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3 | 2003
Figures de l'irrationnel
Analyses et interprétations
Abstracts
Français English
Nous tentons dans cet article de montrer que la problématique de l’individuation, qui prend
ses sources dans la physique, joue un rôle déterminant dans la solution spinoziste du problème
de l’union de l’âme et du corps. Cette union se trouve en effet comprise dans les termes d’une
identité réelle, en l’espèce l’identité d’un même individu. L’objet de la première partie de
l’article est l’examen de l’origine du concept spinoziste d’individu, et des liens étroits qui
unissent ce concept à la catégorie physique de corps composé ou complexe. Degré de puissance
ou conatus, composition et degré d’individuation se révèlent constitutivement équivalents.
L’analyse de la puissance propre du corps humain, de ce qu’il peut faire par lui-même sans
l’aide de l’âme, tel un automate, implique nécessairement la description de son individualité et
de sa complexité spécifiques, au principe de son agir spontané et déterminé. Tel est l’enjeu de
la seconde partie de notre étude. Enfin, dans la troisième partie, nous soulignons l’importance
de la définition spinoziste de l’individualité complexe du corps humain pour la détermination
de ce que peut l’esprit dans son ordre propre, l’organisation et la puissance de ce dernier
apparaissant directement proportionnelles à la complexité du premier. Sous cet aspect, la
compréhension de l’unité psycho-physique en l’homme, unité qui est celle d’un individu en
dépit de l’indépendance causale réciproque du mental et du corporel, semble bien impliquer la
primauté gnoséologique, exclusive de touteantécédence ontologique, du corps et
de son organisation par rapport à l’esprit humain.
In this paper, we want to show that the theory of individuation, which is first inherent to
physics, plays a crucial part in the spinozistic answer to the mind-body problem ; the mind-
body union is thus conceived as a real identity, more particularly as the identity of one
individual. In the first part of this study, we consider the spinozistic concept of individual, its
origin in the science of nature and its close bounds with the category of complex body in the
physics of Spinoza. Power degree or conatus, composition and individuation degree appear to
be equivalent to one another. The analysis of the specific power of human body (what it is able
to accomplish on its own, without any help from the soul) involves then the description of its
proper individuality and complexity, which account for its spontaneous and determinate
action, like an automaton. This is the issue of the second part of our paper. At last, in the third
part, we insist on the importance of the spinozistic conception about the complex individuality
of human body, as far as the determination of what the mind is able to do is concerned : the
organization and power of the mind are directly proportional to the complexity of the body. In
that respect, the spinozistic theory of human psycho-physical unity does involve, despite the
causal independence between the mental and the physical, some kind of gnoseological priority
(which is not an ontological one) of the body upon the human mind.
Index terms
Mots-clés : artifice, composition, conatus, identité, individu, individualité, organisation,
Spinoza
Keywords: identity, individual, individuality, organization, Spinoza
Full text
1 Que peut un corps, et, plus précisément, que peut le Corps humain ?
2 La célèbre question spinoziste du Quid Corpus possit, qui dans l’Éthique, à la
troisième partie, se révèle étroitement liée au problème de l’unité du corps et de
l’esprit humains, donne à entendre la possibilité de l’existence d’une puissance
propre du corps, puissance intégrale, indépendante de toute autre, et en particulier
de celle de l’âme1.
3 Cette question de la puissance spécifique du corps humain, dont Spinoza affirme
qu’elle est demeurée jusqu’à lui largement méconnue, met en jeu deux thèses
fondamentales. Elle s’articule d’une part à la représentation épistémologique
générale d’une causalité corporelle indépendante, appelée par le postulat,
caractéristique de la pensée moderne, de lois de la nature, les lois du mouvement et
du repos. Mais elle engage aussi une réflexion sur le fondement de l’identité en
l’homme de l’âme et du corps, conçue comme identité d’un individu.
4 Nous organiserons notre étude autour de trois axes principaux. Tout d’abord, parce
que le concept d’individuum revêt sa première signification dans l’ordre de la
physique et de la physiologie, comme en témoigne l’Abrégé de Physique de la
deuxième partie de l’Éthique, nous examinerons les traits distinctifs et
caractéristiques de l’individu au sens premier, en tant qu’il s’agit d’un individu
corporel quelconque, d’un corps complexe ou encore composé.
