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21/10/2022 15:17 Littératures francophones - Le double palimpseste de Maryse Condé.

Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem - ENS Éditions

ENS
Éditions
Littératures francophones  | Lise Gauvin,  Cécile Van den
Avenne,  Véronique Corinus,  et al.

Le double
palimpseste de
Maryse Condé.
Moi, Tituba
sorcière… Noire de
Salem
Ching Selao
p. 189-202

Texte intégral

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1 Les canons de la littérature européenne ont eu une influence


marquante chez quelques écrivains caribéens, et ce, de
langue française et anglaise. La fameuse «  adaptation pour
un théâtre nègre » de La Tempête (1623) de Shakespeare par
Aimé Césaire dans Une tempête est sans doute l’exemple le
plus connu1. Un peu dans la même tradition d’un Caliban se
rebellant contre le texte offert par Prospero, Derek Walcott,
Prix Nobel de littérature en 1992, a pour sa part « créolisé »
l’épopée homérique l’Iliade dans Omeros, en plus de
proposer une version théâtrale, également créolisée, de
l’Odyssée dans The Odyssey2. Ces deux exemples provenant
de deux géants des lettres caribéennes montrent bien
entendu l’héritage culturel de la colonisation, héritage d’un
imaginaire suscitant autant d’admiration que de
contestation, et le désir de situer les Caraïbes sur la
cartographie littéraire. Maryse Condé compte aussi parmi les
auteurs ayant contribué à la réécriture d’œuvres canoniques,
comme en témoigne La Migration des cœurs, interprétation,
selon le terme qu’elle emploie dans sa dédicace à Emily
Brontë3, des Hauts de Hurlevent (1847). Condé a de ce fait
exploré trois types d’appropriation  : la réécriture complète
d’un classique dans La Migration des cœurs, la réécriture
fragmentaire dans Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem
(1986) et l’emprunt de la structure narrative dans La
Traversée de la Mangrove (1989). Si La Migration des
cœurs s’attaque à un canon anglais, c’est toutefois vers des
modèles américains que l’écrivaine originaire de la
Guadeloupe s’est tournée pour l’écriture de Moi, Tituba
sorcière… Noire de Salem et de La Traversée de la
Mangrove, le premier roman s’appropriant La Lettre
écarlate (1850) de Nathaniel Hawthorne et le second
reprenant la structure narrative circulaire de Tandis que
j’agonise (1930) de William Faulkner.

Entre dialogue et contestation


2 Sans être une réécriture dans sa totalité d’un roman
canonique, comme c’est le cas avec La Migration des cœurs,
Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem n’en est pas moins
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une version parodique d’une œuvre considérée comme le


«  premier grand roman de la tradition américaine  »4. Au-
delà d’une simple référence intertextuelle, Condé entreprend
avec son roman une réécriture d’un épisode important, voire
crucial de La Lettre écarlate de Hawthorme, à savoir
l’emprisonnement de Hester Prynne avant sa sortie au
tribunal public. Se prêtant au jeu hypertextuel par lequel elle
détourne le sens initial de l’hypotexte que représente le
roman hawthornien, elle offre un pastiche de la figure
héroïque romanesque, que nous examinerons dans ce
chapitre, en lien avec la réécriture du personnage de Tituba,
l’esclave laissée-pour-compte dans l’historiographie du
procès de Salem.
3 Dans Palimpsestes. La littérature au second degré, Gérard
Genette souligne l’importance de l’opération transformative
dans l’adaptation d’un texte antérieur. Le détournement
indispensable à l’écriture au second degré est lié, dans Moi,
Tituba sorcière, à deux personnages féminins, l’un littéraire,
Hester Prynne, et l’autre historique, Tituba. En parodiant
l’héroïne de La Lettre écarlate, Condé met son roman en
relation avec celui de Hawthorne, instaurant ainsi la
«  condition de lecture  »5 dont parle Genette au sujet de
l’hypertextualité. La connaissance de La Lettre écarlate,
sans être nécessaire à la lecture de Moi, Tituba sorcière, est
néanmoins essentielle à l’appréciation de ses significations
et de sa fonction. Le choix de Condé de parodier l’héroïne
hawthornienne n’est pas fortuit, car Hester Prynne est
l’incarnation non seulement du péché, mais encore de la
rédemption, de la pécheresse ayant consacré sa vie, à son
corps défendant, à racheter sa «  faute  » commise avec le
révérend Arthur Dimmesdale. C’est d’ailleurs sa soumission
aux attentes de la société puritaine qui semble l’avoir élevée
au statut de personnage féminin héroïque, pour ne pas dire
mythique, comme le note Serge Soupel dans sa préface à la
traduction française du roman : « [La tragédie de ce roman]
est dans la hauteur résignée de Hester, que l’infamie exalte
et grandit plus qu’elle ne l’abaisse  » (LE, p.  12). Le ton
tragique de La Lettre écarlate est remplacé par un ton

