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Presses Universitaires de France

MATIÈRE CARTÉSIENNE ET CRÉATION


Author(s): Émile Bréhier
Source: Revue de Métaphysique et de Morale, T. 44, No. 1 (Janvier 1937), pp. 21-34
Published by: Presses Universitaires de France
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Accessed: 21-10-2015 12:25 UTC

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MATIÈRE ET CRÉATION
CARTÉSIENNE

Descartes a ideatine la substancematérielleavec retendue des


géomètres: telle est, chez lui, la conditiond'une physique intel-
ligible; Spinoza et Malebrancheont accepté la thèse: l'objet du
physicien,c'est bien retendue; mais, en même temps, ils ont
changé ce qu'on pourraitappeler le « statut métaphysique» de
rétendue; elle n'est plus, chez eux, identique aux choses maté-
rielles; elle est devenue, chez Tun, un des attributsde Dieu et,
chez l'autre, le Verbe divin lui-même, en tant qu'il est partici-
pable par les créatures.Je me propose de rechercherici les rai-
sons de cetteapothéose de rétendue cartésiennequi la faitpasser
du rang de créature à celui de réalitéincréée. Pour les saisir, il
nous fautd'abord chercherquelle impressiona faitesur les con-
temporainsla thèse cartésiennede l'étendue matière.

La Discussion entré Descartes et Henri Morus.

A l'époque de Descartes, on acceptaitunanimementla doctrine


du platonisme vulgaire et de raristotélisme,selon laquelle les
choses matériellesétaienten mômetemps des choses sensibles :
Tatomismelui-même,qui renaît à cette époque, ne prétendrien
autre,bien qu'il borneles caractèressensibles aux propriétéstac-
tiles: tangereet tangi. Il y avait bien, dans le Timée,quelques
tentativespour réduire les propriétésphysiques des éléments
à des propriétésgéométriques; mais Platon restait peu explicite
et n'avait d'ailleurs pas été suivi. Descartes a radicalementbrisé
toutesolidaritéentrele sensible et le matériel; il a libéré le corps
matérielde touteréférenceà nos sens, il en a fait un pur objet
de l'intelligence.

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La nouveautéde ce pointde vue,qui délivraitla physiquede


l'esclavagedes sens, commePlatonen avaitautrefoisdélivréla
géométrie, l'arithmétique, l'astronomie etla musique,est parti-
culièrement sensibledans l'exposéque donne Le Monde.Descartes
l'yprésentecommeunefiction:« Puisquenousprenonsla liberté
de peindrecettematièreà notrefantaisie, attribuons-lui, s'il vous
plaît, une nature en il
laquelle n'y ait rien du toutque chacun ne
puisse connaître aussi parfaitement qu'il est possible1»; on lui
refuseradonctouteformesubstantielle et toutequalitésensible
u en la naturede laquelleon puissedirequ'il y ait quelquechose
qui ne soit pas évidemment connude toutle monde» ; mais
alorsn'est-cepas la « matière première des philosophes»? Nulle-
ment, car celle-ci a été « si bien dépouilléede toutesses formes
et qualitésqu'il n'y est riendemeuréde reste,qui puisse être
clairemententendu.Mais concevons- la comme un vraicorps
parfaitement solide,qui remplitégalementtoutesles longueurs,
largeurset profondeurs de ce grandespace au milieuduquel
nousavons arrêténotrepensée». Cettenotiondes chosesmaté-
riellesétaitsi nouvelleque Robervalcommençapar rirede ce
« vainsophisme» avantd'y répondre;et il y répondit par la dis-
tinctionclassique,issue d'Aristote, entrel'espace, objetdu géo-
mètre,et les corpsqui se meuventen lui etle pénètrent, objetdu
physicien2. Descartes,selonlui, confondu deuxobjets;il a
a les
réalisé une abstraction;mais il faudraattendreLeibniz pour
précisercettecritique.Les doutesqu'a éveillésla théoriecar-
tésiennedes choses matériellespartirentd'abord surtoutdu
cercle des thrologiens, mais celte foisnonpas des théologiens
catholiquesqui ont été les critiqueshabituelsde sa métaphy-
sique, mais du philosopheanglais,Eenri Morus.le platonicien
de Cambridge, dontles idéesdouchent,parun côté,à la Cabale
juive et à la mystique néoplatonicienne et,parun autre,à la phy-
sique newtonienne avec laquelle elles ont une affinité naturelle:
si bienque la tourmente qui, au détutdu xvmesiècle,filoublier
Descartespour Newton,a été toutau moinspréparéepar des
raisonsqui sonttoutà faitextérieures à la sciencepure.
En introduisant dans la physiquela réalitéde l'espaceinfini,
Descartessemblait,en elïet,fairerenaîtrede trèsvieillesthèses
1. Œuvres complètes»édition. Adam-Tannery,t. XI, p. 23.
2. A.-T..-IX, p. 688.

