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Troisième chapitre 

: Qui-suis-je ?
De la phénoménologie du corps à l’ontologie de la chair :
Maurice Merleau Ponty et Michel Henry.

1- Qu’est-ce que la phénoménologie ?


Dans ce troisième chapitre du cours nous accomplissons un saut pour en venir à deux auteurs
du XXe siècle dont la pensée s’inscrit dans une façon nouvelle de faire de la philosophie : il
s’agit de la phénoménologie. À titre introductif, disons simplement que dans la métaphysique
classique, un penseur est soit idéaliste, soit réaliste. Idéaliste, s’il fait sienne la thèse de
l’identité de l’être et de la pensée, réaliste si, au contraire, il pose que l’être est un absolu,
indépendant de la pensée par conséquent, et qui entre, tout constitué, en relation avec la
pensée. A côté de ces deux solides traditions métaphysiques, la phénoménologie se présente
comme une troisième voie. Mais il faut le noter tout de suite, à l’origine, la phénoménologie a
revendiqué une « neutralité métaphysique ». Elle s’est présentée comme une simple méthode,
une façon rigoureuse de faire de la philosophie.
Cette neutralité n’a pas toujours été de mise, autant dans l’œuvre du fondateur de la
phénoménologie lui-même, E. Husserl (1859-1938), que chez ses successeurs. De la
phénoménologie en général, nous retiendrons seulement quelques aspects avant de passer à la
conception du rapport entre le corps et l’esprit chez Merleau Ponty et chez Michel Henry ou
plus exactement à leur conception du corps.

Un principe.
Son principe peut être ainsi formulé : « Retourner aux choses elles-mêmes ». Le retour aux
choses elles-mêmes, c’est la prise en considération de la manière dont elles se donnent à nous,
à notre conscience. Comme on l’entend : la conscience est toujours conscience de quelque
chose.
La phénoménologie a été présentée par E. Husserl, comme l’exercice d’une recommandation :
« Nous ne voulons absolument pas nous contenter de “simples mots”, c’est-à-dire d’une
compréhension simplement symbolique des mots (…). Des significations qui ne seraient
vivifiées que par des intuitions lointaines et imprécises, inauthentiques (…), ne sauraient nous
satisfaire. Nous voulons retourner aux “choses elles-mêmes” »

« Retourner aux choses elles-mêmes » ne signifie pas retourner aux choses naturelles,
physiques, contingentes, aux choses du monde effectif, en un mot, en refusant toute recherche
de l’universel. « Retourner aux choses elles-mêmes » ne signifie pas non plus un attachement
aux faits, entendus comme des données brutes, en s’interdisant tout examen de leur essence.
Les « choses [die Sachen] (la chose en question) elles-mêmes » ne sont pas les choses au sens
physique du terme, lesquelles sont caractérisées par l’extension et le mouvement, pour utiliser
des termes cartésiens. De telles choses seraient die Dinge (ensemble des choses matérielles).
La phénoménologie est une science du vécu. De ce point de vue, elle peut être considérée
comme la philosophie de l’expérience. (Toute l’expérience humaine peut faire objet de
phénoménologie. Ils s’agit de laisser la conscience émerger.)

Die Sache, c’est « la chose » au sens où on emploie ce mot pour désigner ce qui, dans la
pensée serait un enjeu, une question, un problème. Le verbe « retourner à » revêt un sens
particulier : il signifie la mise à l’écart des médiations théoriques (scientifiques ou
philosophiques) et des argumentaires doctrinaux qui s’interposent entre les choses et nous, au
profit des interrogations naïves que suscite le monde et dont se nourrit la réflexion. «
Retourner aux choses elles-mêmes » revient donc :
(1) à écarter la compréhension symbolique des mots,
(2) et à s’alimenter aux expériences elles-mêmes. Plus précisément, il s’agit de « s’alimenter »
au critère interne de l’expérience : l’intuition. Pour Husserl, en effet, un objet est connu pour
autant qu’il est donné dans une évidence intuitive. Notons qu’en se référant à l’intuition
Husserl exprime sa méfiance à l’égard du néo-kantisme de son époque pour lequel
l’expérience, sensible et intuitive, est seconde par rapport aux concepts a priori.
(3) Enfin, les choses elles-mêmes n’étant pas des choses au sens physique du mot, le
programme que se fixe Husserl n’est pas une sorte d’empirisme.

