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Geneviève RODIS-LEWIS
L'ŒUVRE
DE
DESCARTES
https://archive.0rg/details/luvrededescartesOOOOrodi
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^T^A'LVHG
A LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ
m U publiée sous la direction de M. Georges DAVY
Membre de 1 Institut, Doyen honoraire de la Faculté des Lettres de Paris
Directeur de la Fondation Thiers
Geneviève RODIS-LEWIS
Professeur à l’Université de Lyon-II
L'ŒUVRE
DE
DESCARTES
PARIS
1971
fo \ -t , !
i. Il dit bien avoir, au collège, « parcouru tous les livres » sur les
plus curieuses sciences {DM., 1, VI, 5) : dès cette époque, il a accu¬
mulé la matière de maintes réminiscences, qui le firent passer « pour
un homme de lecture presque infime, à cause du merveilleux discer¬
nement qu’il avait pour découvrir d’abord ce qu’il fallait lire ou passer
dans les livres » (Baillet, Vie, II, pp. 467-468, confirmant « qu’il avait
fort peu de livres » dans sa retraite aux Pays-Bas). Quant à ses pre¬
miers travaux mathématiques. Descartes dira à Burman que « parce
qu’il n'avait pas de livres avec lui, il devait apprendre de lui-même, ce
qui lui a très bien réussi » (V, 176, T.).
j. X, 204.
k. Cog. priv., X, 214, T. : « jeune, je cherchais si je ne pourrais pas
trouver seul, sans même lire l'auteur ». « La plupart des livres, quEuid
on en a lu quelques lignes et regardé les figures, se dévoilent totale¬
ment : le reste n’est ajouté que pour remplir les pages » ; R. 10, X, 403.
12 DESCARTES
LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ
CHAPITRE PREMIER
FORMATION ET VOCATION
DU JEUNE DESCARTES
1. Les études
s. 14-6-1637, I, 383.
t. Pr., 1, a. 59 ; cf. a. 58 ; 2‘ rép., IX, 110 ; 5‘ rêp., in Med. 5, § 1,
VII, 380.
U. Un an après les critiques du Discours, il conseille à un ami
d’envoyer son fils à la Flèche plutôt que dans une Université hollan¬
daise : « La philosophie ne s’enseigne ici que très mal ; les professeurs
n’y font que discourir une heure le jour, environ la moitié de l’année,
sans dicter jamais aucuns écrits, ni achever le cours en aucun temps
déterminé... Je crois qu’il est très utile d'en avoir étudié le cours
entier, en la façon qu'il s’enseigne dans les écoles des Jésuites » (12-
9-1638, II, 377-378).
20 DESCARTES
d. Pr., 4, a. 187 : « Qu’à l'exemple des choses qui ont été expliquées »
(c'est-à-dire le magnétisme, par de simples arrangements mécaniques),
« on peut rendre raison de tous les plus admirables effets qui sont sur
la terre ». Les exemples de « faire saigner les plaies du mort » et
« d’émouvoir l’imagination », en avertissant, pendant le sommeil ou
la veille, d’évènements éloignés, sont une addition de la traduction,
qui, à partir de 3, a. 41, était reprise de la propre main de Descartes
(IX-2, p. x-xm).
24 DESCARTES
I
sinpsïiss-
PREMIERS TRAVAUX 27
après sa mort, d’importants extraits de ses travaux 52.
Lorsque Descartes aura participé, à Paris, aux recherches
du groupe de Mersenne, foyer de rencontres et d'échan¬
ges internationaux avec les savants mécanistes, cette
aspiration lui paraîtra si générale qu’il raillera l’impor¬
tance que Beeckman attachait à ses « rêveries » ° : mais
il admet l’essentiel : « ce que vous disiez, aussitôt je l’ai
compris, cru, approuvé »p. C’est même par là qu’il jus¬
tifie son ingratitude : il n’y a pas de propriété scienti¬
fique, il est ridicule de distinguer minutieusement le tien
et le mien, comme pour des terres ou de l’argent ; une
chose sue est pleinement mienne, quel que soit le pro¬
fesseur q.
Certes, lorsqu’il écrit tout cela en 1630, Descartes
donne un sens nouveau, profondément personnel, à la
jonction des mathématiques et de la physique. En 1618,
a-t-il réellement découvert, grâce à Beeckman, le « vrai
usage » des mathématiques ^ ? Dans leurs travaux com¬
muns, Descartes manifeste encore une singulière indiffé¬
rence aux données physiques du problème, et une joie
de pur mathématicien à les traiter comme exercice. Mais
c’est bien par son ami qu’il entre en contact, sans peut-
être en apercevoir toutes les dimensions, avec le mou¬
vement mécaniste contemporain : tandis que le qualita-
tivisme de la physique aristotélicienne est progressive¬
ment abandonné, le retour au mathématisme, dépouillé
des aspects mystiques, vitalistes, voire panthéistes du
platonisme de la Renaisseince, opère un fécond « retour
à Archimède »53. Beeckman est l’un de ces chercheurs.
3. L’Abrégé de musique
2
34 DESCARTES
e. Ib., 214 : deux pensées rappellent que tout jeune, devant des !
découvertes ingénieuses, il cherchait d’abord s'il ne pourrait trouver pju" (
lui-même sans lire l’auteur (cf. R. 10, X, 403), et s’est ainsi aperçu qu’il t
usait de règles déterminées ; et que la plupart des livres, lorsqu’on t
en a vu quelques lignes et les figures, tombent sous notre connaissance [
le reste n’étant que remplissage.
f. Ib. : <t si elle reste pudique auprès de son époux, on la :l
respecte ». Le masque préserve cette pudeur. L’ardeur secrète, naïve, i
de ces images juvéniles, est-elle un écho du rituel du doctorat, que l
Descartes a pu voir : la remise de « l’anneau » témoignant que les p
nouveaux docteurs « reçoivent comme légitime épouse la Philosophie »
(ici, la Science) et « doivent la traiter et l’honorer comme telle » (A T. i
Supplément, XIII, 105).
g. X, 215 ; « Larvatae nunc scientiae sunt ... »
PRAEAMBULA
39
entes des limites déterminées qu'ils ne peuvent trans¬
cender. Si certams ne peuvent se servir des principes
pour la decouverte par défaut d'esprit » (entendons que
d autres ont cet ingenium, ce génie inné), « du moins
pourront-ils reconnaître le véritable prix des sciences,
ce qui suffit pour porter des jugements vrais sur la
valeur des choses » ^ ; cela suppose que quelqu'un saura
le leur montrer. Et déjà le jeune cavalier se prépare à
engager le combat ; entre ces pensées en effet figure un
long titre, pompeux à la mode du temps *, qui pastiche
probablement le style de ces Rose-Croix auxquels l'ou¬
vrage serait dédié ^ ; le chevalier aussi s'avance masqué
derrière sa visière baissée ou son pseudonyme, et pro¬
voque l'adversaire en menaçant de l'anéantir si ses pro¬
clamations sont téméraires. Il y a en ce défi une part
de jeu, et d'ironie à l'égard de ceux qui s'enserrent eux-
memes dans d inextricables noeuds. Descartes, bien averti
par ses maîtres de ne pas se laisser abuser par les pro¬
messes des charlatans, a-t-il été attiré par la mystérieuse
fraternité, symbolisant l'aspiration de l'époque à détenir
la clef d une sagesse totale ? Parmi les ouvrages qui se
multipliaient en Allemagne depuis 1614 certains étaient-
ils parvenus aux Pays-Bas ? Beeckman, hostile à l’occul¬
tisme 96, ne mentionne jamais les Rose-Croix dans son
Journal, et répond avec dédain quand Descartes lui
demande les clefs de 1 Art de Lulle et des commentaires
d Agrippa, autre héraut d’une science universelle et
secrète J.
h. X, 215.
1. X, 214 : <r Trésor mathématique de Polybe le Cosmopolite, où
on livre les vrais moyens de résoudre toutes les difficultés de cette
science ; on démontre que l’intelligence humaine ne peut aller plus
loin a leur propos (nihil ultra). A ceux qui promettent de dévoiler en
toutes les sciences de nouvelles merveilles (miracula), pour que leur
retard soit défié, ou que leur témérité s’évanouisse ; enfin pour alléger
les travaux torturants de ceux qui, jour et nuit enlacés dans les nœuds
gordiens de cette science, consument inutilement l’huile de leur intelli¬
gence. Aux savants du monde entier, et spécialement encore offert aux
F.(rères) R.(ose)-C.(roix), illustrissimes en G.(ermania ; Allemagne) ».
j. Beeckman à Descartes, 6-5-1619, X, 167-168.
40 DBSCARTES
'j
O. Fin de la R. 1, X, 361, T.
fran^iî? Vie, I, p. 81). Le latin avait-il ici l'ambiguité du
TROIS SONGES 51
pouvait-il « le jeter par force dans un lieu, où son dessein
était d’aller volontairement » q ? Cette interprétation,
faite par un homme éveillé, esquisse-t-elle l’image d’un
malin génie dont nous serions le jouet ? Le récit de
Descartes serait alors plus allégorique que symbolique,
si bien qu’à la limite se poserait la question : « Descartes
a-t-il rêvé » ? n paraît cependant peu probable que ces
textes des Olympica aient jamais constitué l’amorce d’un
ouvrage destiné à la publication (ce qui eût renforcé
l’hypothèse d’un récit littéraire plutôt que d’une expé¬
rience réelle). Et certains détails ont l’opacité du vécu,
dans la résistance qu’ils opposent à l’interprétation, ou
dans son arbitraire, qui en masque l’impuissance : ainsi
dans le dernier songe, la présence de « petits portraits
gravés en taille douce » dans le Recueil des poètes, et
dont il ne « chercha plus l’explication après la visite
qu’un peintre italien lui rendit dès le lendemain »
Plus énigmatique encore a paru généralement
l’invite à recevoir « quelque chose » que Descartes ima¬
gine comme « un melon... apporté de quelque pays étran¬
ger » et qui signifiait, selon lui, « les charmes de la
solitude, mais présentés par des sollicitations purement
humaines » Un rapprochement très suggestif a été fait
par William Mc C. Stewart avec l’idylle d’Ausone, qui
se trouve précisément, sur la même page, entre les deux
pièces qui figurent dans le Corpus poetarum apparu lors
du troisième songe ; visant « l’homme de bien », elle
loue la concentration sur soi, et le bonheur du sage,
« tranquille, comme le monde, enclos en un globe rond ».
Mais la symbolique du globe est une des plus complexes,
et une certaine surdétermination n’est pas exclue. Dans
le même Recueil, juste avant les poèmes d’Ausone, se
trouve, parmi les épigrammes de Claudian, celui sur la
sphère d’Archimède, où l’esprit du savant régit l’uni-
1. Çà et îà
O. A Mersenne, I, 81.
OLYMPICA 65
3
66 DESCARTES
a. X, 265-277, T.
b. X, 244-245, T., pour cette « régula generalis », avant deux
problèmes particuliers sur les polyèdres (246-248, fin des Cog. priv.)
après (244) deux remarques disparates, dont la lecture de lettres sur
un Pspipr en train de brûler. Les pages sur la réfraction sont justes
avant (242-243), précédées par la note qui nomme les deux mathé-
matidens allemands Rothen et Bramer (242) et par plusieurs pages
de calculs à l'aide des compas.
OPTIQUE 71
par réductions successives, est beaucoup moins féconde
que la solution par la parabole et le cercle S'il n’est pas
abusif de faire remonter le principe de cette dernière à
Ihiver 1620-1621, ces pages devraient être antérieures
Mais la continuité introduite par la copie ne rend pas
compte des pages blanches du registre, qui séparaient la
fin des « considérations mathématiques » intitulées Par-
nassus de « six feuillets écrits », puis plus loin « quel¬
ques considérations sur les sciences » et « une demi page
d algèbre » Il est donc impossible de faire se succéder
chronologiquement des éléments qui ont pu être notés à
plusieurs époques, dans des secteurs différents du
même cahier. Notons seulement qu’avant le départ des
Pays-Bas au printemps de 1619, Descartes n’avait fait état
auprès de Beeckman d’aucune recherche optique.
