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A propos de la source de l' "Addition aux Pensées philosophiques" de Diderot

Author(s): Roland Mortier


Source: Revue d'Histoire littéraire de la France, 67e Année, No. 3 (Jul. - Sep., 1967), pp. 609-612
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40523069
Accessed: 20-12-2015 12:31 UTC

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NOTES ET DOCUMENTS 609

A PROPOS DE LA SOURCE DE L'« ADDITION


AUX PENSÉES PHILOSOPHIQUES* DE DIDEROT

On savait, depuis l'éditionNaigeon (1798, t. I, p. 268), que


YAdditionaux Penséesphilosophiques n'étaitnullement une œuvre
originalede Diderot,mais une sorted'abrégéou de calque « d'un
petitouvragefortrare,intituléObjectionsdiversescontreles écrits
de différents » * Ce genrede travailétaitfréquentau
théologiens
XVIIIo siècle,puisque c'est sous la mêmeformesimplifiée et ra-
massée que circulèrent le Theophrastus redivivus,l'Examende la
Religionet les Difficultés sur la religion,mieuxconnuessous le
titreLe MilitairePhilosophe,donné par Naigeon. On comprend
sans peine à quels mobilestactiquesrépondaitla rédactionde ces
abrégés,souventplus incisifs,plus nerveux,et donc plus lisibles
que les originaux.
L'éditionprincepsde YAddition, dans le Recueil philosophique
publiépar Naigeonen 1770,ne révélaitni l'origineni l'auteurd'un
textecoiffépour la circonstance du titreassez vague de Pensées
sur la Religion(t. II, p. 113-124).Après la Révolution,dans un
climatpolitiqueplus favorable,Naigeonallait dissiperl'équivoque
dans l'Encyclopédie méthodique(Ph. anc. et mod.,t. II, p. 160-165).
Les penséesde 1770 y reprenaient leur titrevéritabled'Objections
diverses...pour servirde suiteaux Penséesphilosophiques, et l'in-
tervention de Dideroty étaitdivulguéedu mêmecoup.
Désespérantde mettrela mainsurle modèledontDiderots'était
servi,les commentateurs en étaientvenus à le considérercomme
alorsque le prologuede l'Additiondans l'éditionNaigeon2 ne
fictif,
laissaitaucun doute sur sa réalité.Il fallutpourtantattendrel'in-
tervention de M. FrancoVenturipourfairetoute(ou presquetoute)
la lumièresur cetteénigmelittéraire. L'éminentdiderotiste italien
découvrità la Bibliothèquepublique de Leningradun manuscrit
de 107 pages, petitin-8°,d'une écrituretrès soignée,qui n'était
autreque les Objectionsdiverses...vainementrecherchées jusqu'a-
lors.Il en tirala matièred'un important articleparu en 1938 dans
la Revue d'Histoirelittérairede la France(t. XLV, p. 23-42et 289-
308) : grâce à une minutieuseconfrontation des deux textes,le
problèmeétait définitivement élucidé et la genèse de l'Addition
s'éclairaitdans les moindresdétails.Il n'ya plus lieu de revenirsur
cettehistoireinterne.M. Venturia d'ailleurspu conjecturer avec
beaucoup de vraisemblance que le manuscrit de Leningrad,pro-
venantde l'Ermitage,était l'exemplairemêmeutilisépar Diderot
dans son remaniement, expédiéensuiteen Russie avec le restede
sa bibliothèque.
Sur les Objectionsdiverses...elles-mêmes, toutn'étaitcependant
pas dit. Leur diffusion au XVIIIe siècle a été, en réalité,plus im-
portanteque Diderot et Naigeon,puis Franco Venturi,ne l'ont
1. Cf. Œuvres philosophiques, éd. Paul Vernière, Paris, Garnier, 1956, p. 54-56, où
L'état de la question est clairement résumé.
2. Justementremis en mémoirepar M. Viktor Johanssondans ses Etudes sur U. Diderot
(Göteborg, 1927, p. 73).

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610 REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FIIANCE

