage, ob der Begrifder Ursacherichtig,brauchbarund in


Ansehungder ganzen Naturerkenntnis unentbehrlich
sei, denn dieses hat
Humeniemalsin Zweifelgezogen;sondernob er durchdie Vernunft a priori
gedachtwerde.

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 283

der Welt wirklichvorhandenist... Von geschehenen Dingen,..,


welchedie andereArtder Gegenständeder menschlichen Ver-
nunftausmachen,werdenwir nichtauf ebendieselbeWeisever-
sichert,auch istunsereGewissheit vonderselben mitdervorher-
gehenden nicht von gleicherNatur, so gross sie auch seinmag.Das
Gegenteil eines jeden geschehenen Dinges, ist allezeit möglich,
weiles niemalseinenWiderspruch in sichschliesst1.
5. On a encorementionné différentsautrespassagesdes écrits
de Kant,appartenant à la périodediteempiriste, qui auraientune
plus ou moins grande ressemblance avec certaines propositions
de Hume. Le plus frappantde ces passagesest bienceluiqu'on
trouvedansla dernièrepartiedes TräumeeinesGeistersehers, où
notrephilosophereproduitpresquemotà motune remarquedu
philosophe écossais: Ich weisswohl,ditKant,en rompantd>une
façon décisive avec ses spéculationsantérieures sur les actions
réciproquesdes facteurs psycho-physiques, dass das Denkenund
WollenmeinKörperbewege, aberichkanndiese Entdeckung ah
eineeinfacheErfahrung,niemalsdurchZergliederung auf eine
anderebringen, undsiedaherwohlerkennen, abernichteinsehen.
Dass meinWillemeinen Armbewegt, ist mir nicht verständlicher,
als wennjemand sagte,dass derselbeauch den Mondin seinem
Kreiszurückhalten könnte.Or, dansHume,Enquiry,VII, I, on
lit ce qui suit: Ist wohl in der ganzenNatur eine geheimnis-
reichereSache, als die Vereinigungder Seele mit demLeibe,
durchwelcheein vorausgesetztes geistigesWeseneinensolchen
Einflussübereinkörperliches undmaterialisches erlangt,dassder
allerfeinsteGedankedie gröbste Materiein Bewegung zu setzen
vermögend ist? Wenn wir durch einen geheimenWunsch,die
Machtbekämen, Berge aus demWege zu räumen oderden Plane-
ten in ihrenKreisenEinhalt zu tun: so wärediese so weiter-
streckende Gewaltnichtausserordentlicher, nochmehrüberunsere
Begreifu skr
ng aft 2.
1. Cf. Leibniz,dansle secondécritadresséà Clarke: « Le grandfondement
des Mathématiques estle principede la contradiction...
Mais,pourpasserde la
Mathématique à la Physique,il fautencoreun autreprincipe...,c'estle prin-
cipe de la RaisonSuffisante. »
2. Riehl {Philosophischer Kritizismus,t. I, 1908,p. 310) relève,dans les
Essays,uneautrephrasede Humequi ressemblemoinsà celle de Rant,mais
danslaquelle,aussi, il est questionde pouvoirarrêterles planètespar un acte
de notrevolonté.Riehlfaitremarquerque le terme« arrêter», que Kant, lui
aussi,adopte,n'estqu'unetraduction inexactede Sulzerpourle termecontrol,
qui se trouvechezHume.

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284 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

Le passage à la findes Quantités négatives,auquel le texte


de Hume peutservirde commentaire,estégalementremarquable.Il
s'agit de ce passage obscur que, d'après les indicationsde Cohen,
un critique contemporainde Kant avait déjà désigné comme
devantjeter le troubledans tout espritphilosophique: Die Bezie-
hung eines Realgrundesauf etwas,das dadurchgesetztoder
aufgehoben wird,kanngar nichtdurcheinUrteil,sonderndurch
einen Begriff ausgedrückt werden,den manwohldurchAuflö-
sungzu einfacheren Begriffen von Realgründen bringenkann,
so doch,dass zuletztalle unsereErkenntnis vondieserBeziehung
sich in einfachenund unauflöslichen BegriffenderRealgründe
endigt, deren Verhältnis zur Folge gar nicht kann deutlich
gemachtwerden.Bis dahin werdendiejenige,derenangemasste
EinsichtkeineSchrankenkennt,die Methoden ihrerPhilosophie
versuchen, bis wieweitsie in dergleichen Fragengelangenkön-
nen. Il est vrai qu'il serait hardide vouloirdevinercomplètement
le sens de la pensée esquissée dans le passage que nous venons
de citer. Mais nous pouvons nous faire une idée de ce qu'il faut
entendrepar les conceptssimpleset indécomposablesde la raison
réelle,auxquels le prudentphilosophe,renonçantà se formerdes
opinions sur les dernièrescauses métaphysiques,veut s'en tenir,
en relisant ce que dit Hume, dans YEnquiry^ IV, I : Kein
Weltweiser,der vernünftig und bescheidengewesen,hat sich
jemals angemasstdie endlicheund letzteUrsacheirgendeiner
vonden Wirkungskräften anzugeben,oder die tätigeWirkung
Kraftdeutlich
derjenigen zu zeigen,welcheirgendeinebestimmte
Wirkungin der Welt hervorbringt... diese letztenund endli-
chenTriebfedernund Quellensinddermenschlichen Neubegierde
und Erforschunggänzlich verschlossen. Die Elastizität, die
Schwere,derZusammenhang derTeile,die MitteilungderBewe-
gung durchden Stoss; diesesind wahrscheinlicher Weisedie
letztenund endlichenUrsachenund Quellen,die wirje in der
Natur entdeckenwerden ; und wirmüssenuns selbstglücklich
schätzen,wenn wir durchgenaueErforschung und Vernunft-
schlüsseden besonderenErscheinungen zu diesen allgemeinen
Grundwirkungen, oderdoch bis nahe zu denselben nachspüren
können.Dans les deux développements,dans celui de Hume, aussi
bien que dans celui de Kant, est mise en reliefla pensée qui, dans
les Prolégomènes ( § 58), est désignée comme « principe de

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 285

Hume », et qui est dirigée contre les prétentionsexagérées des


métaphysiciens,« qui veulent statuer l'emploi dogmatique de
notreraison au delà des limites de toute expérience possible1 ».
6. Pour infirmerles preuves qu'on peut tirerde pareilles ana-
logies entreles propositionsdes deux philosophes, B. Erdmann
(l c, 64 et 227 et suiv.) avançait l'argument suivant : Kant ne
possédait pas la langue anglaise, ce que l'on peut déduiredu fait
qu'il s'est toujours servi des œuvres anglaises dans leur traduc-
tionallemande. Or, la premièreœuvre de Hume, le Treatise, n'a
été traduitequ'en 1790. Kant ne pouvaitdonc pas la connaîtreen
1762. Malgré cela, on remarque une analogie frappanteentreles
développementssur la notion de l'existence, dans le Einzig
mögliche?'Beweisgrund de Kant et dans le Treatise de Hume,
une analogie qui va si loin que « les deux philosophes, dans le
même contexte,citent César comme exemple » De là Erdmann
conclut que, de même,les autres analogies qu'on peut retrouver
entre des pensées de Kant dans les années qui suivirent1760 et
les idées de Hume, ne nous forcentpas à conclure que Kant se
soit inspiréde Hume.
Pour répondreà cetteargumentation,nous pouvonsrappelerle
dictonscolastique : « Concedo minorem,nego majorem». Il peut
se faireque Kant n'ait pas possédé la langue anglaise, et, ce qui
est encore plus probable, qu'il n'ait pas connule Treatise,mais il
n'est pas exact qu'on ne peut retrouverles idées de Hume sur
l'existence que dans le Treatise, et non dans les Essays, dont
notrephilosopheavait connaissance dès avant 1760. En effet,on
1. Riehl (/.c, p. 270)relèveencorele passagesuivant,tiréde la Allgemeine
Anmerkung zu den NegativenGrössen^quitrouveson équivalentnondansles
Essays,mais dans le Treatise,que Kantalorsne connaissaitpas encore: Ich
lasse michauch durchdie Worte: Ursacheund Wirkung,Kraftund Hand-
lungnichtabspeisen . Dennwennich etwasschonals Wirkungeiner Ursache
anseheyso habeich in ihr schondie Beziehungdes Realgrundeszu der Folge
bedacht,unddann ist es leichtdie Position der Folge nach der Regel der
Identitäteinzusehen.Riehlcitedes opinionsanaloguesqu'on retrouverait chez
Grusius.Maisil n'est pas improbableque, dans son exposé,Kantait en vue
Sulzer,qui, dans ses Note«accompagnant la traductionde Hume(II, p. 41 et
suiv.),critiquaitla doctrinede causalitéde celui-cidans les termessuivants:
Der Hauptgrund seinerZweifelscheintdieserzu sein. Die völligeGewissheit
setzteine Notwendigkeit voraus: in zufälligenDingen{matters of fact) ist
keineNotwendigkeit ; folglichauch keine Gewissheit...
es ist demnachnicht
wahr*dass in zufälligenDingenkeine Notwendigkeit sei. Denn wennihre
wirkendenUrsachenvorausgesetztwerden,so werdensie so notwendig^ als-
die geometrischen Wahrheiten...Wirkönnenalso unmöglicheinigenZweifel
gegendiese zwei Sätze haben: wo eine Ursacheist, da ist eine Wirkung^
und : wo eine Wirkungist,da ist eine Ursache.

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286 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

retrouve dansles Essays,à la finde YEnquiry,un courtexposé


sur l'existence,dans lequel, en outre,César sert également
d'exemple.Voicice que nousy lisons: AlleübrigenForschungen
derMenschen nurTatsachenundDasein,unddiesesind
betreffen
ersichtlich derDemonstration nichtzugänglich.Alles, was ist,
kann auch nichtsein. Keine Verneinung Tiner Tatsachekann
einenWiderspruch Das
enthalten. Nichtseineines Wesensistohne
Ausnahmeeine ebensoklare und deutlicheVorstellung wie sein
Dasein. Der Satz, welcherbehauptet, dass es nichtist,magzwar
falschsein,aberer istnichtwenigerbegreiflich undverständlich
als der, welcherbehauptet,das es ist... dass Caesar, oderder
Engel Gabriel,odersonstein Wesenniemalsexistierthat, mag
einfalscherSatz sein,istaberjedenfallsvollkommen vorstellbar
und enthältkeinenWiderspruch. Or,dans le passagecorrespon-
dantdu Einzig möglicher Beweisgrund, onlitd'unemanièretoute
:
semblable Das Daseinistgar keinPrädikatoderDetermination
vonirgendeinemDinge. DieserSatz scheintseltsamund wider-
sinnig,allein er istunzweifelhaft gewiss.Nehmetein Subjekt,
welchesihr wollt,z. E. den Julius Caesar. Fasset alle seine
erdenklichen Prädikate,selbstderZeit unddes Ortsnichtausge-
nommen, in ihmzusammen, so werdetihr bald begreifen,dass er
mit allen diesenBestimmungen existierenoderauch nichtexis-
tieren kann. Ainsi l'argument qu'avance Erdmann se tourne
contrelui-même.On peut encore ajouter,ce qui, d'ailleurs, a été
déjà maintesfois remarqué,que ces considérationssur l'existence
formentune introductionpeu appropriéeau développementd'une
preuveontologique de Dieu, preuvequi constituele but principal
de l'écritde Kant; ce qui indiquerait une fois de plus que ces
considérationssont d'origineétrangère.
Il est possible de trouverencore d'autres rapprochementsavec
Hume dans le Beweisgrund,ce premier écrit de quelque impor-
tance, dans lequel se manifestele nouvel esprit,l'esprit« empi-
risteet sceptique ». Ainsi Kant, en relevantles défauts de l'argu-
mentphysico-théologique,déclare (considérationque, plus tard,
dansla Critiquede la Raison pure,il résumeradans la formulelapi-
daire,d'après laquelle cet argumentprouvetoutau plus l'existence
d'un architecte,non d'un créateur de l'univers) : Wir können
nichtauf mehrodergrössere Ursacheschlies-
Eigenschafteninder
sen,als wirgeradenötigfinden,umden Grad und die Beschaf-

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 287

fenheitder Wirkungen daraus zu verstehen ; wennwirnämlich


vondem Dasein dieserUrsachekeinenanderenAnlasszu urtei-
len haben,als den,so unsdie Wirkungen geben.Nun erkennen
wirviel Vollkommenheit, GrosseundOrdnungin der Welt,und
könnendaraus nichtsmehrmitlogischerScharfeschliessen, als
dass die Ursachederselben vielVerstand, MachtundGütebesitzen
müsse, keineswegsaber, dass sie Alles wisse, vermöge,etc.
(III, 4). Dans la deuxièmepartie de YEnquirynous retrou-
vons un passage semblable: Wenn wir irgendeinebesondere
Ursacheaus einerWirkungschliessen, somüssenwirdie einemit
deranderenin ein gleichesVerhältnissetzen; und man kann
uns nichtzugeben,der Ursache irgendeinige Eigenschaften
zuzuschreiben, als nursolche,welchegenauzureichend sind,die
Wirkunghervorzubringen,.. Wennwir also gestehen, die Götter
(Hume,commeon le sait,imagineici le discoursd'un Athénien)
seien die Urheber der Wirklichkeit oderderOrdnung derWelt,so
folge,dass sie genaudenjenigen GradderMacht,des Verstandes^
der Weisheitund derGütigkeit besitzen,welchersichin.ihrem
Werkezeiget]abernichtsferner kannje erwiesenwerden,es sei
denn,dass wir die Vergrösserung und Schmeicheleizu Hilfe
um
rufen, denMangelderBeweistümer und Vernunftschlüsse zu
ersetzen.
Enfin,c'est l'espritde Hume qui se révèleégalementdans le
célèbrepassage finaldu Beweisgrund : Es ist durchausnötig,
dass man sich vom Dasein Gottesüberzeuge; es istaber nicht
ebenso nötigdass man es demonstriere, car on retrouvechez
Humeplusieursfoisdes considérations analogues1.
Ainsi,si Kant,dansla préfacede cetécrit,dit: Es giebteineZeit,
wo man in einersolchenWissenschaft, wie die Metaphysik ist,
sichgetraut, alles zu erklärenundalles iu demonstrieren (comme
c'étaitencorele cas de Kantlui-mêmedurantles annéesdela
première période)undwiederum eineandere,ux>mansichnurmit
Furchtund Mistrauenan dergleichen Unternehmungen wagt,il
semblenatureld'admettreque ce qu'il avait en vue c'étaitbien
lesécritsdusceptiqueEcossais,avanttoutl'avertissement deHume
1. Ainsi,à la finde YEnquiry: Die Gottesgelahrtheit,insofernesie das
Dasein einer Gottheitund die Unsterblichkeit
der Seele dartut...ist in der
Vernunft begründet,insoweitsie durchdie Erfahrungunterstütztwird.Aber
das besteund gründlichsteFundamentderselbenist Glaube und göttliche
Offenbarung.

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288 REVUE,DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

et non,ainsi qu'on voulait le supposer,le pointde vue épistémolo-


gique des encyclopédistesfrançais.
7. Commeon le sait, le témoignage fameuxde Kant dans l'in-
troductionaux Prolégomènes se termineainsi : Ich war weit ent-
fernt,ihm(seil. Hume)inAnsehung seinerFolgerungen Gehörzu
geben,die biosdaherrührten,weiler sich seineAufgabenichtim
ganzenvorstellte,sondernnurauf einenTeil derselben fiel,ohne
das Ganze in Betrachtzu ziehen...Ich versuchte also zuerst,ob
sich nicht Humes Einwurf allgemein vorstellenHesse, und
fandbaldfdass der Begriffder Verknüpfung vonUrsacheund
Wirkung beiweitem nichtdereinzigesei,durchdender Verstand
a priori sich Verknüpfungen der Dingedenkt,vielmehr,dass
Metaphysik ganz und gar daraus bestehe.Ich suchtemichihrer
Zahl zu versichern,und, da diesesmir nach Wunsch,nämlich
aus einemeinzigenPrinzip gelungenwar, so ging ich an die
Deduktion vondenenichnunmehrversichert
dieserBegriffe, warT
dass sie nicht,wie Hume besorgthatte, von der Erfahrung
abgeleitet,sondernaus dem reinen Verstande · entsprungen
seien.
Cette description,il est vrai,,ne se rapportepas à la périodedite
empirico-sceptique, maisbien,comme nous le verronsencore plus
tard, aux années qui suivirent1770,c'est-à-dire à la période où
Kant élabora l'Analytique transoendantale.Toutefois, lorsque
Kant dit qu'il était loin de suivre Hume, dans les conséquences
que celui-ci tiraitde ses principes,cela s'applique aussi dans une
certainemesureà l'époque antérieure.Car ce n'est pas la solution
que Hume donnaitau problème,mais la manièredont il posait ce
problème,que Kant, déjà alors, s'était avant toutappropriée.Il
est vrai qu'à ce momentla théorie empiriste de la causalité
devait lui paraîtreirréfutable; car il n'avait trouvéjusqu'en 176&
aucune de ces prémisses idéalistes, qui plus tard devaient lui
permettrede découvrir la solutionaprioriste.La découverte de
Hume, qui consistaitdans la démonstrationque les jugements de
causalité sont de naturesynthétique,semblait,au contraire,devoir
menerà la conclusion que ces jugements ne peuvent revêtirun
caractère α priori1. Aussi voyons-nous alors Kant, à plusieurs
1. Cf. Réflexion499 1 qui, sans doute,remonteaux annéescomprisesentre
1760et 1768.Die Begriffeder Ursachesind synthetisch und also empirisch.
Car, d'aprèsla Réflexion 500 : Alle analytischenUrteilesind rational und
umgekehrt; alle synthetischen Urteilesind empirischundumgekehrt.

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 289

reprises,parexempledansle dernierchapitredes Traumeeines


Geistersehers, d'accord avec le philosopheécossais, déclarer:
Wie etwas könneeine Ursacheseinodereine Krafthaben,ist
unmöglichjemals durch Vernunfteinzusehen,sonderndiese
Verhältnisse müssenlediglichaus derErfahrunggenommen wer-
den*.11est vraiqu'enmêmetempsKantrenoncetacitement à la
conclusionpsychologisteet sceptiquede la théoriede Hume,
suivantlaquelle la nécessitéinhérente aux rapportsde causalité
ne seraitque le résultatde l'habitude.
Maisla questionsurlaquelleil se refusaitavanttoutde suivre
complètement Hume,estcellede la validitéde la métaphysique.
Le pointde vue de Humeà ce sujetestabsolumentnégatif. Pour
lui,la seulevraiemétaphysique, queainsi Kant le relève si bien
dans la note de l'introduction aux Prolégomènes,étaitcette
philosophie destructive qui devait démontrer l'impossibilité de
toutemétaphysique au sensstrictdu mot.
Kantn'a jamaisétéaussi loin.Si,pendantla secondepériodede
Thistoirede son développement, il se montre sceptiqueet opposé
aux prétendues conquêtes métaphysiques faites
jusqu'à sontemps,
il n'observaitpas la mêmeattitudeenverstoutemétaphysique
possible,enverstoutemétaphysique future..Dans la Preisschrift
à
de 1763,il est,même,fortoptimiste sujet.Il rejetteen philo-
ce
sophiela méthodetraditionnelle qui florissaitsurtoutdansl'école
de Wolff,copiée sur les mathématiques, méthodedontil s'était
servilui-même dans les écritsantérieurs,notamment dans ses
dissertationslatines.La philosophie ne doit pas,comme lesmathé-
matiques,procéderd'unemanièresynthétique, en partant dedéfi-
nitions,mais elle doit aboutirà celles-ci,par analyse2. Les
1. De môme,dansla Lettreà Mendelssohn de 4766: Diese Untersuchung löset
sich in eine andereauf,ob man nämlicheine primitiveKraft,d. i. das erste
Grundverhältnis der Ursachezur Wirkung,durch Vernunftschlüsse erfinden
könne; undda ichgewissbin,dass diesesunmöglichsei, so folget,wennmir
diese Kräftenicht in der Erfahrunggegebenseien,dass sie nur erdichtet
werdenkönnen.Sous certainsrapports,Kant, dans la périodequi suit Tan-
née1760,est mêmeallé plusloinque Hume,dansles Essays,surla voie de l'em-
pirisme,en ce sens qu'il admetdes principessynthétiques, ou, autrement dit,
empiriques, mômeen mathématiques. C'est ce qui ressortde la Réflexion 498:
Es giebtsynthetische Sätze aus der Erfahrung,also principia primasynthe-
tica, dergleichensind auch die Axiomata der Mathematikvom Räume,
principiarationaliakönnengar nichtsynthetisch sein. - Réfl.496 : Die ratio-
nalen (sc. Sätze) sind analytisch,die empirischensynthetisch, imgleichen
mathematische.
2. La distinctionentrela méthodesynthétique et analytiquequ'on retrouve

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290 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

mathématiquesconsidèrentle généralin concreto,et on n'y trouve


que peu de conceptsqui ne puissentêtredécomposéset de propo-
sitionsqui ne puissentêtreprouvées; la philosophie,par contre,et
surtout la métaphysique,considère le général in abstracto,eta
pour fondementune multitudeinnombrablede concepts qu'on ne
peut décomposeret de propositionsqu'on ne peut prouver1.C'est
pourquoi l'objet des mathématiquesest facile et simple,tandis
que celui de la philosophieest difficileet complexe.Aussi, d'après
le motcélèbre de Kant, « on n'en a encorejamais écritune », ou,
comme il le dit d'une façon tout aussi tranchantedans un autre
passage : « Les découvertesphilosophiquesdisparaissent,tandisque
les mathématiquesrestent».La vraieméthodeen métaphysique,et
cela est vraiaussi pour la morale,est encore à trouver,et celle-ci,
comme il a été dit, ne ressemblerapas à la méthode des mathé-
matiques, mais bien à celle que Newton a introduite dans les
sciences naturelles.
Mais,une fois cette méthodeadoptée,la métaphysique,ainsi que
Kant le croyaitalors, sera capable d'une certitudeamplement
convaincante. On peut encore aller plus loin. Les premier*
fondementsde la théologie naturelle, ce point culminantde la
connaissance métaphysique,sont également susceptibles de la
plus grande évidence philosophique. Il en sera de même du pre-
mierfondementde la morale,pourvu qu'on trouveune solution à
la question qui jusque-là était restée sans réponse,à savoir si
c'est la faculté de connaîtreou bien le sentimentqui détermine
ce fondement2.

déjà chez Ariatote,et surtoutchez Alexandred'Aphrodisias, et que Descartes,


dans la Réponseaux deuxièmesobjections, a traitéeà fond,ne ressembleévi-
demment à la distinction
que Kantétabliraplus tardentreles jugementssyn-
thétiqueset analytiquesque parl'emploides termes.
i. Il ressortde ce que nous venonsde direque, selonla terminologie adop-
tée parKantplus tard,la métaphysique contient avanttoutdesjugementssyn-
thétiques,tandisque, dans les mathématiques, on rencontre avanttout des
jugementsanalytiques.Car,ce qu'il désigneici parjugementsqu'on ne peut
prouver,correspond à peu près à ce qu'il désigneraplus tard parjugements
synthétiques, tandisque les jugemsntsqu'on peut prouvercorrespondent aux
jugementsanalytiques.Cf.la Preisschrift, III, 3, et l'écritde 1762: Von der
falschen Spitzfindigkeit (fin),où nous relevonsle passage suivant: Aile
Urteile,die unmittelbar unterden Sätzen derEinstimmung oder des Wider-
spruchsstehen,das isttbei denenwederdie Identitätnoch der Widerstreit
durcheinenZwischenmerkmal (mithinnichtvermittelst derZergliederung der
Begriffe), sondernunmittelbar eingesehenwird,sind unerweislicheUrteile;
diejenigen,wosie mittelbar erkanntwerdenkann,sind erweislich.
2. Hume,au commencement de son Enquiryconcerningtheprinciplesof

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 201

D'une manièrebien moins optimiste,Kantjuge les possibilités


de la métaphysiquedans les Träume eines Geistersehers, l'écrit
dans lequel se manifestechez lui le plus nettementla tendance
empirico-sceptique.D'ailleurs,mêmedans cet écrit,il assigne à la
métaphysiquenon seulement une tâche négative,mais aussi une
tâche positive,moins essentielle, il est vrai, que la première.En
effet,la tAchenégative de la métaphysiqueconsisteraità faire
entrevoirceci : ob die Aufgäbe aus demjenigen,was man wissen
kann, auch bestimmt sei, und welches Verhältnisdie Frage zu den
Erfahrungsbegriffen habe,darauf sich alle unsereUrteilestützen
müssen.In sofernist die Metaphysikeine Wissenschaftvon den
Grenzendermenschlichen Vernunft, und,da einkleinesLand jeder-
zeit viel Grenzehat... so ist dieserNutzen der erwähntenWissen-
schaftder unbekannteste und zugleich der wichtigste,wie er denn
auch nurziemlichspät und nach langer Erfahrung erreichtwird.
L'utilité positive de la métaphysique,par contre, consisterait
« à résoudreles questions que se pose l'esprit chercheur,lorsque,
par raisonnement,il se heurte aux qualités cachées des choses.
Mais ici, ajoute Kant avec une mélancolie ironique, le résultat
détrompetrop souvent l'espérance et aura échappé, cette fois
encore,à nos mains avides. »(II, 2, vers la fin.)
A cetteépoque encore, Kant continuaità admettreen principe
la possibilitéde pouvoir étendre«l'usage de la raison au delà du
champ de touteexpériencepossible». Seulementil ne croyaitplus,
commeauparavant,pouvoirle faired'une façondogmatique,sans
examen préalable de notrefacultécognitive,sans une « critique
de la raison » (expressionqui, pour la premièrefois,se trouvedans
la Nachrichtüberseine Vorlesungende 1765). Mais ce qui con-
stitueune différence fondamentaleentrele pointde vue dont Kant
s'inspire aussi bien durantla seconde que durant la première
période,et celui qui dominela périodecriticiste,c'est la croyance
que cette extensionde la raison est réalisable par voie théorique
et non par voie pratique seulement. Ce n'est que lorsque Kant

moral,pose la mômequestion,sans lui donnerune solutiondéfinitive


: Es ist
neulichein Streitaufgeworfen, welcherder Untersuchungweitwürdigerist.
den Grundder Sittlichkeit
Dieser Streitbetrifft : es wird nämlichgefragt,
ob dieselbeaus der Vernunft oderaus der Empfindung (chezHume: « senti-
ment») herzuleitensei ; ob wir die Wissenschaft
derselbendurcheine Kette
von Schlüssenund Folgerungenoder durch ein unmittelbares Gefühlund
durcheinenfeineninnerenSinn erlangen.

