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Saint-Hyacinthe et le nihilisme moral

Author(s): Lester G. Crocker


Source: Revue d'Histoire littéraire de la France, 64e Année, No. 3 (Jul. - Sep., 1964), pp. 462-466
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40522579
Accessed: 05-03-2016 23:50 UTC

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462 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

c'est-à-dire quelque chose de particulier dans l'Église et qur


inquiète, ce n'est pas d'abord parce que les plus instruits d'entre
eux s'opiniâtrent dans des nuances dogmatiques qu'ils prétendent
littéralement augustiniennes, mais qu'après douze siècles de réflexion
supplémentaire, l'Église refuse désormais à la lumière d'une phi-
Io8ophie de la liberté et d'une théologie de la grâce mieux éclai-
rées. C'est parce qu'ils ont une certaine conception de la vie chré-
tienne et de son rapport au monde. Voyant tout en noir autour d'eux,
jusque dans l'Église, ils s'arrogent avec humilité le monopole de la
foi, qu'ils définissent par leurs opinions particulières, et de la vertu,
qu'ils assimilent à leur rigueur et à ce que Bossuet appelait déjà leur
« fastueuse singularité » *. Dès lors, ils usent en vaines arguties une
science et des talents de premier ordre dont l'Église aurait grand besoin
pour faire face à la « crise de la conscience européenne » et instruire
les nouveaux libertins. Le spectacle est déconcertant. Ces hommes de
haute intelligence et de grand courage livrent un combat d'arrière-
garde sur des problèmes qui s'éternisent depuis le Formulaire de
1657 ; ils ressassent les arguments que la brillante Mère Angélique
de Saint-Jean avait déjà développés de façon définitive dans sa
Relation de Captivité (dont Quesnel fut justement le premier éditeur
en 1711 ; cf. p. 323. n. 2). Sous l'influence de la polémique et de l'ac-
tion, le cercle des idées se rétrécit. On aimerait Pair frais d'une pensée
neuve dans cette atmosphère obsidionale. Mais non ! les grandes
heures de Port-Royal sont terminées. On tourne en rond. On répète
la distinction du fait et du droit ; on rabâche les grandes proclama-
tions qui avaient une théâtrale solennité dans la bouche des reli-
gieuses (Montherlant ne s'y est pas trompé), mais qui tournent à la
controverse talmudique chez ces hommes dont le courage et la fer-
veur méritaient une plus ample cause. C'est la triste fin d'une triste
querelle, dans laquelle personne n'a le beau rôle et dont l'Eglise va
lourdement les frais. Lorsque Pasquier Quesnel meurt en 1719,
Ímyer e Jansénisme perd son dernier grand protagoniste et entre définiti-
vement dans l'ère de sa décadence. En rassemblant, en éditant et en
annotant magistralement cette correspondance, J. Tans nous a fourni
des documents de première valeur sur le passage du jansénisme de
Port-Royal à cette religion de plus en plus « close » et de moins en
moins inspirée que fut le jansénisme du xvnie siècle.
Pierre Golliet.

SAINT-HYACINTHE ET LE NIHILISME MORAL

Dans deux livres récents, nous avons étudié le développement du


nihilisme moral au xvnie siècle, et ses rapports avec les problèmes
intellectuels de cette époque et de la nôtre *. Tout récemment, en
travaillant au British Museum, nous avons pu lire la traduction d'un
livre français qui nous aurait fourni un appui précieux pour les idées
développées dans le chapitre 6 du second de ces volumes. Il s'agit
des Lettres écrites de la campagne, publiées en 1723 à La Haye par
Thémiseul de Saint-Hyacinthe, et traduites sous le titre : Letters

1. Oraison funèbre de Nicolas Cornet, cité par Sainte-Beuve, Port-Royal, II, 12,
Bibl. de la Pléiade, t. I, p. 621.
2. An Age of Crisis, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1959, Nature and Cul-
ture, z7>irf./l963.