5 Dans un second temps, nous restreindrons l’analyse au cas du corps humain, en
tant que son statut de chose corporelle extrêmement complexe, de corps hautement
individué, permet de le concevoir dans les termes d’un dispositif artificiel et d’un
automate.
6 Enfin, il s’agira de déterminer dans quelle mesure l’être individué du corps humain
constitue le modèle de l’individuation de l’esprit, afin de préciser l’enjeu de la
conception spinoziste de l’identité psycho-physique comme identité individuelle, ou
identité d’un seul et même individu.
7 L’idée d’une puissance corporelle complètement indépendante du pouvoir de
l’esprit, d’un quelconque decretum mentis, commande la reprise spinoziste du thème
(d’obédience cartésienne) de la fabrique du corps humain, qui fait de ce dernier un
artifice extrêmement complexe, détenteur du principe de ses opérations multiples et
déterminées, ou encore, semble-t-il, une sorte d’automate. Or la puissance propre du
corps humain, ce qu’il peut faire en vertu de sa seule nature, apparaît indissociable de
son degré de complexité et d’organisation, autrement dit de son individualité
singulière. Agir suivant les lois de sa propre nature, pour le corps humain, c’est non
seulement répondre aux lois de la nature corporelle en général, ou étendue, c’est-à-
dire aux lois du mouvement et du repos, mais aussi, à titre spécifique, reconnaître
pour principe de son action son essence de chose singulière complexe, en
l’occurrence d’individu, doué d’un certain conatus. En d’autres termes, ce que peut le
corps humain, sans l’aide de l’âme, apparaît directement commandé par son statut
d’être individué.
8 Mais cette puissance du corps, si elle se présente comme strictement autonome, à
l’encontre de l’hypothèse d’une « animation » corporelle, n’implique pas pour autant
la représentation d’un homme double, dont le corps serait réellement distinct de
l’esprit. Bien au contraire, conformément au Scolie de la Proposition 21 de la
deuxième partie de l’Éthique, le corps et l’esprit humains constituent dans la
perspective spinoziste une seule et même chose. Cette identité réelle se conçoit plus
précisément comme identité individuelle : corps et esprit en l’homme sont une seule
chose, dans la mesure où ils constituent un même individu. On le voit, la notion
spinoziste d’individualité se révèle cruciale dans la conception de l’unité psycho-
physique. Si le corps humain n’admet pour principe de ses opérations aucune cause
extra-corporelle, son degré d’organisation, sa configuration en individu composé
d’une multitude de corps plus simples, donnent la mesure de la complexité de la
mens humana, et de sa puissance spécifique. L’individuation mentale, en l’homme, se
révèle directement proportionnelle à son individuation corporelle ; il existe une
corrélation primordiale entre la puissance de penser de l’esprit et la puissance d’agir
du corps. Ainsi se comprend l’invitation spinoziste, au Scolie de la Proposition 13 du
De Mente, à la connaissance de la nature du corps, invitation qui ouvre précisément
l’exposé de l’Abrégé de Physique inséré dans cette deuxième partie de l’Éthique :
pour déterminer la nature et le pouvoir singuliers de cette idée complexe qu’est
l’esprit humain, il est nécessaire au préalable de connaître son objet, autrement dit le
corps en son organisation et ses dispositions particulières. Se demander ce que peut
le corps, c’est aussi se demander, s’agissant de ce mode fini qu’est l’homme, ce que
peut l’esprit.