supposé. Mais il fallutle hasard d'une recherche * pour les re-


trouverderrièrel'intitulédéroutantd'un petit volume in-12° de
60 pages conservéà la BibliothèqueNationale(Z.24404): Pensées/
Secrettes/ Et / Observations/ Critiques/attribuées/ à feu M. de
Saint-Hyacinte,(avec l'épigraphe:) II y a plus de préjugésutiles
à la plupart/deshommesqu'il n'est de vérités/qu'il leur soit
toujours avanta/geux de connoître./Anon./1735/ à Londres/
MDCCLXIX.
L'examencomparédes Penséessecrettes 2 et des Objectionsdiver-
ses fait apparaître,à défautd'une complèteidentité,une analogie
remarquableà côté d'intéressantes divergencesqui se multiplient
dans les penséesfinales.Dans la plupartdes cas, les variationssont
légèreset portentsur des formesisoléesou sur l'ordredes mots.Il
seraitoiseux de les reproduirein extensoet nous nous contente-
ronsd'en citerquelques exemples:
Objections Pensées secrettes
1. - les doutesen matièresde dog- 1. -
les doutes en matièrede Re-
mes théologiques ligion
5. - que la foi puisse être un don 5. - que la Foi soit un don de
de Dieu Dieu
- un don du ciel (en ital.) - un don de Dieu
- n'en peut être un - ne peut être un don de l'Etre
suprême
9. - Un millionde preuvesde fait 9. - Un millierde preuvesde fait
14. - Le mériteet le déméritene 14. - Le mériteet le déméritene
peuvent s'appliquer qu'aux peuvent s'appliquer qu'aux
mouvementsdu coeur, né li- penchans du coeur. Né libre,
bre. Je puis résisterpar l'effort je puis résisterpar l'effetde
de ma vertu... ma volonté...

Le dernierparallèleest particulièrement intéressant


: d'une part,
parce que le texteoffert par les Penséesimprimées est logiquement
meilleur ; d'autrepart,parcequ'il estvraisemblable que le textedes
Objectionsrésulted'une erreurde lecture.On pourraiten déduire
que le livreimprimé n'estpas une simplevariantedu manuscrit, mais
qu'il remonteà un archétypequi leur seraitcommun.
Une secondedifférence entreles deux textesapparaîtdans leur
présentation. Les Objectionsse succèdentsans autreclassement que
celui de la numérotation ; les Penséessontgroupéesen petitscha-
pitres: Du Doute (1 - 4), De la Foi (5 - 8), Des Preuvesde Fait (9),
Des Dogmesdes Théologienscatholiques(10-13),Du Mériteet du
Démérite(14-15)et ainsi de suite.
Sans douteest-celà aussila raisond'unetroisième différence: la
disposition variabledes mêmespensées,qui faitsongerà un travail
de marqueterie. Quelques exemplesde cettebigarrure:
1. Celle de mon ancien étudiantM. R. Cornez,- auteurd'un mémoirede licence
- , que je remerciepour sa communication.
sur Thémiseulde Saint-Hyacinths
2. Qu'il ne faut pas confondre avec les Pensées secrettes sur la religion et sur la vie
traduitesde l'anglais de WilliamBeveridge,Amsterdam,
chrétienne, Wetsteins et Smith,
1731, 2 vol. in-12 (rééd. 1756, 2 vol. in-8). - Le seul historien
modernequi mentionne
l'opuscule de 1735-1769 est M. Ira Wade (The clandestine organization and diffusion of
philosophic ideas in France fiom 1700 to 1750, Princeton, 1938, p. 51). Il le rapproche
des Doutes sur la Religion, mais non de YAddition aux Pensées philosophiques.

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NOTES ET DOCUMENTS 611

Objections Pensées
25 22
28 23
26 24
27 25
22 26
23 27
47 47
48 48
64 49
42 50
51 51

Le nombre des numéros n'est d'ailleurs pas le même : aux 93


Objections correspondent99 Pensées secrettes et leur longueur
varie dans quelques cas. Ainsi la Pensée 65 condense les deux
Objections 75 et 76, la Pensée 24 est nettementplus longue que
l'Objection 26 qui y correspond.
La supériorité de l'imprimé apparaît manifestementdans plu-
sieurs cas :
- la Pensée 69 orthographie correctement le nom de l'abbé Houtevilleque
l'Objection81 déformeen Hauteville
- la maximelatinefinale(<cSatis triumphatveritas...»), que Diderotreprendra,
est signée J. L. P. dans les Objectionset plus clairementJ. Lips. (Justus
Lipsius) dans les Pensées.
- enfin,les référencesfaitesà d'autresœuvrescritiquessont nettementplus
clairesdans les Penséesque dans les Objectionset dissipentune équivoque
qui a induiten erreurMM. Venturiet Vernière; aussi ce dernierpoint
mérite-t-ilun examen plus approfondi.