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ironique dans Moi, Tituba sorcière, où la honte et l’infamie


de Hester ne servent plus à mettre en valeur le courage et la
grandeur du personnage, mais plutôt à mettre en lumière
son ressentiment envers le système patriarcal et les hommes
en général.
4 Si l’héritage puritain de Hawthorne, dont les ancêtres ont
suscité en lui des sentiments de fierté autant que de
culpabilité – son grand-père, John Hawthorne, rappelons-le,
est l’un des juges qui avait vivement participé à la chasse aux
sorcières de Salem et que Condé mentionne brièvement dans
son roman (MT, p. 161) –, fait que La Lettre écarlate oscille
souvent entre la faute de Hester Prynne et l’intolérance de la
société puritaine, l’héritage féministe contemporain de
Condé la conduit à libérer ce personnage de sa culpabilité.
Condé fait dès lors subir à Hester Prynne une
métamorphose, tout en s’inspirant de son modèle  : de la
victime dévouée et soumise à son destin, bien que rêvant
d’une meilleure condition pour les femmes, Hester Prynne
perd son patronyme et devient Hester, tout simplement,
incarnation de la vengeance, du féminisme pur et dur et de
la révolte. Refusant le nom du père et outrée que Tituba
porte un nom donné par un homme, en l’occurrence par son
père adoptif Yao, la Hester de Condé choisit la mort comme
exutoire à un monde dominé par les hommes. Mais si, à
première vue, ce personnage a peu à voir avec la Hester
Prynne de Hawthorne, une sourde révolte grondait déjà sous
la résignation de l’héroïne de La Lettre écarlate, sourde
révolte qui a éclaté dans un moment de «  folie  ». Dans sa
transposition, Condé radicalise en quelque sorte ce que
Hawthorne n’avait qu’effleuré. Jennifer Thomas précise en
ce sens qu’il ne s’agit pas pour Condé de remplacer Hester
Prynne par un personnage complètement différent de celui
de Hawthorne, mais d’engager un dialogue avec le canon
américain6.
5 La répétition de l’adjectif «  écarlate  » tout au long de Moi,
Tituba sorcière, et ce bien avant l’intrusion de Hester dans le
roman, préfigure la rencontre des deux femmes. Cette
rencontre, qui représente un épisode fort de la narration,

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souligne les nombreuses libertés que s’est données Condé


dans son projet de réécriture, comme le note Kathleen
Gyssels  : «  La rencontre factice entre les deux personnages
confirme combien Condé s’assigne le droit d’improviser.  »7
S’il est vrai qu’une amitié entre ces deux femmes ne pouvait
qu’être inouïe et peu probable à l’époque, l’argument
chronologique qu’avance la critique contredit cependant le
classique américain. Alors que Gyssels affirme que « Hester
Prynne ne peut avoir rencontré Tituba, née un jour de 16**,
emprisonnée en 1692 avant d’être vendue en 1693, puisque
la protagoniste hawthornienne vécut après elle, au
xviiie siècle » (ibid.), le roman de Hawthorne nous annonce,
dès le prologue, que Hester Prynne «  avait eu son temps
entre les débuts du Massachusetts et la fin du xviie  siècle  »
(LE, p. 52)8. Bien qu’elles aient vécu au même siècle, ce n’est
en effet que par le biais de la fiction qu’elles se retrouvent en
tête à tête dans la prison d’Ipswich.
6 Il est significatif que le chapitre de Condé relatant cette
rencontre, qui survient vers le milieu de la narration, donc
au centre du récit, s’ouvre sur la chevelure de Hester,
« luxuriante chevelure, noire comme l’aile d’un corbeau, qui
aux yeux de certains devait à elle seule symboliser le péché et
appeler le châtiment  » (MT, p.  150). Cette toison des
ténèbres, étalée et frappante, renvoie justement à la scène de
« folie » temporaire, de révolte « sauvage » qui s’empare de
Hester Prynne dans le roman de Hawthorne. Dans un
double geste d’éclat, Hester Prynne arrache la lettre écarlate
de sa poitrine et libère ses cheveux noirs et abondants de la
coiffe austère qui les enfermait. C’est dans les profondeurs
de la forêt où la femme écarlate ose jeter, rejeter, le stigmate
de son « crime » que Hawthorne révèle l’éclat, accentué par
les rayons inattendus d’un soleil subitement apparu, de la
sexualité réprimée pendant sept ans de son héroïne : « Son
sexe, sa jeunesse, la splendeur de sa beauté lui revenaient du
passé qu’on dit irrévocable, accouraient se presser, avec ses
espoirs de vierge et un bonheur jusqu’alors inconnu, dans le
cercle magique de cette heure » (LE, p. 228). Ce moment de
libération ne durera effectivement qu’une heure –  tout au

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plus dix pages pour le lecteur –, mais suffira pour dévoiler la


