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Lebrun François. Le « Traité des Superstitions » de Jean-Baptiste Thiers. Contribution à l'ethnographie de la France du XVIIe
siècle. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 83, numéro 3, 1976. pp. 443-465;
doi : https://doi.org/10.3406/abpo.1976.2825
https://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1976_num_83_3_2825
de Jean-Baptiste Thiers,
contribution à l'ethnographie
(7) Paris, 1937-1958, 9 vol. parus, soit tome Ier (en 7 volumes de pagination
continue, 3 166 pages au total), tomes III et IV (2 vol., 1 078 pages au total).
(8) Van Gennep revient à plusieurs reprises là-dessus, par exemple à propos
des feux de la Saint-Jean : « II est entendu qu'ici, comme partout dans le
Manuel, je bloque les documents répartis dans les deux ou trois derniers
siècles jusque vers 1940. » (IV, p. 1753, note 1.)
(9) Souvent même de façon hypercri tique, ainsi lorsqu'il prétend que les
coutumes populaires rapportées par Thiers « ont été observées uniquement
dans le pays chartrain, mais ne proviennent ni de la région du Mans où l'abbé
n'était qu'un étranger, ni surtout de la France entière ». (III, p. 130). En fait
on va voir que l'utilisation fréquente par Thiers de statuts synodaux bien
localisés permet de dépasser, dans certains cas, les limites du pays chartrain.
(10) Maurice Crubelier exprime bien cette réaction des historiens devant
l'énorme matière accumulée par les folkloristes : « D'une telle moisson, on se
trouve à la fois comblé et déçu : on suspecte un enracinement millénaire...
sans pouvoir lui donner d'épaisseur historique. » {Histoire culturelle de la
France, XIX'-XX' siècle, Paris, 1974, p. 52.)
(11) Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324, Paris, 1975, p. 576.
(12) Cf. Roger Vaultier, Le folklore pendant la guerre de Cent ans d'après
les lettres de rémission, Paris, 1965.
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[19], si l'on place sur son lit un couteau ou une courroie (I, 152), si
quelqu'un monte sur le toit de la maison dire certaines paroles (I,
354) [20].
Si par malheur la femme met au monde un enfant mort, il faut
faire sortir le petit cadavre par la fenêtre et non par la porte, sinon
la mère passant plus tard par cette porte n'accoucherait plus par
la suite que d'enfants mort-nés (I, 186 et 237). Si l'enfant est bien
vivant, il faut aussitôt le faire passer dans le feu pour le préserver
des maléfices (I, 151), lui tremper les pieds et les mains dans l'eau
glacée pour qu'il ne soit pas sensible au froid (II, 77), lui frotter
les lèvres avec une pièce d'or pour qu'il les ait toujours vermeilles
(ibid.). En cas de danger, l'enfant est ondoyé à domicile. C'est la
matrone ou un quelconque des assistants qui s'en charge ; le père,
même s'il est seul présent, ne peut le faire sans danger, car il
acquerrait de ce fait avec sa femme une affinité spirituelle qui leur
interdirait désormais de se demander l'un à Vautre le devoir du
mariage (II, 38). Thiers dénonce vertement cette superstition
criminelle qui n'est pourtant que la transposition poussée jusqu'à
l'absurde, d'une prescription de l'Eglise en matière de droit
matrimonial : la parenté spirituelle entre le parrain ou la marraine d'une
part, le filleul ou ses père et mère d'autre part, constitue en effet
un empêchement dirimant au mariage.
Le baptême, premier des rites de passage, doit être célébré
comme une fête. C'est pourquoi il convient que l'enfant soit vêtu aussi
somptueusement que possible (II, 92) et que les cloches sonnent à
toute volée, sans quoi l'enfant deviendrait sourd ou chanterait faux
(II, 144) [21]. Le choix des parrain et marraine est important. Il faut
éviter de choisir pour marraine une femme enceinte : l'un ou l'autre
des deux enfants, c'est-à-dire ou celui qui est venu au monde ou celui
qui y viendra, mourrait très vite (I, 185). Si le cierge utilisé pour le
baptême reste allumé pendant toute la cérémonie, c'est que parrain
et marraine se marieront ensemble sous peu ; s'il s'éteint avant la
fin, c'est qu'un tel mariage n'aura pas lieu (IV, 404). Selon un abus
qui approche de la superstition, le prénom donné à l'enfant sera
souvent transformé dans la vie courante : Jean deviendra Jeannot,
Pierre, Pierrot, Marie, Marion, Françoise, Fanchon (II, 109). Quant au
(22) Ce que dénonce ici Thiers, c'est non le dépôt du chrémeau à l'église,
qui est recommandé par de nombreux rituels (cf. Abbé J. Corblet, Histoire...
