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Economies, sociétés,
civilisations
Chaunu Pierre. Le XVIIe siècle religieux. Réflexions préalables. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 22ᵉ année, N.
2, 1967. pp. 279-302;
doi : https://doi.org/10.3406/ahess.1967.421521
https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1967_num_22_2_421521
Réflexions préalables
1. Cette mise au point nous a été demandée par la Rédaction des Annales. Qu'elle
en soit remerciée. Précisons, bien, toutefois qu'il s'agit d'un jalon hâtif et tout à fait
provisoire, sur la voie d'une synthèse à laquelle nous nous appliquons.
2. « Réformes et Nations », La Table Ronde, mars 1960, n° 147, pp. 52-65 ; «
Jansénisme et frontière de catholicité (xvne et xvnie siècles). A propos du jansénisme
lorrain », Revue Historique, janvier-mars 1962, fasc. 461, pp. 115-138 ; « Réforme et
Église au xvie siècle », Revue Historique, avril-juin 1962, fasc. 462, pp. 161-176 ;
« Les crises au xvne siècle de l'Europe réformée », Revue Historique, janvier-mars 1965,
fasc. 473, pp. 23-60 ; « Une histoire religieuse sérielle. A propos du diocèse de La
Rochelle (1648-1724), et sur quelques exemples normands », Revue ďhistoire moderne
et contemporaine, janvier-mars 1965, pp. 5-34 ; « la Correspondance de Bèze », Revue
suisse ďhistoire, tome 15, fasc. 1, 1965, pp. 107-116.
3. Les volumes de Fliche et Martin, le pénétrant Willaert, que la mort a
arraché trop tôt à l'histoire et les volumes étroitement institutionnels et politiques de
Pjbéclin et Jarky, la justement classique Histoire du Catholicisme en France d'A. La-
treille et E. Delartielle (tomes II et III), le vigoureux tome II de VHistoire
Générale du protestantisme du regretté Emile G. Léonard, les grands dictionnaires,
Vacant, Mangenot, Amann ; R. Aubert et E. Van Cauwenbergh ; A. Rayez et Ch. Baum-
gartner ; Naz, etc.
4. Il est plus difficile de critiquer Henri Brémond, ses tics d'écriture, son irritante
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parmi nos contemporains, ces guides qui sont des maîtres. L'œuvre
capitane de Jean Orcibal, le travail en profondeur du père Blet, de
René Taveneaux, du père Pérouas, de L. Cognet, de L. Ceyssens, du
père Julien Eymard d'Angers, et de tant d'autres qu'il est injuste
de ne pas citer d'entrée de jeu x. Qu'on nous pardonne, donc, de ne point
rendre assez justice. Nous n'oublions personne 2, mais il faut aller de
l'avant.
prolixité, ses préjugés qui sont ceux d'un début de xxe siècle que la grâce irénique n'a
guère touché, que de remplacer les 12 volumes de la monumentale Histoire littéraire
du sentiment religieux (Paris, Pion, 1915-1933), où le meilleur côtoie le pire, la
Provence mystique au XVIIe siècle, le Bossuet (3 vol.) ; V Apologie pour Fénelon.
1. Nous abandonnons avec d'autant moins de regret cette présentation
bibliographique que le travail vient d'être fait et bien fait par un des meilleurs spécialistes
de ces problèmes, René Taveneaux : « La vie religieuse en France de l'avènement
d'Henri IV à la mort de Louis XIV (1589-1715) », Bulletin de la Société des Professeurs
ďhistoire et de géographie de l'enseignement public, octobre 1966, n° 200, pp. 119-130.
2. Pour une bibliographie, encore, notre Civilisation de VEurope classique, Paris,
Arthaud, 1966, gr. in-8, 706 p., 272 planches hors texte, p. 680 sq. Et, bien sûr, Henri
Gouhier, René Pintaed, Y. Belaval, Lucien Goldmann, A. Dupbont, Georges
Namer, Robert Mandkou, R. Delcambbe, Pierre Claie, François Gikbal, sans
oublier le grand et combien regretté Alexandre Koyré, car l'histoire religieuse s'éclaire
souvent d'une manière décisive, de la périphérie. Lucien Febvre l'avait
vigoureusement marqué {Au cœur religieux du XVIe siècle..., Paris, S.E.V.P.E.N., 1957, plus
spécialement pp. 293-358).
3. Pour une bibliographie plus complète, nous renvoyons à nos articles cités,
R.H., 1962, n° 1 et R.H.M.C, 1965, n» 1.
4. « Une histoire religieuse sérielle. » R.H.M.C, 1965, n° 1, pp. 5-34.
5. L'historien ne juge pas au fond et l'historien chrétien du christianisme, moins
encore. Les plus hautes valeurs spirituelles se répartissent suivant une logique qui
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de pousser hardiment sur les voies nouvelles, sans rien sacrifier des
victoires d'antan. Il importe mieux encore de briser les barrières et
d'enchaîner et d'insérer hardiment l'histoire religieuse, qualitative, ou sérielle,
dans l'aventure globale de l'esprit et dans toute l'épaisseur du vécu.