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292 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

eut découvertle principedu primatde la raison pratiquedans les


dernièresquestions spéculatives,principedéveloppé surtoutdans
le « canon de la raison pure », que le point de vue résolument
négatifde Hume sur la métaphysique devint pour Kant théori-
quement acceptable. Car, pratiquement,à présentque la raison
voits'ouvrirdevant elle des perspectivesde la plus grande impor-
tance, « elle peut assigner à la volonté le but suprême de ses
efforts» (Prol.,Intr., Note).
Et c'est ainsi que Kant relate l'histoiredu développementde sa
pensée dans la Réflexion3, se rapportantetoutel'époque pré-cri-
tique, y compriscelle de la Dissertationde 1770. Ich habe von
dieserWissenschaft (se. la métaphysique),nichtjederzeitso beur-
teilt.Ich habeanfänglichdavongelernt, was sichmiram meisten
In
empries. einigen Stücken glaubte etwasEigeneszu dem
ich
gemeinschaftlichen Schatze zutragen zu können,in anderen
zu
fand ichetwas verbessern, dochjederzeitin derAbsichtdog-
matische dadurchzu erweitern.
Einsichten Denndersodreisthin-
gesagteZtveifel(probablementcelui de Hume) schienmir so sehr
zu sein,dass ich
mitdemToneder Vernunft
die Unwissenheit
demselben(il est vrai d'une façonseulementrelative) kein Gehör
KritikderReinen
gab... esfehltemireineunterRegelngebrachte
Vernunft, dennich glaubte
vorallemaberein Kanon derselben,
noch immerdie Methode zu finden, Erkenntnis
die dogmatische
durchreineVernunft zu erweitern.
8. On peut parfaitementappliquer au Kant des années com-
prises entre1760 et 1770 l'observationpleine de finessede Hume,
qui dit que le proprede l'argumentationsceptique est de ne pas
permettreune réponse, mais en même temps de ne pas pouvoir
produirede conviction.L'influencede Hume n'avaitpas créé chez
Kant un contentementd'esprit qui l'aurait immobilisé, comme
c'eût été le cas chez un disciple, un épigone, mais bien plutôtun
état d'inquiétudeprofonde,uneagitationphilosophiquede longue
durée; elle futle pointde départ de recherchesdans le domaine
de la théoriede la connaissance,qui, après de longues années et à
travers maints « revirements» (dont le principal est celui de
1769), l'ont amené à élaborerla Critique de la Raison pure et par
là même à trouverla solutiondu problèmede Hume.
Déjà dans la remarquegénérale à la findes Quantitésnégatives,
où pourla premièrefoisapparaîtchez Kantle problèmede la causa-

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 293

lité tel que l'avait posé Hume, il prometde traiterce problème à


fond,dans un ouvrage écrità cet effet.Ich habe über die Natur
unserer
Erkenntnisin Ansehungunserer UrteilevonGründen und
, und ich werdedas ResultatdieserBetrach-
Folgennachgedacht
tungendereinst
ausführlichdarlegen.Cetteœuvre,danslaquelle
il voulait s'en teniraux voies sceptiques du philosophe écos-
sais, comme le démontrele passage sur les concepts simples
et indécomposables des raisons réelles, dont nous avons parlé
plus haut, Kant ne Ta pas parachevée1. Dans la lettreà Lambert,
du31 décembre1765,il parle déjà de méditationsauxquelles il s'est
livrépendantplusieursannées, et qui toutes concernentprincipa-
lementla méthodepropre à la métaphysique,de réflexionsque,
d'aprèssesparoles: verschiedene
Jahrehindurch eraufalleerdenk-
lichenSeitengekehrt und nach so mancherleiUmkippungen, bei
welchenerjederzeitdie QuellendesIrrtumsoderderEinstehtin
derArt des Verfahrenssuchte,endlichdahin gelangt,dass er
sich der Methodeversichert halte, die man beobachtenmuss,
wennmandemjenigen Blendwerk des Wissensentgehenwill,was
da macht,dass manalle Augenblicke glaubt,zur Entscheidung
gelangtzu sein, aberebensoseinenWegwiederzurücknehmen
muss,undworausauch die zerstörende Uneinigkeitdervermein-
tenPhilosophenentspringt, weil gar kein gemeinesRiehtmass
da ist, ihre Bemühungen einstimmig zu machen.Il prometen
outre la publication prochaine de deux traités concernant le
domaine de la théorie de la connaissance (des élémentsméta-
physiquesde la «philosophienaturelle» ainsi que de la « philoso-
phie pratique ») qui devaientprécéderla publicationde son écrit
principalsur le môme ordred'idées. Nous retrouvonsune pro-
messe analogue, quoique exprimée d'une façon moins précise,
1. On peut, paralt-il,considérerles pensées qui se trouventexprimées dans
la Réflexion 726 comme une notice pour cet écrit projeté : In dem Verstan-
desbegriffe das Grunddasjenige,worausallgemeinauf etwasAnderes
bedeutet
derSchlussgilt.Die Möglichkeit davonlässtsichzwar in logischen,abernicht
realenGründeneinsehen.Die ErfahrunggiebtaberkeinewahreAllgemeinheit,
weil sie keineNotwendigkeit giebt.Nun nehmen wirdochdie Anwendungdes
Begriffs vomrealenGrundeblosaus der Erfahrung.Daherkönnendie Grund-
sätzenur empirisch allgemeinseinundhabenauch nureineempirische Bedeu-
tung,nämlich,dass mitEtwas etwasAnderesals Grundjederzeit verbunden
sei. Dans la Réflexion725, on lit ': Das Verhältnis
der Ursachezur Wirkung
ist kein Verhältnisder Identität; folglichist auch wederAehnlichkeitnoch
Gleichheit zwischenUrsacheund Wirkung,sondernKonformität. La loi « de
l'égalité des effetset de la cause » joue, par contre, un grand rôle dans l'écrit
de 4746; voir aussi De lane, Prop. XII.
Rht. Mîta. - T. XXXI (no 2, (924). 20

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294 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

dansla lettreà Mendelssohn du 8 avril1766-Ce passageestinté-


ressant,en ce qu'il montre clairement que Kants'étaitalorssenti
réveilléda sommeildogmatique.Was den Vorratvon Wissen
betrifft,lisons-nousdans ce passage bien connu,der in dieser
Art(se. dansla métaphysique), öffentlichfeilsteht,so istes kein
leichtsinniger Unbestand, sondern die Wirkungeiner langen
Untersuchung, dass ich in Ansehungderselbennichtsratsamer
finde,als ihmdas dogmatische Kleid abzuziehen,und die vorge-
gebenenEinsichtenskeptischzu behandeln,wovonder Nutzen
freilichnurnegativist(stultitiacaruisse),aber zum positiven
vorbereitet; denndie Einfalteinesgesunden,aberununterwiese-
nen Verstandes bedarf,um sur Einsichtzu gelangen,nur ein
Organon,die Scheineinsicht abereines verderbten Kopfs zuerst
ein Catarcticon. AinsiKantne veutse posernienphilosophe dog-
matique,ni en sceptiqueproprement dit; maisbienen sceptique,
dans le sens négatifdu terme,c'est-à-direpar opposition aux
« espritscorrompus » des métaphysiciens dogmatiques, aux bâtis-
seursde châteauxd'Espagne,commeil appelleWolffet Grusius,
dansles TraumeeinesGeistersehers.
Il pressentainsi la nouvellevoie intermédiaire, Ja voie cri-
tique,danslaquelle,cependant,il n'entrera pas encorede sitôt.De
mômedans la lettreadresséeà Herder,du 8 mai 1767,il décrit
sonétatd'âme,commecelui d'unhommequi chercheetqui pré-
voitencorela possibilité de toutessortesderevirements. Was mich
betrifft,da ichan nichtshänge,und miteinertiefenGleichgül-
tigkeitgegenmeineotlerandererMeinungendas ganze Gebäude
öftersumkehre, um zuletztetwa denjenigenzu treffen, woraus
ich hoffen kann, es nach der Wahrheit zu zeichnen, so habe ich,
seitdem icirgetrennt smc£(depuis1764),e/ivielenStückenanderen
EinsichtenPlatz gegeben ; und indemmeinAugenblick vornehm-
lichdarauf gerichtetist, die eigentliche Bestimmung und die
Schrankender menschlichen Fähigkeiten und Neigungenzu
so
erkennen, glaubteich, dass es mir in dem, was die Sitten
betrifft, de
ziemlichgelungensei. L'espoirde Kant pouvoirpéné-
trerplusayant,dansle domainede la philosophie théorique aussi,
ne futréalisépartiellement que deux ans plus tard, en vertu
de la révolutionidéalistede 17Θ9,et c'est alors seulement
qu'il trouva un fondement solide sur lequel il pouvait conti-
nuerà construire sa critiquedelaraison.Kantregardait le premier

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li. ROBINSON. - l'évolution philosophique de kant. 295

résultatde cette évolution,la dissertationde 1770(§ 30), comme


une simple ébauche d'une propédeutique projetée et promise
depuis longtemps, qui devait précéder toute métaphysique
future.« II me semble », déclare-t-U,dans la lettreadressée à
Lambert,du 2 septembre1770, « qu'une pareille disciplinepro-
pédeutique,devantpréserverla métaphysiquede toute trace du
sensible, pourraêtre parachevéeavec l'évidence nécessaire,sans
grandedifficulté». En réalité,il a encore fallu,pendantonze ans,
un effortde pensée presque surhumainpour mettr«au pointcette
discipline,qu'il intitulad'abord « les limitesde la sensibilité et
de la raison », ensuite « la Critique dela Raison pure ».
9. Nous sommesremontés jusqu'à Tannée 1762 pour décrire
les résultatsde l'impulsionque Hume avait donnée aux idées de
Kant. Mais, d'après les indicationsde Borowski(confirméesindi-
rectementpar la lettrede Hamann à Kant, de 1759), la première
influenceque Hume exerça sur notrephilosophe seraitencorede
beaucoup antérieure;elle se placerait environen 1757. En suppo-
sant que ce soit Hume qui ait conduit Kant des recherchesmeta·
physiquesaux recherchesconcernantle domainede la théoriede la
connaissance,nous trouveronsune confirmationde l'indication
donnée par Borowski,dans la lettrede Kant à Formey,datée du
28 juin 1763,où il désigne l'objet méthodologique de sa Preis-
schriftcomme un de ceux « qui a occupé sa pensée depuis déjà
plusieurs années » (depuis à peu près 1757). De même Kaat, en
parlantdes considérationsqu'on retrouvedans un écrit antérieur
à la Preisschrift : YEinzig möglicher Beweisgrund, nous dit«
dans la préface,qu'elles sont « la suite d'une longue réflexion».
Ce dont nous disposons,en faitde matériauxécrits,provenant
des années comprisesentre1756et 1762est,on le sait,fortmaigre.
Pour ce qui concernela philosophie, on ne peut faireétat que
de deux petits écrits programmatiques qui, ensemble, ne
couvrentpas plus d'une feuilled'impression.Le premier,intitulé:
Der neue Lehrbegriffvon Bewegung und Ruhe, annonce le
cours universitairede Kant, au printempsde 1758; le second,
Versuch über den Optimismus, date de l'automne 1759. Le
dernierde ces écritstraited'un sujet auquel Kant avait touché
plusieurs fois,au cours des années comprisesentre 1750 et 1760,,
le problèmede la théodicée(notammentdans la Nova Dilucidatio
commenous y avons déjà faitallusion,puis dans la remarquefinale

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296 REVUE DE MÉTAPHYSIOUEET DE MORALE.

du deuxièmeessai sur le tremblement de terrede 1755,et dans le


fragment des Lose Blatter, 's 295 et suiv., qui formeprobable-
mentle commencementd'un écrit, destiné à être la réponse à
une question proposée en 1753 pour le prix de l'Académie de
Berlin sur l'optimisme).Il chercheà justifierla thèse de Leibniz,
d'après laquelle Dieu devaitchoisirle meilleurde tous les mondes
possibles, contrel'affirmation de Grusius,qui prétendque Dieu a
choisi ce monde sans autre motifque son bon plaisir.La manière
dontKant traiteici ce problèmene peut êtredésignée autrement
que comme dogmatique !. Mais ce qu'il y a d'intéressant, c'est
quedéjàici il est faitallusion au conceptdel'oppositionréelle, qui
joue un si grandrôle dans les écritsultérieursà1762,etnotamment
dans les Quantités négatives; une opposition qui ne repose pas
plus sur le principede contradiction,que le rapport entre la
raison réelle et sa conséquence ne repose sur le principed'iden-
tité. (Cf. NegativeGrossen,Note générale: Man versuchenun,
obmandie Realentgegensetzung überhaupterklärenunddeutlich
könnezur erkennen geben, wie darum, weil etwas ist, etwas
anderesaufgehoben werde,und obmanetwasmehrsagenkönne,
als was ich davon sagte,nämlichlediglich,dass es nichtdurch
denSatz desWiderspruchs Dansl'écritprogrammatique
geschehe).
de 1759,il est faitallusion à ce concept d'oppositionréelle dans
les termessuivants: Ich stellefolgendeBetrachtung
an, die mir
neuzu sein scheint.Man erlaube mirzuförderst,dass ich die
absoluteVollkommenheit eines Dinges,wennman sie ohneeine
Absichtfür sich selbstbetrachtet, in dem Grade derRealität
setze (Kant abandonne cette identificationentre la perfection
et la réalité, dont les originesremontentà la scolastique, déjà
dans le Einzig MöglicherBeweisgrund,I, 4, 3; il déclare ne
vouloir désormais appliquer l'idée de perfectionque dans le

1. Et cela n'est pas seulement vrai quand on se reporteaux écrits que Kant
publia plus tard,par exemple à l'écrit intitulé : Ueber das Misslingen aller phi-
losophischen Versuche in der Theodizee, un des plus subtils opuscules de
Kant, mais aussi, si on prend en considérationles notes de 1753,que nous avons
citées plus haut. Kant relève d'une façon tranchante,dans ces notes, de qu'il
appelle « les défauts de l'optimisme » : Was ist es für ein unerforschlicher
StreitzwischendemallgemeinenWillen Gottes,der lediglichauf das Gute
abzielt,undder metaphysischen die sichnichtdazu mitaller
Notwendigkeit,
Uebereinstimmunganschickenwill... der ganze Fehlerberuhtdarin : Leib-
niz versetztdenPlan der bestenWelt,einesteilsin eine Arteiner Unabhän-
in einerAbhängigkeit
gigkeit,andernteits yon dem WillenGottes{LoseBläl-
ter, I, 300).

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 297

domaine spirituel)... Nun behaupte ich, dass Realität und


Realitätniemalsals solchekönnen unterschieden sein.Dennwenn
sichDingevoneinanderunterscheiden, so geschietes durchdas-
jenige,teas indemeinenist,undin demanderennichtist...Dem-
nachunterscheiden sichRealitätundRealitätvoneinanderdurch
nichts,als durchdie einervonbeidenanhängenden Negationen,
Abwesenheiten, Schranken,das istnichtin AnsehungihrerBes-
chaffenheit sondern
((/ualifate), Grosse{gradu)... die Verneinungen
können niemalszu denQualitäteneinerRealitätwerden,sondern
sieschränken sieeinundbestimmen ihrenGrad.DieseBetrachtung
istabstrakt, und würde wohl einigerErläuterungen bedürfen-,
welcheichaberandererGelegenheit vorbehalte.Il estfortpro-
bable que l'allusion faitepar Kant, dans les dernièresparoles que
nous venons de citer,se rapporteau futurécritsur les Quantités
négatives1.
L'écrit programmatiquede 1758 est, de notre point de vue,
encore bien plus remarquable. Il est destiné à établirla doctrine
de la relativitédu mouvementet du repos, doctrine que Kant a
maintenuejusqu'àla finde sa carrièrephilosophique.D'accordavec
l'attitude nettementnégative qu'il observe, sous l'influencede
Hume, envers la philosophiede Woff et de Crusius,et qui cons-
titueune des caractéristiquesdes écritsappartenantà la seconde
période, Kant présente son écrit en question comme étant de
ceux « qui n'ont pas été moulus sur le moulin du Wolffîanisme
ou d'une autre doctrine semblable ». La suite de cet écrit
laisse apercevoir nettementce qui n'avait pas été remarqué
jusqu'ici, l'influencedes idées de Hume. Il suffitde lirele passage
suivant,dans lequel Kant aborde la question de la forced'iner-
tie : es würde vielleichtniemalseinem Menscheneingefallensein,
vorzugeben,dass ein Körper,der solange ein gegen ihn anlaufen-

1. L'exposésuivant des NegativenGrossenest développéd'une manière


déjàassezcomplète dansl'écritprogrammatique de 1759: Hierdurchwillichnun
nichtgemeinthaben,als ob diese einanderrealentgegengesetzten Dingenicht
übrigensviel Verneinungen in sich schlössen.Ein Schiff,das nach Westen
bewegtwird, bewegtsich nichtnach dem Ostenoder Süden, etc.,etc., es ist
auch nichtin allen Ortenzugleich : vieleNegationen,die seiner Bewegung
ankleben.Allein dasjenige,was in der östlichen, sowohlals westlichenBewe-
gung beiallen diesen Verneinungen nochPositivesist,diesesist das einzige,
was einanderwiderstreiten kann und wovondie Folge Zero ist. Cf.Einzig
möglicher Beweisgrund, 1,3,6: RealitätundRealitätwidersprechen einander
niemals,weil beidewahreBejahungensind; demnachwiderstreiten sie auch
einandernichtin einemSubjekte,etc.

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298 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

der Körperihnnochnichtberührt, völligruhig,oderwennman


es so will, im Gleichgewicht der Kraft ist,dennochim Augen-
blickedes StossesplötzlicheineBewegunggegendenstossenden
van selber annehmen, odersich in ein Uebergewicht versetzen
sollte,um in ihmeineentgegengesetzte Kraftaufzuheben, wenn
nichtaus der Erfahrungerhellete,dass in einemZustande,den
einJedervor demZustandder Ruhe·hält, der Körperin einen
jeglichenhandelnden mitgleichem Gradeentegegen wirkte.
L'essentielde ce principese retrouve dans la théoriede la cau-
salité de Hume et est en rapportsétroitsavec le problèmeque
Kant,plustard,exprimera parla formule du Wie-darum : nousne
pouvonspas, à mains que l'expérience ne nous l'apprenne, entre-
voird'avancel'effet d'unecause, quelque naturel qu'ilpuissenous
paraître.Ou, dans les termesde Hume, d'aprèsla traductioude
Sulzer: DieserSatz, dass Ursachenund Wirkungen nichtdurch
die Vernunft, sondern durchdieErfahrungsichentdecken lassen,
wird ohne Widerredezugegebenwerdenin Absichtauf solche
Gegenstände, von denenwir uns erinnernkönnen,dass sie uns
einmal ganz und gar unbekannt gewesen...aberbeidemersten,
Ansehenmages vielleichtscheinen, dass ebendieselbeWahrheit
nichtdieselbeaugenscheinliche Gewissheit in Ansehungsolcher
Begebenheiten habe,die uns seit unserererstenErscheinungin
der Weltbekanntund gemeinseien worden...wirsind geneigt
unseinzubilden,wir könnten diese Wirkungen durchdie blosse
Fähigkeitunserer, ohne einigerErfahrung entdecken. Wirbil-
denunsein,wennwir plötzlich in diese Welt gebracht würden :
so hättenwirgeradeAnfangsschliessmkönnen,eineBilliardku-
gel würdedurchdenStosseineranderendie Bewegung mitteilen,
und wirhättennichtnötiggehabt,auf denErfolgzu warten,um
unsernAnspruchhierübermitGewissheit zu tun {Enquiry,IV,).
On remarqueraen outreque Popinion émise par Kant et par
Humese trouveêtreen contradiction évidenteavec le pointde
vue de la Nova Dilucidatio,où les lois du choc des corpsélas-
tiques sont considéréescommedes conséquencesqu'on peut
déduiredirectement du principede raisondéterminante, comme
pouvantêtredécouvertes au moyen de la raison seule.
De mêmeles considérations ultérieures, contenuesdans cet
écrit,confirment la thèse,qu'entrela Nova Dilucidatio(et la
MonadologiaPhysica),d'unepart,et cet écrit,de l'autre,Kanta

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 299

dû subir l'influencedé la philosophie empiristede Hume. Nun


ich aber gewiesen habe, y lit-on, dass, was man fälschlich von
einer Ruhe in Ansehungdes stossendénKörpersgehalten hat, in
der Tat beziehungsweiseauf ihn eine Bewegungsei, so leuchtet
von selber ein, dass diese Trägheitskraft ohne Not erdacht sei...
gleichwohl dienet diese angenommeKraft, ungemeingeschickt
dazu, alle Bewegungsgesetzesehr richtig und leicht daraus her-
zuleiten. Aber hierzu dientsie nur ebenso, wie die newtonische
Anziehungskraft aller Materie,zur Erklärung der grossenBewe-
gungen des Weltbaues, nämlich nur als Gesetz einer durch die
Erfahrung erkannten allgemeinenErscheinung, wovon man die
Ursache nichtweiss, und welche folglich man sich nicht überei-
len muss,sogleichals auf eine dahin zielende innereNaturkraft
zu schieben.
Une fois de plus, nous pouvons constaterque le point de vue
que représenteici Kant est bien éloigné de celui de sa période
rationaliste,tel qu'il se manifesteà partirde son premierécrit
jusqu'à la Monadologia Physica. Dans la Monadologia, Proposi-
tion XI, Kant non seulement ne s'élève pas contre le concept de
la forced'inertie,qu'il attribueà chaque élémentsimple,c'est-à-
dire à chaque monade,mais il chercheencore à déduire,à la façon
rationaliste,la nécessité de cette force, « inhérenteà la nature
mêmedes éléments».
De même en ce qui concernela forced'attractionnewtonienne
(Prop. X). Kant, dans ses débuts, la considère,elle aussi, comme
une force élémentairede la nature qui, pareillementà l'espace,
constitue l'essence même de la corporéité. L'attraction « est
sans doute une propriétéaussi étendue de la matière,que la
coexistence qui constitue l'espace » {Naturgeschichte,Kerbach,
page 102).
Il est à peinenécessaire d'insister,pour prouverque la concep-
tion à laquelle Kant est maintenantparvenu, et qui s'oppose
nettementà celle qu'il professaitauparavant,coïncide avec celle
de Hume. En effet,Hume, par rapportà l'inertieet à l'attraction
newtonienne,exprimedes vues parfaitement analogues à celle que
Kant à développée dans l'écrit de 1758. Voici ce que, à ce sujet,
dit c<epremier (Enquiry, VII, 'f note) : Ich habe nicht nötig,
die Vim inertiae,Kraftder Trägheit,der Länge nach zu untersu-
chen, von welcherin der neuen Weltweisheitso vieles gesprochen

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wird,und welcheman derMateriezuschreibt. Wirfindendurch


die Erfahrung, dass einKörperinRuheoderBewegungimmerhin
in seinemgegenwärtigem Standeverharret,bis er durcheinige
neue Ursachedaraus getrieben wird; und das ein durcheinen
Stossbewegter Körperso vielvonderBewegungdesanstossenden
Körpersbezeichnet, als er selbsterlanget.Dieses sind in der
Erfahrungbegründete Dinge. Wennwirdieseseine Viminertiae
nennen: so bemerken wirnuralleindieseerfahrenen Dinge,ohne
dass wir uns rühmenkönnen,wirhabeneinigenBegriff vondie-
ser trägenoder widerstehenden Kraft,auf gleicheWeise,wie
wir, wennwir vonderSchwerereden,gewisseWirkungen ver-
stehen,ohne diese zu
tätigeKraft begreifen.
Notre philosophe,il est vrai, dans la Préfacede la Monadologia
Physica, enseignait que les sciences naturelles ont besoin de
s'appuyersur l'expérience, et d'avoir recours à l'aide de la géo-
métrie.Mais il considéraiten mêmetemps,à ce moment,que les
sciences naturelles resteraientinachevées et incomplètessi elles
ne faisaientpas appel à la Métaphysique.« Car celui qui s'arrête
seulement devant les phénomènesde la nature est incapable de
reconnaîtreles causes premièreset il lui est aussi impossible de
comprendrel'essence des corps, comme atteindre le ciel à celui
qui grimpesur une haute montagne1.»
Mais maintenant,à l'époque où l'influencede Hume est prédo-
minante, la métaphysique,telle qu'elle existe, n'est pour lui
qu'un « moulinà vent», une « absurditésavante », un «mirage »,
un produit de « constructeursde mondes imaginaires »,etles
sciences naturelles, fondées sur l'expérience, n'ont nullement
besoin de comptersur son secours. Au contraire,enseigne-t-ilà
présent,la vraiemétaphysique,la métaphysiquequi n'a pas encore
été écrite,a besoin d'aller à l'école des sciences naturelles,dont
la méthodeainsi que la réservedevraientlui servird'exemple.Die
echteMethodeder Metaphysikist mit derjenigenim 'Grunde
1. C'estle point de vue que nous retrouvons aussi dans le premierécrit:
Der GrunddiesesGedankens(c'est-à-dire « comment unematièrequi elle-même
est en repos peuttransmettre un mouvementà un corps) itt metaphysisch
und also auchnichtnachdemGeschmacke derjetzigenNalurlehrer;allein es
ist zugleichaugenscheinlich: dass die allererstenQuellenvonder Wirkungen
der Naturdurchausein Vorwurf der Metaphysik sein müssen.Gelaest môme
vraiau pointde vuethéologique.Kantdéduitl'effet de l'attraction
du faitque Gott
ersparetsichso viele Wirkungen, als er ohnedenNachteilder Weltmaschinen
tunkann, hingegenmachter die Natur so tätig und wirksam,als es nur
möglichist (WahreSchätzung,§ 51).