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platoniciennes, qui avaientétéreprisesà la Renaissance,notam-


mentpar Bruno : l'espace, pour des néoplatoniciens comme
Proclusou Damascius,estnonpas l'abstraction qu'en faitAris-
tote,maisuneréalité,richede toutesles déterminations positives
qui apparaissent en lui1; il e6t, si l'on veut, à l'égard choses
des
sensibles, comme l'âme du monde du Timée,qui n'estrienqu'un
espace où se dessinent les cercles célestes. Ve même,Giordano
Brunodécrit« cet infiniet cetimmense comme« un animal,
»
bienqu'il n'aitpas de figuredéterminée qui se réfère aux choses
extérieures, parcequ'il a en lui l'âme toutentière,il comprend
en lui toutela réalitéanimée,il estcetteréalitémême»; il estle
principeexplicatifde tous les mouvements; « étantun sujet
animé,i! a en lui une vertumotrice infinieet un sujetinfinià la
mobilité2 ».
Dans ces doctrines,l'étenduecontientdonc le principedes
choses matérielleset de tous leurs changements. Leibnizn'a
pas manquéd'indiquerquelrapport étroitil y avait entrela thèse
cartésienne de l'étendue,principeou susbtancedes chosesmaté-
rielles,et la théorie,exécrableà ses yeux,de lame du monde.
Certes,Descariesn'a pas eu du toutl'intention de donnerà
l'étendue, dont il fait la matière, toutes ces propriétés métaphy-
siques; la matièrec'est,pour lui, « l'étenduedes géomètres»,
nonla matriceuniverselle des choses;mais,en l'assimilant stric-
tementà Tétenduedes géomètres, n'en faisait-il pas une abstrac-
tionet ne s'exposait-il pas alors aux critiquesde Roberval?Au
contraire, s'il la réalisaitcommeune chose (et il en faitbien la
matriceuniverselle de toutechose),touten continuant à la con-
sidérercommeun objet de l'intelligence, n'était-ilpas amené
versunethèsede mêmeordreque cellede GiordansBruno?De là,
la critiqued'HenriMorus,qui est l'inverseet la contrepartie de
cellede Roberval;Robervalne pouvaitpas croireque l'étendue
cartésiennene fûtpas une abstraction;Morusne peut croire
qu'ellene soitpas uneréalitéplacée î.u niveaude l'Incréé(telle
que rimmensité divine)et nonpas une créature.
L'espace, réalisé commeune chose, a-t-il,en effet, encoreles
caractèresd'une créature?Infini, immuable, il sembleposséder
tousles traitsde la divinité ; etles divisionsque l'onpeutarbitrai-
1. Duhem, Le Système du Monde, t. I, Paris, 1913, p. 338-350.
2. Dell Infinito,Universo e Mondo, édit. Gentile, I, 331.

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rementimagineren lui n'altèrentpas sa continuité.Descartes a