9 Dans l’ontologie spinoziste, comme l’ont établi les travaux d’Alexandre Matheron
consacrés notamment à la théorie de « l’individualité complexe », le degré
d’individuation (qui est aussi un degré d’organisation et de complexité) d’une chose
singulière, d’un mode fini, se révèle directement lié à son degré de puissance, aux
effets qu’elle peut produire selon des lois déterminées, qui sont les lois de sa nature
propre2. En ce sens, la question du Quid Corpus possit, de ce que peut le corps, est
inséparable non seulement de la question de son individualité de chose corporelle,
mais encore de celle de l’individualité propre à l’esprit humain, et de son pouvoir de
penser, l’identité du corps et de l’esprit étant celle d’un individu, dont l’essence, ou
conatus, est définie par l’appétit et la conscience de l’appétit, intelligible aussi bien
sous l’attribut de l’Étendue que sous celui de la Pensée3. La détermination de
l’identité psycho-physique, dans la perspective de l’Éthique, engage ainsi
constitutivement la problématique de l’individuation. Or cette problématique, en jeu
dans la conception spinoziste de l’essence des res singulares, se construit autour du
concept d’individu, lequel trouve son origine dans la physique ; physique héritée par
Spinoza de la philosophie naturelle de Descartes, et d’obédience clairement
mécaniste, mais dont la révision engagée par l’auteur de l’Éthique, avec le rejet de la
conception cartésienne de la matière comme « masse au repos »4, et l’affirmation de
l’inhérence à l’étendue elle-même, actuellement indivisible et continue, du principe
du mouvement (et du repos), fournit le cadre conceptuel général d’une dynamique,
en conformité avec les travaux de Huygens et la reformulation par ce dernier des
principes de la mécanique à partir de la critique des règles cartésiennes du choc, dès
les années 1650.
Notes
1 E III, 2 sc. P. 209 ; G. II. 142.
2 Cf. à ce propos Alexandre Matheron, Individu et communauté chez Spinoza [1969], Paris,
Éditions de minuit, 1988. La présente étude s’appuie notamment sur les analyses développées
par Alexandre Matheron au sujet de la conception spinoziste de l’individualité dans son
acception physique originaire, et en particulier de l’individualité complexe, dans le troisième
chapitre de cet ouvrage (p. 37-61). Précisons cependant que notre perspective tend davantage à
mettre en relief les liens qui unissent la problématique spinoziste de l’individuation à la
reprise, fût-elle critique et hétérodoxe, de l’enseignement du mécanisme cartésien.
3 E III, 9 sc. P. 219 ; G. II. 147 (28-31).
4 Cf. à ce sujet les dernières lettres de Spinoza à Tschirnhaus, datées de 1676, et en particulier
la lettre 81, du 5 mai 1676 (App. 1., 351. G. IV. 332).
5 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Définition. P. 125: G. II. 99-100.
6 E II, Abrégé de Physique, première partie, Lemme 1. P. 119; G. II. 97.
7 E II, Déf. 1; G. II. 84.
8 Cf. à ce sujet Descartes, Principes II, art. 9 et 10. A.T. IX, 68. Précisons que la physique de
Spinoza, si elle s’élabore à partir de la réception de la philosophie cartésienne de la nature,
constitue également une critique du géométrisme de Descartes, par la mise en œuvre de deux
postulats fondamentaux, lesquels impliquent l’existence d’une puissance propre de l’Étendue,
et offrent l’esquisse conceptuelle d’une dynamique, développée dans la seconde moitié du
XVIIe siècle par Huygens, puis par Leibniz. Le premier postulat est celui de l’inhérence du
principe du mouvement et du repos à la matière elle-même, mouvement et repos constituant
les modes infinis immédiats de l’Étendue, selon les termes de la Lettre 64 (G. IV. 278 [24-26]).
La cause première du mouvement résidant en l’Étendue, la raison de la particularisation ou de
l’identité singulière des déterminations corporelles finies est immanente à celle-ci. Le second
postulat est celui de l’infinité en acte de l’Étendue, dont la démonstration fait l’objet du Scolie
de la Proposition 15 de la première partie de l’Éthique (G. II. 57-60). Cette infinité substantielle
de l’Étendue engage nécessairement son indivisibilité et sa continuité. À ce titre, l’Étendue
n’est pas composée de corps. Les corps singuliers, à l’encontre de l’enseignement cartésien, ne
se conçoivent donc pas comme des parties ou délimitations numériques de l’espace-étendue.
