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Devoir de type brevet des collèges (chapitre XLVIII)

  1.Cependant la charrette avançait. A chaque pas qu’elle faisait, la foule se


démolissait derrière elle, et je la voyais de mes yeux égarés qui s’allait reformer
  plus loin sur d’autres points de mon passage.
En entrant sur le Pont-Au-Change, je jetai par hasard les yeux à droite en arrière.
  Mon regard s’arrêta sur l’autre quai, au-dessus des maisons, à une tour noire,
isolée, hérissée de sculptures, au sommet de laquelle
  5.je voyais deux monstres de pierre assis de profil. […]
Vers le milieu de ce Pont-au-Change, si large et si encombré que nous cheminions
  à grand-peine, l’horreur me prit violemment. Je craignis de défaillir, dernière
vanité !
  Alors je m’étourdis moi-même pour être aveugle et pour être sourd à tout, excepté
au prêtre, dont j’entendais à peine les paroles, entrecoupées de rumeurs.
  10.Je pris le crucifix et je le baisai.

   Ayez pitié de moi, dis-je, ô mon Dieu ! – Et je tâchai de m’abîmer dans


cette pensée.
 
Mais chaque cahot de la dure charrette me secouait. Puis tout à coup je me sentis
  un grand froid. La pluie avait traversé mes vêtements, et mouillait la peau de ma
tête à travers mes cheveux coupés et courts.
 
 Vous tremblez de froid, mon fils ? me demanda le prêtre.
   Oui, répondis-je

  16.Hélas ! pas seulement de froid.


Au détour du pont, des femmes me plaignirent d’être si jeune.
  Nous prîmes le fatal quai. Je commençais à ne plus voir, à ne plus entendre.
Toutes ces voix, toutes ces têtes aux fenêtres, aux portes, aux grilles des
  boutiques, aux branches des lanternes : ces spectateurs
20.avides et cruels ; cette foule où tous me connaissaient et où je ne connaissais
  personne ; cette route pavée et murée de visages humains… J’étais ivre, stupide,
insensé. C’est une chose insupportable que le poids de tant de regards appuyés sur
  vous.
Je vacillais donc sur le banc, ne prêtant même plus d’attention au prêtre et au
  crucifix.
Dans le tumulte qui m’enveloppait, je ne distinguais plus les cris de pitié des cris
  de joie, les rires des 25.plaintes, les voix du bruit ; tout cela était une rumeur qui
résonnait dans ma tête comme dans un écho de cuivre.
  Mes yeux lisaient machinalement les enseignes des boutiques.
Une fois, l’étrange curiosité me prit de tourner la tête et de regarder vers quoi
  j’avançais. C’était une dernière bravade de l’intelligence. Mais le corps ne voulut
pas : ma nuque resta paralysée et d’avance
30.comme morte.
J’entrevis seulement de côté, à ma gauche, au-delà de la rivière, la tour de Notre-
Dame, qui, vue de là, cachait l’autre. […]
Et là la charrette allait, allait, et les boutiques passaient, et les enseignes se
succédaient, écrites, peintes, dorées, et la populace riait et trépignait dans la boue,
et je me laissais aller, comme à leurs rêves ceux qui 35.sont endormis.
Tout à coup la série des boutiques qui occupait mes yeux se coupa à l’angle de la
place : la voix de la foule devint plus vaste, plus glapissante, plus joyeuse encore ;
la charrette s’arrêta subitement, et je faillis tomber la face sur les planches
Adapté de Victor Hugo, Le Dernier jour d’un condamné, chapitre XLVIII

Questions

 Le voyage en charrette

1. A quelle forme de discours appartient ce texte ? Justifiez votre réponse.

2. a. Où se passe la scène ?
b. Retracez, en relevant des indices de lieu, le parcours de la charrette du début
jusqu’à la fin du texte.
c. Quels éléments du décor marquent symboliquement le destin du condamné ?

3. Expliquez l’expression « le fatal quai » (l. 17).

4. De la ligne 17 à la ligne 26 :

 relevez les mots qui appartiennent au champ lexical du bruit.


 Pourquoi insiste-t-on sur le bruit dans ce passage ?

5. « Mais chaque cahot de la dure charrette me secouait. Puis tout à coup je me sentis
un grand froid. La pluie avait traversé mes vêtements, et mouillait la peau de ma tête à
travers mes cheveux coupés et courts. » (l. 12-13)

 Quels sont les temps verbaux que l’on trouve dans ce passage ?
 Justifiez l’emploi de chaque d’eux.

6. A partir de l’observation des temps verbaux, des indices de temps et de l’ordre de la


narration, quelle remarque peut-on faire sur le rythme du récit ?

 Le narrateur

7. Relevez quelques pronoms personnels. A quelle personne la narration est-elle


faite ?

8. Pour raconter cette scène, quel type de focalisation est adopté ? Relevez dans les
trois premiers paragraphes des indices qui vous permettent de justifier votre réponse.

9. Expliquer le sens du verbe « défaillir » (l. 7)

10. « ma nuque resta paralysée et d’avance comme morte. »(l. 29-30) : expliquez le
sens de cette phrase.
11.
a. Quelle est l’opinion du narrateur sur la foule ? Relevez quelques adjectifs pour
justifier votre réponse.
b. Quelle est la spécificité de ces adjectifs ?

 Réécriture

 Transformez le passage « En entrant […] assis de profil. » (lignes 3 à 5) en


utilisant la première personne du pluriel et en faisant toutes les transformations
nécessaires.
 Transformez le passage « La charrette allait […] endormis « (lignes 33 à 35)
en utilisant le passé simple de l’indicatif.

 Expression écrite

« Tout à coup la série des boutiques qui occupait mes yeux se coupa à l’angle de la
place : la voix de la foule devint plus vaste, plus glapissante, plus joyeuse encore ; la
charrette s’arrêta subitement, et je faillis tomber la face sur les planches. » (l. 36 à 38)

Ici s’arrête la narration du condamné... Le prêtre qui l’assiste raconte la suite des
événements.

Votre texte sera narratif et à la première personne. Le type de focalisation sera


externe : le prêtre ne connaît pas les pensées du condamné mais peut se livrer à des
interprétations et peut faire partager ses émotions et ses opinions au lecteur. Vous
tiendrez compte du lieu et des personnages indiqués par le texte de Victor Hugo et
respecterez les temps utilisés par l’écrivain dans le texte. Il s’agira d’émouvoir le
lecteur et le convaincre de l’inhumanité de la condamnation. Enfin, il sera tenu
compte de l’orthographe et de la correction de la langue.

3ème3, sujet proposé par M. Gargallo, décembre 2003.

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