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NOTES ET DOCUMENTS 463

giving an account of several conversations upon important and enter-


taining subjects, London, 1731, 2 vol. Nous nous sommes naturelle-
ment demandé comment cet ouvrage avait pu échapper à notre atten-
tion. Plus tard, nous avons vérifié le fait qu'il n'en existe aucun exem-
plaire dans les bibliothèques de Paris, et qu'il n'y a en pas non plus
dans les bibliothèques américaines, ce qui explique une omission
aussi regrettable. Pour la même raison, nous sommes obligés, dans la
présente note, de citer ce livre dans sa traduction anglaise.
Puisque Saint-Hyacinthe est un écrivain peu connu, rappelons à nos
lecteurs non avertis que Hyacinthe Cordonnier naquit à Orléans en
1684, et qu'un bruit non justifié courait sur son compte, selon lequel
il était fils naturel de Bossuet. Ayant changé de nom sous l'influence
d'une mère ambitieuse, il eut une brève carrière militaire. Il se consa-
cra ensuite aux études linguistiques et littéraires en Hollande, pays
qu'il dut quitter en hâte à cause de la jalousie du mari de sa protec-
trice, la duchesse d'Osona, et où il revint après avoir séduit une de
ses élèves à Troyes. Il fut un des fondateurs du Journal littéraire en
1713, et prit part, du coté des modernes, à la fameuse Querelle. En
1714, il écrivit le seul livre dont on se souvienne encore, Le Chef-
d'œuvre d'un inconnu, satire cinglante de l'explication de texte pédan-
tesque, et qui eut trois éditions. Puis vint une dernière fugue, en com-
pagnie de la fille d'un aristocrate protestant qu'il emmena à Londres,
où il devait rester douze ans. Ce séjour fut marqué par le commen-
cement d'une longue querelle avec Voltaire, que Saint -Hyacinthe
provoqua par une pièce satirique, La Déification cT A ristar chus Masso
(1732), et par son initiation à la théorie du sens moral, qu'il aida à
introduire en France (Recherches philosophiques sur la nécessité de
s'assurer par soi-même de la vérité, Londres, 1743). Il revint à Paris
en 1734, puis retourna de nouveau en Hollande, où il mourut en
1746.

Nous n'essayerons pas de faire une description de tous les écrits de


Saint- Hyacinthe. Il vaut la peine de mentionner que dans certaines
pages des Recherches philosophiques, sa discussion des mots comme
signes des idées fait de lui un précurseur de l'école de logique dite de
l'analyse linguistique. Quant aux Lettres écrites de la campagne, c'est
une série de conversations, dans le genre rendu populaire par les
Entretiens de Fontenelle. Cependant, il y a deux différences de ton
assez nettes : certains passages sont assez verts, mais la discussion
est, en général, plus sérieuse et plus ardue, notamment lorsque Saint-
Hyacinthe en vient à analyser le problème de l'évidence, ce qu'il fait
en bon cartésien.

Le chapitre X est celui qui nous concerne. Là Saint-Hyacinthe,


qui, on peut le supposer, avait lu Hobbes, Mandeville et des manus-
crits clandestins, prend en main la défense des valeurs morales contre
l'immoralisme. Nous avons montré ailleurs à quel point ce problème
était central au xvine siècle et l'était resté depuis (sans parler de
son importance pour l'antiquité grecque), et nous avons analysé les
diverses méthodes ou tactiques par lesquelles on a entrepris la défense
de la culture contre les rébellions anarchistes. Notons ici, tout sim-
plement, que d'aucuns ont eu recours à Dieu ou à la loi naturelle, et
que d'autres, plus incrédules, ont développé la morale sociale (ou
plus exactement, la morale et la politique sociales), autrement dit
l'utilitarisme. Diderot, plus conscient que beaucoup des risques
d'une telle entreprise, avouera n'avoir jamais eu le courage de s'y
lancer, de peur de ruiner la morale en montrant l'impossibilité de

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la « prouver », et de peur d'établir, en conséquence, le bien-fondé de


l'immoralisme l.
La première des deux tactiques est celle que choisit Saint- Hya-
cinthe. Mais ce n'est pas sa défense en elle-même qui mérite d'être
retenue : l'appel à Dieu et aux vérités de la religion n'a en soi rien
de nouveau. Ce qui est très intéressant, par contre, c'est la force et
la franchise, sans égales à l'époque, avec lesquelles sont exposés les
arguments de l'immoraliste. Tout aussi intéressante est la confirma-
tion frappante apportée aux craintes de Diderot.
Face à la menace dont il est explicitement conscient, Saint-Hya-
cinthe soutient que toute distinction entre le bien et le mal dispa-
raîtrait - donc que l'immoraliste aurait gain de cause - si Dieu
n'existait pas. Comment établir cette position ? Saint- Hyacinthe
entend démontrer qu'il n'y a pas d'autre réponse possible ; que les
arguments du nihiliste sont rationnellement valables et inébranlables.
D'où il tire la conclusion que tout homme sensé sera immoraliste
à moins de croire en Dieu ; partant, il faut croire en Dieu.
Suivons le fil de son argument. Le lecteur remarquera les antici-
pations évidentes d'idées mie l'on retrouvera plus tard chez d'autres
nihilistes, et notamment cnez le marquis de Sade a.
Il commence par affirmer que si Dieu n'existait pas, l'homme,
« having no superior from whom to hope or fear anything, must have
no other rule, than that of his own power and desires, and the advan-
tage of gratifying them ». (L'écho de Hobbes se fait entendre.) Il n'existe
d'autre loi - selon la nature, s'entend - que celles du plus fort et
de l'intérêt égoïste. Le remords, affirme Saint-Hyacinthe, bien avant
La Mettrie et Sade, n'est pas naturel. Il n'est que l'effet « either of
an inward consciousness of a superior law... or else of education or
weakness of constitution ». Dans la nature, les actes n'ont qu'un seul
critère de valeur : la réussite ou l'échec. (Le même raisonnement sera
avancé par Adolf Hitler, dans Mein Kampf.) Donc il n'y a pas de
loi morale dans la nature, ni de punition pour l'infraction de ce
qu'il est convenu d'appeler les lois morales.
Mais, dira-t-on, l'obligation morale n'est-elle pas établie par la
famille humaine réunie en société ? A cet argument, Saint-Hyacinthe
répond par l'assertion nihiliste de la primauté de l'individu, de ses
besoins et désirs.