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 301

einerlei, die Newtonin die Natunoissenschafteinführteund die


daselbst von so nutsbaren Folgen war. Mann sollt heisst es
daselbst, durch sichere Erfahrungen, allenfalls mit Hilfe der
Geometrie,die Regel aufsuchen, nach welchen gewisse Erschei-
nungenvorgehen.Wenn man gleich den erstenGrund davon in
den Körpern nicht einsieht, so ist gleichwohlgewiss, dass sie
nach diesem Gesetzewirken... ebensoin der Metaphysik: suchet
durch sichere innereErfahrung, d. i. ein unmittelbaresäugen-
scheinlichesBewusstsein,diejenigen Merkmaleauf, die gewiss im
Begriffevon irgendeiner allgemeinenBeschaffenheit liegen,und
Ob ihr gleich das ganse Wesen der Sache nichtkennt,so könnt
ihr euch doch derselbensicherbedienen,um vieles in dem Dinge
daraus su erklären(Preisschrift,II).
Kant, dans sa période empirico-sceptique,n'est devenu ni un
^mpiriste absolu, auquel l'expérience seule suffirait,
ni un scep-
tique dans le plein sens du mot,du moins, dans la mesure où l'a
été Hume, empiristeradical, et sceptique quoique modéré,mais
notoire.Toutefois,on ne peut nier qu'à cetteépoque on retrouve
chez Kant une disposition à l'empirisme et à un état d'esprit
sceptique1.
10. Dans les lettresà Mendelssohnet à Garve, d'août 1783, Kant
désigne la Critiquede la Raison pure comme « le produit d'une
méditationqui a duré au moins douze ans ». Ce qu'il a en vue
ici, c'est avant tout l'époque qui commenceavec le grand revire-
ment de 1769. Car cette dernière année, il avait trouvé enfin
un terrainsolide et sûr pour ses recherches critiques; mais
cette époque est précédée par une autre, aussi longue (1757 à
1769) et où Kant, subissantl'impulsionde la doctrine de Hume,
bien que n'ayant pas encore trouvé de fondementsolide et de
directivesûre, s'efforçaitsans répitde découvrirla solution du
problèmede la natureet des limitesde la connaissance humaine.
Vingt-quatre années se sont écoulées, depuis la première
influencede Hume jusqu'à la publication de la Critique de la
Raison pure,qui, d'après les Prolégomènes,devaitêtreconsidérée
comme « la réalisation du problème de Hume dans sa plus
large application ». Dans l'introduction des Prolégomènes,
1. Kant exprimaà cetteépoque son espritsceptiquemêmesous formede
vers. Cf.le distiqueadresséle 14 juillet1762à Ad.-H.Schwartz:
Ob es vielleichtvomStolzverführt den meistenMenschennichtso scheinet,
So ist der Menschdoch in der Tat nicht andersals ein Tier, das meinet.

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de mêmeque danscelle dela secondeéditionde la Critique,Kant


lui-môme déclareexpressément quela question: Gomment desjuge-
mentssynthétiques a priorisont-ilspossibles? a déjà ses racines
dans le problèmede Hume. D'autrepart,ce fait apparaîtnon
moinsclairement dans le fameuxpassage de l'Introduction de la
premièreéditionde la Critiquede la Raisonpure: 'Wenn ich
ausser demBegriffe A hinausgehen soll,umeinenanderenΒ als
damitverbunden zu erkennen,was istdas,woraufichmichstütze
und wodurchdie Synthesismöglichwird... der Begriffeiner
Ursachezeigt etwasvon dem,was geschieht, Verschiedenes an,
und ist in dieserletzteren Vorstellung gar nicht mit enthalten.
Wiekommeich denndazu, vondem,was überhauptgeschieht,
etwas davon ganz Verschiedenes zu sagen.... Was isthierdas
X, woraufsichder Verstandstützt....Erfahrungkannes nicht
sein (commel'avait pensé Hume et avec lui, sans beaucoup
d'enthousiasme, Kant,dans les annéesqui suivirent 1760),weil
derangeführteGrundsatznichtallein mitgrössererAllgemein-
heit,als die Erfahrungverschaffen kann,sondernauch mitdem
Ausdruckder Notwendigkeit, mithingänzlicha prioriund aus
blossenBegriffen diesezweiteVorstellung zu derersteren hinzu-
Es
fügt... liegt also hierein gewissesGeheimnis verborgen, dessen
Aufschluss allein denFortschritt in demgrenzenlosen Feldeder
reinenVerstandeserkenntnis sicherundzuverlässig machenkann:
nämlichmitgehörigerAllgemeinheit den Grundder Möglich-
keit synthetischer Urteilea prioriaufzudecken. Kantavaitdéjà,
dès les débutsde sa périodeempiriste, pressentile mystère dont
il est parlé dans cet extrait.Dans les Quantitésnégatives,en
discutantle problèmecausal, le problèmede Hume,il s'écrieen
efl'et
: Wie aber etwas aus etwasanderem,aber nichtnach der
Regelder Identitätfliesse,das ist etwas,welchesich mir gerne
mochtedeutlichmachenlassen.Il s'agissaitdéjà donc, en 1762,
ainsique dansla Critique(commel'a amplement démontré Vaihin-
ger)Td'expliquerla validitédu conceptde causalitéetnonde four-
nirla preuvede cettevalidité.Car,en 1762,il ne mettaitpas non
plus en douteque ce rapport- le rapportcausal - ν appartient
au nombrede mesvraiesnouons».
Néanmoins, il doity avoirquelquechosede vraidansl'opinion
de certainscommentateurs éminents de la philosophiekantienne,
lorsqu'ils déclarent la
que Critique de la Raison pure n'a pas été

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 30S

conçue originairementcomme une solution au problèmede la


question fameuse : Commentles jugementssynthétiquesa priori
sont-ilspossibles ? et que ce n'est qu'après coup que Kant a con-
sidéré toute la critique,en qualité d'une réponse à cettequestion
fondamentale1.On ne doit pas s'imaginerque l'origine de la
Critiqueait été simplementtelle : influencépar le problème de
Hume, contenantdéjà en germe la dite question fondamentale,
Kant a été amené à en chercherla solution,et, par là même,à éla-
borer»on œuvre principale.La genèse dela Critiquede la Raison
pore n'a été en réalitéaucunementaussi rectiligne.Pendant les
deux décades qui séparent le premierénoncé du problème de
Hume de l'élaboration de la Critique,d'autres problèmes d'un
intérêtcapital ont surgi dans l'esprit de son auteur, et ces der-
niers,d'après toutesles apparences,ont pendant un certaintemps
refoulé,du moinsen partie,le problèmeinitialau second plan. A
ces problèmes appartiennent,outre celui des antinomies,le pro-
blème du temps et de l'espace, la question des origines de la con-
naissance intellectuelleet de ses rapportsavec l'objet,le problème
moral,dont nous pouvons plutôt supposer que retracerl'impor-
tance dans Thistoirede son développement.Ce n'est qu'au début
de ses recherchesépistémologiqueset vers la fin de celles-ci,
c'est-à-dire,d'une part, à l'époque où il a été influencé d'une
façon directepar Hume,et, de l'autre,à l'époque où, possédant la
solutiondéfinitivedu problème,il devintrésolumentl'adversaire
aprioristedu philosophe écossais, que, dans sa pensée, ses rap-
portsavec celui-ci prennentune importanceprimordiale.
Mais avant d'aborder l'examen des dits problèmesnouveaux,,
nous voulons compléter les précédentes remarques concernant
les rapportsde Hume et de notrephilosophe.
11. Si nous envisageons une fois de plus les hypothèses
d'après lesquelles l'influencede Hume ne se serait fait sentir
qu'en 1769 ou 1772,nous. trouverons que chacune d'elles ren-

1. Cf. Paulsen, Kant,6e éd., p. 129et suiv. : Kant formuliertam Eingang


des Werkesdas Problemin der Frage : Wiesind synthetische Urteilea priori
möglich?Er liebtes in spaterenDarstellungen(Prol.t Streitschrift gegen
Eberhard)dieseFormelund ihrenausnehmenden Wertsu betonen.In der
Kritikder reinenVernunft spielt sie in derFolge keineerhebliche
Bolle.Man
darfdarin wohlein Anzeichendafür erblicken,dass sie nichtvonAnfang
an, an der Spitze stand,die Einleitungwirdwohlnachträglich hinzugefügt
sein. MitAdickesbin ich überzeugt,dass die Untersuchung ohnedie Formel
begonnenund geführtwordenist.

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contredes difficultés internestoutes particulières,ce qui» d'après


ce qui précède, n'est pas étonnant.C'est surtoutla premièrede
ces hypothèses,Γ « hypothèsede 1769», qui paraîtinadmissible.
Car il semble bien hasardeux de vouloirprouverqu'il faut attri-
buer à la doctrineempirico-sceptiquede Hume les originesd'un
écrit qui marque nettement,du moins dans un sens relatif,un
retour de Kant au dogmatisme rationaliste.On peut dire, sans
risquerun démenti,qu'il n'existepas, depuis 1756,d'autre écrit
de Kant dans le domaine de la théorie de la connaissance
et de la métaphysique,où l'influence de « l'avertissement de
David Hume » se fasse moins sentir,que la Dissertationde 1770,
résultat immédiat du « revirementde 1769 ». On pourrait, au
contraire,être plutôttentéde rechercherquelle était l'influence
étrangèrequi aurait détournéKant du sceptique écossais. Dans
cet ordre d'idées, on cite l'influence de celui qui est aux anti-
podes dé Locke, et par conséquent aussi de Hume, c'est-à-direde
Leibniz, dont l'écrit principal dans le domaine épistémologique
n'a été publié, comme on sait, qu'en 1765.
Mais « l'hypothèsede 1772», elle aussi, est sujette à de graves
difficultés.Car, d'après elle, Kant se serait trouvédans l'état de
sommeil dogmatique pendant toutes les années qui suivirent
l'année 1760,c'est-à-direau temps où il écrivit,par exemple,les
Träume emes Geistersehers,qui sont pénétrésd'un esprit sans
contreditplus sceptique que dogmatique et, d'autre part,la Dis-
sertationinaugurale qui, pour lui, pourtant,marqua toujoursle
débutde son œuvrecritique,de sa périade criticiste;,bien plus, il
aurait toujours persévérédans cet état de sommeil, même lors-
qu'il écrivitla lettre à Marcus Herz, le 21 février 1772, dans
laquelle il promettaitd'éditerla Critique de la Raison pure au
bout de trois mois *. D'autre part,l'assertion de Kant dans le
passage connu des Prolégomènes,d'après laquelle il s'est passé
« de nombreusesannées depuis son réveilprovoqué par l'avertis-
sementde Hume », contreditnos adversaires. Un hommequi a

i. Erdmann, en proposant,dans son introductionaux Réflexions,de désigner


la période allant de 1760 à 1770 comme l'époque de l'empirismecritique, et les
années qui suivirent immédiatementl'année 1770 comme l'époque du rationa-
lisme critique, enlève par là-même le fondementde son hypothèse. Car il ne
parait pas que « empirisme critique » et « rationalisme critique » puissent
s'appliquer à un état de sommeil dogmatique, dans lequel, selon lui, devait
encore persévérerKant à ces époques.

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L ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 305

atteintl'âge de 59 .ans, comme c'était le cas de Kant quand il


écrivitles Prolégomènes,n'aurait guère, en parlantd'un événe-
mentqui, d'après l'hypothèse que nous envisageons, se serait
passé il y a moins de dix ans, recouruà l'expression: nombreuses
années.
Par contre,ce que Kant rapporte,dans la suite du passage que
nous venonsde citer,est bien en faveur de l'hypothèsede 1772r
puisque cettesuite,commenousl'avons déjà remarqué,s'applique
beaucoup mieuxau temps de l'élaboration de l'Analytique trans-
cendantalequ'aux années comprises entre 1760et 1770. Et voici,
paraît-il, la raison pour laquelle l'hypothèse de B. Erdmann,
malgré les nombreusesdifficultésqu'elle soulève, a joui jusqu'à
présentd'une certainefaveur.
Mais, si nous envisageons de plus près les témoignages des
Prolégomènes,nous nous apercevronsque Kant ne cherche pas
tant à nous donner ici une descriptionfidèlede l'histoirede son
développementphilosophique qu'un exposé d'un caractère pré-
conçu et plutôt systématique du rapport de sa doctrine avec
celle de Hume. Il veut nous représenterson évolutioncomme si
« l'avertissementde David Hume » l'avait amené directement
à l'élaboration de la Critique de la Raison pure ; en d'autres
termes,il veut nous fairecroire que celle-ci était née du besoin
de trouverune solution à la question : Commentdes jugements
synthétiquesa priori sont-ilspossibles? question qui n'est que
le développement du problème du penseur écossais. Bref, il
s'applique ici à lui-môme cette méthodeconstructive,que fré-
quemmentdans ses œuvres critiques il applique à d'autres pen-
seurs,et dont il était le partisan convaincu dans le domaine de
l'histoirede la philosophie(Cf. Lose Blatter,III). Par contre,son
intentionn'étaitguère - ici commeailleurs - de rendrecompte
de l'histoirede son développementdurantl'époque pré-critique,
avec tout ce que celle-ci comporte de tâtonnements,d'hésita-
tions et de revirements'.
1. Kant,dansses écritsultérieurs destinésà êtrepubliés,n'a jamais parléen
termesexprèsde l'histoirede son développement philosophique.A l'époque
du criticisme,durantla périodedéfinitive de son développement, il ne voulait
plusriensavoirde l'époquepré-critique, et il considéraitlesouvragesqu'ilavait
écritsavantla Dissertation inaugurale commenonexistants.Durch diesemeine
Abhandlung, écrit-il
encoreavantla publication de la Critique
de la Raisonpure,
ist der Wert meiner vorigenmetaphysischen Schriftenvöllig vernichtet
(Réfl.2). On sait avec quelle insistanceKants'est opposéà la réimpression des-

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306 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

C'est ce qui explique pourquoi les Prolégomènesreprésentent


les événementsde telle manièrequ'on pourraitsupposer que tout
se serait passé sans rencontrer autant d'obstacles, autant de
détourset autant de retardsque ce ne futle cas en réalité. Ainsi
Kant, au commencementde son exposé, établit un rapproche-
ment,contraire aux données chronologiques,entre le moment
où il fut réveilléde son sommeil dogmatique par David Hume
et l'époque de l'élaboration de l'Analytique transcendantale.
De mêmedans les explicationsqu'il donne plus loin, il se sert de
la même méthode qui, simplifiantles faits,les plie aux néces-
sités d'une constructionpréconçue. De l'exposé des Prolégo-
mènes, il ressortque ce ne seraitqu'après que la systématisation
des catégories « lui eut réussi ainsi qu'il le désirait,c'est-à-dire
en partantd'un seul principe», qu'il aurait acquis la certitudeque
le concept de cause ainsi que les autres concepts purs « ne
sontpas, comme le voulaitHume,tirés<Jel'expérience,mais qu'ils
proviennentde l'entendementpur », et ce n'est, d'après son dire,
qu'à la suite de cette découverte qu'il avait pu procéder à la
déduction transcendantale des concepts purs de l'entendement.
Or,en réalité,Kant, depuis la Dissertationinaugurale, avait déjà
acquis la certitudeque les concepts de cause, substance» néces-
sité,existence, etc., avec leurs concepts opposés et les concepts
qui s^yrattachent,étaientdes concepts purs, ou, comme il les
appelle dans ce passage, des idées pures ■(§β et 8) ; bien qu'à ce
momentil n'avait pas encore été question de la systématisation
des catégories. Et ce qui est encore plus significatif: comme
Haering l'a démontré dans son écrit remarquable Der Duis-
burgscheNachlass une Kants Kritizismusum 1775, la systémati-
sation des catégories « en partant d'un principe unique » (c'est-
à-dire en se fondant sur les fonctions du jugement), ou, en
d'autres termes,la « déduction métaphysique», n'a pas précédé
dans le développementde Kant la déduction transcendantale,
mais l'a plutôt suivie; car les caractères fondamentaux de la
déduction transcendantalese trouventdéjà dans les Lose Blätter
qu'on peut dater de 1775, tandis que la « déductionmétaphysi-

écrits qu'il avait publiés avant 1770 (Cf. lettreà Tieftrunkdu 45 octobre1797, et
la déclarationpublique de 1798dirigée contrel'imprimeurHaupt). Il n'a faitune
exception, en 1791, que pour la réédition d'un extraitde la Naturgeschichtedes
Himmels.

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L ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 307

que » ne s'ytrouveencoreqi*esous formed'ébauche(/.<?.,140et152).


On peutremarqueren passant que, par rapportà Hume aussi,
la constructiondes Prolégomènesne peutêtreconsidéréecomme
historiquementvalide. Si Kant avait lu le Treatise, le premier
et le principaldes écritsde Hume, il n'aurait pas dit ici et souvent
répété ailleurs, que si le philosophe écossais n'avaitpas abouti
aux mêmerésultatsque lui-même,c'est qu'il était parti dans ses
recherchesnon d'une table des catégoriesconçue comme un tout,
mais d'un concept pur isolé : le rapport existant entre la
cause et l'effet.Car, dans le Treatise, Hume est parti de la dis-
tinctionétablie par Locke entre les relations, les modes et les
substances, et en outre d'une sextuple distinctionentre les rela-
tionselles-mêmesdivisées par surcroîten deux classes, & savoir :
similitude,identité,relations du tempset de l'espace, quantité,
intensité,opposition, cause et effet.De sorte que, lui aussi, il
établit,au commencementde ses recherches épistémologiques,
une sorte de table des catégories.
Après tout ce que nous avons dit, il ne paraît pas nécessairede
recourir aux moyensdésespérés que Vaihinger a proposés, en
admettantque l'influence de Hume sur Kant se serait exercée
deux fois, une premièrefois vers 1760,une seconde en 1772; ce
qui reviendraità dire que Kant a été réveillé deux fois, par la
même doctrine du même philosophe, de son sommeil dogma-
tique, liest vrai que Vaihinger(CommentaireI, 344 et suiv.) fait
état de la circonstance qu'au printempsde 1772 a paru en tra-
ductionallemande l'œuvrede Beatty,dans laquelle on trouvedes
extraitsdu Treatisede Hume, dont l'un ne se rapporte pas au
jugement causal pris isolément, comme le fait toujours VEn-
quiry, mais bien à la loi générale de causalité. Mais, pour fairela
transitionde ces jugements à cette loi, - ou autrementdit de
l'Analytiquedes concepts à l'Analytique des principes,- Kant,
certes, n'avait pas besoin de subir une nouvelle influence,étant
donné surtoutque, comme il le relève avec raison, c'est dans
YEnquiry que l'attitudede Hume est la plus tranchante: Hume,
dit-il,hieltsich vornehmlichbei dem Grundsatzeder Kausalität
auf und bemerktevon ihmganz richtig:dass man seine Wahrheit
{ja nicht einmal die objektive Gültigkeit eines Begriffeeiner
wirkenden Ursache überhaupt)auf gar keine Einsicht% d. i.
Erkenntnisa priorifusse (Cr. de la R. pure,p. 580).