Tout corps, dans sa définition spinoziste, exprime sur un mode fini la puissance de la
« substance étendue ». Or cette puissance, au principe immédiat du mouvement et du repos,
rend raison à elle seule de la diversification infinie des corps dans la nature. L’essence du corps
singulier se comprend donc selon Spinoza, dans les termes mécaniques (au sens d’une
mécanique dynamique) d’une certaine impulsion [impetus], d’un certain conatus de
mouvement.
9 Descartes, Principes II, art. 55 ; A.T. IX, 94.
10 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Lemme 5. P. 127 ; G. II. 100-101.
11 K.V., Appendice, II, § 14. App. 1, 165 ; G. I. 120 (15-21).
12 Selon M. Gueroult, qui consacre une étude minutieuse à la conception spinoziste de
l’identité corporelle proposée dans l’Abrégé de Physique du De Mente, cette identification du
principe de persistance du corps complexe à une certaine proportion interne de mouvement et
de repos serait la marque de l’influence des travaux de Huygens consacrés à la dynamique des
solides et au mouvement oscillatoire, qui font notamment l’objet de l’Horologium
Oscillatorium de 1673. Ainsi, les corpora simplicissima seraient comparables aux pendules
simples de Huygens, alors que les corpora composita, ou corps individués, trouveraient quant
à eux leur modèle dans les pendules composés (à partir des pendules simples), lesquels
répondent au principe de la constance de la proportion de mouvement et de repos, cette
« proportion constante » du système étant imposée aux pendules simples « de par leur union
en un seul et même pendule ». Ainsi, écrit M. Gueroult , « il semble évident que l’Individu est
conçu par Spinoza à l’image du pendule composé, la pression des ambiants imposant aux
mouvements des corps qui le constituent cette proportion constante de mouvement et de repos
qu’impose aux pendules simples la tige rigide qui lie les uns aux autres dans le pendule
composé » (Spinoza II – L’âme [1974], Ch. 6, § XVI, Aubier, 1997, p. 171-175 ; cf. également,
dans le même ouvrage, l’Appendice 5, « Disques tournants, pendules composés, corps
composés, corps vivants », Aubier, p. 555-558). En vertu de cette interprétation, si la définition
du corps complexe se comprend en termes mécaniques, la théorie du mouvement engagée
dans le modèle du pendule, et développée par Huygens, suggère un éloignement à l’égard de la
physique « statique » de Descartes, dont le premier produit la critique, dès le traité De vi
centrifuga de 1659. Soulignons toutefois que l’analyse de M. Gueroult, qui reconduit la
persistance de la ratio de mouvement entre les parties constitutives du corps complexe à la
seule « pression des ambiants », repose sur une lecture singulière et non dépourvue
d’ambiguïté de la Définition de l’individu dans l’Abrégé de Physique de l’Éthique (G. II. 99-100
[27-5]). En effet, si Spinoza dans cette Définition fait de la coercition exercée par les corps
extérieurs un principe de la cohésion des parties du corps composé, il n’est pas certain que ce
principe (comme le suggère la conjonction de coordination vel) soit unique et exclusif, qu’il
rende raison à lui seul de la constance du rapport de mouvement entre les éléments entrant
dans la composition du corps individué. L’on pourrait considérer, à la seule lecture de la
Définition, qu’en l’absence même de la pression des ambiants, les parties du corps complexe
envisagées comme mobiles persisteraient à se transmettre leurs mouvements selon une même
ratio, caractéristique de l’identité de ce corps.
13 Cf. G. Canguilhem, « Machine et organisme », in : La Connaissance de la vie (1965), Paris,
Vrin, 1992, p. 102.
14 Précisons que c’est uniquement selon ce sens liminaire, et non dans l’acception ultérieure
qu’il revêt dans la biologie du XIXe siècle, que nous entendons ici le terme d’organisme. Nous
reprenons en l’occurrence la leçon de M. Gueroult, lequel identifie l’organisme, dans la théorie
spinoziste des corps et de l’univers entier, à la « subordination des parties au tout » et à
l’« impossibilité pour le tout de subsister sans la corrélation du mouvement de ses parties selon
la proportion constante qui le définit »; pareille compréhension de l’organisme ne contrevient
nullement, selon M. Gueroult, au « mécanisme radical » et à la « négation de toute finalité »
caractéristiques de la philosophie spinoziste (M. Gueroult, Spinoza II – L’âme [1974], Ch. 6, §
XVIII, Aubier-Montaigne, 1997, p. 176 s.).