Dans ce premier fragment de dioptrique. Descartes,
comme Kepler, néglige la distinction scolastique entre
la source de lumière ou lux, et la réalité physique trans¬
mise dans un milieu transparent, ou lufn&n Mais alors
que Kepler, à la suite du principe d’économie des Anciens
fais^t agir la nature par les voies les plus courtes, pré¬
cisait qu un milieu plus dense oppose un obstacle
majeur Descartes a dès lors découvert le paradoxe
qu il reprendra dans la Dioptrique, au grand scandale
de Fermât, mais qui s’accorde avec l’expérience : « la
lumière (lux) pénètre plus facilement à travers un milieu
plus dense que dans im plus rare ». Et l’énoncé de ce
principe nouveau revêt ici ime forme originale qui, à
notre connaissance, ne se retrouve pas dans les textes
ultérieurs : « la lumière est plus facilement engendrée là
où il y a le plus de matière » : elle est donc considérée
dans sa genèse, comme si elle était l’objet d’une création
renouvelée à chaque instant. Si ce dernier mot, rencontré
dans les Olympica, n'apparaît pas, la notion est impliquée
dans les premières réflexions physiques de Descartes,
comme dans ses méditations sur la plus haute philoso¬
phie... Ce texte, sans comporter aucune formule précise,
est donc déjà d’un grand intérêt. C’est à Paris, avec
c. Inventaire, X, 7-8.
72 DESCARTES
X. X, 215, T.
y. XI, 652-653, T.
80 DESCARTES
5. Le groupe de Mersenne
Z. R. 1, X, 359-360, T.
MERSENNE 81
le lieu de sa retraite se vit changé en un rendez-vous de
conférences » Un récit ultérieur du même Le Vasseur
nous montre Descartes, qui avait fui tant de sollicitude,
retrouvé et observé « par le trou de la serrure » : il
travaillait au lit, « fenêtres ... ouvertes », avec quelques
papiers près de lui, sur lesquels il écrivait « de temps en
temps... et se recouchait ensuite pour méditer » ‘*®.
Pendant ces neuf ans où Descartes a disparu du
Journal de Beeckman, la correspondance de Mersenne
prend le relais, au début de 1626 : il note dans ses
papiers, sur une question musicale, « la raison d’un
excellent mathématicien » qui doit être Descartes. Et si
la plupart des lettres de Mersenne sont perdues, les
réactions de ses correspondants confirment la réputation
qu il faisait à son ami. Il est notable que la première
mention expresse de Descartes soit liée à l'éclat de sa
méthode : « cet excellent mathématicien dont vous par¬
lez », demande Comier le 16 mars 1626, pourra-t-il « bien
donner les raisons des réfractions » ; et dans la lettre
suivante du 22 mars : « je vous aurai bien fort de
l'obligation, et à Mr des Chartes, quand vous m'aurez
fait participant de sa belle méthode et de ses belles
inventions ». Peut-être Descartes est-il déjà compris par
Mersenne, parmi ces « quelques nouveaux Archimèdes,
qui conduisent les mathématiques jusqu'à leur perfec¬
tion » : « j’en sais, ajoute-t-il, aussi bons catholiques que
bons mathématiciens, qui sont capables de perfectionner
les mathématiques, s'ils se trouvaient quelques-uns qui
les obligeassent à ce labeur par la faveur qu’on doit aux
hommes doctes ». Tout Mersenne est dans cette évoca¬
tion de La Vérité des sciences contre les sceptiques et
pyrrhoniens (1625) : enthousiasme pour le renouveau de
la science, sous le signe d'Archimède, par la mise en
œuvre de toutes les possibilités ; si Descartes est visé, il
n’est pas considéré comme un génie isolé, mais comme
un des mathématiciens les plus doués, qui se « doit » à
la communauté. Lorsqu’après la retraite du philosophe
i. 9, VI, 205-206.
JEUX OPTIQUES 87
j. 8, VI, 343-344.
k. Rech. Vér., X, 505 ; Eudoxe, porte-paroles du philosophe, répond
ici au vœu du « curieux » Epistémon : comprendre « tous les effets
merveilleux qui s'attribuent à la magie..., non pas pour s’en servir,
mais afin que notre jugement ne puisse être prévenu par l'admiration
d’aucune chose qu’il ignore » (X, 504).
l. Cog. priv., X, 215-216.
m. X, 231-232.
n. Inventaire, registre B, X, 7 ; cf. la recette, recopiée par Leibniz,
X, 209.
88 DESCARTES
c. Ib., 369.
LA PUISSANCE DE L'eSPRIT 93
n accède à l'intellection que par lui-même d, Descartes
rompt avec la pratique des aristotéliciens et revient à
Platon : « que nul ignorant en mathématiques ne soit
admis à l’étude de la sagesse »e. En même temps, la
thèse des « semences de raison », ou « rudiments de la
raison humaine », dont le développement s’étend à toutes
les vérités f, transpose la réminiscence en innéité Et
^ ^^'dçle générale de la connaissance, qui clôt la première
partie des Regulae, retrouve ce dualisme global que nous
avons déjà rencontré dans les Olympica, et qui, en dépit
du strict aristotélisme des écoles, envahissait alors les
ouvrages de vulgarisation philosophique «2. Quand Des¬
cartes se demande « ce qu’est l’esprit de l’homme, ce
qu’est son corps, et comment celui-ci est informé par
celui-là » g, il les pose^ spontanément comme distincts,
s^s avoir encore fondé métaphysiquement leur radicale
séparation.
Alors que la première rédaction de la Règle 8,
comme le Studium bonae mentis, ne traitait pas la
mémoire en faculté indépendante de l’entendement et de
l'imagination, et se bornait à leur adjoindre les sens
la Règle 12, avec la seconde version de la Règle 8, compte
quatre moyens de connaissance : « l’entendement seul
est capable de la science ; mais il peut être soit aidé, soit
entravé par trois autres facultés, l’imagination, les sens
et la mémoire » La Règle 12 montre comment il leur
est étroitement associé : cette « puissance (vis) pure¬
ment spirituelle » est « distincte du corps tout entier »,
et demeure « la même (una et eadem) » dans toutes ces
j. R. 12, X, 415-416.
k. IX, 24-25 : « sa perception... n’est point... une imagination, et
ne 1 a jamais été, quoiqu’il le semblât ainsi auparavant, mais seulement
une inspection de l’esprit... »
l. R. 12, X, 419.
m. Ib., 414-41.5.
n. Ib., 412-413.
O. Ib., 413 : « supposez que la couleur soit ce que vous voudrez ».
LES NATURES SIMPLES 95
les phénomènes, de cercles imaginaires p, il classe les
notions en trois groupes (spirituelles, matérielles et
mixtes), distinguant en chacun les simples et les compo¬
sées. La théorie des « natures sunples » répond à la
description des facultés cognitives : pour les réalités qui
n’ont rien de corporel, ou de semblable au corps, l’enten¬
dement est gêné par les autres facultés s. Et celles qui
concernent le corps sont dites « purement maté¬
rielles » !■ : il est notable que la « lumière innée » ne
concerne explicitement que les précédentes, et que même
les axiomes, « sur l'évidence desquels s’appuie la conclu¬
sion de tout raisonnement » ® soient dits « communs »,
en tant qu’ils relient ces natures corporelles. Sont égale¬
ment communes les notions qui concernent les deux
ordres de réalités, « comme l’existence, l’unité, la
durée... : et du reste, elles peuvent être connues soit par
l’entendement pur, soit par le même, voyant intuitive¬
ment les images des choses matérielles » Ce n’est donc
pas par une « intuition intellectuelle » ^ que l’esprit
saisit l’ensemble des natures simples, et leurs liaisons
nécessaires : l’entendement les « éprouve », tantôt seul,
tantôt « dans l’imagination »
C’est toujours du point de vue de leur perception
par l’entendement que Descartes appelle « simples » les
natures qui n’ont pas besoin d’être rapportées à d’au¬
tres : la « figure » n’est pas objectivement indivisible, et
sa notion peut être encore analysée jusqu’à en abstraire
l’idée de « limite d’une chose étendue » ; mais Descartes
montre que celle-ci est moins distincte, pouvant s’appli¬
quer aussi à la durée ou au mouvement : elle est un
p. Ib., 417. La description des facultés repose aussi sur des hypo¬
thèses destinées à clarifier, et comparées à celles des géomètres, ib., 412.
q. Ib., 416 ; cf. 419 : « sont purement intellectuels, les choses
que l'entendement connaît par une lumière innée, et sans l’aide
d’aucune image corporelle ».
r. Ib., 419 ; « comme sont la figure, l’étendue, le mouvement,
etc. ».
s. Ib. : p. ex. deux choses égales à une troisième sont égales entre
elles.
t. Ib., 419-420.
u. Ib., 425 (vel in se ipso, vel in phantasia esse experitur).
96 DESCARTES
V. Ib., 418-419.
w. R. 14, X, 440, 443, 445.
X. Ib., 444-445.
4
98 DESCARTES
7. « Il faut partir »
tuné des visites de mes voisins » ; Ep. Voet, VIII-2, 111, T. : nulle
autre raison ne 1 a fait partir de son pays que la multitude de ses
amis et proches.
e. D. M., 3, VI, 30.
f. A *■**, 1628, I, 7, T.
g. Ib. 10.
h. Ib., 9.
i. Ib., 10.
j. Ib., 11.
IL FAUT PARTIR 99
OÙ « le Cardinal de Bérulle, le Père Mersenne », et une
« grande et savante compagnie... s'était assemblée... pour
entendre le discours de M. de Chandoux touchant sa
nouvelle philosophie. Ce fut là, dit Descartes lui-même,
que je fis confesser à toute la troupe ce que l'art de bien
raisonner peut sur l'esprit de ceux qui sont médiocre¬
ment savants, et combien mes principes sont mieux éta¬
blis, plus véritables et plus naturels, qu'aucun des autres
qui sont déjà reçus parmi les gens d'étude » : ainsi
furent convaincus « tous ceux qui prirent la peine de me
conjurer de les écrire et de les enseigner au public »
Ces « principes » étaient, d’après le début de la lettre que
résume Baillet, « sa Règle universelle », ou « sa Méthode
naturelle », dont les « deux fruits » soumettaient d’abord
toute proposition à l’épreuve des conditions de possi¬
bilité, « d’une certitude égale à celle que peuvent pro¬
duire les règles de l’arithmétique », et permettaient
ensuite de la résoudre : ce sont bien les thèmes des
Regulae. La réunion eut probablement lieu juste avant
le départ de Descartes pour la campagne bretonne, l'hiver
1627-1628 98. Fut-elle déterminante dans la décision de
Descartes de « chercher la solitude », sans rompre encore
avec ses proches par un « changement... trop subit » * ?
Selon un mémoire manuscrit de Clerselier, évoqué par
Baillet, Bérulle aurait fait à Descartes « une obligation
de conscience » de s’adonner désormais à la construction
de sa philosophie 95. Par le souci qu’il avait de bien
orienter les vocations, il eut sans doute une influence
personnelle pour lui faire prendre conscience que le
moment était venu de « chercher les fondements » d’une
« philosophie plus certaine que la vulgaire » ™.
LA MÉTAPHYSIQUE DE 1629-1630
ET LES FONDEMENTS DE LA PHYSIQUE
g. I, 182.
h. 18-6-1629, I, 14-15. Dans cette première lettre de Descartes depuis
son installation aux Pays-Bas, il ne donne pas d’adresse : Beeckman
enseignerait à Ferrier « le chemin pour venir » ; et nul, pas même
Mydorge, ne doit savoir qu’il a écrit. Une correspondance scientifique
le détournerait de l’essentiel ; l’optique n'est ici qu'un délassement.
i. I, 21 (septembre ; après que Ferrier ait refusé de venir).
PENSÉES PRÉPARATOIRES 105
fort de la méditation, l'esprit a besoin de repos i. Plus
gênant est le fait que dès août sans doute, Descartes est
revenu à Amsterdam, et s'absorbe désormais dans l'expli¬
cation de divers phénomènes scientifiques ^ ; il ne saurait
plus dire que son travail est entièrement métaphysique.
Il paraîtrait donc plus simple d'admettre que juillet
constitue le terminus ad quem des neuf mois, ce qui
nous ramènerait, pour leur début, à novembre. « En ce
pays » 1 pourrait désigner généralement les Pays-Bas,
sans que Descartes ait révélé à Beeckman en quel endroit
il allait conduire, toujours seul, ses réflexions approfon¬
dies. La ou les visites du printemps, comme la conversa¬
tion avec Reneri et les projets concernant Ferrier,
seraient des occupations de détente. Le départ pour la
Frise aurait eu pour but de favoriser, dans la plus par¬
faite solitude, la rédaction du traité métaphysique, déjà
prémédité durant les mois précédents...