bien vu la difficulté,commele montresa célèbre distinctionentre
infiniet indéfini;il ne veut pas que son étendue-matièresoit la
même chose que les « espaces imaginaires des philosophes »,
c'est-à-direque ce milieuinfiniau sein duquel Dieu aurait créé le
monde. « Les philosophes nous disent que ces espaces imagi-
naires sont infinis; et ils doivent bien en être crus, puisque ce
sont eux-mêmesqui les ont faits; » quant à l'étendue matière,
elle n'est pas, à proprementparler,infinie: « Nous pouvonsbien,
toutefois,supposer qu'elle remplit des espaces beaucoup plus
grands que tous ceux que nous aurons imaginés. Et même, afin
qu'il n'y ait rien en tout ceci où vous puissiez trouverà redire,
ne permettonspas à notreimaginationde s'étendresi loin qu'elle
pourrait; mais retenons-latout à dessein dans un espace déter-
miné, qui ne soit pas plus grand, par exemple,que la distance
qui est depuis la terrejusqu'aux étoiles du firmament;et sup-
posons que la matièreque Dieu aura créée s'étend bien loin au
delà, de tous côtés, jusques à une distance indéfinie1.» Henri
Morusrefusela distinctionproposéepar Descartes,car il fautchoi-
sir entrefiniou infini; et il montreque sa physiqueforce Des-
caries à choisir le second terme,puisque, selon lui, la matière
d'un tourbillonne peut être maintenuevers son centre que par
une pression extérieure; dès que la matière extérieure cesse
d'exister,la pressionn'a plus lieu et la matièredu tourbillonse
dissipe2.
Et si Descartes répliqueque c'est Dieu seul qu'il entend abso-
lumentêtreinfini,« c'est là pour Henri Morus uns occasion de
triompher»; car l'étendueinfinien'est précisémentrien pour lui
que cetattributde Dieu que les théologiensappellentl'immensité
divine. Aussi, la discussion entreles deux hommesse concentre
sur ce point : l'étendue n'existe-t-ellequ'à titred'attributd'un
corps? C'est ce qu'affirmeDescartes et ce que nie Morus. La ques-
tion est d'importancepour le théologien; Morus écrira plus tard
qu'une des sources de l'athéismede Descartes est d'avoir affirmé
qu'un espace qui ne fût pas corporel était chose contradictoire;
n'était-cepas nier que Dieu était présentpartout?Dès lors, par

l.A.-T., IX, p. 31.


2. A.-T., V, p. 242 (11 décembre 1648).

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uneincidenceinattendue, cettediscussionfaitrenaîtreentreles
correspondants un vieuxdébat entrela théologiearistotélicotho-
misteetla théologied'origineplatonicienne. Pour les aristotéli-
ciens, un être immatériel,Dieu ou ange, est en mêmetempsun
êtreinétendu;pourles néoplatoniciens, toutêtre,immatériel ou
non,est,à sa manière, étendu: la conceptioncartésienne deTètre
immatériel suitla voiearistotélicienne; il n'estpas dansl'essence
de la «pensée»de s'étendre daRsl'espace; suivantMorus,comme
plus tardselon Clarke1,l'étendueest au contraire un caractère
généralde l'être.Descartesplace d'ailleursle débatsur un ter-
rainoù il pourras'autoriser, sans pourtantle direexplicitement,
des traditions aristotéliciennesde la théologiecatholique: lais-
santde côtéla questionposée parMorussurl'immensité divine,
il demandesi un êlreimmatériel, tel que l'ange,s'étendou non
dansl'espace.Dans la réponsenégativequ'il donne,il est aisé de
voirqu'il suit pas à pas l'argumentation thomistesur la ques-
tion2.
Le dissentiment entreeux vientdeleurdivergencedans la con-
ception de l'étendue : chez Morus,l'étenduestatiqued'unêtre
estconsidéréecommele résultatde son expansion,de l'actepar
lequelil s'est étendu; Dieu, étantinfini,possède une étendue
infinie qui est infinitaexpansiodivinanessentiae*;chaqueêtre
a ainsiunesorted'étenduedynamique et personnelle : les anges
et les espritshumainspossèdentune « étendueréelle,bienqu'elle
ne soit pas l'étenduevulgaire;elle a une figure,mais qui est
variableà la volontéde l'ange et de l'esprit;nos ames et les
anges,avecunesubstancequi restela même,peuventse contrac-
teret s'étendre à nouveaujusqu'à certaines limites* ». Tandisque
1'«étenduevulgaire», quiestcellede Descartes,estimpénétrable,
cetteétenduespirituelleest penetrable.Ces idées de Morus
touchentà une théosophie qui étaitfortrépanduedans l'Angle-
terred'alors;ellessontfamilières à la mystique deJacobBœhme5,
et à RobertFludd(1574-1637) qui, danssa Philosophie mosaïque,
s'inspire de la cabale juive; de la vient l'inspiration poèteMil-
du
1. Annotata ad Rohault.
2. 15 avril 1649, A -T., V, p. 343, 18% et 5 février1649, V, p. 269 sq com-
paré à Saint Thomas, Somme thèologiqne, Ia Paris, qu. 52.
3. Lettre du 18 décembre 1648.
4. 5 mars 1649; A.-T., V, p. 301.
5. Koyré, La Philosophie de Jacob Bœhme,p. 117, 118.