What is society to me ? or who is he who made the law, whereby I am


obliged to promote the safety and happiness of society ? Is it the society
itself ? Whence had it the right to make me sacrifice my desires and
pleasures to its happiness 8 ; this society which is made up of men like
myself ; men by consequence to whom I owe nothing, who are naturally
no more than myself, who place themselves above me only by dint of
strength or cunning, tiger where stronger, foxes where weaker 4 ; and who
one way or another every day sacrifice me to their interests or passions,
why should I deprive myself of my pleasures for them ? Can we without
folly prejudice ourselves for the advancement of others ? All that I can
do. is to follow their maxims so long as it shall be for my interest so to do.

1. Réfutation d'Helvétius, Œuvres, éd. Assézat et Tourneux, Paris, 1875, II, 345.
2. Il annonce bade aussi par la forme diaioguee.
3. Qu'on pense à la question posee par Rousseau dans le premier chapitre du
Contrat social, et son sens, croyons-nous, sera illuminé ; car Rousseau était conscient
du problème du nihilisme. Les premiers chapitres de la première version du Contrat
social sont une réfutation de Diderot, qui avait essayé de résoudre exactement le
même problème dans son article de V Encyclopédie, « Droit naturel ».
4. La figure remonte peut-être a Machiavel, selon lequel le prince doit être lion
ou renard, sinon les deux.

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NOTES ET DOCUMENTS 465

I may maintain the necessity of the laws... thereby I shall gain the repu-
tation of an honest man amongst the foolish part of mankind, and pass
among the cunning for a man to be relied on : but if I can thus cheat and
deceive them both, and put myself into a posture to gain credit, my idea
of your pretended virtue will then appear, and the world will see whether
I will not do everything to satiate my avarice, my ambitions, my revenge,
and in short, every passion that shall attack me... if there be no superior
law... he that may do anything, may venture upon anything K

En un mot, il n'y a pas de convenance dans ce qui ne me convient


pas. Il n'y a d'autre obligation naturelle que celle d'être heureux a.
Voilà notre penchant naturel, que seul un motif transcendant peut
surmonter. Sans Dieu, il n'y a ni « droit » ni titre qui ne soit fondé sur
la force. Les lois de la société se ramènent toutes à la loi du plus fort,
contre laquelle je puis et dois me servir de ruses et d'artifices, quand
elle ne me convient pas. Sans Dieu, nulle action n'est juste ni injuste,
car il n'existe aucun critère valable : « Everything is relative, and
the grand object of a man of reason being to make himself happy, the
happier he makes himself, the more reasonably he acts, whatever
mischief may accrue to others from thence 3. »
Tout ce raisonnement sera aussi celui de Sade. Mais c'est dans ces
dernières lignes que Saint-Hyacinthe touche évidemment aux confins
de l'action sadique proprement dite. Et il poursuit :
Nay, I may be such a sort of man, that the inconvenience which makes
the unhappiness of others may be convenient and proper for me, for the
very reason that their unhappiness may contribute to my pleasure ; so
that the action which already of itself does me good, may still do me more
good from the prejudice that others may suffer by it, and thus it is doubly
good to me. However horrid such a disposition may appear, it is more
natural to us than we think. Children are naturally inclined to malicious
tricks, the only pleasure of which consists in the mischief they do. The
same principle continues in the heart of man and grows stronger. The
pleasure of the ambitious man arises from that subjection to which he
reduces some, and the envy he gives others 4.