X. XI, 650.
y. Inventaire du registre B, X, 6.
Z. X, 7.
a. XI, 648.
PENSÉES PRÉPARATOIRES 109
déjà ? La méditation s’approfondit dans le texte suivant,
ciui pose la question fondamentale ; « Qu’est-ce que la
liberté de l’esprit ? Elle est vouloir, de sorte que nous
n’avons pas conscience que rien nous empêche de vou¬
loir pleinement le contraire, si bon nous semble : cette
définition posée, nul ne peut nier que nous soyons
libres. Mais si nous définissons ainsi la liberté ; elle
serait absente de ma volonté, si quelque puissance, même
sans que j’en aie conscience, pouvait infléchir ma volonté
vers tel ou tel objet, au point qu’elle veuille l’un comme
certain, et non pas l’autre ; alors une liberté ainsi définie
est incompatible avec le statut de créature, une fois
posée la toute-puissance du Créateur » Autrement dit,
une telle liberté exclut qu’une puissance, fût-ce la plus
absolue, incline ma volonté à son insu, jusqu’à lui faire
affirmer comme certaine une conclusion arbitraire. Mais
si le Tout-puissant est impuissant devant la liberté de
mon affirmation, il n’est plus Dieu, je ne suis plus une
créature. Cet affrontement d’xm pouvoir humain, qui
revendique sa responsabilité lorsqu’il accepte une cer¬
titude, et d’une toute-puissance qui manierait la créature
comme un jouet inconscient, ne prépare-t-il pas la
bataille contre un tout-puissant trompeur, que vaincra la
résistance de ma pensée libre ? Sans qu’on puisse pré¬
ciser la date d’une telle remarque, il est difficile de se
défendre de l’impression que voilà l’embryon d’où sortira
la pensée métaphysique de Descartes.
aussi les mêmes sensations de chacune des parties du corps, n’a pas
besoin (non requireré) de son corps tout entier ».
g. Méd., 6, IX, 61 ; Pr., 4, a. 196.
h. Méd., 6, IX, 68 ; à Mesland, 9-2-1645, IV, 166 ; Pas., a. 30.
i. XI, 650 ; cf. supra, p. 107 et 75, note m : Studium bonae mentis,
sur les sciences libérales.
}. R. 1, X, 359-360, T.
k. A Meyssonnier, 29-1-1640, III, 20 ; à Mersenne, 1-4-1640, III, 48.
112 DESCARTES
3. Le commencement de métaphysique
l. D. M., 1, VI, 7.
m. E. Burm., V, 179.
MÉTAPHYSIQUE DE 1629 113
la plupart antérieures à l'installation à Franeker : lorsque
Descartes choisit cette lointaine solitude, c’est pour
commencer à rédiger un traité qui devait lui assurer de
solides fondements, grâce à l’enchaînement de véritables
démonstrations. Or il estime avoir, « grâces à Dieu »,
pleinement réussi dans son entreprise : quand l’année
suivante, il évoque pour la première fois les « études »
de ces « neuf premiers mois », il déclare : « Au moins
pensé-je avoir trouvé comment on peut démontrer les
vérités métaphysiques, d’une façon qui est plus évidente
que les démonstrations de géométrie » Ce dernier point
est capital. Car, sans qu’on puisse absolument affirmer
que Descartes a dès lors approfondi le doute le plus
hyperbolique, il reste notable qu’on retrouve cette supé¬
riorité de l’évidence métaphysique sur celle des mathé¬
matiques dans tous les textes où le philosophe les con¬
fronte, du Discours de 1637 à l’Entretien avec Burman de
1648 : l’argumentation traditionnelle des philosophes,
opposant les opinions entre elles, n’atteignait que des
probabilités. Les sceptiques en profitaient pour douter de
l’existence de Dieu, considérée par beaucoup jusqu’ici
comme indémontrable. Or « comme toutes les vérités
métaphysiques, elle peut être démontrée plus solidement
(firmius) que les démonstrations mathématiques. Car si
chez les mathématiciens, on révoquait en doute tout ce
que l’auteur a révoqué en doute dans la métaphysique,
on ne pourrait certainement plus donner aucune démons¬
tration mathématique, tandis que l’auteur a néanmoins
alors donné des démonstrations métaphysiques »
« Alors » renvoie à cette prise au sérieux du doute, qui a
pu se développer certes en plusieurs étapes, mais qui a
commencé avec la conviction qu’il faut montrer aux
athées que l’évidence même de 2 et 2 font 4 repose sur
des « principes » admis par hypothèse, et qui finalement
vrage » : il l’a jointe « sur la fin », pressé par le libraire. Cet échan¬
tillon de métaphysique a donc résumé rapidement l’ancien commen¬
cement, sans y rien ajouter d’essentiel.
y. 5-5-1631, I, 203.
Z. IX, 25.
a. 4, VI, 32.
b. I, 110 : cette métaphore, qui caractérisera le doute (5= rép.,
in Med. 1, VII, 349), apparaît ici, dès janvier 1630, mais à propos d'un
tout autre sujet (dépassement des vertus naturelles par les vertus chré¬
tiennes).
118 DESCARTES
y. Pr., 4, a. 203.
Z. A Mersenne, 26-4-1643, III, 648
5
130 DESCARTES
h. 5, IX, 50.
i. 4, IX, 45-46.
j. 5, IX, 51 et 54.
k. Ib., 51.
l. Ib., 55.
m. 4, VI, 39.
n. 5, VI, 41.
O. 5, VI, 43.
134 DESCARTES
p. 6, VI, 63-64.
q. 7, XI, 47 (ne doutant pas « que si Dieu avait créé plusieurs
mondes, elles ne fussent en tous aussi véritables qu’en celui-ci »), et
43 et 44 pour la justification des règles par les attributs précités de
Dieu.
SENS DE CETTE CRÉATION 135
r. Pr., 1, a. 22.
s. Ib., a. 23.
t. Ib., a. 24.
U. Ib., a. 49.
V. Pr., 2, a. 3.
136 DESCARTES
e. E. Burm., (sur Pr., 1, a. 23), V, 166, T. ; cf. ib., 167, sur l’a.
48, distinguant vérités éternelles ou notions communes, et vérités
contingentes liées à l'existence d’une créature singulière.
f. Ib., 165, T., sur l’a. 23 : « comment cela se fait, nous ne le
pouvons concipere (le terme a le même sens étymologique que com¬
prendre ou con-tenir) ; mais nous l’apercevons par l’entendement
(intelligimus) ».
140 DESCARTES
a. Ib., I, 243.
PROJETS SUCCESSIFS 147
contenter de les deviner a posteriori et par leurs effets »
Les deux questions sont donc liées : l’opposition des
Anciens entre la perfection de l’astronomie et la diversité
contingente du monde sublunaire est abolie. L’année
précédente, une lettre à Villebressieu, transposant son
vocabulaire alchimique, affirmait la continuité entre
l'animal, la plante et le minéral, grâce à l’unité générique
de la « substance matérielle », dont naissent tous les élé¬
ments : observations et expériences doivent être sou¬
mises au raisonnement, pour « bâtir une physique
claire, certaine, démontrée, et plus utile que celle qui
s’enseigne d'ordinaire » Mais lorsqu’il a enfin achevé
tout ce qui concerne « les corps inanimés », cet enchaî¬
nement le conduit à passer à « la nature de l’homme »,
bien qu’il ait renoncé, non sans regrets, à décrire « la
génération des animaux », qui lui prendrait « trop
longtemps » L’étude de l’homme s’étend « un peu
plus » que l'auteur ne pensait ; car, dit-il, « j’entreprends
d’expliquer toutes ses principales fonctions » ®. Cepen¬
dant la correspondance se ralentit. Descartes avance : la
date de 1633 sera peut-être respectée fi
Alors éclate l’affaire Galilée 12 ; si le mouvement de
la terre est faux, dit Descartes, « tous les fondements de
ma Philosophie le sont aussi, car il se démontre par eux
évidemment. Et il est tellement lié avec toutes les par¬
ties de mon Traité, que je ne l’en saurais détacher, sans
rendre le reste tout défectueux »g. Le philosophe sait
que la condamnation de la Congrégation des Cardinaux
n’est pas un « article de foi » ; mais, pour « entièrement
b. 10-5-1632, I, 250-251.
c. 1631, I, 216-217.
d. A Mersenne, juin 1632, I, 254-255 : « je n’ose plus, ajoute-t-il,
dire quand ce sera ; car j'ai déjà manqué tant de fois à mes promesses
que j’en ai honte ».
e. Nov. ou déc. 1632, I, 263 ; il « anatomise maintenant les bêtes ».
Il vient de lire le De motu cor dis (1628) de Harvey, et note aussitôt la
différence dans l’explication de la circulation.
f. 22-7-1633, I, 268 : « Mon traité est presque achevé, mais il me
reste encore à le corriger et à le décrire » (transcrire). Mais « parce
qu’il ne m’y faut rien chercher de nouveau », Descartes a moins
d’ardeur.
g. Fin nov. 1633, I, 271.
148 DESCARTES
m. I, 330.
n. A Mersenne, mars 1636, I, 339 ; toutes les précisions qui pré¬
cèdent font partie du titre ; celles qui suivent, de la présentation des
quatre traités : le premier « découvre une partie de ma Méthode »,
et « tâche de démonter l'existence de Dieu et de l’âme séparée du
corps ».
O. La Géométrie ne sera pas jointe à la traduction latine du
Discours et des Essais (Specimina philosophiae, Amsterdam, 1644).
Une version séparée paraît à Leyde en 1649, avec les Notes de Florimond
de Beaune et le Commentaire de Fr. Schooten.
150 DESCARTES
2. Le Monde et l’Homme
r. 5, VI, 45.
s. Ib., 42.
t. XI, 3 ; et 4-5 pour l’absence de ressemblance entre signe et signi¬
fication.
152 DESCARTES
h. Monde, 5, XI, 31
i. 6, XI, 34-35.
j. Ib., 32.
k. Ib., 32-33.
l. Ib., 34.
m. Ib., 35 et 36.
LE MONDE 155
6
162 DESCARTES
q. Ib., 559.
r. D. M., 2, VI, 17 ; cette précision précède l’énoncé des quatre
préceptes, et corrige ainsi leur apparente référence à l’hiver 1619-1620
dans le récit simplifié du Discours.
s. « C est un traité que je n’ai quasi composé que pendant qu’on
imprimait mes Météores, et même j’en ai inventé une partie pendant ce
temps là », écrit Descartes au professeur de mathématiques de son
neveu, à la Flèche (A.T. I, 458 : à ***, oct. 1637 ; au P. Deriennes,
22-2-1638, rééd., 670).
168 DESCARTES
X. Ib.
y. R. 2, X, 362 ; D. M., 1, VI, 7.
Z. R. 2, X, 365, T. : idem pour les R. suivantes.
a. D. M., 2, VI, 21.
b. R. 9, X, 401 (C’était un proverbe grec : Platon, Sophiste,
259c) ; iî. 4, X, 371, contre la curiosité aveugle; R. 2, X, 368, après la
défitùtion de l'intuition, contre ceux qui « dédaignent de tourner leur
esprit vers les choses faciles ».
c. D. M., 2, VI, 18 (dans le troisième précepte).
d. R. 2, X, 368. Cf. D. M., 2, VI, 18 (fin du premier précepte) :
« ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présen¬
terait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n’eusse
aucune occasion de le mettre en doute ».
170 DESCARTES
j. R. 3, X, 369.
k. R. 2, X, 365 ; cf. R. 11, X, 407, sur le mouvement de l'esprit
« inferentis ». Inductio figure, à côté de intuitio, R. 3, X, 368, pour
désigner les deux seules « actions de l’entendement » qui peuvent
être exemptes d’erreur, T.).
l. E. Burm., in Med. 1, V, 148, T.
m. R. 3, X, 370 : modo... modo désignant moins une alternance
172 DESCARTES
r. VI, 18.
s. X, 381. Cf. le titre : « afin de distinguer à partir des choses
complexes les plus simples, et de les poursuivre selon l'ordre ».
t. D. M., 2, VI, 19.
U. R. 6, X, 381 (se référant à la division selon les catégories).
V. La R. 13, X, 432, prenant trois cordes (pour mieux faire éclater
la différence avec le traitement des trois termes du syllogisme),
compare séparément A et B, A et C... Elle renvoie à la réduction à
la simplicité maxima des R. 5-6, et à la « division » de la lî. 7 : celle-ci
(X, 387-388) rappelle comment la mise en rapport de A à E passe par
la relation A-B, puis B-C, etc.