Le terme de « phénomène ».

Le phénomène, au sens où l’entend la phénoménologie du XXe siècle, tient son origine de


Kant, précisément dans sa nouvelle compréhension du terme phénomène. Avant lui, ce terme
désignait bien « ce qui apparaît », toutefois, en opposant l’apparaître et ce qui est, c’est-à-dire
l’apparaître (Erscheinung) et l’être. Sans compter que l’apparaître désigne aussi l’apparence,
soit la simple apparence
De plus, opposé à l’être, il signifie la différence entre le vrai et ce qui apparaît, entendu qu’on
n’a pas ou qu’on ne possède pas toute la vérité. Kant met un terme à cette opposition en
présentant le phénomène en rapport au noumène (ou chose en soi). Nous n’avons, nous les
humains, que le phénomène, selon son expression, et ne pouvons espérer autre chose en ce
monde.
Par conséquent, les choses sont telles qu’elles apparaissent, c’est-à-dire que ce sont bel et bien
les choses que nous connaissons puisque nous ne pouvons connaître autrement.

Le phénomène désigne alors ce qui apparaît. Or, cette constatation chez Kant est possible du
fait qu’il ait posé le noumène comme inconnaissable — c’est-à-dire que la chose en soi est
inconnaissable, quoique nous puissions la penser. Le noumène comme inconnaissable mais
pensable permet de tracer une frontière entre la connaissance humaine et ce qui ne l’est pas 4.
C’est ainsi au regard de l’inconnaissable, et nullement à partir de ce qu’on ne connaît pas mais
qu’on pourrait connaître éventuellement, moyennant certaines conditions suprasensibles, que
le phénomène acquiert un sens nouveau, celui de désigner les choses telles qu’elles
apparaissent.

En résumé, le phénomène signifie que les choses sont telles qu’elles apparaissent, puisque la
connaissance que nous avons est la seule que nous puissions avoir. Dans cette conception il y
a toujours naturellement une distance confortable entre l’apparaître et la chose. Il ne s’agit pas
ici des « choses elles-mêmes » au sens de Husserl.

Corps et âme.
Les relations entre l’âme et le corps, ou plus exactement entre le psychique et le corporel, ont
été l’objet de l’attention des phénoménologues, à commencer par Husserl. En d’autres termes,
elles ont été l’objet de l’attention des philosophes pour lesquels importe l’alimentation aux
expériences elles-mêmes.
Et c’est sous leur plume que deux concepts distincts sont apparus là où la philosophie
moderne ne parlait que du corps. Ces deux concepts sont ceux de corps et de chair. Pour
analyser leur genèse, c’est-à-dire leur origine et leur devenir, nous nous intéresserons à
l’œuvre de Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) et à celle de Michel Henry (1922-2002).

2- Maurice Merleau Ponty : Le corps et le corps propre dans la Phénoménologie de


la perception

La Phénoménologie de la perception est la thèse principale de Maurice Merleau-Ponty.


L’ouvrage comporte trois parties. La première est intitulée « le corps », la seconde, « Le
monde perçu », la troisième, « L’être-pour-soi et l’être-au-monde ». La première partie est
dense et traite successivement du corps comme objet et de la physiologie mécaniste, puis de
l’expérience du corps et de la psychologie classique. Viennent ensuite les sections consacrées
à la spatialité du corps propre et à la motricité, à la synthèse du corps propre, au corps comme
être sexué, enfin, au corps comme expression et à la parole.
a) Le corps et le corps propre.
La distinction de Merleau Ponty entre le corps et le corps propre a sa source dans la
distinction husserlienne entre le corps (Körper) et la chair (Leib) encore appelée « corps de
chair » (Leibkörper) et même « corps propre » dans le § 36 des Recherches
phénoménologiques pour la constitution1. Ce texte débute en rappelant que « dans toute
expérience d’objets chosiques spatiaux le corps propre est partie prenante en tant qu’organe
de perception »2. Le corps chosique est rendu au moyen du nom Körper ; der Leib désigne
quant à lui, selon la traductrice de Husserl, le corps dans sa stature, dans sa forme spatiale
organique, mais, plus encore, le rapport au vivre, Leib s’enracinant, évidemment, dans
leben. Le Leib husserlien est le lieu d’inscription du sensible, un sentant-sensible, le lieu de
l’âme. Der Leib, c’est le corps que l’on vit, que l’on sent du dedans, le corps quand son
aspect sensible l’emporte sur sa stature (son volume- sa corporéité). La distinction Körper
/ Leib n’est pas gratuite et c’est en recourant à l’exemple de la main qu’elle est produite.