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26 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MOKALE-

ton'. Et, enfin, le grandNewtonparticipekce mouvemeat,quand


il faitdel'espacele sensoi^ium Dei; selonl'explication que donne
Clarkeà Leibniz,cettethèseveutdireen effet que Dieu perçoit
touteschosesparsa présenceimmédiate, commel'âme,présente
dans le cerveau,perçoitles imagesqui s'y forment2. Locke fait
connaître, d'ailleurs,uneexplicationbizarreque Newtondonnait
du modede créationde la matièrepar Dieu,imaginant qu'elle se
créedanscettepartiede l'immensité divined'où Dieu se retireet
parle seul faitde son retrait3.
On voit commentDescartes,identifiant la matièreà l'étendue
infinie, devait nécessairement laisser à ces milieuxmystiques
anglaisl'impression qu'il plaçait la matièreau niveaude la réa-
litéincréée,ce qui équivalaità l'athéisme.Sans doute,il se soucie
fortpeu de ces reveries: il n'enest pas moinsvraique, pourlui,
la difficultéest assez sérieuse,commele montrele contlit,d'ail-
leursnonexprimé, qu'il ya entrele principede ses réponsesaux
critiques Moruset sa proprethéorie.Le principede ses
de
réponses,c'estla thèsearistotélicienne que l'espace n'existepas
à pait du corps,et ne peutêtreen lui-même qu'uneabstraction
du corps, c'est-à-direla thèse même de Robervalreprise
parLeibniz; de là vientle mot« imaginaire » attribué aux espaces
infinis que l'onsupposeendehorsdu mondecorporel;l'infinité de
l'espace, n'étant alors qu'une pure abstraction, ne peut forcer à
le mettreau niveaude l'infiniconcret.Mais le principede ses
réponsesest la négationde sa proprethèse;pourlui,l'espaceest
une réalitésubstantielle et absolue, lout intelligible, indépen-
dantedu sensible,infinie, et nonpas uneabstraction;on ne voit
pas alorsparquel moyenon peutle refuserà Dieu; car,ditHenri
Morus,« si l'éternité de Dieu dureà traversl'infinité des temps,
ne
pourquoi pas lui accorder aussi une étendue qui remplit
l'infinitédes espaces4 ». Descartesopposera, il est vrai, à
Morus, deux propriétésde l'étenduequi metknten elles de
l'imperfection : la première, c'e&tla divisibilité, et la seconde,
c'estl'impénétrabilité que, contrairement à Morus, il croitinhé-
renteà l'espaceetnonpas dépendante dela solidité.Maisd'abord,
1. Denis Saurat, Milton et le matèrielisme chrétien,Paris, Bieder, 1928.
2. Leibniz, Philosophische Schriften, éd. Geihardt, VII, 353.
3. Lücke, Essay, IV, 10, 48, note; l'image du retraitdeDitu est empruntée à
la Cabale et à Fiudd ; cf. Saurat, Milton, etc., p. 83.
4. Lettredu 3 mars 1649.

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E. B RÉ HIER. - MATIÈRE CARTÉSIENNEET CRÉATION. 27

la divisibilitéappartient-ellevraimentà une étendue infinieet


continue? Les divisions que nous pouvons imagineren elle ne
doivent-elles pas à notre imaginationmême le semblant d'exis-
tence qu'elles paraissentavoir? Pour 1'impénélrabilité, Descartes
la conçoiten purgéomètre,commei'impossibilitépour les parties
de rétendue de se télescoper : « une partie de l'étendue ne peut
en pénétrerune autre égale à elle-même,sans qu'on entendepar
là qu'une moitiéde l'étendueprimitive est suppriméeou annihilée;
or, ce qui est annihiléne pénètrepas autre chose » : c'est rina;pé-
nétrabilitéau sens géométriquedu terme.Descartes,en revanche,
suivantles idées communes de la scolaslique, admet lui-môme
que l'étendueest pénétréeen un sens par les choses immatérielles
qui peuventy êtreprésentes,sinon par leur essence au moinspar
leurs puissances; il suffiraitdonc de montrer(et c'est cela même
qu'a pensé établir Spinoza) que la puissance et l'essence sont une
seule et mêmechose pour que la pensée de Descartes coïncidât
avec celle d'Henri Morus : l'étendue appartientà l'incréénon à la
créature.
Ce paradoxe était pourtant,en même temps,la conditionde Ja
véritablephysique,intelligiblecommeles mathématiques;la phy-
sique aristotélicienneavail pour objet des entités obscures, des
qualités telles que le chaud ou le froid,qui n'exprimentpointla
réalité physique véritable,mais qui sont, en notre âme, des
marques de son union avec le corps. Commentdonc concilierle
caractèreintelligiblede la nouvelle physique avec la créationdu
monde matériel?