15 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Lemme 4. P. 125 ; G. II. 100.
16 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Démonstration du Lemme 4. G. II. 100.
17 Au sujet de la substitution du modèle de l’organisme au modèle (cartésien) de la machine,
dans la définition spinoziste du principe de l’identité physique individuelle qui implique
corrélativement la distinction des notions d’individu et de substance, cf. l’étude de Hans Jonas
dans l’article intitulé « Spinoza and the Theory of Organism », Journal of the History of
Philosophy, 1965, en particulier p. 46-48.
18 Cette absence d’impulsion extérieure fait précisément du corps composé un organisme,
distinct de la machine au sens ordinaire du terme. Nous renvoyons ici aux analyses de G.
Canguilhem consacrées à la relation entre machine et organisme, in : La Connaissance de la
vie (1965), Paris, Vrin, 1992, p. 101-127.
19 C’est en ce sens que, selon François Duchesneau, le concept spinoziste d’organisme, articulé
à ceux de structure et de conatus, s’éloigne de l’enseignement premier du mécanisme
cartésien : « Spinoza semble suggérer que les hypothèses cartésiennes sur la structure
organique, qui tentent de les engendrer par recours à de simples processus mécaniques, sont
en défaut en ce qui concerne le principe de cohésion interne des parties constituant l’individu
organiquement structuré [...]. La porte se trouve ouverte à une forme de ‘dynamisme’ dont le
principe de base est que tout mode certain et déterminé – ce qui est l’expression spinoziste
pour toute structure modale objectivement délimitée – enveloppe la puissance de Dieu ou de la
nature, s’exprimant par l’action des corps les uns sur les autres, dans le système total des
causes et des effets mécaniques. [...]. Il s’ensuit que le conatus, l’effort pour se conserver, qui
est l’essence même de l’être singulier, est générateur du corps lui-même, ou, du moins, ce qui
est strictement équivalent pour Spinoza, il est ce qui rend intelligible la génération du corps
lui-même. [...] l’explication d’une structure modale se fonde nécessairement sur la notion de
l’effort spécifique qui assure la persistance de la structure à travers le changement » (Les
Modèles du vivant de Descartes à Leibniz, Ch. 4, Paris, Vrin, 1998, p. 132-134).
20 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Postulat 1. P. 129 ; G. II. 102.
21 E II, 10. P. 109 ; G. II. 92.
22 « Les individus composant le Corps humain, et par conséquent le Corps humain lui-même
est affecté par les corps extérieurs d’un très grand nombre de manières. » E II, Abrégé de
Physique, deuxième partie, Postulat 3. P. 129 ; G. II. 102.
23 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Scolie du Lemme 7. P. 129 ; G. II. 102.
24 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Postulat 6. P. 131 ; G. II. 103.
25 E II, Abrégé de Physique, deuxième partie, Postulat 4 : « Le Corps humain a, pour se
conserver [ut conservetur], besoin d’un très grand nombre d’autres corps, qui pour ainsi dire
le régénèrent continuellement.» P. 131 ; G. II. 102.
26 C M I, 6. App. 1, 354 ; G. I. 248 (4-8).
27 C M II, 6. App. 1, 368 ; G. I. 259 (15-31).
28 E III, 2 sc. P. 211 ; G. II. 143 (8-10). Nous reprenons, en dépit de ses difficultés, la
traduction de fabrica par « structure », qui est la traduction d’usage (cf. à ce propos
A. Guérinot [1930] , C. Appuhn [1934], et B. Pautrat [1988], qui tous adoptent ce choix dans
leurs traductions françaises de l’Éthique). Nous soulignons cependant dans les lignes suivantes
le caractère foncièrement technique et artificiel de cette structure-fabrica, qui nous intéresse
précisément ici.
