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Pierre Legendre
DROIT ET RÉVOLUTION II
Harold J. Berman
Droit et Révolution
L'impact des Réformes protestantes
sur la tradition juridique occidentale
Traduit de l'anglais
par Alain Wijffels
N ote marginale
de Pierre Legendre
Ouvrage traduit
avec le concours du
Centre national du livre
Fayard
Titre original :
Law and Revolution II,'
The Impact ofthe Protestant Reformatiom on the Western Legal Tradition.
Éditeur original: The Belknap Press of Harvard University Press.
Published by arrangement with Harvard University Press.
© 2003 by the President and Fellows of Harvard College.
ISBN: 978-2-213-63559-0
© Librairie Arthème Fayard, novembre 2010, pour la traduction française.
Note marginale
L'étranger proche
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NOTE MARGINALE
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L'étude des Réformes protestantes, associées aux Révolutions
allemande et anglaise, est éclairée par la préface du tome l,
énonçant une idée clé : la présence, si j'ose dire active (à l'ana-
logue d'un fond marin ou volcanique), d'un fonds civilisation-
nel dont il faut analyser la formation pour comprendre où nous
en sommes. « Nous émergeons, soulignait Berman, d'une période
* J. Picq, Une histoire de l'État en Europe. Pouvoir, justice et droit, du Moyen Age à nos
jours, Paris, Les Presses de Sciences-Po, 2009.
** Le volume précédent, Law and Revolution. The Formation of the Wfstern Legal
Tradition, Harvard University Press, 1983, a été traduit avec grand soin par Raoul
Audouin, Librairie de l'Université d'Aix-en-Provence, 2001.
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Tenant fermement la référence au point d'ancrage des chan-
gements juridiques induits par le protestantisme - la Réforme
grégorienne et ses suites, symbolisées par les nouveaux assem-
blages de textes et l'inventivité scolastique -, le lecteur français
recevra aisément la leçon de Berman, en considérant que le type
de bouleversement surgi en Occident à partir du Moyen Âge s'est
montré d'autant plus évolutif et répétable que le christianisme,
premier discours révolutionnaire selon les données décrites,
demeurait dans son principe (en tant que secte juive ayant
rejeté la légalité juive) une construction théologique en attente
de règles sociales. Les élaborations juridiques médiévales, en
dépit des renvois formels au Décalogue par le système pontifi-
cal, ont en réalité supplanté la Bible dans les pratiques norma-
tives. Si l'on garde à l'esprit ce fait majeur, la rébellion
protestante prend toute sa portée, mettant en évidence ce qu'est
une Révolution, au sens européen dégagé par cette étude: la
cristallisation de discours porteurs de déflagrations institutionnelles.
Et l'on conçoit dès lors qu'il puisse y avoir répétition, comme le
laisse d'ailleurs entendre le vocable « révolution» - métaphore
astronomique, faut-il le rappeler? -, indicative d'une fin de
cycle et de l'ouverture d'un nouveau. Les travaux de Berman
l'illustrent parfaitement: au cours du nouveau cycle, nous
retrouvons les points de passage du précédent, c'est-à-dire en
l'occurrence, les matières examinées au fil des chapitres concer-
nant tantôt l'Allemagne, tantôt l'Angleterre (philosophie du
droit, science du droit, droit pénal, civil et économique, social),
et qui étaient déjà l'objet du tome 1.
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P. L.
A Ruth - aIL ways, ail ways.
Préface
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PRÉFACE
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calviniste aux XVIe et XVIIe siècles qui fait l'objet de ce livre doit
être envisagée dans la perspective encore plus large d'une his-
toire millénaire.
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Tant dans les pays protestants que dans les pays catholiques,
les problèmes qu'engendra la Révolution allemande atteignirent
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La Révolution américaine,
tributaire aussi bien des conceptions « anglaises»
que des conceptions « françaises»
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mais il s'agit d'un contrat de société qui lie les générations anté-
rieures, présentes et futures, qu'il ne faut pas confondre avec un
contrat de vente 18 • Pour Burke, le fondement de la liberté ne
devait pas être recherché dans la volonté de quelque majorité
transitoire, mais dans l'attachement à la cause publique des diri-
geants d'une nation, parmi ses législateurs et ses magistrats. En
réponse à l'ouvrage de Burke, Paine, dans son livre Droits de
l'homme (Rights of Man, 1791), qui défendait la Révolution
française, glorifiait quant à lui la Raison - c'est-à-dire la ratio-
nalité de tout être humain - et envisageait la nation comme une
association volontaire d'individus. Pour lui, le fondement de la
liberté était à rechercher dans l'opinion publique au sein de la
société à un moment donné. C'est ainsi que Burke pouvait sou-
tenir les colons américains dans ce qu'il considérait comme une
sécession légitime de la patrie, une guerre d'Indépendance, tan-
dis que Paine pouvait soutenir ces mêmes colons dans ce qu'il
envisageait comme une guerre révolutionnaire.
Ce serait toutefois une grave erreur de croire que tout colon
américain favorable à la cause américaine se rangeait d'un côté
ou de l'autre de cette division idéologique. Au contraire, plu-
sieurs d'entre eux, peut-être la plupart, et certainement plu-
sieurs de leurs principaux chefs de file - des hommes tels que
John Adams, James Wilson et James Madison - s'efforcèrent
de réduire la tension entre ces deux approches opposées. Ces
trois hommes - Adams, Wilson, Madison - ont chacun joué un
rôle important dans la formation du droit constitutionnel amé-
ricain à ses débuts. Ils avaient tous les trois une profonde
conviction chrétienne protestante. Aucun d'eux n'acceptait le
rationalisme dogmatique et l'individualisme qui caractérisaient
la pensée déiste de personnalités comme Benjamin Franklin,
Thomas Paine ou Thomas Jefferson 19 • Pourtant, ils soutenaient
avec enthousiasme les institutions politiques démocratiques et
les droits et libertés naturels de l'individu à l'encontre des privi-
lèges aristocratiques et des pouvoirs monarchiques, bien qu'ils
fussent également en faveur d'importantes restrictions constitu-
tionnelles imposées à la volonté de la majorité. Enfin, tous les
trois faisaient pleinement confiance à la common law anglaise,
enracinée dans son historicité et marquée par sa continuité
entre le passé et l'avenir. En somme, ils combinaient et conci-
liaient, quoique chacun à sa façon, d'une part, des idées libé-
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U ne historiographie millénaire
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La Révolution allemande
et la transformation du droit allemand
au XVIe siècle
CHAPITRE PREMIER
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L'Allemagne :
l'Empire (Reich) et les territoires (Liinder)
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Le luthéranisme
La critique des abus de l'Église, y compris des ventes d'indul-
gences, n'était que l'amorce de la Réforme luthérienne. De tels
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La personnalité de Luther
La personnalité et le caractère de Luther lui-même ont joué
un rôle important aussi bien pour gagner l'adhésion à ses doc-
trines que pour provoquer chez ses ennemis une réaction qui
leur fut finalement fatale.
Né en Saxe en 1483 dans une famille ayant atteint une rela-
tive prospérité par l'exploitation de mines, il fut immatriculé en
1501 à l'université d'Erfurt; il y obtint en 1505 la maîtrise en
arts libéraux après avoir suivi des cours préparatoires en philo-
sophie, en théologie et en droit canonique. Il s'inscrivit ensuite
au doctorat en droit romain, mais peu après, ayant manqué de
peu d'être tué par la foudre, il fit une expérience religieuse qui
le conduisit à entrer au monastère des frères augustins à Erfurt :
il y poursuivit ses études de droit canonique et d'ecclésiologie.
Il fut ordonné prêtre en 1507. En 1510, il représenta le cha-
pitre d'Erfurt à la Curie romaine à l'occasion d'un litige juri-
dique à l'intérieur de l'ordre des Augustins. En 1511, Luther
quitta le monastère (sans quitter son ordre) afin d'entamer des
études de théologie à l'université de Wittemberg, fondée en
1502 par Frédéric III le Sage, prince-électeur de Saxe. Après
l'obtention du doctorat en théologie, il enseigna à cette même
université. Son cours de 1516 sur les Psaumes et l'Épître de
saint Paul aux Romains trahissait les premiers indices d'une
nouvelle théologie radicale. En 1517, le professeur Luther sur-
prit la Chrétienté occidentale en dénonçant publiquement les
indulgences et en affirmant que ce système illustrait l'usurpa-
tion par le clergé d'une autorité qui ne revenait qu'à Dieu
seul.
Rédigées en latin et immédiatement traduites en allemand,
les Quatre-Vingt-Quinze Thèses furent imprimées et rapide-
ment diffusées en Allemagne et dans les pays voisins 34 • Aussitôt,
elles suscitèrent de larges soutiens et des controverses tout aussi
considérables. En octobre 1518, Luther fut contraint de
défendre ses thèses devant un légat pontifical. Au cours des
années 1518 et 1519, il dut les défendre devant de nombreux
autres détracteurs et élabora ses thèses en réponse à de nom-
breuses interpellations. Enfin, en juin 1520, le pape publia une
bulle donnant à Luther soixante jours pour abjurer ses prises de
position et ordonna que ses écrits fussent publiquement jetés au
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La réforme du droit
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la pratique judiciaire fut même plus dure que dans les territoires
catholiques ou luthériens.
Surtout, l'époque n'était pas encore mûre pour réduire le
nombre et la cruauté des guerres en Europe. Quatre siècles de
foi catholique partagée par les dirigeants et peuples d'Europe
occidentale n'avaient pu empêcher les guerres toujours récur-
rentes entre les principautés catholiques. Du XIV" au xv" siècle,
la France et l'Angleterre, pourtant deux puissances catholiques,
furent impliquées dans un conflit durable pendant près d'un
siècle: la guerre de Cent Ans. L'émergence du protestantisme
provoqua une succession de guerres de religions opposant les
royaumes et principautés catholiques aux territoires protestants.
La Paix d'Augsbourg de 1555 assura pendant deux générations
une paix relative entre les nations, mais pas nécessairement,
comme l'illustre le cas de la France, à l'intérieur de ces nations.
Cette période de paix relative fut suivie pendant trente ans de
conflits presque continuels, opposant des alliances de puissances
catholiques et protestantes, avec d'énormes pertes de population
dans les deux camps. La Paix de Westphalie en 1648 constituait
un compromis religieux qui mit fin aux guerres de religions et
établit un système de droit international offrant un cadre sus-
ceptible de limiter quelque peu les guerres internationales.
Nous ne traiterons pas non plus en détail - sans que nous
puissions justifier cette omission de façon tout à fait satisfai-
sante -les développements juridiques dans les pays qui restèrent
attachés au catholicisme - comme par exemple l'Espagne, où
d'importantes transformations du droit et de la pensée juridique
eurent lieu au cours du XVIe siècle. Vers la fin du xv" siècle et au
cours des premières années du XVIe siècle, avant même que
Luther n'ait lancé ses appels à des réformes radicales, l'Espagne
connut une Réforme catholique qui permit à la monarchie de
s'emparer du contrôle presque complet de l'Église espagnole
aux dépens de la papauté. Sous le long règne conjoint de Ferdi-
nand et Isabelle - dont la politique implacable poursuivie avec
l'aide de l'Inquisition espagnole est demeurée notoire -, un
corps d'éminents juristes savants se développa; au siècle sui-
vant, cette classe de juristes élabora une nouvelle philosophie et
science du droit, dite « néo-thomiste », qui faisait en quelque
sorte le pendant de la nouvelle philosophie et science du droit
élaborée par les juristes protestants en Allemagne. Sous la
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La philosophie du droit
de Philipp Melanchthon
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prétendait que le droit naturel imposait des obligations impor-
tantes à l'État.
Le positivisme de la définition du droit que proposait Olden-
dorp (<< le droit est l'ensemble des règles de droit») se trouvait
ainsi dans une certaine mesure corrigé par sa référence aux
règles de droit divin révélées dans la Bible et, grâce à la foi
biblique, par la conscience individuelle.
L'Équité
Il restait pour Oldendorp une question tout aussi cruciale qui
n'avait été approfondie ni par Luther ni par Melanchthon:
quels sont les critères qui déterminent l'application de règles de
droit - qu'il s'agisse de droit biblique, de droit naturel ou de
droit civil- dans les cas particuliers? En raison du caractère
général de tout principe et de toute règle de droit, observait
Oldendorp, son applicabilité à un large éventail de situations,
avec toutes leurs particularités, est présupposée. Pourtant, la
règle elle-même ne contient aucune indication de la manière
dont il faut tenir compte des différences multiples. Deux siècles
plus tard, Emmanuel Kant exprima cette remarque en une for-
mule lapidaire: «Il n'y a pas de règle pour appliquer une
, 1e 106 ».
reg
Melanchthon avait abordé le problème dans la tradition des
juristes scolastiques: selon lui, les règles étaient requises afin
«de tailler les principes généraux du droit naturel [... ] à la
mesure des circonstances particulières 107 ». Anticipant un
illustre juriste américain du xxe siècle, il affirmait que les prin-
. generaux
CIpes " ne tranchent pas 1es cas concrets 108 . S·1« une 101.
qui est juste en général a un effet injuste dans un cas particu-
lier», Melanchthon s'en remettait à la responsabilité du juge,
afin que celui-ci applique cette loi, si possible, « équitablement
et avec bienveillance», de sorte que l'injustice soit écartée 109 •
Néanmoins l'application d'une telle loi qui est «en général
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La politique et IÉtat
Bien qu'Oldendorp ait souligné la primauté du droit naturel
de la conscience à l'égard du droit positif de la société politique,
il n'en conclut pas pour autant à une théorie avancée de
désobéissance civile. Au contraire, Oldendorp, comme Luther
et Melanchthon avant lui, soulignait que la société politique
- qu'il désigna en utilisant différents termes: civitas, weltliches
Regiment [le régime séculier], politien Regiment [le régime poli-
tique], res publica, ordo civilis, Obrigkeit, universitas civium [cor-
poration des citoyens]) - a été établie par Dieu et requiert une
obéissance inconditionnelle de la part des sujets 124 • Oldendorp
acceptait néanmoins (plutôt à l'opposé de Luther, et davantage
explicite que Melanchthon) de dresser une liste substantielle des
cas exceptionnels où la conscience du citoyen peut requérir qu'il
désobéisse aux autorités civiles. En outre, Oldendorp alla plus
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La théologie des réformateurs luthériens, et spécialement les
doctrines conjointes du salut par la seule foi et du sacerdoce de
tous les fidèles, ébranlait le droit canonique et le système des
sacrements, et ainsi les compétences mêmes dont se prévalait
l'Église catholique. La théologie luthérienne reconnaissait aux
pouvoirs civils l'autorité suprême dans leurs territoires respectifs
quant à l'exercice des pouvoirs législatifs, administratifs et judi-
ciaires. Du même coup, les lois promulguées par les autorités
civiles avaient cependant perdu le caractère sacré dont elles
avaient joui en vertu de leur sanction ecclésiastique conformé-
ment à la théorie des deux glaives, qui avait réparti l'exercice du
pouvoir entre l'Église universelle gouvernée par le pape et les
divers pouvoirs séculiers des royaumes, des seigneuries féodales
et des villes autonomes l36 .
La théologie luthérienne attaquait également la croyance
catholique romaine qui soutenait que la raison en soi est com-
patible avec la foi et capable de prouver indépendamment ce
qui avait été révélé par la foi. La doctrine catholique du droit
naturel sous-entendait d'ailleurs cette conception synthétique
de la raison et de la révélation 137 • Pour les luthériens, en
revanche, la volonté, mais aussi la raison étaient corrompues
par un orgueil, une cupidité et d'autres formes d'égoïsme innés.
Ils ne contestaient pas l'existence de principes moraux transcen-
dants permettant de juger le comportement et les lois des
hommes, mais ils refusaient d'admettre que ces principes puis-
sent être déduits de la raison.
À défaut d'une sanction par un ordre ecclésiastique indépen-
dant, d'un rôle positif permettant d'assurer le salut des âmes et
d'un fondement dans une raison humaine objective et désinté-
ressée, comment pouvait-on justifier les lois civiles autrement
que sur la base de leur efficacité pratique? Pourquoi serait-on
tenu de s'y conformer, sinon par la contrainte? Qu'est-ce qui
leur donnait le statut de lois, et non de simples commande-
ments?
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leur application dans des cas concrets. Dans le cas d'un désac-
cord rationnel, tout individu doit s'adresser à sa propre
conscience afin de parvenir à une telle application.
Dans la mesure où la théorie luthérienne du droit naturel est
essentiellement une théorie morale, plutôt qu'une théorie juri-
dique, elle peut être conciliée avec le positivisme juridique
contemporain. D'autre part, elle va au-delà des paramètres du
positivisme juridique du fait qu'elle a recours à la conscience
pour mettre en œuvre les règles de droit dans des situations spé-
cifiques. Dans le processus juridique d'un jugement ou d'un
acte administratif, les injustices susceptibles de provenir d'une
application purement rationnelle de règles générales à des cas
concrets peuvent seulement être corrigées par une sensibilité
aux circonstances particulières de la situation, comme les carac-
téristiques propres aux parties concernées, leurs motifs, les effets
des alternatives qui se présentent, et différents autres facteurs de
ce type. De même, dans le processus législatif, le législateur ne
devra pas seulement se soucier de la politique au sens général,
mais aussi des circonstances particulières dont découlent le
besoin de la législation proposée et les effets spécifiques que son
application entraînera. Comme nous le verrons au chapitre sui-
vant, la philosophie luthérienne du droit va de pair avec une
nouvelle science du droit (et, au XVIe siècle, l'Allemagne y
conduit) qui consistait à classifier et systématiser sur une très
grande échelle les règles de droit privé et de droit public, tout
en assurant la souplesse de leur application par le recours à la
conscience, une souplesse qualifiée d'équité.
En ces termes quelque peu condensés et abstraits, la philoso-
phie luthérienne a quelque chose à offrir à la pensée juridique
contemporaine. Elle propose avant tout une méthode permet-
tant de concilier, d'une part, ce que l'on pourrait appeler l'École
de pensée juridique qui se réfère à un « droit supérieur» - pour
laquelle des valeurs telles que l'égalité et la protection de la
sphère privée sont des droits transcendants que l'ordre politique
ne pourrait enfreindre - et, d'autre part, ce que l'on pourrait
appeler l'École des « réalités politiques » - qui ne reconnaît pas
le caractère de droit à des principes n'ayant pas été formelle-
ment acceptés comme tels par les autorités dûment constituées
pour créer le droit. Pour le luthéranisme, le conflit entre ces
deux Écoles ne peut être résolu par l'exercice de la raison, mais
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La transformation de la science
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L'humanisme juridique
et la phase systématique de la science du droit:
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droit humain,
1collectifs
(universitatis)
signifie
qu'ils ...
sont communs
quant à leur
usage, mais
pas quant
à la propriété
notamment
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* *
Ape!, Lagus et Vigelius comptent parmi les premiers repré-
sentants d'un grand courant de juristes protestants allemands
qui contribuèrent à établir une nouvelle science du droit dans
les universités allemandes au XVIe siècle. Un mouvement simi-
laire, quoique moins prononcé, s'observe à une époque ulté-
rieure dans d'autres pays européens, soutenu aussi bien par des
juristes catholiques que par des juristes protestants. Il s'agit d'un
phénomène européen, même si l'Allemagne en fut l'avant-
garde: nulle part ailleurs les professeurs des facultés de droit
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La Révolution allemande
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que « si, pour le crime sur lequel on entend enquêter, des indi-
cations suffisantes n'ont pas été produites et prouvées préalable-
ment, personne ne sera soumis à la question; si néanmoins un
crime est avoué sous la torture, il ne sera pas accordé foi à un
tel aveu et personne ne sera condamné sur cette base. Et si
néanmoins l'Obrigkeit ou les juges procèdent de cette manière,
ils seront tenus de dédommager la personne soumise à la torture
[... ] pour les lésions, la douleur, les frais et tout préjudice
qu'elle aura subis35 ». Ainsi, la torture n'était autorisée que pour
extraire un aveu d'une personne accusée d'un crime capital
lorsqu'il y avait suffisamment d'indices de sa culpabilité obtenus
par d'autres moyens de preuve. En outre, la Carolina prévoyait
que si « après une administration suffisante de la preuve» (nach
genugsamer Beweisung), l'accusé ne passe pas aux aveux - c'est-à-
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L'aspect religieux
Le fait que Schwarzenberg était catholique romain au
moment où il rédigea la Bambergensis, que sa réforme fut pro-
mulguée par l'empereur catholique Charles Quint, et qu'elle
exerça également une grande influence sur la législation de prin-
cipautés allemandes qui restèrent dans le camp catholique, tout
cela doit être vu dans son contexte, et notamment le fait que la
Réforme fut elle-même le produit du catholicisme. Martin
Luther lui-même, comme, avant lui, John Wyclif et Jan Hus,
était après tout un catholique, dont la théologie et l'ecclésiolo-
gie visaient à l'origine à réformer l'Église catholique de l'inté-
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Aspects politiques
La réforme du droit pénal allemand au cours des premières
décennies du XVIe siècle était fortement liée 1° aux changements
religieux contemporains provoqués par la Réforme luthérienne
de l'Église, 2° aux changements dans la philosophie et la science
du droit, eux-mêmes en rapport avec les changements religieux,
et 3° aux changements politiques de l'époque -la réforme de
l'État.
Comme nous l'avons déjà relevé, plusieurs princes allemands
avaient acquis au cours du xV' siècle et au début du XVIe siècle
un pouvoir politique accru à l'égard de l'Église de Rome, de
l'empereur, mais aussi entre eux et vis-à-vis de leurs sujets.
Pourtant, jusqu'en 1517, la concurrence des pouvoirs dans
chaque principauté demeurait l'une des principales caractéris-
tiques de la vie politique en Allemagne comme dans le reste de
l'Europe. Une spécificité allemande (partagée avec quelques
autres territoires) était toutefois qu'aux pouvoirs concurrents
ecclésiastiques, féodaux, princiers, urbains, commerciaux et
locaux, il faut ajouter le pouvoir du Saint Empire romain de la
Nation allemande qui, au xV' siècle et au début du XVIe siècle,
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Les contrats
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La liturgie
Rédigées par d'éminents théologiens protestants 12 , les ordon-
nances ecclésiastiques (Kirchenordnungen) promulguées au
XVIe siècle par la plupart des autorités séculières des principales
principautés et villes luthériennes 13 ne se limitaient pas à régle-
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Le mariage
Le nouveau droit luthérien du mariage était parfois contenu
dans les ordonnances ecclésiastiques générales (Kirchenordnun-
gen) , parfois dans des ordonnances territoriales traitant spécifi-
quement du mariage (Eheordnungen), dans lesquelles on trouve
une exposition de la théologie luthérienne du mariage et une
réglementation systématique du droit du mariage, comprenant
notamment les conditions de consentement, les règles concer-
nant la cérémonie du mariage, les empêchements, les devoirs
des conjoints, le divorce et d'autres questions en rapport avec le
. 42
manage .
Comme dans le droit canonique catholique du mariage, les
ordonnances luthériennes sur le mariage déclaraient que le
mariage monogame a été institué par Dieu et qu'il était conçu
comme une union à vie des conjoints et comme le fondement
de la famille. Cependant, le mariage luthérien n'était pas un
sacrement, car, autrement que dans le cas du baptême et de
l'eucharistie (la Cène), la finalité du mariage n'était pas de servir
de symbole de la grâce divine ou de la participation au
Royaume des Cieux, mais consistait essentiellement, selon les
termes de Luther, dans «une position extérieure, physique et
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La législation scolaire
Comme pour les ordonnances ecclésiastiques et pour les
ordonnances sur le mariage, les nombreuses ordonnances sco-
laires (Schulordnungen) promulguées par les autorités séculières
dans les villes et territoires luthériens au XVIe siècle étaient
conçues, d'une part, comme des proclamations théologiques, et,
d'autre part, comme des réglementations systématiques d'une
branche particulière du droié 5 • Comme les ordonnances ecclé-
siastiques et les ordonnances sur le mariage, les ordonnances
scolaires luthériennes se basaient en partie sur le droit cano-
nique en vigueur. Elles s'inspirèrent également de l'expérience
d'écoles laïques qui dans différents pays d'Europe, et spéciale-
ment en Italie, avaient depuis le XIV" siècle entamé le monopole
pratique de l'Église catholique dans l'enseignement scolaire46 •
Cependant, ni les écoles ecclésiastiques traditionnelles ni les
écoles laïques ne partageaient les mêmes objectifs qui impré-
gnaient le nouveau système luthérien d'instruction publique
universelle.
Luther et ses partisans fondèrent leurs réformes sur la doc-
trine des deux royaumes et, plus spécialement, sur leur convic-
tion qu'en propageant la connaissance de l'Évangile et de la foi
chrétienne, et en accomplissant ainsi la tâche incombant au
royaume de ce monde qui consiste à préparer les chrétiens à
vivre aussi dans le Royaume des Cieux, l'éducation, selon les
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La discipline morale
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récents consacrés à deux des cinq types de lois que nous venons
d'étudier: celles sur la discipline morale et celles sur l'assistance
aux pauvres.
Un courant influent de l'historiographie des Temps Modernes
a cru reconnaître dans les lois luthériennes du XVI" siècle traitant
de la discipline morale un instrument d'absolutisme politique:
selon cette thèse, les monarchies absolues, en plein mouvement
ascendant à l'époque, s'efforcèrent de contrôler la population par
une législation sur la discipline morale, afin d'assurer son obéis-
sance aux pouvoirs politiques, de maintenir la paix publique, et
ainsi de renforcer le pouvoir de l'État. Cette historiographie pro-
pose un nouveau « paradigme» - l'imposition d'une discipline
sociale, Sozialdisziplinierung -, afin de compléter le « paradigme »
webérien de la « rationalité formelle» comme la clé de l'avène-
ment du l'État moderne79 .
Comme il arrive souvent lorsqu'une nouvelle « école» ou
« courant» historiographique apparaît, un « contre-courant »,
une « école» dont la vocation est de prendre le contre-pied de
la première, se développe, pas nécessairement pour démontrer
que celle-ci est entièrement fausse, mais pour donner à la pre-
mière thèse une nouvelle dimension. Ainsi, les représentants de
ce contre-courant affirment que l'imposition d'une discipline
sociale n'était que l'un des objectifs et l'un des effets des lois
disciplinaires luthériennes: un autre objectif, plus important
encore, aurait été la « confessionnalisation» (Konfessionalisie-
rung), c'est-à-dire le renforcement du contrôle étatique à l'égard
des confessions religieuses officielles 8o .
Ces deux écoles de pensée acceptent a priori que l'histoire
allemande des Temps Modernes se caractérise par la montée en
puissance de la monarchie absolue. Pourtant, une étude des tra-
vaux préparatoires de ces ordonnances disciplinaires montre
clairement que les pouvoirs des princes et des magistrats urbains
luthériens qui promulguèrent ces lois étaient partagés, pratique-
ment sur pied d'égalité, avec les théologiens luthériens qui les
rédigèrent. La Révolution allemande a en effet entraîné le trans-
fert, aux princes luthériens, des compétences en matière de
liturgie, de mariage, d'instruction scolaire, de discipline morale
et d'assistante des pauvres, qui avaient largement été des préro-
gatives de l'Église catholique. Pour autant, ces princes séculiers
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La Révolution anglaise
et la transformation du droit anglais
au XVIIe siècle
CHAPITRE VII
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XVIIe siècle ». Bien que Trevor-Roper ait correctement décrit
cette crise comme une contestation - en Angleterre comme
ailleurs - de la monarchie absolue, il a surtout mis en avant un
aspect de cette contestation: l'opposition de la noblesse fon-
cière (issue des « campagnes », « the country ») à l'administration
royale (représentée par la « cour» au sens large, « the court »).
Cependant, il convient d'avoir à l'esprit une vision plus large de
la crise générale européenne si l'on veut saisir le rapport de
celle-ci avec la Révolution anglaise3 .