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308 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

D'autrepart,les écritsdatant de l'époque de l'élaborationde la


Critiquede la Raison pure,parvenusjusqu'à nous, c'est-à-direla
Dissertationinaugurale et les lettres à Herz, aussi bien que les
Lose Blätter que Haering a rassemblés,comme datantde l'année
1775,ne contiennentaucune trace d'une nouvelleétude que Kant
aurait faite de Hume, ou d'un renvoidirect à sa pensée. A ce
sujet, il est intéressantde releverla constatationfaiteparHaering
(/. c.t 141) que, dans ces Lose Blätter,la notionde cause ne l'em-
portepas sur la notionde substance, comme c'est le cas dans la
Critique.Le rôle prédominantque joue dans cette dernière la-
notionde causalité n'est dû, paraît-il,qu'à la tendance de pré-
senterla Critiquecomme solutiondu problèmede Hume, conçu
dans sa plus large application.
12. On a attribué aux antinomies un grand rôle - peut-être
mômepar tropimportant- dans le développementphilosophique
de Kant. Il est vrai qu'on sait maintenantque, déjà de bonne
heure,au plus tard à son époque empiriste,il a dû connaîtreles
antinomies, et même se préoccuper beaucoup de celles-ci.
Cela ressortd'abord de la déclaration qu'on retrouvedans sa
lettreà Garve, du 21 septembre1798, et qui, évidemment,est
calquée sur le modèle de celle que nous retrouvonsdans les Pro-
légomènes,au sujet de « l'avertissementde David Hume » : Nicht
die Untersuchungvom Dasein Gottes,der Unsterblichkeit usw. ist
der Punkt gewesen,von dem ich ausgegangen bin, sonderndie
Antinomiedes reinen Verstandes: die Welt hat einen Anfang,
sie hat keinenAnfang usw. bis sur vierten(sie) : Es ist Freiheit
im Menschen,-gegen den : es istkeine Freiheit,sondern alles ist
in ihmNotwendigkeit ; diese war es, welche mich aus dem dog-
matischenSchlummerzuerst aufweckteund zur Kritik der Ver-
nunftselbst hintrieb,um das Skandal des scheinbaren Wider-
spruchsder Vernunftmitihrselbstzu heben.Ces indications,que
nous a laissées le philosophe au déclin de sa vie sur le rôle
joué dans son développementpar les antinomies,sont confirmées
indirectementpar plusieurs assertions antérieures, avant tout
par celle que nous retrouvonsdans les Prolégomènes,où il désigne
l'antinomiecomme étant le produitde la raison pure qui « con-
tribuede la manièrela plue puissante à l'éveillerde son sommeil
dogmatique et à la pousser versla tâche difficilede la critiquede
la raison elle-même».Mais ce que nous trouvonsdéplus précis et

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 309

de plus importantsur ce sujet, c'est la déclaration que nous rele-


4 : Ich sah anfänglichdiesenLehrbegriff
vonsdans la Réflexion
nur in einerDämmerung. Ich versuchte Sätze
es ganzernstlich,
zu beweisen,und ihr Gegenteil, nichtum eineZweifellehre zu
sondernweilicheineIllusiondes Verstandes
errichten, vermutete,
zu entdecken,
worinsiestäche.Das Jahr69 gabmirgrosses Licht»
C'est donc déjà dans les années qui précèdentcelle de 1769
que Kant s'est occupé de l'antinomie,quoiqu'il n'entrevîtalors
le concept de celle-ci que dans une sorte de crépuscule. Cela
paraît d'ailleurs fortnaturel,car, à cette époque, il ne possédait
encore aucun moyende dominerles antinomies.Il n'avait conçu
ni la doctrinede l'idéalité du tempset de l'espace, ainsi que la
distinction,qui en estla conséquence, entrele monde sensible et
le monde intelligible,ni la doctrinedela validitépurementidéelle
des concepts purs de l'entendement.Mais ce fait,la découverte
des antinomiesprécédantla solutionqu'il leur trouvera,est une
preuveque cette doctrinedoit lui être venueoriginairementd'une
source extérieure.
Nous montrerons que Kant,eneffet,a trouvél'idéefondamentale
de la doctrine des antinomies chefcun penseur, assez négligé
jusqu'ici, et que les historiensn'onttoujoursconsidéréque comme
une sorteA'alterego de Berkeley,chez ArthurCollier.
L'écritde Collier: Clavis universalis,or à NeivEnquiryafter
Truth,beinga demonstration of thenonexistence or impossibi-
lityofan externalworld,London,1713,estdevenupeude temps
après sa publicationune rareté bibliographique.Par contre, cet
écrit était facilementaccessible en langue allemande, grâce à
une traduction que le professeur de philosophie à Rostock,
Eschenbach, publia en même temps qu'une traductiondes dia-
logues de Berkeley,l'année mêmeou Sulzer acheva la traduction
des Essais de Hume. Cette traductionparut sous le titresuivant:
Sammlungdervornehmsten die die Wirklichkeit
Schriftsteller,
ihreseigenenKörpers und der ganzen Körperweltleugnen.
Enthaltenddes BerkeleyGespräche zwischenHylaé und Philo-
nous,und des Collier AllgemeinenSchlüssel.Übersetzt
und mit
widerlegenden Anmerkungen versehen, nebst einenAnhang,
worindie Wirklichkeit derKörpererwiesenwird,vonJoh.Chris-
tian Eschenbach,
Rostock, 1756*.
1. Eschenbach(1719à 1759),undes élèvesde Darjesetle maîtreen philosophie
Rhv. MáTA. - T. XXXI (η· 2, 1924). 21

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310 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Jusqu'en 1781,année au cours de laquelle parut une nouvelle


traductiondes écrits de Berkeley,le livre d'Eschenbàch était la
seule source en langue allemande où Kant ait pu puiser une con*
naissance directede l'idéalisme de Berkeley.On conviendraqu'il
est fort improbableque Kant, qui fut,pendant sa période pré-
critique,un grand liseur et qui dirigeaitplus particulièrement
son attentionversla littératurephilosophique anglaise, traduite
en allemand, que Kant,pourlequel, en outre,le pointde vue para-
doxal des idéalistes anglais, dont on parlait beaucoup à cette
époque, devait être d'un grand intérêt,ait négligé le livre d'Es-
chenbach1.
13. L'histoirede la doctrinedes antinomiesne commenced'ail-
leurs pas avec Collier, mais, comme Kant luwnême l'a relevé
(Critique de la Raison pure,page 408et suiv.), avec Zenon d'Élée.
Dans les discussions dialectiques de Zenon on retrouvedéjà dis-
tinctementle motifantinomique; aifisi,avant tout,dans les argu-
mentsbien connus contrele πολλά tel que les expose Simplicius :
'
εν (Αεντοιτώι συγγράμμ-ατιαύτοΰ πολλά εχοντι έπι χειρήματα καθ ϋκαστον
δε(κνυ<ην,οτι τώι *ολλα είναιλέγονη συμβαίνειta Ivavffa λέγειν: ων εν
έβτιν επιχείρημα,Ιν ωι δείκνι>σιν&tt εΙ πολλά !<m, και μεγάλα lati και
μικρά : μεγάλα μεν ωαχε άπειρα το μέγεοος äcvöu, μικρά, δι ούτως ώστε
δ'σα εβτι
μ-^θέν εχειν μέγεθος... Ει πολλά έστιν, ανάγκη τοσαυτα εεναι
και ούτε πλίΐον* αυτών ούτε έλαίτΐονα.Ex oà τοσαυτα Ιστιν δ'σα έστ(,
πεπερασμένα αν εϊη. Ει πολλά έστιν, άπειρα τα βντα εστίν.
Ά<' γαρ έ'τερα μεταξύ των δντων εστί, και πάλινεκείνωνέ^ερα μεταξύ. Και
οίίτωςδπβιραταδντα εστί.
Le premier des philosophes modernes qui reprit l'idée fonda-
mentalede Zenon, et qui, en l'appliquant à l'objet de la seconde
antinomiekantienne,la formulabeaucoup plus nettementque le
philosophe antique, fut Bayle» Sous le titre: Objectionscontre
l'existence de l'étendue(étendue, d'après la terminologiecarté-
sienne, ne correspondantpas seulementà ce que nous compre-
nons par étendue,mais à la substance étendue elle-même),Bayle,
de Tetetis,apparaît dans ses écrits comme un adversaire décidé de l'idéalisme,
dont il combat les traces même chez Wolff.Sur ses opinions philosophiques,
cf. W. Ubbele, Joh.-Nic. Tetehs,1912, p. 27 et suiv.
l. il est singulier que m Januecnni vaininger, en panant aes rapportsenire
Kant et Berkeley,n'aient tenu compte de la traductiond'Eschenbach. Vaihinger
[Komm.,II, 500) a montré,d'ailleurs, que Kant ne connaissait pas aussi mal la
doctrine de Berkeleyque Janitsch{Kants Urteile überBerkeley) wait essayé de
le prouver.

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L ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 311

dans son dictionnaire,art. Zenon, rem. F, avance l'argument


suivant: « II semble que ceux qui voudraientrenouvelerl'opinion
de Zenon devraientd'abord argumenterde cette manière. Il n'y
a pointd'étendue, donc, il n'y a point de mouvement.La consé-
quence est bonne..., la difficulté n'est donc qu'à prouverqu'il n'y
a pointd'étendue.Voici ce qu'aurail pu dire Zenon. L'étendue ne
peut être composée ni de points mathématiques,ni d'atomes, ni
de parties divisiblesà l'infini,donc son existence est impossible.
La conséquence paraît certaine,car on ne saurait concevoirque
ces troismanièresde compositiondans l'étendue; il ne s'agit donc
que de prouverl'antécédent.» Après avoir réfutéles trois opi-
nions qu'il envisage comme possibles,s'arrêtantle moinssurcelle
des pointsmathématiques,qui, de toutes les trois, lui paraît la
plus insoutenable(on considérait,dans la philosophiede l'École,
l'idée que les choses corporellessont composées de points mathé-
mathiques, de soi-disantpuncta zenonica, comme formantpré-
cisément la doctrine du philosophe éléate), Bayle poursuit
de la sorte : « En général, tous ceux qui raisonnent sur le
continu ne se déterminentà choisir une hypothèsequ'en rertu
de ce principe: s'il n'y a que trois manières d'expliquerun fail,
la véritéde la troisièmerésultenécessairementde la faussetédes
deux autres... Un zénoniste pourraitdire à ceux qui choisissent
l'une de ces trois hypothèses: Vous ne raisonnez pas bien, vous
vous servez de ce syllogismedisjonctif: Le continuest composé
ou de points mathématiques,ou de points physiques,ou de par-
ties divisibles à l'infini.Or, il n'est composé ni de -, ni de - .
Donc il est composé de - . Le défautde votreraisonnementn'est
pointdans la forme,mais dans la matière; il faudraitabandon-
nervotresyllogismedisjonctifet employerce syllogismehypothé-
tique [on remarqueraque, chez Kant aussi, l'antinomiene repose
pas sur une synthèsecatégorique ou disjunctive,mais sur une
synthèsehypothétiquedes membres d'une série] : Si l'étendue
existait,elle serait composée ou de points mathématiques,ou de
points physiques,ou de partiesdivisibles à l'infini.Or, elle n'est
composée ni de pointsmathématiques,ni de pointsphysiques,ni
de parties divisibles à l'infini.Donc elle n'existe point. Il n'y a
aucun défautdans la formede ce syllogisme; le sophisme a non
sufficientienumerationene se trouve pas dans la majeure ; la
conséquence est donc nécessaire,pourvuque la mineuresoit véri-

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table. Or il ne faut que considérerles argumentsdont ces trois


sectes s'accablent les unes les autres et les comparer avec les
réponses; il ne faut,dis-je, que cela, pour voir manifestement la
véritéde la mineure.Chacune de ces troissectes, quand elle ne
fait qu'attaquer, triomphe,ruine, terrasse; mais, à son tour,elle
est terrasséeet abîmée, quand elle se tientsur la défensive.» (Cf.
la Critique de la Raison pure, p. 351 : Diese vernünftelnden
Behauptungen eröffnenalso einen dialektischen Kampfplatz,
wo jeder Teil die Oberhand behält, der die Erlaubnis hat, den
Angriffzu tun, und derjenige gewiss unterliegt,der sich blos-
verteidigungsweise zu führengenötigtist).
14. Sous rinfluence,sans aucun doute,de Bayle, Collieresquisse
déjà les deux premièresantinomies,les antinomiesnomméespar
Kant mathématiques,la première,il est vrai, autant seulement
qu'elle concernel'idéalité de l'espace et non celle du temps.
Dans la premièrepartiede la Clavis, Collier chercheà prouver
que le mondevisible, le monde perceptiblen'existepas en dehors
de nous. Dans la secondepartie,il prouvequ'un monde étenduin-
visible,qui existeraiten lui-même,est impossible.Un tel univers
contiendraitd'abord, commeil le dit dans le deuxièmechapitrede
cette partie,une impossibilitéextérieure[extrinsicimpossibility),
c'est-à-direune impossibilitépar rapportà sa cause, Dieu, qui ne
pourraitproduireune créature aussi inutile,puisque inconnais-
sable. Après quoi Collier poursuit son développement dans les
termessuivants(nous citons d'après la traductiond'Eschenbach
qui, dans le cas qui nous occupe, revêtl'importanced'un original) :
Doch ich habe bei genauer Untersuchung wahrgenommen,dass
wennetwas äusserlich unmöglichzu sein gefundenworden,man
nur bis auf dem Grunde gehendürfe, so werde man eine innere
Unmöglichkeitin der Sache selbst antreffen,und eben dies fin-
det bei der äusseren Weltstatt, wie einige der folgendenHaupt-
stücken,mit mehrerenzeigen werden.

DRITTES HAUPTSTÜCK
Dritter Beweis.

Zum Beispiel. - Eine äussere Welt,die an und vor sich, und


ohnedass ein denkendesWesensie sich vorstellt,eine Grosseund
Ausdehnung haben soll, hat einen solchen Widerspruchin ihrer

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L. ROBINSON. - i/ÉVOLUTION PUILOSOPHIOUE DE KANT. 313

Ausdehnung, welcherverursacht, dass es unmöglich ist, dass sie


da sei. Der Widerspruch bestehtdarin, dass diese Grosse zugleich
endlichundunendlichistoderseinmuss.
Nunschliesse ichhierausweiter.Das, waszugleicheineendliche
undunendliche GrosseoderAusdehnung hat,hatschlechterdings
kein Dasein; oder,einesolcheWeltist nichtda, kannnichtda
sein.Nun isteine Ausdehnung, die zugleichendlichundunend-
lichist,keinesvonbeiden,wederendlichnochunendlich, das istf
überall nichts.Dies ist aber der Fall mit der äusserenAus-
dehnung ; undfolglichisteinesolcheAusdehnung nichtda, und
kannauchnichtda sein.
Woman diesenBeweis nichtfürrichtigannehmen wollte: so
wüssteich nicht,was man zu einemBeweis erfordert. Denn
erstlich,kannwohletwasunleugbarer sein,als diebeidenVorder-
sätze. Dass ein Ding in einerleiVerstande nichtzugleichendlich
undunendlichsein könne; oderdass ein Ding,so vermöge seines
Begriffs beidesendlichundunendlich seinmuss,in der Tatkeines
vonbeiden,wederendlichnochunendlich sei ; unddass das, wel-
cheswederendlichnochunendlich, überallnichtssei;sind meiner
Einsichtnach {und einesjeden,der Vernunft annimmt)solche
ersteGrundsätzein Wissenschaften, dass ich notwending zum
voraussetzenkann,dass sie vonniemandem als offenbaren Zwei-
irï
flern Zweifelgezogen werden. Was den Untersatz anlangt
{dass die Ausdehnung eineräusserenWeltzugleichendlichund
unendlich :
sei) so leuchtet die Wahrheitdesselben mirso klar in
die Augen,und wird so allgemeinund durchgänging (wie mir
auch derwenigeUmgang,denich in der gelehrten Weltgehabt ,
schonbelehrt hat)eingestanden, dass ich mich lieberdarauf beru-
fen,als ihnweitläufig erweisen will.Die Ausdehnung eineräusser-
der
lichenWeltistdas, was mannenntdie Schande Philosophen r
weil es etwas ist, welches,wie alle einmütiggestehen,einen
unumstösslichen Beweisvorund gegensich hat. Einige nehmen
als eine Hypothesin an, dass sie endlich,und andere,dass sie
unendlichsei, nachdem ein jeder es zu anderenSätzen es am
dienlichsten findet,die er zu verteidigen willensist. Allein ich
habenochkeinenso kühngesehen, dasswennerdas eineannimmt '
erdie GründedesGegenteils zu beantworten undumzustossen sich
unterstanden habe.Ich binalso derMüheüberhoben, diesebeider-
seitigen Gründe anzuführen, sondern kann geradezu,mitallge-

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314 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE

meinerUebereinstimmung beiderParteienden Schlussmachen,


dass eineäusserliche Ausdehnung beideszugleich(undalso keines
vonbeiden)endlichundunendlichsei.
Was zweitensdieArtzu schliessenanbetrifft : so hatsie erstlich
dies vorsich,dass nichtsin demSchlusssatzist, als was in den
Vordersätzen ist; welchesschonBeweisesgenug,dass sie richtig
sei. Nachmalenerhelletdies auch daraus, weil sie eine völlige
Uebereinstimmung hat mitallerhandSchlüssen, die einjeder für
bündigundrichtigerkennt.
Zum Beispiel.- Gesetzt jemand nehmeden Begriff voneinem
dreieckten Viereckan, gezetztnun,zwenestritten sich überdie
Eigenschaft einesso seltsamen Dinges; dereineschlösseaus dem
Begriffdes Dreiecksundbehauptete, das besagteDing hättenur
drei Winkel; derandereaber behauptete, aus demBegriff" des
Vierecks, dass er vier Winkel hätte. Was könnte einvernünftiger
Zuschauerwohlandershierausschliessen, als das Ding,worüber
sie streiten,überall nichts,ja sogar ein Widerspruch, eine
Unmöglichkeit sei? Ja dass dieseArtzu schliessen die Streitende
sichnotwendig einanderselbstin die Klemmetreibenmüssten ;
und diesaus einemgedoppelten Grunde.Erstlichdadurch,dass
dieseArtzu schliessen verursacht, dasssie beideeinerleierweisen,
undalso aufhören,einanderzuwiderzu sein,und dochbeidein
ihren unterschiedenen MeinungenRechtbehalten.Denn beide
behalten Recht, jederin demHauptsatz,denerbehauptet
ein ; und
beide haben Unrecht in etwas, das sie doch auch ebenfalls beide
verteidigen, nämlichdarin,dass es ein dreiecktViereckgebe,
welchessie alle beidezumvoraussetzen.Zweitensabervornehm-
lichdadurch,dass einjeder von ihnensagen kann,er schliesse
nachdenRegelndergesundenVernunft, unddasser also vondem
anderenverlangen kann, dass erkraft seiner eigenenGrundsätze
ihm seinenSatz zugebe.Dies geschieht,wennbeideStreitende
sich einandereinräumen,was sie habenwollen,nämlich,dass
ein dreieckter Viereckalles beidessei, sowohldreieckt (welches
dereinehabenwill),als auchviereckt (was der andere behauptet).
Undwennsiediesgetanhaben: so istnichtsübrig,als dass einer
die Gründedesanderenbeantwortet, welches, wiehierzumvoraus
gesetztwird,sie nichttunkönnen. Hiedurch gesteht also einjeder,
dass der andere Rechthabe. Und ein dritter,der dem Streit
zuhört,hat, indem er beidenzugibt, dass sie Rechthabenf

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. &1&

hierdurch einenBeiceiswiderbeide,dass sie alle beide Unrecht


haben, oder mitanderenWorten,dass das Ding, worübersie
streiten,überall nichtssei.
Ich habe hier lieber einen möglichenFall zum Beispiel
anführen wollen,als einenwirklichen, um dadurchdesto siche-
rerdenBeifalleinesjedenmirversprechen zu können.Denndass
dieserSchluss: « Eine Figur, die zugleichdreieckt undviereckt
ist,istüberallnichts: eindreiecktes Viereck isteinesolcheFigur'
folglichist ein dreiecktesVierecküberallein Unding», richtig
sei, leugnetmir niemand.Hätte ich ober einen anderender-
gleichenSchluss,betreffend einerSache, worüber wirklichunter
denGelehrten ein Streitist [undwie leichtwäre es mirgewesen,
verschiedene dergleichen zu nennen),hergesetzt: so würdeer,
undwenn er gleichebenso handgreiflich bündiggewesenwäre,
dochdunkelund unerwiesen habenheissenmüssen.Denndass es
so in der gelehrten Welthergehe, lehrtdie Erfahrung.Undalso
würdenmireinigeden Vorwurf gemacht haben,es schiene,als ob
ichdas bekannte durchein unbekanntes erweise.Nunaber,dadas
beigebrachte Beispielganz klar ist,und vonjedemeingestanden
wird : so darf ichjetzt nurzeigen,dass der gegenwärtige Fall
vonderäusserenWeltmitselbigenvölligübereinstimmend ist.
Undwas ist mirleichter zu zeigen? Denn,so wie vorbesagter-
massenmöglichist,dass sicheinigeüberdieEigenschaften eines
dreiecktenVierecksstreiten: so streitensich die Philosophen
wirklichüberdie Eigenschaft deräusserenWelt,nämlichüber
ihre Ausdehnung. Die eine Partei schliesstaus dem der Welt
zukommenden Begriff des äusserenDaseins,und behauptet, dass
sieunendlichausgedehnt sei± die andereschliesstaus demBegriff
einerKreatur,und behauptet, sie sei endlich.Beide setzenzum
voraus,dass die WelteinäusseresDasein habe; beide,dass sie
eine Kreatursei. Keine vonbeidenlässt sich einmaleinfallen,
dass sie die Gründeder anderenbeantworten könnte ; sondern
eine jede bestrebt sich nur,ihrenSatz zu erweisen.Ja beide
gestehendemungeachteteinmütig,dass wenndie äussere Welt
zugleichendlichund unendlichwäre, sie überall nichtssein
könne.
Nun dann,dies macheichmirzu nutz,und schliesse, wieim
vorigen : « Eine Welt, die zugleich unendlich und endlich
ausgedehnt seinmuss,ist ein Unding;die äussereWelt,die man

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316 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

dazuseinannimmt,ist zugleichendlichund unendlich;folglich


die Schlüsse
ist einesolcheWeltüberallnichtda ». liier behalten
beiderParteienihren Wertundbleibenalle beiderichtig ; hier
ist der Obersatzsowohlals der Untersatzvon beidenParteien
entlehnet;hier hat eindritterebendenselbenVorteil,wie im
vorigen; warum sollte denn der Schlusssatzsich nicht des
allgemeinenBeifalls und der allgemeinen Annahmevon beiden
Parteiengetrösten können?

VIERTES HAÜPTSTÜCK
Vierter Beweis.
Ich kommeauf die Teilbarkeitder Materie,Grosse oder
Ausdehnung. Und hierbehaupte,ebenwie im vorigen,dass eine
äussereMateriezugleichendlichundunendlichteilbarsei; und
dass also keinsolchesDing,als eine äussereMaterieist, da sei.
DerBeweishiervonistdieser: « Eine Materie,welchezugleich
endlichundunendlichteilbar,ist überallnichts;eineausseruns
daseiendeMaterieisteinesolche,die zugleichendlichund unend-
lich teilbarist; undfolglichgibtskein solchesDing,als eine
äussereMaterieseinsoll ». Der Obersatzisteinervonden ersten
Grundsätzender Wissenschaften, undisteinerlei,obgleichnurin
anderenWorten müdem,wennmansagt,was ist,ist,oder,es ist
unmöglich, dass einDingzugleichsei undnichtsei. Dennendlich
undunendlichverhalten sich gegeneinanderals seinund nicht
sein. Endlich heissteingeschränkt sein, und unendlichnicht
eingeschränkt sein.Dass esalso ebensounmöglich ist,dass'einDing
dies beidessei, als es ist, dass er zugleichzu selbenZeit undin
einerleiBetrachtung sei undnichtsei. Nichtsistalso klärer,als
das, ivas zu gleicher undin einerleiVerstande
Zeit beidesendlich
und unendlich ist,und dies in seinem Begriff einschliesst,überall
nichtssei. Unddiesgiltnun, welchesder Untersatz ist,vonder
Materie,die ein äusseresDasein habensoll.Sie ist,als eineKrea-
tur,offenbar endlich^ unddoch,weilsie einäusseresDaseinhaben
soll,ebenso offenbar unendlich in Absichtauf die Anzahl ihrer
Teile; und doch kann nichts ungereimter als eine solche Teil-
barkeitsein.Doches üt nichtmöglich, dieseDingeweiterauszu*
führen,massenkeinPhilosoph,sovielmirbekannt^angetroffen
wird,der nichtmitallen anderendarin übereinstimmen sollte,
dass man in Ansehungder TeilbarkeitderMaterieauf beiden

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L.ROBINSON. - i/ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 317

Seiten unumstösslicheBeweisehabe. So dass ichalso nur den


kann,dass das Ding oderMaterie,wovon
Schlusssatzfestsetzen
dieRedeist,überallein UndingoderWiderspruch ist.
15. Il est .superflu, croyons-nous,pour démontrerla grande
analogie entreles idées des deux philosophes,de citerles passages
correspondantsde la doctrinedes antinomiesde Kant. Il suffiraitde
faireobserverce qui suit : En donnantla solution des deux pre-
mièresantinomiesdans la Critiquede la Raison pure, Kant, sui-
vant une autre voie que celle tracée par Collier, voudraitdémon-
trerque thèseet antithèse,dans ces deux antinomies,ne sontpas à
proprementparlercontradictoires,mais seulement contraires,de
sorte que toutes les deux en même temps peuvent être fausses.
Et,développantcetteidée, il dit(pages 409 et suiv.) : Wennjemand
sagte: einjeder Körperriechtentweder gut oder riechtnicht
so
gut, findet ein drittes nämlich
statt, : das er gar nichtrieche
(ausdufte), und so können beide widerstreitendenSätze falsch
sein... sage ichdemnach: die WeltistdemRäumenachentweder
unendlich, odersie istnichtunendlich somuss,
[nonestinfinitus),
wenndererstereSatz falsch ist,seinkontradiktorisches Gegen-
teil : die Weltist nich unendlich,wahr sein... Messees aber :
die Weltist entweder unendlichoderendlich{nichtunendlich),
so könnenbeidefalschsein. Dennich sehealsdann die Welt,als
an siehtselbst,ihrerGrossenachbestimmt an, indemich in dem
Gegensatz nicht bloss die Unendlichkeit aufhebe,und mit ihr
vielleichtihreganzeabgesonderte Existenz,sonderneineBestim-
mung zur Welt,als eineman sichselbstwirklichen Dingehinzu-
setze,welcher falschseinkann.Dansles Prolégomènes,
ebensoioohl
par contre ( § 52, Β), Kant ne cherche pas l'issue d'une troisième
possibilité,mais considère,ainsi que l'avait faitCollier, les deux
propositions,thèse et antithèse^comme contradictoires,ce qui
implique que leur objet, le concept d'un monde spatial existant
en lui-même,est contradictoireen soi ; pour le prouveril se sert
du même exemple,légèrementmodifié,que celui que nous avons
trouvédans la Clavis : Von zwei einanderwidersprechenden
Sätzsen,könnennichtalle beidefalschsein, ausser,wennder
Begriffselbstwidersprechend ist,derbeidenzum Grundeliegt;
Zirkelistrundund
zumBeispiel,die zwei Sätze : ein viereckiger
Zirkelistnichtrund,sindbeidefalsch.Denn,was
einviereckiger
denerstenbetrifft,
so istes falsch, dass dergenannteZirkelrund