Chez Merleau Ponty, le corps est une chose, mais une chose qui est mienne. Je suis mon
corps-ou encore mon corps est une chose que je suis. L’expérience que j’en ai m’enseigne que
mon corps, bien qu’ayant les mêmes caractéristiques que les corps chosiques, s’en distingue.
Il a des traits qui le rendent incomparable aux autres corps. Mon corps est avec moi plutôt que
devant moi.
Alors qu’une chose se présente par ce que je peux en faire, multiplier à volonté les points
de vue sur elle, mon corps m’impose un certain respect, une certaine réserve. Lorsque je le
touche, je ne découvre pas seulement des propriétés physiques, sensibles (douceur, froideur,
etc…) comme il en est des corps chosiques. Une sensibilité naît à sa surface, si bien que la
main qui touche devient elle-même touchée. Le corps à tout point de son étendu est capable
de sensibilité, senti comme sensible : dans le corps humain, les rôles du sujet et de l’objet se
confondent, mieux s’inversent continuellement. L’expérience du corps humain brouille donc
la distinction du sujet et de l’objet.

1
E. Husserl, Ideen zur einer reinen Phänomenologie ... Zweites Buch, Hua, Bd. IV, Dordrecht, Kluwer, 1971,
trad. fr. E. Escoubas, Recherches phénoménologiques pour la constitution, Paris, P.U.F, 1982. Pour une
présentation générale de ce livre, on peut lire l’article de P. Ricœur « Analyses et problèmes dans Ideen II » paru
dans la Revue de métaphysique et de morale n°57, 1952, repris dans XXX, Phénoménologie et existence, Paris,
Vrin, coll. Reprise, 1984, p. 23-76, et dans Ricœur, À l’école de la phénoménologie, Paris, Vrin, 1986 et en
poche, 2004, p. 93-157
2
Husserl E., Recherches phénoménologiques pour la constitution, p. 206.
Mon corps est à la fois ce qui m’est le plus propre et qui est le moins. On pourrait se
demander, une fois de plus ce qui fait cette particularité du corps-mien ? Pourquoi le corps
propre m’impose-t-il une limite ? N’est-ce pas parce que selon le spiritualisme cartésien il est
relié à l’esprit, au point que cet esprit serait la marque spécifique du corps propre ? Le sujet,
c'est-à-dire le corps-propre est conscience de soi, il est, contrairement à l’objet, tout intérieur à
lui. Comme le dirait Descartes, l’expérience du corps propre m’enseigne que « je lui suis
conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé, que je compose comme seul tout avec
lui »3.
Le corps du point de vue de Merleau Ponty, est « quelque chose » qui ne quitte jamais le
sujet. « Le corps, écrit Merleau Ponty, se refuse à l’exploration et se présente toujours à moi
sous le même angle. Sa permanence n’est pas une permanence dans le monde, mais une
permanence de mon côté. Dire qu’il est toujours près de moi, toujours là pour moi, c’est dire
que jamais il n’est vraiment devant moi, que je ne peux pas le déployer sous mon regard »4.
La connaissance du corps chez Merleau Ponty n’est possible que par l’expérience du
corps. C’est de l’expérience du corps, c'est-à-dire de son apparaître qu’il est question dans
toute la tradition phénoménologique. Une philosophie du corps selon Merleau Ponty ne
sera nécessairement qu’une phénoménologie du corps, c'est-à-dire une description des
vécus du corps. La phénoménologie répudie aussi bien l’approche scientifique qui réduit le
corps humain à une simple chose étendue, que la conception idéaliste qui sépare l’esprit du
monde, désincarnant par le fait même le sujet.
Le corps propre est sujet de la perception. Il fait advenir du sens dans le monde par son
action.
b) Le corps comme centre d’action.
La nature énigmatique du corps propre tient à ce qu’il est à la jointure de la nature et de la
liberté.
Le corps propre touche à la « nature » parce qu’il reste un corps, mais il touche aussi à la «
liberté » et est, par là-même, au-delà du corps parce qu’il est habité par un « ne…pas » (cf. la
formule de la page 230 de la Phénoménologie de la perception : « il n’est pas où il est, il n’est
pas ce qu’il est »). Ce « ne…pas » est le vecteur d’un sens-direction, comme cela a été montré
précédemment, mais aussi d’un sens-signification qui sera projeté sur l’entourage matériel du
corps et communiqué aux autres sujets incarnés (par la parole, par exemple). Merleau-Ponty
fait remarquer qu’on a toujours observé qu’un geste, une parole, transfigurent le corps, et que