du sacrement de baptême, Amiens, 1881, t. II, p. 422-424), ni son utilisation
le mercredi des Cendres pratiquée officiellement dans beaucoup de régions,
mais le fait d'y glisser une pièce de monnaie : « Cette pratique, écrit-il, sent
plutôt la simonie que la superstition. »
(23) Même pratique à Sennely, en Sologne, à la fin du xvir siècle, d'après
son prieur curé Christophe Sauvageon (Emile Huet, « Le manuscrit du prieur
de Sennely, 1700 », dans Mémoires de la Société archéologique et historique de
l'Orléanais, t. XXXII, 1908, p. xi).
(23 bis) Même croyance dans la région de Saint-Calais (haut Maine), à la
fin du xvnP siècle, selon la réponse du procureur-syndic de la commune à
l'enquête Grégoire en 1790 : « Une femme qui après une couche paraît à
l'église pour se faire relever, ne doit pas prendre l'eau bénite elle-même, il
faut que quelqu'un ait la charité de lui en mettre sur le front, sinon sa
profanation serait punie de mort dans l'année. » (Dans M. de Certeau, D. Julia,
J. Revel, Une politique de la langue. La Révolution française et les patois,
Paris, 1975, p. 245.)
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(33) Cf. Van Gennep, op. cit., I, p. 290, avec citation du passage de Thiers
(c'est l'un des rares cas où le curé chartrain est cité in extenso). Van Gbnnep
note que cette coutume, que Thiers semble expliquer par un jeu de mot
populaire sur le double sens de bannir, est générale en France, « du moins
autrefois, car de nos jours elle est appliquée moins strictement » (le t. Ier date de
1943).
(34) Van Gennep, op. cit., II, p. 383.
(35) Cf. C. Piveteau, op. cit., p. 57.
(36) « Les Solognots disent que les maris auraient des femmes infidèles s'ils
étaient mariés le mercredi. » (Op. cit., p. xi.)
(37) Cf. Van Gennep, op. cit., II, p. 379 et IV, p. 1430. L'interdit qui remonte,
on le sait, à l'Antiquité, ne doit rien, à la date où écrit Thiers, au culte du mois
de Marie qui ne se développera qu'au début du xix* siècle. Exemple des
pièges d'une ethnographie a-historique.
(38) Van Gennep, op. cit., II, p. 380.
ANNALES DE BRETAGNE 453
(39) C. Piveteau {op. cit., p. 60) renvoie aux principaux d'entre eux.
(40) Sur le nouement de l'aiguillette, cf. Emmanuel Le Roy Ladurie, «
L'aiguillette », dans Europe, mars 1974 (numéro spécial sur Freud), p. 134-146, qui
utilise essentiellement, outre l'Encyclopédie théologique de l'abbé Migne, les
écrits de Jean Bodin, Pierre de Lancre et le Traité des superstitions de Thiers,
et qui constitue une remarquable mise au point sur la question.
(41) Sur le symbolisme de ces diverses pratiques, cf. l'article de Le Roy
Ladurie. Les sous (tirés de la bourse) sont l'équivalent des testicules, mis
ainsi à l'abri des entreprises des sorciers, ainsi que l'anneau, symbole du
sexe féminin. De même, le jet d'urine dans la bague de la future épouse est
d'un symbolisme clair. Par contre, avec les relations prénuptiales, on passe
du symbolisme à la réalité.
(42) Cf. F. Chapiseau, op. cit., II, p. 124, et Van Gennep, op. cit., II, p. 459.
(43) Selon Van Gennep {Op. cit., II, p. 458), « la manière dont la mariée
permet au marié de mettre et d'enfoncer l'anneau sur son doigt sert de
présage (...) : en recourbant le doigt elle s'efforce d'arrêter l'anneau sur le
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main matin, il allait leur ouvrir la porte sur les six heures et les trouvait
sains, gaillards et bons amis. Un curé de mes amis, homme de mérite et de
capacité, m'a assuré plus d'une fois que ce promoteur, qu'il connaissait
parfaitement bien, guérissait ainsi les personnes qui se plaignaient à lui d'avoir
l'aiguillette nouée. » On s'étonne que Le Roy Ladurie n'ait pas tiré parti de
cette anecdote savoureuse dans son article cité, écrit sous le patronage de
Freud.