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318 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

sei, weil er viereckigist ; es ist aber auch falsch, das$ er nicht


rund, das ist eckig sei, weil er ein Zirkel ist. Denn darin eben
bestehtdas logische Merkmal der Unmöglichkeiteines Begriffs,
dass unterdesselbenVoraussetzungzwei widersprechende Sätze
zugleich falschsein würden,mithin,weil kein dritteszwischen
ihnen gedacht werden kann, durch jenen Begriffgar nichts
gedachtwirdi.
16. Vu l'analogie aussi frappanteentreles idées de Collier et
celles de Kant, le fait que Kant ne cite nulle part Collier, et ne
mentionnejamais son nom,ne peut êtreconsidérécomme preuve
de l'indépendancede Kant du philosopheanglais2. Comme pour
la plupartdes auteursd'autrefois,on ne peut établir pour Kant
une règle ne permettantd'admettrechez lui des influencesou des
empruntsque là où il en aurait lui-même faitétat. Ainsi, il a
subi, pendant son époque empiriste,l'influencede Hume sans
mentionnerune seule foisle nomdu penseurécossais, en tantque
philosophethéorique. La Critique de la Raison pure, surtout la
premièreédition,dans laquelle Kant, pour la premièrefois,déve-
loppa la doctrinedes antinomies,appartientaux ouvrages philo-
sophiques dans lesquels il n'est mentionnéque fortpeu d'auteurs,
même sous formede polémique. Le nomde Berkeley,par exemple,
ne se trouvepas encoredans la premièreédition,quoiqu'il yait déjà
plusieurs attaques contrel'idéalisme empirique. Le nom de Des-
carteslui-même,dont la psychologieet la preuveontologique de
l'existencede Dieu sontcritiquéesà fond,n'estpas facileà trouver
dans la dite édition3.En tenantcomptede cettemanièreabstraite,
et pour ainsidireanonyme,il est déjà remarquableque Kant,ici du
moins, eue un des précurseursde sa doctrinedes antinomies,le
plus ancien de tous. Et ce qui est caractéristique,c'est qu'il
insistemêmed'une manièreplutôtexagérée sur l'élémentaniino-

1. Dans le Einzig MöglicherBeweisgrund, I, 2, Kantrapporteexactement le


mêmeexempleque Collier: Ein Triangel,derviereckigt ware,istschlechterding
unmöglich. ein Triangel,imgleichen
Indessenistgleichwohl etwasviereckigtes
an sichselberEtwas.
2. KantciteBayleau commencement des Beobachtungen uoeraas òcnone
und Erhabenede 1764.Il ne peuty avoird'ailleursaucundoutequ'il aitconnu
ce philosophe,un des pluspopulairesau xvm·siècle,et, avanttout,son célèbre
articlesurZenon.
3. Cf. Réflexion20 : Das Anführender Bücherist in einemòystemäer
tranzendentalen Philosophiebeim'Entwurfnichtnötig, so wenigwie in einer
Geometrie.

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 349

á
miquedans les idéesde Zenon (Critiquede la Raison pure,page
408).
Kant s'esttoujoursmontrél'adversaireacharnéde l'idéalisme
empirique, celuide Berkeley etde Collier.Cetteantipathie, comme
on le sait, est devenueencoreplus aiguë aprèsl'apparitiondu
compterendusurla Critiquede Garve-Feder, oùl'idéalismetrans-
cendantal avaitétéreprésenté commeunenouvelleéditiondel'idéa-
lismeberkeleyen. C'estaussi pourquoiil nfétait guèreagréableà
Kantd'avouer,dans sesécritsultérieurs, qu'onpeutretrouver une
de ses principales doctrineschez un penseurqui partageaitles
idéesdu « bonBerkeley».
Si on voulaitrassembler dans les écritsde Kant les passages
dans lesquels on pourraitretrouverune allusion indirecteà
Collierou à Bayle, on aboutiraitau résultatsuivant,qui, on
l'avouera,estplutôtmince.
Il estsignificatifque Kant,précisément là,où il abordela solu-
tionidéalistedes antinomies, croitnécessairede mettre le lecteur
en gardecontreune confusion de sonpointde vue avec celuides
idéalistesempiriques(Critiquede la Raisonpure,p. 401): Man
lourdeuns Unrecht tun, wennmanunsden schonlängstso ver-
schrienen empirischen Idealismuszumutenwollte,der,indemer
die eigeneWirklichkeit desRaumesannimmt, das Daseinderaus-
gedehnten Wesen in demselben leugnet,und zwischen Traumund
Wahrheit in diesemStückekeinengenugsamerweislichen Unter-
schiedanerkennt. De touteévidence,le doublereprochefaitici à
l'idéalismeempirique, renouvelé souventparKant,n'estpas plei-
nement Ce
justifié. qu'ily a de vrai dansle premierreprochequi
sertde fondement au second,c'est que Berkeley et Collierne sont
pas partisoriginairement, commeKant,de la doctrinede l'idéa-
litéde l'espace,maisplutôtde l'idéalitédes choses corporelles
danscelui-ci.Quantau reproche que, parsuitede ce fait,les idéa-
listesne sontpasenétatde rendresuffisamment comptedela diffé-
renceentrerêveet vérité,c'est un lieu communqu'on retrouve
1. La manièrequelque peu inattenduepour le lecteurmoderne,dontKant
décritle pointde vue de Zenon,reposesur les indicationsde Brucker(Histo-
ria critica Philosophiae,1742,p. 1169et suiv.). Bruckers'en tientà l'écrit
pseudo-aristotélique : De Xenophane,Zenone,Gorgia.C'estainsiqu'ilrapporte
commezénoniennes les propositions
suivantes: Unumtantumens est, et hoc
Deus est.. . Quia aeternusest,et unus, et rotundus,neque finitus est, neque
infinitus. Unumenimnequeenti,nequenon-enti simileest. Cumtaleunumsit
Deus, nequemoveripotest,nequeimmobilis est.

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320 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

chez ceux qui à cetteépoque ontcombattu l'idéalismeberkeleyen.


Ainsi Eschenbach (Sammlung,page 168, note) dira: Ein Idealist
nimmt,wenn man blos auf seine Worte sieht,den Unterschied
zwischender sinnlichenEmpfindungund denEmpfindungenoder
Vorstellungen derEinbildungskraft,'ungleichen zwischen wachen
und träumen (oder, wiewir heutigstagsmit mehrererWeisheit
reden, zwischen Traum und Wahrheit) an. Allein der Grund,
warum ein Idealist einen(sc. solchen) Unterschiedmacht... hält
keinenS'tich.
L'allusion à Collier et à Bayle est plus claire dans le passager
fameuxau pointde vue philologique,des paralogismesde la raison
pure, qui précèdent,comme on sait, les antinomies(Critiquede la
Raison pure,p. 319) : ... Ein dogmatischerIdealist,y lit-on,würde
derjenigesein,der das Dasein der Materieleugnet,der skeptische,
der sie bezweifelt,xceil er sie für unerweislichhält. Der erstere
kannes nur darum sein, weil er in der Möglichkeiteiner Materie
überhauptWidersprüchezu findenglaubt, und mit diesemhaben
wir es jetzt noch nichtzu tun. Der folgende Abschnittvon den
dialektischen Schlüssen, der die Vernunft,in ihrem inneren
Streitein Ansehungder Begriffevonder Möglichkeitdessen,was
im Zusammenhangder Erfahrung gehört,vorstellt,wird auch
dieser Schwierigkeitabhelfen.Ce passage resteraitincompréhen-
sible,si nous ne supposions pas chez notrephilosophela connais-
sance de certainsidéalistes, qui ont effectivement relevé,dans le
concept réaliste de la matière, des contradictions antinomiques.
Le fait que Kant,toutes les fois qu'il aborde les antinomies,en
considèrela doctrine commeimpliquantun caractère sceptique,
peutêtre expliquépar la circonstanceque ce conceptdevaità l'ori-
gine lui paraître effectivementtel, étant donné qu'il n'était
encore parvenu alors à aucun de ces principes idéalistes,qui
auraientpu lui permettrela solution de l'antinomie.Mais si,dans
les Prolégomènes(§52), il désigne l'état dans lequel se trouve la
raison, quand elle est en désaccord antinomiqueavec elle-mêmer
commeun état « sur lequel le sceptique ricane, tandis que le phi-
losophe critiqueest plongé dans un état de méditationet d'inquié-
tude», il paraît fort probable qu'en écrivantceci, il avait en
vue le précurseursceptique de sa doctrinedes antinomies.Car ni
Hume,ni d'autresphilosophessceptiques en dehors de Bayle, ne
se sont préoccupés de l'antinomie,et la désignationde sceptique

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 32J.

ricanants'appliquebienmieuxà Baylequ'au « froidDavidHume,


l'exemplaire de l'équilibredu jugement» (Critiquede la Raison
pure,page 570).On peutfairela mômeremarquesur la manière
dontil caractériseplusloinle scepticisme(Critiquede la Raison
pure,p. 577), manièrequi s'applique mieux à celui de Bayle
qu'à celui de Hume: Die Vernunft widersichselbstzu verhetzen,
ihrauf beidenSeitenWaffen zu reichenundalsdannihremhit-
zigstenGefechte ruhigund spöttisch zuzusehen,siehtaus einem
dogmatischen Gesichtspunkte nichtwohl aus, sondernhat das
Ansehen einerschandfrohen undhämischen Gemütsart an sich.
Pourterminer, faisonsencorela remarquesuivante: qu'ils'agit
ici,selonnous,plutôtd'unempruntde l'idéedes antinomiesque
d'unemprunt de la doctrineelle-même. Car la doctrine,exposée
dansle secondchapitredu secondlivrede la Dialectiquetranscen-
dantale,est à la formela plus parfaiteprékantienne, celle qui se
présente chez à ce
Collier, peu près qu'un drame de Shakespeare
est à la sourcelittérairedanslaquellele poètea puiséson sujet.
Commetousles grandsphilosophes, Kantdoitcertaines partiesde
sa doctrineà ses précurseurs;commeeux tous,il a ses racines
dansl'histoirede la philosophie.Mais cela n'empêchepas qu'il
soit,commedit Schopenhauer, «peut-êtrele cerveaule plusori-
ginalque la natureaitjamais produit1».
17. D'aprèsles témoignagesde Kant,dans la Réflexion 4 et
1. Déjà Cassirera touchéà la questionde l'originede la doctrineantino-
miquechezKant,notamment dans ce passage (op. c, II, p. 756) : So hatKant
insbesondere diejenigenFragen, die er unterden Namender « Antinomien »
zusammen fasst,nichtentdeckt, und nichtin die Philosophieeingeführt, son-
dernsie warenseit den Anfängender neuerenZeit von Bayle und Leibniz,
vonCollierundPloucquetbereitsaufs eingehendste diskutiertworden.Cassi-
rer{op. c.yII, p. 499)rapporteune déclarationintéressante de Leibnizsurl'im-
portancede ses efforts pour sortirdu « labyrinthe de la continuité ». On peut
rapprocherde cettedéclarationcelle de la lettrede Leibnizà Basnage,de
1698,dans laquelleil confesseque les opinionsde Baylesur l'étendueet surle
mouvement, dans l'articlesurZenon,sontconformes aux siennes.Pource qui
concernePloucquet,on ne peut guèrevoiren lui un précurseur de la doctrine
des antinomies.Tout ce qu'il a fait dans cet ordred'idéesse borne à avoir
résumé,en combattant les idéalisteset en développant leursarguments, les rai-
sons de Bayledans l'articlesurZenon{Principiade substantiis etphaenomenis
| 564).Il suffit,
pour montrercombienPloucquetétait loinde développerle
principede l'antinomie,ou mêmede se l'approprier, de dire qu'il maintient
une destroisconceptions de l'étendueque Bayleavaitrejetées,la conception des
atomes: Cumdivisibilitasmateriaein infinitum tantissit obnoxiadifficulta-
tibus, tutiuset sanius esse videtur,adoptareátomos,quia ex uno latere
divisibilitas
in infinitum estabsurda,etex alterolaterepunctasuntchimaerae.
Necessárioigiturelementaextensasuntadmittenda, guia interdivisibilitatem
in infinitumet punctamathematica nondaturtertium(Ibid., § 90).

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^22 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

dans la lettreà Garve,cités plus haut, nous devons supposer qu'il


a connu et s'est préoccupé du problèmedes antinomies,déjà de
bonne heure.
Il est évidentque, pendantla premièrepériode philosophique,
il devait envisagerles objets des deux dernièresantinomies,des
antinomiesdynamiques, non dans un esprit antinomique, mais
dans un esprit encore entièrementdogmatique. Cela, toutefois,
est vraiégalementpar rapportà l'objet de la premièreantinomie
mathématique.Dans YAllgemeine Naturgeschichtedes Himmels
(Ed. Kerbach,p. 103et suiv.), Kant se montrele défenseurde l'infi-
nitéspatiale et temporellede l'univers,et, dans ses explications,il
se sert, comme Bruno, Descartes et Spinoza, d'arguments d'un
caractère théologique : Ist es nicht viel mehranständiger,oder
besserzu sagen, ist es nichtnotwendig,den Inbegriff de?*
Schöpfung
also anzustellen,als er sein muss, um ein Zeugnis von derjenigen
Macht zu sein, die durchkein Masstab kann abgemessenwerden?
Aus diesem Grunde ist das Feld der Offenbarunggöttlicher
Eigenschaftenebenso unendlich,als diese selbersind. Die Ewig-
keit ist nichthinlänglich die Zeugnisse des höchstenWesens zu
fassen, wo sie nichtmitder Unendlichkeitdes Raumes verbunden
ist. Pour ce qui concernel'objet de la secondeantinomiemathéma-
tique, la divisibilitéde la matière,il constituele thèmeprincipalde
la Monadologia Physica. Le corps est composé d'élémentssimples
indivisibles,- substances,monades,- dontchacun,par l'étendue
de son pouvoir d'action et non par la pluralitéde ses partiessub-
stantielles,remplit un certain espace, qui pourtanten lui-même
reste divisible à l'infini: « ce qui permet que la divisibilitéde
l'espace ne contredisepas la simplicitéde la monade». On a voulu
voir dans cette solution (qu'on retrouveencore dans les écrits
appartenant à la période empiriste, par exemple dans la
seconde considération de la Preisschriftet dans le premiercha-
pitre des Träume eines Geitersehers)le début de la seconde
antinomie,et il est vrai que, dans un certainsens, on peut consi-
dérercette solution commetelle. Mais il faut alors ajouter que ce
début se trouveencore en dehors des idées de Bayle et de Collier.
Car la difficultéque Kant envisage ici dérive tout entière de la
métaphysiquemonadologiqueet du désaccord de celle-ciavec les
sciences naturellesfondéessur les mathématiques.Comme nous
l'avons vu, la Monadologia Physica devaitêtre un premieressai

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 323

d'une unionpossibleentrela métaphysique et la géométrie, oppo-


séesTuneà l'autre,uneréconciliation de Leibnizetde Newton.Il
nes'agitpas encoreicid'undésaccorddela raisonavecelle-même,
et Kantn'envisageaucunement l'idéeque les deuxpartiesen con-
flitpourraient avoirtorttoutesdeuxou bien qu'ellespourraient
toutedeuxavoirraison,l'unepar rapportau phénomène, l'autre
parrapport à l'êtreen soi. La manière dont il résoud le litigea ici
un caractèreà la foisdogmatiqueet conciliatoire et doiten prin-
cipe êtrerapprochée nonde la solutiondesantinomies, maisbien
de celleque Kantdonne,dans son premierécrit,au litigeentre
Descarteset Leibniz,ou de cellequ'on retrouvedans la Natur-
geschichte denHimmels,lorsqu'il prendpositiondansla question
discutéealors,à savoir: Les qualitésdu mouvement des planètes
doivent-elles êtreramenéesà une causenaturelleou à une cause
surnaturelle? Ce n'estque dans les termes,et non dans le sens
même,que l'introduction à la solutionde cettedernière question
revêtun caractèreantinomique: Man siehtbei unparteiischer
Erwägung: dass die GründehiervonbeidenSeitengleichstark
undbeideeinervölligenGewissheit gleichzu schätzensind.Es ist
aberebensoklar,dass einBegriff seinmüsse,inwelchem diesedem
Scheinenachividereinanderstreitenden Gründevereinigt werden
könnenundsollen,unddass in diesemBegriffe das wahreSystem
zu suchen sei(Naturgeschichte desHimmels, page 50). L'apparence
dontil estquestionici n'estnullement « l'apparencetrancendan-
tale». Pource qui concerneenfinle fondde la solutionque Kant
donnaitau problèmede la divisibilité dans la MonadologiaPhy-
sica,le philosophe l'a, on le sait,rejetéeexpressément pendantla
période du criticisme (Metaphysische Anfangsgründe Natur-der
wissenschaften Lehrs.,II, 4).
Dans les écritsappartenant à l'époqueempiristeoù, il estvrai,
ne doit se refléterqu'une partie infimede ses réflexions, de
ses recherches et
métaphysiques épistémologiques d'alors, on ne
trouveque peu de tracesindiquantque le problèmedes antino-
miesait hantéKant.
La premièretracedistinctene peut,à proprement parler,être
relevéeque dansla Dissertation de 1770,un écritqui, sous cer-
tainsrapports, peutêtre considérécommeappartenant déjà à la
période criticiste.Au début même de cet écrit (§ I,) lorsqu'ilest
des
question concepts simpledu et du monde,c'est-à-dire d'uncôté

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324 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

dune partiequi n'estpas un tout,et de l'autred'untoutqui n'est


pas une partie,et des conceptsdu continuet de l'infiniqui s'y
rattachent, Kantétablitun dissensusinterfacultatem sensitivam
et intellectualem, «
qui dériveraitdu fait que l'espritn'est pas
capabledetransformer in concreto et d'unemanièreintuitiveles
idéesabstraitesreçuesde l'entendement ». Au § 28, Kant nous
de
explique quelleespèce est le dissensus en question.L'intelli-
gence et la sensibilité des
parlent languesdifférentes, dans les-
quellesellessontcenséesdireles mêmeschoses,tandisqu'iln'est
donnéqu'à l'intelligence de toucheravec certitude le vrai.C'est
ce que nous remarquons,quand nous envisageonsces deux
espèces de connaissancepar rapportà la questiondu principe
du monde: secundum legesintellectus puriquaelibetserieseau-
satorumhabetsut principium,h. e. non datur regressusin
seriescausatorumab&quetermino, secundumlegesautemsensi-
tivasquaelibetseriescoordinatorum sui initium assignabile; deux
propositions dont la première n'insiste que sur la mesurabilité de
la série,et qu'on considèreseulement par erreurcommeéquiva-
lentes.On peutreleverle mêmerapportau sujetdu simple.Au
principede l'entendement : quoddatocompósito substanttali den-
furcompositionis principia h. e. simplicia,correspond une dis-
tinction fournie parla connaissancesensible,mais dont la signi-
ficationn'estnullement la mêmeque celledu précédent: quod
nempe in tali compósitoregressus in partiumcompositione non
deturinfinitum, h. e. quoddefinitus deturin quolibetcompósito
partiumnumerus. Voicimaintenantlerésultat de toutescesréfle-
xions: Quoditaquequantummundanum sitlimitatum{nonmaxi-
mum),quodagnoscatsui principium, quod corporaconstent sim-
plicibus, sub rationis signoufique certo cognosci potest.Quod au-
temuniversumt quoad mollem, sit mathematice finitum,quod
netasipsiustransactasitad mensuram dabilis,quodsimplicium,
quodlibet corpusconstituentium, sitdefinitus numerus,suntpro-
positiones, quae aperte ortum suumenaturacognitionis sensitivae
loquanturetutcumque cetero quin haberi possintproveris,tarnen
maculahauddubia originissua laborant.
Le dissensus, le désaccordentresensibilité et entendement, ne
consisterait doncqu'ence que la sensibilité nepeutsuivrel'enten-
dementaveccertitude et évidence,que nousnepouvonspasnous
représenter d'une manière intuitivela véritéconçuepleinement

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 325

parcelui-ci.Maisl'entendement, qui,d'aprèsle pointde vuede la


Dissertation, saisitl'êtreen soi (§ 4 : sensitivecogitataessererum
representationes,apparent,intellectualia
uti au tem,sicutisunt),
ne résoudce dissensusantinomique, qu'il constateentrelui-
même et la sensibilité,ni d'une façonnégative,ainsi que plus
tardKantrésoudrales antinomies mathématiques, nid'unefaçon
positive, comme ce sera le cas pour les antinomies dymaniques,
mais bien encore d'une façon toute dogmatique;en tantque
Kantdonneici raisonà une des deuxparties,à celledes thèses,
tellesqu'il les concevraplustard.
Nous pouvonsdonc conclureavec certitudeque Kant, au
momentoù il écrivaitla Dissertation, connaissaitles deuxpre-
mièresantinomies. Maisla conception nouvellement acquise de
l'idéalitédu tempset de l'espacen'apparaîtpas encorecomme
suffisante en elle-même pour résoudreentièrement celles-ci.Le
rôle,par conséquent, que les antinomies jouent dans la Disserta-
tionn'estencore,en comparaison avec la Critique,qu'embryon-
naire.
En ce qui concerneles antinomies,découvertespar Kantlui-
même,les antinomiesdynamiques,on ne peutqu'alléguerdes
raisonsindirectes en faveurde ce qu'il a dû, à cetteépoque,con-
naîtredu moinsla première desdeux,l'antinomie entrela liberté
et la nécessitéde la nature.Carie peu que noussavons surle
développement des opinionsde Kant,durantsa périodepré-cri-
tique, dans le domaine de la philosophie pratique,nousmontre
ce
que développement s'est fait par antithèse,c'est-à-dire d'une
manièrefavorable à Téclosionde l'idéeantinomique.
A la finde la Preisschrift, commenous l'avons déjà indiqué,
Kant laisse ouverte la questionque Hume avait soulevée,à
savoir,si la philosophiepratiquedoitêtreune moralefondéesur
le sentiment ou sur la raison, « car il fautencore résoudre
auparavantla question,si c'estla facultéde connaîtreou bien
le sentiment, le premier principe intérieur de la facultéappetitive,
qui doit servir ici de fondement ». Or, durantles années sui-
vantes, Kant incline manifestement vers la secondesolution,vets
la morale anglaise naturaliste.C'est ce que nous constatons
déjà dans le second chapitredes Beobachtungen, mais sur-
toutdans la Nachrichtüber seine Vorlesungen de 1765. Là il
considère les tentatives de Shaftesbury, Hutcheson, Humecomme
Rev. Meta. - T. XXXI (n» 2, 1924). 22

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326 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

étantde celles «qui, quoique incomplètesetnonsans manquements,


ont abouti plus loin que les autres dans l'élaborationdes pre-
miersprincipesdjela morale ». En s'astreignantà considérerdan«
la moraleen historienet philosophe« ce qui a lieu, avantde mon-
trerce qui doitavoirlieu, il éclairerala méthode,d'après laquelle
on doit étudier l'homme », une méthode qui, ajoute-t-il, est
« une belle découvert«de notretemps». En 1767, comme nous
l'avons déjà dit, Kant avait conçu le plan d'une Métaphysique
des mœurs.D'après les indications que nous relevonsdans une
lettrede Hamann à Herder,datée du 16 février,Kant auraitmôme
encore dépassé le naturalismemoral des Anglais : Herr M. Kant
arbeitetan einerMetaphysikder Moraledie in Kontrastder
bisherigen icird,teasderMenschist,als was er
mehruntersuchen
seinsoll1.
Mais, troisans plus tard,dans la Dissertation,nous constatons
que Kant a entièrementabandonné la morale du sentiment,le
naturalismemoral,et que, de plus en plus, il adopte le point de
vue opposé. Ce n'est plus le sentimentet l'expérience,qui désor-
mais lui fournirontle vraifondementde la morale,mais la raison
moralesnonexperiundo,sedper ipsum
pure(§ 7 et9) : conceptus
intellectumpurum cognitisunt..,philosophiaigiturmoralis,
quatenusprincipia dijudicandiprimasuppeditat, noncognOsci-
tur,nisiper intellectum ad
ipsa philosophiam
purum,ttpertinet
pura m,quique ipsius criteriaad sensumvoluptatisaut taedii
protraxit,summojure reprehenditur. C'estaussi pourquoi il
blâme maintenantShaftesbury,et ses partisans, qu'il louait
auparavant,et ne les considèreque comme des demi épicuriens.
C'est à présent seulement (§ 9, note) que le concept de la
libertéapparaît comme le concept fondamentalde la philoso-
phie pratique. Et unfait qui sans doute faitpressentirla troisième
antinomie,c'est que la Dissertationcompte parmi les principes
subreptices,celui qui dit: omnia in universofierisecundum
ordinem naturae (§ 30. Cf. la formule de l'antithèse : Es ist
lediglichnach
alles in der Weltgeschieht
keineFreiheit,sondern
denGesetzenderNatur).
directeavec le pointde vue que Kantadopta
en opposition
1. C'est-à-dire
plustard: In einerpraktischenPhilosophieistes nichtdarumzu tunyGründe
anzunehmen vondem,wasgeschieht, sondernGesetzev>ondtm3was geschehen
soll, obgleiches niemalsgeschieht(Grundlagenzur Metaphysikder Sitten,
Fritζseh, 62).

