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DU MONISME À lA PHÉNOMÉNOLOGIE
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Substance se manifeste sous une infinité d'attributs, qui
sont ses manières d'être. Dans ce contexte, l'étendue (la
matière) et la pensée ne sont pas deux substances diffé-
rentes, séparées, mais deux expressions distinctes d'une
même substance. Il y a un parfait parallélisme entre les
deux, fondé sur une unité fondamentale; l'un n'agit pas
sur l'autre, mais tout ce qui se passe dans l'un a son corres-
pondant dans l'autre. Comme « partie» de la Substance,
l 'homme peut ainsi être considéré doublement: du point
de vue de l'étendue, il est un corps ; du point de vue de la
pensée, il est une âme. C'est pourquoi tout ce qui arrive
dans le corps a son correspondant dans l'âme - un certain
état matériel de l'estomac, par exemple, s'exprime dans
la pensée comme sentiment de faim.
L'énigme cartésienne de l'union de l'âme et du corps
semble ainsi résolue. Âme et corps sont une même réa-
lité vue de deux points de vue différents. Tout état de
l 'homme est simultanément mouvement dans le corps et
idée dans l'âme. Il n'y a pas d'action réciproque âme-
corps, mais l'action d'un seul être qui est âme et COrpSl.
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assez que les hommes n'ont rien moins en leur pouvoir
que leur langue, et qu'ils ne peuvent rien moins que de
régler leurs désirs. [ ... ] Le délirant, la bavarde, l'enfant et
beaucoup de gens de même farine croient parler selon un
libre décret de l'esprit, alors que pourtant ils ne peuvent
contenir leur envie de parler ... Nous ne pouvons pro-
noncer un mot à moins que nous n'en ayons le souvenir
mais il n'est pas au libre pouvoir de l'esprit de se souvenir
d'une chose ou de l'oublier» (Éthique, III, II, scolie). À la
conception du corps comme substance étendue, Spinoza
substitue une compréhension du corps comme dispo-
sitif matériel complexe et organisé, doué d'une puissance
considérable. Une telle puissance, qui se donne d'abord
à entendre comme une très grande capacité d'interaction
avec les corps extérieurs, ne relève que de la configura-
tion matérielle interne du corps humain. Elle ne dépend
par conséquent d'aucune cause extramatérielle. Aussi le
corps de l'homme, en tant que corps vivant, se situe-t-il
lui-même à l'origine de sa persistance dans l'être, contrai-
rement à la doctrine aristotélicienne de l'âme identifiée au
principe de la vie et de l'organisation du corps.
Le monisme spinoziste cherche ainsi à concilier
l'identité et l'altérité, en partant de l'évidence indé-
niable que l'homme pense. Cette pensée, cependant,
non seulement prend des modalités différentes - selon
que l 'homme imagine, sent, désire, aime, hait -, mais
a aussi comme objet privilégié le corps: «L'âme ne
se connaît elle-même qu'en tant qu'elle perçoit les
idées des affections du Corps» (Éthique, II, XXIII). Et
même si la connaissance du corps extérieur n'est pas
« adéquate» et que les idées des affections du corps
ne sont pas « claires et distinctes », ce qui est évident
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c'est qu'on perçoit bien que des corps extérieurs nous
affectent et que la douleur et le plaisir qu'on ressent se
rapportent précisément à notre corps : « L'âme humaine
a des idées par lesquelles elle se perçoit elle-même, per-
çoit son propre corps et des corps extérieurs existant en
acte» (Éthique, II, XLVII, démonstration).
C'est à partir de ce monisme que Spinoza peut aussi,
par la suite, faire une grande place aux désirs et aux
appétits, ces derniers étant la manifestation des efforts
que l'individu accomplit pour persévérer dans son être.
«Cet effort, quand il se rapporte à l'Âme seule, est
appelé Volonté; mais, quand il se rapporte à la fois à
l'Âme et au Corps, est appelé Appétit; l'appétit n'est
par là rien d'autre que l'essence même de l'homme, de
la nature de laquelle suit nécessairement ce qui sert à sa
conservation; et l'homme est ainsi déterminé à le faire.
De plus, il n'y a nulle différence entre l'Appétit et le
Désir, sinon que le Désir se rapporte généralement aux
hommes, en tant qu'ils ont conscience de leurs appétits,
et peut, pour cette raison, se définir ainsi: le Désir est
l'Appétit avec conscience de lui-même» (Éthique, III,
IX). Pour Spinoza, l'affect ne se réduit donc pas à une
action ou à une passion de l'âme et possède à la fois
une réalité physique et une réalité psychologique. Ce
qui permet au philosophe d'opposer à l'hypothèse car-
tésienne d'une force de l'âme dont les effets se termi-
neraient dans le corps (Descartes, Passions de l'âme,
art. 18) l'idée qu'il existe une simultanéité de l'âme et
du corps dans toute impulsion nécessaire à l'action 1.
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