(47) Van Gennep ne souligne pas suffisamment, à propos des nuits de Tobie,
qu'il ne s'agit que d'un conseil de l'Eglise {Op. cit., II, p. 555).
(48) En d'autres termes, il faut que le lit soit parallèle aux poutres du
plafond (qui est le sens, ici, du mot plancher). Van Gennep cite le fait, mais sans
référence à Thiers (Op. cit., II, p. 665).
(49) « Superstition expressément condamnée par divers rituels », dit Thiers
qui en cite plusieurs, de 1630 à 1660.
(50) Ces deux pratiques, très générales, sont signalées, entre autres, par
F. Chapiseau, op. cit., II, p. 163, et par Van Gennep, op. cit., II, p. 674 (avec
de multiples références).
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(51) Ces deux coutumes sont signalées par Van Gennep dans plusieurs régions,
notamment la seconde en Bretagne d'après une observation d'Alfred de Nore
en 1846 (Op. cit., II, p. 718-724).
(52) Cf. Van Gennep, op. cit., II, p. 712.
(53) Le dépôt de petites croix, ou croisettes, aux carrefours est signalée par
Van Gennep (Op. cit., II, p. 734-737), jusqu'à la veille de la Seconde Guerre
mondiale, dans beaucoup de régions, notamment la Picardie et la Flandre, mais
pas l'Ile-de-France ; aucune référence à Thiers.
(54) Sur le caractère rituel et magique des crêpes le jour de la Chandeleur
et du mardi gras, cf. Van Gennep, op. cit., III, p. 1130, et Claude Gaignebet, Le
carnaval, Paris, 1974, p. 53 et 150.
(55) Selon Van Gennep (Op. cit., V, p. 2509), on invoquait sainte Agathe, en
Alsace, au milieu du xix" siècle, pour protéger les animaux contre les sorcières
et les maladies. Sur la place de sainte Agathe dans 1' « espace religieux »
traditionnel, cf. C. Gaignebet, op. cit., p. 14.
ANNALES DE BRETAGNE 457
renards ne viennent y manger les poules (I, 236) [56] ; ne pas filer
ce même jour, de peur que les souris ne mangent le fil tout le reste
de l'année (I, 258) [57] ; enterrer Carême-Prenant, c'est-à-dire un
fantôme qu'ils appellent Carême-Prenant, pour avoir moins de peine
à jeûner (I, 237) [58] ; porter, le premier dimanche de Carême, des
brandons dans les champs pour les préserver des mulots, de l'ivraie
et de la nielle (I, 259) et dans les jardins pour les rendre plus
fertiles et notamment y faire venir de gros oignons (I, 263). C'est
ce même dimanche des Brandons que se pratique en Lorraine le jeu
des fassenottes qui consiste, pour les jeunes d'une paroisse
assemblés pour la circonstance au son des violons, à désigner à hauts cris
des époux et des épouses à tous les fils et filles du village : Thiers
cite in extenso la condamnation de cette risée du sacrement de
mariage par l'évêque de Toul en 1665 (IV, 405) [59]. Le 1er avril, il ne
faut pas manquer de mettre du sel aux quatre coins des herbages
afin de préserver les bestiaux des maléfices (I, 258, 263) [60].
Le dimanche des Rameaux, il faut ficher des rameaux bénits
dans les terres ensemencées afin d'empêcher les sorciers de jeter un
sort sur la future récolte (I, 260) [61] et tremper cinq feuilles de buis
béni dans le breuvage des vaches pour les purger (I, 330). Pendant
la semaine sainte, il ne faut pas garder chez soi de fil écru parce que
N.S. en a été lié (I, 260), ni filer du mercredi saint au jour de Pâques
de peur de filer des cordes pour lier Notre Seigneur (I, 265). Le jeudi
saint, il faut, en dépit de la loi d'abstinence, manger un coq en
mémoire du reniement de saint Pierre (I, 267). Le vendredi saint,
il faut sevrer les enfants pour éviter qu'ils ne tombent en langueur
(I, 269) [62], et les laver pour les préserver de la gale (I, 259); il
faut aussi pendre un hareng aux soliveaux de la maison pour
empêcher les mouches d'y entrer (I, 333) et garder soigneusement toute
l'année les œufs pondus et les pains cuits ce jour-là : les premiers
seront très souverains pour éteindre les incendies dans lesquels ils
seront jetés, les seconds, mis dans un tas de blé, le préserveront
contre les souris (I, 320) [63]. Lors des Rogations, ou Roisons comme Von
dit en certains lieux, c'est-à-dire les trois jours précédant l'Ascension,
il ne faut ni faire la lessive, ni cuire de pain, de peur que quelqu'un
de la maison ne meure (I, 265). La pluie qui tombe durant l'octave
de la Fête-Dieu fait mourir les chenilles (64), mais les moutons que
l'on tond pendant ces jours-là meurent dans l'année (I, 265).