La crise était en partie une crise religieuse, en partie une crise
politique et en partie une crise socio-économique. La crise reli-
gieuse était une conséquence de l'échec de voir se réaliser les
espoirs nés du compromis conclu en Allemagne lors de la Paix
d'Augsbourg en 1555 et d'autres compromis parallèles qui
avaient été conclus en France, en Angleterre et ailleurs en
Europe dans le courant du XVIe siècle. La Paix d'Augsbourg
reconnaissait à chacun des princes territoriaux en Allemagne le
pouvoir d'établir la religion dans son territoire - le choix étant
toutefois restreint au catholicisme et au luthéranisme. L'exclu-
sion des calvinistes devint une source de conflits intenses, alors
que le calvinisme se propageait dans le Saint Empire au cours
du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. D'autre part, il arrivait
de temps en temps qu'un prince protestant accède au pouvoir
dans une principauté catholique (ou inversement), ce qui don-
nait immanquablement lieu à de vives controverses. Plus grave
encore était le défaut d'une règlementation adéquate dans la
Paix d'Augsbourg permettant d'assurer aux minorités protes-
tantes et catholiques le droit d'exercer leur propre culte dans les
territoires où la religion opposée prévalait. Dans d'autres pays
européens où le principe fut adopté - selon lequel la religion du
prince serait la religion exclusive dans son territoire (cujus regio,
ejus religio) -, on constate des sources de tensions comparables.
Les Pays-Bas, qui relevaient de la souveraineté de la Couronne
espagnole catholique, étaient de facto nettement divisés entre
provinces catholiques et protestantes (principalement calvinistes)4.
Dans le royaume catholique de France, suite à une série de
guerres de religion, l'Édit de Nantes promulgué par Henri IV
en 1598 assurait une protection à l'égard des huguenots (la plu-
part calvinistes), tandis qu'en Angleterre, sous le règne de la reine
Élisabeth (1558-1603), une tolérance de facto était observée à
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* La Prérogative royale (Royal Prerogative) désigne les droits et pouvoirs qui ne peu-
vent être exercés exclusivement, en vertu de la common law, que par la Couronne
anglaise. De nos jours, cet exercice relève du gouvernement (dans quelques cas seule-
ment du monarque personnellement). La Prérogative royale est subordonnée, depuis
la fin du XVII' siècle, à la suprématie du Parlement: celui-ci peut abroger ou modifier
tout droit ou pouvoir attribué à la Prérogative royale. La Prérogative royale ne peut
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donc pas être étendue à de nouvelles attributions (à terme, soit elle sera maintenue
dans son état actuel, soit, plus vraisemblablement, sera-t-elle progressivement réduite,
au fur et à mesure qu'elle fait J'objet d'une intervention législative).
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La Restauration
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La Glorieuse Révolution
Le règlement politique
Le 5 novembre 1688, Guillaume d'Orange envahit l'Angle-
terre avec une force de 15 000 hommes et une flotte de
300 vaisseaux. Il fut accueilli par une assemblée de représen-
tants qui avaient siégé aux Communes de la session parlemen-
taire terminée en 1681 - le dernier parlement réuni sous
Charles II 64 . La résistance à l'armée d'invasion fut minime et
inefficace. En décembre, Jacques II se vit contraint de s'enfuir
et de quitter l'Angleterre. En janvier 1688-1689, un nouveau
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Le règlement religieux
Le règlement religieux de 1689 correspondait au règlement
politique. Le serment prêté par Guillaume d'Orange compre-
nait la promesse de maintenir autant qu'il était dans son pou-
voir « la religion protestante réformée établie en droit ». À
l'instar des Whigs républicains et des Tories partisans d'une
monarchie de droit divin qui s'étaient retrouvés pour établir un
régime politique consacrant la primauté parlementaire à l'égard
de la Couronne, de même, les non-conformistes puritains et les
anglicans orthodoxes se rencontrèrent pour établir un système
religieux dans lequel l'Église protestante d'Angleterre, c'est-à-
dire l'Église anglicane, demeurait l'Église établie ou officielle du
pays, mais où les presbytériens, indépendants, congrégation a-
listes et autres dénominations protestantes trinitaires étaient
« tolérés» ; les unitaristes, les quakers et d'autres dénominations
protestantes radicales étant tout au plus admises. Les juifs virent
leurs activités strictement restreintes. Les catholiques romains
continuaient à faire l'objet des principales discriminations.
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sera plus à même que les autres pour saisir sa rationalité interne,
sa logique propre, son sens et son objet. Mais pour Coke, la rai-
son artificielle de la common law anglaise était la raison unique,
la logique, le sens et l'objet propres au droit qui puisait ses
racines historiques dans la nation anglaise, cadre dans lequel se
retrouvaient la pensée et l'expérience des common lawyers anglais
sur plusieurs siècles. Cette raison artificielle propre à la common
law devait par conséquent être comprise à la lumière de cette
histoire. Le droit naturel en faisait partie: dans sa relation du
jugement dans la cause dite Calvin's Case, Coke affirma expres-
sément que le droit de la nature fait partie de la common law38 •
Dans une autre affaire, Bonham's Case, Coke soutint que le
principe selon lequel nul ne peut être juge dans sa propre cause
relève d'un « droit commun », c'est-à-dire de la common law39 .
Dans ses Institutes, il dit que le droit d'être entendu pour sa
propre défense est un principe de la justice divine, et il approu-
vait les paroles d'un juge de la Cour des Plaids communs du
xv" siècle: « Nous devons reconnaître l'autorité des lois que la
Sainte Église a empruntées à l'Écriture, car il s'agit [... ] du
droit commun (common law) sur lequel toutes les lois sont
fondéeéo. » Coke ne contestait donc nullement la validité du
droit naturel, et il estimait que celui-ci avait été intégré dans la
common law anglaise.
Le droit positif faisait également partie de la common law.
Coke ne mit jamais en doute la force obligatoire de la législa-
tion, mais à nouveau il envisageait la législation dans le contexte
historique des précédents jugés par les tribunaux anglais de
common law, des lois historiques du Parlement relevant de la
common law, comme la Grande Charte, et, d'une manière plus
générale, de l'approche des juges et avocats à l'égard de
l'ensemble complexe des notions, principes, règles, procédures
et institutions qui constituent les différentes branches du droit,
notamment le droit constitutionnel, le droit administratif sub-
stantiel et procédural, le droit pénal et la procédure pénale, le
droit civil et la procédure civile ... Pris dans leur ensemble, tous
ces éléments étaient aux yeux de Coke le produit de l'histoire
du peuple anglais, de ses valeurs politiques et économiques
considérées dans une perspective mu!tiséculaire et de ses fonde-
ments moraux. Seuls ceux qui avaient approfondi ce droit aux
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contre dans les lois des Juifs, Exode 21, 24-25 ("Œil pour œil,
dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour
brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure"),
si la partie qui a subi le préjudice est en vie et susceptible d'obtenir
un autre dédommagement de son préjudice, ce qui ne peut se faire
en cas de meurtre; j'ai appris d'hommes très versés dans les lois
juives et dans les opinions des juristes juifs que ces formes de talion
entre Juifs étaient converties en tarifs et taux de dédommagement
, .. accor dé'a la VICtime
pecuniaIre . . 71 ».
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« les plus sages, à toutes les époques, se sont accordés» pour éta-
blir des lois particulières et des règles et méthodes particulières
pour administrer la justice.
Cependant, le besoin de certitude n'est pas entièrement satis-
fait par l'introduction de lois et de procédures visant à assurer
leur respect, puisque le problème demeure d'appliquer ces règles
et procédures dans une multitude de cas particuliers. Il est par
conséquent nécessaire d'élaborer les lois de façon à ce qu'elles
puissent s'appliquer à des circonstances extrêmement diverses.
Aucun individu n'est en mesure, par sa seule raison, de détermi-
ner ce que ces lois devraient être. Même s'il croit savoir com-
ment il convient d'agir dans un cas particulier, il doit admettre
que son entendement peut être inférieur à celui d'autres indivi-
dus, qui jouissent d'une plus grande expérience sur ce genre de
questions. « Il est raisonnable, écrit Hale, que je préfère une loi
produite par une centaine ou deux cents individus marqués par
la sagesse de l'âge, leur expérience et leurs intérêts, à une loi
provenant de mes propres cogitations. » Ou encore: « À nou-
veau, c'est une raison pour moi de préférer une loi en vertu de
laquelle un royaume a été régi avec bonheur pendant quatre ou
cinq siècles, plutôt que de risquer le bonheur et la paix d'un
royaume sur la base de quelque nouvelle théorie de mon cru,
même si je suis plus familier de la rationalité de ma propre
théorie que je ne le suis avec cette loi. » Hale illustre son propos
de la manière suivante :
«Selon le droit en vigueur en Angleterre, toute la propriété
immobilière est dévolue au fils aîné sans qu'aucune coutume parti-
culière n'affecte ce principe. Un bien-fonds ne se transmet pas sans
investiture ou ensaisinement, ou un renouvellement de vassalité
par un acte consensuel extra-judiciaire, si ce n'est lorsque quelque
loi a modifié [les règles antérieures] selon lesquelles un patrimoine
immobilier transmis par un acte authentifié n'est transféré au
bénéficiaire qu'à titre viager à moins qu'il ne contienne une réfé-
rence expresse aux héritiers, ainsi que plusieurs autres [principes]
de ce type. Supposons maintenant que l'esprit le plus cultivé de ce
monde s'interroge sur le mode spéculatif, ou en lisant Platon ou
Aristote, ou en étudiant les lois des Juifs, ou d'une autre nation,
comment s'opère la dévolution de la propriété immobilière en
Angleterre, ou comment les patrimoines immobiliers y sont trans-
férés, ou transmis entre proches, il perdrait son temps et dépense-
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La nature de la souveraineté
Le second volet de la réponse de Hale aux crItIques de
Hobbes est intitulé « Du Pouvoir souverain» (le premier volet
étant intitulé « Des Lois en général et de la Loi de la Raison »).
Hobbes avait défini la souveraineté comme le pouvoir suprême
de fait dans un État. Il postulait une condition originelle pure-
ment théorique qui se caractérisait par une anarchie générale,
une guerre de chacun contre tous, conduisant les hommes qui
vivaient dans un tel « état de nature» à entrer, en faisant usage
de leur « raison naturelle », dans un contrat social par lequel
une société organisée était créée et un pouvoir souverain était
institué - ce pouvoir étant exercé par plusieurs ou par un seul.
Étant donné la nature humaine, ce n'était que par un pouvoir
souverain qu'il était possible, selon Hobbes, d'obtenir une
obéissance régulière et ainsi de maintenir la paix dans la société.
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La transformation
de la science juridique anglaise
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lequel les contrats font naître des obligations civiles dont les tri·
bunaux pourront imposer l'exécution, ou le principe selon
lequel certains homicides sont punis moins sévèrement que
d'autres, ou encore que certains types de distinctions doivent
être observées entre le droit privé et le droit pénal - et ainsi de
suite. La nécessité de tels principes pour réaliser l'objet du droit,
pour promouvoir la justice et pour préserver l'ordre est officiel·
lement reconnue. Cela revient à dire que la science du droit,
comme d'autres sciences sociales, et comme la science du lan-
gage lui-même, diffère des sciences naturelles du fait que les
participants des différentes activités propres au droit (ceux qui
créent, appliquent, administrent ou pratiquent le droit) formu·
lent eux-mêmes la nature de ces activités, et leurs formulations
constituent une partie essentielle de la science elle-même. Dans
la tradition juridique occidentale, les acteurs du droit eux-
mêmes ont en effet depuis plusieurs siècles consciemment attri-
bué à leurs propres déclarations sur l'objet de leurs activités la
qualité d'un corps de connaissances systématique, objectif et
vérifiable, qui constitue un méta-droit permettant d'analyser et
d'évaluer le système juridique en lui-même.
Dans un certain sens, les règles et les principes de droit
anglais de la fin du XVIIe siècle jusqu'au milieu du XVIIIe siècle
ont constitué, pour ainsi dire, la science interne de ce droit.
D'une autre point de vue, l'essor, à cette même époque, du
genre des traités rédigés par des juristes qui faisaient figure de
savants dans leur discipline a produit une littérature juridique
qui non seulement reprenait la science interne du droit, mais
s'attachait en même temps à analyser, classer, systématiser et
évaluer les institutions juridiques anglaises selon des critères en
partie internes, mais provenant en partie aussi d'un en-dehors
de ces institutions; on peut dès lors avancer ~ue ces traités
constituaient une science externe du droit anglais. Pour autant,
les renvois fréquents dans cette littérature à la « science du
droit» n'exprimaient pas une distinction explicite entre les
aspects internes et externes. Ainsi, lorsque William Blackstone
débuta en 1753 le premier cours de droit anglais qui eût jamais
été enseigné dans une université anglaise, il affirma que « le
droit doit être compris non seulement comme un objet de pra-
tique, mais également comme une science rationnelle », fondée
sur des « principes généraux» inhérents au droit lui-même, et il
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suite à juger des cas analogues - exige que l'on opère une dis-
tinction entre les déclarations du juge qui sont nécessaires à la
décision dans le cas et celles qui ne sont pas nécessaires. Seuls
les motifs nécessaires pour parvenir à la décision peuvent consti-
tuer le principe (ou les principes) de droit que « représente» le
jugement. Tout ce qui est relaté dans un cas donné et qui n'est
pas nécessaire pour soutenir la décision ne constitue que des
« dicta» (singulier « dictum »), ce qui a simplement été « dit» et
ne s'impose par conséquent pas aux tribunaux lorsque, plus
tard, ils sont amenés à juger un cas semblable. Dans un juge-
ment, seule une partie est contraignante en tant que précédent
- les « holdings» du cas -, ce qui a en quelque sorte été « dit
pour droit» (en anglais, « held », du verbe « to hold »), ces
motifs sur lesquels la décision repose nécessairement, c'est-à-
dire qui sont essentiels à l'explication de la décision dans le cas.
C'est cette partie des jugements qui constituent les règles de
droit auxquelles il faudra se tenir à l'occasion de cas analogues
qui se présenteront à l'avenir.
La première tentative visant à développer cette distinction
entre simples dicta et la motivation essentielle du jugement peut
être attribuée au juge Vaughan, juge principal de la Cour des
Plaids communs, dans une décision de 1673. Selon Vaughan,
« une opinion exprimée par un membre de la cour, et qui n'est
pas nécessaire pour étayer le jugement [... ] celui-ci ayant pu
être rendu sans que cette opinion ne fût exprimée ou même si
une opinion contraire eût été exprimée [... ] ne constitue guère
plus qu'un gratis dictum ». Vaughan n'estimait pas pour autant
que les motifs essentiels (en droit) prononcés dans un cas parti-
culier devaient nécessairement être suivis à l'occasion d'un juge-
ment ultérieur. « Si un juge estime que le jugement rendu par
un autre tribunal était erroné, disait-il, il ne doit pas prononcer
un jugement dans le même sens, puisque son serment l' obli~e à
juger conformément au droit, c'est-à-dire en sa conscience 1 • »
Selon les termes de Matthew Hale: « Les décisions des tribu-
naux [... ] ne créent par un droit au sens propre du terme - seuls
le roi et le Parlement en ont la compétence. Les jugements sont
néanmoins d'un grand poids et d'une grande autorité par la
manière dont ils expliquent, déclarent et font connaître ce
qu'est le droit de ce royaume, en particulier lorsque de tels
jugements sont en accord et cohérents avec les décisions et juge-
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• Le bai/ment désigne le rapport juridique régi par la common law, tel qu'il résulte
d'un transfert de la possession d'un bien meuble. Le récipiendaire doit avoir l'inten-
tion de posséder le bien (élément subjectif) et le transfert doit être réellement effectué
(élément objectif). Le transfert peut être volontaire ou involontaire, à titre onéreux ou
gratuit, pour une durée déterminée ou indéterminée.
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dépositions faites par les parties, plus rarement par les témoins,
en réponse aux questions que le juge leur soumettait à la
demande des jurés. Dans les causes criminelles, on assistait par-
fois également à des dépositions devant la cour, en réponse à
des questions du juge adressées aux accusateurs privés (notam-
ment la victime ou les parents de la victime), ou à des agents de
la Couronne (notamment le coroner ou le constable). Vers le
milieu du XVIe siècle, la comparution de témoins dans les causes
civiles était assez fréquente; dans les causes pénales, un système
compliqué avait été développé permettant la production de
preuves, tantôt au stade de la mise en accusation par le grand
jury, lorsque le « juge de paix» interrogeait les suspects et les
témoins, tantôt au stade du procès proprement dit, lorsque,
dans certains types de procédures, les accusateurs représentant la
Couronne, et non seulement les juges, interrogeaient l'accusé et
faisaient comparaître des témoins. Au début du XVIIe siècle, les
jurés n'enquêtaient plus en général sur les faits avant le procès,
mais il fallut attendre le XVIIIe siècle pour qu'il rut interdit de
prendre en compte des informations qu'ils avaient obtenues
extraj udiciairemen ë9•
Cette brève récapitulation chronologique fait apparaître que
la transformation du jury « actif» en un jury « passif» fut amor-
cée avant la Révolution anglaise, et notamment sous le régime
Tudor. L'introduction d'une administration de la preuve pen-
dant la phase du procès devant le jury s'inscrivait en effet, au
XVIe siècle, dans le cadre du courant général favorisant une plus
grande rationalité des procédures civiles et pénales, un courant
que l'on retrouve à cette époque partout en Europe et qui était
directement en rapport avec la Réforme protestante et l'ascen-
sion de puissantes monarchies 40 . En Angleterre, cette rationali-
sation accrue de la procédure devant un jury au XVIe siècle
contribuait aussi à renforcer la position des tribunaux de com-
mon law dans leur concurrence avec les nouvelles juridictions
créées en vertu de la Prérogative royale, qui ne connaissaient pas
de procédure devant jury, mais suivaient au contraire un
modèle de procédure où des juges professionnels interrogeaient
les parties et les témoins.
À partir de la fin du XVIIe siècle et au cours du XVIIIe siècle, les
principaux changements qu'il faut relever dans la foulée de la
victoire des tribunaux de common law sur leurs rivaux sont:
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La méthode empirique
de la nouvelle science du droit
Tant par ses aspects internes que par ses aspects externes, la
nouvelle science du droit anglais, qui se développa de la fin du
XVIIe siècle jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, présente des traits
communs avec la seconde révolution scientifique du XVIIe siècle.
La doctrine des précédents judiciaires, par exemple, était proche
de la méthode empirique appliquée dans d'autres domaines
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La transformation
du droit pénal anglais
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La coexistence et la concurrence
de différents systèmes de droit pénal
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vidu ne pouvait être jugé pour un délit grave que s'il avait été
formellement mis en accusation par un grand jury sur la base
des éléments de preuve qui lui avaient été soumis, et il ne pou-
vait être condamné à une peine que s'il avait été jugé et déclaré
coupable par un jury restreint; et aussi bien la phase de la mise
en accusation que le procès se déroulaient sous le contrôle d'un
tribunal de common law. La liste relativement brève des délits
graves lfelonies) dont un individu pouvait être accusé aux W et
XVIe siècles fut fortement élargie par le Parlement à la fin du
XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, en reprenant notamment
des délits qui auparavant relevaient de la compétence des cours
créées en vertu de la Prérogative royale. Qualifiés désormais de
felonies, ces délits étaient à présent passibles de la peine capitale,
sauf si le Parlement avait décidé d'une autre peine33 . D'autres
délits poursuivis auparavant devant les cours de la Prérogative
royale furent requalifiés comme délits mineurs (misdemeanors)
en common law, avec pour effet que la compétence des tribu-
naux de common Law pour imposer des amendes et des peines
de prison augmenta considérablement. Parmi les crimes capi-
taux établis par une loi au cours du siècle qui débuta avec la
guerre civile, on compte l'adultère, différentes formes de coups
et blessures, le faux, les actes de piraterie, le braconnage, ainsi
que de nouvelles formes de complicités aux vols 34 . Parmi les
délits mineurs (misdemeanors) rendus punissables après 1640,
on relève différentes formes de jeux de hasard légalement inter-
dits, ainsi que le manquement aux obligations envers sa famille
- tous des délits réprimés auparavant par les tribunaux de la
Prérogative royale 35 . Les poursuites pour ces misdemeanors restè-
rent encore dans une large mesure dans la compétence des juges
de paix, mais le contrôle constant de leur fonctionnement par la
Chambre étoilée disparut, seuls les juges du Banc du Roi effec-
tuant encore un contrôle de leurs décisions lors de leurs visites
périodiques au cours du « circuit» judiciaire36 •
Contrairement aux procédures pénales dans les cours relevant
de la Prérogative royale, les poursuites devant les cours de
common law n'étaient pas introduites par un accusateur royal
officiel, mais bien par des particuliers (d'habitude la victime ou
ses proches) ou par les représentants d'organisations nouvelle-
ment créées et dont l'objet était de faire respecter l'ordre et la
morale publics. De plus, il était très rare qu'un conseil pour la
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La responsabilité de la communauté
envers la répression des péchés
Ces deux doctrines théologiques affirmant que tous les fidèles
ont la vocation de mener une vie sainte et peuvent être sauvés
même s'ils ne parviennent pas à réaliser cet objectif, et, d'autre
part, que les péchés intentionnels sont en général punis plus
sévèrement que les péchés commis par faiblesse, doivent être
mises en rapport avec une troisième doctrine théologique, selon
laquelle Dieu a imposé à la communauté la responsabilité
d'aider les fidèles dans leurs efforts pour accomplir ce qui est
juste. Contrairement à ce qu'ont prétendu de nombreux auteurs
des sciences sociales au xxe siècle, le communautarisme, et non
pas l'individualisme, a été l'un des principaux traits de l'idéolo-
gie prévalente en Angleterre à la fin du XVIIe siècle et au début
du XVIIIe siècle. Selon la formule de Robert Sanderson, un
évêque anglican éminent au XVIIe siècle: « Dieu nous a conçus
comme des créatures sociables, Il nous a posés dans des ordres
politiques, des sociétés et un État organisé; Il nous a créés
membres d'un seul corps et chacun membres l'un de l'autre.
Ainsi, nous ne sommes pas nés, et nous ne devons pas vivre,
comme des individus isolés ou pour soi-même. Au contraire,
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Homicide
Au lendemain de la Révolution anglaise, on assista à une pro-
lifération de nouveaux délits définis par la loi, mais en même
temps on constate que la jurisprudence sur l'homicide (dans un
sens général) a profondément modifié la matière. Ce change-
ment s'exprime de façon frappante dans l'établissement des
règles concernant, d'une part, le meurtre commis dans le cadre
d'un délit capital (<<felony-murder ») et, d'autre part, l'homicide
au sens strict commis dans le cadre d'un délit non-capital
(<< misdemeanour-manslaughter»). En même temps, la possibilité
fut ouverte à la défense d'obtenir la requalification du meurtre
en homicide, par le biais de la technique développée par les tri-
bunaux dite des «provocations », c'est-à-dire l'invocation de fac-
teurs ayant atténué l'intention criminelle. Ces développements
s'expliquent en partie par l'influence de la théologie morale cal-
viniste sur la pensée juridique anglaise de la fin du XVIIe siècle et
du début du XVIIIe siècle.
En vertu de la règle dite du felony-murder, un individu qui
provoquait la mort d'une personne en commettant un crime
capital, même si cette mort était entièrement imprévisible, était
coupable de meurtre. En vertu de la règle dite du misdemeanour-
manslaughter, l'individu qui provoquait la mort d'une personne
en commettant un délit non capital était coupable d'homicide,
même dans les cas où la mort n'était pas prévisible. Ces deux
règles, qui sont toujours en vigueur en droit anglo-américain
de nos jours, sont rejetées par la plupart des autres systèmes
juridiques, qui les considèrent comme irrationnelles et injustes:
pourquoi un individu qui avait l'intention de commettre, par
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L association délictueuse
La doctrine anglaise moderne concernant l'association délic-
tueuse (conspiracy), qui prévaut également aux États-Unis, fit ses
premières apparitions dans les décisions du Banc du Roi à la fin
du XVIIe siècle. Cette doctrine est unique dans les systèmes occi-
dentaux par sa portée, du fait qu'elle permet de réprimer péna-
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Les contrats
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Sociétés
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Assurances
Certains types d'assurance, et notamment les assurances
maritimes, s'étaient déjà répandues en Europe à l'occasion de la
première révolution commerciale des XIIe et XIIIe siècles. Les
innovations du XVIIe siècle s'expliquent par l'application des
mathématiques au développement d'une science permettant de
prévoir et de calculer le rapport entre le risque d'un préjudice et
le coût de la prime d'assurance. La nouvelle science de la ges-
tion des risques était un corollaire de la nouvelle science des
probabilités qui s'était développée à partir de la physique, de la
chimie et d'autres sciences naturelles dans l'œuvre de Newton,
Boyle et d'autres, et qui a grandement influencé la science du
droit. L'industrie moderne de l'assurance maritime est née dans
les cafés londoniens de la fin des années 1680 et au cours de la
décennie suivante, où une nouvelle génération d'assureurs, qui
s'étaient spécialisés dans les nouvelles méthodes statistiques
pour calculer les risques d'un tran~ort maritime, rencontrait
ses clients des milieux commerçants .
Les premières sociétés anglaises d'assurance maritime, que
l'on appelait « assurance corporations », furent créées au début du
XVIIIe siècle par des chartes royales, mais les assureurs particuliers
opéraient parallèlement. Déjà à l'époque, comme de nos jours,
la personne cherchant à s'assurer s'adressait à un agent (<< bro-
ken), qui sélectionnait la personne ou la société apte et dispo-
sée à couvrir le risque en contrepartie d'une prime: cet assureur
« souscrivait» son nom à la fin du contrat écrit, d'où le terme
de «underwriter». Dans le courant du XVIIIe siècle, plusieurs
autres types d'assurances se développèrent, en plus des assu-
rances maritimes: les risques qui pouvaient être couverts s'éten-
daient aux dommages matériels, aux vols (commis avec
violence), aux incendies, aux décès et à d'autres risques encore.
Soixante-dix-neuf assureurs qui opéraient dans le café londo-
nien fondé dans les années 1670 par Edward Lloyd s'associèrent
- en payant chacun une part de 100 livres sterling - en une
Society of Lloyd's, «une association sans personnalité morale
d'entrepreneurs individuels opérant conformément à un code
de bonne conduite soumis à leur propre contrôle et réglementa-
tion ». Ces membres, auxquels vinrent se joindre d'autres assu-
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Liturgie
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Le mariage
Le droit anglais du mariage ne s'est pas aussi facilement plié
au système de croyance protestant qui inspira les deux Réformes
en Angleterre. Les régimes Tudor et Stuart acceptèrent la
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siècles après que les mariages clandestins ont été proscrits dans
l'Église catholique par le Concile de Trente, qu'une telle pros-
cription fut également imposée en Angleterre: conformément à
la loi de Lord Hardwicke, la cohabitation ouverte d'un couple
comme mari et femme ne constituait plus, en soi, un mariage;
la loi prescrivait en effet que tous les mariages, à l'exception des
mariages des quakers et des juifs, soient conclus devant l'Église
d'Angleterre selon le rite anglican, en présence d'un membre du
clergé et de deux témoins. En ce qui concerne la formation du
mariage, la tolérance religieuse ne s'étendait ainsi qu'aux seuls
quakers et aux juifs! De plus, le divorce au sens propre, à la
différence d'une séparation de corps et de biens, demeurait
interdit, sauf dans quelques cas tout à fait exceptionnels en
faveur d'individus privilégiés, lorsque le divorce était accordé
par le Parlement lui-même 13 . Enfin, pour divers types de ques-
tions juridiques concernant les rapports maritaux, la compé-
tence des juridictions ecclésiastiques anglicanes était également
maintenue.