29 Spinoza évoque ainsi les partisans des causes finales, dont l’ignorance des causes naturelles
se manifeste notamment par le fait que « quand ils voient la structure [fabrica] du corps
humain, ils sont stupéfaits, et, de ce qu’ils ignorent les causes de tant d’art, ils concluent que ce
n’est pas un art mécanique qui l’a construite, mais un art divin et surnaturel, et constituée de
telle manière qu’aucune partie n’en lèse une autre », E I, Appendice. P. 87 ; G. II. 81 (11-15).
30 Cf. André Vésale, auteur d’un ouvrage de physiologie humaine précisément intitulé De
corporis humani fabrica, Bâle, 1543.
31 Descartes, Discours de la Méthode, cinquième partie. A.T. VI. 55 (6-9).
32 Descartes, Discours de la Méthode, cinquième partie. A.T. VI. 55-56 (29-9).
33 E III, 2 sc. P. 209 ; G. II. 142 (2-4).
34 E III, 2 sc. P. 209 ; G. II. 142 (6-7).
35 Descartes, La Description du corps humain, Préface. A.T. XI, 224-226 (21-11).
36 À cet égard, il nous paraît difficile de lire dans le spinozisme l’expression d’un
« animisme ». Cette lecture du spinozisme comme « animisme universel », reprise et
développée récemment par Renée Bouveresse, ne semble pas suffisamment prendre en compte
l’importance de l’héritage de la nouvelle philosophie, et en particulier de la philosophie
cartésienne, dans la constitution de la philosophie spinoziste. Ou bien alors, il faut conférer à
l’animisme une signification entièrement nouvelle, en le situant dans le prolongement même
du mécanisme, c’est-à-dire en en faisant l’équivalent d’un dynamisme irréductible à l’ancienne
doctrine de « l’animation » des vivants. C’est ce que paraît suggérer Renée Bouveresse elle-
même, lorsqu’elle affirme : « Ainsi, l’animisme de Spinoza n’est-il pas juxtaposé à son
mécanisme: ils sont une seule et même doctrine, dans laquelle Spinoza s’inspire bien du
mécanisme universel de Descartes, mais le transfigure en quelque sorte » (Spinoza et Leibniz.
L’idée d’animisme universel, Paris, Vrin, 1992, Ch. 2, p. 62 s.). Quant à la formule célèbre
« omnia [individua] animata sunt » (« tous les individus sont animés »), qui se rencontre au
détour d’un Scolie de l’Éthique (E II, 13 sc; P. 117 ; G. II. 96 [27-28]), elle n’est sans doute pas à
prendre au sens littéral, celui d’une animation des individus qui impliquerait la présence d’une
âme dans un corps individué quelconque, âme au principe de l’organisation et des fonctions de
celui-ci. C’est ainsi que, pour l’illustration de cette thèse de l’être «animé» des entités
individuées, Spinoza renvoie à sa doctrine du parallélisme (« Car d’une chose quelconque il y a
nécessairement une idée en Dieu, dont Dieu est la cause, de la même manière qu’il l’est de
l’idée du Corps humain: et par suite, tout ce que nous avons dit de l’idée du Corps humain, il
faut nécessairement le dire de l’idée d’une chose quelconque. » E II, 13 sc; P. 117 ; G. II. 96
[28-32]). À chaque entité réelle, et en particulier à chaque mode de l’Étendue, correspond
nécessairement une idée, qui en constitue l’essence objective dans l’attribut Pensée. Or le
parallélisme, en particulier le parallélisme psycho-physique, interdit explicitement la
représentation d’une action causale de l’âme sur le corps, et réciproquement. En outre et
corrélativement, la notion spinoziste d’idée (comme mode de la Pensée), en jeu dans la
définition de l’esprit (mens), est entièrement distincte de la notion aristotélicienne d’une
« âme » entendue dans le sens d’un principe d’animation des entités corporelles organisées.