Thiers est particulièrement prolixe sur les croyances populaires
concernant la Saint-Jean d'été. Il faut, dit-il, sonner une cloche
pendant vingt-quatre heures, la veille de la Saint-Jean, dès l'aurore, pour
empêcher les maléfices des sorciers pendant toute Vannée ;
assembler le même jour dans un carrefour tous les moutons, toutes les
brebis et tous les agneaux d'une paroisse et les enfumer avec des
herbes cueillies Vannée précédente, le même jour, avant le soleil
levé, afin de les préserver de la... (sic) ; amasser le même jour aussi
avant l'aurore ce que Von appelle du chardon roulant, pour en piquer
les bestiaux malades en vue de les guérir ; prendre le même jour et
dans la même circonstance du temps, une herbe appelée en quelques
lieux, de la latte, la porter 5wr soi à la tête et à la ceinture, faire
trois tours autour du feu de la Saint Jean et un signe de croix, afin
de se garantir toute l'année du mal de tête et du mal de reins
(I, 259-260) ; cueillir ce jour-là, avant l'aurore, certaines herbes,
comme la racine de chicorée, pour empêcher les sorciers de faire du mal
(I, 150, 268), et certains simples dans la créance qu'ils ont plus de
vertu que s'ils étaient cueillis dans un autre temps (I, 266). Enfin,
pour savoir de quelle couleur seront les cheveux de leur future
femme, les garçons doivent tourner trois fois autour du feu de la Saint-
Jean, puis lorsque le bois est à demi consumé, en prendre un tison,
le laisser s'éteindre et le mettre, la nuit suivante, sous le chevet de
leur lit ; le lendemain ils trouveront autour du tison des cheveux de
la couleur de ceux de la belle (IV, 404) [65].
Certains interdits et certaines prescriptions sont liés à la fête
d'un saint et sont souvent basés sur un jeu de mots. Il faut bien se
garder de semer du blé le 2 octobre, fête de saint Léger, de peur que
ce blé ne vienne léger (I, 269) [66] ; de filer le 29 novembre, jour de
saint Saturnin qu'on nomme en quelques endroits saint Atome ou
Atorni, de crainte que les moutons, les brebis et les agneaux n'aient
le cou tors (I, 260) [67] ; de sortir les chevaux de l'écurie le 1er
décembre, fête de saint Eloi, patron des laboureurs et des maréchaux,
de même d'ailleurs que le 25 juin, fête de la translation de ses
reliques, dite Saint-Eloi d'été (I, 268) [68] ; de sasser de la farine le
21 décembre, jour de la Saint-Thomas (I, 265) [69].
Enfin, la période qui va du 25 décembre au 6 janvier est marquée,
elle aussi, par un certain nombre de coutumes qui concernent soit
la veille, la nuit et le jour de Noël, soit le cycle des douze jours ou
des douze nuits, depuis Noël jusqu'aux Rois. La veille de Noël, selon
un usage surtout provençal précise Thiers, on transporte
cérémonieusement dans l'âtre de la cuisine le tréfoir, ou bûche de Noël, qui,
béni avec du vin par la personne la plus jeune de la maison, est
allumé avec beaucoup de respect ; on continue à le mettre quelque
temps au feu chaque jour jusqu'à l'Epiphanie et on en conserve
toute l'année du charbon que l'on fait entrer dans la composition
de plusieurs remèdes ; ses cendres protègent de la foudre,
préservent les blés de la rouille, aident les vaches à vêler (I, 263, 329) [70].
C'est aussi la veille de Noël que se fabrique le pain de calende (71)
que l'on fait le plus blanc et le plus gros possible ; il sera mangé le
jour des Rois, sauf un petit morceau conservé pour guérir plusieurs
maux (I, 263, 329); en dehors du pain de calende, tout le pain cuit
le 24 décembre peut se garder dix ans sans se corrompre (I, 265).