174 DESCARTES
w. R. 6, X, 381-382.
X. R. 6, X, 382.
y. Ib., 381.
Z. A Mersenne, 24-12-1640, III, 266, l’opposant à « l’ordre des
matières ».
a. Pr., préface, IX-2, 2. Cf. la définition de « l’ordre », 2‘ rép., IX,
l’ordre 175
l'ordre d’invention de la vérité, la preuve de Dieu par son
effet est commandée par ce qui précède. L’exemple de la
Règle b est beaucoup plus simple : « toute la science de la
rnathématique pure » repose sur la théorie des propor¬
tions ou mise en relation des termes selon un rapport
déterminé. Partant d’un minimum de deux termes et
dudit rapport, ou ratio, l’esprit, tantôt construit progres¬
sivement la série en comparant deux termes successifs
(3, 6, 12..., de raison 2), tantôt divise la difficulté en autant
de « degrés » qu’il y a de termes, dans cette série, entre
3 et 48 <=. Ces degrés sont ainsi comme les échelons d’un
escalier, dont la Règle 5 avertit qu’il est présomptueux et
dangereux de les dédaigner ‘i.
Mais à partir de cet exemple élémentaire, on peut
s élever jusqu’à la mise en ordre de lignes « qui seraient
de plus en plus composées par degrés à l’infini »« : ici
« degrés » a son sens algébrique. Le progrès de la mathé¬
matique cartésienne entre 1628 et 1637 explique peut-être
la dissociation, en deux préceptes de la division et de
la reconstruction ordonnée. La Règle 5 les présentait
comme deux opérations inverses et symétriques, la
seconde passant « par les mêmes degrés » que la réduc¬
tion aux éléments les plus simples, selon une complé¬
mentarité encore traditionnelle. Pour les scolastiques en
effet, l’analyse, dite résolution rationnelle, pour la dis¬
tinguer de la division d’une chose en parties réelles, est
la recherche des « causes », ou premiers principes ; mais
elle n’est pas démonstration. Celle-ci part de la cause, ou
des éléments primordiaux, et en tire nécessairement
effets ou conséquences Les deux démarches se com¬
plètent, car la progression synthétique ne saurait s’orien¬
ter dans la multiplicité des constructions possibles sans
une analyse préalable qui, pour déterminer les éléments
primordiaux, part du résultat complexe comme acquis,
et en découvre les conditions de réalisation. Mais la
démonstration appelait la synthèse « parce que les pro-
b. R. 6, X, 385.
c. Jb., 384-387.
d. R. 5, X, 380.
e. Géom., 2, VI, 392.
176 DESCARTES
g. VI, 18-19.
h. R. 6, X, 386, montrant comment la « difficulté peut être divisée
et réduite ». Cf. R. 11, X, 409-410 : à partir des deux premiers
termes d'une série, il est facile de trouver la suite, « parce que cela
s’opère par des pensées (conceptus) particulières et distinctes ». Si on
propose le premier et le troisième, la pensée doit embrasser « en
même temps » les deux termes pour trouver le medium. Si on n’a
que le premier et le quatrième, l’intuition a peine à s’élargir jusqu’à
penser « très simul » (ce qui montre bien qu’elle porte sur les trois
rapports : l°-2'', 2“-3'>, 3°-4‘>), et s’il s’agit du cinquième ou d’un plus
éloigné, la division est nécessaire : comparant 1° et 5°, on trouve 3°,
puis 1° et 3“ donne 2°, et 3° et 5“, 4°. Pour le déchiffrement, cf. R. 10,
X, 404-405 ; Pr., 4, a. 205.
i. Addition de la traduction latine du Discours, VI, 550 : « tum in
quaerendis mediis, tum in difficultatum partibus percurrendis ».
178 DESCARTES
j. X, 476.
k. X, 388.
l. X, 390. Pour les exemples du doute et des sortes d’idées, infra,
ch. V, § 2 et VI, § 1.
l'ordre 179
qui lui feraient perdre son temps, et des « expériences que les autres
ont déjà faites..., pour la plupart composées de tant de circonstances
ou d’ingrédients superflus, qu’il lui serait très malaisé d’en déchiffrer
la vérité ». Cf. à la fin de la préface à la traduction des Principes,
IX-2, 20 : « il arrivera difficilement que les mêmes qui auront
l’adresse de bien s’en servir aient le pouvoir de les faire ». La
recherche scientifique, intéressant le bien public, doit être organisée,
avec ses directeurs, et ses aides techniques.
O. 7b., IX-2, 20. Cf. Ann. Pr., XI, 654 : l’expérience doit toujours
être soumise au contrôle de la raison.
p. Descartes veut « mettre l’eau de mer à la question » (à Golius,
19-5-1635, I, 318).
q. D. M., 6, VI, 64.
r. Monde, 10, XI, 72.
s. A Morus, 5-2-1649, V, 275. Cf. Pr., 3, a. 46.
186 DESCARTES
b. VI, 333.
c. Ib.. 334.
l'arc-en-ciel 189
d. Ib.. 335.
e. Ib.
f. Ib., 336-340, avec tables, 338 et 339. Descartes applique un
indice unique (ib., 340 : « par là, on peut démontrer que la réfraction
de l’eau ne peut être guère moindre, ni plus grande que je la sup¬
pose ») ; c'est-à-dire que la réfraction demeure la même pour toute la
lumière, sans qu’intervienne le tournoiement provoquant les couleurs.
Descartes critique les calculs de Maurolycus donnant pour les
deux angles environ 45 et 56“ ; « ce qui montre le peu de foi qu’on doit
ajouter aux observations qui ne sont pas accompagnées de la vraie
raison » (ib., 340).
g. Ib., 336.
h. Ib., 344 ; et 341-343 pour « les irrégularités » : arc décentré, ou
inversé (par réflexion ou vision incomplète), ou observation d’un
troisième arc (par réfraction d’indice différent sur des grains de
grêle mêlés à la pluie : il devrait être alors doublé d’un arc
intérieur plus petit et faible, ce pourquoi il n’aura pas été remarqué,
comme il arrive pour le second arc normal).
190 DESCARTES
7
194 DBSCARTES
l. Ib., 5, VI, 115-128. Mais 4, VI, 113 précise que c’est « une ressem¬
blance fort imparfaite », comme celle des gravures qui suggèrent quel¬
ques aspects de l’objet : la perspective y est une sorte de langage
m. 6, VI, 130.
n. 5, VI, 115-117.
^ o. Ib., 118 ; « Vous y devez voir la ressemblance des objets ». Il
s agit naturellement de la vue qu’un observateur prend d’un autre œil
traité comme un objet. '
p. 6, VI, 131.
198 DESCARTES
U. VI, 138.
V. VI, 138 : « de ce que la lumière... est plus forte... nous le jugeons
etre plus proche » ; 139-140 : « comme, regardant de loin quelque corps
que nous avons accoutumé de voir de près, nous en jugeons bien mieux
1 éloignement » ; 140 : « nous pourrons, par la différence de leurs
fi^es et de leurs couleurs, et de la lumière... juger lequel sera le plus
loin » ; « leur grandeur s’estime par la connaissance, ou l'opinion, qu’on
a de leur distance, comparée avec la grandeur des images... »
w. IX, 237 : La restriction ne porte que sur la corrélation des trois
la distance étant aperçue directement par des modifications corporelles'
Sur cette corrélation, Diop., 6, VI, 140-141 et Homme, XI, 160.
. 237. Sur 1 amalgame des préjugés aux premières
impressions, Pr., 1, a. 71 ; sur la confusion « du langage ordinaire »
(« car nous disons que nous voyons la même cire... et non pas que
nous jugeons x>), Méd., 2, IX, 25, suivi de l’exemple « des chapeaux
et des manteaux » aperçus d’une fenêtre : « je juge que ce sont de
vrais hommes ».
y. Diop., 6, VI, 141-142 : Descartes prend encore un exemple tactile,
celui de l’illusion dite d’Aristote (dédoublement de la bille tenue entre
les doigts croisés), mais la diplopie a une cause musculaire analogue.
Z. V, 144 : « la figure de l’œil... ne varie quasi plus sensiblement,
lorsque 1 objet est à plus de quatre ou cinq pieds ». Le sens commun
ne se représente guère de distance au delà de cent ou deux cent pieds ;
en fonction de cette distance lune et soleil nous apparaissent avec un
200 DESCARTES
diamètre restreint (cf. Méd., 3, IX, 31 ; 6‘ rép., § 10, IX, 239 : les « as¬
tronomes... convaincus par de puissantes raisons que le soleil est plu¬
sieurs fois plus grand que toute la terre, ne sauraient pourtant s’em¬
pêcher de juger qu’il est plus petit, lorsqu’ils jettent les yeux sur lui »).
L’interposition d’objets, « qui nous font mieux remarquer leur distance »,
explique l’apparent agrandissement des astres à l'horizon, Diop., VI
144-145.
a. Pr., préface, IX-2, 15.
b. Mét., 2, VI, 239-248.
c. Met., 3, VI, 249-264.
d. Mét., 7, VI, 315-323.
e. P. ex., Mét., 6, après la minutieuse description des étoiles de
neige, « je me satisfis bientôt là-dessus, en considérant de quelle
façon le vent agite toujours et fait plier successivement toutes les par¬
ties de la superficie de l’eau... Car je connus là qu'infailliblement U
fait plier et ondoyer en même sorte les superficies des nues... », etc.
(VI, 301) ; et après l’observation « à trois jours de là, » de neige
« toute composée de petits nœuds ou pelotons environnés d’un grand
LES MÉTÉORES
201
vol bas des hirondelles, quand le vent qui précède les
fortes pluies « fait descendre certains moucherons dont
elles vivent »f, description de la naissance des tor¬
nades, suivant « les mariniers... flamands »g, évocation
des avalanches d’après une observation personnelle
datant du retour d’Italie h. Aussitôt jugés « arbitraires
et ^ problématiques, mais admirables pourtant » les
Météores recueillent ainsi le bénéfice de cette première
passion, qui porte « à considérer avec attention les
objets qui lui semblent rares et extraordinaires »j, et
qu’ils tendaient à dissiper m, en trouvant « les causes
de tout ce qu’il y a de plus admirable dessus la terre » K
o. A Mersenne, fin déc. 1637, I, 479 : « Tant s’en faut que les choses
que j’ai écrites puissent être aisément tirées de Viète, qu’au contraire,
ce qui est cause que mon traité est difficile à entendre, c’est que
j’ai tâché à n’y rien mettre que ce que j’ai cru n’avoir point
été su ni par lui, ni par aucun autre... J’ai commencé où il avait
achevé » ; cf. 31-3-1638, II, 82.
p. Gêom., 1, VI, 369-370.
q. A Elisabeth, nov. 1643, IV, 38 : « je ne considère point d’autres
théorèmes, sinon que les côtés des triangles semblables ont semblable
proportion entre eux » (cf. VI, 370 : par la construction de deux trian¬
gles BAC et BDE dont les bases sont parallèles, et la proportion
AB (= 1) BC
--= , on obtient le produit BC x BD = BE (x 1), et inver-
DlJ iDIl
y* 2, VI, 413 t « je croirai avoir mis ici tout ce qui est requis pour
les éléments des lignes courbes, lorsque j’aurai généralement (souligné
par nous) donné la façon de tirer des lignes droites qui tombent à
angles droits sur tels de leurs points qu’on voudra choisir... C’est le
plus utile... que j’aie jamais désiré de savoir en Géométrie » ; et 413-424
sur cette « façon générale ».
Z. Roberval contre Descartes, avril 1638, II, 111 ; au contraire
Fermât s’appuie sur les propriétés spécifiques de chaque courbe ib
107-113.
a. Il s agit de la courbe dite « folium de Descartes », qui forme une
double boucle ; a Mersenne, 23-8-1638, II, 316 et 336 ; « puisque je vois
qu’il a pris plaisir à considérer la figure de cette ligne, laquelle il
nomme un galand ou une fleur de jasmin » (le 27-7, il disait : « M. de
Roberval me semble aussi vain avec son galand, qu’une femme qui
attache un ruban à ses cheveux », II, 274), « je lui en veux ici donner
une autre qui ne mérite pas moins que celle-là les mêmes noms », et,
à la fin de cette longue lettre : « J’oubliais à vous dire que ma
nouvelle ligne que j’ai proposé au Sr Roberval... est toute la même que
1 autre, ce que je fais pour me rire de lui, s’il ne la reconnaît pas, à
cause qu’il s’est vanté de la connaître comme le cercle ».