dynamique sexuelle de Hester Prynne. De manière assez
intéressante, ce n’est pas Hester Prynne qui retrouve sa
«  raison  »  : c’est Pearl, fruit de son péché avec le pasteur
Dimmesdale, appelée la «  petite enfant-sorcière  » (LE,
p.  272), qui la force à remettre la lettre écarlate sur sa
poitrine. Obéissant à l’injonction de sa fille, elle renferme du
même coup sa chevelure dans son bonnet. À propos de cet
égarement, Pierre-Yves Pétillon fait remarquer  : «  Un
moment, le narrateur s’est risqué, s’est aventuré, s’est
identifié à la rebelle, a franchi la ligne et maintenant, il se
rétracte, comme apeuré de sa propre audace. »9
7 C’est précisément de cette audace fugace que s’inspire Condé
pour son Hester dont le «  sexe, la jeunesse et la beauté  »
sont mis en relief. À l’instar de Tituba qui contrôle à peine
son désir des hommes –  de John Indien au jeune
révolutionnaire Iphigene en passant par le traître
Christopher et le Juif Benjamin Cohen d’Azevedo  –, Hester
maîtrise à peine son désir de Tituba. La sensualité et la
sexualité de ces femmes contrastent avec l’atmosphère
puritaine de restrictions et d’interdictions qui sert de toile de
fond au roman. Le désir sexuel de Tituba, vers le début de la
narration, c’est-à-dire lorsqu’elle était toujours à la Barbade
et pas encore en Nouvelle-Angleterre, la poussait déjà à se
demander, après la jouissance du plaisir solitaire, si sa mère
n’avait pas connu une sensation similaire au moment de son
viol par un Anglais :
Comme j’approchais de mon sexe, brusquement il me
sembla que ce n’était plus moi, mais John Indien qui me
caressait ainsi. Jaillie des profondeurs de mon corps, une
marée odorante inonda mes cuisses. Je m’entendis râler
dans la nuit.
Était-ce ainsi que malgré elle, ma mère avait râlé quand le
marin l’avait violée  ? Alors, je comprenais qu’elle ait voulu
épargner à son corps la seconde humiliation d’une
possession sans amour et ait tenté de tuer Darnell. (MT,
p. 30-31)

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8 Cette réflexion déplacée, qui laisse entendre que ce ne serait


pas tant la violence du viol qui aurait humilié Abena que la
jouissance probable ressentie lors de ce viol, ne peut que
jeter le lecteur dans un profond malaise, d’autant plus que
Tituba, fruit de cet «  acte de haine et de mépris  » (MT,
p.  13), sera elle-même violée par Samuel Parris et ses
acolytes. Ce propos inconvenant, qui nous est donné à lire
dès le deuxième chapitre comme pour nous préparer à un
roman dans lequel l’innommable est nommé, serait, selon
Kathleen Gyssels, une réaction de Condé «  contre le
complexe de victime qui, il est vrai, n’en finit pas de colorier
les récits de témoignage antillais, surtout féminins »10. Cette
réflexion nous apparaît en outre insister sur la «  candeur  »
de Tituba – qui avoue à quelques reprises être naïve –, que
l’on retrouve également chez Hester, sorte d’ingénuité la
poussant parfois à dire ce qu’elle pense, sans que cela ait été
réfléchi ou soupesé.
9 Cette stratégie de détour, pour reprendre une expression
glissantienne, par la naïveté n’a rien de naïf en ce qu’elle
permet à Condé de faire dire à Tituba ce qui ne se dit pas,
d’aborder des sujets tabous. « Le camouflage, écrit Édouard
Glissant dans Le discours antillais, c’est là une mise en
scène du Détour.  »11 En plus de dé-victimiser Abena dans
l’évocation de son plaisir possible dans la terrible «  scène
primitive  », si nous suivons l’interprétation de Gyssels,
Tituba révèle, à travers le récit de ses rêves dans lesquels
Hester vient s’étendre à ses côtés, un autre indicible de la
société puritaine, celui du « chemin d’une autre jouissance »
(MT, p. 190). La jouissance entre femmes n’est que suggérée
dans la mesure où le désir n’aboutit pas à l’acte, à la
différence du désir « incestueux », autre forme de sexualité
interdite évoquée dans le roman. La relation de Tituba avec
Iphigene, le vrai meneur des marrons au nom mythologique
et féminin, rappelle en effet un célèbre mythe : celui d’Œdipe
et de Jocaste. Iphigene ne se crèvera pas les yeux, il sera
plutôt le premier sacrifié et pendu, destin que connaîtra
également son amante. Leur liaison suscite en Tituba de la
«  honte  », car «  une absurde conviction de commettre un

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inceste [l’]envahissait  » (MT, p.  259) dans son désir ardent


pour ce «  fils-amant  » (MT, p.  260). Ce sursaut de honte
entre les caresses n’empêchera toutefois pas Tituba d’aller au
bout de l’acte, ajoutant un nom de plus au « défilé d’hommes
dans [s]on lit » (MT, p. 260).
10 Les propos naïfs ou fantasmagoriques de Tituba et de Hester
peuvent, à cet égard, constituer des contre-discours à la doxa
de la communauté puritaine de Salem et du contexte
colonial de la Barbade. Suivant la définition de Richard
Terdiman, Lise Gauvin rappelle que le contre-discours est
«  un discours qui s’alimente aux discours dominants et en
propose une “contre-partie” de façon à les déstabiliser  »12.
Un exemple subtil de ce genre de déstabilisation est donné
par Hester. Aux accusations portées contre Tituba, elle
déclare, dans un élan d’affection pour sa nouvelle amie  :
«  Tu ne peux pas avoir fait de mal Tituba  ! De cela, je suis
sûre, tu es trop belle  ! Même s’ils t’accusaient tous, moi, je
soutiendrais ton innocence  !  » (MT, p.  152) La beauté de
Tituba est explicitement liée à la couleur de sa peau  :
«  Quelle couleur magnifique a sa peau et comme elle peut
sous ce couvert, dissimuler ses sentiments ! » pensait Hester
(MT, p.  151) L’argument de la beauté paraît d’abord tout à
fait ridicule pour plaider l’innocence d’une personne  ;
pourtant, il déconstruit un préjugé tenace qui traverse tout le
roman et qui associe la couleur de la peau de Tituba à des
attributs négatifs, tels le mal et la laideur. Betsey, la fille des
Parris dont Tituba s’est occupée avec dévouement, répète
cette conviction partagée par tous  : «  Vous, faire du bien  ?
Vous êtes une négresse, Tituba ! Vous ne pouvez que faire du
mal. Vous êtes le Mal ! » (MT, p. 123) Le choix de Condé de
faire de Tituba une esclave d’origine barbadienne noire – et
non indienne comme John Indien13 – est ici révélateur en ce
qu’il met l’accent sur la perspective manichéenne associant
le noir à la laideur, à la souillure et au mal, par opposition au
blanc qui représente, dans l’imaginaire colonial, la beauté, la
propreté et le bien. « Le péché est nègre comme la vertu est
blanche  »14, a écrit Frantz Fanon dont l’ombre apparaît
justement dans le roman. S’appropriant l’argument raciste