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L. ROBlNSOJt. - l'évolution philosophique de kant. 327

18. Dans son ensemble, le motifantinomique,qu'on retrouve


dans la Dissertation,jatte un rôle tropeffacépour qiae nous puis-
sions le considérercomme la raison principaledu revirementde
1769,dontle résultatfut précisémentcet écrit.C'est aussi pour-
quoi le témoignagede Kan't,d'après lequel « en 1769s« fiten lui
une grande lumière»,ne peutêtreinterprétédans le sens que l'an-
tinomie aurait amené le revirementidéaliste, mais au con-
traireque, grâce à ce revirement,il a pu mieuxapprofondircette
doctrineparadoxale.
Mais si ce n'est ni la doctrinede Hume, ni les antinomiesqui
nous expliquent le revirementde 1769,dans le développement
de Kant/il resteà savoir quelle est l'influenceà laquelle ce revi-
rementdoit êtreattribué.Comme on le sait, on a fait état, dans
cet ordred'idées,du principalécritépistémologiquede Leibniz.Et,
en effet, on a quelque raisond'attribuerà l'influencedes Nouveaux
Essais la renaissance, dans la pensée de Kant, des tendances
rationalistes,renaissancequi devientsi manifestelorsqu'on com-
pare la Dissertationinaugurale à récrit qui l'a précédéeimmédia-
tement,les Träumeeines Geistersehers, ou quel' on songe combien
cepremierécrit, dans ses se
tendances, rapprochede la NovaDiluci-
datio qui représentele plus nettementla périoderationaliste-dog-
matique. Toutefois,même en admettantque Leibniz ait exercé
vers 1769une influencesur Kant, nous ne touchonspas encoreau
foad de la question.
La découverteessentielle de 1769 est celle de l'idéalité de l'es-
pace et du temps;car l'autre principe important de la doctrine
critique,auquel la Dissertationelle-mêmedoit son titre,ne cons-
tituepas à proprementdire une découvertenouvelle de Kant,
bien qu'il n'ait acquis sa pleine significationqu'à la lumièredu
principede l'idéalité. En effet,la distinctionentre le mondesen-
sible et le monde intelligibleavait déjà, dès les débuts,été trans-
mise à Kant par l'intermédiairede la philosophieleihnizo-wolf-
fienne1.Mais tandis que Wolffet son école concevaientles deux
mondescommen'encomposantenréalitéqu'un seul,conçu unefois
d'une manièreconfuse,et de l'autred'une manièredistincte,Kant,
platonisant,les conçoit déjà dans les Träumeeines Geistersehers,
1. Cf.Batjmgarten, Metaphysica,J 869 : Mundus,quatenussensitivereprae-
sentatur,scnsibilis(adspcctabilis),
quatenusdistinctecognoscitur,
intelligibilis
est.Deus mundumhuneintelligibilem distinctissime
cognoscit.

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328 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE

commedeuxmondesdifférents (peut-être sousl'influence de Swe-


denborg, dont la distinction entre le monde le
spirituel monde
et
naturelestune transcription de
théosophique la distinction pla-
tonicienne). Die menschliche Seele, ditKant(l, 2), würdedaher
schonin demgegenwärtigen Lebenals verknüpft mitzwei Wel-
tenzugleichmüssenangesehenwerden,von welchensie, sofern
siezurpersönlichen EinheitmiteinemKörperverbunden ist,die
materielle allein klar empfindet, dagegenals ein GliedderGeis-
tenoeltdie reinenEinflüsseimmaterieller Naturenempfängt und
ou
erteilt', encore : es ist demnach zwar einerleiSubjekt, was der
sichtbarenund unsichtbarenWelt angehört,aber nichteben
dieselbePerson.C'est dans cet écritqu'on retrouve déjà l'équa-
tion: mondeimmatériel= mundusintelligibilis. Mais ce n'est
que dansla Dissertation, et grâceà la découverte de l'idéalitédu
temps et de l'espace,que cette distinction sa
reçoit pleinesigni-
fication;enattribuant aux deux mondesleurformeet leursprin-
cipes,il proclame(§ 7), à rencontre de Leibnizetde Wolff,que
chacunde ces deux mondespeutêtreconnu d'une manièredis-
tincte,aussi bien que d'une manièreconfuse1.Ce pointde vue,
dans la Critiquede la Raisonpure(pages231et suiv.),est modifié
dansce sensque seulle mondesensibleest reconnucommecon-
naissableen général.
Or,la découverte essentielle de l'année1769,celle de la subjec-
tivitéde l'espace et du temps,surlaquellese base la distinction
des deux mondes,ne peutguère être expliquéepar l'influence
des Nouveaux Essais. Aussi chercherons-nous à justifierune
opinionreprésentée par certains connaisseurs de la philosopiede
Kant,notamment par Riehl, d'aprèslaquelle la doctrine de notre
philosophe aurait été élaborée sans qu'une influence nouvelle se
fûtexercée,c'est-à-dire d'unemanièrepurement immanente2.
1. Cf. l'indicationque noustrouvonsdans la Reflex.6 : Vor der Disputa-
tionhatteich schondie Idee von demEinflussder subjektiven Bedingungen
der Erkenntnisse , nachhervondem Unterschiede
in die objektiven des Sensi-
tivenund Intellektuellen, aberder letztewar bei mirblos negativ.Lorsque
Kantemploiele termede nachher,dans ce passage, il ne fautpas l'interpréter
commevoulantdire« après la Dissertation », puisquele sujetde la Disserta-
tionconsisteprécisément à développerl'idéea des Unterschiedes
desSinnlichen
und Intellektuellen ».
2. Déjà Schopenhauera cru avoir trouveun précurseurde Kant,pour la
découvertede « l'idéalitéde l'espaceet de l'existencepurementphénoménale
du mondecorporel» (Wille als Weltund Vorstellung, éd. Griesebach,II,
p. 64). Ce précurseurne seraitautreque Maupertuis, qui, déjà trenteans (ou,

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 329

19. Dès ses débuts,Kantse voitplacé en facede deuxconcep-


tionsapparemment contradictoires de l'espaceet du tempsreelle
de Leibnizetcelle de Newton.Use trouvadoncacculéà la néces-
sitéde choisirentreles deux,et ce n'est que bienplustardqu'il
sutles réconcilier et lesfondre.Pendantla périodedogmatique,
Kantacceptasansrestriction la conception leibnizienne, ou, pour
mieuxdire(la différence n'est pas sans importance), la concep-
tionleibnizowolffienne. Dans son premier écrit,il considèrel'es-
pace commeétantle résultatdes relationset de Tordredes sub-
stancescorporelles reliéesles unesaux autrespar des rapports
réciproques et, ajoutons-le,effectifs (ceci à rencontre de la théo-
riede l'harmonie zu
: Es istleicht erweisen,
préétablie) dass kein
RaumundkeineAusdehnung seinwürden,wenndie Substanzen
keineKrafthättenaussersich zu wirken.DennohnedieseKraft
istkeine Verbindung, ohnediese keineOrdnung, und ohnediese
endlichkeinRaum(§ 9). Mais,dufaitque « sansliaisons,sansposi-
t ionset sansrelationsexternes, il n'ya pas d'espace», Kantcon-
clutqu'il est possible« qu'unechose existevéritablement, sans
toutefoisêtredansle monde» ou,pouraccentuer sa
davantage pen-
sée, que,dans le sensmétaphysique, il peutexisterplusd'unseul
monde (§ 7 et 8). Il chercheen conséquenceà déduireles trois
dimensions de l'espace,du faitque les substancesdansle mopde
agissentles unes surlesautresd'aprèsla loide Newton.Si d'autres
lois réglaientles rapportsdes substances,d'autresespacesayant
d'autresqualités et d'autresdimensions en résulteraient. Eine
Wissenschaft, remarque'le jeune Kant, commeprévoyantles
geometries non-euclidiennes, vonallen diesenRaumesarten wäre
unfehlbar die höchste Geometrie, die ein endlicher Verstand
unternehmen könnte(§ 11).
La Nova Dilucidatio(Prop.XIII, usus) ne faitque répéterces
réflexionssous une formeabrégée.Là aussi l'espace est défini
plus exactement, dix-septans) avantKant,auraitexposécette doctrine.Mau-
pertuis,dit Schopenhauer, expose cettedoctrineparadoxale« avec une telle
assurance,quoiquesans preuveaucune,qu'on est portéà croireque,lui aussi,
il l'a puiséequelque part ». La sourcede Maupertuisn'estpas, commeCassi-
rer(Erkenntnisproblem, II, p. 485et suiv.)chercheà le montrer,Leibniz,mais
bienBerkeley.C'estBerkeleyqui a déjà développél'idée que les qualitéspri-
mairesde Locke,telles que la soliditéet l'extension, sontau mêmetitredes
états subjectifsen nous, que le sont les qualités secondes,le son, la cou-
leur,etc. Le passagetirédes lettresde Maupertuis auxquellesSchopenhauer se
réfèren'estautrechosequ'une reproduction de Berkeley
libredes explications
dans les Principles(§ 8 et suiv.).

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330 RBVUE DÄ MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

comme étant le résultatdes relationsentre substances : locus,


situs, spatium sùnt reiationessubstantiarum, qnibus alias a se
realiter distinctasdeterminationibusmutui respiciunt, hacque
ratione nexu externo continentur. Mieux encore, l'espace- est
considérécomme étantproduitpar la liaison, entre substances :
substantiae^. quae.» interse determinationum quodam nexu collt-
gatae sint, hinç loeumxsitum et sp&tiumefllciant.Là aussi, Kant
es tire la conséquence qu'il serait possible qu'il y eût des sub-
stances qui ne seraient à aucun endroit,et qu'il pûty avoir plu-
sieurs mondes dans Le sens métaphysique.Enfia, ici aussi, il fait
aUuaioQà la loi d'attractionde Newton,qui seraitla loi naturelle
la plus élémentaire,commeétant la raison des qualités de l'es-
pace. Seule l'idée audacieuse de la possibilitéde geometriesnon-
euclidiennesn'est pas reprisedans la Dissertationde 1755.
La conception leibaizo-woifEennede l'espace se trouve de
mêmedans la Manadologia Physiea : spatiumnan est substantia,
seé estquoddam externaesubstantiarumrelatienisphaenomenon.
C'est dans le Neuer Lthrbegriffvan Bewegung und Ruhe que
Ka»tr pour la première,fois, eo la réfutant,fautmention de la
Conceptionde t'espace rivalede celle de Leibniz, dela conception
iÄWfcoaiemie. Il ne me serviraità rien.rpour éviter la nécessité,
dfàdraettrer la relativité du mouvementet du repos, y lit-on,
«même si je feignais un espace mathématique,an contenant
de carps, vide lui-mêmede tout contenu ».
Dans la préface aux Quantités négatives, Kant paraît par
contre bien plus disposé à admettre l'espace mathématique. Il
»'élèveici contrel'opiniondes métaphysiciensqui prétendentque
lea concepts supposés par les matohémaDiciens ne sontpas tirésde
la vraie nature de l'espace, mais forgésd'une façon arbitraire.
Die mathematischeBetrachtung der Bewegung, dit-il encore,
verbundenmitder Erkenntnisdes Raumes, geben gleichergestalt
viele Data an die Hand, um die metaphysischeBetrachtungvon
der Zeit in dem Gleise der Wahrheit zu erhalten. En outre, ce
qui est particulièrementsignificatif,Kint cite déjà ici, en les
louant hautement,les Réflexionssur l'espace eb le temps, ce
traitéimportantd'Euler, qui luttaitpour la conception du temps
et de l'espace de Newtonet s'élevaitcontrela conceptionleibnizo-
wolffienne.Il paraîtbien que, dans son ensemble,l'attitudequ'il
observa à cette époque en face des deux conceptions rivales ait

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Lr.Robinson. - l'évolutionphilosophique
de kant. 33<î
été hésitante,et que, par conséquent,la manièredontil envisa-
geaitles solutionsde ce problème ait eu uncaractèresceptique.
« Jesaisbience que c'estque le temps,maisquandquelqu'unme
le demande,je ne le sais déjà plus », dit-ilen citantle motd'Au-
gustin{Preisschrift, II ), et pareillement dansle Beweisgrund, I,i :
« Jedouteque quelqu'unaitjamaisexpliquévraiment ce que c'est
que l'espace ».·
En 1768,enfin, mûpardes considérations géométriques au sujet
de l'incongruence d'objetssymétriques, Kant se déclare résolu-
mentpourla conceptiondeTespacemathématique. Dans le court
essai intitulé:Von dem erstenGrundedes Unterschiedes der
Gegenden imRäume,il prétend donnernonseulement aux«méca-
niciens», commel'avait faitEulerdans le traitécité plus haut,
maismêmeauxgéomètres, « unfondement convaincant, pourpou-
voiraffirmer, avec l'évidencequi leur est coutumière,la réalité
de leurespace absolu»;en d'autres termes,il veutprouver(en
opposition nfctteavec ce qu'il avaitditpendantsa périoderationa-
«
liste-dogmatique)quel'espaceabsolu,indépendant del'existence
de toutematièreet mêmecommepremierfondement de la possi-
bilitéde celle-ci,a uneréalitépropre».
Il pourraitsemblerqu'étantarrivés là, nous sommes encore
bienloindela doctrine idéaliste,tellequ'elleestdéveloppéedans
la Dissertation inaugurale.Mais,en réalité,il n'en estpas ainsi.
Car,pour ce qui concernele contenu,c'est-à-dire,abstraction
faitede la questionde savoir s'il fautattribuer à l'espaceune
significationobjective ou seulement la
subjective, conception de
l'espace tellequ'elle est développée dans l'essai de 1768 est, dans
ses traitsfondamentaux, la mêineque cellede l'écritde 1770.Et
c'estdans ce sens que nouspouvons considérer le premierde
ces écritscommepréparant directement le second.
20. Ce que Kant,dans le traité de 1768, dénommeespace
« mathématique » ou «absolu »,' équivaut, dans son contenu,à
l'espace « donné» de la Dissertation et de l'Esthétiquetranscen-
dantale,en tantque cettenotionn'est pas le résultatd'uneabs-
tractionconceptuelle,tirée du rapportdes chosescorporelles,
commec'est le cas dans la doctrineleibnizo-wolffienne. Cette
notiona de plus, déjà, un caractèreapriorique,en tantqu'elle
précèdeles objets de la sensationextérieure, commeraisonde
leur possibilité.Aussi trouvons-nous déjà dans le dit traitéles

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332 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

deuxpremiers argumentsconcernantl'espace, qu'on rencontre


dansla Dissertation,
etqui tendentà établirl'aprioritéetle carac-
tèrenon-conceptuelet non-abstraitde l'espace. Il est vrai que,
commeles deuxécritspartentd'uneinterprétation métaphysique
opposée,la manièredontKant y formulesa penséen'est pas la
le tonestplutôt
même.Dans l'écritantérieur, objectiviste-réaliste;
dansTécritultérieur,
subjectiviste-idéaliste.
Dissertation, § 15. Gegende imRäume.
A. - Conceptusspatii non Es ist hieraus klar, dass
abstrahitur a sensationibusex- nicht die Bestimmungen des
ternis. Non enim aliquid ut RaumesFolge von den Lagen
extra me positum concipere der TeilederMateril·gegenei-
licet,nisi illudrepraesentando nander,sonderndiese folgen
tanquaminloco,ab eo, in quo von jenen sind, und dass
ipse sum, diverso,neque res also in der Beschaffenheitder
extrase invicem,nisiillas col- KörperUnterschiede angetrof-
locandoinspatiisdiversislocis. fen werdenkönnen,undzwar
Possibilitas igitur perceptio- wahreUnterschiede, die sich
numexternar urn,qua faliam, lediglichaufden absolutenund
supponitconcept umspatii,non ursprünglichen Raum bezie-
créât: sicutietiam,quae sunt hen, weil nur durchihn das
in spatio,sensusaffîciunt, spa- Verhältniskörperlicher Dinge
tium ipsum sensibushauriri möglichist;unddass, weilder
nonpotest. absolute Raum kein Gegen-
B. - ConcepLusspatii est stand ausserer Empfindung,
singularisrepraesantatio omnia sondernein Grundbegriff ist,
inse comprehendens, non sub deralle dieselben(sc.objetsde
se continensnotioabstractaet la sensation zuerst
extérieure1)
communis.Quae enim dicis möglich macht, wir dasje-
spatia plura, non sunt, nisi nige,was in der Gestalteines_
ejusdemimmensi spatiipartes, Körpers lediglich die Be-
certo posituse invicemrespi- ziehungauf den reinenRaum
cientes,nequepedemcubicum angeht,nurdurchdie Gegen-
1. D'après la leçon originaire(Cf.Vaihinger,Komm.,II, p. 432) on a :
dieselbe(se. sensationsextérieures).En ce cas, le sens des deux passages
correspondants, que nous venonsde citer,serait exactement identique.Mais
mêmesi nousacceptonsla leçon dieselben,donnantà la phraseune tournure
objective,la penséeque nous retrouvonsdans l'écritantérieur se rapproche
suffisamment de celle de l'écritultérieur.

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 333

conciperetibipotes,nisi am- haltungmitanderenKörpern


Menti spatio quaquaversum vernehmen können.
conterminum. Bei allem Ausgedehntem
istdieLage seinerTeilegegen-
einanderaus ihm selbsthin-
reichendzu erkennen;die Ge-
gend aber wohin diese Ord-
nung der Teile gerichtetist,
bezieht sich auf den Raum
ausserdemselbenundzwar...
auf den allgemeinenRaum
als eine Einheit, wovonjede
Ausdehnung wieein Teilange-
sehenxoerden kann.
Il estvraique,dansl'écritantérieur, Kantnedésignepasl'espace
commeétantuneintuition, etqu'il le nommemêmeun « concept
fondamental ». (D'ailleurs,dans la Critiquede la Raison pure
aussi, il parle fréquemment des « concepts» de l'espace et du
temps.) Quant au fond même,l'espace « absolu » et « origi-
naire », l'espace « pur », l'espace « général» représentebien
pour Kant une unité qui précèdeles choses corporelles,les
objetsde la sensationextérieure, etqui estdoué de qualités,telle
des
l'incongruence objetssymétriques, ne pouvantêtrerésolus
par des concepts, mais relevant de l'intuition.
Car c'estprécisé-
mentla conceptionde l'espace commeayantun caractèrenon
abstrait, uncaractèreintuitif, qui a déterminé Kantà abandonner
la doctrineleibnizo-wolffienne et à adopterle conceptde l'espace
« mathématique ». Et c'est pourquoion peut constaterque le
troisième argument de l'espace,tel que nous le retrouvons dans
la Dissertation, estdu moinsesquissédansl'écritde 1768.

§ 15.
Dissertation, Gegendeim Räume.
C. - Quae jaceantinspatio Da wir alles, was ausser
dato unam plagam versus, uns ist,durchdie Sinne nur
quae in oppositamvergant, insofern kennenals es in Bezie-
discursivedescribis. ad notas hungauf uns selbststeht,so
intellectualesrevocari nulla ist kein Wunder,dass wirvon
mentisacie possunt. demVerhältnis dieser Durch-
(Suit, pour démontrer que Schnittflächen
zu unserenKör-

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334 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

tes différences spatiale« ne pern den ersten Grund her-


peuventêtre entrevuesque par nehmen, den Begriff der
l'intuition pure, un coui^ Gegendenim Räume zu erzeu-
expo&édu paradoxe des symé- gen... Wenn ich noch so gut
triquesincongruente.) die Ordnung der Abteilungen
Cum geometria spatii rela- des Horizontsweiss,so kann
tionesconterapletur, cujuscon- ich doch die Gegendendanach
ceptiis ipsam oranis intuitus nur bestimmen,indem ich mir
seneualis formam in se conti- bewusst bin, nach weicher
net, nihil potest in perceptis Hand diese Ordnung fort-
sensu externo darum esse et laufe.,.
perspicuum, nisi mediante (Suit un exposé détaillé du
eodem intuitu, in quo contem- mômeparadoxe.)
plando scientia illa versatur. Wir wollen also dartun :
dass- der vollständige Beslim-
mungsgrund einer körperli-
chen Gestalt nichlediglichauf
dorn Verhältnisund der Lage
seinerTeile gegeneinanderbe-
ruhe, sondernnoch uberrlem
nochau feine Beziehunggegen
den allgemeinen absoluten
Raum, so wie ihm sich die
Messkünsilerdenken.
Bien que non encore expriméesous une formeaussi précise et
netteque dans les écritsque Kant publiera plus tard,on retrouve
déjà dans le traité Ueber die Gegenden im Räume l'idée fonda-
mentaleque l'espace e&t une intuitiona priori, ou, pour nous
exprimerpjus exactement,en tenant compte de l'interprétation
réalistedu concept spatial dans ce traité,quelque chose de conçu
intuitivement a priori. Il est vrai qu'on ne retrouvepas encore
ici les expressionselles-mêmesa priori et intuition,de même
-
qu'on ne retrouve pas davantage dans la Dissertation ce qui
est singulier- l'expressiona priori. (La raison en seraitque la
combinaison des deux termes intuition et a priori devait
d'abord paraîtreà Kant tropaudacieuse; de « jugement » a priori
il parle déjà dans une lettreà Mendelssohnde 1766.) Seule man-
que ici presque complètementl'idée fondamentalequi est à la
base de Γ « explicationtranscendantale», et qui, dans la Disser-

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L. ROBINSON« - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 335

ta&ion,et même dans la premièreédition de la Critique de la


Raison pure, n'est pas encoredéveloppée complètement.
Reste à savoir commentil se faitqu<eKant, en partantde pré-
misses analogues, et mêmeen grande partie identiques, arrive,
dans les deux écrits,à des conclusionsdiamétralementopposées,
concluantune fois à la réalitéabsolue, l'autre à l'idéalitéabsolue
de l'espa-ce.Cela s'explique par le faitque la conceptionépisté-
mologique de l'espace « mathématique» permet les deux inter-
prétationsmétaphysiques,la réaliste aussi bien que l'idéaliste.
Dans le premierde ces deux écrits Kant adopte l'interprétation
existante,celle de Newton; dans le second, il rejettecetteinter-
prétation,parce qu'elle soulève toutes sortes de difficultés, et
même lui parait « absurde », et adopte définitivement la solution
idéaliste. Mais, dans la Dissertationaussi, il aYOueque, considérée
dan« son ensemble,lia conceptionn&wtonraienne de l'e&pace, ou,
autrementdit,l'interprétation réalistedela conceptionintuitivisbe,
est toutefois plus acceptable que la conception leibniz»-
wolffienne.D'autre pert,déjà dans le Traité de 1768,il n'adopte
la solution réaliste, représentée par Newton, qu'avec certaines
hésitations,et non sans quelque scrupule, en en indiquant déjà
ses côtés faibles. On retrouve aussi, sous ce rapport, dans
cet écritdes indicationsqui fontprévoirun développementulté-
rieur; de sorte que l'on peut constater,même à cetégard, même
daresles coiDctoisions1métaphysiques,des points de contact entre
lescteux traités.

Dissertation,§ 15. Gegendeim Räume (fin).