206 DESCARTES
M sont
ttons) sont ?nrlte‘^T^''®®1°"
« prêtes il y a longtemps » (III, 126). ^es Médita-
VERS LES MÉDITATIONS 211
r'étr^ .
DEUXIÈME PARTIE
LE FONDEMENT DE LA VÉRITÉ
CHAPITRE V
DU DOUTE
AU PREMIER PRINCIPE INDUBITABLE
c. Ib., 8.
d. Ib., 10.
e. Ib., 7.
f. D. M., 2, VI, 18. Cf. R. 2, X, 362.
g. D. M., 2, VI, 21 et 22.
h. D. M., 3, VI, 25.
i. D. M 1, yi, 10 : le but de Descartes était « d’apprendre à
distinguer le vrai d avec le faux, pour voir clair en ses actions et mar¬
cher avec assurance en cette vie ».
DOUTE MÉTHODIQUE 217
c. IX, 61.
d. X, 510. Cf. R. 12, X, 423, l’exemple de la jaunisse.
e. Méd., 1, IX, 14.
f. Méd., 1, IX, 14.
g. Rech. vér., X, 511.
h. IX, 14 et X, 511. Les exemples que choisit Descartes affectent
l’identité personnelle (« ils sont des rois »), ou la notion du corps
propre (« avoir un corps de verre », IX, 14 ; « avoir quelque partie
du corps d’une grandeur énorme », X, 511). Alors que dans l’illusion
de amputés (Méd., 6, IX, 61 ; Pr.. 4, a. 196), les sensations demeurent
« normales » en l’absence du membre coupé, ici une lésion cérébrale
les déforme.
i. D. M., 4, 37-38.
FOLIE ET RÊVE 223
p. Méd., 1, IX, 15 : « mon étonnement (au sens fort) est tel, qu'il
est presque capable de me persuader que je dors ».
q. Pr., 1, a. 4 : « en dormant, ...il nous semble que nous sentons
vivement et que nous imaginons clairement une infinité de chose qui ne
sont point ailleurs ».
r. D. M.. 4, VI, 32. Cf. ib. (après le Cogito) : « je pouvais feindre
que je n avais aucun corps, et qu’il n'y avait aucun monde ».
s. Ib., 37-38 ; « aucune raison » n'ôterait ce doute, si l’on n’avait
démontré Dieu, qui est donc plus certain que tout ce dont le sens com¬
mun se croit le plus assuré, « comme d’avoir un corps, et qu’il y a
des astres et une terre, et choses semblables » .
RÉSISTANCE DE L'ÉVIDENCE 225
8
226 DESCARTES
w. Ib. et VII, 20 : « vera esse » est traduit par « qui sont vraies
et existantes ».
X. Ib. Cf. la liste des natures simples dans R. 12, X, 419, et des
« notions générales », Pr., 1, a. 48. Ce sont « les notions simples qui
composent nos pensées » (a. 47).
y. R. 12, X, 423 et X, 420, T. : « ces natures simples sont toutes
connues par elles-mêmes (per se notae) et ne contiennent jamais rien
de faux ».
RÉSISTANCE DE L’ÉVIDENCE 227
raies, sans se mettre beaucoup en peine si elles sont
dans la nature, ou si elles n’y sont pas » Leur esse se
suffit à lui-même, sans relation à quelque objet exté¬
rieur que les arguments précédents ont rendu douteux :
si je rêve, ces astres, cette terre sont peut-être imagi¬
naires. Mais « que je veille ou que je dorme, deux et
trois joints ensemble formeront toujours le nombre de
cinq, et le carré n’aura jamais plus de quatre côtés
Ainsi, contre l’instabilité du sensible, Platon affirmait la
résistance de l’intelligible : « Pas même en rêve, tu n’eus
jamais l’audace de te dire à toi-même que d’une façon
totalement catégorique les impairs sont pairs » De
même, le Discours déclare : « s’il arrivait, même en
dormant, qu’on eût quelque idée fort distincte, comme,
par exemple, qu’un géomètre inventât quelque nouvelle
démonstration, son sommeil ne l’empêcherait pas d’être
vraie » i*. Mais c’est après que la connaissance de Dieu
nous ait assuré que les idées fort distinctes sont toutes
vraies. Pour fonder métaphysiquement ce principe, il
faut éprouver s’il est totalement inébranlable. Aussi les
Méditations inventent-elles une machine de guerre contre
les « vérités si apparentes « (perspicuae, évidentes)
qu’elles ne semblent pas pouvoir « être soupçonnées
d’aucune fausseté ou d’incertitude » '=.
Le Discours rejetait « comme fausses toutes les rai¬
sons... prises auparavant pour démonstrations », en
généralisant, comme pour les illusions sensibles, les
erreurs de fait qu’il nous arrive de commettre Les
sceptiques mettaient couramment en cause le fonc¬
tionnement de la raison, taxant de cercle vicieux le syllo¬
gisme aristotélicien, faisant éclater les connexions stoï-
e 7- rép., VII, 512 (§ 9,00) ; T., éd. Alquié, t. II, p. 1017 : <c il
appelle la logique à son secours, il recommence le combat, il examine
out, il pese tout, il balance tout... ; et enfin par le moyen de ces mots
determinement et indéterminément, comme par autant de petits sentiers
détournés, il s enfuit et s'échappe ».
Cette faiblesse de l’argumentation ferait plutôt
f s substituée, par prudence, à une raison plus
forte de douter meme des démonstrations ^
g. D. M., 2, VI, 21.
h. « Genium... malignem », Méd., 1, VII, 22; la traduction dit ■
« un certain mauvais génie », IX, 17.
DIEU TROMPEUR 229
Par sa mise en œuvre, c’est le point culminant du
doute cartésien, et le plus original, même si on lui
trouve des sources. Reve et folie parfois, chez les Anciens,
manifestaient 1 intervention des dieux. Platon, dans sa
critique des impiétés de la mythologie, s'élève contre
1 idée que Dieu peut, « comme un magicien, par ime
insidieuse machination, nous abuser et faire apparaître
de lui des images illusoires ». Et il conclut : « Dieu est
absolument simple et vérace » Le faux dieu trompeur
a déjà pour contre-partie la découverte du Dieu absolue
vérité. Dans leurs discussions sur la distinction des
représentations pleinement évidentes, et de celles qui
s en approchent, les stoïciens évoquent l’hypothèse d’une
production par Dieu de représentations fausses, devant
lesquelles la liberté du sage devrait refuser son assen¬
timent 1*. Aussi les adversaires du stoïcisme lui renvoient-
ils un argument ad hominem. Les Premiers Académiques
passent, comme les Principes », du fait qu’on est parfois
prisonnier de raisonnements faux i®, à la crainte qu’ « un
dieu qui peut rendre probables » (ou : attirant l’approba¬
tion) « des représentations... fausses », ne puisse « en
faire autant de celles qui approchent beaucoup de la
vérité », jusqu’à faire s’évanouir, selon le procédé du
sorite, toute différence perceptible entre l’illusoire et
l’évident 20. Mais l'hypothèse, scandaleuse pour Platon,
est non moins repoussée par Antiochus : « Qui... vous
accorderait que tout est possible à Dieu ? » 21. Des¬
cartes précisément ! Le débat restait à peine esquissé, car
seule importait la question : certaines représentations
privilégiées ont-elles par elles-mêmes, de quoi s’im¬
poser irrésistiblement ? C’est bien le point de départ
de la problématique cartésienne : jusqu’où peut-on refu¬
ser d’assentir à une évidence « per se nota », connue par
elle-même, sans contrôle extérieur ? Toutefois, ces discus¬
sions des Académiques portaient sur une évidence sensi¬
ble, attribut de la représentation perceptive. Et les illu¬
sions envoyées par les dieux étant beaucoup plus excep-
j. 6‘ rép., début, IX, 225 ; cf. 7® rép., vers la fin, VII, 559 ; T., éd,
Alquié, t. II, p. 1070-1071 : « Car la première pensée, quelle qu'elle soit,
par laquelle nous apercevons quelque chose, ne diffère pas davantage de
la seconde, par laquelle nous apercevons que nous l'avons déjà
auparavant aperçue, que celle-ci diffère de la troisième par laquelle
nous apercevons que nous avons déjà aperçu auparavant cette chose » :
la conscience ne peut jamais être divisée contre elle-même.
k. 6‘ rép., IX, 225. Le latin, VII, 422, dit que cette connaissance
interne précède « reflexam », la connaissance réfléchie, et l’appelle
innata, traduit, selon l'usage du XVII<= siècle, par « naturelle ».
242 DESCARTES
1- R. 3, X, 368, T.
m. A Colyius 14-11-1640, III, 248 et rééd., 871 : Descartes vient
d aller lire a la bibliothèque de Leyde, le « passage de saint Augustin »
aveVlTco°g7ta^°"'^'‘''‘ ^ " quelque raîliort »
5. « Que suis-je ? »
d. Juin ou juillet 1646, IV, 444 : « // est impossible que ce qui est ne
‘^hose est; donc je connais qu’il est
impossible qu elle ne soit pas. Ce qui est de bien peu d’importance et
ne nous rend de rien plus savants » : cf. la fin de Pr la If)
e. IV, 444 (souligné dans le texte).
f. Méd., 2, IX, 19.
g. IV, 444-^5 ; « ce n’est pas une condition qu’on doive requérir
au premier principe, que d’être tel que toutes les autres propositions
se puissent réduire et prouver par lui ; c’est assez qu’il puisse se^fà
n? plusieurs et qu il n’y en ait point d’autre dont il dépende
ni qu on pmsse plutôt trouver que lui ». ^
LE MOI PENSANT 247
k. Pr., 1, a. 8.
^/°Srcimma (ou « Explicatio mentis humanae »...) n” 5 VIII 2
dlni P^7 354-355 : reprise de la discussion pa^ Regius
dans PMosophta naturalis, 1654, p. 338-339 : cf. les extraits dans
Descartes, Lettres à Regius et Remarques sur Vexpli-
catwn de l esprit humain, pp. 198-201. ^
p. Ib., 10 : « enfin l’on doit conclure de tout cela que les choses
que l’on conçoit clairement et distinctement être des substances diffé¬
rentes, comme l’on conçoit l’esprit et le corps, sont en effet des
substances diverses, et réellement distinctes » (ce qui se conclut dans
la 6= Méditation).
q. A Descartes, juillet 1641, III, 403, T.
r. Descartes la résume (à Regius, janv. 1642, III, 503) par la
crainte que la négation des formes substantielles ne renouvelle
l’erreur de l’âme du monde, et répond que pour lui l’âme est vraie et
seule forme substantielle. Il ne distingue pas les erreurs voisines
opposées par Voet (cf. III, 513) : âme du monde, intellect universel
d’Averroès, esprit de Platon.
s. A VHyperaspistes, août 1641, III, 426, T.
250 DESCARTES
Z. Ib., 20 et 21.
a. A Silhon ?, mars 1637, I, 353.
LE MOI PENSANT
253
Descartes par « nature intellectuelle » ? La pointe de la
reflexion, dans la seconde Méditation, « je n'admets
maintenant rien qui ne soit nécessairement vrai »
conclut : « Je ne suis donc précisément parlant qu'une
chose qui pense, c'est-à-dire un esprit, un entendement
termes dont la signification
m était auparavant inconnue »b. Elle se dévoile donc
a partir de leur exercice. La pensée en acte doit recréer
le langage. (C est un des paradoxes du cartésianisme que
d?nn,^îcT^n^ii se dire selon des formes
domees). Elle récusé comme douteuses les anciennes
un homme ? un animal raison-
nouvelle définition les difficultés se
multiplient, nous entraînant dans un labyrinthe sans
issue ç. De meme Descartes n'a jamais « mis en dispute
appelé du nom de corps, ou d’âme, ou
pri » . Il dénoncé 1 équivoque de la conception
cominune qui attribue à l'âme les fonctions vitales, fai¬
sant du corps inanimé un cadavre, et qui imagine cette
anima comme un souffle subtil, et néanmoins maté¬
riel e. Ee terme de spiritus n'est pas étymologiquement
plus pur ; et Descartes n'est pas parti de ce qu'il enten¬
dait « par le nom d’esprit. Mais j'ai examiné si j'avais
en moi quelqu'une des choses que j'attribuais à l'âme
dont je venais de faire la description » (c'est-à-dire ces
fonctions ammatrices) : « et, ne trouvant pas en moi
toutes les choses que je lui avais attribuées, mais n'y
remarquant que la pensée, pour cela je n'ai pas dit que
j,etais une âme (anima), mais seulement j'ai dit que
J étais une chose qui pense, et j'ai donné à cette chose
qui pense le nom d'esprit, ou celui d'entendement et de
raison, n entendant rien de plus par le nom d'esprit que
par celui d'une chose qui pense » f.
p. Ib., 24 : « quelle est cette cire qui ne peut être conçue que par
1 entendement ou l’esprit (Le latin, VII, 31, dit seulement « sola
mente » : les deux termes sont encore équivalents).
q. 6, IX, 62 et VII, 78 (les mots soulignés par nous sont ajoutés
à la traduction^ qui explicite aussi la notion de substance, en comparant
avec les « modes » du corps). Cependant, « elles enferment quelque
sorte d intellection » (ib.). On ne saurait déceler aucune intellection
« pure » au cœur de 1 imagination et de la sensation : Descartes renvoie
donc à cette « raison commune » de toute pensée qui est perception
de soi par soi : 3e rép. n» 2, IX, 137.