Au retour de la messe de minuit, au cours de laquelle on a pris
soin de conserver un morceau de pain bénit qui protégera toute
l'année contre les morsures des chiens enragés, il faut avant d'entrer
dans la maison, faire boire chevaux et bestiaux (I, 328, III, 59). Le
jour de Noël, il faut éviter de manger des prunes pour se préserver
des ulcères (I, 263) et utiliser la nappe sur laquelle on a mangé pour
garder le blé de semailles, afin qu'il vienne mieux et qu'il soit plus
beau (I, 268). On peut aussi ce jour-là prévoir ce que sera le cours
du blé : il suffit de prendre douze grains de blé, donner à chacun le
nom d'un des douze mois, les mettre l'un après l'autre sur une pelle
de feu un peu chaude en commençant par celui qui porte le nom de
(72) Même croyance en Sologne vers 1700, selon le curé de Sennely : « Ils
regardent comme une faute punissable de cette vie de faire brûler le joug
d'une charrue et l'on a vu souvent de pauvres malades s'en faire mettre sous
le coussin de leur lit dans leur agonie parce qu'ils appréhendaient d'en avoir
fait brûler par mégarde. » (Op. cit., p. xi.)
(73) Cf. J.-P. Chassany, op. cit., passim, avec citation, à propos de chacun
de ces saints, de nombreux proverbes tirés pour certains du Calendrier des bons
laboureurs pour 1618, Paris, 1618.
(74) Cf. supra, note 28.
ANNALES DE BRETAGNE 4Ôl
(75) Cf. F. Chapiseau, op. cit., I, p. 279 : « Une poule qui chante le coq
présage un malheur. »
(76) Sur les personnes et animaux de bon augure, cf. supra, note 29.
(77) Sur cette croyance très répandue, cf. notamment le témoignage
beauceron de F. Chapiseau, op. cit., I, p. 270.
(78) Thiers ajoute : « En 1679, je trouvai une de ces images enfermée dans
un phylactère d'étain pendu au cou d'un petit enfant. »
(79) Ambroise Paré (cité par Littré) écrit : « II y en a (des sorciers) qui
empêchent que l'homme a rendu son urine, ce qu'ils appellent cheviller. » Mais
à l'article chevilleur Littré lui-même donne cette définition : « Nom qu'on
donnait à des sorciers qu'on prétendait capables de nouer l'aiguillette. » En
fait, cheviller évoque l'impuissance féminine par obturation, de même que
nouer l'aiguillette, l'impuissance masculine par ligature et castration.
(80) Sur la sorcellerie et la magie, naturelle et diabolique, et les pratiques
qui s'y rattachent au xviP siècle, cf. R. Mandrou, Magistrats et sorciers en
France au XVII' siècle, Paris, 1968, et K. Thomas, Religion and the décline of
magie, New York, 1971.
(81) Encore précise-t-il : « En voici divers exemples par lesquels on pourra
juger facilement des autres que je ne rapporterai point et qui sont en très
grand nombre. » (I, 324.)
462 ANNALES DE BRETAGNE
sieurs des recettes qu'il donne sont incomplètes soit qu'il n'ait pas
voulu en fournir le secret à son lecteur (82), soit qu'il ait été lui-
même incomplètement informé. Certaines visent la fièvre ou les
fièvres : boire dans un seau d'eau après qu'un cheval y aura bu (I,
325) ; dérober un chou dans un champ voisin et le mettre sécher
à la crémaillère (I, 327) ; assister un même dimanche à trois
aspersions de l'eau bénite dans trois paroisses différentes (I, 332) ; boire
de l'eau bénite les veilles de Pâques ou de la Pentecôte (I, 334) ;
aller en voyage (83) à une église dédiée à saint Pierre, sans se laver
les mains, sans parler à personne, sans boire ni manger, et sans prier
Dieu qu'on ne soit arrivé à l'église (I, 334) ; s'exposer tout nu au
soleil levant et en même temps dire certaine quantité de fois Pater
et Ave (I, 377) [84] ; pétrir un petit pain avec l'urine qu'une personne
malade de la fièvre quarte aura rendue dans le fort de son accès,
le faire cuire, le laisser froidir, le donner à manger à un... et faire
trois fois la même chose pendant trois accès, le... prendra la fièvre
quarte et elle quittera la personne malade (I, 335) [85]. Pour guérir
de l'épilepsie ou mal caduc, il faut se mettre dans l'un des plats
d'une balance et mettre son pesant de seigle dans l'autre (I, 327),
ou s'attacher au bras le clou d'un crucifix (I, 337), ou proférer les
paroles Dabit, habet, hebet (I, 353). Les verrues sont l'objet de
plusieurs prescriptions, par exemple les frotter avec de la bourre
trouvée fortuitement dans un chemin (I, 326) [86] ; couper en deux une
pomme, ou un morceau de bœuf, ou une feuille de figuier, ou un
cœur de pigeon, appliquer les deux morceaux sur les verrues, puis
les lier ensemble et les jeter, à mesure qu'ils pourriront, les verrues
diminueront (I, 326) ; mettre dans un papier autant de petites
pierres qu'on a de verrues et jeter ce papier dans un chemin (I, 331).