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de la communauté, Hester effectue un renversement


discursif qui trahit l’absurdité de l’argument initial  : Tituba
est d’emblée coupable à cause de la couleur de sa peau, si
bien que dans une logique inversée tout aussi absurde, elle
ne peut qu’être innocente pour la même raison.

Réécriture et marronnage de l’imaginaire


11 L’appropriation par Condé du personnage canonique et d’un
certain discours féministe sous-jacent au roman de
Hawthorne s’effectue également par ce genre de détours, qui
transforme Hester Prynne en un personnage différent sans
qu’elle devienne pour autant un modèle féministe. De fait,
Hester ne trouve la libération que dans la mort, emportant
dans son suicide l’enfant qu’elle portait. Condé déplace de
nouveau le sens de l’hypotexte  : dans La Lettre écarlate, la
maternité avait contribué à racheter la faute de Hester
Prynne, tandis que dans Moi, Tituba sorcière la maternité de
Hester est avortée. Encore ici, Condé va jusqu’au bout d’une
idée déjà présente dans le roman de Hawthorne  : Hester
Prynne avait elle aussi songé à tuer sa fille Pearl, après la
naissance de celle-ci, et ensuite s’enlever la vie (LE, p. 188).
Au lieu de commettre l’irréparable et de devenir une
meurtrière et une suicidaire, Hester Prynne évolue plutôt
vers la sainteté. Lorsque la peste frappe la ville, elle porte
secours aux malades et aux démunis au point que «  [l]a
lettre écarlate produisait l’effet d’une croix sur la poitrine
d’une religieuse » (LE, p. 184). Quant à Moi, Tituba sorcière,
s’il est possible de lire le suicide de Hester comme un choix,
comme l’aboutissement du désir d’infanticide de son alter
ego littéraire et comme la manifestation achevée de sa
révolte, au sens étymologique du terme, de celle qui fait
volte-face et dit «  non  »15 au système patriarcal, il est tout
aussi possible de l’interpréter comme le seul moyen
d’échapper à la lettre écarlate, atténuant dès lors l’héroïsme,
s’il en est, de ce geste. Alors que Hester Prynne devient, au
terme de La Lettre écarlate, une figure féminine légendaire,
voire sacralisée, auprès de qui d’autres femmes viennent
chercher réconfort et conseils, Hester, à la fin du roman de
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Condé, n’existe que dans la mémoire de Tituba, de qui elle


est séparée, quoiqu’elles soient toutes deux mortes. Certes,
Hester « poursuit son rêve : créer un monde de femmes qui
sera plus juste et plus humain  » (MT, p.  271), mais son
projet ne semble trouver écho ni sur terre ni dans l’au-delà,
pas même chez Tituba qui avoue «  avoir trop aimé les
hommes et continue de le faire » (MT, p. 271). Dans la prison
d’Ipswich, la femme adultère lui avait affirmé que l’amour
serait un obstacle à son adhésion au féminisme – « Tu aimes
trop l’amour, Tituba  ! Je ne ferai jamais de toi une
féministe  !  » (MT, p.  160)  –, ce que confirme plus que ne
contredit la narratrice avec cet aveu faisant directement
référence aux paroles de Hester.
12 Si Hester rêve d’une communauté gouvernée par les femmes
et dans laquelle celles-ci légueraient leur nom aux enfants,
ce qu’elle entend par féminisme est réducteur et n’est pas
très clair. À la question de Tituba : « Une féministe ! Qu’est-
ce que c’est cela  ?  » (MT, p.  160), Hester ne répond pas,
préférant prendre sa nouvelle amie dans ses bras et la
couvrir de baisers. Bien qu’elle promette de lui expliquer
« plus tard », l’explication ne viendra jamais, ce que pressent
d’ailleurs Tituba qui lui répond : « Plus tard ? Y aurait-il un
plus tard ? » (MT, p. 160) Qu’est-ce donc qu’une féministe ?
Une femme révoltée refusant le nom et la loi du père, rêvant
d’un monde excluant les hommes, avortant ses enfants et
contenant à peine son désir d’une autre femme ? Par-delà le
débat opposant le féminisme occidental et le féminisme
«  noir  » que représenteraient respectivement Hester et
Tituba, la mise en scène parodique de la rencontre de ces
deux femmes semble être une façon de se moquer du
discours féministe occidental et autre, même si Condé a déjà
dit s’identifier davantage au «  womanism  » de l’écrivaine
afro-américaine Alice Walker, c’est-à-dire privilégier une
posture féministe préoccupée par les différences culturelles
et ethniques, qu’au féminisme tout court. Annoncés par
l’ombre de Simone de Beauvoir qui traverse le roman au
moment où John Indien, celui qui a «  pactisé avec les
bourreaux  », appelle Tituba «  [s]a femme rompue  » (MT,