3
Descartes, Méditations VI, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, p. 326.
4
Merleau Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard,
l’on en a toujours conclu que le corps manifestait une autre puissance appelée « pensée », «
esprit » ou « âme ». Cependant, ajoute Merleau-Ponty, on n’a pas observé pour autant que
pour pouvoir manifester une pensée ou l’âme, le corps devait devenir la pensée ou l’intention
qu’il signifie. Le corps propre montre, signifie. La sécrétion du sens, sa projection sur
l’entourage, font que le corps propre dépasse la dichotomie classique du sujet et de l’objet et
le rapproche de l’existence en son mouvement de transcendance

C’est à partir de notre corps que s’exerce notre action sur le monde. De ce point de
vue, on peut dire que notre corps est l’instrument de notre action sur le monde. Cependant il
faut préciser que le corps n’est pas un instrument d’action ordinaire, c’est-à-dire un
instrument mécanique. En effet, non seulement le corps délimite le champ de l’action mais en
plus il choisit l’action adaptée. C’est dire que notre corps n’agit pas mécaniquement, il ne
répond pas instinctivement à la sensation mais il choisit l’action appropriée à l’affection
ressentie. Choisir signifie en clair que le corps détermine l’attitude ou les comportements
adéquats pour répondre à l’affection.
Autrement dit, notre corps ajuste son action au présent. Il adapte son action à la
nécessité du présent. Cela implique une sélection. C’est en ce sens que Bergson définit le
corps comme « instrument de sélection ». Un instrument dont la fonction est de : « limiter
en vue de l’action la vie de l’esprit ». Cela veut dire que le rôle du corps est d’orienter
l’esprit vers l’action utile au présent, d’inscrire la vie de l’esprit dans le présent. Par le corps
l’esprit se fait présent au monde.
Le corps en tant que centre d’action nous enseigne donc que, dans l’action le
corps s’unit à l’esprit et par conséquent le corps humain n’est pas simple matière mais
un corps habité par l’esprit, c’est-à-dire un corps spiritualisé. L’action nous enseigne
que même en tant que corps nous sommes esprit.
En somme, c’est en tant que j’ai un corps que je peux agir dans le monde. Le corps
humain est un centre d’action signifie que l’homme est un être d’action. Mais l’action
humaine est une action spirituelle. L’homme n’agit pas à la manière de l’animal. Son action
est le fruit mais en même temps l’exercice de sa liberté. A cause de cette liberté qui
caractérise l’homme, son action fait advenir du nouveau dans le créé. L’action libre chez
Bergson, c’est une action qui émane du moi profond, une action dont le moi peut réclamer
entièrement la paternité. Une description de l’action humaine ne peut faire l’impasse sur le
fait qu’elle n’est pas uniquement le fait du Körper mais plutôt du Leibkörper. C’est sur ce
Leib, ce corps de chair que Michel Henry porte son attention.
Michel Henry : la notion de chair et le corps subjectif.
La notion de chair mais surtout celle d’incarnation caractérisent la conception henryenne
du corps. Mais que veut dire incarnation dans une pensée du corps ? Nous pouvons esquisser
une première réponse en nous référant à Bergson et à Merleau Ponty. Pour le premier, avoir
un corps, c’est avoir du présent. C’est par mon corps que je suis présent au monde, le corps
s’incarne dans le monde et lui donne du sens . Le corps est ce qui organise pour moi le monde.
Merleau Ponty parle du corps comme d’une co-présence au monde. Le corps est à la fois
incorporation du monde et incarnation dans le monde. Par son corps, l’homme est présent
au monde. Le corps est ce par quoi le sujet existe au monde. Il est ce par quoi je suis présent
au monde mais aussi ce par quoi le monde me rend présent à moi-même.
Devenir chair, s’incarner, c’est prendre une part active et dynamique dans le monde. C’est
habiter le monde, non en spectateur mais en acteur, en y faisant advenir du sens par nos
actions libres. La chair correspond en partie à ce que la phénoménologie, en général, appelle
« corps vécu », « corps animé », c’est-à-dire le corps se mouvant, percevant, désirant,
souffrant.
Réfléchir, en philosophie, sur le corps et sur la chair, c’est réfléchir sur un devenir propre
à l’homme, son devenir corps ou son devenir chair. Parler ainsi, c’est désigner son
incarnation.
Tôt ou tard, cette réflexion sera amenée à croiser, sans pour autant s’en emparer, un thème
qui appartient au christianisme dans la mesure où celui-ci confesse l’unité d’un dieu-homme
et pense la façon dont cette unité se réalise au moyen du terme « Incarnation » qui désigne
l’accomplissement, le plus élevé possible (libre, gratuit et unique), de tout ce que « homme »
veut dire et renvoie à l’« humanité » du Christ, laquelle apparaît comme étant exactement ce
qui se produit quand Dieu, dans sa Parole, ‘’s’aliène’’ dans un autre (une créature). Réfléchir,
en philosophie, sur l’incarnation n’est pas à proprement parler réfléchir sur…, c’est plutôt
constituer une philosophie de l’incarnation. Une philosophie digne de ce nom n’est pas un
regard extérieur porté sur quoi que ce soit, elle n’emprunte pas non plus leurs thèmes à
d’autres disciplines, la théologie chrétienne par exemple, mais, en restant elle-même, elle peut
espérer entrer en relation avec elle.