Le transfert des compétences sur les relations maritales de
l'Église catholique au profit des autorités séculières protestantes
- la Couronne dans un premier temps, le Parlement ensuite -
n'entraîna donc pas de modifications fondamentales dans le
droit du mariage. Ce ne fut qu'en 1836 que la loi sur le mariage
(Marriage Act), à ce moment davantage inspirée par des concep-
tions d'individualisme démocratique que par le protestantisme
luthérien ou calviniste, autorisa en droit anglais la conclusion
des mariages « selon les formalités cérémonielles que les parties
souhaiteront observer », exigea l'enregistrement des mariages
dans des bureaux de l'administration civile, rendit possible le
divorce de plein droit pour cause d'adultère, et transféra la
compétence sur les causes de mariage et de divorce aux juridic-
tions civiles 14.
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par des nobles formés dans les universités, soucieux de leurs pri-
vilèges: or, la sélection des représentants à la Chambre des
Communes sous les règnes des premiers Stuarts était principale-
ment échue à ces autorités locales 29 .
Les changements radicaux dans le système scolaire anglais
après l'accession de Guillaume et Marie en 1688 avaient été
anticipés dès les années 1640 et 1650 dans les ouvrages de
quelques éminents auteurs puritains 3o • Ces auteurs insistaient,
selon les termes de John Dury, sur le fait que « le but principal
de toute entreprise d'instruction, tant à l'égard des garçons que
des filles, ne doit consister qu'en cela: les former à connaître
Dieu dans le Christ, de sorte qu'ils se conduisent dignes de Lui
selon les Évangiles et qu'ils deviennent, dans leurs générations,
des instruments utiles à la société». Le premier objectif, la for-
mation des jeunes à un esprit de dévotion tendant à la perfec-
tion (ou, selon l'expression utilisée par Drury, la « Godliness»)
s'inscrivait dans la tradition, sauf qu'il s'agissait d'un esprit de
dévotion tel qu'il était entendu par des maîtres d'école acquis
aux réformes plutôt que selon la conception du clergé anglican
attaché à la « Haute Eglise ». Le second objectif, l'éducation des
jeunes à un esprit de dévouement envers la société (que Drury
exprime par « Serviceableness »), constituait en revanche une
innovation: cet esprit est défini par Drury comme « une dispo-
nibilité à l'égard de la société dans laquelle ils vivent, de sorte
qu'ils soient capables, chacun selon qu'il est homme ou femme,
de suivre leur vocation légitime à se rendre utiles par une occu-
pation profitable, et d'éviter de devenir une charge pour leur
génération par un comportement oisif ou dissolu, comme c'est
habituellement le cas de ceux qui quittent l'école à cet âge 31 ».
Une vocation professionnelle venait ainsi s'ajouter à la vocation
théologique: il fallait apporter aux enfants des deux sexes non
seulement l'entendement de la foi chrétienne protestante par
une étude rigoureuse de la Bible et des doctrines, mais égale-
ment des connaissances séculières dont ils pourraient tirer profit
dans leur travail professionnel.
La morale puritaine marqua de son empreinte non seulement
les objectifs, mais également les méthodes d'instruction scolaire.
Des mesures strictes devaient assurer que l'éducation des filles
élimine « quoi que ce soit [... ] qui tend seulement à fomenter
l'orgueil et à satisfaire la curiosité et les plaisirs imaginaires »,
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II
Aux XIXe et xxe siècles, les auteurs des théories sociales ont
utilisé la division entre « médiéval» et « moderne» pour dis-
tinguer une période dite féodale et une période dite capita-
liste. En insistant sur cette distinction, ils ont généralement
négligé non seulement l'énorme expansion du commerce et le
développement des villes en Europe à l'apogée de ce qu'ils
appellent la féodalité, mais aussi le fait que le capitalisme,
comme le bureaucratisme, le rationalisme et, de fait, la
« modernité» sous toutes ses formes, caractérisaient déjà dans
une mesure plus ou moins importante la société européenne à
partir du XIIe siècle.
On conçoit que Karl Marx, écrivant au milieu du XIXe siècle,
n'ait pas pris en compte les changements économiques radicaux
qui eurent lieu au milieu du prétendu « Moyen Âge». À
l'époque, l'existence de ces changements n'avait pas encore été
reconnue par les historiens. Max Weber, au début du xxe siècle,
est moins pardonnable d'avoir daté les origines de « l'esprit du
capitalisme» au XVIIe siècle, mais on peut comprendre que son
propos consistait à décrire des « types idéaux» d'ordres sociaux.
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III
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Introduction
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ment prétendre à tous les droits et libertés de Ses sujets nés dans le Royaume
de Grande-Bretagne» (ibidem, p. 58).
16. Les ministres français qui s'exprimaient sur la situation en Amérique
vers le milieu des années 1770 faisaient état des « révolutions des empires »
lorsqu'ils se référaient aux troubles coloniaux dans le Nouveau Monde.
L'expression fut reprise par le gouverneur Morris en 1776, qui écrivit à sa
mère à propos de la Révolution américaine que « les grandes révolutions des
empires se réalisent rarement sans de graves désastres humains ». Voir
Rosenstock-Huessy, Out of Revolution, p. 646. Par la suite, le terme « révo-
lution » fut invoqué pour comparer et différencier les expériences en France
et aux États-Unis. Voir Friedrich von Gentz, The Origin and Princip les ofthe
American Revolution Compared with the Origin and Principles of the French
Revolution (Delmar, N.Y., 1977), dont la version originale en allemand fut
publiée en 1800 et traduite peu après en anglais par John Quincy Adams,
qui utilisa cet ouvrage comme un pamphlet dans la campagne de réélection
de son père. Voir Robert R. Palmer, The Age of the Democratie Revolution. A
Political History of Europe and America, 1760-1800, t. 1 (Princeton, 1959),
pp. 187-188 (où il est question de la signification de ce pamphlet dans le
contexte politique américain). Les historiens sont toujours divisés entre ceux
qui considèrent la Révolution américaine en tant que bouleversement révo-
lutionnaire et ceux qui y voient une guerre d'indépendance visant à assurer
aux colons les droits traditionnellement reconnus aux Anglais. Ainsi, Gor-
don Wood (qui se classe lui-même dans la première catégorie) fait une dis-
tinction entre historiens progressistes, comme Carl Becker, qui mettent
l'accent sur les tensions entre les classes sociales et sur la lutte sociale inhé-
rente à la Révolution, et les historiens conservateurs, comme Bernard Bailyn,
selon lequel l'enjeu aux yeux des Américains « n'était pas le besoin de remo-
deler l'ordre social, mais bien la nécessité de purger une constitution cor-
rompue et de combattre l'extension apparente des pouvoirs réservés ».
Gordon S. Wood, The Radicalism of the American Revolution (New York,
1992), pp. 3-5, citant Bernard Bailyn, The ldeological Origins of the Ameri-
can Revolution (Cambridge, Mass., 1967), p. 283.
17. Cité dans Joseph Story, Commentaries on the Constitution of the Uni-
ted States, t. l, 3< éd. (Durham, N.e., 1858), p. 105, n. l.
18. « La société est en effet un contrat [... ] Mais l'État ne doit pas être
envisagé comme une simple convention d'association dans le cadre du
négoce du poivre et du café, du calicot, ou du tabac [... ] qui pourrait être
résiliée au gré des parties [... ] Il s'agit d'une association de toute l'intelli-
gence, de tout le savoir-faire, une association comprenant toutes vertus et
visant à la perfection. Comme les fins d'une telle association ne peuvent être
atteintes avant plusieurs générations, cette convention crée une association
non seulement entre les vivants, mais comprenant les vivants, les morts et
ceux qui doivent naître. » Edmund Burke, Reflections on the Revolution in
France (1790), éd.pJ.G.A. Pocock (Indianapolis, 1987), pp. 84-85.
19. Dans les années 1770, Benjamin Franklin proposa que la Société
Déiste de Londres, qu'il avait contribué à fonder, fût transformée en une
« Église» dotée d'une ample liturgie et d'un « prêtre de la nature ». La
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l'accent sur les caractéristiques spécifiques du droit anglais: toute une litté-
rature a été consacrée à l'opposition entre la common /aw anglaise et le ius
commune européen. Reinhard Zimmermann est l'un des principaux auteurs
qui ont réfuté le « mythe» d'un droit anglais autochtone, en relevant qu'« en
réalité [... ] depuis la Conquête normande, les relations internationales conti-
nues n'on jamais cessé de laisser leur empreinte définitive et caractéristique
sur le développement du droit anglais ». Reinhard Zimmermann, «Civil
Code and Civil Law. The Europeanization of Private Law within the Euro-
pean Community and the Re-emergence of a European Legal Science »,
Columbia Journal of European Law 1 (1994), 87-88; idem, «Der
europaische Charakter des englischen Rechts. Historische Verbindungen
zwischen Civil Law und Common Law», Zeitschrift for Europiiisches Pri-
vatrecht 1 (1993), 4; idem, «Das romisch-kanonische ius commune als
Grundlage europruscher Rechtseinheit », Juristenzeitung 47 (1992), 8. Les
rapports historiques entre le droit anglais et les droits d'autres pays euro-
péens seront évoqués ci-après dans les chapitres 7 à 12.
2? Rosenstock-Huessy, Out of Revolution, p. 707.
28. L'expression « Moyen Âge » se rapportait à l'origine à la conception
d'une époque intermédiaire entre l'époque de 1'« Antiquité », dont la pro-
gression aurait été interrompue, et une époque « moderne », laquelle, à cer-
tains égards, reprenait le fil de l'époque ancienne. Je n'ai pas rencontré de
documents attestant que l'expression « moyen âge » ait été utilisée pour dési-
gner la période précédant la Révolution pontificale des XIe et XIIe siècles, mais
les partisans de cette Révolution prétendaient qu'elle marquait l'avènement
d'un nouvel âge «moderne» (voir Berman, Law and Revolution, p. 112,
ainsi que les sources citées p. 581, n. 35). En outre, ils renvoyaient aux
canons pré-carolingiens et aux œuvres de la Patristique pour justifier leur
thèse selon laquelle les siècles intermédiaires durant lesquels l'Église avait été
assujettie au pouvoir impérial avaient été « une époque d'usurpations ». Voir
les références à Augustin Fliche, La Réforme grégorienne, dans Charles
J. Reid, Jr., « The Papacy, Theology, and Revolution. A Response to Joseph
L. Soria's Critique of Harold Berman's Law and Revolution », Studia cano-
nica 29 (1995), 473-475. L'usage le plus ancien de l'expression «moyen
âge» qui a pu être retracée remonterait aux débuts du )0f siècle, et se rap-
porterait aux siècles qui se situent entre la prétendue chute de Rome en
Occident et l'ascension des Cités-États italiennes et leurs gouvernements
autonomes sept siècles plus tard. Voir Alison Brown, The Renaissance, 2e éd.
(Londres, 1999), pp. 7-8. A un stade postérieur, toujours au )0f siècle, les
humanistes italiens reprirent l'expression pour désigner la période se situant
entre les auteurs classiques des cultures romaine et grecque et eux-mêmes,
c'est-à-dire environ du y< siècle de notre ère jusqu'à la fin du )0f siècle.
Cependant, aucun de ces usages du terme « moyen âge » n'a exercé la même
influence que celui des disciples de Luther au début du XVIe siècle, qui
l'adoptèrent pour désigner la période entre le Protestantisme et le premier
christianisme biblique, auquel le protestantisme entendait revenir. La
notion luthérienne de « Moyen Âge» (ou, dans l'usage anglais, « middle
ages », au pluriel) avait une signification religieuse et politique, liée à
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Trade. The Law Merchant, Private judges, and the Champagne Fairs (Stan-
ford, 1990).
33. Titre original en allemand: Die Protestantische Ethik und der « Geist»
des Kapitalismus, publié en deux volumes en 1904 et 1905. Les guillemets
entourant le mot « esprit» (Geist) ont été omis dans la traduction anglaise de
Talcott Parsons qui s'est imposée.
34. Max Weber, Economy and Society. An Outline of Interpretive Sociology
(dir. Guenther Roth et Claus Wittich, éds.) (New York, 1978), p. 53.
35. « Le temps, c'est de l'argent [... ] L'argent peut générer l'argent, et son
produit peut en générer davantage [... ] Celui qui assassine une couronne,
détruit tout ce qu'elle eût pu produire, même un pécule de livres » (ibidem,
pp. 48-49).
36. Aussi bien Michael Walzer que Herbert Luthy, qui pourtant s'oppo-
sent sur plusieurs points aux thèses de Max Weber, reprennent néanmoins
son idée que 1'« ascétisme" a été transféré du puritanisme des XVIe et
XVIIe siècles au capitalisme industriel du XIXe siècle. Michael Walzer, The
Revolution ofthe Saints. A Study in the Origins ofRadical Politics (Cambridge,
Mass. 1982), pp. 303-304; Herbert Luthy, « Variations on a Theme by
Weber», dans Menna Prestwich (dir.), International Calvinism, 1541-1715
(New York, 1985), pp. 382-384. La difficulté réside en partie dans le terme
même d'« ascétisme », à l'origine réservé à la vie monastique (ce que Weber
désigne par « l'ascétisme du monde intérieur ,,), et dont le sens dérivé à
acquis la connotation d'austérité, sévérité, discipline, abnégation. Comme je
l'ai déjà indiqué, Weber utilisait le terme pour caractériser ce qu'il considé-
rait comme la tendance du capitaliste à suivre sa vocation « d'un autre
monde" l'invitant à gagner de plus en plus d'argent tout en évitant d'autres
plaisirs. Pourtant, Weber lui-même reconnaissait que le calvinisme authen-
tique, comme d'autres formes du christianisme, dénonçait la cupidité
comme un péché mortel. D'ailleurs, s'il est acquis que les puritains des XVIe
et XVIIe siècles vilipendaient l'ivresse, les jeux de hasard et le théâtre, de nom-
breuses sources attestent qu'ils s'adonnaient volontiers aux plaisirs de la
musique, des arts, de la littérature, des exercices physiques et de la bonne
chère. Le puritanisme valorisait le travail assidu et le succès matériel, mais en
cela, il ne se différenciait pas fondamentalement d'autres orientations du
christianisme.
37. Sur la loi accordant la personnalité morale à la Compagnie du Groen-
land, voir Samuel Williston, « History of the Law of Business Corporations
before 1800", Harvard Law Review 2 (1888), 111. À propos de l'histoire
économique et de l'histoire du droit concernant les sociétés par actions, voir
William Robert Scott, The Constitution and Finance of English, Scottish, and
Irish joint-Stock Companies to 1720, 3 tomes (1912, réimpression Glouces-
ter, Mass., 1968). Voir également Frank Evans, « The Evolution of the
English Joint-Stock Limited Trading Company», Columbia Law Review 8
(1908), 339-361, 461-480. Malheureusement, ces études ne s'attardent pas
sur le caractère (et la philosophie) fortement communautariste de cette
forme d'entreprise économique et juridique - des caractéristiques que les
auteurs ne semblent pas vouloir mettre en question.
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CHAPITRE PREMIER
La réforme de l'Église et de l'État
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purgatoire leur peine pour des péchés qu'ils n'avaient pas (entièrement)
expiés avant leur mort.
15. Le « trésor des mérites» était une réserve infinie de bonnes œuvres
accumulées par le Christ, la Vierge Marie et les saints. Le pape en assurait
l'administration. La théorie du trésor des mérites fut formellement établie en
1343 par la bulle Unigenitus de Clément VI. Voir Kidd, Documents Illustra-
tive of the Continental Reformation, pp. 1-3.
16. Voir Martin Luther, Address to the Christian Nobility, t.44 de l'édi-
tion Luther's Works (Philadelphie, 1966), pp. 142-143.
17. John Wyclif (1320-1384) était un diplômé de l'Université d'Oxford
dont les conceptions de la doctrine religieuse anticipaient celles de Luther.
Wyclif contestait l'autorité générale du pape sur l'ensemble de la Chrétienté.
Il enseignait un sacerdoce de tous les croyants, auxquels il reconnaissait un
rapport direct avec Dieu. Comme Luther, Wyclif traduisit des parties de la
Bible en langue vernaculaire. Comme Luther, il rejetait la doctrine eucharis-
tique de l'Église sur la transsubstantiation. Voir Kenneth B. McFarlane, John
Wycliffe and the Beginning of English Non-Conformity (New York, 1953) ;
Anthony Kenny, Wyclif (Oxford, 1985). Les partisans de Wyclif, souvent
désignés en anglais comme Lollards, furent persécutés par les rois d'Angle-
terre et écrasés après une révolte en 1414, mais quelques communautés res-
treintes survécurent jusqu'à ce que la Réforme touche l'Angleterre au
XVIe siècle. Voir John A.F. Thomson, The Later Lollards, 1414-1520
(Londres, 1965).
18. Jan Hus (1369-1415), un doyen de l'Université de Prague, avait été
ordonné en 1400; il étudia les écrits de Wyclif et fut fortement influencé
par ses idées réformatrices. Dans son ouvrage principal, De Ecclesia (1415),
Hus se prononça, comme Wyclif, pour un sacerdoce de tous les croyants et
pour une Église qui serait dirigée par le Christ, non par le pape. Il fut
condamné pour hérésie et se rendit au concile de Constance afin d'y
défendre ses thèses. Malgré un sauf-conduit qui lui avait été délivré par
l'empereur Sigismond, le concile condamna Hus à être brûlé sur le bûcher
en 1415. Voir Matthew Spinka,John Hus' Conception of the Church (Prince-
ton, 1966), et John Hus, A Biography (Princeton, 1968). La mort de Hus en
fit un martyr national aux yeux des Tchèques. En 1420, l'empereur lança
une croisade contre les hussites, comme on désignait à l'époque les partisans
des réformes. La première guerre contre les hussites (1420-1434) se termina
sur un compromis en vertu duquel une Église autonome de Bohème fut éta-
blie et les terres des monastères furent sécularisées. Cependant, des révoltes
périodiques continuèrent à se produire jusqu'en 1571. Au XVIe siècle, la
Bohème accueillit favorablement le luthéranisme et le calvinisme. Voir Josef
Macek, The Hussite Movement in Bohemia (Prague, 1958), et Howard
Kaminsky, A History of the Hussite Revolution (Berkeley, 1967).
19. Voir Henry Kamen, The Spanish Inquisition. An Historical Revision
(Londres, 1997), pp. 174-213. À cette époque, une succession de papes se
préoccupèrent davantage de consolider leur pouvoir dans la politique locale
italienne et d'amasser des œuvres d'art que du bien-être spirituel de l'Église.
Le cinquième concile du Latran 0512-1515) avait été convoqué par
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28. Voir Martin Luther, «The Sermon on the Mount », dans: Jaroslav
Pelikan (dir.), Luthers Works (ci-après: LW), 55 vols. (St. Louis, 1956),
t. 21, en particulier p. 108 (où Luther affirme qu'« il relève du devoir et de
l'obligation de ceux qui participent au gouvernement en cette terre d'admi-
nistrer la justice et les peines, de maintenir les distinctions entre les per-
sonnes et leurs états, de régir et de distribuer les propriétés »); Martin
Luther, «Whether Soldiers, Too, Can Be Saved", dans lM. Porter (dir.) ,
Luther. Selected Political Writings (Lanham, Md., 1974), en particulier pp. 1-
5 (où il avance qu'« il n'y a aucun doute que la profession militaire est une
occupation et vocation légitime en soi, approuvée par Dieu »). Voir égale-
ment Martin Luther, «On War Against the Turk », dans: Porter, Luther,
pp. 124-125 (où il propose« d'enseigner [... ] comment combattre en bonne
conscience ,,).
29. Voir Martin Luther, « Secular Authority. To What Extent It Should
be Obeyed» (523), dans Dillenberger, Martin Luther, pp. 382-392; Mar-
tin Bucer, « De Regno Christi », dans Wilhelm Pauck (dir.), Melanchthon
and Bucer (Philadelphie, 1%9), livre 2, ch. 1 (<< De quelles manières le
Royaume du Christ peut et doit être réformé par les rois pieux »).
30. WA, 32 : 394.
31. Voir Luther, «Secular Authority », p. 366 ; et idem, «An Appeal to
the Ruling Class of German Nationality as to the Amelioration of the State
of Christendom », dans Dillenberger, Martin Luther, p. 411.
32. Voir Jean Bodin, On Sovereignty. Four Chapters ftom Six Books of the
Commonwealth, éd. et trad. Julian H. Franklin (Cambridge, 1992), p. 23
(<< l'attribut principal de la majesté souveraine et du pouvoir absolu consiste
à accorder le droit aux sujets en général sans avoir recours à leur consente-
ment »); Glenn Burgess, «The Divine Right of Kings Reconsidered »,
English Historical Review 107 (1992), 837, 842 (<< la caractéristique essen-
tielle de l'absolutisme était la prétention que le roi seul était au-dessus du
droit positif et qu'il n'y était pas soumis »). Voir en général Julian H. Fran-
klin, Jean Bodin and the Rise of Absolutist Theory (Cambridge, 1973);
Michael Stolleis, Geschichte des iiffintlichen Rechts in Deutschland, t. l,
Reichspublistik undPoliceywissenschaft, 1600-1800 (Munich, 1988), pp. 172-
186.
33. Voir l'exégèse que Luther propose du quatrième commandement dans
son Large Catechism, dans WA, 30 : 132-182.
34. Affichées par Luther en octobre 1517, les thèses furent réimprimées à
Magdebourg et à Leipzig dès le mois suivant. Une traduction allemande fut
publiée à Bâle en décembre. Bernd Moeller n'a pas trouvé trace d'une tra-
duction contemporaine dans une autre langue vernaculaire: voir Bernd
Moeller, «Luther in Europe. His Works in Translation, 1517-46», dans
E.I. Kouri et Tom Scott (dir.), Politics and Society in Reformation Europe
(Londres, 1987), pp. 237-238. On peut en conclure qu'en dehors de l'Alle-
magne, l'influence directe des Thèses fut restreinte à un public maîtrisant le
latin. D'autre part, on peut admettre qu'à l'époque, les classes éduquées
lisaient autant le latin que des textes en vernaculaire, tandis qu'un public
non alphabétisé pouvait être informé par des prêcheurs ou des personnes
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instruites qui avaient pu lire les Thèses en latin. Selon Moeller (pp. 24-25) :
« Les Thèses ont touché un public tout à fait prédisposé à leur consacrer son
attention. Plus tard, Luther évoqua cette période en se targuant de ce que ses
Thèses avaient "pour ainsi dire galopé à travers l'Allemagne en quinze jours".
Cette affirmation doit sans doute être tempérée si l'on tient compte du peu
de réimpressions immédiates, mais il n'empêche que le succès de cet écrit
savant et universitaire fut remarquable. » Moeller cite également Oecolampa-
dius, un contemporain de Luther, qui témoigna que les Thèses « Ont été dif-
fusées avec une rapidité surprenante dans toute l'Allemagne et furent
favorablement accueillies dans tous les milieux instruits ». Voir Bernd Moel-
1er, Imperial Cities and the Reformation. Three Essays (Philadelphie, 1972),
p. 24 et nore 10.
35. Voir Ozment, Age ofReform, p. 40l.
36. Voir Roland H. Bainton, Here 1 Stand. A Lift ofMartin Luther (Nash-
ville, 1950), pp. 185-186.
37. De Larnar Jensen, Confrontation at Worms. Martin Luther and the
Diet of Worms (Provo, Utah, 1973), pp. 75-11l.
38. Voir en général Steven Ozment, When Fathers Ruled. Family Lift in
Reformation Europe (Cambridge, Mass., 1983).
39. Robert Scribner, « Incombustible Luther. The Image of the Reformer
in Early Modern Germany', Past and Present 110 (1986),47-50.
40. Voir Ozment, Age of Reform, p. 23l.
41. « Tout autant expert dans la traduction de la Bible que dans la rédac-
tion d'un catéchisme, la réforme de la liturgie ou la composition d'un recueil
de hymnes, Luther faisait également preuve de dons exceptionnels lorsqu'il
prêchait en chaire, qu'il enseignait dans une salle de cours ou qu'il priait à
haute voix au Cénacle. La diversité de ses dons était véritablement surpre-
nante. Aucun de ses contemporains ne pouvaient l'égaler. » Bainton, Here 1
Stand, p. 346.
42. Dans ses premiers écrits, Luther s'exprimait en des termes plus conci-
liants à l'égard du judaïsme, dans l'espoir de faciliter la conversion des Juifs
au christianisme. De ce fait, il semble avoir été initialement moins hostile
envers les Juifs que les catholiques ne l'avaient été au cours des siècles pré-
cédents, et spécialement vers la fin du XV" siècle, sous le régime de l'Inquisi-
tion en Espagne, au Portugal et en Italie. Dans les pays catholiques et
protestants, les Juifs qui se convertissaient ne faisaient pas l'objet de discri-
minations formelles, et les Juifs qui ne s'étaient pas convertis étaient autori-
sés à poursuivre certaines activités économiques, et même bénéficiaient
souvent d'une protection des autorités ecclésiastiques et séculières dans
l'exercice de ces activités. La grande majorité des Juifs était toutefois
contrainte de vivre dans des ghettos, de porter des signes distinctifs de cou-
leur jaune sur leurs vêtements et étaient traités comme un groupe infréquen-
table par les couches supérieures de la société. De fait, ils étaient
fréquemment bannis d'un territoire ou d'une ville. Les attaques mordantes et
envenimées que Luther adressa plus tard aux Juifs, comme aux Turcs, attisè-
rent sans doute la culture ouvertement raciste de l'époque, mais il faut sur-
tout y voir une motivation religieuse, plutôt que raciste. Comme l'a observé
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NOTES PAGES 100-106
mença à prêcher la Réforme en 1519, mais qui prit parti pour les paysans
lors de la guerre des Paysans, fut capturé et exécuté en mai 1525 ; et le prêtre
suisse Huldrych Zwingli (1484-1531), qui commença à prêcher la Réforme
à Zurich en 1519, mais rejetait la doctrine luthérienne sur le baptême et la
présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Zwingli mourut dans les luttes
qui éclatèrent dans les cantons suisses en 1531. Sur Karlstadt, voir Calvin
Augustine Pater, Karlstadt as the Father of the Baptist Movements. The Emer-
gence of Lay Protestantism (Toronto, 1984). Sur Müntzer, voir Hans-Jürgen
Goertz, Thomas Müntzer. Apocalyptic, Mystic, and Revolutionary, trad.
Jocelyn Jaquiery, dir. Peter Matheson (Édimbourg, 1993). Sur Zwingli, voir
Joachim Rogge, Anfonge der Reformation: Der junge Luther (1483-1523), der
junge Zwingli (1484-1523), 2< éd. (Berlin, 1985) ; et W. Peter Stephens, The
Theology of Huldrych Zwingli (Oxford, 1985).
50. Sur la Réforme dans les villes, voir en général Steven E. Ozment, The
Reformation in the Cities. The Appeal of Protestantism to Sixteenth-Century
Germany and Switzerland (New Haven, 1975) ; et Bernd Moeller, Imperial
Cities and the Reformation. Three Essays, éd. et trad. H.C. Erik Midelfort et
Mark U. Edwards, Jr. (Philadelphie, 1972), pp. 41-115.
51. Voir William P. Hitchcock, The Background of the Knights' Revoit,
1522-1523 (Berkeley, 1958): Hajo Holborn, Ulrich von Hutten and the
German Reformation (New Haven, 1937).
52. Voir Bernd Moeller, « The German Humanists and the Reforma-
tion », dans Imperial Cities, p. 23 (où le lecteur trouvera les documents
concernant les critiques adressées par Luther à Érasme). Selon Moeller:
« D'une manière générale, on peut conclure que les humanistes, à l'opposé
de Luther, s'en tenaient aux fondements du catholicisme médiéval» (p. 29).
53. Sur les rapports entre Luther et Calvin, et sur les similitudes et diffé-
rences entre la théologie luthérienne et calviniste, voir plus loin, Chapitre 7.
54. Voir Franz Lau et Ernst Bizer, A History of the Reformation in Ger-
many to 1555, trad. Brian A. Hardy (Londres, 1969), p. 78.