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p.  118)16, les discours féministes dans Moi, Tituba sorcière


ne doivent sans doute pas être pris au pied de la lettre,
d’autant plus qu’il s’agit de faire porter un discours du
xxe siècle – le spectre de la mère du féminisme français nous
le rappelle  – à des personnages du xviie  siècle. Affirmant
s’être tordue de rire en écrivant Moi, Tituba sorcière et s’être
bien amusée en créant une rencontre entre Hester et Tituba,
l’auteure a déclaré ne pas comprendre comment la critique a
pu lire avec sérieux ce roman et faire de Tituba ce qu’elle
n’est pas, en l’occurrence un personnage héroïque
féministe17.
13 Dans une étude substantielle sur les échos intertextuels
postcoloniaux dans l’œuvre de Condé, Derek O’Regan a
réitéré cette idée en insistant sur la caricature du féminisme
militant occidental incarné par Hester que l’écrivaine, dans
son programme féministe (« feminist agenda »), opposerait
à la véritable résistance de Tituba, érigée en une héroïne
féministe méconnue du combat contre l’esclavage18. Or, dans
son projet d’un double palimpseste – réécriture à la fois d’un
épisode d’un classique américain et (ré)écriture de la
«  sorcière  » barbadienne  –, Condé rétablit certes la
subjectivité de Tituba, sans pour autant succomber à la
tentation de faire de l’esclave un personnage héroïque.
Pleine de vie, attachante, à la fois lucide et naïve comme
Hester, Tituba n’échappe pas non plus à la caricature
puisqu’elle est parfois « ridicule », pour employer l’épithète
utilisée par Condé elle-même19. Elle ne s’oppose ainsi pas
tant à Hester, car ni l’une ni l’autre n’échappent à l’ironie de
l’auteure, ce qui n’exclut toutefois pas la portée féministe du
roman qui doit tout de même être lue, à notre avis, avec un
certain recul. Esclave bien sûr des hommes blancs, Tituba
l’est aussi de son désir insatiable des hommes en général.
Lors de son retour à la Barbade, c’est ce désir des hommes,
davantage que leur noble cause, qui la pousse à aider et à
rejoindre les marrons (MT, p.  226), allusion parodiée à la
mulâtresse Solitude, symbole historique de la résistance
féminine de la Guadeloupe20. Condé n’offre par conséquent
pas qu’une parodie de la figure héroïque du roman

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traditionnel américain, elle transforme également la figure


de la femme caribéenne souvent représentée en tant que
victime et combattante dans la littérature antillaise. Les
actions et les gestes prétendument héroïques de Tituba sont
souvent le fruit du hasard ou de son désir sexuel, comme
l’est son engagement auprès des esclaves marrons.
14 En privilégiant un marronnage de l’imaginaire qui ne se
conforme ni aux attentes du lectorat occidental ni à celles du
lectorat antillais – hommes ou femmes –, Condé écorche au
passage la figure «  sacro-sainte  »21 de la grand-mère et la
figure non moins sacrée de l’esclave marron ou marronne
telle qu’on peut la retrouver dans l’œuvre d’Édouard Glissant
ou de Patrick Chamoiseau. De plus, les représentations
détournées, voire altérées qu’elle propose à partir de deux
figures féminines appartenant au monde anglo-saxon – l’une
historique, l’autre littéraire – ajoutent à la complexité de son
projet de réécriture. Comme le souligne Françoise Lionnet
dans son analyse très fine de La Migration des cœurs, la
réécriture de Condé opère non seulement un déplacement
discursif –  le «  contre-discours postcolonial  » élaboré dans
l’ouvrage devenu la référence incontournable des études
postcoloniales, The Empire Writes Back. Theory and
Practice in Post-Colonial Literatures22  –, mais aussi un
déplacement linguistique dans la mesure où son écriture en
langue française «  contre-attaque  » un canon de langue
anglaise23. Empruntant au modèle américain dans le cas de
Moi, Tituba sorcière, mais offrant un roman francophone
inscrivant l’imaginaire caribéen au cœur du puritanisme de
la Nouvelle-Angleterre, il est de fait difficile d’affirmer que
Condé écrive bel et bien vers, pour ou contre le centre dont
elle s’inspire. Peut-on d’ailleurs parler d’un seul centre  ?
Plusieurs centres semblent être convoqués dans ce jeu
hypertextuel et interculturel, où l’autre est mis en relation
avec le même, selon la poétique de Glissant24, mais où l’autre
et le même ne sont plus aussi facilement identifiables.