II. - L'Apothéose de l'étendue cartésienne : Malebranche.

Malebranche est entièrementd'accord avec Descartes pour


croire que la bonne physique est fondée sur la considérationde
l'étendue; et il accepte la thèsecartésiennede l'étenduesubstance
matérielle1. Il insiste encore beaucoup plus que Descaries sur
l'infinitéde l'étendue; on ne trouverien, chez lui, de ces précau-
tions qu'employait Descartes, distinguantl'indéfinide l'infini;
c'est parce qu'il est infinique l'espace est inexhaustibleà l'esprit;

1. Entretiens métaphysiques, III, § 6 et 11.

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car c'est par une limitationdans l'infinique se fait la perception


des corps finis1.
Il semble que Malebrancheva au-devantde toutes les difficul-
tés qui assaillaient Descartes et ne fait que les accroître. C'est
qu'il peut les conjurer au moyend'une distinctioninconnue à
Descartes. Descartes avait identifiéla substance ou essence des
choses matériellesaux choses matérielleselles-mêmes: il n'avait
pas séparé l'étendue, objet de l'intelligence,de l'étendue maté-
rielle. Or, l'on doit se rappeler que la notion de création,
telle qu'elle se présentecourammentau xvne siècle, est au point
de rencontrede deux thèmesdistincts: l'un, le thèmebiblique,
insistantsur la puissance infiniede Dieu, qui a créé le ciel et
la terre;l'autre, le thème platonicien,selon lequel Dieu a créé
les choses sur le modèle des essences immuables qui se trou-
vent en son entendement. Nous n'avons pas ici à rappeler
comment les théologiens avaient transforméce thème pour
éviter qu'il donnâtla moindreforcesoit à la thèse d'une réalité
idéale antérieureet supérieureà Dieu, soit à la croyance en une
pluralité d'essences distinctes en Dieu. Il suffitqu'on en ait
gardé l'affirmationessentielle, celle que les choses créées sont,
en même temps que produits, images et vestiges de l'essence
divine. En un mot, la notion de créationsupposait la distinction
entrel'essence d'une chose et la chose elle-même,distinctionque
Descartes abolit, Malebranche ne peut donc suivre Descartes ;
et il rétablit la distinction.L'étendue matérielle qui, elle, est
divisible,placée dans le lieu et finie,n'est pas l'étendue objet de
l'intelligenceou étendue intelligible : celle-ci est en Dieu, et
c'est en Dieu que nous la voyons; c'est selon elle que Dieu a
créé le monde, elle est le modèle des créatures matérielles, et
elle est Dieu même en tant que participable par ses créatures.
Car, bien que Malebranche soit d'accord avec Morus pour
placer l'étendue au niveau de Dieu, il en a une conception
beaucoup moinsréaliste que lui; pour Morus,elle est l'immen-
sité divine et en même temps le lieu réel en lequel sont logés
les corps; elle est l'espace absolu de Newton, qui permet de
définirla positionabsolue d'un corps et son mouvementabsolu ;
Dieu crée donc les corps dans l'étendue, tandis que pour Male-