55. Sur l'action de la Ligue de Schmalkalden au cours des années 1530
et 1540, v. Hajo Holborn, A History of Modern Germany, t. l, The Reforma-
tion (New York, 1959), pp. 215-217 ; Lewis W. Spitz, The Protestant Refor-
mation, 1511-1559 (New York, 1987), pp. 117-12l.
56. Voir le texte de la Paix d'Augsbourg dans Sidney Z. Ehler et John
B. Morrall (dir.), Church and State through the Centuries (Londres, 1954),
pp. 164-173. La Paix ne s'étendait pas aux territoires « non allemands » de
l'Empire, comme les Pays-Bas, la Suisse et la Franche-Comté.
57. Voir Herman Tuchle, « The Peace of Augsburg. New Order or Lull
in the Fighting », dans Henry J. Cohn (dir.), Government in Reformation
Europe, 1520-1560 (Londres, 1971), p. 155.
58. Cette disposition était promulguée en annexe au texte, mais n'était
pas reconnue comme faisant autorité en vertu du droit impérial. En tant que
champion du catholicisme, l'empereur Charles Quint ne pouvait en
conscience reconnaître l'apostasie des évêques et archevêques qui avaient
abandonné « l'ancienne religion chrétienne et catholique ». Le caractère iné-
vitable d'une telle reconnaissance le poussa à conférer l'autorité sur la diète
643
DROIT ET RÉVOLUTION
644
NOTES PAGES 106-115
645
DROIT ET RÉVOLUTION
77. Voir les études recueillies dans Ole Peter Grell (dir.) , The Scandina-
vian Reformation. From Evangelical Movement to Institutionalisation ofReform
(Cambridge, 1995). La tolérance religieuse ne fut officialisée, en Suède et en
Finlande, qu'en 1781 ; au Danemark, en 1844; en Norvège, en 1845; et en
Islande, en 1874.
78. Les Quatre-Vingr-Quinze Thèses furent prêchées à Danzig au cours
de l'été 1518. Vers les années 1550, le protestantisme en Pologne était for-
tement divisé: un courant très radical, anti-trinitaire, dit des Frères polonais,
coexistait avec les courants luthérien et calviniste dominants. Voir Stanislas
Lubieniecki, History of the Polish Reformation and Nine Related Documents,
trad. George Huntston Williams (Minneapolis, 1995): George Huntston
Williams, The Radical Reformation (Philadelphie, 1962), pp. 404-416 et
639-669. Voir Paul Fox, The Reformation in Poland. Some Social and Econo-
mie Aspects (Baltimore, 1924). Ce fut principalement grâce à ces divisions au
sein du protestantisme polonais que l'Église catholique parvint à regagner du
terrain dès les années 1560, et à provoquer son effondrement vers le milieu
du XVIIe siècle. Voir George Huntston Williams, The Polish Brethren.
Documentation of the History and Thought of Unitarianism in the Polish-
Lithuanian Commonwealth and in the Diaspora, 1601-1685, Harvard
Theological Studies, n° 30,2 vols. (Missoula, Mont., 1980). L'Ordre teuto-
nique fut dissout ailleurs ultérieurement. La Bohème (qui correspond actuel-
lement à la République tchèque) avait été un siècle auparavant le théâtre du
mouvement religieux tchèque de Jan Hus; en 1517, la mémoire de Hus y
était encore vivante parmi la population.
79. Le nom de « Huguenots» semble dérivé d'une contraction française
du mot allemand Eidgenossen, « confédérés », une appellation utilisée par les
opposants protestants au duc de Savoie dans les années 1520.
80. Sur les développements du luthéranisme en France, voir Denis Crou-
zet, La Genèse de la Réforme française, 1520-1560 (Paris, 1996); et Mark
Greengrass, The French Reformation (Oxford, 1987). Sur l'Édit de Nantes,
voir Bernard Cottret, 1598, t. 1, Édit de Nantes, pour en finir avec les guerres
de religion (Paris, 1997).
81. Sur l'Inquisition dans les anciens Pays-Bas, voir Edward Grierson, The
Fatal Inheritance. Philip II and the Spanish Netherlands (Garden City, N.Y.,
1969), pp. 55-56 et 66-72.
82. Pour une analyse de l'utilisation des expressions « Contre-Réforme »
et « Réforme catholique », voir H. Outram Everett, The Spirit of the
Counter-Reformation (Cambridge, 1968), et Hubert Jedin, Katholische Refor-
mationen oder Gegenreformation? Ein Versuch zur Kldrung der Begriffe
(Lucerne, 1946).
83. Francisco Ximenes de Cisneros, Biblia Complutensis (Rome, 1983).
84. En 1536, Vitoria fonda à Salamanque une école destinée à devenir
célèbre, qui compta des étudiants devenus plus tard de « grandes » personna-
lités du monde intellectuel espagnol, tels que Soto, Lessius, Molina et Sua-
rez. Vitoria lui-même ne publia aucune œuvre, mais ses élèves publièrent
sous son nom les notes de l'enseignement qu'il leur avait prodigué. Vitoria
enseignait en vain que la répression espagnole des peuples conquis en Amé-
646
NOTES PAGES 116-124
rique du Sud constituait une violation du droit des gens. Sa conception des
rapports entre l'Ancien et le Nouveau Monde était fondée « sur le principe
fondamental selon lequel la découverte doit être suivie d'une possession pour
conférer un titre, et que les barbares détenaient un titre sur leurs "principau-
tés" [... ] à égalité avec les royaumes d'Espagne et de France ». Voir James
Brown Scott, The Spanish Origin of International Law. Francisco de Vitoria
and His Law ofNations (Oxford, 1934), pp. 106-107. Scott a justement sou-
ligné l'importance de la pensée de Vitoria, insistant sur le fait que les peuples
« barbares» d'Amérique latine après la conquête étaient habilités à faire
valoir pleinement leurs droits en vertu du droit des gens. Cependant, il a été
démontré qu'il est erroné d'affirmer, comme cela a été le cas jusqu'aux der-
nières décennies du XX" siècle, que l' œuvre de Vitoria (sur cette controverse,
mais également à propos d'autres questions) serait aux origines du droit
international moderne. Il est vrai que Grotius, que l'on considère habituelle-
ment comme le fondateur du droit international moderne, s'est en effet ins-
piré de Vitoria et d'autres juristes espagnols du XVIe siècle, mais pas plus que
de nombreux aurres auteurs; la doctrine de l'universalité du droit internatio-
nal et son applicabilité aux peuples non chrétiens était largement acceptée
dès les XIr< et XIIIe siècles. Voir Brian Tierney, The Idea of Natural Rights.
Studies on Natural Rights, Natural Law, and Church Law (Atlanta, 1997),
pp. 333-342. Tierney a démontré que Grotius a repris un vocabulaire dont
on découvre l'origine chez les canonistes du XI( siècle. Voir également Lan-
dau, « Der Einfluss des kanonischen Rechts », pp. 50-52.
85. Sur les similitudes et différences entre la néo-scolastique espagnole du
XIv" siècle et la philosophie et science luthériennes du droit en Allemagne à
la même époque, voir plus loin le chapitre 2, note 144, ainsi que le cha-
pitre 3.
86. Voir Wolfgang Reinhard, «Konfession und Konfessionalisierung in
Europa », dans Wolfgang Reinhard (dir.), Bekenntnis und Geschichte. Die
Confessio Augustana im historischen Zusammenhang (Munich, 1981),
pp. 165-189), pp. 165-189; voir Wolfgang Reinhard, «Reformation,
Counter-Reformation, and the Early-Modern State. A Reassessment »,
Catholic Historical Review 75 (1989), 383, 390, et n. 24 (présentant un som-
maire de recherches ultérieures sur les questions de confessionalisation).
87. Voir Ronald H. Asch, The Thirty Years' War. The Holy Roman Empire
and Europe, 1618-1648 (New York, 1997), p. 76.
88. Voir Leo Gross, «The Peace of Westphalia, 1648-1948 », American
Journal of International Law 42 (1948), 20, 21-22 (comporte un aperçu cri-
tique des dispositions religieuses du traité) ; et Herbert Langer, 1648. Der
Westfolische Frieden. Pax Europaea und Neuordnung des Reiches (Berlin,
1994), pp. 11-69 (comporte une analyse de la structure de la Paix).
89. Voir la citation de Martin Luther dans Gerald Strauss, Law, Resis-
tance, and the State. The Opposition to Roman Law in Reformation Germany
(Princeton, 1986), p. 14.
90. Voir Owen Chadwick, The Reformation (Grand Rapids, Michigan,
1965), p. 189.
647
DROIT ET RÉVOLUTION
CHAPITRE II
La philosophie luthérienne du droit
648
NOTES PAGES 125-138
gins of Modern Contract Doctrine (Oxford, 1991), qui traite des contribu-
tions de Vitoria, Molina, Soto et d'autres théologiens espagnols néo-
thomistes du XVIe siècle à la théorie du droit des contrats. À propos des rap-
ports entre la philosophie du droit néo-thomiste espagnole du XVIe siècle et
la philosophie du droit allemande luthérienne à la même époque, voir plus
loin à la note 144, p. 668.
3. Dans un passage un peu obscur, Franz Wieacker a remarqué que
Luther avait en un premier temps nié la capacité de l'homme d'acquérir une
connaissance de la loi naturelle, mais que « lorsque la théologie luthérienne
est par la suite revenue au droit naturel, elle s'est rattachée à l'aristotélisme
des thomistes, quoiqu'en mettant l'accent sur la pensée cicéronienne, et tra-
hissant ainsi l'influence humaniste de Melanchthon, et elle a porté un intérêt
plus prononcé au Décalogue, reflet des progrès de la Réforme ». Wieacker,
History of Private Law, p. 209 ; voir également p. 471. Wieacker consacre
aussi quelques alinéas à la théorie du droit naturel du juriste luthérien
Oldendorp (pp. 224-225) et deux brefs alinéas à Johann Apel, collègue de
Luther (p. 117), mais il en parle davantage en tant qu'humanistes que
luthériens, et à aucun moment il ne précise quelles sont les particularités de
la pensée juridique luthérienne. De même, Helmut Coing, dans son
Europaisches Privatrecht, t. l, Alteres gemeines Recht (J 500-bis 1800)
(Munich, 1985), pp. 229-232 ne traite qu'incidemment de la philosophie
luthérienne du droit, encore qu'il analyse succinctement le droit ecclésias-
tique et le droit de la famille luthériens. Coing se réfère aussi brièvement à
la méthode topique d'Oldendorp (p. 21) et il consacre un alinéa rapide à
l'application effectuée par Apel de la distinction entre la cause proche et la
cause lointaine dans les transmissions de propriété (p. 179). Ni Coing ni
Wieacker, qui sont considérés comme les deux principaux historiens du
droit allemands de la seconde moitié du XX" siècle, ne mentionnent Vigelius,
Kling ou d'autres grands juristes luthériens. Ils citent en passant
Melanchthon, mais en ignorant ses ouvrages sur le droit.
De même encore, la somme consacrée par Hans Hattenauer à l'histoire
du droit en Europe ne traite que superficiellement de l'influence de la
Réforme sur le droit, l'auteur affirmant que « si l'on se demande [à propos
des Églises protestantes du XVIe siècle] quelles conséquences la Réforme a
eues pour le droit civil, pour le droit pénal et pour le droit de l'homme du
commun, la réponse des luthériens, avant rout, s'avèrerait plutôt légère
[düftig] [ ... ]le juriste Oldendorp (1480-1567), disciple [de Luther], entre-
prit en 1529 la rédaction d'un ouvrage concernant l'équité. Mais, si l'on
recherche des juristes significatifs provenant du camp de la Réforme luthé-
rienne qui ont apporté quelque chose de fondamentalement neuf, les résul-
tats sont modestes. Luther n'a pas provoqué une impulsion effective pour la
pensée du droit dans l'ensemble de l'Europe. Son enseignement a inspiré en
Europe de grands théologiens, musiciens, poètes et pédagogues, mais les
juristes de son école n'ont exercé que peu d'influence sur le droit en Europe.
Le centre de gravité des études fondamentales en droit s'est déplacé de
Rome, non pas vers Wittemberg, mais bien vers la France et Bourges ».
Hans Hattenhauer, Europaische Rechtsgeschichte (Heidelberg, 1992),
649
DROIT ET RÉVOLUTION
650
NOTES PAGES 138-143
Strauss, Law, Resistance, and the State. The Opposition to Roman Law in
Reformation Germany (Princeton, 1986), pp. 215-218.
7. Voir la collection des citations dans Jaroslav Pelikan, Spirit versus
Structures. Luther and the Institutions of the Church (New York, 1968),
pp. 20-24.
8. Les écrits de Luther sur des questions sociales et politiques compren-
nent (en traduisant les titres en français): « Bref sermon sur l'usure»
(1519) ; « Sermon étendu sur l'usure» (1520) ; « Un appel à la classe diri-
geante de la Nation allemande quant à l'amélioration de l'état de la Chré-
tienté» (1520); « Sur la vie maritale» (1522); « Sermon à propos de
l'Évangile où il est question de l'homme riche et du pauvre Lazare » (1523) ;
« L'autorité temporelle: dans quelle mesure faut-il lui obéir?» (1523);
« Contre les faux et illicites mandats impériaux » (1523) ; « Lettre au maire,
651
DROIT ET RÉVOLUTION
652
NOTES PAGES 143-148
du droit» (v. par exemple WA, 10: 454, 40: 486 e.s.), néanmoins, « pour
Luther, l'accent principal est celui qui souligne l'usage théologique du droit
[... ) en particulier à un stade plus avancé de sa carrière ». Alexander, « Vali-
dity and Function of Law», p. 515.
20. WA, 15: 302.
21. WA, 4 : 3911,4733 e.s.
22. Romains 7:7-25 ; Galates 3:19-22. Voir Dillenberger, Martin Luther,
pp. 14 e.s., ainsi que la discussion dans Cranz, Essay on the Development of
Luthers Thoughts, pp. 112 e.s.
23. Voir en général Adolf Harnack, History of Dogma (trad. Neil Bucha-
nan), T. 7 (New York, 1958) p. 206; Joest, Gesetz, pp. 196 e.s. ; Werner
Elert, Law and Gospel (trad. Edward H. Schroeder) (Philadelphie, 1967),
pp. 38 e.s. ; Gerhard Ebeling, Word and Faith (trad. James W. Leitch) (Phi-
ladelphie, 1963), p. 75. Pour une discussion sur la controverse portant sur le
rôle du troisième usage du droit dans la théologie luthérienne des débuts,
puis à un stade plus avancé, voir Ragnar Bring, Gesetz und Evangelium und
der dritte Gebrauch des Gesetzes in der lutherischen Theologie (Berlin, 1943).
24. Voir, par exemple, Apology of the Aug.rburg Confession (1529), art. 4,
dans Triglot Concordia. The Symbolic Books of the Ev. Lutheran Church (St.
Louis, 1921), pp. 127, 161, 163, où Melanchthon traite des vertus que le
droit enseigne. Dans l'édition de 1535 de ses Loci communes rerum theologi-
carum (rédigés quatre ans auparavant), Melanchthon désigne cette « éduca-
tion juridique de la vertu» comme le troisième usage du droit. Cf. CR, 21 :
405-406. Luther approuva ces deux écrits de Melanchthon. Dans plusieurs
passages de son œuvre, Luther suggère la notion - à défaut d'utiliser le
terme - de l'usage éducatif du droit. Cf. WA, 10: 454; voir également le
recueil de maximes reprises sous la rubrique « Des princes et potentats »,
dans The Table Talk or Familiar Discourses of Martin Luther (trad. William
Hazlitt) (Londres, 1848), pp. 135-136. À partir de ces passages (ainsi que
d'autres textes), il apparaît clairement que selon Luther, le droit pouvait non
seulement servir de protection contre le péché et comme un encouragement
à rechercher la grâce, mais également comme modèle pédagogique de vertu
chrétienne.
25. H. Fild, « Justitia bei Melanchthon» (thèse Erlangen, 1953), p. 150.
26. Wilhelm Dilthey, Weltanschauung und Analyse des Menschen seit
Renaissance und Reformation. Gesammelte Schriften (Leipzig, 1921), p. 193.
27. Voir K. Hartfelder, Philip Melanchthon ais Praeceptor Germaniae
(1889, réimpression, Nieuwkoop, 1964); James William Richard, Philip
Melanchthon, the Protestant Preceptor ofGermany (New York, 1898).
28. Voir Philip Melanchthon, « De corrigendis adolescentiae studiis »,
dans Robert Stupperich (dir.) , Melanchthons Werke in Auswahl, 7 tomes
(Gütersloh, 1955-1983),3:29-42.
29. Pour d'autres éléments biographiques sur Melanchthon, voir Hartsfel-
der, Philip Melanchthon; Wilhelm Maurer, Der junge Melanchthon zwischen
Humanismus und Reformation, 2 tomes (Gtittingen, 1967-1969).
30. Quelques auteurs plus anciens ont affirmé que puisque Melanchthon
avait acquis sa réputation non seulement en tant que théologien, mais en
653
DROIT ET RÉVOLUTION
654
NOTES PAGES 148-150
655
DROIT ET RÉVOLUTION
656
NOTES PAGES 150-152
duction des propos de Melanchthon sur les lois cérémonielles dans les Loci
communes).
46. On peut mentionner au moins trois traditions de numérotation et
d'agencement des Dix Commandements: la tradition juive, la tradition
orthodoxe grecque (suivie par quelques courants protestants non-luthériens)
et la tradition augustinienne, adoptée tant par les théologiens catholiques
romains que par les théologiens luthériens. Dans la tradition établie par saint
Augustin, suivie par Melanchthon, les trois premiers commandements sont
attribués à la première table, les sept derniers à la seconde table. Dans la
Bible hébraïque, les commandements ne sont pas numérotés, et il n'y a pas
non plus de ponctuation séparant différentes parties: cf. Exode 20: 1-17 ;
Deutéronome 5:6-21. On s'y réfère d'ailleurs comme à des «paroles »,
d'vorim, et non à des « commandements ». Sur les trois traditions de numé-
rotation, voir plus en détail (avec des références bibliographiques complé-
mentaires) Berman et Witte, « Transformation of Western Legal
Philosophy », pp. 1619-1620, n. 114.
47. Thomas d'Aquin, Summa Theologiae, Parties 1-11, quo 98, art. 5.
48. Voir par exemple Angelus de Clavasio, Summa Angelica de casibus
conscientiae (Venise, 1481), section sur la « Pénitence ». Voir également
Rudolf Weigand, Die Naturrechtslehre der Legisten und Dekretisten von Irne-
rius bis Accursius und von Gratian bis Johannes Teutonicus (Munich, 1967),
pp. 220, 438-439 (traitant d'Huguccio, de Laurentius et de Raymond de
Peftafort sur les Dix Commandements). À propos des positions catholiques
des XIV" et xv" siècles concernant les Dix Commandements, Steven Ozment
remarque: « À la fin du XIV" siècle et au xv" siècle, les Dix Commandements
remplacèrent les Sept Péchés Capitaux comme principes directeurs de la
catéchèse orale et de la confession. Il s'agissait d'un développement impor-
tant, ayant pour effet d'élargir le champ d'examen religieux de soi, des
laïcs, et par les laïcs. À aucun autre moment les Dix Commandements
n'ont été promus avec tant de zèle et fait l'objet d'une exégèse aussi minu-
tieuse. » Steven E. Ozment, The Reformation in the Cities (New Haven,
1975), p. 17.
49. Voir Martin Luther, Large Catechism, dans Triglot Concordia,
pp. 166-215; et Melanchthon, CR, t. 22, col. 220.
50. CR, t. 22, col. 153.
51. CR, t. 21, col. 716.
52. Voir Clyde L. Manschreck (dir. et trad.), Melanchthon on Christian
Doctrine. Loci communes, 1555 (New York, 1965), p. 123; CR, t.22, col.
250.
53. Voir CR, t. 22, col. 250.
54. Ibidem, col. 151.
55. Voir Manschreck, Melanchthon, p. 122; CR, t. 22, col. 249.
56. Voir CR, t. 21, cols. 69-70 et 250-251.
57. Melanchthon ne laisse aucun doute quant au fait que c'est non seule-
ment par le droit divin (c'est-à-dire les Dix Commandements), mais égale-
ment par le droit de l'ordre politique que les hommes prennent conscience
de leur déchéance et qu'ils recherchent la grâce. Ainsi, « tout châtiment par
657
DROIT ET RÉVOLUTION
1'[ Obrigkeit] et d'autres autorités doit nous rappeler la colère divine pour nos
péchés, et doit nous inciter à nous réformer et à nous rendre meilleurs ».
Manschreck, p. 56 ; voir CR, t. 22, col. 152.
58. CR, t. 21, col. 250. Sur la théorie de Melanchthon concernant les
« usages du droit », voir Philip Melanchthon, Epitome renovatae ecclesiasticae
doctrinae, CR, t. 1, cols. 706-709 ; Oratio de legibus, CR, t. Il, col. 66 ; et
Manschreck, Melanchthon, pp. 122-128. La doctrine des trois usages du
droit fut reprise ultérieurement au XVIe siècle dans des confessions et caté-
chismes luthériens, notamment dans The Formula of Concord (trad.
anglaise), Partie 6, «< Du troisième usage du droit »), dans Triglot Concordia,
p. 805 : « Le droit a été donné aux hommes pour trois raisons. La première,
afin qu'une discipline externe puisse être maintenue, de sorte que des
hommes sauvages et insoumis puissent être contraints par certaines règles. La
deuxième raison tend à ce que les hommes soient ainsi amenés à prendre
conscience de leurs péchés. La troisième raison est que les hommes qui ont
déjà pu renaître [... ] aient ainsi une règle fixe sur laquelle ils peuvent et doi-
vent régler leur vie entière. » Cette doctrine occupa également une place
éminente dans la théologie calviniste, voir Jean Calvin, Institutes of Christian
Religion (trad. anglaise), Chapitre 7.
59. Voir Pauck, Melanchthon and Bucer, pp. 138-140. Luther développe
sa thèse selon laquelle l'homme est à la fois saint et pécheur (simul iustus et
peccator) dans LW, 21 : 205. Voir également LW, 5:50, où Luther expose
que «l'homme a une double nature, l'une spirituelle, l'autre corporelle.
Selon sa nature spirituelle, à laquelle on se réfère en parlant de l'âme, on dit
que l'homme est un homme spirituel, intérieur ou nouveau. Selon sa nature
corporelle, à laquelle on se réfère en parlant de la chair, on dit que l'homme
est charnel, extérieur, ou ancien ».
60. Manschreck, Melanchthon, p. 127.
61. Voir CR, 1 : 706-708.
62. Ibidem, cols. 707-708. Voir Kahler, Luther und die juristen. «Chez
Melanchthon, la portée que reçoit le caractère pédagogique [de l'État et de
son droit] est beaucoup plus forte que chez Luther. À l'origine,
Melanchthon avait préservé la conception de Luther qui voulait que l'Obri-
gkeit existe afin de réprimer les délits et de maintenir la paix. Par la suite,
cependant, il modifia sa position; l' Obrigkeit ne devait pas seulement servir
à préserver la paix et l'harmonie externes [dans la société], mais également
assurer que les gens vivent honnêtement [au sein de la société]. L'instruction
[disciplina] et un sens du devoir [pietas] sont les objectifs que l'Obrigkeit doit
poursuivre en ayant recours à l'instrument du droit positif. » Voir également
Strauss, Law, Resistance, and the State, p. 228 : « [Selon Melanchthon], le
droit fait partie d'une paedagogica politica susceptible d'améliorer les mœu-
vrurs publiques. »
63. Voir W ernert Elert, « Zur Terminologie der Staatslehre
Melanchthons und seiner Schüler », Zeitschrift for systematische Theologie 9
(1932), 522-534.
64. Voir CR, t. Il, cols. 69-70, et t. 21, col. 1011; Manschreck,
Melanchthon, pp. 328-331.
658
NOTES PAGES 152-158
65. Voir CR, t. 21, cols. 611-612: «Mais je dis: des lois rationnelles,
c'est-à-dire qui sont conformes au droit naturel que Dieu a instillé dans les
hommes. Ainsi, la règle qu'il faut honorer la venu et punir le vice. » Voir
également CR, t. 16, col. 230, où Melanchthon évoque les « rationes iuris
positivi ».
66. CR, t. 16, col. 87 (<< magistratus est custos primae et secundae tabulae
legis »). Voir également CR, t. 22, col. 286: « L'Obrigkeit séculier [... ] doit
être une voix des Dix Commandements » dans le royaume de ce monde.
67. Voir CR, t. 16, cols. 87-88, et t. 22, cols. 615-617; Manschreck,
Melanchthon, p. 335.
68. CR, t. 22, cols. 617-618.
69. CR, t. 22, col. 610.
70. La notion de Gemeinnutz, ou « bien commun », était un thème cen-
tral de la réforme du droit en Allemagne au XVIe siècle. Un historien alle-
mand a soutenu que, selon Melanchthon, « le bien commun devient un
modèle de l'éducation religieuse et morale que l'Église et l'État doivent sou-
tenir. L'État est un maître de vertu (il doit assurer le paedagogium virtutis),
sa politique tend à faire avancer le bonheur (joelicitatis progressum), son
objectif ultime est la béatitude éternelle [... ] Pour Melanchthon, l'ordre
politique (ordo politicus) est synonyme de salut public (salus publica) [... ] et
l'histoire est envisagée dans une perspective optimiste de progrès ». Ludwig
Zimmerman, Der hessische Territorialstaat im Jahrhundert der Reformation
(Marbourg, 1933), pp. 384, 386.
71. CR, t. 22, col. 615.
72. Ibidem, col. 224.
73. À propos de la manière dont Melanchthon traite des contrats, voir
CR, t. 16, cols. 128-152, 251-269, 494-508 (Dissertatio de contractibus) ;
Manschreck, Melanchthon, p. 116; et Stupperich, Melanchthons Werke, 2 :
802-803.
74. Sur la pensée de Melanchthon concernant le mariage et la famille,
voir CR, t.16, col. 509; t.21, col. 1051; t.22, col. 600; t.23, col. 667.
Voir également Stupperich, Melanchthons Werke, 2: 801-802. Pour une
étude détaillée de la théorie luthérienne et du droit du mariage au XVIe siècle,
voir John Witte, Jr., From Sacrament to Contract. Marriage, Religion and
Law in the Western Tradition (Louisville, Ky., 1997), pp. 42-73.
75. Cité par Emil Sehling, Kirchenrecht (Leipzig, 1908), pp. 36-37. Voir
Philip Melanchthon, Instruction to Visitors, ibidem, t. l, Première Partie,
pp. 149-152 et 163-165.
76. Voir CR, t. 16, cols. 241, 469, 570; t. 22, cols. 227 et 617; et
Sehling, Kirchenrecht, t. 1, Première Partie, p. 149. Melanchthon résume
(dans CR, t. 22, cols. 617-618) : «Les dirigeants qui sont soumis à Dieu
sont obligés, à l'égard des biens de l'Église, d'assurer les fonctions néces-
saires, les pasteurs, les écoles, les bâtiments ecclésiastiques, les tribunaux, et
les hôpitaux. Il est inique de souffrir que de tels biens soient gaspillés par des
moines et chanoines idolâtres, oisifs et immoraux. Il est tout aussi inique de
la part des dirigeants de s'approprier ces biens, à moins de prendre les
mesures adéquates pour subvenir aux pasteurs, aux écoles et aux tribunaux. »
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Lochner v. New York, 198 V.S. 45, 76 (1905) «< Des propositions générales
ne décident pas des cas concrets. La décision dépendra d'un jugement ou
d'une intuition plus nuancée que toute prémisse majeure préconçue. »)
109. CR, t. 16, cols. 66-72 et 245-247; Stupperich, Melanchthons Werke,
t. 2, Première Partie, p. 159 ; Manschreck, Melanchthon, pp. 332-333 ; CR,
t. Il, cols. 218-223. Pour plus de détails sur la théorie de Melanchthon
concernant l'équité, voir ses In quintum librum ethicorum Aristotelis Enarra-
tiones Philippi Melanchthonis, dans CR, t. Il, col. 262. Voir Kisch,
Melanchthons Recht- und Soziallehre, pp. 168-184.