Poétique hypertextuelle et romanesque

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15 Cette poétique de la relation hypertextuelle et


interlinguistique, qui n’exclut pas des références
intertextuelles à des écrivains du monde francophone
(notamment à André Schwarz-Bart, à Césaire, à Jean Genet
et à Fanon), ne se lit pas seulement dans l’épisode de la
prison, elle se révèle également dans quelques techniques
paratextuelles. Hawthorne, dans La Lettre écarlate, donne à
lire un prologue soulignant « l’authenticité » du récit que le
narrateur nous propose, puisé dans un manuscrit trouvé
dans les archives des bureaux de la douane. Quant à Condé,
elle n’offre aucun prologue à Moi, Tituba sorcière, mais une
note en exergue au roman, signée par l’écrivaine, Maryse
Condé, qui se veut pareillement une sorte d’attestation
véridique du récit proposé : « Tituba et moi, avons vécu en
étroite intimité pendant un an. C’est au cours de nos
interminables conversations qu’elle m’a dit ces choses qu’elle
n’avait confiées à personne  » (MT, p.  7). Autant chez
Hawthorne que chez Condé, «  l’authenticité  » rapportée
n’est qu’un leurre, les deux auteurs mettant l’accent, tout au
long de la narration, sur l’aspect légendaire de chacun des
romans. La prolifération des «  peut-être  », des «  on dit  »,
des «  semble-t‑il  »,  etc., dans La Lettre écarlate est à cet
égard révélatrice. Dans Moi, Tituba sorcière, la confusion
entre faits historiques et scènes invraisemblables invite les
lecteurs et les critiques à le lire comme une fiction
romanesque, avec tout ce que cette expression contient
d’imagination et de vérité. Qu’y a-t-il de plus fictif que cette
mise en récit d’un personnage du xviie  siècle à la première
personne  ? À la question de savoir pourquoi elle a écrit
Tituba en recourant au «  je  », ce «  Saint-Esprit de la
première personne  »25 pour reprendre les mots de Philippe
Lejeune, Condé a répondu avec aplomb et humour dans un
entretien  : «  Je dois être Tituba. Je suis la sorcière  !  »26 Si
l’on apprécie son humour, il est évident que ce « je » traduit
un désir de restituer la subjectivité de Tituba, la plus
négligée des sorcières du procès de Salem, et ce, autant par
les historiens que par les écrivains.

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16 Sans être la première à avoir mis Tituba au centre d’une


fiction, puisque l’écrivaine afro-américaine Ann Petry l’avait
fait en 1964 dans un roman pour la jeunesse, Tituba of
Salem Village27, Condé est néanmoins la seule depuis Petry à
avoir produit une œuvre d’importance sur ce personnage. De
façon tout à fait intéressante, Tituba elle-même, dans le
roman, anticipe sa disparition dans l’historiographie du
procès :
Je sentais que dans ces procès des sorcières de Salem qui
feraient couler tant d’encre, qui exciteraient la curiosité et la
pitié des générations futures et apparaîtraient à tous comme
le témoignage le plus authentique d’une époque crédule et
barbare, mon nom ne figurerait que comme celui d’une
comparse sans intérêt. On mentionnerait çà et là «  une
esclave originaire des Antilles et pratiquant
vraisemblablement le “hodoo”  ». On ne se soucierait ni de
mon âge ni de ma personnalité. On m’ignorerait. […]
Aucune, aucune biographie attentionnée et inspirée recréant
ma vie et mes tourments  ! Et cette future injustice me
révoltait ! Plus cruelle que la mort ! (MT, p. 173)

17 Cet extrait confirme l’importance de l’imaginaire dans le


projet de réécrire ou, plus exactement, d’écrire l’existence de
Tituba. La part imaginative, créatrice du récit peut sembler
aller de soi, car après tout Maryse Condé est une romancière,
mais ce recours à la fiction en ce qui concerne Tituba met en
lumière le manque de documents au sujet de cette figure
esclave de l’Amérique du xviie  siècle, dont l’existence n’est
attestée que par ses témoignages au procès de 1692. Qui était
Tituba avant et après le procès  ? Qui était-elle avant d’être
l’esclave sorcière pratiquant le « hodoo » ? Condé répond à
cette question, à la toute fin du livre, dans une note
paratextuelle auctoriale  : «  Vers 1693, notre héroïne, fut
vendue pour le prix de sa “pension” en prison, de ses chaînes
et de ses fers. À qui ? Le racisme, conscient ou inconscient,
des historiens est tel qu’aucun ne s’en soucie  » (MT,
p.  278)28. En ce sens, la réécriture n’offre parfois pas tant
une autre version d’un récit qu’elle n’invente une partie pour
en combler ses lacunes, mais à partir des quelques traces
historiques. Créer, recréer, inventer, réinventer, autant de
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verbes soulignant l’opération transformative inhérente à


l’écriture parodique de Condé, qui nous paraît être bien plus
qu’une «  prosaïsation des archives et des données
historiques, exploitation quelque peu facile, artistiquement
peu engageante » ou une « réécriture minimaliste » avec des
passages «  d’allure trop encyclopédique  » et des liens
« surfaits »29.
18 Suivant l’étymologie du mot parôdia30, Condé déforme
l’identité de l’héroïne hawthornienne et de Tituba, tout en
s’inspirant de ses modèles. Bien qu’elles demeurent près, à
côté, des représentations initiales, les fonctions et les sens
qui leur sont rattachés n’en sont pas moins
considérablement détournés. Comme le mentionne à juste
titre Lise Gauvin :
Si écrire est toujours, de quelque façon, réécrire le monde et
sa littérature, on peut renverser la proposition et dire que
réécrire est aussi écrire, au premier degré, réinventer la
littérature et ses modèles, voire se constituer en modèle dans
la chaîne infinie des textes qui constituent la bibliothèque
mondiale.31