1. Entretiens,
I, $ 8.

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E. BRÉHIER. - MATIÈRE CARTÉSIENNE ET CRÉATION. 29

branche,physiciencartésien, le mouvementest relatif;c'est que


Dieu crée les corps d'après retendue, non dans l'étendue; cette
étendue, n'étant point chez lui une sorte de matièrespirituelle,
préalable à la matièrecorporelle,ne peut définirdans un corps la
positionet le mouvement,qui sont ainsi relatifsà d'autres corps
pris arbitrairement comme centresde référence; cette condition
d'êtrel'archétypeet non le lieu des corps interditde la réaliserà
la manièred'une chose; elle est l'archétypedes corps en ce sens
purement spirituel que la géométrie donne la clef de la
physique1.
S'il s'éloigne de Morusen s'approchantdu platonisme, l'adop-
tion de la physique cartésienne a pourtantaussi pour effetde
l'éloigner du platonisme vulgaire : ce platonisme admet deux
actions inséparables l'une de l'autre, celle de dialectique et celle
de participation. La dialectique est le mouvementqui mène du
sensible à l'intelligible; dans la participation,on imagine l'idée
commeun centred'émanationou de rayonnementdontla matière
reçoit l'influence et le reflet.Or, chez Malebranche, il n'y a
aucune dialectique, puisque l'espritse trouve immédiatementau
niveau de l'idée et de l'intelligible;et la participationreste une
notion sans usage, puisqu'un des deux termes qu'elle suppose
nous resteprofondément inconnu,à savoir le participant,qui est
ce corps que nous regardons sans le voir, ce monde où nous
sommes,mais que nous ne connaissons pas2.
Faire, comme Descartes, de la matièremême l'étendue intelli-
gible, c'est nier implicitementla création; admettre, comme
Malebranche,que l'étendue intelligibleincréée est l'objet de la
connaissance scientifiqueet même vulgaire, c'est s'interdirede
poser philosophiquementle problème de la création du monde
matériel; car ce problème se pose à partir de l'existence de la
créature,comme d'une donnée; or, chez Malebranche,la créature
matériellen'est pas une donnée. Si donc il affirmela création,
c'est uniquement, comme Pascal3, à titrede dogme révélé; et
c'est, commeon sait, du dogme de la création que, pour lui, se
1. Sur cetteopposition,cf. Entretiensmétaphysiques, II, § 6 (p. 31).
2. Il vaudraitmieuxdireque Malebranche revientala direction authentique
du platonisme, en gardantl'esprit,dansla connaissancevéritable, à l'intérieur
d'une idée, dont il ne peut épuiserl'infinité;la marchedialectiques'opère
ainsi,commele veutPlaton,à la findu VIelivrede la République,d'idées en
idées,sans retouraux choses sensibles.
3. « Semqui a vu Lamech,qui a vu Adam,a vu aussi Jacob,qui a vu ceux

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30 RÉTETE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

déduit l'existencedes créatures matérielles,tandis que la philo-


sophie traditionnelle démontrait la création en partant des
créatures.
Ainsi,l'entréeen scène d'une physiqueintelligiblea pour effet
de changer l'équilibre des notions relatives à la création; 1«
problème devient philosophiquementinsoluble; nous n'avons
plus devant nous la vieille alternative: créé ou incréé; car au
mode d'existence d'une réalité intelligible,telle que toutes les
propositionsque l'on peut énoncer sur eiîe dériventd'une néces-
sité intellectuelle,ne s'applique pas du tout une alternativequi
était faitepour une réalitématérielle.

III. - L'Apothéose de l'Étendue cartésienne : Spinoza.


Chez Monis, l'immensitédivine,identiqueà l'étendue infinieet
immatérielle,est un attributde Dieu ; mais cet attributn'est pas
l'essence des choses matérielles. Chez Malebranche, l'étendue
infinieou intelligibleest bien l'essence des choses matérielles,
mais elle est en Dieu, sans être à proprementparler un attribut
de Dieu; elle est plutôtune face de son essence, ce qui d'ailleurs
n'est point sans créer quelque difficultédans une théologie où
l'on admet en principeque toutce qui est en Dieu est Dieu. Chez
Spinoza, l'étendue est à la fois, comme chez Morus, un attribut
de Dieu et, comme chez Descartes, l'essence des choses maté-
rielles : c'est l'union de ces deux traitsqui a fait, pour les con-
temporains,le scandale du spinozisme.Par le premier,il se rat-
tachait à la mômetraditionnéoplatonicienneque Morus, ce qui
le mettaitfortloin de Descartes et aussi de Malebranche; on le
voit condamner,comme Morus,le « préjugé » qui rend l'étendue
solidaire des choses créées. « Je vous dirai,écrit-ilà Oldenburgen
employantle vocabulaire théologique commun,que je considère
comme des créatures beaucoup de propriétésattribuées à Dieu
[c'est-à-diresans doutela volonté et l'entendement]par tous les
auteursde moi connus, tandis que je considère comme des attri-
buts de Dieu d'autres choses considérées par eux, en vertu de
préjugés,comme des choses créées et m'appliqueà montrerqu'ils
ne les entendentpas bien1. » II s'agit ici de l'étendue, que Des-
qui ontvu Moïse : dónele déluge et la création sontvrais»» {Pensées, n° 613, éd.
Brunschvicg.)
1. Lettre VI, trad. Appuhn, p. 135.