110. Manschreck, Melanchthon, p. 333.
111. « L'équité est le jugement de l'âme, recherché à partir de la véritable
raison, qui concerne les circonstances des choses se rapportant à ce qui relève
de la morale, puisque [ces circonstances] indiquent ce qui doit et ce qui ne
doit pas être fait» «< Aequitas est iudicium animi, ex vera ratione petitum,
de circumstantiis rerum ad honestatem vitae pertinentium, cum indicunt,
quid fieri aut non fieri oporteat »). Oldendorp, De iure et aequitate, flrensis
disputatio (Cologne, 1541), p. 13. Le juge Joseph Story a cité ce passage
dans ses Commentaries on Equity Jurisprudence: après avoir traité de diffé-
rentes règles d'interprétation des lois selon l'équité « conformément à leur
nature et à leurs effets, selon qu'elles tendent à remédier ou à réprimer,
qu'elles soient restrictives d'un droit général ou visent à soutenir la justice ou
une politique publique; qu'elles soient d'application universelle ou que leur
objet soit de caractère privé et défini », Story citait Grotius et d'autres
auteurs, en ajoutant: " Mais l'équité est aussi utilisée dans d'autres sens qu'il
convient de soumettre à l'attention du lecteur. Ces différentes significations
ont été recueillies avec beaucoup de zèle par Oldendorp dans son ouvrage De
jure et aequitate disputatio [... ] ; et l'auteur y propose enfin ce qu'il considère
comme étant une définition très précise de l'équité dans son sens général:
Aequitas est judicium animi... » - une citation in extenso du passage repris ci-
dessus en latin. (La citation de Story comprend toutefois « indicunt » au lieu
d'" incidunt », et ajoute, immédiatement après, les mots « recte discer-
nens »). Joseph Story, Commentaries on Equity Jurisprudence, As Administered
in England and America, 12e éd., révisée par Jairus Ware Perry (Boston,
1877), p. 7, n. 2. Story disposait d'un exemplaire du livre d'Oldendorp dans
sa bibliothèque.
112. Voir Aristote, Ethics, dans The Ethics of Aristotle. The Nicomachean
Ethics (J.A.K. Thomson, éd. et trad.) (Londres, 1953), Livre 5, Ch. 12,
p. 10: « Bien qu'elle soit juste, l'équité ne correspond pas à la justice des
cours et tribunaux, mais il s'agit d'une méthode qui consiste à restaurer la
balance de la justice lorsque celle-ci a été déséquilibrée par l'effet du droit.
Le besoin d'un tel correctif naît du fait que le droit ne peut que s'énoncer en
termes généraux, et qu'il y a des cas qui ne peuvent être tranchés par des
assertions générales [... ] Ainsi, lorsque survient un cas où le droit prévoit
une règle générale, mais qu'il y a une exception à la règle, il est justifié que
lorsque le législateur a laissé une lacune dans le droit en raison de l'énoncé
général de la loi, et que cela pourrait avoir pour conséquence l'introduction
d'une erreur, de combler cette lacune en modifiant l'énoncé tel que le légis-
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NOTES PAGES 167-169
lateur lui-même l'eût fait, s'il était présent à ce moment, et selon les termes
de la loi qu'il eût alors arrêtés, ayant pris connaissance des circonstances spé-
cifiques du cas en question. » Voir également Aristote, The Art of Rhetoric
(trad. John Henry Freese) (Londres, 1926), Livre 1, Ch. 12, sections 13-19.
113. Voir Harold J. Berman, « Medieval English Equiry », dans Faith and
Order. The Reconciliation of Law and Religion (Atlanta, 1993), pp. 55-82.
Voir également les sources mentionnées dans Berman et White, « Transfor-
mation of Western Legal Philosophy».
114. Voir Oldendorp, Disputatio 72, dans De jure et aequitate disputatio
(1541) : « Le droit suprême est parfois simplement le droit, parfois il est le
summum du droit, un droit rigide, une définition générale, une subtilité des
termes, un droit rigoureux, un droit strict [tout cela par opposition à]
l'équité, à ce qui est bon et juste, l'epieikeia, ce qui convient, la bonne foi, la
justice naturelle, etc. »
115. Selon Oldendorp, « la loi naturelle et l'équité sont la même chose »
«< Natürlyk Recht und Billigkeit ist ein Ding »), cité chez H. Dietze, Natur-
recht in der Gegenwart (Bonn, 1936), p. 71. Voir Wolf, Quellenbuch, p. 161.
Pour Guido Kisch, Oldendorp fut le premier grand juriste humaniste ayant
opéré une transformation des notions aristotéliciennes traditionnelles
d'équité, voir Guido Kisch, Erasmus und die Jurisprudenz seiner Zeit. Studien
zur humanistischen Rechtsdenken (Bâle, 1960), p. 228. Cependant l'analyse
que propose Kisch de la théorie de l'équité d'Oldendorp ne précise pas la
portée de cette transformation. Pour Dietze, chez Oldendorp, «la thèse et
l'antithèse sont confrontées l'une à l'autre sans qu'elles soient conciliées: la
thèse selon laquelle l'équité et le droit représentent deux types de valeurs,
l'antithèse selon laquelle l'une est équivalente à l'autre », voir Dietze, Johann
Oldendorp, pp. 88-89. Il serait plus exact de dire qu'Oldendorp concilie en
fait ces propositions contradictoires en argumentant que le droit et l'équité
- la règle et l'application de la règle selon la conscience - sont deux volets
d'un seul ensemble, et que s'il y a apparence qu'ils se contredisent, l'équité
doit prévaloir.
116. Voir Macke, « Rechts- und Staatsdenken des Oldendorp », pp. 63-
66.
117. Ici, également, la conception du droit naturel chez Oldendorp se dis-
tingue fortement de celle de Thomas d'Aquin, qui envisageait le droit natu-
rel en tant que stade intermédiaire entre le droit divin et le droit humain.
Voir Thomas d'Aquin, Summa Theologiae, Partie II-II, pp. 93-95.
118. Macke, «Rechts- und Staatsdenken des Oldendorp », p. 151, cri-
tique à raison Erik Wolf et Franz Wieacker pour avoir trop simplifié la
conception du droit naturel (ou de l'équité) développée par Oldendorp. On
peut émettre la même critique à l'égard de Carl von Stachau Kaltenborn,
Die VorlduJer des Hugo Grotius auf dem Gebiete des ius naturae et gentium
sowie der Politik im Reformationszeitalter (Leipzig, 1848), pp. 233-236, et
sur lequel Wolf et Wieacker se sont en partie fondés. Selon Wolf, le droit
naturel chez Oldendorp consiste en des principes immuables dérivés de la
raison naturelle, qui se situent au-dessus du droit humain. Cette présenta-
tion est basée sur l'ouvrage Billig und recht, mais sans tenir compte des autres
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DROIT ET RÉVOLUTION
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124. Voir Dietze, Johann Oldendorp, pp. 11-13. Dans son dictionnaire de
droit, Lexicon iuris (Francfort 1553, Venise, 1555), un ouvrage de référence
populaire aux XVI" et XVIIe siècles, Oldendorp définit la « cité politique»
(civitas) comme « un corps de citoyens réunis dans le but de prospérer en
vertu du droit de leur société» (( universitatis civium, in hoc collecta, ut iure
societatis, vicat optimo »).
125. Oldendorp, Lexicon iuris, p. 272 : « Magistrata [... ) legum ministri
sunt. » Voir Divinae Tabu/ae, p. 19; et Ratmannenspiegel, pp. 73-77.
126. Cité dans Macke, « Rechts- und Staatsdenken des Oldendorp »,
pp. 79-80 : « Falsum igitur est simpliciter asserere, principem habere potes-
tatem contra ius. Decet enim tantae maiestati [... ) servare leges. »
127. Ibidem, p. 85.
128. Ibidem, pp. 85-92.
129.0Idendorp, Lexicon iuris. Voir également Macke, « Rechts- und
Staatsdenken des Oldendorp », p. 92.
130. Macke, « Rechts- und Staatsdenken des Oldendorp », pp. 92-94.
131. Ibidem, pp. 80-82.
132. Ibidem, p. 110.
133. Oldendorp, Lexicon iuris, p. 249 : « luris finis est, ut pacifice transi-
gamus hanc vitam umbratilem, ac perducamus ad Christum et aeternam
vitam. »
134. Ibidem. Voir également Macke, « Rechts- und Staatsdenken des
Oldendorp », p. 13.
135. Voir, par exemple, Isagoge, pp. 9-10: « Sans doute, la nature de
l'homme a été corrompue par la chute d'Adam, de sorte qu'il ne reste que
des étincelles, qui permettent néanmoins de reconnaître la magnifique
richesse du droit divin et du droit naturel» (<< ceterum natura hominis ex
Adae lapsu adeo corrupta fuit, ut vix igniculi remaneant, ex quibus tam
magnifica divini et naturalis iuris bonitas agnosci posset »).
136. Pour une analyse détaillée de l'Église catholique présentant les carac-
téristiques du premier État au sens moderne et de l'avènement des États
séculiers après la Révolution papale, voir Berman, Law and Revolution,
pp. 113-115 et 275-276.
137. « Le problème central dans l'histoire intellectuelle et religieuse du bas
Moyen Âge fut la mentalité qui avait engendré la synthèse de la raison et de
la révélation, cette vision séductrice mais présomptueuse de la théologie de
cette époque. » Steven Ozment, The Age ofReform, 1250-1550 (New Haven,
1980), p. 21.
138. Voir le recueil de citations chez Jaroslav Pelikan, Reformation of
Church and Dogma (1300-1700) (Chicago, 1989), p. 20.
139. Sur la notion anglo-américaine d'équité du jury, voir l'étude fonda-
mentale de George E. Butler Il, «Compensable Liberry. A Historical and
Political Model of the Seventh Amendment », Notre Dame Journal of Law,
Ethics and Public Policy 1 (1985), 595, 713-720. Butler a démontré qu'au
cours du développement de la procédure devant un jury en Angleterre et en
Amérique, où l'on distingue nettement les règles de droit énoncées par les
juges de leur application par le jury, l'expression «équité du jury» (jury
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DROIT ET RÉVOLUTION
equity) est utilisée pour indiquer le processus décisionnel dans des cas
concrets. Cette équité doit être distinguée de l'infirmation du jury, une
notion qui se développa après que les tribunaux eussent commencé d'établir
des règles en termes absolus, au lieu de les établir à titre provisoire, s'effor-
çant ainsi en dernière instance de limiter les pouvoirs du jury.
140. WA, 32: 390; voir également 38 : 102.
141. CR, t. 16, col. 436.
142. Sur le développement des théories allemandes concernant l'État de
droit (Rechtsstaat) aux XIX" et xx" siècles, voir Otto von Gierke, Johannes
Althusius und die Entwicklung der naturrechtlichen Staatstheorien, 5e éd.
(Aalen, 1958), pp. 264 e.s. (<< Die Idee des Rechtsstaates »); Herman
Dooyeweerd, De crisis der humanistische staatsleer in het licht eener Calvinis-
tische Kosmologie en Kennistheorie (Amsterdam, 1931), p. 40. À propos des
contributions du luthéranisme à la conception moderne de l'État, voir
James D. Tracy (dir.), Luther and the Modern State in Germany (Kirksville,
Mo., 1986) ; Günther Holstein, Luther und die deutsche Staatsidee (Tübin-
gen, 1926).
143. Thomas d'Aquin, Summa Theologiae, parties 1-11, quo 90, art. 4.
144. La philosophie luthérienne du droit a parfois été caricaturée par ses
adversaires, qui lui attribuent un double fondement équivoque: d'une part,
la notion selon laquelle l'état fondamental de péché dans laquelle se trouve
l'homme déchu et qui le rendrait incapable de se conformer au droit naturel,
et d'autre part, la notion selon laquelle le droit humain est essentiellement le
reflet non de la raison innée, mais bien de la volonté du législateur. Ces
notions ont été mises en opposition par rapport à celles défendues par les
contemporains catholiques de Luther, en particulier les juristes espagnols de
la « seconde scolastique » du XVIe siècle, qui ont développé une philosophie
du droit inspirée par la théorie du droit naturel de Thomas d'Aquin. Ainsi,
dans un ouvrage par ailleurs éminent, James Gordley affirme: «Les luthé-
riens et les calvinistes prétendaient que la Chute avait à tel point affecté
l'homme que celui-ci n'était plus en mesure de découvrir ou de faire ce qui
est bon. Les princes affirmaient que le droit dépendait de leur seule volonté.
L'antidote à cette doctrine était la philosophie thomiste avec sa confiance en
la raison naturelle, et spécialement la conception thomiste du droit naturel. »
James Gordley, The Philosophical Origin of Modern Contract Doctrine
(Oxford, 1991), p.70. Cependant, comme nous l'avons démontré dans ce
chapitre, les théologiens et juristes luthériens, en dépit de leur optimisme
très relatif quant à la nature humaine, croyaient néanmoins que Dieu instille
dans l'esprit de l'homme la connaissance - notitiae - des principes moraux
fondamentaux et, en outre, que Dieu avait révélé les principes fondamentaux
du droit dans les Dix Commandements, que le Christ résuma en prônant le
commandement d'aimer Dieu et son prochain comme soi-même.
Melanchthon, quoique moins confiant que Thomas d'Aquin dans la capa-
cité de la raison humaine de comprendre les principes fondamentaux du
droit naturel, était en revanche davantage confiant dans la capacité de la
conscience humaine, guidée par la foi et inspirée par la grâce, de mettre en
application ces principes selon l'Équité. D'ailleurs, même si les juristes luthé-
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CHAPITRE III
La transformation de la science juridique allemande
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même affirmé que 1'« idéal » d'Alciat consistait à « éviter les idées originales
et à s'intégrer dans l'héritage antique et médiéval de la pensée juridique et de
la philosophie du droit ».
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NOTES PAGES 198-201
31. En réponse à une lettre de Joannes Fichard lui demandant son avis sur
les appels en faveur d'un nouveau type systématique de science juridique,
Zasius invita son ancien élève tout simplement à étudier le Digeste lui-
même: « Je ne m'efforce pas, écrivait-il, de vous persuader que le droit
n'aurait ni principes, ni critères de classification. Il en a certainement, et ils
sont nombreux, mais pas infinis. » Mais en fin de compte, prévenait-il, il
serait vain d'adopter une méthode focalisée sur ces principes: « En conclu-
sion, ne vous préoccupez pas des questions de méthode: les cinquante livres
du Digeste vous serviront à la fois de méthode et de texte» (lettre vers
1530) : Rieggerus, Udalrici Zasii, je Friburg quondam eeleberrimi, Epistolae
ad viros aetatis suae doetissimos (Ulm, 1774), p. 382. Stintzing, Geschiehte der
Reehtswissemehaft, pp. 108 e.s., évoque des opinions analogues dans d'autres
lettres et ouvrages de Zasius.
32. En plus de Apel, Lagus et Oldendorp, Luther se lia d'amitié et entre-
tint une correspondance avec de nombreux autres juristes allemands qui
jouèrent un rôle important dans le développement de la nouvelle science sys-
tématique du droit: on citera notamment Joachim von Beust (1522-1597),
Henning Gode (1450-1521), Kilian Goldstein (1499-1568), Joachim Hop-
per (mort en 1576), Melchior Kling (1504-1571), Basilius Monner (vers
1501-1566), Christoph Scheurl (1498-1542), Johannes Schneidewin (1519-
1568), Hieronymus Schuerpf (1481-1554) et Michael Teuber (1522-1597).
Parmi les amis et associés de Luther, on compte également un nombre consi-
dérable de théologiens luthériens qui contribuèrent à la rédaction de nou-
velles collections de lois impériales, territoriales et urbaines, ainsi
qu'ecclésiastiques. On citera dans cette catégorie Johannes Brenz (1498-
1570), Martin Bucer (1491-1551), Johannes Bugenhagen (1485-1558),
Johannes Oecolampadus (1482-1531) et Andreas Osiander (1498-1552).
Pour un aperçu général des rapports entre Luther et les juristes de son
temps, voir Karl Kahler, Luther und die juristen. Zur Frage naeh dem gegen-
seitigen Verhiiltnis und der Sittliehkeit (Gotha, 1873). Pour des renseigne-
ments biographiques et bibliographiques sur chacun de ces juristes et
théologiens, voir la Allgemeine deutsehe Biographie, 56 vol. (Leipzig, 1875-
1910).
À propos de l'attitude de Zasius envers Luther et le luthéranisme, voir
Stintzing, Gesehiehte der Reehtswissemehaft, pp. 216-255. Sur l'attitude
d'Alciat à l'égard de Luther et du luthéranisme, voir Phillipson, « Jacques
Cujas », p. 72. Tous deux étaient en faveur de réformes en droit et en théo-
logie, sans pour autant être enclins à passer du côté de la rupture.
33. Sur les occupations de Melanchthon à Wittemberg en tant qu'ensei-
gnant de droit et ses rapports avec plusieurs juristes à Wittemberg et au-delà,
voir notamment Guido Kisch, Melanehtom Reehts- und Soziallehre (Berlin,
1967), pp. 60 e.s. ; Stintzing, Gesehiehte der Reehtswissemehaft, pp. 287 e.s.
Theodor Muther, Aus dem Universitiits- und Gelehrtenleben im Zeitalter der
Reformation (Erlangen, 1866), a mis en évidence l'admiration et l'amitié de
Melanchthon pour Hieronymus Schuerpf.
34. Des versions révisées ont été publiées en 1525, 1535, 1544-1545 et en
1555, avec quelques variations mineures dans le titre. Sur la portée de ces
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attentive d'Ong confirme qu'en fait De la Ramée n'a rien établi qui fût nou-
veau ou important. Voir Ong, Ramus, pp. 171-195.
40. Au début de ses Loci communes parus en 1521, Melanchthon se
démarque des loci traditionnels de la théologie scolastique, qu'il qualifie
d'« inintelligibles », de « discussions stupides » qui « militent davantage pour
certaines hérésies qu'elles ne le font pour les doctrines catholiques ». De tels
exposés, dit-il, ne constituent pas une source d'inspiration et ne constituent
pas le fondement de la véritable « connaissance chrétienne: savoir ce que
requiert le droit, à quel pouvoir l'on peut s'adresser pour obtenir l'exécution
du droit et la grâce pour couvrir les péchés, comment l'on peut renforcer un
esprit vacillant contre le diable, la chair et le monde, et comment l'on peut
consoler une conscience affligée. Les scolastiques enseignent-ils tout cela?
Lorsqu'il s'appliqua à rédiger un abrégé de la doctrine chrétienne, dans son
épître aux Romains, saint Paul s'attarda-t-il à philosopher sur les mystères de
la Trinité, les modalités de l'Incarnation, ou la notion de création active ou
passive? Non! Mais de quoi traite-t-il donc? Il parle de la loi, du péché, de
la grâce [des loct] sur lesquels la connaissance du Christ repose exclusive-
ment. Combien de fois Paul n'affirme-t-il pas qu'il désire pour les croyants
une riche connaissance du Christ! Il prévoyait en effet que s'il n'avait pas
retenu l'attention sur ces [loct] susceptibles de mener au salut, nous nous
tournerions vers des disputations intellectuelles sans vie et étrangères au
Christ. Nous allons par conséquent traiter de ces [lOct] qui vous conduisent
au Christ, qui renforcent votre conscience et apprêtent votre esprit contre
Satan ». Melanchthon, Corpus Reformatorum, 22 : 83-85, trad. anglaise dans
Wilhelm Pauck, Melanchthon and Bucer (Philadelphie, 1969), pp. 20-22.
41. Voir les renseignements biographiques et bibliographiques sur Apel
dans Muther, Aus dem Universitiits- und Gelehrtensleben; Stintzing, Ges-
chichte der Rechtswissenschafi, pp. 270 e.s. ; idem, « Johann Apel », dans All-
gemeine deutsche Biographie; F. Merzbacher, « Johann Apels dialektische
Methode der Rechtswissenschaft », ZSS (Rom. Abt.) 55 (1958), 364 e.s. ;
Franz Wieacker, Humanismus und Rezeption. Eine Studie zu Johannes Apels
Dialogus oder Isagoge per dialogum in IV libros Institutionum (1940), repris
dans Grunder und Bewahrer. Rechtslehrer der neueren deutschen Privatrechts-
geschichte (Gottingen, 1959), pp. 44-104 ; Gerhard Theuerkauf, Lex, Specu-
lum, Compendium juris, Rechtsaufzeichnung und Rechtsbewusstsein in
Norddeutschland vom 8. bis 16. Jahrhundert (Cologne, 1968), pp. 202 e.s.
Muther offre une bibliographie complète de l'œuvre d'Apel dans Aus dem
Universitiits- und Gelehrtensleben, pp. 455-487.
42. Methodica dialectices ratio ad iurisprudentiam accomodata, authore
Iohanne Apello (Nuremberg, 1535). L'épilogue d'Apel date du 31 juillet
1533, Voir Troje, « Die Literatur des gemeinen Rechts », p. 734.
43. Isagoge per dialogum in quatuor libros Institutionum divi Iustiniani
imperatoris, autore Ioanne Apello (Bratislava, 1540).
44. Apel, Methodica, fol. 272r, ibidem, BA; également 0.8. Voir égale-
ment Stintzing, Geschichte der Rechtswissenschafi, pp. 289-290.
45. Stintzing, Geschichte der Rechtswissenschafi, p.289. On trouve une
appréciation semblable chez Ferslev, « Claudius Cantiuncula », p. 36, lequel
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NOTES PAGES 206-210
Canon Law and Rights. The Word lus and Its Range of Subjective
Meanings », Studia Canonica 30 (1996),295-342.
50. En opérant cette distinction, Apel reconnaît, au début de l'lsagoge,
s'être inspiré d'un manuscrit qu'il avait découvert à Konigsberg, et qu'il
avait, par erreur, pris pour une ancienne version des Institutes de Justinien
- alors qu'en fait, au XYIIf siècle, ce texte fut identifié comme l'une des pre-
mières versions du Brachylogus iuris civilis, une œuvre des glossateurs du
XIIe siècle. Plusieurs éditions du Brachylogus à partir de 1551 reprenaient en
annexe l'lsagoge d'Apel. Voir Stintzing, Geschichte der Rechtswissenschafi,
pp. 292-293; et Theuerkauf, Lex, p. 195. Les juristes scolastiques n'ont tou-
tefois pas suivi la distinction entre dominium et obligatio pour fonder une
synthèse de leurs doctrines. En fait, le Brachylogus reprend simplement le
dominium et l' obligatio dans une liste comprenant plusieurs douzaines de
topiques de droit, en grande partie empruntés et agencés selon les Institutes
de Justinien, et ne présente qu'une taxonomie rudimentaire du droit. On n'y
trouve aucune tentative de définir les rapports entre topiques juridiques,
dont les définitions et illustrations - qui ne dépassent souvent même pas une
centaine de mots - sont plutôt obscures. Une édition du Brachylogus de
1557 publiée à Lyon comprend à peine 123 pages, selon une mise en page
de moins de 200 mots par page. Un tel ouvrage est tout à fait différent de
celui d'Apel, aussi bien quant à sa structure que quant à l'étendue des
matières qu'il couvre.
51. Dans sa Methodica, Apel a soutenu qu'aussi bien selon le critère de la
cause matérielle (c'est-à-dire l'objet) que selon le critère de la cause formelle
(c'est-à-dire, sa forme), le droit (ius) est subdivisé en droit public et en droit
privé, et celui-ci, à son tour, en droit écrit et droit non-écrit. Selon le critère
de la cause efficiente (c'est-à-dire, sa source), Apel divisait le droit en droit
naturel, droit des gens et droit civil (c'est-à-dire romain). Ainsi, le droit privé
non-écrit était dérivé du droit naturel et le droit privé écrit du droit civil.
Quoique cette classification n'exclût pas que le droit public découlât en par-
tie du droit civil, l'analyse du droit civil chez Apel tendait à prendre en
compte avant tout les aspects du droit privé.
52. Sur les distinctions entre droit public et droit privé en droit romain et
dans l'ancien droit canonique, voir Hans Mullejans, Publicus und Privatus
im romischen Recht und im alteren kanonischen Recht unter besonderer Berück-
sichtigung der Unterscheidung lus publicum und lus privatum (Munich,
1961). Mullejans conclut de son étude minutieuse des sources que les
juristes romains et les premiers canonistes « ne distinguaient pas clairement ),
entre « un ius publicum, c'est-à-dire, un droit relevant des affaires de l'État
ou du domaine ecclésiastique» et « un ius privatum, c'est-à-dire un droit
régissant les affaires privées des personnes» (pp. 1-3, 187-188).
53. Apel, Methodica, fol. 27sr. Johann Oldendorp a repris ces distinctions
dans son Lexicon juris civilis (1547). Voir Stintzing, Geschichte der Rechtswis-
senschafi, p. 296. La systématisation d'Apel a été fortement critiquée par
Wieacker, Humanismus und Rezeption, pp. 84-86. Selon Wieacker, le sys-
tème d'Apel était fondé sur « l'illusion » que le droit était susceptible d'être
réformé par une « dialectique mécanique et stérile », et il ajoute: « Une nou-
681
DROIT ET RÉVOLUTION
velle systématisation du droit ne pouvait être réalisée que sur la base d'une
nouvelle forme de communauté et de société, partant un nouveau principe
directeur fondamental pour l'idéal de justice. » Mais contrairement à Wieacker,
je prétends que ce fut précisément cette" nouvelle forme de communauté et
de société» introduite par la Réforme protestante, ainsi qu'" un nouveau
principe directeur fondamental pour l'idéal de justice » associé au protestan-
tisme, qui s'exprime à travers la " nouvelle systématisation du droit » d'Apel.
54. Wieacker, Humanismus und Rezeption, p. 69.
55. Parmi d'autres ouvrages importants du XVIe et du XVIIe siècle publiés
par des auteurs allemands qui illustrent la nouvelle méthode systématique du
droit, on peut citer notamment (la liste suit l'ordre alphabétique par nom
d'auteur; les dates se réfèrent à la première année d'édition qui nous était
disponible) : Johannes Althusius (vers 1556-1638), Iurisprudentiae romanae
methodicae digestae libri duo (1586) ; idem, Dicaeologicae libri tres, totum et
universum ius, quo utimur, methodice complectentes (1618); Benedict
Carpzov (1595-1666), Practicae novae imperialis saxonicae rerum criminalium
(1703); Balthasar Clammer (mort en 1578), Compendium iuris (1591);
Hermann Conring (1606-1681), Opera iuridica historica, politica et philoso-
phica (1648) ; Christoph Ehem (1528-1592), De principiis iuris libri septem
(1556); Gerhard Feltmann (1637-1696), Institutiones Juris novissimi
(1671) ; idem, De jure in re et ad rem (1672) ; Johann Thomas Freigius
(1543-1583), Methodica actionum iuris repetitio ad ordinem iurisconsulti Tri-
boniani instituta (1569) ; idem, Partitiones juris utriusque (1571) ; Ludwig
von Freudenstein Gremp (1509-1583), Codicis Justinianei methodica tracta-
tio (1593); Hugo Grotius (1583-1645), De iure belli ac pacis libri tres
(1646); Johann Gottlieb Heineccius (1681-1741), Elementa juris civilis
secundum ordinem Pandectarum (1731); Joachim Hopperus (1523-vers
1580), De iuris arte libri tres (1553) ; Joannes Kahl (mort vers 1552), Juris-
prudentia romanae synopsis methodica (1595) ; Melchior Kling (1504-1571),
Daz gantze Sechsisch Landrecht mit Text und Gloss in eine richtige Ordnung
gebracht (1572) ; Samuel Pufendorf (1632-1694), De officio hominis et civis
iuxta legem naturalem libri duo (1673) ; Mattaeus Stephani (1576-1646),
Exegesis iuris civilis, quo utimur, ad methodum Institutionum Justiniani impe-
ratoris concinnata et secundum tria iuris objecta, tribus partibus comprehensa
(1617) ; idem, Tractatus methodus de arte juris et eius principiis (1631) ;
Samuel Stryk (1640-171 0), Institutiones juris civilis cum notis (1703) ; idem,
Specimen usus moderni Pandectarum (1708) ; Christoph Sturtz (ca. 1555-
1603), Methodus logica universi iuris civilis in quatuor Institutionum, quin-
quaginta Pandectarum et novem libros Codicis, iusta ratione continuationis
omnium titulorum animadversa et proposita (1591) ; Nicolaus Vigelius (1529-
1600), Methodus iuris controversi (1579); idem, Methodus juris pontificii
(1577) ; idem, Methodus observatium Camerae Imperialis (ca. 1579); idem,
Methodus universi iuris civilis absolutissima (1561) ; idem, Partition es iuris
civilis. Digestorum suorum rationes et ordinem breviter demonstrantes (1571) ;
idem, Praefatio apologetica: methodus duplex commentariorum Tiraquelli
(1586) ; Hermann Vultejus (1555-1634), Iurisprudentiae romanae Justiniano
compositae libri duo (1590).