19 L’écriture de Moi, Tituba sorcière en est effectivement une


au second et au premier degré, réinventant le personnage de
Hawthorne et créant celui de Tituba. Ayant choisi d’offrir un
portrait satirique de l’héroïne romanesque, l’auteure se
garde bien d’idéaliser ses personnages ou de les ériger en
modèles. Non seulement l’écrivaine se moque de la figure
féminine du roman américain, mais elle refuse de faire de
Tituba une figure héroïque, malgré son désir de rétablir la
subjectivité de cette esclave oubliée. Ce refus du modèle
héroïque participe peut-être d’un mythe moderne, celui de
l’antihéros, devenu en quelque sorte le modèle
contemporain32. Par un double détournement, un double
palimpseste, Condé nous plonge dans un imaginaire
romanesque où les sorcières rencontrent des femmes
adultères, où des héroïnes n’en sont pas vraiment, où la
sexualité est source de plaisir autant que de violence, et où,
en somme, le comique côtoie le tragique, pour le plaisir des
lecteurs.

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Notes
1. A. Césaire, Une tempête, Paris, Seuil (Points), 1969.
2. D. Walcott, Omeros, New York, Farrar Strauss Giroux, 1990  ; The
Odyssey, New York, Farrar Strauss Giroux, 1993.
3. M. Condé, La Migration des cœurs, Paris, Laffont, 1995.
4. S. Soupel, «  Préface  », N. Hawthorne, La Lettre écarlate, traduction
M.  Canavaggia, Paris, Flammarion (GF), 1982 [1850], p.  7  ; désormais,
les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle  LE, suivi du
folio, et placées entre parenthèses dans le texte. M. Condé, Moi, Tituba
sorcière… Noire de Salem, Paris, Gallimard (Folio), 1988 [1986]  ;
désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle MT,
suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
5. G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, p. 31.
6. J. R. Thomas, « Taking the cross-talk of histories in Maryse Condé’s I,
Tituba, Black Witch of Salem  », Emerging Perspectives on Maryse
Condé. A Writer of Her Own, S.  Barbour et G.  Herndon éd., Trenton,
Africa World Press, 2006, p. 98.
7. K. Gyssels, Sages sorcières  ? Révision de la mauvaise mère dans
Beloved (Toni Morrison), Praisesong for the Widow (Paule Marshall), et
Moi, Tituba, sorcière noire de Salem (Maryse Condé), Lanham,
University Press of America, 2001, p. 204.
8. Au troisième chapitre, le narrateur précise également que «  le
Gouverneur de l’État en personne, Messire Bellingham » (LE, p. 83) était
venu assister à l’« exposition » de Hester Prynne. Une note nous rappelle
que Richard Bellingham a été le gouverneur du Massachusetts en 1641,
en 1654, et de 1665 à 1672.
9. P.-Y. Pétillon, « La Lettre écarlate ou la double exposition  », Études
anglaises, vol. 58, no 4, 2005, p. 420.
10. K. Gyssels, « L’intraduisibilité de Tituba Indien, sujet interculturel »,
Mots pluriels, no  23, mars  2003, [en ligne], [URL  :
http://www.arts.uwa.edu.au/MotsPluriels/MP2303kg.html], consulté le
4 avril 2012. Gyssels mentionne à ce sujet les romans de Gisèle Pineau.
11. É. Glissant, Le discours antillais, p. 50.
12. L. Gauvin, « Écrire/Réécrire le/au féminin : notes sur une pratique »,
Études françaises, p. 13.
13. Notons que John Indien a véritablement existé, contrairement à
Benjamin Cohen d’Azevedo, amant juif de Tituba inventé de toutes
pièces par Condé. Tituba serait vraisemblablement indienne ou plus
exactement amérindienne et non noire : voir à ce sujet K. Gyssels, Sages
sorcières ? ouvr. cité, p. 109.

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14. F. Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil (Point/Essais),