En somme, l’expérience du corps chez Michel Henry est celle d’une réalité que je n’ai pas
mais que je suis. « Le corps, dans sa nature originaire, appartient à la sphère d’existence qui
est celle de la subjectivité elle-même. » Non seulement le corps n’est pas un objet parmi
d’autres, mais il n’est pas du tout objet, c'est-à-dire n’appartient en aucun cas à l’ordre de
l’extériorité. Il y a chez Michel Henry une subjectivité absolue du corps. L’être du corps
est subjectif.
En fait, son analyse vise à montrer l’insuffisance, selon lui, des philosophies qui
commencent d’abord par situer le corps propre du côté de l’extériorité pour ensuite penser son
rapport à l’âme.

Conclusion : De la légitimité d’une anthropologie philosophique

Qu’est-ce que l’homme ? C’est la question qui découle du « connais-toi toi-même » de


Socrate. Après lui, cette interrogation va continuer d’habiter l’histoire de la pensée
philosophique. Elle est présente dans la philosophie du Moyen-âge et s’exprime à travers les
Confessions de Saint Augustin. La question de l’homme se trouve également au cœur de la
philosophie moderne « que suis-je ? » C’est en effet la question que se pose Descartes et qui
le conduit au « Cogito » au « je pense », fondement de sa philosophie. La même question de
l’homme est au centre de la doctrine de Kant. Selon lui, toutes les interrogations
fondamentales de la philosophie se ramènent à la question « Qu’est-ce que l’homme ? »
La question de l’homme a en philosophie une portée différente par rapport aux autres
sciences de l’homme. C’est ce que Joseph Vialatoux exprime en ces termes « c’est moins
l’homme individuel et empirique que l’homme essentiel qui intéresse la recherche
philosophique. » Cela veut dire que l’homme sur lequel porte la réflexion philosophique, ce
n’est pas l’homme individuel, particulier qui relève surtout de la psychologie ou de la
psychanalyse. L’homme, objet de la philosophie, ce n’est pas l’homme en ce qu’il a de
singulier ou de différent des autres hommes mais l’homme en ce qu’il a de commun avec
tous les autres hommes, c'est-à-dire les hommes dans leur essence commune. En outre, la
réflexion philosophique ne porte pas sur l’homme empirique, cela, c’est l’affaire des sciences
de l’homme, telle la sociologie qui étudie l’homme dans son rapport à la société,
l’anthropologie, la psychologie clinique. On peut dire que toutes ces sciences sont attentives
au phénomène humain et que la philosophie au contraire est attentive à l’homme en tant que
sujet de ces phénomènes. Autrement dit, les sciences de l’homme étudient l’homme dans ses
manifestations extérieures alors que la philosophie de l’homme réfléchit sur l’essence de
l’homme, sur l’homme en général, sur l’homme en tant que homme.
Cet homme en tant qu’homme est unité du psychique et du physique. Il est unité du corps
et de l’âme, réalité par quoi il se distingue des autres éléments de la création.

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