682
NOTES PAGES 210-212
683
DROIT ET RÉVOLUTION
65. Theuerkauf, Lex, p. 206, indique « que l'on peut supposer [que
Lagusl ait eu connaissance des tentatives d'Apel visant à appliquer la dialec-
tique à la théorie du droit» et que « peut-être» Lagus connaissait l'édition
de 1535 de la Methodica d'Apet, ainsi que l'édition de 1540 de son Isagoge,
mais qu'aucune influence ne peut être établie. Il poursuit en observant spé-
cifiquement que le fait que Lagus ait opéré une distinction fondamentale
dans le droit civil entre biens (propriété) et obligations « ne doit pas être
attribué à l'influence d'Ape!, mais peut plutôt avoir été directement inspiré
par les Institutes de Justinien ». Une interprétation analogue avait déjà été
avancée par Otto von Gierke, selon lequel « Lagus fut sans doute le premier
à réaliser l'idée d'un manuel systématique du droit, mais il demeura attaché
à l'agencement essentiel des Institutes ». Otto von Gierke, Johannes Althusius
und die Entwicklung der naturrechtlichen Staatstheorien, t. 5 (Aalen, Scientia
Verlag, 1958), p. 38. Cette conclusion n'est pas fondée. En fait, les Institutes
de Justinien n'offrent aucune base pour la division du droit civil en deux
parties fondamentales, telle qu'elle est proposée par Lagus (et Apel), c'est-à-
dire en distinguant deux parties fondamentales, la première correspondant
au dominium (ou aux res), la seconde à l' obligatio. Au contraire, les Institutes
suggèrent (par ailleurs, sans s'y tenir) une classification en personnes, biens
et actions: Apel a rejeté cette classification, tandis que Lagus l'a critiquée et
transformée. Les Institutes définissent le dominium comme une propriété in
re, sans pour autant les distinguer de droits ad rem. Pour une discussion plus
détaillée sur la distinction entre le droit des biens et le droit des obligations,
voir plus loin, chapitre 5.
Lorsque l'on considère les similitudes importantes entre les œuvres des
deux hommes, toute amorce d'explication doit tenir compte du fait que pen-
dant plusieurs années ils furent collègues à l'université de Wittemberg, où ils
enseignaient des matières très proches, et qu'ils étaient tous deux d'ardents
disciples de Luther et de Melanchthon. À l'époque, il n'était pas inhabituel
qu'un auteur ne cite pas l'œuvre d'un autre auteur contemporain. Pour une
analyse en profondeur permettant de comprendre dans quelle mesure Lagus
dépendait de ses collègues à Wittemberg et était en même temps en avance
par rapport à ces collègues, voir Muther, Aus dem Universitiits- und Gelehr-
tenleben, pp. 308-309. «Tandis qu'Apei a entièrement mis l'accent sur le
traitement doctrinal dialectique d'éléments juridiques particuliers, et ne par-
vint qu'ultérieurement au traitement systématique de ces éléments, Lagus a
quant à lui, dès le début, mis l'accent principalement sur le système. Jusqu'à
cette époque, on avait toujours nettement distingué les sources de droit
romain et de droit canonique, et enseigné séparément à partir de ces textes.
Lagus fut le premier à entreprendre de combiner ces sources et corps de
droit en un ensemble et d'exposer en un manuel systématique la doctrine
d'un droit romain modifié par le droit canonique. Je ne crois pas me trom-
per lorsque j'identifie Melanchthon comme le modèle que Lagus s'efforça
d'égaler à cet égard. En 1521, ce "précepteur de l'Allemagne" avait pour la
première fois publié ses Loci communes, un sommaire systématique de la
théologie dans lequel on peut reconnaître le premier manuel des doctrines
protestantes. L'immense succès de cet ouvrage et son influence considérable
684
NOTES PAGES 213-220
685
DROIT ET RÉVOLUTION
686
NOTES PAGES 221-228
début du xvf siècle et concernant les différences entre droit romain et droit
canonique (ainsi qu'un sommaire de leurs tables des matières) sont mention-
nées par Jean Portemer, Recherches sur les « Differentiae juris civilis et cano-
nici» au temps du droit classique de l'Église (Paris, 1946). Il semble qu'il y ait
une distinction très nette entre cette littérature des differentiae selon qu'il
s'agisse des premières générations de ces ouvrages ou des ouvrages posté-
rieurs: les premiers ouvrages s'adressaient à des pouvoirs distincts, le pouvoir
séculier et le pouvoir ecclésiastique, tandis que les ouvrages postérieurs
s'adressaient à un pouvoir séculier unique, dans le domaine duquel l'ancien
droit canonique avait subsisté. C'est cette combinaison de deux types de lit-
térature sous un dénominateur commun qui a amené les historiens contem-
porains à faire état d'un ius commune européen au xvf siècle qui aurait été
fondé sur le droit « romano-canonique». En fait, l'émergence de la littéra-
ture des differentiae iuris vers la fin du xvf siècle doit être envisagée dans le
contexte de ce que Luigi Moccia a identifié comme la première phase de
l'émergence du droit comparé en tant que discipline. Le but du droit com-
paré à ce stade, selon Moccia, consistait à offrir « une voie de recherche des
concordances entre les systèmes juridiques séculiers des États ». Voir Luigi
Moccia, « Historical Overview on the Origins and Attitudes of Comparative
Law», dans Bruno de Witte et Caroline Forder (dir.), The Common Law of
Europe and the Future of Legal Education (Cambridge, Mass., 1992), p. 613.
82. Ainsi, lorsqu'il définit le ius commune, Johann Oldendorp affirme que
celui-ci « représente le droit naturel [pro iure naturalt]» (Lexicon juris
[1546], p. 250). Oldendorp lui-même publia un livre intitulé Collatio juris
civilis et canonici, maximum affirem boni et aequi cognillinem (Cologne,
1541), dans lequel il ne met pas l'accent sur les « différences », mais bien sur
la « collation », c'est-à-dire les traits communs aux deux systèmes. Voir
Heinz Mohnhaupt, « Die Differentienliteratur ais Ausdruck eines methodis-
chen Prinzips früher Rechtsvergleichung », dans Bernard Durand et Laurent
Mayali (dir.), Exceptiones iuris. Studies in Honour ofAndré Gouron (Berkeley,
2000), pp. 439-458. Mohnhaupt insiste (p.450) sur le rôle qu'a joué
Oldendorp en utilisant la comparaison entre droit romain et droit cano-
nique « non seulement afin de mettre en évidence leurs différences respec-
tives, mais également afin de traiter de ce qu'ils avaient en commun ».
Oldendorp n'a pas rédigé de « methodica scientifique » du droit, à l'instar de
ce qu'ont publié Ape!, Lagus et Vigelius, fondée sur les praecipui iuris loci de
Melanchthon, mais il publia en 1541 un ouvrage philosophique Loci iuris
communes, s'inspirant des topiques universels de Melanchthon.
83. Sur la contribution française à la science du droit au XVIe siècle, voir
Kelley, Foundatiom, pp. 53-148 ; Andersen, No Bird Phoenix, pp. 112-122 ;
Phillipson, « Jacques Cujas»; et Coing, Handbuch, pp. 56-58, 238-242,
756-759, 786-787, 902-926.
687
DROIT ET RÉVOLUTION
CHAPITRE N
La Révolution allemande et la réforme du droit pénal
688
NOTES PAGES 231-237
689
DROIT ET RÉVOLUTION
690
NOTES PAGES 237-242
les juristes séculiers. Voir Richard Fraher, « The Theoretical Justification for
the New Criminal Law of the High Middle Ages. "Rei publicae interest, ne
crimina remaneant impunita" », University of Illinois Law Review (1984),
581-589.
16. Voir Erik Wolf, Grosse Rechtsdenker der deutschen Geistesgeschichte
W éd., Tübingen, 1963), p. 102: repris dans Friedrich-Christian Schroeder
(dir.), Die Carolina. Die peinliche Gerichtsordnung Kaiser Karls V von 1532
(Darmstadt, 1986), pp. 120-184. Voir également Stintzing, Geschichte der
Rechtswissenschaft, pp. 612-617 ; Hippell, Deutsches Straftecht, pp. 196-199 ;
Langbein, Prosecuting Crime, pp. 163-165.
17. Voir OttO Stobbe, Geschichte der deutschen Rechtsquellen, t.2 (Aalen,
1965), pp. 242-243. Schwarzenberg dirigeait un groupe d'experts, mais
Wolf indique que nous ne connaissons par leur identité ni leur contribution.
Voir Wolf, Grosse Rechtsdenker, pp. 115-118.
18. Dans la foulée de la création, en 1495, du Reichskammergericht, il fut
immédiatement décidé qu'une législation complémentaire était nécessaire
afin de définir la compétence pénale de cette nouvelle cour impériale, et de
fixer la procédure à suivre dans les causes criminelles. Voir Stintzing, Ges-
chichte der Rechtswissenschaft, pp. 622 ss. Lors du Reichstag réuni à Fribourg
en 1497-1498, il fut recommandé de préparer « une réforme et ordonnance
commune [Ordnung] sur la manière de procéder dans les affaires crimi-
nelles». Lors du Reichstag de 1500 à Augsbourg, la recommandation fut
modifiée en une décision dont l'exécution était confiée au Conseil exécutif
impérial (le Reichsregiment) , qui serait assisté et conseillé par la Chambre
impériale de justice. L'initiative ne fut cependant pas poursuivie, et ne fut
reprise qu'en 1517 lors du Reichstag réuni à Mayence, où les États adoptè-
rent un mémoire (Denkschriji) adressé à l'empereur, dans lequel les défauts
du système en vigueur étaient dénoncés. Cet épisode n'eut aucun effet
immédiat. En janvier 1521, le Reichstag à Worms chargea un comité de rédi-
ger une loi sur les crimes capitaux: ce comité procéda aussitôt à la rédaction,
et en avril de la même année, les États transmirent le projet au Reichsregi-
ment afin qu'il puisse l'étudier et y apporter des amendements. Le conseil
exécutif nomma à son tour un comité, présidé par Schwarzenberg, afin de
préparer la législation. À ce moment, le texte de la Bambergensis avait été
largement diffusé, ayant notamment été publié comme un manuel, et il fut
adopté comme un projet qui devait constituer le point de départ des travaux
du comité. Après plusieurs remaniements successifs, il fut finalement adopté
en 1532. Voir plus loin, notes 23 et 24.
19. Voir Heinrich Zoepfl (dir.), Die peinliche Gerichtsordnung Kaisers
Karls V neben der Bamberger und der Brandenburger Halsgerichtsordnung
(3< éd. synoptique, Leipzig, 1883), où l'on peut consulter la Bambergensis,
les projets de la Carolina de 1521 et de 1529, ainsi que la version définitive
de 1532, présentés en colonnes parallèles, avec des notes en bas de page indi-
quant les variantes mineures dans la version brandebourgeoise de la Bamber-
gensis. Toutes ces versions sont en allemand de l'époque, et il ne semble pas
qu'il y ait une traduction (allemande) moderne. En revanche, on dispose de
traductions postérieures en français, latin, polonais, bas-allemand et russe
691
DROIT ET RÉVOLUTION
692
NOTES PAGES 242-247
ajoutant que « toutes ces lois présentent des rapports mutuels, mais elles
constituent néanmoins das gemeine deutsche Strafrecht ».
26. Voir Emil Brunnenmesiter, Die Quellen der Bambergensis. Ein Beitrag
zur Geschichte des deutschen Strafrechts (Leipzig, 1879).
27. Wolf, Grosse Rechtsdenker, p. 109. Voir Constitutio Criminalis Caro-
lina (ci-après, CCC), art. 104.
28. Friedrich Karl von Savigny, Of the Vocation of Our Age for Legislation
and jurisprudence (trad. anglaise Abraham Hayward, New York, 1975),
pp. 68-69.
29. Carlo Calisse, par exemple, estime à propos des peines criminelles en
Italie aux XIV" et xv" siècles: « La peine visait à la fois à punir le criminel et,
en inspirant la terreur, à prévenir la récidive ou l'imitation. Un tel système
produit des peines extrêmement cruelles. La peine capitale était d'autant plus
terrible selon les modes d'exécution: mutilations, aveuglement, torture, fla-
gellation, exposition publique dans des cages, prisons épouvantables - tout
cela dans le but de provoquer la peur. » Voir Calisse, History ofltalian Law,
p.175.
30. CCC, art. 5. Voir August Schoetensack, Der Strafprozefl der Carolina
(Leipzig, 1904), pp. 96-97.
31. CCC, art. 12-15.
32. CCc, art. 12.
33. Langbein, dans Prosecuting Crime, traduit redliche Anzeigung par
« indication suffisante en droit », ce qu'il caractérise comme « une notion se
rapprochant de celle de "cause probable" (probable cause) en droit anglo-
américain » (p. 161). Il convient toutefois de remarquer que pour les causes
non-capitales, 1'« indication suffisante en droit » suffisait non seulement à la
mise en accusation, mais également à la condamnation. Par contre, dans les
causes capitales, une distinction était effectuée entre « indication suffisante »
justifiant l'interrogatoire sous la torture et la « preuve suffisante » justifiant la
condamnation sans torture.
34. Ainsi, l'article 23 disposait que « toute indice suffisant en vertu duquel
on entend procéder à un interrogatoire sous la torture doit être prouvé par
deux témoins idoines, comme cela est précisé ci-après dans plusieurs articles
concernant la preuve suffisante ». L'article 25 énumère ensuite huit « cir-
constances entraînant la suspicion » et justifiant par conséquent une enquête,
encore que l'article 27 prévienne qu'« aucune de ces circonstances entraînant
la suspicion ne peut suffire en soi à constituer un indice suffisant en droit en
vertu duquel on peut avoir recours à la torture ». L'article 27 poursuit en dis-
posant que, si deux ou plus des huit circonstances suspectes énumérées aupa-
ravant se présentent, l'officier responsable pour procéder à la torture
« déterminera si les circonstances suspectes sus-mentionnées [ ... ] constituent
un indice suffisant » pour « l'interrogatoire sous la torture ». Les articles 29-
32 établissent ensuite des principes généraux permettant aux enquêteurs de
déterminer si le recours à la torture est licite. Les articles 45-47 établissent
des règles pour conduire les interrogatoires sous la torture, tandis que
l'article 33 prévoit des règles spéciales pour le cas où une accusation de
meurtre fait l'objet de l'enquête. Les traductions de la Carolina utilisées ici
693
DROIT ET RÉVOLUTION
694
NOTES PAGES 247-256
permettant d'excuser le vol, comme la jeunesse ou la faim (voir art. 163 sur
la jeunesse, et l'art. 165 sur «la détresse véritable causée par la faim »).
49. Il Y a des exceptions: l'incendie criminel (art. 125) et le vol à main
armée (art. 126), pour lesquels seules les peines SOnt énoncées. Il se peur que
Schwarzenberg et ses collaborateurs aient estimé que pour ces crimes, les
définitions de l'ancien droit s'appliquaient.
50. Trois exceptions dont la portée est restreinte: les définitions de cer-
tains crimes dans l'ordonnance tyrolienne de 1499 sur la procédure pénale,
l'ordonnance de Radolfzell de 1506 (laquelle, avec la précédente, constituait
les Maximilianische Haisgerichtsordnungen), et la Reformation de Worms de
1498. Voir Eberhardt Schmidt (dir.), Die Maximilianischen Haisgerichtsord-
nungen for Tirol (1499) und Radolfoell (1506) ais Zeugnisse mittelalterlicher
Straftechtspflege (Bleckede sur l'Elbe, 1949). Il n'y a pas d'édition moderne
de la Reformation de Worms.
51. Ainsi, l'article 127 de la Carolina, faisant écho à l'article 152 de la
Bambergensis, disposait que « celui qui provoque une émeute malicieuse des
gens du commun contre les autorités supérieures [ObrigkeitJ » sera décapité,
flagellé ou banni. On trouvera des références à des peines civiles aux
articles 138, 158 et 167 de la Carolina. Voir également Schoetensack, Straf
prozef der Carolina, pp. 37, 38.
52. CCc, art. 109.
53. Wolf, Grosse Rechtsdenker, p. 149.
54. CCc, art. 140.
55. Voir Langbein, Prosecuting Crime, p. 171.
56. Voir Stintzing, Geschichte der Rechtswissenschaft, pp. 623-624, 628,
267. Onze ans après la mort de Schwarzenberg, Luther écrivit qu'afin de
parvenir à certains résultats, « il faudrait faire appel dans tous les territoires à
ceux qui ont une connaissance profonde de la Sainte Écriture [... J y compris
ceux qui appartiennent à l'état séculier [... J des personnes qui ont l'intelli-
gence et l'intégrité, comme Hans von Schwarzenberg de son vivant, un
homme auquel on pouvait faire confiance» (WA, pp. 50, 622, 11-16: Von
den Konzilien und Kirchen, 1539).
57. Ainsi, l'étude impressionante de Langbein sur la Carolina ignore
entièrement ses rapports avec la Réforme. Ni les noms de Melanchthon ou
de Lurher ni le terme « Réforme» n'apparaissent dans l'index de son livre.
Langbein envisage entièrement la trame historique comme l'apogée, au
XVIe siècle, de l'Inquisitionsprozef, la forme de procédure qui s'était dévelop-
pée dès le XIIIe siècle dans les cours de droit canonique. Voir Langbein, Pro-
secuting Crime, pp. 154-155. À cet égard, son analyse correspond à la
conception traditionnelle de l'historiographie allemande du droit qui s'est
propagée aux XIX" et xx" siècles.
58. Carl Güterbock, Die Entstehungrgeschichte der Carolina au! Grund
archivalischer Forschungen (Wurzburg, 1872), p. 207.
59. Voir Stintzing, Geschichte der Rechtwissenschaft, p. 628.
60. Selon Wolf, «on retrouve très peu des études théologiques et des
lurtes religieuses qui ont rempli la vie de Schwarzenberg dans la Bambergen-
sis [... J. Sa [conception de laJ justice ne pouvait pas encore être celle de la
695
DROIT ET RÉVOLUTION
696
NOTES PAGES 256-269
CHAPITRE V
La transformation du droit civil et économique allemand
1. L'expression « droit civil » est utilisée ici dans son sens Contemporain,
comprenant principalement le droit des biens, les contrats, la responsabilité
civile, ainsi que des matières relevant du droit commercial, comme les asso-
ciations entre marchands, les opérations commerciales et les domaines
connexes. Il ne s'agit donc pas du sens que les anciens Romains donnaient
697
DROIT ET RÉVOLUTION
au terme ius civile, c'est-à-dire « le droit des citoyens [romains] », qu'ils dis-
tinguaient du ius gentium, « le droit de [tous] les peuples ». Du XIe au
xv< siècle, les Européens désignèrent l'ensemble du droit romain par ius
civile. Cependant, des pans entiers de ce droit, notamment la procédure
civile et pénale, la majeure partie du droit pénal, le droit relatif aux rites
sacrés, le droit constitutionnel et administratif, étaient largement laissés de
côté par les romanistes européens. Les traités juridiques du XVIe siècle appli-
quèrent pour la première fois une nette distinction entre ius publicum et ius
privatum, le droit civil au sens contemporain étant principalement situé dans
le domaine du ius privatum. À l'opposé des juristes anglais et américains, les
juristes européens continentaux attachent encore toujours beaucoup
d'importance à la division entre « droit public » et « droit privé ». Ce qui sera
traité dans le présent chapitre en tant que droit civil est souvent assimilé au
droit privé par les historiens du droit allemands, bien que, comme nous le
verrons, il s'agissait de matières qui étaient largement réglementées par les
autorités publiques. Nous répudions, parce que nous ne lui accordons
aucune valeur historique, l'usage spécieux de l'expression « civillaw system »
par certains juristes anglo-américains à notre époque pour désigner les sys-
tèmes de droit d'Europe continentale, et pour les distinguer du système
anglo-américain de la « common law ». L'expression « droit économique»
sert ici à désigner les aspects du droit civil qui se rapportent directement au
commerce, aux investissements, à la finance et en général au développement
économique
2. Un exemple important est le traité De pactis «< Des conventions »)
d'Hostiensis, rédigé vers la fin du XIIIe siècle. L'auteur y inclut la conclusion
de trêves et de paix, les transactions à l'occasion de litiges dans le but d'éviter
un procès, ainsi que les conventions commerciales. Voir Summa Domini
Henrici cardinalis Hostiensis (1537, réimpression Aalen, 1962).
3. Voir Klaus-Peter Nanz, Die Entstehung des allgemeinen Vertragsbegriffi
im 16. bis 18. jahrhundert (Munich, 1985), pp. 104 e.s.
4. Ibidem.
5. Coing note que les différentes doctrines du ius commune concernant les
contrats au XVIe siècle étaient « étrangères à l'ancien droit romain », suggé-
rant qu'elles innovaient; mais l'auteur omet d'indiquer que plusieurs de ces
doctrines avaient déjà été développées depuis des siècles en droit canonique.
Helmut Coing, Europaisches Privatrecht, t. l, Alteres gemeines Recht (1500 bis
1800) (Munich, 1985), pp. 104 e.s.
6. Voir Gustaf Klemens Schmelzeisen, Polizeiordnungen und Privatrecht
(Münster, 1955). Schmelzeisen offre une analyse exceptionnelle de l'impact
des ordonnances territoriales de police en Allemagne, qui réglementaient les
rapports patrimoniaux et contractuels coutumiers, sur les doctrines de droit
privé.
7. Voir Matthias Weber, Die schlesischen Polizei- und Landesordnungen der
frühen Neuzeit (Cologne, 1996), p. 222.
8. Otto Feger et Peter Ruster, Das Konstanzer Wirtschafts- und Gewerbe-
recht zur Zeit der Reformation (Constance, 1961), pp. 55-56.
9. Voir pour le Wurtemberg: Landesordnung II (3) (1).
698
NOTES PAGES 269-277
10. En droit romain, les règles gouvernant la perception d'un intérêt dans
le cadre d'un prêt étaient fixées dans le Code de Justinien (c. 4,32). Le
terme qui est régulièrement utilisé pour désigner l'intérêt était usura, qui
signifie « ce qui sera gagné par l'usage ». Le droit romain ne connaissait pas
d'interdiction générale de l'intérêt, mais à certaines époques, les empereurs
imposaient un taux maximum. Voir Adolf Berger, Encyclopedic Dictionary of
Roman Law (Philadephie, 1953), pp. 753-754. Le verbe latin interesse, qui
signifie « avoir un intérêt dans ... », ne se référait pas à l'intérêt dû à l'occa-
sion d'un prêt, mais à la compensation appropriée en cas de rupture d'un
contrat: ainsi, dans Digeste (13,4,2,8), le verbe interesse porte sur les
dommages-intérêts que l'on peut réclamer lorsque l'autre partie avait
convenu de payer un montant déterminé à Éphèse et l'avait payé à Carthage.
Aron, un romaniste de la fin du XIIe siècle, semble avoir été le premier à uti-
liser le mot interesse comme un nom, tout en se tenant encore au sens
romain traditionnel qui se réfère aux dommages-intérêts estimés. Voir John
T. Noonan jf., The Scholastic Analysis of Usury (Cambridge, Mass., 1957),
p. 106. À partir du milieu du xnf siècle, les canonistes utilisèrent le terme
interesse pour désigner le montant légitime dû à un prêteur en compensation
de son travail, du risque encouru, ou de ses pertes potentielles ou des profits
futurs, par opposition au montant excédant une telle compensation, pour
lequel le terme usura fut ensuite réservé (pp. 112-115).
Il. Voir Raymond de Roover, « The Concept of the Just Price : Theory
and Practice », Journal of Economic History 18 (1958), 418-434; John
w. Baldwin, The Medieval Theories of the Just Priee. Romanists, Canonists,
and Theologiam in the Twelfth and Thirteenth Centuries (Philadelphie,
1959) ; Joel Kaye, Economy and Nature in the Fourteenth Century. Money,
Market Exchange, and the Emergence of Scientific Thought (Cambridge,
1998), pp. 87-101.
12. Voir Terence P. McLaughlin, « The Teaching of the Canonists on
Usury, Part II », Mediaeval Studies 2 (1940), p. 21, note 204 (comprenant
des références à des lois séculières imposant des peines aux usuriers).
13. La théorie webérienne très répandue, selon laquelle les doctrines de
l'usure et du juste prix étaient anti-capitalistes quant à leur nature et leurs
effets (voir note 21), a été réfutée de manière convaincante par John T. Gil-
christ et John F. McGovern, parmi d'autres. Voir John T. Gilchrist, The
Church and Economic Activity in the Middle Ages (New York, 1969), pp. 274
e.s. ; et John McGovern, « The Rise of New Economic Attitudes in Canon
and Civil Law, A.D. 1200-1550 »,Jurist 32 (1972),44-55.
14. Voir de Roover, « Concept of the Just Price », pp. 427-428.
15. Une thèse contraire est souvent défendue, mais sans apporter de
preuve convaincante. Voir également Kaye, Economy and Nature, pp. 80-88.
Les juristes ont appliqué en particulier deux doctrines empruntées au droit
concernant les dommages-intérêts (celle du damnum emergens, qui porte sur
la perte éprouvée, et celle du lucrum cessam, qui porte sur la manque à
gagner) afin d'élaborer des règles définissant les intérêts légitimes que l'on
pouvait exiger dans le cadre d'un prêt. Voir Noonan, Scholastic Analysis of
Usury, pp. 118-128 et 249-256. Richard Helmholz a montré qu'en Angle-
699
DROIT ET RÉVOLUTION
terre la pratique d'un intérêt excessif était rarement poursuivie devant les tri-
bunaux ecclésiastiques, mais qu'elle était censée être confessée au for
interne; si l'intérêt excessif constituait le péché de cupidité, il était passible
d'une pénitence. Voir Richard H. Helmholz, « Usury and the Medieval
English Church Courts », Speculum 61 (1984), repris dans Helmholz, Canon
Law and the Law ofEngland (Londres, 1987), pp. 323-339.
16. Cette opinion était étayée par des références à la théorie aristotéli-
cienne selon laquelle l'argent, représentant une mesure de la valeur de biens,
était en soi essentiellement improductif (( stérile », « infécond »), et que par
conséquent, on déformait sa nature si un prêteur l'estimait différemment à
différents moments. Thomas d'Aquin soutenait que bien que le pouvoir
d'achat puisse varier, cette variation n'était pas imputable à l'emprunteur, et
que par conséquent, il n'était pas licite qu'un prêteur en tite un ptofit. Voir
Noonan, Scholastie Analysis of Usury, p. 56. Cette opinion, suivie par plu-
sieurs générations de professeurs de philosophie morale, allait entièrement à
l'encontre des réalités économiques et juridiques de l'époque. Dans son
étude de la révolution commerciale des XIe et XIIe siècles, Robert Lopez sou-
ligne combien «un crédit sans bornes en assura la lubrification ». Voir
Robert Lopez, The Commercial Revolution of the Middle Ages, 950-1350
(Cambridge, 1976), p. 72. On trouve un aperçu utile des pratiques bancaires
commerciales aux XIIe et XIIIe siècles, dans N.J.G. Pounds, An Economie His-
tory of Medieval England (2 e édition, Londres, 1994), chapitre 9 (( La révo-
lution commerciale »), pp. 407-442.