Les barrières et les cloisonnements sont nécessaires mais ils sont
dangereux. L'histoire religieuse a été écrite dans les cadres clos des
églises, comme si les ponts, un instant rompus, les barrières juridiques,
un instant dressées, la colère et la haine jaillies de divergences, somme
toute, minimes, mais sur un essentiel, avaient totalement retranché,
irrémédiablement rompu une profonde et indéracinable manière
commune de penser, de sentir, d'exister. Suffit-il d'une génération
pour détruire dix ou douze siècles de souvenirs communs, mille ans
d'expérience ensemble, alors que chaque église dressée conserve
l'essentiel du trésor commun, véhémentement dénié à l'autre ? A la limite,
la violence des affrontements est le meilleur gage de l'unité sous-
jacente. C'est bien parce qu'on parle la même langue, parce qu'on
partage les mêmes valeurs, qu'on se dispute le même essentiel, que la
guerre de religions est aussi implacable. Les guerres de religions
renferment l'évidence de l'unité conservée jusqu'à un certain point de la
Chrétienté, mieux encore, de l'Église. Donc pas d'histoire du
protestantisme face aux histoires de l'Église, mais une histoire une des églises
déchirées, où l'Église orientale sera réintégrée avec ses faiblesses, ses
diversités, son archaïsme savoureux et son aptitude à dessiner des
routes iréniques dans l'implacable querelle du double siècle trop riche
de la Réforme de l'Église latine.
Premier vœu. Le second en est corollaire. Que le XVIIe n'ignore pas
le xvie et le xvie le xve. Rien ne commence en 1600, rien ne s'achève
en 1715. Les longues mémoires religieuses souffrent du découpage
traditionnel. Le xvie siècle aux Réformateurs, le xvne siècle à la
Renaissance catholique. Et voilà l'abbé Brémond attribuant à Bérulle
seul le mérite du théocentrisme, du même coup perdue la continuité
pourtant évidente de la réforme calvinienne aux exigences proches de
l'école française, cette aile marchante du xvne siècle catholique. On
a taillé, coupé, donc diminué. Nos manières d'écrire l'histoire reli-
n'est pas celle du monde. Il sait que Dieu confond l'intelligence des intelligents. Dans
la Vie de la Mère de Ponçonas (1602-1657 ), institutrice de la congrégation des
bernardines réformées en Dauphine (Lyon, 1675, pp. 26-27, citée par H. Brémond, Sentiment,
II, p. 66), cette anecdote révélatrice de l'étendue du plus pur mysticisme dans les
montagnes du Dauphine aux alentours de 1620 « il lui tomba entre les mains une pauvre
vachère laquelle d'abord lui parut si rustique qu'elle crut qu'elle n'avait aucune
connaissance de Dieu. Elle la tira à l'écart et elle commença de tout son cœur à travailler
à son instruction... Cette merveilleuse fille la pria avec abondance de larmes de lui
apprendre ce qu'elle devait faire pour achever son Pater, car, disait-elle, en son langage
des montagnes je n'en saurais venir à bout. Depuis près de cinq ans quand je
prononce le mot Pater et que je considère que... celui qui est là-haut, disait-elle, en levant
le doigt, que celui-là même est mon père... je pleure et je demeure tout le jour en cet
état en gardant mes vaches ».
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1. Parmi ceux qui ont le plus efficacement réagi sur la grande voie tracée par
Lucien Febvre, Jean Okcibal, dans presque toute son œuvre et dans la première
partie, notamment, de son Louis XIV et les protestants (Paris, Vrin, 1951, gr. in-8,
196 p.).
A Pierre Pascal, le mérite plus grand encore d'avoir réinséré les problèmes de
l'Église russe du xvne siècle dans le continuum de l'histoire de l'Église au xvne siècle.
2. P. СвАтаго, « Une histoire sérielle », R.H.M.C., 1965, n° 1, article cité.
3. Colloque d'Histoire religieuse (Lyon, octobre 1963), pp. 63-84, pp. 101-120.
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1. Cf. sur ce point mes études : « Les crises au xvne de l'Europe réformée », R.H.,
1965, n° 1 et La Civilisation de VEurope classique, pp. 461-480.
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sienne. Mais, avant, bien insérer Descartes dans la longue histoire une
de la Réforme de l'Église. Henri Gouhier x a montré les interréactions,
en France, des courants cartésien et augustinien. Lucien Goldmann
s'est élevé contre une identification trop rapide 2. Ce qui est vrai, en
gros, du centrisme arnaldien ne l'est, certes pas, on le lui concédera,
sans peine, ni du groupe Barcos, ni de l'extrémisme intramondain 3.
Ce qui compte, toutefois, face à l'histoire, au xvne siècle 4, c'est le
puissant courant centriste arnaldien 5, tant par la richesse de la pensée,
l'influence, le poids social et la loi du nombre à l'intérieur de la famille
des disciples de saint Augustin. Or la liaison établie par Henri Gouhier,
rappelée, récemment, avec force et bonheur par René Taveneaux e,
y demeure intacte. Et par-delà l'accident, ce qui commande n'est-ce
pas, d'abord, le passage, par Descartes, grâce à Descartes, autour de
Descartes, du monde clos à l'univers mathématique infini pour reprendre
la belle image d'Alexandre Koyré 7 ? La fin d'un monde familier, aux
correspondances sensibles, la mutation radicale de toutes les valeurs
de toutes les pensées. Cette mutation compte plus que la sévérité,
d'ailleurs toute relative, d'une phase В de fécondes difficultés, plus
même que la montée de la rente à la place du profit.
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Pierre Chaunu,
Université de Caen.
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