Deux notes des Objections (22 et 28) semblentindiquer que leur


auteur aurait fait son profitde la lecture des Pensées philosophi-
ques. Leur rédaction serait rejetée dès lors à une date postérieure
à 1746 et l'on assisteraità un curieux échange où Diderot, selon
l'expressionde M. Vernière(op. cit., p. 54), ne ferait« souvent que
reprendre son bien». M. Venturi allait jusqu'à suggérer une in-
fluence directe (« la formemême de tout le petit ouvrage pourrait
bien être inspirée» par les Pensées philosophiques,op. cit., p. 24).
Le texte des Pensées secrettesne contientqu'une seule référence
à Diderot, à la finde la pensée 23, mais son libellé la faitclairement
apparaître comme une remarque de l'éditeur : « II est aisé de s'ap-
percevoirque l'Auteur applique ici aux Déistes l'argumentque M.
Diderot, dans ses Pensées philosophiques, applique aux Juifs»
(Objection 28 : « J'ai appliqué aux déistes l'argumentque l'auteur
des Pensées philosophiques applique aux Juifs»). De même, l'uni-
que allusion au fameuxExamen de la religionchrétiennese trouve
dans une note des Pensées (71, p. 40 : « L'auteur de l'examen de
la Religion chrétienne a fait la même observation») alors que
YObjection 72 débute par une citation de l'Examen intégrée dans
le textel.

1. Et d'ailleurs reprise par Diderot (lx, éd. Vernière), ce qui prouve - si on en


doutait encore - que l'Addition se fonde sur le manuscrit,non sur l'imprimé. Ce premier
alinéa de l'Objection72 ne se retrouvepas dans la Pensée secrettecorrespondante
(61).

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612 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

La dettede Fauteurdes Objectionsdiversesà l'égardde Dide-


rot est donc loin d'êtreun fait établi et l'on peut, avec vraisem-
blance,avancerla date de sa composition avant 1746. L'allusion
à l'abbé Houtteville(La Religionchrétienne prouvéepar les faits)
nous fournit le terminus a quo de 1722. La date de 1735,fournie
par la page de titredes Penséessecrettes, pourraitdonc parfaite-
mentconvenir,à défautde preuvesplus solides.
Reste le problèmede l'auteur.Diderotne le connaissaitpas *,
maisil est vraiqu'il ignoraitaussi l'existencedes Penséessecrettes.
L'éditeurde 1769 les tientpour « attribuéesà feu M. de Saint-
Hyacinthe » : cetteprécautionmêmeéquivautà une réservequand
on sait avec quelle légèretéles écrits anonymesirréligieuxdu
XVIIIe siècleétaientplacés,sansla prudentemention« attribuéà »,
sous la signatured'écrivainsdisparus(Fréret,Dumarsais,Mira-
baud, Boulanger).Or précisément, Saint-Hyacinthe appartientà ce
petitgroupede prête-nom Voltaire,on le sait,lui at-
involontaires.
tribueà deux reprisesLe MilitairePhilosophe(Wade, op. cit. 51)
sur la base d'un simpleon-dit.Mais si certainesévidencesinternes
amènentà lui contester la paternitéde cet important ouvrage,on
ne peut en direautantdans le cas des Penséessecrettes. Datées de
1735,elles peuventmatériellement avoir eu pour auteurun écri-
vain morten 1746. Rien ne s'opposeégalement,quant au fond,à
ce que Saint-Hyacinthe, espritcritique,libre-penseur, déiste,ami
de Lévesque de Burigny,soit l'auteurde ces notes acerbes,mais
tropsouventverbeuseset diffuses. Commepourla plupartdes opus-
cules de critiquereligieuserépandusau XVIIIe siècle,le problème
resteouvertet sans doute insoluble.
Les contraintes qui ont pesé sur la diffusionde cettelittérature
clandestineont obscurcison origineet son cheminement. Elles ont
aussi compliquétrès sérieusement sa circulation: la duplication
de la postéritédes Objectionsdiversesapporteune preuvesupplé-
mentairedes conditionspéniblesdans lesquellesont travailléles
« philosophes » de la tendanceradicale. Les « formulespéremp-
du ton» notéespar M. Vernièrevalentpour
toires» et « l'agressivité
les troisversionsdu texte; elles s'expliquentaisémentdans ce con-
texteoppressifoù chacun travaillaitdans l'ombre,ignorantdes
effortsdu voisinet parfoismêmede son existence.
Roland Mortier.

DEUX SOURCES LITTÉRAIRES POSSIBLES DE « MYRTHO»

Le 15 février1854, L'Artistepubliaitle sonnetde Gérard de


NervalintituléMyrtho.La mêmeannée,parmiles douze sonnets
placés sous la rubriquedes Chimèresdans l'éditionGiraud des
Filles du feu, Myrthooccupaitla secondeplace. D'autre part,le
poète s'estplu à combineralternativementles quatrainset les ter-
1. Cf. prologue de YAddition dans l'éd. Naigeon et dans le ms. de l'Ermitage (éd.
Venturi) « Voici quelques-unes des meilleures idées de l'auteur anonyme de l'ouvrage dont
il s'agit ».

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