256 DESCARTES
9
258 DESCARTES
i. Rép. instances, IX, 215 ; 2" rép., IX, 102 : Descartes ne cherche
pas alors si l’esprit est différent du corps, mais examine les propriétés
dont 11 a une claire connaissance.
j. ^ rép., IX, 171 ; p. ex. je ne connais pas encore que l’esprit
^ 2 VII°T/ substantiellement uni.
X. Ib., 28.
y. Ib., 29.
Z. 2' rép., IX, 110 (VII, 140 et rééd., 609 : ce n’est pas une citation),
Cf Méd., 5, IX, 55 ; 4' rép., IX, 190 : « nous sommes assurés que Dieu
CONTRE LE « CERCLE »
265
prêtes se sont alors demandé s’il est légitime que Dieu
assure notre mémoire, ou s’il maintient la permanence
ontologique du vrai 62^ mais la fragilité du souvenir a
d autres remedes concrets a, et la subordination de la
vente a Dieu suffit pour la faire éternelle. Tout se joue
pourtant bien entre la présence et la non-présence et
c est pourquoi il faut en revenir au moment où le doute
hyperbolique affecte encore l’évidence actuelle, alors que
« toutes les fois que je me tourne vers les choses que ie
pense concevoir fort clairement », je suis irrésistible¬
ment « persuadé par elles » b. La distinction entre cette
persuasion et la véritable science est précisée par Des¬
cartes au premier lecteur du manuscrit des Méditations,
qu il croyait son meilleur disciple. Et pourtant, Regius
en objectant que la vérité des axiomes est par elle-même
manifeste, montre qu’il n’a rien compris à la nécessité de
la démarché cartésienne. Si l’évidence qui est à la base
des mathématiques s’impose absolument, tout athée
peut etre géomètre, la science est autonome ; et Regius
rejettera les spéculations métaphysiques, en les liant
d ailleurs à la révélation, en appendice à ses Fonde¬
ments de physique 63... Au contraire pour Descartes, la
vérité des axiomes n est manifeste que « pour tout le
temps (quandiu) qu’ils sont clairement et distinctement
compris, parce que notre âme est de telle nature, qu’elle
ne peut refuser de se rendre à ce qu’elle comprend dis¬
tinctement ; mais parce que nous nous souvenons sou¬
vent des conclusions que nous avons tirées de telles pré¬
misses, sans faire attention aux prémisses mêmes, je dis
alors que sans la connaissance de Dieu nous pourrions
feindre qu elles sont incertaines, bien que nous nous
existe parce que nous prêtons notre attention aux raisons qui nous
prouvent son existence ; mais après cela, il suffit que nous nous ressou¬
venions d’avoir conçu une chose clairement, pour être assurés qu’elle
est vraie ».
a. E. Burm., V, 148 ; on peut s’aider de l’écriture, ou d’autres
moyens (comme la répétition).
b. Méd., 3, IX, 28. Cf. ib., a. 43, fin ; Méd., 5, IX, 54 (« il n’y a que
les choses que je conçois clairement et distinctement qui aient la force
de me persuader entièrement ») et 55 (je suis « d’une telle nature que
dès aussitôt que je comprends quelque chose fort clairement et fort
distinctement, je suis naturellement porté à la croire vraie »).
266 DESCARTES
j. Ib., 114.
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CHAPITRE VI
P fÏÏÎ: l«2’
haut (IX. 30) commèUnî msS pï P'”
RÉALITÉ FORMELLE 277
patron ou mi original ».
a. Ib. : « veluti quasdam imagines ».
b. Ib., IX, 32-33. Cf. 2‘ rép., axiome 5, IX, 128 : « la réalité objective
de nos idées requiert une cause, dans laquelle cette même réalité soit
contenue, non seulement objectivement, mais même formellement, ou
280 DESCARTES
ctïTïn,' ■'=
c. Méd., 3, IX, 33.
V- Ib., 393-394.
q. Ib., 394.
r. Méd., Epître dédicatoire, IX, 6. Il reconnaît que, « bien enten-
dues », « presque toutes les raisons » apportées par ses prédécesseurs
sont démonstratives, et qu'il est « presque impossible d’en inventer de
nouvelles », Il s’est borné à « rechercher une fois (semel : ZXn7e
/oisJ curieusement et avec soin les meilleures et plus solides et
les disposeï en un ordre si clair et si exact, qu’il soit constant désor
mais a tout le monde que ce sont de véritables démonstrations »,
l’idée de dieu 285
de reconnaître en eux l’idée de Dieu ; Ü ne doute nulle-
rnent que tous ne la possèdent, au moins implicitement
cest-à-dire aient l’aptitude à l’apercevoir explicitement'
meme s ils ne la remarquent pas, fût-ce peut-être après
la millième lecture des Méditations K Et il ridiculise
l’accusation de mauvaise foi portée par Voëtius, qui le
soupçonne d’athéisme pour avoir ainsi rendu inutile toute
preuve de Dieu, puisque chacun est censé en avoir
1 idee ‘. Or la vigueur de la démonstration réside dans
le passage d|une notion encore imprécise, voire contes¬
tée, à 1 irrésistible évidence que je ne saurais aucune¬
ment le penser si Dieu n’existait réellement. Cette expli¬
cation s’appuie sur l’armature technique précédem¬
ment élaborée pour toute idée, celle de Dieu seule brisant
1 enclos du^ Cogito. Sa réalité objective requiert une
cause, que je ne puis fournir, puisque je suis un être fini
et imparfait, et qu elle représente un infini absolument
parfait : tel est le cœur de l’argument. C’est donc une
preuve par la causalité, autrement dit à partir d’un effet
créé, selon la démarche la plus couramment admise *1 ;
rnais cet effet ne peut être, comme dans les preuves tra¬
ditionnelles, le monde ou les choses sensibles, puisque
leur existence reste douteuse C’est donc une idée, aussi
réellement existante que toute modalité du Cogito, et
telle que les caractéristiques de ma pensée, mises' en
évidence par ce même Cogito, sont radicalement inca¬
pables d’en rendre compte.
Quelle est cette idée ? « Par le nom de Dieu, dit
Descartes, j’entends ime substance infinie » ; et il pour¬
suit par une série d’attributs, qui varient légèrement
d’un texte à l’autre ^ : éternité, immutabilité, indépen-
y. E. Bumt., V, 153, T.
Z. Méd., 3, IX, 36.
288 DESCARTES
10
290 DESCARTES
3. La preuve de Dieu
par la contingence de mon être pensant l’infini
X. V, 154-155, T.
y. P rép., VII, 106. La traduction (IX, 84) est plus faible : « outre
cela, j'ai demandé, savoir si je pourrais être, en cas que Dieu ne fût
point, non tant pour apporter une raison différente de la précédente,
que pour expliquer la même plus exactement ». En fait elle atteint
mieux l’absolu, tout en se fondant sur la même raison, l’idée d’infini
en moi fini.
Z. C'est-à-dire non per aliud, concevable sans un autre support,
tandis que chaque modification ne peut subsister dans un tel sujet. Cf!
Er., 1, a. 51, définissant la substance comme « rem quae ita existit,
ut riulla alia re indigeat ad existendum », le français étant encore ici
équivoque, disant « qu’elle n’a besoin que de soi-même pour exister ».
a. i' rép., VII, 109-111 (répétant bien a se, pour préciser la notion
positive de causa sui) ; IX, 87-88.
296 DESCARTES
O. Ib.
p. P rêp., IX, 85 : « afin de me délivrer par ce moyen de toute
suite et succession de causes », l’argument étant donc tout autre
« que si, de ce que je vois que je suis né de mon père, je consi¬
dérais que mon père vient aussi de mon aïeul ; et si parce qu’en
cherchant ainsi les pères de mes pères, je ne pourrais pas continuer
ce progrès à l’infini, pour mettre fin à cette recherche, je concluais
qu’il y a une première cause » (comme le fait la référence des moteurs
mus au premier moteur immobile).
q. 4‘ rép., IX, 187.
r. A l’Hyperaspistes, août 1641, III, 429-430.
s. A Mersenne, 28-1-1641, III, 298.
t. 1‘ rép., IX, 85.
300 DESCARTES
y. Ib., 39.
Z. obj., IX, 76. Caterus cite un cours de Suarez, disant que si
quelque chose est a se, et non par une cause, il est par là-même
infini et sans limites. Mais Caterus n'adopte pas cette conclusion,
admettant la possibilité d'un être indépendant d'autrui et limité par
son essence. Cette position fait d'autant mieux ressortir l'étroite
connexion des caractéristiques cartésiennes de Dieu.
a. P rép., IX, 88 et 89. Cf. P rép., IX, 184, sur la légitimité
d'appliquer dans la recherche les mêmes questions à Dieu ; 185-186
sur la différence avec la cause efficiente.
b. 4‘ rép., IX, 184.
c. Ib., 186.
d. Ib., : « son essence est telle, qu’elle a eu de toute éternité
tout ce que nous pouvons maintenant penser qu’elle se donnerait, si
elle ne l’avait pas encore » ; ce sont là les « manières de parler » de
notre pensée essentiellement liée à la succession.
302 DESCARTES
e. Pr., 1, a. 21.
f. Pr., 1, a. 51.
g. 4‘ obj., IX, 165 ; et 4‘ rép., IX, 185 et 187.
h. Méd., 3, IX, 41 : les derniers mots, « dès lors... » sont ajoutés
dans la traduction.
LA MARQUE DE DIEU 303
en puissance, car être en quelque faculté n’est pas être en acte, mais
seulement en puissance ; et le nom même de faculté ne désigne rien
d’autre que la puissance ».
m.Ep. Voet., VIII-2, 166-167 (T. : Lettres de Descartes à Regius,
pp. 193-195). Ann. Pr., XI, 655, compare cette innéité à la potentialité de
diverses figures en la cire.
^ Mersenne, 25-12-1639, II, 628; à Christine,
20-11-1647, V, 85, et tnfra. § 5 et Concl., § 3.
O. A Newcastle (ou Silhon ?), mars ou avril 1648 V 138
p. Ib., 136-137. ’ '
LA VÉRACITÉ DIVINE 305
q. Ib., 137 : ces notions « pour claires qu’elles soient, ne sont que
grossières et confuses sur un si haut sujet. De sorte que ce que nous
avons ou acquérons de connaissance par le chemin que tient notre
raison a, premièrement, les ténèbres des principes dont il est tiré,
et de plus, l’incertitude que nous éprouvons en tous nos raisonne¬
ments... ».
r. Méd., 3, IX, 41 et 42.
s. Méd., 3, IX, 41.
t. IX, 42-43 (après que Descartes ait rappelé la certitude de la
démonstration de Dieu, et annoncé que la contemplation du vrai Dieu,
renfermant tous les trésors des sciences et de la sagesse, va le
conduire à la connaissance des autres choses).
306 DESCARTES
y. IX, 29.