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E. BRÉHIER. - MATIÈRE CARTÉSIENNEET CRÉATION. 3*

cartes,aprèstantd'autres,refusait à Dieu en raisond'unedivisi-


bilitéquiétaitimperfection.
Or, la divisibilité de l'étendueest unedes grosseserreursde
Descartes; extensionem non inferre divisibilitatem,inque eo
lapsum esseCartesium, écrit Tchirnhausà Leibnizà proposde
YÉthique*; et Descartesa doncemployéà tortun argument tiré
de cetteprétendue propriété pourséparerde Dieu toutela nature
corporelle2. On sait commentSpinozadéclare,au contraire, que
Tétendue commesubstanceestindivisible;et cetteindivisibilité f
il la lie aux axiomesprimordiaux de la physiquecartésienne, à ta
négationdu vide.Doiventen effetreconnaître l'indivisibilitéde
«
Télendue en premier lieuceuxqui nientqu'unvidesoit donné;
carsi la substance corporelle pouvaitêtrediviséede tellesorteque
ses partiesfussentréellement distinctes,pourquoiune partiene
pourrait-elle pas être annihilée,les autresconservant les mômes
connexions ».
qu'auparavant3? L'axiomecartésienmateriaubique
eademestsertaussi à sa démonstration : la différence que nous
concevonsentreles partiesde la matièrevientde ses affections,
c'est-à-dire de son état de reposet de mouvement. Il y a plus :
Spinoza achève la discussion en déclarant qu'on peutdireque
ne
la substanceétendueest indignede la naturedivine,tametsi
divisibilissup^onatur,dummodo aeternaet infinitaconcedatur .
Cetteincidente, assez énigmatique,estde la plusgrandeimpor-
tance: on peut donc admettrela divisibilité de l'étendueen un
sens, sans cesser de la croireéternelleet infinie?La phrase
est expliquée par cet ensembled'axiomeset de lemmesqui
suit la proposition XIII de la partieIII de YÉthique,et sur
lequel M. Albert Rivaud a appelél'attention avec tantde raison:
Spinozay donne de la pluralitédes individus au seinde l'éten-
due une notiontout intellectuelle et complètement affranchie
de l'imagination : l'individuesten effet définiparla permanence
du rapportselon lequel les corpsqui le composentse commu-
niquent réciproquement leurs mouvements;et « la Nature

i. L6onBrunschvicg, Spinoza etses contemporains, 3eéd., p. 408.


2. Ethique,I, prop.XV,scolie,éd. Appuhn,p. 50, 1.5-9.
3. Ibid., p. 53. Gest l'argumentque MorusemploiecontreDescartespour
l'obligerà reconnaître que le corpsest distinctde l'étendue.Et, en effet,
selon
Spiaoza,la divisionde l'étendueen partiesdistinctes revientbienà considérer
ces partiescommedes corpsabsolus,ce qui donnetoutevaleurà l'argument
de Morus.

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32 REVUE DE MÉTAPHYSIQUEET DE MORALE.

entièreest conçue commeun seul et même individudont les par-


ties,c'est-à-diretousles corps,varientd'une infinitéde manières,
sans aucun changementde l'individutotal1 ». Ainsi, on trouve
chez Spinoza la réponse à l'objection que Descartes faisait à
Morus au sujet de l'étendue de Dieu : « Vous employez,disait
Descartes, l'imaginationet non l'entendementà concevoir Dieu :
vous le concevez par l'imaginationpuisque vous le concevez
étendu » ; à quoi Spinoza répondraitqu'on peut saisir aussi
« l'étenduetelle qu'elle est dans l'entendementet la concevoir en
tantque substance,ce qui est très difficile»; alors on comprend
commentla divisionn'affectepas passivementl'étendue; mais on
voit en mêmetempscommentSpinoza orientela physique carté-
sienne dans le sens de la théorienéoplatonicienneet brunienne
de l'étendue.
Spinoza est en effettrèssévère dans ses lettrespour la théorie
cartésiennede l'étendue; son grief,c'est qu'elle n'explique pas la
naissance des corps : « en partantde l'étendue comme Descartes
la conçoit, à la façon d'une masse au repos, il n'est pas seule-
mentdifficile,mais tout à fait impossible de démontrerl'exis-
tence des corps. En effet,la matièreen repos persévéreraautant
qu'il est en elle, et ne sera mise en mouvementque par une
cause externe plus puissante, et pour cette raison je n'ai pas
hésité à affirmer que les principes des choses naturellesadmis
par Descartes sont inutiles pour ne pas dire absurdes2. » L'éten-
due, en tant qu'attributdivin,conçu par soi, produitune infinité
de modes par sa proprenature; la causalité, disloquée par Des-
cartes en deux causalités transitives,la « chiquenaude » de Dieu
et le choc des corps, devientchez Spinoza causalité immanente;
l'attributproduitnécessairementune infinitéde modes; l'éten-
due, comme attributdivin,est cause du mouvementet du repos,
dont les diverses proportions,en bonne physique cartésienne,
distinguentles corps les uns des autres.
On voit combien est grave la transformation que Spinoza fait
subir à la conceptioncartésienne; l'étendue spinoziste, cette na-
ture individuellequi produit en elle tous les individus,rappelle
invinciblementcette étendueplatonicienneoù se tracenttous les
contoursdes corps, ou plutôtqui les trace en elle; seulement,l'é-
1. Sch. du lemme 7.
2. Lettre 81, à Tschirnhaus.