Ce beau discours du « chevalier » est interrompu par une autre


interlocutrice, qui lui crie de faire attention, sans quoi il risque de
faire d'eux tous des Galigulas. Mais nous le sommes déjà ! lui répond
le chevalier, qu'on ne se trompe plus. Nous sommes naturellement
cruels, et trouvons du plaisir à l'être. « The mischief of others almost
ever has some share, if not the greatest, in our pleasures 5. »
Saint-Hyacinthe, ou son chevalier, nous offre ensuite une refu-
tation des deux maximes fondamentales, « Fais à autrui... » et « ne
fais pas à autrui... ». Ces règles sont impossibles à suivre, afïirme-t-il,
et surtout, l'homme ne doit rien faire qui puisse le rendre malheu-

1. II, 280-282. La vie de Caligula est ensuite résumée comme illustration de cet
argument. .......... .
2. Voici toute une dimension de la philosophie au Donneur qui ne trouve pas ae
place dans l'importante thèse de Robert Mauzi, L'Idée du bonheur au X V7//e siècle
(Paris, Colin, 1960) : voir à ce sujet notre compte rendu dans Modem Language
Quarterly, mars 19G3, p. 79-87.
3. On verra peut-être ici un souvenir de ¡Spinoza, ou plutôt au spinozisme a ia
xvme siècle.
4. I' 199 et suiv. Pour le développement des idees sur ce sujet, aux xvne et au
xviii6 siècles, voir An Aqe of Crisis, eh. XI.
5. Cette idée se répandra de plus en plus dans la pensée et dans les romans de
l'époque. Rousseau la reprendra dans son Discours sur lfinégalitéf quitte à en blâmer
les sociétés actuelles et non la nature humaine originelle.
Revue d'hist. littér. de la Franck (64e Ann.), lxiv. 30

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466 revue d'histoire littéraire de la frange

reux *. L'exemple extrême de ce qu'on appelle aujourd'hui le complexe


d'Œdipe est cité, et l'accomplissement de ce désir est justifié - bien
avant Sade.
Saint- Hyacinthe, on n'a pas besoin de le dire, n'est pas nihiliste ;
pourtant sa défense de la morale ne fait qu'apporter des arguments
à cette philosophie. En premier lieu parce qu'il fait tout dépendre
de l'existence de Dieu, sans pourtant se soucier de la vérité de cette
proposition. « Dieu existe » est une proposition dont l'importance ne
se trouve pas dans sa vérité (si tant est qu'elle est vraie), mais dans
son utilité, voire dans sa nécessité par rapport à l'obligation et aux
valeurs morales. Ce sacrifice implicite de la vérité, dans le raisonne-
ment de Saint- Hyacinthe, est lui-même essentiellement de carac-
tère nihiliste. A vrai dire, sa proposition est tout simplement celle-ci :
il nous faut supposer (ou croire) que Dieu existe, faute de quoi le
nihilisme est la seule philosophie valable et irréfutable. Et pour
démontrer cette proposition, il nous donne la défense la plus complète
et la plus éloquente du nihilisme avant celle de Sade. L'immoralisme
nous est naturel, et il est rationnellement justifiable, tandis que
l'obligation et les lois morales ne sont ni l'un ni l'autre. Comme Hobbes
et Pascal, avant lui, Saint- Hyacinthe ne conçoit pas de loi sans la
force qui en fait une réalité. Il faut supposer que les lois imposées par
Dieu dépendent aussi de sa force, et pas nécessairement de leur jus-
tice propre - mais c'est une question qui ne se pose pas, car la jus-
tice n'existe pas en dehors de la force et les notions de l'homme ne
limitent pas Dieu. Comme Rousseau, après lui, Saint- Hyacinthe
affirme que seuls les sots obéissent aux lois morales et sociales ; les
autres profitent de ces lois pour exploiter les sots afin de satisfaire
à leur égoïsme.
Saint-Hyacinthe exclut donc toute possibilité de donner à la morale
un fondement naturel, ou un fondement rationnel, ou un fondement
social. Du même coup, il fait opposition à l'entreprise rationnelle
centrale du xvine siècle. Qu'il le veuille ou non, il renforce cette oppo-
sition aux impositions de la culture qui finira par mettre en lumière
et qui aidera à produire « la faillite du rationalisme au xvnie siècle »
dont les retentissements sont loin d'avoir cessé 2. Car il nous dit que
seule l'existence de Dieu (et rien de naturel ou d'humain) peut pré-
valoir contre les revendications du nihilisme, c'est-à-dire de l'égoïsme
en révolte contre les impositions do la culture. Et il n'a fait qu'établir
la validité de ces revendications, sans établir l'existence de Dieu,
iî nous dit qu'il n'y a pas d'autre réponse possible, ce qui, en bonne
logique, ne fait pas que sa réponse à lui soit juste. Mais il n'est pas
Je seul déiste, ou le seul chrétien, dont la défense de Dieu ait infirmé
la morale tout en prétendant la défendre. Pascal ne fut-il pas le pre-
mier ?
Lester G. Crocker.

1. Le « doit » de cette phrase contient déjà la contradiction et la réfutation du


nihiliste, mais Saint-Hyacinthe ne s'en aperçoit pas.
2. L'expression est celle de R. Mauzi, op. rii., p. 646, et nous avons développé
ailleurs la même thèse.

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