Z. Méd., 4, IX, 43 (de même que la citation suivante). L’idée du
néant est dite par Descartes « négative » ; car sa réalité objective
est nulle : elle est la limite extrême du pensable. Cf. E. Burm., V,
153 ; « en métaphysique, le néant est entendu à travers l’être ».
a. Pr., 1, a. 31 ; cf. Méd., 4, IX, 43-44, développant en français
ces notions techniques : « l’erreur n’est pas une pure négation, c’est-
à-dire n’est pas le simple défaut ou manquement de quelque perfection
qui ne m’est point due, mais plutôt est une privation de quelque
connaissance qu’il me semble que je devrais posséder ».
b. Ib., 44 ; E. Burm., in Pr., 1, a. V, 166, T. : « il a nécessaire¬
ment voulu le meilleur, bien que le meilleur soit tel par sa volonté » ;
Pr., 3, a. 1 : on ne saurait concevoir les ouvrages de Dieu « trop
grands, ou trop parfaits ». Cependant Descartes refuse de déterminer
« que Dieu fait toujours ce qu’il connaît être le plus parfait », ce
qui dépasse « un esprit fini » (Il n’y a d’ailleurs pas connaissance
préalable) ; et si on supposait le monde imparfait, la difficulté d’ex¬
pliquer l’erreur disparaîtrait (à Mesland, 2-5-1644, IV, 113).
c. Méd., 4, IX, 44.
308 DESCARTES
j. ib., 46.
k. Pr., 1, a. 6, 39, 41 ; 5‘ rép., in Med. 4, § 3, VII, 377 ; E. Burm.,
in Med. 4, V, 159.
l. Méd., 4, IX, 46 ; mais le latin, VII, 57 (« ut a nulla vi externa
nos ad id determinari sentiamus ») permet la seconde traduction. La
question d’une motion à notre insu est posé dans le manuscrit Car-
tesius, XI, 648, cité supra ch. III, § 2, p. 109 ; on y trouve la double
définition : avoir conscience de n'être pas empêché de vouloir libre¬
ment le contraire (puissance des contraires), et de n’être pas contraint
par quelque puissance extérieure (spontanéité interne).
m. A Mesland, 2-5-1644, IV, 117.
n. 2‘ rép., IX, 116 ; Méd., 4, IX, 46. Lumière naturelle et surna¬
turelle portent chacune au vrai comme au bien.
O. A Mesland, 2-5-1644, IV, 116 et 117.
p. Ib., 117, citant « omnis peccans est ignorans », qu’on trouve
déjà, à Mersenne, 27-4-1637, I, 366, pour commenter le D. M., 3, VI,
28 ; « il suffit de bien juger pour bien faire ». Mais rien ne précise
LIBERTÉ ET JUGEMENT 311
6. La preuve ontologique
X. Ib.
y. Méd., 4, IX, 49.
Z. IX, 50.
a. 4, VI, 36 : l’argument remonte donc au commencement de méta¬
physique de 1629, ou au début de 1630, en liaison avec la découverte
de la création des vérités éternelles : cf. ch. III, § 3, pp. 117-118.
314 DESCARTES
11
322 DESCARTES
y. Méd., Abrégé, IX, 9-10, précisant que dès cette seconde Médita¬
tion, elle est « entièrement distincte de toutes les conceptions que l’on
peut avoir du corps ». Mais la « conception distincte de la nature
corporelle » engage les Méditations 2, 5 et 6.
Z. Rép. instances, IX, 215 : il s'agit de Méd. 2, VII, 27 et IX, 21 :
« je ne suis donc précisément parlant qu’une chose qui pense » ;
Descartes rappelle qu’un peu plus loin, il disait du corps inconnu,
cependant peut-être non différent « en effet » (tamen in rei veritate
non différant) du moi connu : « je n’en sais rien, je ne dispute pas
maintenant de cela » (ib.).
a. A de Launay, 22-7-1641, III, 421 : mais Descartes poursuit alors :
« et on n’en saurait remarquer pucune entre l’âme et le corps, pourvu
qu’on ne les conçoive que comme il les faut concevoir, à savoir l’un
comme ce qui remplit l’espace, et l’autre comme ce qui pense ».
LE DUALISME 337
s. Ib., a. 63.
t. 4‘ rép., IX, 173 : « si... nous voulions dépouiller cette même
substance de tous ces attributs qui nous la font connaître, nous détrui¬
rions toute la connaissance que nous en avons », et « tout ce que
nous en dirions ne consisterait qu’en paroles » confuses.
U. Pr., 1, a. 64.
V. 3‘ rép., n° 2, IX, 137 : « nous appelons du nom de corps la
substance en laquelle... résident » tous les actes qui ont pour « raison
commune » l’étendue ; de même pour le sujet des actes intellecmels,
ou conscients ; 4‘ rép., IX, 173 ; les attributs « doivent être attachés à
quelque chose pour exister » ; c’est la substance ; E. Burm., V, 156, T. :
« outre 1 attribut qui spécifie la substance, on doit concevoir encore
la substance, qui est sous-jacente (substernitur) à cet attribut ». Mais
c’est l’attribut qui est à la base des modes, comme « nature parti¬
culière qui les reçoit » (à Amauld, 29-7-1648, V, 221, T.), ou « principe
interne » d’où ils procèdent (Notae Prog., VIII-2, 349, T.).
w. E. Burm., V, 151-152 : exemple des propriétés du triangle qu’un
mathématicien trouvera peut-être dans milie ans
X. A Gibieuf, 19-1-1642, III, 478.
l'immortalité 343
b. IX, 9.
c. Ib.. IX, 10.
d. Les Principes ne reprennent pas cette démonstration : l’im¬
mutabilité divine ne fonde que la permanence de la quantité de mouve¬
ment, et de l’état de chaque chose, « pendant que rien ne le change »,
2, a. 36-37. A Mersenne, 26-4-1643, III, 649, précise : « Dieu... étant...
immuable, il me semble répugner qu’aucune chose simple qui existe...
ait en soi le principe de sa destruction ».
e. Ib., IX, 10. Nous retrouverons ce problème à propos de l’union,
que Descartes n’a pas non plus exposée dans les Principes. Le traité
des Passions, a. 30, évoque, avec la jonction de l’âme € à tout le
corps », l’indépendance des deux natiu-es : « elle s’en sépare entière¬
ment, lorsqu’on dissout l’assemblage de ses organes ». Sur la sub¬
stantialité du corps en général, infra, § 6, p. 384, note x.
f. A Chanut, 6-6-1647, V, 53 : Descartes y rappelle ensuite la pro¬
messe de résurrection des corps (alors que toutes ses réflexions philo-
l'immortalité 345
12
354 DESCARTES
269, T. : « si on veut que Dieu soit en un sens étendu, parce qu’il est
partout, je le veux bien ; mais je nie qu'en Dieu, dans les anges, dans
notre âme, enfin en toute autre substance qui n’est pas corps, il y ait
une vraie étendue, telle que tout le monde la conçoit ».
c. Ib., 269-270 : la véritable étendue est « aliquid imaginabile »,
ayant des parties extérieures les unes aux autres (partes extra partes),
distinguées par l’unagination, qui peut en transférer une à la place
de 1 autre, mais non en imaginer deux ensemble dans le même lieu.
d. A Elisabeth, 28-6-1643, III, 691-692.
e. Ib.. 692.
364 DESCARTES
f. Ib.
g. Préface à l’éd. latine des Pr., VIII, 3-4 ; IX-2, 22-23 : au contraire
la plupart de ceux qui sont doués en mathématiques sont peu aptes à
bien entendre la métaphysique.
h. A Elisabeth, 21-5-1643, III, 665 ; 28-6-1643, III, 691.
i. Ib., 692-693. Cf. ses conseils, mai ou jmn 1645, IV, 220 : en
faisant une cure, « il se faut entièrement délivrer l'esprit de toutes
sortes de pensées tristes, et même aussi de toutes sortes de médita¬
tions sérieuses touchant les sciences », et « regardant la verdeur
d’un bois, les couleurs d’une fleur, le vol d’un oiseau » se persuader
qu’on ne pense à rien, pour recouvrer la santé, « fondement de tous
les autres biens » (et condition d’un bon exercice ultérieur de l’esprit).
j. A Arnauld, 29-7-1648, V, 222, T. : à VHyperaspistes, août 1641, III,
423-424 ; E. Burm., in Med. 6, V, 163.
k. A Elisabeth, 21-5-1643, III, 665.
l. Pr., 1, a. 48.
SENSATION ET SIGNE 365
toutes ces apparences, comme des formes substantielles
et qualités^ réelles, dont la source est en nous. Lorsque
la distinction réelle de l'esprit et du corps a référé à
chaque type de substance les modes qui dépendent des
deux attributs principaux adverses, « il ne reste plus
que les sentiments, les affections et les appétits desquels
nous pouvons avoir aussi une connaissance claire et dis¬
tincte » pourvu que nos jugements, toujours réglés par
la raison, en discernent le véritable domaine. Le préjugé
consiste à les transporter de la sphère vitale, où ils
naissent, à la représentation des choses hors de nous
Mais si 1 on découwe ainsi la genèse de l’erreur dans la
connaissance spéculative, il convient encore de déter¬
miner complémentairement quelle est la part de vérité
qu ont pour nous ces modes de l'union, dans le domaine
pratique.
m. Ib., a. 66.
n. Ib., a. 71.
O. Méd., 6, IX, 59.
p. Ib., 60.
q. Ib., 64.
r. Ib., 64.
366 DESCARTES
s. Ib., 65.
t. Ib.. 66.
U. Monde, 1, XI, 4 : « la Nature ne pourra-t-elle pas aussi avoir
établi certain signe, qui nous fasse avoir le sentiment de la lumière ».
l’organisme 367
Cette finalité est-elle admissible, si l'on condamne
toute spéculation sur les fins visées par Dieu dans
la constitution des êtres ? Cependant Descartes ne nie
pas les développements de Gassendi sur « cet usage
admirable de chaque partie dans les plantes et dans les
animaux », mais on doit le rapporter « à la cause effi-
ciente »\ Il considère chaque organisme comme une
totalité donnée en fait, ce qui est la condition de son
fonctionnement et le savant se borne à chercher
comment tel mouvement « suit ... nécessairement de la
seule disposition des organes » Car « dans les corps
bien constitués, il y a une telle communication, un tel
consensus de toutes les parties entre elles », que chacune
agit en fonction de l’ensemble Point n’est besoin de
recourir ici à une intention particulière du Créateur : les
lois qu il a posées sufPisent pour que se développent ces
divers organismes. « Et l’ordre des nerfs, des veines, des
os et des autres parties d’un animal, ne montre point que
la ^nature n est pas suffisante pour les former, pourvu
qu’on suppose que cette nature agit en tout suivant les
lois exactes des mécaniques, et que c’est Dieu qui lui a
imposé ces lois » y. Mais les plantes et les animaux sont
comparables à des horloges, dont les rouages sont
mutuellement agences de sorte qu’ils obtiennent un cer¬
tain résultat, souvent approprié à la conservation de la
vie, comme le montrent les merveilles de l’instinct : plus
il^ est impeccable, mieux il indique le fonctionnement
régulier de la machine Et, en un sens, l’inclination ins-
d. Pas., a. 52.
e. Ib., a. 53.
f. Ib., a. 56 ; aussi l’admiration porte-t-elle « à considérer avec
attention les objets » qui se présentent (a. 70).
g. Ib., a. 56.
h. Ib., a. 57.
i. A. 61.
j. A. 69 : « l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie, et la
tristesse ».
k. A. 90 : le désir qui naît de l’agrément est un amour (sous sa
forme de libido), distinct de celui qui se définit par l’incitation « à se
joindre de volonté aux objets qui paraissent lui être convenables »
(a. 79).
370 DESCARTES
q. A. 139.
r. Réponse à la seconde lettre, 14-8-1649, préface des Passions, XI,
326.
s. A. 138 : « tous les animaux sans raison ne conduisent leur vie que
par des mouvements corporels, semblables à ceux qui ont coutxmie en
nous de... suivre » les passions, « et auxquels elles incitent notre âme
à consentir ». Cf. a. 50 ; à Newcastle, 23-11-1646, IV, 573-574 ; « Pour
les mouvements de nos passions, bien qu’ils soient accompagnés en
nous de pensée..., ils ne dépendent pas d’elle, parce qu’ils se font
souvent malgré nous, et... par conséquent, ils peuvent être dans les
bêtes, et même plus violents qu’ils ne sont dans les hommes, sans
qu’on puisse, pour cela, conclure qu’elles aient des pensées ». Et
parce que nous trouvons une signification aux expressions naturelles
des émotions, dans la mesure où nous les maîtrisons, et pouvons même
nous en servir pour les dissimuler (Pas., a. 113), nous sommes enclins
à interpréter comme des signes intentionnels « les mouvements naturels
de colère, de crainte, de faim » que les bêtes manifestent « par la
voix, ou par d’autres mouvements du corps » : ce n’est pourtant pas
là un a véritable langage », comme celui qui seul permet de discerner
la pensée, et dont les bêtes sont démunies (à Morus, 5-2-1649, V, 278, T.).