1952, p. 112. C’est dans l’extrait où John Indien reproche à Tituba de ne
pas faire la fête avec ses amis que Condé fait clairement référence à
l’ouvrage de Fanon  : «  Ne fais pas cette tête-là, sinon mes amis diront
que tu fais la fière. Ils diront que ta peau est noire mais que par-dessus tu
portes masque blanc… » (MT, p. 56).
15. Sur l’étymologie du mot « révolte », voir A. Camus, L’homme révolté,
Paris, Gallimard, 1951, p. 27-38.
16. Un peu plus loin, c’est l’esprit de sa mère Abena qui l’appelle « [s]a
femme rompue » (MT, p. 219).
17. F. Pfaff, Conversations with Maryse Condé, Lincoln, University of
Nebraska Press, 1996, p. 60.
18. D. O’Regan, Postcolonial Echoes and Evocations. The Intertextual
Appeal of Maryse Condé, Berne, Peter Lang, 2006, p.  71-76  ; voir
également p. 84.
19. F. Pfaff, Conversations with Maryse Condé, ouvr. cité, p. 60.
20. Sur les liens intertextuels entre Moi, Tituba sorcière  et La
Mulâtresse Solitude d’André Schwarz-Bart, voir D. O’Regan,
Postcolonial Echoes and Evocations, ouvr. cité, p. 77-84.
21. F. Pfaff, Conversations with Maryse Condé, ouvr. cité, p. 60.
22. B. Ashcroft, G. Griffiths et H. Tiffin, The Empire Writes Back  ;
rappelons que le titre de cet essai participe également d’une chaîne
intertextuelle, puisqu’il emprunte à un des épisodes de la célèbre série
américaine Star Wars. The Empire Strikes Back, et à une citation de
Salman Rushdie  : «  The Empire writes back to the Centre  » (cité en
exergue).
23. F. Lionnet, «  Narrating the Americas  : transcolonial métissage and
Maryse Condé’s La Migration des cœurs  », Mixing Race, Mixing
Cultures. Inter-American Literary Dialogues, M.  Kaup et D. Rosenthal
éd., Austin, University of Texas Press, 2002, p. 71-72.
24. Voir É. Glissant, Poétique de la relation.
25. P. Lejeune, Moi aussi, Paris, Seuil, 1986, p. 30.
26. F. Pfaff, Conversations with Maryse Condé, ouvr. cité, p. 66.
27. Dans les années 1950, le dramaturge Arthur Miller avait pour sa part
écrit une pièce sur le procès de Salem dans laquelle Tituba occupe un
rôle important sans cependant être le personnage central : The Crucible,
New York, Penguin Books, 1995 [1952].
28. Condé parle ici d’«  héroïne  », tout comme en entretien elle a déjà
qualifié Tituba d’«  héroïne folklorique antillaise  », mais le terme doit
certainement être pris au sens de « personnage principal » d’une œuvre
et non de héros mythologique ou épique.

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29. K. Gyssels, Sages sorcières ? ouvr. cité, respectivement p. 107, p. 109


et p.  110. Il est à noter que Gyssels semble avoir changé d’avis dans un
article ultérieur : « De tous les romans de Condé, Moi, Tituba sorcière…
Noire de Salem est de loin le plus réussi et l’auteure semble l’avouer dans
un entretien avec Françoise Pfaff, reconnaissant la très courte genèse et
son désir de se “défouler de Los Angeles, ville tentaculaire” et violente »
(K. Gyssels, « L’intraduisibilité de Tituba Indien », art. cité, non paginé).
30. G. Genette, Palimpsestes, p. 20.
31. L. Gauvin, «  Écrire/Réécrire le/au féminin…  », Études françaises,
p. 27.
32. Y. Chevrel et C. Dumoulié éd., «  Introduction  », Le mythe en
littérature. Essais en hommage à Pierre Brunel, Paris, PUF, 2000, p. 9.

Auteur

Ching Selao

Professeure adjointe de
littératures francophones et
québécoise, université du
Vermont
Du même auteur

Littératures francophones, ENS


Éditions, 2013
Chapitre II. La construction de
l’Orient in Le roman
vietnamien francophone,
Presses de l’Université de
Montréal, 2010
Chapitre IV. Désorienter les
discours in Le roman
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vietnamien francophone,
Presses de l’Université de
Montréal, 2010
Tous les textes
© ENS Éditions, 2013

Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org.ezscd.univ-


lyon3.fr/6540

Référence électronique du chapitre


SELAO, Ching. Le double palimpseste de Maryse Condé. Moi, Tituba
sorcière… Noire de Salem In  : Littératures francophones  : Parodies,
pastiches, réécritures [en ligne]. Lyon : ENS Éditions, 2013 (généré le 21
octobre 2022). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org.ezscd.univ-lyon3.fr/enseditions/2461>.
ISBN  : 9782847885965. DOI  : https://doi-org.ezscd.univ-
lyon3.fr/10.4000/books.enseditions.2461.

Référence électronique du livre


GAUVIN, Lise (dir.) ; et al. Littératures francophones  : Parodies,
pastiches, réécritures. Nouvelle édition [en ligne]. Lyon : ENS Éditions,
2013 (généré le 21 octobre 2022). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org.ezscd.univ-lyon3.fr/enseditions/2430>.
ISBN  : 9782847885965. DOI  : https://doi-org.ezscd.univ-
lyon3.fr/10.4000/books.enseditions.2430.
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Littératures francophones
Parodies, pastiches, réécritures

Ce livre est recensé par


Catherine Mazauric, Lectures, mis en ligne le 30 janvier 2019.
URL  : http://journals.openedition.org.ezscd.univ-
lyon3.fr/lectures/11588  ; DOI  : https://doi-org.ezscd.univ-
lyon3.fr/10.4000/lectures.11588
Emanuela Cacchioli, Studi Francesi, mis en ligne le 02 février
2016. URL  : http://journals.openedition.org.ezscd.univ-

https://books-openedition-org.ezscd.univ-lyon3.fr/enseditions/2461 19/20
21/10/2022 15:17 Littératures francophones - Le double palimpseste de Maryse Condé. Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem - ENS Éditions

lyon3.fr/studifrancesi/1636  ; DOI  : https://doi-org.ezscd.univ-


lyon3.fr/10.4000/studifrancesi.1636

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