17. Voir Robert B. Ekelund, jr. et al, Sacred Trust. The Medieval Church
as an Economie Firm (Oxford, 1996), p. 118. En accordant des prêts à inté-
rêt, la papauté camouflait souvent le véritable taux d'intérêt en comptant des
honoraires pour les services rendus (servitia). Ibidem, p. 119. L'Église encou-
ragea également la création de monti di pietà (monts de piété), fondations
charitables dont la mission était de prêter de l'argent « aux pauvres au taux
d'intérêt le plus bas possible afin de secourir leur détresse immédiate ». Voir
Geoffrey Parker, « The Emergence of Modern Finance in Europe, 1500-
1700 », dans Carlo M. Cipolla (dir.), The Fontana Economic History of
Europe, t. 3, The Sixteenth and Seventeenth Centuries (Glasgow, 1974),
p.534.
18. Carlo M. Cipolla, Money, Prices and Civilization in the Mediterranean
Wor/d: Fifth to Seventeenth Century (Princeton, 1956), pp. 63-65.
19. Ibidem, p. 65. Le taux appliqué à Zürich est cité par Karl Marx, Capi-
tal, t. 3, chapitre 36. Voir Karl Marx, On Religion, éd. par Saul K. Padover
et The Karl Marx Library, t. 5 (New York, 1964), p. 135.
20. Selon Max Weber, la critique dirigée par l'Église catholique romaine
contre l'usure (par laquelle Weber entendait toute forme d'intérêt) s'expli-
quait comme une « protestation consciente » vis-à-vis du caractère imperson-
nel de l'économie de marché émergente. «L'enjeu (selon Weber) était un
conflit de principe entre une rationalisation éthique et le processus de ratio-
nalisation dans le domaine de l'économie. » Voir Max Weber, Eeonomy and
Society: An Outline of Interpretive Sociology, éd. par Guenther Roth et Claus
Wittich, t. 2 (New York, 1968), pp. 584-585. Ce conflit changea, toujours
700
NOTES PAGES 277-280
701
DROIT ET RÉVOLUTION
27. Voir Fernand Braudel, The Wheels of Commerce, trad. Siân Reynolds,
t.2 de Civilization and Capitalism, Fifteenth ta Eighteenth Centuries (New
York, 1982), pp. 232-249.
28. Sur la première révolution commerciale, voir Robert S. Lopez, The
Commercial Revolution of the Middle Ages, 950-1350 (Englewood Cliffs,
N.J., 1971). Sur les développements du droit commercial aux XIIe et
XIIIe siècles, voir Berman, Law and Revolution, pp. 333-356.
29. Voir Wright, Capitalism, p. 3. Voir également Ludwig Zimmermann,
Der okonomische Staat LandgrafWilhelms IV. Der hessische Territorialstaat im
Jahrhundert der Reformation (Marburg, 1933), pp. 389-393.
30. Voir Wright, Capitalism, pp. 3-5.
31. Voir par exemple Eli Hekscher, Mercantilism, t. 1 (Londres, 1955),
pp. 19-30.
32. Voir lmmanuel Wallerstein, The Modern World System. Capitalist
Agriculture and the Origins of the European World Economy in the Sixteenth
Century (San Diego, 1974), pp. 137-143.
33. Voir Richard Ehrenberg, Capital and Finance in the Age of the Renais-
sance. A Study of the Fuggers and Their Connections, trad. H.M. Lucas
(Londres, 1928), pp. 79-86; voir Paul Kennedy, The Rise and Fall of the
Great Powers. Economic Change and Military Conflict from 1500 to 2000
(New York, 1988), pp. 54-55.
34. Voir Raymond de Roover, L'Évolution de la lettre de change, m-
XVIlf siècles (Paris, 1953), pp. 23-42.
35. On trouve un sommaire des unités de compte applicables au
XVI" siècle en Europe, dans Marie-Thérèse Boyer-Xambeu, Private Money
and Public Currencies. The Sixteenth-Century Challenge, trad. Azizeh Azadi
(Armonk, N.Y., 1994), p. 107; voir Cipolla, Money, Prices, and Civilization,
pp. 42-43.
36. Voir Cipolla, Money, Prizes and Civilization, pp. 42-43.
37. L'un des plus grands spécialistes de l'histoire économique a observé en
1977 que les historiens du droit n'ont fait preuve « d'aucun intérêt» pour
l'histoire économique des XVIe et XVIIe siècles. Voir Slicher von Bath, « Agri-
culture in the Vital Revolution », dans: The Cambridge Economic History of
Europe, t. 5, The Economic Organization of Early Modern Europe (Cam-
bridge, 1977), p.42. La situation n'a guère changé au cours des décennies
suivantes.
38. Voir Ernst Meynial, « Notes sur la formation de la théorie du
domaine divisé (domaine direct et domaine utile) » du xrr< au XIV" siècle dans
les romanistes », dans Mélanges Fitting, t.2 (Montpellier, 1908), pp. 409-
461. Voir Berman, Law and Revolution, p. 239.
39. Voir Berman, Law and Revolution, p. 242-245.
40. Ibidem, pp. 453-457 (Angleterre) et pp. 475-476 (France).
41. Hugo Kress, Besitz und Recht. Eine civilrechtliche Abhandlung
(Nuremberg, 1909), p. 10.
42. Helmut Coing, Handbuch der Quellen und Literatur de neueren
europaischen Privatrechtsgeschichte (Munich, 1973), pp. 277 e.s.
702
NOTES PAGES 280-291
43. Voir Kress, Besitz und Recht, pp. 9-10. Voir Coing, Privatrechtsges-
chichte, pp. 272, 277 e.s. Coing (p. 272) note en passant l'influence de
l'action en droit canonique visant à protéger contre une dépossession d'un
immeuble ou d'un meuble (actio spolii).
44. Voir Bernhard Walthers Privatrechtliche Traktats aus dem 16. Jahrhun-
dert, éd. Max Rintelen (Leipzig, 1937), p. 1.
45. Voir Johann Apel, Methodica dialectices ratio ad iurisprudentiam accom-
modata, authore Iohanne Apello (Nuremberg, 1535) ; Johan Ape!, Isagoge per
dialogum in quatuor libros Institutionum divi Iustiniani imperatoris, authore
Iohannes Appel (Bratislava, 1540).
46. Dans son premier grand ouvrage, publié en 1536, Apel mentionnait
deux espèces de droits réels (iura in re), qu'il distinguait des droits découlant
d'un contrat ou d'une autre obligation (iura ad rem), notamment la proprie-
tas (pleine propriété) et le ius in re specificum (l'expression utilisée pour se
référer à l'ususfructus, c'est-à-dire le droit d'usage et de jouissance d'un bien
appartenant à autrui). Voir également Ape!, Methodica, fo!. 274rb - 277rb.
Dans son ouvrage postérieur, l'Isagoge, publié en 1540 (après la mort de
l'auteur), Apel reprend en substance cette analyse en adaptant légèrement la
terminologie: à ius in re est substitué « dominium et les droits qui lui sont
proches », et à ius ad rem est substitué obligatio. Voir Stintzing, Geschichte
der Rechtswissenschaft, p. 295. Stintzing note que «dans les deux ouvrages,
Apel mettait expressément en garde contre toute confusion ou interversion
entre la notion de contrat et les méthodes permettant d'acquérir la pro-
priété ». Voir Theodor Muther, Doctor Johann Ape!. Ein Beitrag (Konigs-
berg, 1861), pp. 54 e.s.
47. La distinction entre les deux formes de dominium (le domaine direct
et le domaine utile) n'a pas survécu à la doctrine romaniste de la fin du
XIX" siècle, qui adopta une conception absolue et unitaire de la propriété - toute
autre forme de droit (réel) ne correspondant pas à ce critère exclusif définis-
sant la propriété. En conséquence, l'expression dominium utile fut abandon-
née. Ce développement avait déjà été anticipé par un autre grand juriste du
xvf siècle, Hugues Doneau (Donellus, 1527-1599), lequel connaissait cer-
tainement l'œuvre d'Ape!. Français de naissance et par son éducation,
Doneau enseigna et travailla pendant plusieurs années à Bourges, le principal
centre d'études juridiques (humanistes) en France au xvf siècle. Comme
d'autres grands juristes français de son époque, il était protestant et se sentit
personnellement menacé après les massacres de la Saint-Barthélémy en 1572,
ce qui l'amena à accepter des postes en Allemagne, où il resta jusqu'à sa
mort. Voir A. P. Th. Eyesell, Doneau: sa vie et ses ouvrages (Genève, 1970).
Doneau substitua à l'expression dominium utile celle de iura in re aliena
(<< droits sur la propriété d'autrui »). Voir Robert Feenstra, « Dominium and
ius in re a/iena : The Origins of a Civil Law Distinction », dans Peter Birks
(dir.), New Perspectives in the Roman Law of Property. Essays for Barry Nicho-
las (Oxford, 1989), pp. 111-122. En traitant de la première analyse d'Apel,
Feenstra note que la notion de domaine divisé, adoptée par Apel mais rejetée
par Doneau, correspondait aux réalités de l'époque. En fait, le ius in re aliena
de Doneau était l'ususfructus d'Ape!. Apel a néanmoins été plus ou moins
703
DROIT ET RÉVOLUTION
oublié par la plupart des auteurs contemporains. Voir Peter Stein, « Donel-
lus and the Origin of the Modern Civil Law», dans Mélanges Felix Wubbe,'
offerts par ses collègues et ses amis à l'occasion de son soixante-dixième anniver-
saire (Fribourg, 1993), pp. 439-452. Stein attribue à Doneau, qu'il qualifie
de « fondateur du droit civil moderne », l'origine de la distinction entre les
droits réels et le droit des obligations (p. 452). Même Feenstra, qui reconnaît
pourtant que l'œuvre d'Apel précédait d'une génération celle de Doneau, et
qu'elle était largement diffusée en France et en d'autres pays, parle d'Apel
comme d'« un juriste allemand plutôt obscur du XVIe siècle ».
48. Voir Johann Oldendorp, Actionum forensium progymnasmata, dans
Opera, 2 vol. (réimpression Aalen, 1966),2: 588-589.
49. Christopher Zobel, Differentiae iuris civilis et saxonici (Leipzig, 1598).
Zobel a reproduit 70 « différences » déjà présentées par Ludwig Fachs et 273
« différences » déjà présentées par Benedict Reinhard, y ajoutant ses propres
commentaires, en partie en allemand, en partie en latin. L'ouvrage de Rein-
hard, qui apparut sous forme manuscrite dès 1549, fut plus tard joint à un
ouvrage apparemment encore plus ancien de Fachs, et cette œuvre ainsi
combinée fut publiée en 1567, et à nouveau en 1573 et en 1582. Les diffe-
rentiae de Fachs-Reinhard, rédigées en latin, furent traduites en allemand et
publiées en 1586, 1595 et 1598, avec des additions et commentaires de
Georg Schwarzkopf, sous le titre: Ludovici Fachsi et Benedicti Reinharti Dif
ferentiae iuris civilis et saxonici. Au XVIIIe siècle, le bibliographe Martin Lipen,
dans sa Bibliotheca realis iuridica (Leipzig, 1746), mentionne quelque 50
titres de differentiae iuris, en plus de 21 titres de differentiae inter ius canoni-
cum et civile et de cinq titres de differentiae iuris hebraici. L'un des princi-
paux ouvrages de « différences» au XVIe siècle fut celui de Bernhard Walther
(voir chapitre 3), rédigé en allemand, lequel analyse les différences entre le
ius commune et les lois territoriales de la basse Autriche sous quinze
rubriques, comprenant entre autres les servitudes, les prérogatives adminis-
tratives, les droits de retrait (lignager), les succession ab intestat, les rapports
familiaux, la caution et d'autres formes de sûretés, les testaments, les succes-
sions féodales.
50. Coing, Privatrechtsgeschichte, p. 366.
51. L'équivalent anglais du latin census, rente en français, ou Zins en alle-
mand était le mortgage, qui grevait le bail (réel) d'un immeuble d'une durée
de plusieurs années, et, plus tard, l'ancienne copyhold tenure (à l'origine, une
tenure seigneuriale accordée au gré du seigneur et régie par la coutume sei-
gneuriale). Voir Charles Montgomery Gray, Copyhold, Equity, and the Com-
mon Law (Cambridge, Mass., 1963); R.W. Turner, The Equity of
Redemption (Cambridge, Mass., 1931) ; Charles J. Reid, «The Seventeenth-
Century Revolution in English Law», Cleveland State Law Review 43
(1995),221 e.s.
52. Voir Martin Luther: Works, trad. H.E. Jacobs, 6 vol. (Philadelphie,
1915-1932), 4: 96-97; Benjamin Nelson, The ldea of Usury (Chicago,
1969), p. 33.
53. En Wurtemberg, pour une convention de Rentenkauf portant sur un
prix d'achat au-delà d'un certain montant, ce n'était pas l'autorisation du tri-
704
NOTES PAGES 291-298
bunal, mais bien celle de la chancellerie du prince qui etait requise. Voir
Robert von Hippel, Deutsches Strafrecht (Berlin, 1925), t. 1.
54. Voir William J. Wright, Germany. A New Social and Economic History
(Londres, 1996), p. 181: «Le capitalisme apparut au cours du "long
XVIe siècle" (1450-1610).» Wright reconnaît l'importance des associations
comme moyen d'investir un capital en commun et d'entreprendre en com-
mun une activité économique; il note (p. 183) que dans le transport mari-
time de la Hanse « les associations commerciales finirent par prévaloir ». Il
souligne aussi l'importance du recours à des agents opérant dans des centres
éloignés, parfois des membres de la famille du marchand, qui géraient les
affaires dotés de pleins pouvoirs, ou des représentants qui touchaient un
pourcentage ou un salaire (p. 184). À propos des bourses, Wright remarque
(p. 186) qu'il s'agissait de réunions fréquentes de marchands de différentes
nationalités qui souhaitaient effectuer des opérations sans devoir exposer,
livrer ou payer les biens au même moment. L'innovation des bourses aux XV"
et XVIe siècles, selon Wright, à la différence des foires du XIIe au XIV" siècle,
était l'intégration de services bancaires, ce qui, insiste-t-il, joua un rôle cru-
cial pour le développement du capitalisme. Hormis cette intégration des ser-
vices bancaires dans les bourses, touS ces facteurs étaient toutefois déjà
présents dans les rapports commerciaux européens des siècles précédents.
55. Wright se base sur un ouvrage de Bruno Kuske lorsqu'il soutient que
«l'idée d'une société par actions» existait déjà au XVIe siècle (ibidem).
Cependant, l'ouvrage de Kuske qu'il cite ne contient que très peu d'éléments
sur les sociétés par actions: il semblerait que Wright a confondu de telles
sociétés avec des conventions visant à partager les profits entre bailleurs de
fonds qui investissaient des capitaux à risque dans des entreprises conjointes.
56. Heckscher est cité par Wright, Capitalism, the State and the Lutheran
Reformation, p. 3. Dans cette étude, Wright met en avant l'important rôle
économique joué par les princes de Hesse en tant qu'« architectes d'un État
mercantiliste », ainsi que l'influence considérable de leur foi luthérienne sur
leur souci de protéger les besoins des pauvres à l'encontre des intérêts écono-
miques qui se développaient, fût-ce au détriment de leurs propres intérêts en
tant que princes. Parmi de nombreuses autres mesures, ils accordèrent aux
paysans un droit prioritaire leur permettant d'acquérir des denrées alimen-
taires et de la laine au prix du marché, avant que les entrepreneurs ne puis-
sent acheter ces produits en masse pour les revendre à des prix exorbitants;
les paysans et tisserands étaient aussi protégés contre des conventions de cré-
dit qui leur étaient excessivement défavorables et contre des saisies de leurs
biens. En même temps, l'importation de draps étrangers était restreinte, le
commerce était assujetti à des impôts et constituait une source majeure de
revenus; d'autres mesures encore furent introduites afin de contrôler les
opérations du marché.
705
DROIT ET RÉVOLUTION
CHAPITRE VI
La transformation du droit social allemand
1. Voir Peter Brown, « St. Augustine », dans Beryl Smalley (dir.), Trends
in Medieval Political Thought (Oxford, 1965), p. Il.
2. The Confessions of St. Augustine, trad. E. B. Pusey (New York, 1907),
pp. 317-318 ; Saint Augustin, The Trinity, éd. Roy Deferrari, trad. Stephen
McKenna (Washington, D.C., 1962), pp. 271-289, 308-309. Voir Leo-
nardo Boff, Trinity and Society, trad. Paul Burns (Maryknoll, N.Y., 1988),
p. 56; Harold J. Berman, « Law and Logos », De Paul Law Review 44
(1994), 149-150.
3. Voir Berman, Law and Revolution, pp. 92-93, 581-582. Bien que les
prêtres soient qualifiés en général de « spirituels », on distinguait dans le
clergé le clergé « séculier », qui relevait de l'organisation diocésaine et était
soumis à l'autorité de l'évêque du lieu, et le clergé « régulier », les membres
des ordres religieux soumis à la Règle de leur ordre (regulae). Le terme « spi-
rituels » a également été accaparé par l'aile radicale du mouvement francis-
cain à la fin du xur< siècle et au XIV" siècle.
4. Le pape Grégoire VII à l'évêque Hermann de Metz, mars 1081, cité
ibidem, p. 110.
5. Le droit canonique était désigné de ius spirituale, mais on distinguait
cependant entre les parties de ce droit qui concernaient des questions stric-
tement séculières, et que l'on appelait ius temporale, et d'autres parties qui
concernaient des questions temporelles en rapport avec les causes spirituelles,
que l'on appelait ius annexum spiritualibus. Le droit de présentation, par
exemple, qui comprenait la faculté reconnue à un laïc de présenter un can-
didat à une fonction ecclésiastique, était qualifié de droit « non spirituel,
mais annexe au spirituel ». Hostiensis, Commentaria, X. 1.6.28.
6. Ainsi selon le grand juriste italien du XIV" siècle Balde (Baldus de Ubal-
dis), qui était à la foi légiste et canoniste, en cas de conflit impliquant des
causes spirituelles ou mixtes, le droit canonique devait primer, parce qu'il
avait un lien avec le droit divin. Voir Giuseppe Ermini, « lus commune e
utrumque ius », Acta Congressus iuridica internationalis 2 (1935), p. 522,
note 32.
7. Pour Luther, le mariage est « la source de l'économie et de l'organisa-
tion politique, et la pépinière de l'Église ». Cité chez Johannes Eckel, Lex
Charitatis. Eine juristische Untersuchung über Jas Recht in der Theologie Mar-
tin Luthers (Munich, 1953), pp. 101-102.
8. Voir Christoph Strohm, « Jus divinum und ius humanum. Reformato-
rische Begründung des Kirchenrechts », dans Gerhard Rau, Hans-Richard
Reuter, et Klaus Schlaich (dir.), Das Recht der Kirche, t. 2, Zur Geschichte des
Kirchenrechts (Gurersloh, 1994), p. 145. Selon Strohm, le droit de l'Église
invisible «( l'Église en tant que créature de la parole et de la communauté
spirituelle de l'amour ») est un « droit sui generis », son caractère unique
« résidant avant tout dans le fuit que, par son caractère obligatoire, il peut
706
NOTES PAGES 302-309
être réellement connu et reconnu par ceux à qui la foi a accordé la promesse
du salut» (p. 145, note 108). Voir également Heckel, Lex Charitatis.
9. Voir D. Gerhard Ebeling, « Zur Lehre vom triplex usus legis in der
reformatorischen Theologie », dans Wort und Glaube, t. 1 (Tübingen,
1960), pp. 50-68 ; John Witte jr., et Thomas C. Arthur, « The Three Uses
of the Law: A Protestant Source of the Purposes of Criminal Punishment?»,
Journal of Law and Religion 10 (1993-1994), pp. 433-465.
10. Ces types particuliers d'ordonnances étaient parfois intégrés dans des
« ordonnances de police» (Polizeiordnungen) plus générales. Voir Gustav
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NOTES PAGES 309-318
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NOTES PAGES 320-322
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NOTES PAGES 322-328
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CHAPITRE VU
La Révolution anglaise
1640-1689
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NOTES PAGES 340-344
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DROIT ET RÉVOLUTION
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NOTES PAGES 344-356
(Londres, 1944), pp. 12-13. Voir également Elton, Tudor Constitution, pp.
399-401.
28. A. G. Dickens, The English Reflnnation (New York, 1964), p. 287.
29. Elton, Tudor Constitution, pp. 423-442, ainsi que les documents
pp. 197-201.
30. E. B. Fryde et al (eds.), Handbook of British Chronology (3 e éd.,
Londres, 1986), pp. 572-574.
31. Selon Elton, Tudor Constitution, p.22, les proclamations n'auraient
pas eu de force obligatoire dans les cours de common law. C'est inexact.
R.W. Heinze, The Proclamations of Tudor Kings (Cambridge, 1976), pp. 63,
262-263, cite des exemples de proclamations mentionnant spécifiquement
les cours du King's Bench, des Common Pleas et de l'Exchequer comme juri-
dictions compétentes pour juger de certains délits. D'autres proclamations
mentionnaient explicitement ou impliquaient que toute cour de common law
dont les registres faisaient foi était une juridiction compétente. Voir égale-
ment Frederic A. Youngs, The Proclamations of the Tudor Queens (Cam-
bridge, 1976), pp. 39-40: « En dépit des opinions avancées par certains
juristes, selon lesquels les proclamations ne pouvaient jouer qu'un rôle
subordonné restreint et qui contestaient qu'elles puissent d'elles-mêmes créer
du droit, tant Marie qu'Élisabeth ont eu recours à des proclamations pour
encadrer des législations temporaires. » Les proclamations pouvaient proro-
ger la validité de lois déjà promulguées; elles pouvaient définir des situations
considérées comme soumises à l'application d'une législation existante; elles
pouvaient créer de nouveaux délits, soit directement, soit en étendant
l'application de peines prévues pour les auteurs principaux à leurs complices.
32. D'autres Prerogative Courts, c'est-à-dire des tribunaux créés en vertu
de la Prérogative royale étaient la Cour du Conseil du Nord, la Cour du
Conseil des Marches du Pays de Galle, la Cour du duché de Lancaster et la
Cour de l'Échiquier du comté palatin de Chester. La Haute Cour de l'Ami-
rauté était en fait (mais pas en théorie) une nouvelle cour et également une
Prerogative Court, même si elle pouvait se prévaloir d'antécédents à travers
les cours des amiraux qui avaient existé autrefois. La Haute Cour de la
Chancellerie était de même en fait, sinon en théorie, une nouvelle cour et
elle aussi une Prerogative Court, bien qu'elle pût se prévaloir de fortes racines
historiques remontant aux XIV" et x:v" siècles.
33. Au cours des années 1970 et 1980, un courant d'historiens révision-
nistes, par ailleurs très divisés entre eux, contesta ce qui avait été l'interpré-
tation conventionnelle, selon laquelle un conflit constitutionnel s'était
développé en crescendo jusqu'à entraîner la Révolution anglaise à partir des
années 1640. Les révisionnistes ont minimisé le poids du Parlement, l'exis-
tence d'une opposition à la Couronne et le rôle provocateur du puritanisme.
Au contraire, ils insistaient sur l'inefficacité du Parlement et ses divisions
internes, sur la crise financière causée par les coûts des guerres et sur le
caractère « révolutionnaire» de la politique ecclésiastique royale au cours des
années 1630. Ainsi, le début de la révolution était présenté comme un acci-
dent historique provoqué par les erreurs politiques de la monarchie dans les
domaines de la fiscalité, de la religion et de la politique étrangère au cours de
719
DROIT ET RÉVOLUTION
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NOTES PAGES 356-361
721
DROIT ET RÉVOLUTION
sion majoritaire (de sept contre cinq voix) rendue dans Hampden's Case (ci-
dessus, note 38). Voir W. J. Jones, Politics and the Bench: The Judge and the
Origins of the English Civil War (Londres, 1971), pp. 139-143, 199-215.
42. La loi abolissant la Cour de la Chambre étoilée (17 Charles r, 10) fut
adoptée le 5 juillet 1641. Cette même loi abolissait également les aurres Pre-
rogative Courts (mentionnées à la note 32, ci-dessus). La loi abolissant la Cour
de la Haute Commission (17 Charles rer , 11) fut adoptée le même jour. Voir
le texte de ces deux lois dans S. R. Gardiner, Constitutional Documents of the
Puritan Revolution, 1625-1660 (3 e éd., Oxford, 1958), pp. 179-189. Les
registres de la Cour des Requêtes se terminent en 1642. Voir John H. Baker,
An Introduction to English Legal History W éd., Cambridge, 1990), p. 105.
43. La « Grande Remontrance» fut adoptée par à peine 159 voix contre
148. Ce document, ainsi que la réponse du roi, est reproduit dans Gardiner,
Constitutional Documents, pp. 202-232, 233-236.
44. « Un tel événement était tout à fait sans précédent. Il a été remarqué
que le compte rendu habituel dans le journal de la Chambre s'arrête brus-
quement, "comme si l'agitation de cette scène avait paralysé les clercs en
plein travail". La Chambre elle-même fut prise de surprise. "Une telle nuit
de prières, de larmes et de gémissements", écrivit un témoin beaucoup plus
tard. "Je n'ai plus jamais été présent à une telle chose de toute ma vie." Selon
un témoignage contemporain, "l'obéissance des sujets de Sa Majesté a été
empoisonnée". Le danger redouté s'était finalement manifesté, et il était à
présent certain, ce qui jusqu'alors n'avait été que soupçonné, que le roi était
prêt, même au risque de violer sa parole donnée, de jeter son épée dans la
balance. La Chambre fit appel à la protection de la City de Londres et siégea
un temps au Guildhall [l'hôtel de ville] ; lorsqu'elle reprit ses séances à West-
minster, ce fut sous la protection des milices. » J. R. Tanner, English Consti-
tutional Conflicts of the Seventeenth Century, 1603-1689 (Cambridge, 1928),
p. 114.
45. Selon l'ancien style du calendrier anglais, la nouvelle année commen-
çait le 25 mars (style de l'Annonciation), une pratique maintenue jusqu'en
1751. Ainsi, « janvier 1641-1642» se réfère respectivement à l'année selon le
style ancien et le nouveau style.
46. Les « Discussions de Putney» opposèrent les officiers supérieurs de
l'armée, davantage conservateurs, aux officiers inférieurs et aux soldats de la
troupe, plutôt radicaux. Cromwell prit part aux discussions, mais le porte-
parole principal des officiers supérieurs était son gendre Henry Ireton. Les
discussions n'aboutirent pas à un consensus. Pour un compte rendu de ces
discussions: A. S. P. Woodhouse (ed.), Puritanism and Liberty, Being the
Army Debates, 1647-1649 (2e éd., Londres, 1974).
47. Gardiner, Constitutional Documents, pp. 371-374. La défense de
Charles rer et la portée de ce procès seront traitées ci-après dans ce chapitre.
48. Blair Worden, The Rump Parliament, 1648-1653 (Cambridge, 1974),
pp. 306-308.
49. Voir Austin Woolrych, Oliver Cromwell (Oxford, 1964), pp. 46-47.
50. Voir Antonia Fraser, Cromwell, the Lord Protector (New York, 1973),
pp. 48-50.