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E. BRÉHIER. - MATIÈRE CARTESIENNEET CRÉATION. 33

tenduedevientchez lui plus intellectuelle; ce qui se dessine en


elle n'est pas dessin d'une fantaisiearbitraire,c'est, plutôtmême
que des dessins,la loi suivant laquelle ils se tracent,loi qui est
inhérente à la nature même de l'étendue, qui n'est elle-même,
saisie par l'intelligence,qu'un tissu de rapports.
Entrel'étendueintelligiblede Malebrancheet l'étendueattribut
de Spinoza, il y a cette grande différenceque la seconde est la
substancecorporelle elle-même,tandis que la premièreest l'ar-
chétypedes corps : « La principalecause des erreursde cet au-
teur,écritMalebranche en 1713 à Dortous de Mairan, en parlant
de Spinoza, vient,ce me semble, de ce qu'il prend les idées des
créaturespour les créaturesmêmes,les idées des corps pour les
corps et qu'il suppose qu'on les voit en eux-mêmes ». Mais le
correspondantde Malebranchese déclare fortmal satisfait: il n'y
a nulle distinctionréelle, estime-t-il,entre l'étendue qui est ren-
ferméedans le concept de corps et l'étendue dite intelligible; les
noms d'essence représentative,de participable par les corps et
d'archétypedes corps,étantbien entendus,se réduisentà ceux de
la substancedes corps.
S'il en est ainsi, l'affirmationde la création des choses maté-
riellesqui, chez Malebranche,demeuraitau moins possible pour
la raison,perdraitmême toute espèce de sens; elle ne concerne
plus à aucun titrela raison humaine, mais seulement la révéla-
tion.

IV
Conclusion.
La physiquecartésienne,telle qu'elle a été interprétéepar Male-
brancheet Spinoza, a donc pour objet immédiatune réalité dont
il est absurdede dire qu'elle a été créée; ils ont donné raison,en
un sens,à Morusqui déclaraitcherchervainementoù étaitla créa-
ture dans pareille réalité. Le motifde cette interprétation,c'est
que la physiquecartésiennen'a pas affaireaux choses existantes,
mais seulement aux essences^ et aux vérités éternelles : elle a
besoin de cet axiome : l'étendueest l'essence de la matière; mais
elle n'a nullementbesoin que cette matière soit réelle ; lois du
choc et conservationdu mouvementrestentvraies, même s'il n'y
a jamais eu ni mouvementni choc. Il y a plus : cette étendue,
Rev. Méta. - T. XL1X (n» 1, 1937.) 3

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34 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

dans sa continuitéet son infinité,n'offreaucune prise au choix


d'un Dieu créateur, puisque tout état est équivalentà tout autre
état,et Ton sait que, en vertu des seules lois du choc, tous les
états possibles doivent se réaliser. Aussi, Leibniz a-t-ilpu écrire:
« Entreles erreurscapitales des cartésiensest celle d'avoir conçu
l'étendue commequelque chose de primitifet d'absolu qui cons-
titueune substance. Il faut se dépouiller de cette erreur si l'on
veut faire de bonne philosophie »; « bonne », c'est-à-direune
philosophiequi justifieles dogmes chrétiensde la créationet de
la providence.
La physique cartésienne,avec son étendue substance, n'affir-
mait,pas plus qu'elle ne niait,la création; elle interdisaitla posi-
tionmêmedu problème,à une époque où la philosophietradition-
nelle cherchaitencore dans la naturele pointde départ du mou-
vement qui l'élevât vers Dieu. La création ne pouvait dès lors
avoir aucune place dans la philosophie,elle devenait ou redeve-
nait un dogme uniquementfondé sur l'autoritéde la révélation;
elle concerne,plus que l'explicationde la réalitédonnée,les rap-
ports de Dieu et de l'âme pieuse.

Emile Bréhier.

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