372 DESCARTES
t. Pas., a. 138.
U. Méd., 6, IX, 66 ; addition de la traduction.
V. Cf. le même exemple de nourriture empoisonnée, à VHyper-
aspistes, août 1641, § 1, III, 422-423, T. : s’il ne fie pas à son appétit,
l’homme sera mort de faim avant de connaître clairement et évidemment
si l’aliment est bon. La confiance dans la spontanéité naturelle est donc
généralement valable, même si à la limite elle devient nocive (cas de
l’homme qui ne disposerait que d'aliments empoisonnés, et à qui
l’abstinence serait favorable).
w. Méd., 6, IX, 67 : « ma nature ne connaît pas entièrement et
universellement toutes choses : de quoi certes il n’y a pas lieu de
s’étonner, puisque l’homme étant de nature finie, ne peut aussi avoir
qu’une connaissance d’une perfection limitée ».
X. Ib.
DÉRÈGLEMENT DES SENS 373
corps fonctionne comme un agencement de rouages et
ressorts, il est semblable à une horloge que « les lois de
la nature » entraînent à se dérégler progressivement.
Comme fragment de la nature, un animal-machine est
entièrement déterminé par les lois physiques, même si
par analogie avec le jugement porté sur notre condition,
nous disons que telle réaction est pour lui plus ou moins
bonne : « les bêtes n'ont aucune connaissance de l'utile
(commodi) ou du nuisible » y. Et les conditions qui défi¬
nissent une situation commandent aussi la solution.
« Au regard du corps », la nature est donc une donnée
de fait, non une norme. Son usage approprié (indiquer
1 heure exacte pour une montre) est xme dénomination
extrinsèque, ma pensée seule comparant le fonctionne¬
ment effectif de la machine avec un programme idéal,
sur lequel nous n’avons pas à spéculer : la science ne
connaît que les causes efficientes.
Seul l’homme éprouve la signification bonne ou
mauvaise des sentiments et des passions. Parce qu’il est
« un seul tout »z, de par l’unification que la forme de
l’âme imprime à son corps, la finalité interne s’applique
ici pleinement : « au regard de tout le composé, c’est-
à-dire de l'esprit, ou de l’âme unie à ce corps, ce n’est pas
une pure dénomination, mais bien une véritable erreur
de nature, en ce qu’il a soif lorsqu’il lui est très nuisible
de boire »a. L’étude des conditions physiques de trans-
rnission des messages jusqu’au centre cérébral, dont les
dispositions se traduisent pour l’âme en sensations,
montre que toute lésion sur le trajet d’un nerf aboutit
au même résultat dans le cerveau, tandis que la douleur
reste localisée à l’extrémité du nerf, objet normal de
l’avertissement : « la nature a institué » cette impression
cérébrale, « pour faire sentir de la douleur à l’esprit,
comme si cette douleur était dans le pied »t>. La cons¬
tance de la solution est fonction de sa simplicité : « on
c. Ib., 69-70.
d. Pr., 4, a. 196. Cf. Diop., 4, VI, 109 : « ce n’est pas proprement
en tant qu’elle est dans les membres qui servent d’organes aux sens
extérieurs qu'elle sent, mais en tant qu’elle est dans le cerveau... Car
on voit des blessures et maladies qui, n’offensant que le cerveau seul,
empêchent généralement tous les sens ». Et la lésion d’un nerf ôte
« le sentiment de toutes les parties du corps où ce nerf envoie ses
branches, sans rien diminuer de celui des autres ». (Descartes ne fait
pas la différence entre nerfs sensitifs et nerfs moteurs).
e. Méd., 6, IX, 71.
f. Ib.
LA SPONTANÉITÉ NATURELLE 375
g. Ib., 72.
h. Ib. ; fin des Méd. : « et enfin il faut reconnaître l'infinnité et
la faiblesse de notre nature ».
376 DESCARTES
n. Ib., a. 11.
O. Ib., a. 17.
p. Pr., 1, a. 71.
q. Pr., 2, a. 18. Cf. à Morus, 5-2-1649, V 271
r. Pr., 1, a. 71.
LE PLEIN 379
s. Pr., 2, a. 19.
t. Ib., 18.
U. Ib. Cf. à Morus, 5-2-1649, V, 272. Les machines pneumatiques
n’ont été mises au point que dans la seconde moitié du xvne siècle ;
mais Descartes aurait soutenu qu’il y avait raréfaction, comme pour les
expériences sur la pression atmosphérique qu’il conseillait à Pascal : à
Carcavi, V, 365-366.
V. Pr., 2, a. 7. L’a. 6 prend l’exemple d'une éponge qui garde la
même étendue, qu’elle soit gonflée d’eau, ou « sèche et plus serrée ».
w. Pr., 2, a. 12. Cf. a. 14-15 : nous distinguons, dans le langage,
le lieu, lié à la situation (laquelle se détermine par rapport aux corps
extérieurs), et l’espace occupé par une même grandeur ou figure.
380 DESCARTES
^
y A Chanut' conséquence pour l'astronomie.
13
386 DESCARTES
d. Ib., a. 26.
e. Ib., a. 54 ; a. 55 : « qu’il n'y a rien qui joigne les parties des
corps durs, sinon qu’elles sont en repos au regard d’une de l’autre » ;
a. 63 : « les parties des corps durs » ne sont « jointes ensemble par
aucun ciment », mais « sont en repos les unes contre les autres ».
f. 7, XI, 38.
g. Pr., 2, a. 37. Cf. la première règle du Monde, XI, 38-40. Cette
persistance naturelle concerne la figure en même temps que le mouve¬
ment ou le repos.
h. Pr., 2, a. 39. Cf. la troisième règle du Monde (XI, 43-46), qui lui
donne i le même fondement » (XI, 44), la création continuée. Leur
LOIS DU MOUVEMENT 387
Ces bases du mécanisme ruinent la conception sco¬
lastique du mouvement et son opposition entre mouve¬
ments naturels et violents. Ici encore, Descartes explique
la genese de 1 erreur aristotélicienne, par les conditions
des mouvements qui, à la surface de notre terre « ces-
sent en peu de temps » i ; le terme du mouvement natu-
rel était le haut ou le bas, en fonction de la nature dif¬
férenciée du lieu, et des qualités propres des éléments.
L espace cartésien redevient parfaitement homogène et les
memes tourbillons qui rendront compte de la pesanteur 1
expliquent les divers phénomènes célestes : il n’y a plus de
coupure entre le monde sublunaire et celui des astres,
ht tandis que pour Aristote les mouvements contraires
passaient par un repos intermédiaire « les projectiles
étant d’abord soutenus par l’air. Descartes, en même
temps qu il énoncé clairement le principe d’inertie, s’op¬
pose a cette conception et montre « la résistance de
1 air » 1.
^ Si chaque mouvement ne persiste pas indéfiniment,
c est en effet que tout est « plein de corps ; et néan¬
moins chaque partie de la matière tendant à se mou¬
voir en ligne droite, il est évident que, dès le commen-
cement que Dieu a créé la matière, non seulement il a
mu diversement ses parties, mais aussi qu’il les a faites
de telle nature que les unes ont dès lors commencé à
pousser les autres, et à leur communiquer une partie de
leur mouvement »“. La rencontre entre les corps com¬
mande ainsi la communication de tous les mouvements.
Descartes assimilant percussion et poussée ^5. Mais
bien qu il ait tenté d’analyser l’expérience de la per-
a. Pr.. 3, a. 17.
b. Ib., a. 39 ; cf. a. 38 : « nous avons bien plus de raison d'attribuer
ce mouvement à la terre », dans cette hyppothèse, parce que « la
séparation se fait en toute sa superficie, et non pas de même en toute
la superficie du ciel ».
c. Ib., a. 19. Descartes précise que c’est « seulement... une hypo¬
thèse », mais cette présentation utilisée par Galilée, avait été condamnée
par Rome. La lettre précitée (V, 550) marque plus nettement l'accord
avec le système « de Copernic, expliqué en la façon que je l’explique »
par de « serieuses et solides raisons ». Cf. Ann. Pr., fin, XI, 657 ;
1 Ecriture n’est pas contre Copernic, parlant selon l’image vulgaire et
plutôt pour lui si on l’entend bien.
d. Pr., 3, a. 28-29, et a. 7 sur la « distance indéfinie » des étoiles.
e. Ib., a. 29. Le latin dit toujours : fluide.
f. Pr., 2, a. 62 : « U obéit à son cours » ; cf. 3, a. 26 : « la terre
se repose^ en son ciel, mais... ne laisse pas d’être transportée par lui »,
« emportée par le cours^ du ciel », comme un vaisseau « en repos » sur
la mer, sans rames ni voiles pour se mouvoir, ni ancres pour le
retenir, et qui suit le flux et reflux de l’eau.
g. Ib., a. 28 : ces parties « s’éloignent » irrégulièrement de la terre ;
le mouvement est toujours reconnu au fluide, comme pour l’air et les
eaux à la surface de la terre.
392 DESCARTES
LA SAGESSE CARTÉSIENNE
a. Pas., a. 211.
b. A. 212, fin des Passions, parues à la fin de 1649 ; Descartes est
mort le 11-2-1650.
396 DESCARTES
p. Pas., a. 49.
q. A Elisabeth, 4-8-1645, IV, 265 et 266. Cf. Pas., a. 146 : « la raison
veut » que nous fassions « tout le mieux que notre entendement a pu
connaître », le reste ne dépendant pas de nous.
r. Pr., 4, a. 205.
s. A Elisabeth, 3-11-1645, IV, 334 ; « il faudrait que tous les
hommes fussent parfaitement sages, afin que, sachant ce qu’ils doivent
faire, on pût être assuré de ce qu’ils feront » ; mais leur liberté, en
cette vie, reste capable de défaillance, et Dieu seul peut en prévoir
les mouvements : cf. à Elisabeth, janv. 1646, IV, 353.
t. Pas., a. 146.
406 DESCARTES
3. Générosité et amour
(
envers les nommes », parce que les
« ic5 estiment tous •
... de la peur... et enfin de la colère » ;
Cf. a. 203.
l'amour d’autrui 409
j. 7b., a. 160.
k. A Christine, 20-11-1647, V, 85.
l. Pas., a. 83, avec référence aux a. 154 et 156 sur la générosité.
Cf. a. 79-80 sur la définition de l’amour comme union de volonté. L’a.
83 en distingue trois sortes : affection pour un objet inférieur, amitié
pour un égal, dévotion pour Dieu, ou « pour son prince, pour son
pays, pour sa ville, et même pour un homme » qu’on « estime beaucoup
plus que soi ». L’amitié y tend : à Chanut, 1-2-1647, IV, 612.
m. Pas., a. 156 : « ...et de mépriser son propre intérêt..., ils sont
toujours parfaitement courtois, affables et officieux envers un chacun ».
n. A Elisabeth, 6-10-1645, IV, 316 : « Dieu a tellement établi l’ordre
des choses, et conjoint les hommes ensemble d’une si étroite société,
qu’encore que chacun rapportât tout à soi-même..., il ne laisserait point
de s’employer ordinairement pour eux en tout ce qui serait de son
pouvoir ». Cela suppose une nature, où les mœurs ne soient « point
corrompues », mais exclut la vraie « charité », dont il a été question
plus haut (ib., 309 : cette « pure affection pour autrui qu’on ne
rapporte point à soi-même, c’est-à-dire... la vertu chrétienne qu’on
nomme charité »).
410 DESCARTES
- ' . ' ) J
-1
t
B1875 .R585 t. 1
Rodis-Lewis, Geneviève.
L'oeuvre de Descartes.
;C37866
A LA RECHERCHE DE LA VERITE
Collection publiée sous la direction de
M. Georges DAVY
Membre de l’Institut
André LALANDE
Membre de l’Institut
Professeur honoraire à la Sorbonne
A. PHILONENKO
Maître de Conférences à l’Université de Caen
L’ŒUVRE DE KANT
Maurice de GANDILLAC
Professeur à la Sorbonne
LA SAGESSE DE PLOTIN
Pierre-Maxime SCHUHL
Professeur à la Sorbonne
L’ŒUVRE DE PLATON
Sf
André BRIDOUX
Inspecteur Général de l’Instruction Publique
Robert BLANCHE
Professeur à la Faculté des Lettres de Toulouse
STRUCTURES INTELLECTUELLES
RAISON ET DISCOURS