37 E III, 2 sc. P. 209 ; G. II. 142 (4-5).
38 E III, 2 sc. P. 209-211 ; G. II. 142-143 (33-5).
39 « [...] ainsi le délirant, la bavarde, l’enfant, et bien d’autres de cette farine, croient que c’est
par un libre décret de l’Esprit qu’ils parlent, alors pourtant qu’ils ne peuvent contenir
l’impulsion qu’ils ont à parler [...] », E III, 2 sc. P. 211 ; G. II. 143 (27-29).
40 E III, 2 sc. P. 209 ; G. II. 142 (6-7).
41 E III 2 sc. P. 213 ; G. II. 144 (6-8).
42 E II, 13 sc. P. 119 ; G. II. 97 (8-9).
43 E III, 7 dem. P. 217 (Traduction modifiée) ; G. II. 146 (23-29).
44 « [...] L’Esprit et le Corps, c’est une seule et même chose [una, eademque res], qui se
conçoit sous l’attribut tantôt de la Pensée, tantôt de l’Étendue », E III, 2 sc. P. 207 ; G. II. 141
(24-26).
45 E II, 21 sc. P. 143 ; G. II. 109.
46 « L’objet de l’idée constituant l’Esprit humain est le Corps, autrement dit un mode de
l’Étendue précis et existant en acte, et rien d’autre », E II, 13; P. 117 ; G. II. 96 (2-3).
47 E II, 15. P. 131 ; G. II. 103 (18-19).
48 E II, 15 dem. P. 131 ; G. II. 103 (21-26).
49 Pierre Macherey souligne en ces termes les conséquences de l’identification de la mens
humana à une idée complexe : « Et ainsi l’âme humaine est une idée composée, exactement de
la même façon que le corps humain est un corps composé [...]. C’est ce qui confère à l’âme sa
nature individuelle, propre à toute les choses singulières existant en acte qui ont en partage ce
même statut d’êtres composés. En conséquence, il n’y a aucune raison d’opposer la simplicité
de l’âme à la complexité du corps, puisque c’est la même forme d’unité, le même rapport entre
des parties et un tout, qui constitue l’organisation de l’un comme de l’autre, et les engage
simultanément, suivant la même logique de composition, dans une multiplicité d’activités. »
(Introduction à l’Éthique de Spinoza. La seconde partie – la réalité mentale, Paris, P.U.F.,
1997, p. 170).
50 E II, 13 sc. P. 119 ; G. II. 97 (3-6).
51 E II, 13 sc. P. 119 ; G. II. 97 (8-10).
52 E II, 13 sc. P. 119 ; G. II. 96-97 (32-3).
53 E II, 13 sc. P. 117 (Traduction modifiée) ; G. II. 96 (24-25).
54 E III, 9. P. 219 (Traduction modifiée) ; G. II. 147 (15-17).
55 T.I.E. App. 1, 210. G. II. 32 (24-26).
56 E III, 2 sc. P. 211 (Traduction modifiée) ; G. II. 144 (3-5).
57 E III, 9 sc. P. 219 ; G. II. 147 (27-31).
58 E III, Définitions des Affects, I, et Explication. P. 305 ; G. II. 190 (2-31).
59 E IV, Définition 7. P. 345 ; G. II. 210 (17-18).
60 Cf. à ce sujet la Préface de la quatrième partie de l’Éthique : « [...] cet appétit singulier, qui
en vérité est une cause efficiente, que l’on tient pour première parce que les hommes ignorent
communément les causes de leurs appétits [...] », P. 339 ; G. II. 207 (10-12).
61 E II, 13 coroll. P. 117 ; G. II. 96 (19-20).
62 E V, Praef. P. 485 ; G. II. 280 (13-16).
63 Descartes, Passions de l’âme, I, art. 18. A.T. XI, 342-343.
References
Electronic reference
Pascale Gillot, “Corps et individualité dans la philosophie de Spinoza”, Methodos [Online], 3 |
2003, Online since 05 April 2004, connection on 10 April 2024. URL: http://
journals.openedition.org/methodos/114; DOI: https://doi.org/10.4000/methodos.114
By this author
Parole et identité humaine à l’âge classique [Full text]
Published in Methodos, 10 | 2010
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