D. - Qui spatii realitatem Ein nachsinnendier Leser
defendunt,vel illud,ut absolu- wird dabei den Begriff des
turnetimmensumrerum recep- Raumes, so wie ihn der
taculum sibi concipiunt,quae Messkünstlerdenkt und auch
sententia^post Anglos, geome- scharfsinnigePhilosophen ihn
tramm plurimis arridet, vel in den Lehrbegriffder Na-
contenduntesse ipsam rerum turWissenschaft aufgenommen
existentium relationem, uti, haben,nichtfüreinblossesGe-
post Leibnitium, nostratum dankendingansehen, obgleich
plurimistatuunt.Quod attinet es nicht an Schwierigkeiten
primum illud inane rationis fehlt,die diesen Begriffumge-
commentum, cumveras relatio- ben, wenn man seine Realität,

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336 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

nes infinitas,absque ullis erga welche dem innerenSinn an-


se relatis entibus, fingat,per- schauendgenug ist,durchVer-
tinet ad mundum fabulosum. nunftideenfassen will '. Aber
Verum qui in sententiampos- diese Beschwerlichkeit zeigt
terioremabeunt,longedeteriori sich allerwärts,wennman über
errore labuntur. Quippe cum die ersten Data unserer Er-
illi nonrfisiconceptibusquibus- kenntnis noch philosophieren
dam rationalibuss.adnoumena will, aber sie ist niemals so
pertinentibus offendiculum po- entscheidend als diejenige,
nant, ceteroquin intellectui welche sich hervortut,wenn
maxime absconditis, e. g. die Folgen eines angenom-
quaestionibus de mundo spiri- menen Begriffs (c'est-à-dire,
tuali, de omnipraesentiaetc., comme il déclare un peu plus
hiipsisphaenomenisetomnium haut, du concept des « nou-
phaenomenorumfîdissimoin- veaux philosophes,notamment
terpreti,geometriae, adversa des allemands,d'après lesquels
fronterepugnant. l'espace n'est constituéque par
le rapportexterne des parties
juxtaposées de la matière »)
der augenscheinlichsten Er-
fahrungwiderspreche.
Ainsi, tandis que le premierde ces écrits, qui est le dernierde
la seconde période, termineavec la remarcfuesceptique qu'il
fautmalgrétouts'en teniraune conceptionquoi qu'elle ne suffise
pas entièrement, étant donné que des difficultéssont inhérentes
à toutes les premièresdonnées de notreconnaissance, la Disser-
tationpropose une solutiondu mêmeproblèmequi ne rencontre
plus de difficultés,et ouvre la voie nouvelle, la voie critique.
1. Sans aucun doute, les difficultésauxquelles Kant fait ici allusion se rap-
portentaux mêmes problèmes du monde des esprits, etc., dont il est question
dans la Dissertation Dans la Critique de la Raison pure, p. 65, il désigne ces
difficultéscomme étant de celles que les leibniziensne rencontrentpas sur leur
voie, wenn sie von Gegenständen nicht als Erscheinungen, sondern blos im
Verhältnisauf den Verstandurteilen wollen. Déjà Leibniz, dans sa polémique
contre Clarke, quand il s'élève contre l'espace réel absolu, « idole de quelques
Anglais modernes », a fait allusion à certaines difficultésanalogues d'ordre
métaphysique.
Par contre, l'opinion d'après laquelle il s'agirait ici des antinomies est à
rejeter pour cela seul que les antinomies,loin d'êtreparticulièresà la conception
de Newton, sont le propre de toute conception réaliste du temps et de l'espace
et, par conséquent, aussi de la conception leibnizo-wolfienne,telle que Kant
l'avait comprise alors (c'est-à-direcomme reflétantun point de vue réaliste) et
telle qu'il l'adopta lui-mômependant longtemps.

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L· ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 337

21. On peut considérer Fessai de 1768 comme l'exemple-type


d'une période transitoiredans un développementphilosophique.
Si cet essai avait été perdu,on ne pourraitretrouverde chaînon
mieux articulé et plus convaincant pour relier les conceptions
antérieuresde l'espace avec celle que nous retrouvons dans la
Dissertationinaugurale. Après cet essai, Kant n'aura plus qu'à
transformer l'espace et le temps,qui, chezNewton,représentaient
le sensoriumdei, en sensoriumhominis^ou, en d'autres termes,à
traduirele langage réalistede l'écritde 1768 en langue idéaliste,
pour aboutir à la nouvelledoctrine.
On pourraitobjecter que c'est précisémentdans cette trans-
formationque se trouve l'abîme qui sépare les deux époques.
Jusqu'à quarante-cinq ans, objectera-t-on,Kant est resté réaliste
ou, pour diremieux,dualiste, et puis tout à coup, sans transition
aucune, il se convertità l'idéalisme.
Mais cet abîme n'est pas tel qu'un espritcréateur ne puisse
et ne doive le combler, en particulier,si c'est un esprit aussi
libre que celui de Kant, lequel « ne tient à rien et, avec une
profondeindifférence pour ses propresopinionset celles d'autrui,
renversesouventtoutesses constructionset les considèrede tous
côtés en cherchantcelle qui lui permettraitd'espérer atteindre
la vérité » (Lettre à Herderde 1767). En outre, on peut relever
des circonstancesqui devaient considérablementfaciliter cette
conversionidéaliste.
D'abord, la doctrinede la phénoménalité,que nous retrouvons
dans la Dissertation,a été en quelque sorte déjà pressentiepar la
doctrineleibnizo-wolffienne. Kant,dans la Monadologia Physica,
définitlui-mêmel'espace comme monadorum(ou substantiarum)
relationisphaenomenon.liest vraique ce que Kantdésigneici par
phaenomenonn'est pas encore ce qu'on retrouveraplus tard dans
la Dissertation;c'est une perception sensible et par conséquent
confusede ce qui existeen réalité,et non quelque chose qui puisse
être conçu distinctement,quoique n'appartenantpas au.domaine
de ce qui existe réellement. Pourtant on retrouve déjà une
sorte de pressentimentdu concept de la phénoménalité, tel
qu'il sera développé dans la Dissertation,dans le concept, trans-
mis à Kant par la philosophieleibnizienne,en partiemêmepar la
philosophiewolffîenne1. Kant lui-mêmel'a reconnu plus tard, et
1. Sur l'idée wolffîenne
de phénoménalité,
cf. Cosmologia,§ 225 : phaeno-

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338 REVUE .DE »MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

a considéréla doctrinede Leibniz butl'espace et le tempscomme


une doctrineidéaliste, concordantau ftmdavec la sienne. (C'est
ce qu'il dit dans la fameusedéclarationqui se trouvedans les Meta-
physische Anfangsgründeder Naturwissenschaften,Prop. IV,
note II, et déjà dans la Réflexion 1386, qui daterait d'avant la
publication de la Gritiqu« de la Raison pure, et <aùl'harmonie
préétabliede Leibniz est interprétéecomme n'étant « peut-être
que l'idée d'un mondeintelligiblesans espace et sans temps ».) Il
est vrai que, du pointde vue de l'histoire du développementde
la pensée de Kant,la doctrinede l'espace et du temps,telle qu'elle
se trouve dans la Dissertation, ne peut être considérée comme
étantsimplementle produitde l'unionet de la réconciliationentre
les doctrinesrivales de Leibniz et de Newton; mais, après coup,
on est autorisé à la corasidérercomme réalisant une pareille
synthèse*.
Et ce *qui est encore plue important: la tâche de combler
l'abîme entrela conception réaliste et la conceptionidéaliste de
l'espace (et du temps),étaitd'autantmoinsdifficile pour Kant,que,
même après ce revirement,il ne se sentaitpas encore convertià
l'idéalisme.Ainsiqu'il le faisaità l'époque du dualismedogmatique,
il continueà combattrela doctrineidéaliste,et s'inspiredans sa
lutte de motifs analogues. Il faut,disait Kant dans la Nova
Dilucidatio, en argumentant contra idealistas, qu'il y ait en
dehors de l'âme d'autres objets, vu que les changements inté-
rieurs de l'âme ne peuvent être considérée comme provenant
de sa nature seule, dénuée des rapports avec ces objets.
Et de même, dans la Dissertation (§ 11) : quoique nos per-
menondicitur,quicquidobviumconfusepercipitur. - § 226 : Extensioet con-
tinuitasphaenomenaxunt... quo sensuadmittipossitimmodebeat, extensionem
et continuitatemphaenomenaesse, ut ideo in suspicionemIdealismi non
incurvas,cumIdealistaealio sensuappellentid,quod tantum existereapparet,
nihilverorealitatisextra mentem habet...eosdetnnimirumsensuextensioet
continuitasphaenomenon est,quo colorphaenomenondici solet. Dans cette
dernière phrase, Wolff,bien,malgré lui, semble tout de même tendre la main
idéalistes.
aux ^étrrtablefi
1. Kant désigne une fois, dans les Metaphysische Anfangsgrunde,comme
précurseur de sa doctrine de l'idéalité, le « grand Leibniz » : Ein grosser
Mann,der vielleichtmehrah sonstjemand dus Ansehender Mathematik in
Deutschlandzu erhaltenbeitragt, avec raisondass der Raum
a faitremarquer
nur zu derErscheinung aüssererDingegehöre: Alleiner istnichtverstanden
Kant comme son pré-
worden ; une Autre fois, il est vrai, c'est Newton qu«e<cite
curseur(dans YOpusposthumum, Altpreussische 1884,p. 352)ι
Monatschrift,
imRaumundZeitistzuerstdurch
Das Prinzip derIdealitätderGegenstände
das Newtonische eingeführt.
Attraktionssystem

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 339

copiions n'exprimentpas réellementleursobjets, elles témoigneat


pourtant,à rencontrede oe que dit l'idéalisme, en tant qu'effets,
de l'existencede ces objets: quemquamautemphaenomena
pro-
pria sint rerumspecies, non ideae (le sens de la phrase est intel-
ligible : tes phénomènessont en quelque sorte des simulacres,
des symboles,non des copies des chosps ; si on s'en lient à l'ély-
mologie,il est vrai, specieset idea sont des termeséquivalents),
nequeinternamet absolutamobjectorumqualitatemexprimunt*,
nihilotarnen
minus illorumcognitioestveríssima.Primoenim,
quatenussensualesconceptus s. apprehensiones
seu causatates-
tanturdepraesentiaobjecti,quodcontraidealismum.
D y a plus; même plus tard,lorsque Kant avait pénétrébeau-
coup plus loin dans la voie de l'idéalisme,alors qu'il n'avait pas
seulement reconnu l'idéalité de l'espace et du temps,mais aussi
la validité purementideelle des catégories, et que, par consé-
quent, ilse refusaità admettreque la Chose en soi fûtconnais-
èable, il ne voulait pas avouer qu'il étaitidéaliste, ou même que
sa doctrineétaitapparentéeà l'idéalisme. So wenig, wie der,dit-il
par exemple dans les Prolégomènes,§ 13,note II, so die Farben
nichtals Eigenschaften, die den Objektan sichselbst, sondern
nur demSinn des Sehens,als Modifikationen anhängen,will
geltenlassen,darumein Idealist heissenkann : so wenigkann
meinLehrbegriff idealistischheissen,blosdeshalb,weil ichfinde,
dassnochmehr,ja alle Eigenschaften, die die Anschauung eines
Körpersausmachen, bloszu seiner Erscheinung gehören; dendie
Existenzdes Dinges,was erscheint* wirddadurchnichtwie beim
wirklichemIdealismusaufgehoben,sondernnur gezeigt,dass
wires,wiees sichan sichselbstsei,durchSinnegarnichterkennen
können2.
22. Ce qui probablementa amené Kant à l'argumentclassique
de la Critiquede la Raison pure, dans lequel il conclut directe-
ment de l'aprioritéà l'idéalité du temps et de l'espace, c'est le
résultatde ses réflexionssur la connaissance a priori par exoel-
1. Il n'estdoncpas questionici d'objetsdans l'espace (tel que ce sera le cas
dansla réfutationde l'idéalismede la deuxièmeéditionde la Critiquede la Rai-
son pure),mais de chosesen soi, c'est-à-dire
de ces mêmesobjetspar la pré-
sencedesquelsle statussubjectirevraesentativus certomodoafUciatur (S 3).
2. Cf. la Réflexion1194,dans laquelle'Rantse donnecommeun réaliste:
Der Idealist behauptet, die Körper seien nur Schein; der Realist, sie sind
eineErscheinung, der doch eine besondereArt Substanzenwirklichkorres-
pondiert.Der Schein ist,hinterdemnichtswahres.

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340 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

leace, sur la connaissanceintellectuelle. Peu à peu il a reconnu


qu'il n'est pas possible de maintenir l'objectivitéde ce que l'enten-
dementconçoit a priori sans avoir recoursà des hypothèses
métaphysiques d'uncaractèrefoncièrement arbitraire.C'estdans
ce sensqu'on peut direque l'argument « classique» (qui ne se
trouvepas encoredansla Dissertation) faitpartiede ceux des
de
passages l'Esthétique transcendantale qui anticipentsur les
résultatsde l'Analytique .
Dans la Dissertation, Kantformule d'une manièrenetteet pré-
cise la questionde la validitéde la connaissance intellectuelle.
La
connaissance intellectuelle, à rencontre dela connaisance sensible,
estobjective,dans un senstranscendant; elle n'estpas, comme
celle-ci,passive,maisactive:sensualitasestreceptivitas subjectif
perquampossibileest,utstatusipsiusreprésentât ivus objectiali-
cujus presentiacertomodiaffîciatur. IntelUgentia (rationalitas)
estfacultassubjectiperquam,quaeinsensusipsiusperqualitatem
suamincurrere non possunty sibi representare valeat.L'objetde
la connaissance sensibleestle phénoménal;l'objetde la connais-
sanceintellectuelle, le nouménal(§ 3). Le premiergenrede con-
naissanceest subjectif ;cetteconnaissancepeutêtre,par rapport
au mêmeobjet, différente chezdiversindividus; le secondgenre
est objectif,se rapporteà la Choseen soi : quaecumqueautem
cognitioa tali cognitione subjectivaexceptaesty nonnisiobjectum
respiciat, patet : sensitive cogitata esse rerum representationes uti
apparent, intellectualia autem sicutisunt(§4). Gomme onle sait,la
dernière de ces propositions, quiestd'uneimportancefondamentale
pour la Dissertation, est rejetée expressément dansla Critiquede
la Raisonpure,p. 148et 237,où Kant insiste,au contraire, sur
le faitque cette oppositionne peut avoir qu'une signification
empirique et nontranscendantale (dansle sensde transcendante).
En tantque l'intellectse tourne vers les objetsnouménaux,qui
lui sontspécifiques, son usage, d'aprèsla Dissertation, est réel.
De cet ususrealis intellectus,il faut distinguer Vusus logicus,
l'activitéqui n'a qu'un caractèreformel,logique,lequel usus
n'estpas seulementpropreà la métaphysique, maisà toutesles
sciencestraitantdu mondesensible, comme les mathématiques,
la physiqueet la psychologie empirique(§ 5 et 12). Dans la Cri-
tiquede la Raisonpure,p. 264,Kant,d'accordavec sonnouveau
pointde vue,conçoitcettedistinction dansun tout autre sens,

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 341

et attribueà Yusus realis intellectusune significationtranscen-


dantale,aucunementtranscendante.
Pour ce qui cone erne la question de l'origine de la connais-
sance intellectuelle,de son rapportmétaphysiqueavec son objet,
la doctrine que nous retrouvonsdans la Dissertationest encore
assez peu claire et incertaine.D'une part,nous y rencontronsune
propositionqui a été, plus tard, de la plus grande importance
pour la doctrineépistémologiquede Kant, la propositiondéniant
à l'homme toute intuition intellectuelle (Intellectualium#non
sed nonnisicognitiosymbolicaet intel-
datur(homini)intuitus,
lectionobistantumlicetper conceptusuniversalesin abstracto,
nonper singularemin concreto;§ 10). Mais, d'autrepart,Tintel-
lection,dans son usage réel,en tant que conception immédiate
des Choses en soi, est décrite comme une donnée immédiatedes
choses ou des rapportsde choses dans la représentationintellec-
tuelle: usumintellectussive superiorisanimae facultatisesse
duplicem: quorumpriori danturconceptusipsi vel rerumvel
respectuum,qui estusus realis.De mêmedansle commentaire de
la Dissertationde Kant, dont Fauteur est Marcus Hertz,le pro-
cédé est décritcomme une sorte d'intuitionintellectuelle,comme
un acte dans lequel l'espritse saisit immédiatementde l'objet lijj-
même{Betrachtungen aus der spekulativenWeltweisheit ' 1771,
p. 27 et suiv.): Das Sinnliche,in unsererErkenntnis istdasjenige
vermittelst dessenunserZustandsichbeiderGegenwart äusserer
Gegenstände leidend verhält;das ist
Intellektuelle das Vermögen,
sichsolcheDingevorzustellen, denenihrerBeschaffenheit wegen
durchdie SinnekeinEingangverstatt et wird.Die sinnlicheEr-
kenntnis hat dahernichtdie äussereGegenstände unmittelbar zu
ihremVorwurfe, sondernvielmehr denveränderten Zustand, wel-
cherdurchihreEindrückezuwegegebracht wordenist.Hingegen
istbeiden Vernunfterkenntnissen keinMittelzwischen denäusse-
renGegenständen und derErkenntnis vonihnen,dahersindjene
das unmittelbare Objektvondiesem... da die reine Vernunfter-
kenntnis sichunmittelbar aufäussereGegenstände bezieht,sokann
sie nuralsdann einerVeränderung unterworfen sein,wenndie
äusserenObjekteselbsteineverschiedene Gestaltannehmen, oder
voneiner anderenSeite betrachtet werden; solangediese aber
dieselbebleiben,muss auch die Erkenntnisdavon in allen
Subjekteneinerleisein.
Rev. Meta. - T. XXXI(no 2, 192*). 23

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342 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Kam aoit avoirvivementressenticombienla positionqu'il avait


prise à l'égard de la question de l'origine de la connaissance
intellectuelle,de la connaissance avant tout métaphysique,était
insuffisante, lorsque, après avoir achevé la Dissertation,qui, dès
le début,ne représentaità ses yeux qu'une première esquisse
d'une science propédeutique d'une métaphysique projetée
(autrement dit de la Critique de la Raison pure), il se mit
à l'œuvrepour parachevercettepropédeutique.Kant, lui-même,
dans sa lettre à Bernoulli, datée du 16 novembre 1781, et
qui est libre de toutespritde constructionpréconçue,vu qu'il y
expose ses rapportspersonnelsavec Lambert,décédé quatre ans
auparavant, reconnaîtque, dans la questiondes «origines», se
trouve le vrai problèmequi l'a mené à élaborerla Critiquede la
Raison pure,en tant que celle-ci va au delà de la Dissertation:Im
JahreÍ770, konnteichdie Sinnlichkeit Erkenntnis
unserer durch
bestimmete Grenzzeichenganz wohl vom unter-
Intellektuellen
scheiden,wovonich die Hauptζ(ige {die doch mit manchem,
was ichjetztnichtmehranerkennen würde,vermengt waren)in
dergedachtenDissertationan denbelobtenMannüberschickte,in
Hoffnung, mitdem übrigen nichtlangeimRückständezu bleiben.
Aber nunmehrmachte mir der Ursprungdes Intellektuellenvon
unsererErkenntnisneue und unvorgesehene Schwierigkeiten,
und meinAufschubwurdeje länger,destonotwendiger, bis ich
alle meineHoffnung,die ich auf einenso wichtigenBeistand
durch
gesetzthatte, den unerwartetenToddiesesausserordent-
lichenGeniesschwinden sah.
C'est cette question des « origines» qui est au centremêmedes
réflexionsde la grande lettreadressée à Marcus Hertz,datée du
21 février1772. Ich hatte michtin der Dissertation,y lit-on,
damitbegnügt,die Natur der Intellektualvor Stellungenblos
negativauszudrücken : dass sie nämlichnichtModifikationen
derSeeledurchdenGegenstand wären.Wieaberdennsonsteine
Vorstellung, die sich auf einenGegenstandbezieht,ohne von
ihm auf einige Weiseaffiziertzu sein, möglich,übergingich
mitStillschweigen. (C'estainsique sontréfutéeslesallusionsplu-
tôtpositivesqui se trouvent dansle commentaire précitéde Hertz
surla Dissertation.)/^hattegesagt: die sinnlicheVorstellungen
stellendie Dingevor, wie sie erscheinen, die intellektuale,wie
sie sind. Wodurchaber werdenuns diese Dingegegeben,wenn

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 343

sie es nichtdurchdie Art werden,womitsie uns affixieren ;


und wenn solche intellektualeauf unser innerenTätigkeit
beruhen,woher kommtdie Übereinstimmung, die sie mit
Gegenständen habensollen,die dochdadurch nicht etwahervor-
gebrachtwerden, unddieAxiomataderreinenVernunft überdiese
Gegenstände, icoher stimmen sie mit diesen überein, ohne dass
dieseÜbereinstimmung von derErfahrunghat dürfenHilfeent-
lehnen?In der Mathematik geht diesesan, iceil die Objektevor
unsnurdadurchGrossensindund als Grossenkönnenvorgestellt
werden,dass wir ihre Vorstellung erzeugenkönnen,indemwir
einesetlichemal nehmen. DaherdieBegriffe derGrossen selbstätig
sein und ihre Grundsätze a priori können ausgemacht werden.
Alleinim Verhältnisse derQualitäten,wie mein Verstand gänz-
licha priorisichselbstBegriffe vonDingenbildensoll,mitdenen
notwendig die Sacheneinstimmen sollen,wieerrealeGrundsätze
über ihreMöglichkeit entwerfen soll,mitdenendie Erfahrung
getreueinstimmen mussund die doch vonihr unabhängigsind,
diese Frage hinter lässt immereine Dunkelheitin Ansehung
unseresVerstandesvermögens, icoherihmdieseEinstimmung mit
denDingenselbstkomme.
Voilàdoncla questionqui a préoccupél'espritde Kant, dans
les annéesqui suivirent Tannée1770,et dontla solutionTa mené
directement à l'élaborationde l'Analytiquetranscendantale et,
à la
par conséquent, Critique de la Raison pure : la questionde
savoir comment l'entendement peut avoir une connaissance des
chosësensoi a priori, non,et comme nous l'avons remarqué déjà
plushaut,laquestionmiseen avant, dans l'introduction à la Critique
de la Raisonpure : comment des jugements synthétiques a priori
sont-ilspossibles? Il est vrai que ces deux problèmes, on s'en
si
tientà leurcontenu, coïncident en finde compte.Maissi on com-
pare la questiondes origines à celle de la possibilité, on consta-
teraque la première de ces questionsa un caractèrebien plus
déterminé, plus facile à saisir,partantplus apte à êtrerésolu.
Tandisque l'exclamation que poussaitKantdans les Quantités
négatives, formulant pour la premièrefois le problèmequi
des
devintplustardcelui jugementssynthétiques a priori,semble
presquedésespérée{wie Etwas aus etwasanderem,aber nicht
nachderRegelderIdentität fliesse, das ist etwas,welchesichmir
gerne möchte deutlich machen lassen), on sent,dans la lettre

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344 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

adressée à Hertz, qu'en posant la question des origines, la solu-


tion,devantenvisagerles objets comme des produitsde l'activité
de l'entendementlui-même, se trouve déjà en quelque sorte au
bout de sa plume.
Le problèmedes origines, tel qu'il est formulédans la lettre
adressée à Hertz,doit êtreconsidérécomme le résultatacquis par
Kant par une voie purementimmanente,dont le point de départ
est l'oppositionqu'il établit,dans la Dissertation,entrela connais-
sance sensible et la connaissance intellectuelle.La question, par
contre,de la possibilitédejugementssynthétiques a priori remonte
à Hume,n'étantque le problèmecapital proposépar celui-ci et pris
dans sa plus large extension.Mais ni dans la lettreadresséeà Hertz,
ni dans les notes de l'époque voisine de 1775,et qui constituentles
premièresébauchesde l'Analytiquetranscendantale,Kant ne tient
comptede Hume et de son problèmecommetel,ne s'occupe pas de
la question du Wie-darum.Au contraire,les philosophesdont il
fait maintenantétat sont des penseurs qu'on peut considérer
comme placés aux antipodes du sceptique écossais, et ce qui
préoccupe son espritce sont les solutionsmétaphysiquesdu pro-
blème des origines de la connaissance intellectuelleébauchées
par ses devanciers : d'une part,les théoriesde l'intuitionintellec-
tuelle, qu'il propose de désigner comme les systèmesde Yinflu-
xus hyperphysici, telle la théorie platoniciennede l'intuition
antécédenteen Dieu des idées, ou celle de Malebranchequi pos-
tule une intuitionpermanentedu principede toutes choses, ou
encore les théories s'inspirant de points de vue analogues de
« différents moralistes» (probablementdes Platoniciensanglais
tels que Cudworth,Clarke et d'autres) qui ont traitaux premières
lois morales; d'autre part, le système de l'harmoniepréétablie
intellectuelledont il nomme comme représentantCrusius. Kant
repousse énergiquementces différentes tentativesmétaphysiques
visantà trouverune solutiondu problème,étantdonné que der
Deus ex Machina in der Bestimmungdes Ursprungsund der
GültigkeitunsererErkenntnisseist das Ungereimteste,was man
nur wählen kannt und hat ausser dem betrüglichenZirkel in
der SchlussreiheunsererErkenntnissenochdas Nachteilige,dass
er jeder Grille oder andächtigem oder grüblerischemHirn"
gespinnstVorschubgibt.
Commenous l'avons dit maintesfois, la question de la possibi-