Pour guérir de la colique il faut réciter la prière suivante : Mère
Marie, Madame sainte Emerance, Madame saint Agathe, je te prie de
retourner en ta place, entre le nombril et la rate, au nom du Père
etc (I, 411). Pour faire cesser une hémorragie, il faut se mettre une
clé creuse dans le dos (I, 333). Une clé est aussi utilisée contre la
rage, dans le Comtat d'Avignon, en Provence, en Dauphiné et ailleurs,
mais il s'agit d'une clé d'église, de préférence d'une église dédiée a
saint Pierre, d'où le nom de clé de saint Pierre donné à ce
remède (I, 322) [87]. On se débarrassera du mal de dents en fixant un
fassent aucun mal aux brebis et aux porcs, il faut faire comme
certains bergers et porchers qui écrivent le nom de saint Basile sur un
billet et attachent ce billet en haut de leur houlette ou de leur
bâton (I, 359) [92]. Lorsque les chevaux sont malades des tranchées, le
seul remède est de les faire changer de paroisse ou, comme Von dit
en certains lieux, les faire changer de dîmage (I, 330) [93]. Pour
débarrasser les brebis des vers dont elles sont parfois atteintes, il
faut leur attacher au cou de trois ou de neuf sortes de bois (I, 330)
et pour les guérir du becquereau, dérober une oreille de charrue, la
placer sous le seuil de la bergerie et faire passer les brebis
pardessus (I, 325). Il faut enterrer dans l'étable, l'écurie ou la porcherie
les bêtes qui y sont mortes pour empêcher que les autres ne
meurent (I, 329). Enfin, grillons et abeilles sont des animaux familiers et
de bon augure : aussi ne faut-il jamais tuer les premiers (I, 266),
ni acheter ou vendre les secondes, mais seulement les échanger (I,
238).
(92) II faut évidemment lire saint Biaise, et non saint Basile (il s'agit
beaucoup plus vraisemblablement d'une coquille typographique que d'une erreur
de Thiers). Sur saint Biaise, protecteur des bestiaux et dont la fête est le
3 février, lendemain de la Chandeleur, cf. Van Gennep, op. cit., V, p. 2465-2480,
F. Chapiseau, op. cit., I, p. 113-116, C. Gaignebet, op. cit., p. 124-130.
(93) Cette coutume est signalée comme très générale dans M. Bouteiller, op.
cit., p. 323.
(94) Sur l'utilisation à cette fin, des statuts synodaux, cf. sur le plan
théorique, Van Gennep, « Note sur la valeur documentaire folklorique des canons
des conciles et des constitutions synodales », Jubilé Alfred Loisy (Paris, 1928,
t. III, p. 94-108) et « Décrets et édictions des conciles » (avec référence à
Thiers), dans Textes inédits sur le folklore français contemporain (Paris, 1975,
p.. 125-135) et Gabriel Le Bras, Préface au Répertoire des statuts synodaux des
diocèses
2° éd., 1969,
de p.l'ancienne
3-10) ; etFrance
sur le par
plan A.pratique,
Artonne,C. L.Piveteau,
Guizard,op.O.cit.,
Pontal
qui fournit
(Paris,
quelques indications. Sur l'utilisation, à cette même fin, des procès-verbaux de
visites pastorales, cf. le remarquable article de Dominique Julia, « La réforme
posttridentine en France d'après les procès-verbaux de visites pastorales : ordre
et résistances », dans La societa religiosa nell'eta moderna (Naples, 1973,
p. 311-415).
ANNALES DE BRETAGNE 465