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 345

lité des jugementssynthétiques a priori n'estpas le pointde


départ des considérations qui ont amené Kantde la Dissertation
inaugurale à la Critique de la Raison pure,et ce n'estque plus
à la de
tardqu'il Ta mise tête son grandouvrage.Seulement après
avoirtrouvéla solutiondu protyème des originesintellectuelles,
il s'aperçutqu'ilavaittrouvéen mêmetempsla solutiondu pro-
blèmede Hume,qui, autrefois, avaitfaittantd'impression surlui,
du problèmede Hume« danssa pluslargeapplication». Et c'est
aussi ce que Kantfaitexpressément remarquerdans l'Introduc-
tion,qui, sansaucun doute,est,dans l'ordrechronologique, une
des dernières parties de la Critique de la Raison pure. Mais,nous
le savons déjà, c'est dans les Prolégomènes,et aussi dans la
secondeéditionde la Critiquede la Raisonpure,que Kantinsiste
surtoutsurl'importancede la question: sur les jugementssyn-
thétiquesa prioriet surles rapportsqu'il y a entrela Critiquede
la Raison pure et le problèmede Hume. Cela s'expliquepeut-
êtreparla réception froide etindifférente que rencontra sonœuvre
principale les premières annéesaprèssa parution.Commeon le
remarque, en lisantles Prolégomènes, Kantenvisageaitnonsans
quelque amertume la manière dont le publicavaitaccueillison
grand et difficileouvrage. Et on peut prétendre qu'il ne voulait
qu'éveillerl'intérêt du publicphilosophique contemporain, quise
montrait si indolent, en lui faisantvoirque cet ouvragecontenait
la solutiondes doutessceptiquesdu célèbrephilosopheécossais,
dontaucunadversairenaturellement n'avaitencorepu jusque-là
venirà bout. C'est ce que faitvaloiraussi Joh. Schultz,l'ami
fidèleet, d'aprèsKant,le meilleurinterprète de la philosophie cri-
tique.{Erläuterungen über des HerrnProf Kant,Krit.der R.
V , 1784,p. 202 : undso verdient seineKritiksehonaus diesem
Gesieht spunkteden grdssten Dank und die sorgfältigste Unter-
suehungjedes Philosophen,da sie unmittelbar darauf ausgeht,
den noch gar nichtwiderlegtenhUmsehe η Skeptizismusaus
demGrundezu zernichten.)
23.Onnepeutdireavec certitude si,déjàen1772,Kantavaittrouvé
la solutiondu problèmedes originesde la connaissanceintellec-
tuelle,c'est-à-dire du problème fondamental dela Déductiontrans-
cendantaledes conceptspursde l'entendement. Mais,ce qui est
certain, c'estqu'au plustarden 1773.cettesolutionétaitdéjà trou-
vée.Carce n'estqu'à cettedécouverte qu'il pouvaitfaireallusion,

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346 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

lorsque,à la findeTannée1773,ildéclarait, dansunelettreadressée


à Hertz,que,danssonintention de « renouveler complètement une
sciencedonts'occupaitla moitiédu mondephilosophique » (se. la
métaphysique), il étaitarrivéà se voiren possessiond'uneconcep-
tionqui résoutcomplètement l'énigmesubsistante etdonnedes
règles sûres et facilement applicables surl'action de la raisonisolée.
On pouvaitcroirejusqu'à ces dernierstempsqu'il pouvaitbien
s'agirici de la découverte de l'idée fondamentale de la Déduction
« métaphysique »,dela loi d'aprèslaquelletouslesconceptspursde
l'entendement peuventêtreréunisen une seule tablede catégo-
ries. Mais aujourd'hui,grâce aux recherchesde Haering[Der
Duisburgsch<> Naehlass,p. 140et 152),noussavonsque,mêmeen
1775, Kant n'avait pas encoreatteintla découverte dontil s'agi-
raitici. Mêmeà cetteépoque,il n'avaitpas pousséplusloindans
cet ordred'idéesqu'au tempsoù il écrivitla grandelettreà Hertz,
danslaquelleil parle de ses tentatives: Alle Begriffe der'ganz-
lieh reinenVernunftin eine geicisseZahl von Kategorienzu
bringen, abernichtwieAristoteles, dersie, so wieersie fand,in
seinen10 Prädikamenten aufs blosseUngefährnebeneinander
setztesondern,so totesie sichselbstdurcheinigewenigeGrund-
gesetzedes Verstandes vonselbstin Klasseneinteilen.
Déjà, dansla grandelettreà Hertz, Kant vientà formuler la
solutionde l'an 1773du problèmesurl'originede la connaissance
intellectuelle.Mais, à ce moment,elle lui paraissaittellement
paradoxalequ'il nela mentionne que commeévidemment inaccep-
table.Celaressortclairement du passagede la ditelettreoù il parle
deTaccorddesreprésentations intellectuelles
avecleursobjets,«qui
évidemment nesontpas produites parcelles-là». De même,quand
il dit : dass unserVerstanddurchseineVorstellungen wederdie
Ursachedes Gegenstandes ist (ausserin derMoralvondenguten
Zwecken), nochder Gegenstand die UrsachederVerstandesvorstel-
lungen [in sensureali) ; ou bien: die reine Verstandesbegriffe
müssen...in derNaturdenSeelezwar ihre Quellenhaben,aber
dochwederinsoferne die vomObjektgewirktwerden,nochdas
Objekt selbst hervorbringen. La grandedécouverte de 1773con-
siste précisément dans le faitd'avoirvu qu'il en étaitpourtant
ainsiet pas autrement, et d'avoirtrouvédans quel sensil peut
en êtreainsi.Sans aucundoute,la découverte de 1769,la solution
idéalistedu problèmede l'espace et du temps,lui a facilitéla

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L. ROBINSON, r- L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 347

découvertede 1773,la solution idéaliste du problèmedes origines


de la connaissanceintellectuelle; on peut même dire que c'est la
premièrede ces découvertes qui a rendu possible la seconde.
Commejadis, l'idée de l'espace et du temps absolus des mathé-
maticiensest devenue acceptable pour Kant, pourvuqu'on ne vît
en eux que de pures formesde notre sensibilité,pourvu qu'on
admît leur idéalité, il accepte maintenantla solutiondu problème
des rapportsde l'objet et de la représentationintellectuelle,men-
tionnéeencoredans la lettreà Herz comme impossible, pourvu
que l'on reconnaisse que cet objet n'est qu'un phénomènedans
le temps et l'espace, et qu'on ne cherche dans les concepts de
l'entendementpur que des fonctionsunifiantesideelles qui seules
rendentpossibles l'expérience sensible, qu'on reconnaisse pour
ainsi dire l'idéalité des catégories.
Ainsi, il est permisd'établir des rapportsétroitsentreles deux
conceptions; d'une part, celle de l'Esthétique trancendanlale,et,
de l'autre,celle de l'Analytiquetranscendantale.La premièrede
ces conceptions prépare la seconde, la seconde achève la pre-
mière. C'est une seule et même conquête - la conquête coperni-
cienne en philosophie- que Kant a faite de 1769à 1773,années
décisivespour son évolution. Et c'est sur cette unité que Kant
insistedans le passage célèbre de l'Introductionà la seconde édi-
tion de la Critique de la Raison pure, sur sa conquête coperni-
nicienne,un des rarespassages de ses écritsdestinés à la publi-
cation,où il nous permettede jeter un regard sur l'histoirede soa
développementphilosophique.
Le problèmede Hume étantun cas particulierdu problèmedes
origines de la connaissance intellectuelle,la solution du second
embrasse nécessairementcelle du premier. Nous retrouvonsla
premièreallusion qui nous soit parvenuede cette solutiondéfini-
tive du problèmecausal dans laquelle, il est vrai,il n'estpas pré-
sentéencorecommele problèmede Hume, dans les Lose Blätter,
appartenantà l'an 1775(Haering,o/>. c.,p. 120; Lose Blätter,1,40):
Erfahrungen sind also nur dadurch möglieh,dass vorausgesetzt
wird, alle Erscheinungengehören unter Verstandestitel d. i. in
aller blossenAnschauungist Grosse,in aller Erscheinung« Sub-
stanz und Accidenz » ; in dem Wechselderselben« Ursache und
Wirkung» ; in dem Ganzen derselben « Wechselwirkung». Also
geltendieseSätze von allen Gegenständender Erfahrung.

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348 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

En acceptantla solutionidéalistedu problèmedes originesdela


connaissanceintellectuelle,Kantreniel'usage transcendant de l'en-
tendement, Yusus realis tel
intellectus, que nous le dans la
trouvons
Dissertation,etle remplaceparun usage transcendantal.C'estaussi
ce qu'il dit dans les Lose Blätter au sujet des « Verhältnisprädi-
kate», qui, plus tard,deviendrontles catégoriesde relations: Bes-
timmtePrädikate, welchereal sind,gehennur auf Verhältnisse-,
deren sind drei nach den drei Verhältnissenim Urteilen. Die
Verhältnisprädikatesind transcendental, das VerhältnisderPrä-
dikate ist logisch. Peut-êtrepeut-onvoir,commeHaering {op. c,
p. 128)le faitremarquer,dans le faitque l'usage transcendantalde
l'entendementse rapprochebien plus de Yusus intellectuslogicus
que de Yusus realis de la Dissertation,le facteurqui a amené Kant
à systématisertous les concepts purs de l'entendement,d'après
la classificationdes fonctionslogiques du jugement. On peut en
voir un commencementdu moins dans les Lose Blätter de 1775,
dans lesquelles le parallélismedes conceptsde l'entendementetdes
fonctionslogiques du jugement ne se rapporte qu'aux attributs
- plus tard catégories - de relation.Ainsi l'idée fondamentale
de la Déduction transcendantalen'aurait pas ses origines dans
celle de la Déductionmétaphysique,ainsi que Kant l'indique dans
l'introduction aux Prolégomènes(cf. aussi Prolégomènes,§39, où
il laisse cette question des rapportsdans une certaine obscurité),
mais ce serait le contrairequi seraitvrai. Peut-êtreest-ce précisé-
mentle fait d'avoir achevé la nouvelle table de catégories que
Kant a en vue, lorsque, dans sa lettre adressée à Hertz, du 24
novembre 1776,il dit qu'il n'a surmontéles derniersobstacles
dans son œuvrecritiqueque « l'été précédent».
24. Il paraît bien que, déjà en 1776, la Critique de la Raison
pure projetée devait contenir toutes les partiesdéfinitives,dis-
posées dans le mêmeordreque l'ouvrage achevé. D'après ce que
nous relevons dans la lettre datée du 24 novembre,devaient
faire partie de la Critique de la Raison pure : « une Critique,
une Discipline, un Canon et une Arcliitectoniquede la Raison
pure ». Il manque donc seulementl'Histoire de la Raison pure,
partie brèveet insignifiante. La manièreironique dont Kant, dans
une lettred'avril1778,s'exprimesur la doctrinede la libertételle
qu'elle avait été développée par Tetens, dans un ouvrage paru
alors toutrécemment,nous indique que lui-mêmeà ce moment

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 349

possédait déjà la solution définitivede cettequestion et par con-


séquentde celle de la troisièmeantinomie.C'est aussi pourquoi,
lorsque Kant, dans cette même lettre,parle de la Critiquede la
Raison pure comme d'un opuscule, c'est-à-dire d'un écrit qui
« ne devaitcontenirque peu de feuillesd'imprimerie», il ne faut
pas en conclure qu'à ce moment il n'en avait pas encore conçu
certainesparties importantes (telles, par exemple,la Dialectique
transcendantalequi remplitpresque la moitié de toutl'ouvrage),
mais qu'à ce momentla Critique de la Raison pure, bien que
déjà esquissée dans toutes ses parties,lui apparaissait sous une
formebeaucoup plus condensée que celle sous laquelle elle fut
réalisée en 1780. D'ailleurs, l'Esthétique transcendantale, sur-
tout sous la forme plus brève sous laquelle nous la retrouvons
dans la premièreédition,indique bien que l'intentionoriginaire
de Kant n'étaitpas d'écrireune œuvre prolixe.
La Dialectique transcendantale,avec la doctrinedes antinomies,
qui en formele centre,appartient,il est vrai,aux partiesde la Cri-
tique que Kant a achevées en dernierlieu. Commenous l'avons
vu, dans la Dissertation,Kant entrevoitune solutionpositive des
antinomies, c'est-à-dire une solution dans laquelle les deux
adversairesauraientl'un et l'autreraison,sans, toutefois,donner
à cettesolution et à l'idée même des antinomiesleur plein ren-
dement.Toutefois,un fragmentfort intéressantqu'on retrouve
dans les Lose Blätter (I, 105) nous montreclairementque Kant,
dans les débuts,avait, en effet,envisagé une solutionpositivepour
toutesles antinomies,et non uniquementpour les deux dernières.
Il considèredans ce fragmenttoutesles antithèsescomme étant
vraiespour les phénomènes,et toutesles thèsespour les « choses
en général », c'est-à-direles Choses en soi. Les premières,dit-il,
sind als Grundsätzedes empirischenGebrauchsgewiss, aber der
Vernunftzuwider; les secondes sind subjektiv notwendigals
Prinzipien des Vernunftgebrauchs im Ganzen der Erkenntnis...
Sie sind praktisch notwendig.L'antithèse de la premièreanti-
nomie,en mettantenlumièrela progressioninfinie,ne se rappor-
terait donc pas au monde en soi, mais seulement au monde
des phénomènes. Keine absolute Totalität der Zusammen-
setzung, mithin der Progressus unendlich... inter phaenomena
nondumuniversitärabsoluta. La thèse,parcontre,établitle carac-
tère achevé du monde en soi, du monde nouménalet de ses ori-

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350 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

gines : Unbedingtes All des abhängigenGanzen. Weltursprung...


In mundonoumenodatur universitas. De même l'antithèsede la
seconde antinomiene se rapporte qu'au phénomène : Keine
absolute Totalitätder Dekomposition,mithinkein unbedingtein-
faches; tandisque la thèse dit, par rapportau monde des Mona-
des : Unbedingteinfaches Monas. La solution des deux pre-
mièresantinomiesest ainsi en principe la même que celle des
deux dernières.D'une part,ce qu'on y énonce est vrai pour les
phénomènes : « keine unbedingteSpontaneität», keine unbe-
dingteNotwendigkeit» ; d'autrepart,par rapportaux « choses en
général», il fautdire: « unbedingteSpontaneitätder Handlung »,
« unbedingtnotwendigesDasein ».
On retrouvele mêmepoint de vue exposé dans un autre frag-
ment,qui appartientprobablementà une époque voisine de celle
du précédent {Lose Blätter, I, 107 : Kein Einfaches, y lisons-
nous, keine Grenzeder Grosse,kein erster Grund,kein notwen-
dig Wesen,d. i. wir könnenin den Erscheinungendarauf nicht
kommen.Dagegen ist die transcendentaleSynthesis unbedingt,
abergeschiehtauch durchlauterintellektuelleBegriffe,es ist also
wirklichkeineAntinomie.Die Welt ist eingeschränkt,bestehtaus
einfachen. Es ist Freiheit. Es ist ein notwendig Wesen. Bien
curieuseest l'affirmation que nous avons soulignée dans ce pas-
sage, d'après laquelle n'y aurait pas là d'antinomievéritable.
et il
En réalité,ne peutêtreconsidéréecommeune antinomievéritable
que celle dans laquelle, ainsi qu'il en est chez Baylaet Collier,
les deux adversaires auraient Tun et l'autre tort,mais non une
antinomiedans laquelle les deux adversaires,en se plaçant à un
pointde vue différent, auraient tous les deux raison.
On peutsupposerque ce qui a finalementdécidé Kant à adopter
la solution de Bayle-Collier,la solutionnégative des antinomies
mathématiques,étaitle désir de trouverdans la doctrinedes anti-
nomies une nouvelle preuve, une preuve indirecte,de l'idéalité
de l'espace et du temps.Toutefois,cette solution négative est
restéedans son systèmeen quelque sorteun corps étranger.Et
cela n'est pas seulementvrai, en tant que Kant lui-même,pen-
dant les années qui suivirentla publication de la Critique de la
Raison pure, s'est sentiquelque peu attiréversune métaphysique
monadologique,mais encore par rapportà l'idée qu'Use formedu
monde empirique.D'après l'Esthétique transcendantale,l'espace

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L. ROBINSON. - L'ÉVOLUTION PHILOSOPHIQUE DE KANT. 351

et le tempssontinfinis.D'autre part,il n'yauraitpas d'espace vide,


pas plus de vacuum mundanumque de vacuum extramundanum
{MathematischeAnfangsgründeder Naturwissenschaften, vers la
fin;; mutatismutandis,cela seraitvrai aussi pourle « tempsvide» .
(Cf. Critique de la Raison pure, 167 et 175; Opus posthumumy
tome XÍX, 79 et passim). Par conséquent,le monde empirique,
c'est-à-direl'espace et le tempsremplis,devront être considérés
comme infiniset éternels,ou du moins comme n'étantpas finis,
et n'ayantpas de commencement.Kant nous dit la même Chose,
au sujet de l'antinomiede la divisibilité,dontl'antithèseest consi-
dérée par lui comme étant vraie, au sens empirique. Die Mate-
rie, dit-il (Mathematische Anfangsgründe der Naturwissen-
schaften,II, Prop. IV), ist ins Unendliche teilbar,und zwar in
Teile, deren jeder wiederum Materie ist. (Il ne s'agirait donc
pas de monades immatérielles.)Et de même que dans le frag-
ment des Lose Blätter,que nous avons cité plus haut, Kant, dans
Técritdirigé contreEberhard (I, 13), insiste sur ce que le simple
appartientau domaine supra-sensible,tandis que les objets sen-
sibles sont toujours composés et divisibles à l'infini.En d'autres
termes,si on s'en tientau pointde vue qui est proprementceluide
Kant,il faudraitque dans les antinomiesmathématiques,comme
dans les autres,les deux adversaireseussent raison : l'un par rap^
portau monde empirique, l'autre par rapportau mondeen soi.
Quelle que fût l'intentionde Kant, les preuves des thèses et
des antithèsesdes deux antinomiesmathématiques,telles que les
expose la Critique de la Raison pure,ne se rapportentpas à un
seul et mêmeobjet; mais, comme c'est le cas- et cettefoisinten-
tionnellement- pour les antinomies dynamiques,les preuves
des thèses sont vraies pour un monde en soi, les preuves des
antithèsespour un monde qui ne serait qu'empirique. La pre-
mière partie de la preuve de la première thèse, ne peut être
acceptée que si nous concevons le monde dont il y est question
comme une totalité,renferméeen elle-même,de choses en soi1,
comme un datum et non un dabile, et par conséquentson carac-
tèreinfinicomme une infinitasdata, et non commeune infinitas

i. C'est ce que Cohen{Kanfs Theorieder Erfahrung,2« edit.,p 533)a fait


remarquer avec raison,à rencontre de Schopenhauer et de Trendelenburg,
cri-
tiquantles preuvesdes antinomies sans toutefois
kantiennes, avoirvu que son
observation ne s'appliquequ'aux preuvesdes thèses.

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352 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

dabilis. Car si, au lieu d'un mondeen soi, nous nous représentons
ici un monde qui ne serait qu'empirique, qui ne serait qu'une
suite ininterrompuede moments,représentablepar une ligne
droite,la preuve de la thèse se réduiraità montrerque, partant
d'un pointΟ qui indiqueraitle présent sur la ligne AB, nous ne
pourronsprolongerà l'infinicetteligne que dans la directionOB,
et non dans la direction OA. Or, la preuve de la seconde partie
de notrethèse est basée sur la preuve de la premièrepartie et doit
être considérée,commecette dernière,se rapportantprécisément
aux choses non empiriques. La preuvede l'antithèse,par contre,
s'appuie sur l'impossibilitédu temps vide, et de l'espace vide; ce
qui, commenous l'avons vu, est conformeà l'opinionkantienne
sur la constitutiondu monde empirique. Et, dans la note qu'il
ajoute à l'antithèse,Kantlui-mêmeditexpressémentque, quand il
se place au point de vue de l'antithèse,il ne reconnaîtpas d'autre
mondeque celui-là: dennwas den Auswegbetrifft, durchden
manderKonsequenz aufzuweichen nachwelcher
sucht, wirsagen:
dass,wenndie Welt(derZeitunddem Raumnach)Grenzenhat,
das unendliche Leeredas Dasein wirklicherDinge ihrerGrosse
nachbestimmen müsse,so bestehter in geheimnurdarin: dass
man statt>einer Sinnenweltsich,werweisswelche,intelligibile
Vfe'i gedenkt...Es ist hierabernur von dem mundusphaeno-
menondie Rede und von dessenGrosse,bei dem man vonge-
dachtenBedingungender Sinnlichkeit abstrahieren
keineswegs
kann, ohne das Wesen desselbenaufzuheben.Nous retrouvonsla
même argumentation,formuléeencore plus nettementdans les
preuvesde la thèse et de l'antithèsede la seconde antinomie.La
preuve de la thèse a un caractère toutà faitmétaphysique,notam-
ment monadologique.UnserSchluss von Zusammengesetzten
Kant,giltnurvonfürsichselbst
auf das Einfache,dit,en effet,
bestehendenDingen. De même,il nous dit qu'il pourraitappeler
la thèsedela seconde antinomie,«l'atomistique transcendantale».
Weilaber,ajoutel-il,diesesWortschonvorlängstzur Bezeich-
nung einer besonderen ErklärungsartkörperlicherErschei-
nungengebrauchtworden, und also empirische voraus-
Begriffe
setzt,so mag er der dialektische
Grundsatzder Monadologie
heissen. Les preuves de l'antithèse,par contre, s'appuient sur
les mathématiques(« chicanées » par les monadistes,dit Kant)
: Der zweiteSatz der Antithesis,
et surl'expérience dass in der

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Ε. ROBINSON. - l'évolution philosophique de kant. 353

Weltgar nichtsEinfachesexistiere,soll hiernur so viel bedeu-


ten,als : Es könnedas Dasein des schlechthin Einfachenaus
keinerErfahrung oder Wahrnehmung, weder äusserennoch
inneren,dargetanwerden,und das schlechthin Einfache sei
also eine blosseIdee,derenobjektive Realitätniemalsin einer
möglichenErfahrungkann dargetanwerden,mithinin der
Expositionder Erscheinungen, ohnealleAnwendung undGegen-
stand.
La manièrepeu conséquentedont Kant donne suite à sa
décision définitivede résoudrenégativementles antinomies
mathématiques, s'expliquepar le fait que nous avons affaire
à
ici, chez lui, une conceptionqui lui est restée quelque peu
étrangère, danstoutesa rigueur,estplusimpres-
et quipeut-être,
sionnante que soutenable.
Lewis Robinson1.

1. Nous avons suivi 1 évolution philosophique de Kantjusqu'à l'époque de l'ap-


paritionde la Critique de la Raison pure. Cette évolution ne s'est pas arrêtée
toutefoisavec l'élaboration de cette œuvre grandiose. Dans un prochain article
nous tâcherons de démontrerqu'au sein de la période criticisteproprement
dite il y a lieu de distinguertrois phases différentes: l'une, représentée par la
première édition de la première Critique; une deuxième, culminante dans la
Critique de la Raison pratique, et se caractérisant par un retour vers des ten-
dances transcendantes, vers un dogmatisme pratique ; enfin une troisième
phase, commençantpar la troisième Critique et culminante dans la dernière
œuvre du philosophe, restée inachevée, dans YOpus posthumum,qui peut être
considéréecomme la phase du criticismeradical, et qui tend vers un transcen-
dantalismeabsolu.

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