722
NOTES PAGES 361-372
723
DROIT ET RÉVOLUTION
724
NOTES PAGES 372-384
CHAPITRE VIII
La transformation de la philosophie du droit
en Angleterre
1. Cette conception, qui remonte au XVII" siècle, était encore plus répan-
due au moment où l'insularité anglaise avait atteint son apogée au XIx" siècle
et encore au début du xx" siècle. Ainsi, l'évêque anglican William Stubbs,
l'un des principaux constitutionalistes de l'ère victorienne, présentait le droit
anglais comme le specimen survivant le plus pur du droit coutumier germa-
nique, lequel, selon lui, insistait fortement sur la libené individuelle et sur la
limitation constitutionnelle du monarque, à l'opposé des théories absolu-
tistes de la tradition romaniste. Depuis le règne d'Henri II, d'après son inter-
prétation, la common law anglaise reflétait une tout autre philosophie que
celle du droit romain et du droit canonique, qui inspiraient en Angleterre
« la plus vive antipathie ». Voir William Stubbs, Lectures on Early English
History (Londres, 1906), p. 257; idem, Constitutional History of England,
t. 1 (Oxford, 1891), pp. 584-585. Cette conception d'une opposition mul-
tiséculaire entre une théorie politique et juridique aux racines anglo-
saxonnes et germaniques, privilégiant une approche démocratique, indivi-
dualiste et empirique, et une théorie d'inspiration romaniste, préférant une
approche autocratique, collectiviste et dogmatique, était également très
répandue aux États-Unis: elle fut notamment enseignée par Henty Adams à
l'université de Harvard. Voir Henty Adams, Essays in Anglo-Saxon Law (Bos-
ton, 1905), un tecueil de ses cours à Harvard.
De telles conceptions se retrouvent encore de nos jours dans certaines
approches historiographiques. Ainsi, Quentin Skinner, dans The Foundations
ofModern Political Thought, t. 2 (Cambridge, 1978), pp. 54-55, affirme que
l' « hostilité nationale» en Angleterre à l'égard des représentants du droit
romain et du droit canonique « remonte jusqu'à la défense de la coutume
chez Bracton au XIII" siècle» - alors qu'en fait, Bracton, dans son grand traité
sur le droit anglais, cite le droit romain dans un sens favorable dans au
moins 500 passages différents. Par ailleurs, l'évêque Raleigh, le juge dont
Bracton était le secrétaire et greffier, et dont il reprit plusieurs jugements
dans son recueil (Casebook), était un partisan convaincu de la papauté: il fut
même qualifié à un moment de second Thomas Becket et il dut s'exiler en
France afin d'échapper à la colère du roi. Skinner attribue aussi à tort au
725
DROIT ET RÉVOLUTION
726
NOTES PAGES 384-389
(<< Dans le cadre de St. German, il s'avérait que les lois universelles de Dieu
et de la nature étaient rationnellement antérieures, et coexistaient en har-
monie avec la common law anglaise (la loi humaine) »).
6. Voir Richard Hooker, The Laws of Ecclesiastical Polity, livre 1, ch. 10,
réimpression dans The Works of that Learned and Judicious Divine, Mr.
Richard Hooker, éd. John Keble (1888; réimpression, New York, 1970),
1:239. Ensuite, Hooker écrivait: « Lorsque le droit lui donne le pouvoir, qui
douterait que le roi doive l'exercer en vertu du droit et conformément au
droit? Selon l'adage Attribuat rex legi, quod lex attribuit ei, potestatem et
dominium [« Le roi attribuera à la loi ce que la loi lui attribue, le pouvoir et
le contrôle »], ou encore: Rex non debet esse sub homine, sed sub Deo et lege
[« Le roi ne doit pas être soumis à l'homme, mais à Dieu et à la loi »j. »
Hooker, Ecc/esiastical Polity, livre 8, ch. 2 (éd. Keble, 3:342). Cette dernière
expression, empruntée à Bracron, figure à onze reprises dans les notes prépa-
ratoires de son ouvrage Ecclesiastical Polity. Voir Arthur S. McGrade,
« Constitutionalism, Late Medieval and Early Modern - Lex facit regem :
727
DROIT ET RÉVOLUTION
mal. Un tel prince doit être toléré comme une punition idoine pour les
péchés commis, plutôt qu'il ne justifie une résistance (p. 67).
16. Jean Bodin, On Sovereignty, éd. et trad. Julian Franklin (Cambridge,
1992), p. 46.
17. Jean Bodin, Les Six Livres de la République (1576). La version de 1583
de cet ouvrage a été réimprimée dans une réédition anastatique chez Scientia
Verlag (Aalen, 1961). Pour une traduction abrégée, voir Jean Bodin, Six
Books of the Commonwealth, trad. M. J. Tooley (Oxford, 1955). Pour une
traduction des arguments essentiels de Bodin sur la souveraineté, pourvue
d'un commentaire, voir Bodin, On Sovereignty.
18. Jean de Salisbury, Policraticus, éd. C. C. Webb (Oxford, 1909), 3-15.
Voir également The Stateman's Book ofJohn of Salisbury, Being the Fourth,
Fifth and Sixth Books, Selections [rom the Seventh and Eighth Books, of the
Policraticus, trad. avec introduction John Dickinson (New York, 1963),
pp. lxxiii-Ixxiv. Pour une analyse de la théorie politique de Jean de Salisbury,
et notamment de sa doctrine sur le ryrannicide, voir Berman, Law and Revo-
lution, pp. 276-288.
19. Voir Julian Franklin, Jean Bodin and the Rise of Absolutist Theory
(Cambridge, 1973), pp. 23, 54 e.s. Dans ses écrits antérieurs, Bodin s'était
déclaré en faveur d'une souveraineté limitée, mais dans les Six Livres de la
République, il soutint que tout ordre politique organisé doit avoir un centre
unique d'autorité absolue, et que les limitations constitutionnelles appa-
rentes du pouvoir monarchique, comme le serment du monarque par lequel
il s'engage à respecter les lois du royaume et l'institution de différents offices
amenés à exécuter les différentes fonctions du pouvoir public, ne lient pas le
souverain. Le partage de la souveraineté entre le prince, la noblesse et le
peuple, insistait-il, conduirait à 1'« anarchie ». Ibidem, p. 29.
Les prémisses de l'argumentation de Jacques le, en faveur de l'absolutisme
royal différaient à cet égard de celles de Bodin: le roi, peut-être en raison de
son protestantisme, se fondait dans une large mesure sur des autorités
bibliques, citant en particulier des exemples de régimes monarchiques abso-
lus empruntés aux livres de Samuel, des Chroniques, des Rois et des
Psaumes.
20. Voir Anton Meuten, Bodins Theorie von der Beeinflüssung des politis-
chen Lebens der Staaten durch ihre geographische Lage (Bonn, 1904).
21. Francis Bacon, « A Speech of the King's Solicitor, Persuading the
House of Commons to Desist from Farther Question of Receiving the
King's Messages », dans The Works of Francis Bacon, éd. Basil Montagu, t. 2
(Philadelphia, 1857), pp. 276, 277.
22. Cité dans Franklin, Jean Bodin, p. 93. Bodin reconnaissait deux res-
trictions théoriques au pouvoir absolu du monarque: les rois ont l'obligation
d'honorer les conventions qu'ils ont conclues et ils ne peuvent exproprier un
particulier sans l'indemniser. Cette dernière obligation comprenait aussi une
restriction du pouvoir royal de lever arbitrairement des impôts. En raison de
ces restrictions, certains auteurs estiment que l'on ne peut prétendre que
Bodin soutenait une théorie de la monarchie absolue. Cependant, Bodin n'a
avancé aucun moyen qui eût permis d'assurer le respect de ces restrictions à
728
NOTES PAGES 389-399
729
DROIT ET RÉVOLUTION
730
NOTES PAGES 400-403
succession des biens ou des patrimoines de ses sujets ne SOnt pas décidées
selon la raison naturelle, mais selon la raison artificielle et le jugement du
droit. Ce droit est une discipline qui requiert de longues études et beaucoup
d'expérience avant qu'un homme ne puisse la maîtriser. Le droit est l'étalon
d'or et la mesure pour juger les causes des sujets et il garantit la protection
de Sa Majesté par la sécurité et la paix. Le roi en fut très offusqué, disant
qu'il serait dès lors sous la loi, et qu'une telle affirmation constituait, dit-il,
un crime de trahison. Sur quoi j'ai cité Bracton : Quod rex non debet esse sub
homine sed sub Deo et lege [Le roi ne doit pas être soumis aux hommes, mais
à Dieu et à la loi] ».
36. Coke, Institutes, 97b (p. 1).
37. La traduction de « raison » (reason) en « [ce qui est] raisonnable, rai-
sonné» (reasonableness) et l'exaltation du «sens commun» (common sense)
ont été des développements anglais du XVIIe siècle auxquels Coke a contribué.
Il est encore de nos jours difficile de trouver dans d'autres langues des équi-
valents précis pour les termes anglais « reasonable» et « common sense ». La
traduction habituelle de « reasonable» en des équivalents de « rational»
(<< rationnel ») est une distorsion: comme l'a rémarqué Lon L. Fuller: « "Ëtre
raisonnable signifie que l'on n'est pas trop rationnel. » De même, « common
sense» (<< sens commun ») n'est pas la même chose que « opinion publique»
(<<public opinion»): il s'agit plutôt du jugement moral partagé par la
communauté. Voir Christopher Hill, «'Reason' and 'Reasonableness' in
Seventeenth-Century England », British Journal of Sociology 20 (1969),
pp. 235-252. Voir également John Underwood Lewis, «Sir Edward Coke
(1552-1633) : His Theory of 'Artificial Reason' as a Context for Modern
Basic Legal Theory», Law Quarterly Review 84 (1968), pp. 330-342. Voir
Michael Lobban, The Common Law and English Jurisprudence, 1760-1850
(Oxford, 1991), pp. 6-7.
38. Voir Calvins Case, 7 Cokes Reports, la. Voir Gray, «Reason, Autho-
rity, and Imagination », pp. 37, 55 note 24. Progressivement, l'expression
« natural justice» fut de plus en plus fréquemment utilisée par les tribunaux
anglais, et finit pas remplacer celle de « naturallaw ».
39. Bonham's Case, 77 Eng. Rep. 638, 644 (K.B. 1611), est parfois invo-
qué pour affirmer le principe selon lequel les tribunaux pourraient annuler
une loi du Parlement qui serait contraire à la common law. En fait, la déci-
sion dans ce cas reposait sur une interprétation de la loi, plutôt que sur une
annulation. Voir Samuel Thome, «Dr. Bonham's Case», Law Quarterly
Review 54 (1938), pp. 543-552, où l'auteur critique les conclusions présen-
tées dans T. F. T. Plucknett, « Bonhams Case and Judicial Review», Har-
vard Law Review 40 (1926), pp. 30-70. Voir cependant également Charles
M. Gray, «Bonham 's Case Reviewed », Proceedings of the American Philoso-
phical Society 116 (1972), pp. 33-58; et Tubbs, Common Law Mind, pp.
154-155. De toute façon, en 1611, la distinction entre le contrôle judiciaire
de la constitutionnalité d'une loi et l'interprétation judiciaire d'une loi dont
la conformité aux exigences constitutionnelles présentait une difficulté était
encore fluide. Si, comme le soutenait Coke, les juges de la common law
représentaient l'instance suprême susceptible d'interpréter la common law, il
731
DROIT ET RÉVOLUTION
732
NOTES PAGES 403-412
48. J. P. Sommerville, « John Selden, the Law of Nature, and the Origins
of Government », Historical Journal 27 (I984), pp. 440-442.
49. Selon Richard Tuck, la philosophie politique de Selden était d'une
grande originalité et représentait une rupture décisive par rapport à une par-
tie substantielle de la théorie politique de son temps, encore fondée sur la
théologie. Voir Tuck, Natural Rights Theories, pp. 90-100. En revanche,
J. P. Sommerville a soutenu que, bien que Selden ait été un historien du
droit d'une originalité incontestable (ainsi qu'un spécialiste de l'Antiquité
hébraïque et grecque), il n'a que très peu contribué par des idées nouvelles
au débat contemporain sur la théorie politique en tant que telle. Voir
Sommerville, « John Selden », p.446. Ici, nous avançons que l'élément
principal qui constitue l'originalité de Selden est la partie spéciale de sa phi-
losophie politique qui relevait de la philosophie du droit.
50. Voir ci-après, chapitre Il.
51. À propos de Hale, Holdsworth a écrit: « Par son caractère et ses
talents, il était certainement le plus grand juriste de son temps, [etJle juriste
le plus scientifique que l'Angleterre eût connu. » William S. Holdsworth, A
History of English Law, 13 vol. (Londres 1922-1952),6: 580-581 (cité ci-
après: Holdsworth, History of English Law). Dans un article, Holdsworth a
également remarqué que « [HaleJ était le plus grand juriste de la common Law
depuis Coke; bien qu'il n'ait pas exercé une aussi grande influence que
Coke, en tant que juriste il lui était supérieur. Leurs positions respectives
dans notre histoire du droit sont aussi différentes qu'étaient leur caractère et
leur profil intellectuel. Coke [... ] se situait à mi-chemin entre le droit
médiéval et le droit moderne. Hale est le premier de nos grands common
Lawyers de l'époque moderne [... J. Il fut ce que Coke n'avait jamais été: un
véritable historien. Comme Bacon, il avait étudié d'autres disciplines à côté
du droit, et d'autres systèmes juridiques à côté de la common Law anglaise ».
W. S. Holdsworth, « Sir Matthew Hale », Law Quarterly Review 39 (1923),
pp. 424-425. On lira une excellente comparaison entre Coke et Hale dans
1'« Editor's Introduction» de Charles M. Gray, dans Matthew Hale, The
History of the Common Law ofEngLand (Chicago, 1981), pp. xxiii-xxxvii.
52. La biographie classique de Sir Matthew Hale est toujours celle rédigée
par un quasi-contemporain, Gilbert Burnet, Lives of Sir Matthew Hale and
John Earl of Rochester (Londres, 1829). Voir également Edmund Heward,
Matthew Hale (Londres, 1972). On trouvera des informations biographiques
complémentaires dans Holdsworth, « Sir Matthew Hale» et dans Gray,
« Editor's Introduction ».
733
DROIT ET RÉVOLUTION
734
NOTES PAGES 412-414
735
DROIT ET RÉVOLUTION
736
NOTES PAGES 414-422
737
DROIT ET RÉVOLUTION
avançant une conception burkéenne : la common law est un corps qui croît
et s'adapte aux besoins du peuple, atteignant toujours de plus près la perfec-
tion ». Lobban, Common Law and English Jurisprudence, p. 3. Lobban cite
Hale, qui avait soutenu que « par l'usage, la pratique, le commerce, l'étude
et le progrès du peuple anglais, [les lois] parvinrent sous le règne de Henri II
à un plus grand perfectionnement » et que sous Édouard 1er, le « Justinien
anglais », le droit « parvint à une très grande perfection ». Hale, History ofthe
Common Law, pp. 84 et 101.
78. Dans les controverses constitutionnelles de la fin du xvt siècle et du
début du XVIIe siècle, on attachait une importance fondamentale à la ques-
tion : la Conquête normande avait-elle provoqué un rupture pour la common
law? Dans le camp des parlementaires, comme Coke, où l'on entendait
mettre en avant les prérogatives des institutions représentatives envers la
Couronne, on prétendait que la Conquête ne représentait pas une césure
fondamentale pour le droit anglais et que les origines du Parlement remon-
taient à l'ère reculée des Anglo-Saxons. Aux yeux du camp royaliste, dont
l'archevêque Laud était un représentant, la référence au passé anglo-saxon
était à peine un cran au-dessous d'une « incitation à la rébellion ». Voir
Christopher Hill, « The Norman Yoke », dans Puritanism and Revolution,'
Studies in Interpretation of the English Revolution of the Seventeenth Century
(Londres, 1958), p. 62. Hale, comme Selden, adopta une conception inter-
médiaire: il suivait Coke en affirmant la continuité du système politique
représentatif depuis l'époque anglo-saxonne, mais à la différence de Coke, il
datait l'introduction du droit de la propriété féodale et des matières affé-
rentes à la féodalité du temps du régime normand.
79. Hale, History of the Common Law, p. 40. La référence aux Argonautes
était inspirée par Selden, dont le passage en question a été relevé ci-dessus
dans ce même chapitre. L'image du corps humain est encore plus frappante.
Hale comparait la common law également à un fleuve arrosé par plusieurs
affiuents.
80. Voir Thomas Hobbes, A Dialogue between a Philosopher and a Student
of the Common Laws ofEngland, éd. avec une introduction par Joseph Crop-
sey (Chicago, 1971). Le Dialogue constitue un opuscule de 115 pages dans
sa version imprimée. Il fut publié en 1681, deux ans après la mort de son
auteur. Il avait été rédigé après 1661, et certainement avant 1676, l'année où
mourut Hale: celui-ci en avait pris connaissance par une version manuscrite.
Sa réplique fut également publiée après sa mort, mais, comme le texte de
Hobbes, elle a certainement été diffusée par des copies manuscrites de son
vivant. L'essai de Hobbes était une version abrégée, mais d'une certaine
façon plus percutante, du livre qui lui a valu la notoriété: le Leviathan,
publié en 1651.
81. Cette citation (et les suivantes) proviennent de William Holdsworth,
« Sir Matthew Hale on Hobbes », Law Quarterly Review 37 (1921), pp. 287-
291.
82. Hobbes, Dialogue, p. 69. Voir aussi D. E. C. Yale, « Hobbes and Hale
on Law, Legislation, and the Sovereign », Cambridge Law Journal 31 (1972),
pp. 123-124.
738
NOTES PAGES 422-438
739
DROIT ET RÉVOLUTION
90. René Descartes, Rules for the Direction of the Mind, dans Great Books
of the Western World, t. 31 (Chicago, 1952), p. l.
91. Voir Lucien Lévy-Bruh!, «The Cartesian Spirit and History », dans
Raymond Klibansky et H. J. Paton (éds.), Philosophy and History. Essays Pre-
sented to Ernst Cassirer (Oxford, 1936), p. 19l.
92. Dans la masse des travaux consacrés aux implications philosophiques
de la contribution de Galilée (1564-1642) et de Descartes (1596-1650), les
études suivantes sont pertinentes pour notre propos: Maurice Clavelin, The
Natural Philosophy of Galileo. Essays on the Origins and Formation of Classical
Mechanics, trad. A. J. Pomerans (Cambridge, Mass., 1974) ; Robert E. Butts
et Joseph c. Pitts (éds.), New Perspectives on Galileo (Dordrecht, 1978);
William A. Wallace (éd.), Prelude to Galileo. Essays on Medieval and Sixteenth-
Century Sources of Galileo's Thought (Dordrecht, 1981); Desmond Clarke,
Descartes' Philosophy of Science (University Park, Pa., 1982)
93. Voir Barbara Shapiro, Probability and Certainty in Seventeenth-
Century England. A Study of the Relationships between Natural Science, Reli-
gion, History, Law, and Literature (Princeton, 1983). Shapiro a démontré
qu'au cours des trente ou quarante années suivant la mort de Bacon, les
scientifiques de la Royal Society attachés à la méthode expérimentale ont
abandonné son idée selon laquelle la méthode inductive était susceptible de
produire une connaissance certaine, et qu'ils ont adopté une conception pro-
babiliste. Voir Steven Shapin et Simon Schaffer, Leviathan and the Air
Pump. Hobbes, Boyle, and the Experimental Life (Princeton, 1985). En repre-
nant en partie les travaux de Shapiro, Shapin et Schaffer estiment (p. 24)
que « par l'adoption d'une conception probabiliste de la connaissance il était
possible de parvenir à une certitude adéquate et d'assurer un consentement
légitime aux déclarations de connaissance. La quête d'un consentement
nécessaire et universel pour des conclusions relevant des sciences naturelles
était considérée comme inappropriée et illégitime: une telle démarche rele-
vait d'une approche "dogmatique", et le dogmatisme était perçu non seule-
ment comme un échec, mais comme dangereux pour la connaissance
authentique ».
94. Ce débat a été analysé en détail par Shapin et Schaffer, Leviathan and
the Air Pump. Les citations et les paraphrases des passages de Hobbes et de
Boyle citées dans notre texte y figurent pp. 107-108.
95. Voir Robert K. Merton, The Sociology of Science. Theoretical and
Empirical Investigations (Carbondale, 1973) ; voir idem, Science, Technology,
and Society in Seventeenth-Century England (1 ère éd. américaine, New York,
1970). Merton, un pionnier de la discipline dite sociologie de la connais-
sance, ne dit pas explicitement que ce qu'il appelle «connaissance scienti-
fique certifiée» correspond en fin de compte à ce que la communauté
scientifique définit ainsi, mais cette idée est implicite dans son ouvrage. Voir
Sociology of Science, pp. 267-278. Il écrit qu'une recherche scientifique pré-
suppose une interaction entre « culture et science » et qu'il existe une « inter-
dépendance» entre la connaissance scientifique et les développements
« institutionnels» dans les domaines de « l'économie, la politique, la reli-
gion, les affaires militaires, et ainsi de suite» (pp. IX-X). Voir également
740
NOTES PAGES 443-446
1. Bernard Cohen (éd.), Puritanism and the Rise of Modern Science (New
Brunswick, New Jersey, 1990) - un compte rendu rétrospectif sur la contri-
bution de Robert K. Merton à la sociologie de la connaissance.
On retrouve l'idée que la connaissance scientifique (la « vérité» scienti-
fique) ne peut être acquise par la raison individuelle, ni par une volonté
divine ou la volonté d'une autre autorité (la « révélation »), mais uniquement
en satisfaisant aux critères établis par la communauté scientifique compé-
tente, chez Thomas Kuhn: il s'agit de la prémisse sous-jacente de son
importante conception des «révolutions scientifiques », selon laquelle ce
sont les communautés scientifiques qui produisent de nouveaux «para-
digmes » scientifiques. Voir Thomas Kuhn, The Structure of Scientific Revo-
lutions (2 e éd. augmentée, Chicago, 1970). Voir également Shapiro,
Probability and Certainty, pp. 15-73, et Shapin et Schaffer, Leviathan and the
Air Pump, pp. 69-79, pour une excellente discussion des origines, au
XVII" siècle, de cette approche de la connaissance scientifique caractéristique
du XX" siècle.
96. Voir Harold J. Berman, «Toward an Integrative Jurisprudence. Poli-
ties, Morality, History », California Law Review 76 (1988), pp. 797-801.
Cette conception trinitaire du droit correspond bien à l'approche de la vie
sociale en général qui semble avoir prévalu parmi les auteurs anglais du
XVIIe siècle. Ainsi, F. Smith Fussner affirme que l'on peut avancer« avec cer-
titude» que « la plupart des auteurs [anglais] du XVIIe siècle envisageaient le
politique, la moralité et la tradition (ou l'histoire) comme une forme de tri-
nité ». F. Smith Fussner, The Historical Revolution. English Historical Writing
and Thought, 1580-1640 (Londres, 1962), p. XVII.
CHAPITRE IX
La transformation de la science juridique anglaise
741
DROIT ET RÉVOLUTION
742
NOTES PAGES 452-457
Chamber », dans Morris S. Arnold et al. (eds.), On the Laws and Customs of
England Essays in Honour ofSamuel E. Thorne (Chapel Hill, 1981), pp. 359,
378.
10. Bole v. Norton (1673), Vaughan's Rep., 382.
11. Matthew Hale, History ofEnglish Law (Londres, 1739), p. 67, cité par
C. K. Allen, Law in the Making, 6< éd. (Oxford, 1958), p. 206.
12. Voir Gerald J. Postema, « Sorne Roots of the Notion of Precedent »,
dans Laurence Goldstein (ed.), Precedent in Law (Oxford, 1987), pp. 9, 16 :
« Selon Hale, aussi bien la signification ou la teneur normative que l'autorité
du précédent judiciaire dépendent de la reconnaissance de leur appartenance
intégrale à l'expérience collective (ou "sagesse") de la communauté déposi-
taire du droit» - et dont « les recueils de jurisprudence (law reports) consti-
tuent les actes publics. »
13. Ibidem, pp. 16-17.
14. Fisher v. Prince, 97, Eng. Rep., 876 (K.B. 1762).
15. À propos de la Royal Society, voir la note 100. Sur la théorie de
Hume selon laquelle la connaissance est fondée sur une expérience habi-
tuelle, voir Terence Penelhum, David Hume: An Introduction to His Philo-
sophical System (West Lafayette, Indiana, 1992), pp. 76-77; Daniel E. Flage,
David Hume's Theory of Mind (Londres, 1990), pp. 92-93; voir Knud
Haakonssen, « The Structure of Hume's Political Theory », dans David Fate
Norton (ed.), The Cambridge Companion of Hume (Cambridge, 1993),
pp. 182,202-203.
16. Sur les origines et le développement du système des brefs, voir F.
W. Maitland, The Forms of Action at Common Law: A Course of Lectures
(1909; reprint, Cambridge, 1965). Comment les brefs ont été «gelés» au
XIV"siècle et comment la jurisprudence d'Equity du Chancelier se développa
en conséquence, voir T. F. T. Plucknett, Statutes and Their Interpretation in
the First Halfofthe Fourteenth Century (Cambridge, 1922), pp. 121, 169;
voir également Harold J. Berman, Faith and Order: The Reconciliation of
Law and Religion (Atlanta, 1993), chapitre 4 (<< L'Equity médiévale
anglaise »), pp. 65-67.
17. À propos d'autres changements adoptés par les tribunaux de common
law allant dans le même sens, voir John H. Baker, « Origins of the 'Doc-
trine' of Consideration, 1535-1585 », dans Arnold et al., On the Laws and
Customs of England, pp. 336-358.
18. Une large part des litiges concernant des contrats portés au XVIe siècle
et au début du XVIIe siècle devant les tribunaux de common law correspon-
daient à une forme spécifique de reconnaissance de dette avec sûreté: ces
recognizances étaient en fait des obligations accompagnées d'une clause
pénale et payables seulement si le débiteur de l'obligation contractuelle prin-
cipale se trouvait en situation de défaut de paiement dans les délais conve-
nus. La clause pénale s'élevait d'habitude au double de la valeur du contrat
et faisait l'objet d'un jugement au moment de la conclusion du contrat, de
sorte que le débiteur pouvait être poursuivi en vertu de ce jugement. Voir A.
W. B. Simpson, A History of the Common Law of Contract: The Rise of the
Action ofAssumpsit (Oxford, 1987), p. 125 (où il est mentionné qu'au cours
743
DROIT ET RÉVOLUTION
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NOTES PAGES 457-464
745
DROIT ET RÉVOLUTION
746
NOTES PAGES 464-468
fique, n'est apparue qu'à pattir du Xvme siècle - mais pas au XIX" siècle. Il est
également vrai que Blackstone et d'autres, lorsqu'ils traitaient de la responsa-
bilité civile fondée sur des atteintes au droit d'autrui (selon la catégorie des
« trespasses »), y compris des « actions on the case », n'ont pas développé une
catégorie générale établissant explicitement la responsabilité pour un dom-
mage causé par un mauvais comportement intentionnel ou négligent, ou par
une activité exceptionnellement dangereuse. De telles distinctions s'appli-
quaient néanmoins dans le cadre d'une catégorie générale d'obligations civile
non-contractuelles. Blackstone distinguait expressément les obligations
découlant d'un contrat, des obligations découlant d'un délit, qu'il subdivisait
en « délits publics» (les délits en droit pénal) et les « actes illicites particu-
liers » ou privés (les torts relevant du droit de la responsabilité civile) : « Les
actions personnelles, écrivait-il, sont celles où un individu demande le paie-
ment d'une dette, ou l'exécution d'une obligation personnelle, ou le verse-
ment de dommages-intérêts à titre de compensation; et, de même, dans les
cas où un individu demande réparation pour le préjudice porté à sa personne
ou à ses biens. La première catégorie d'actions est censée être fondée sur les
contrats, la seconde sur la responsabilité civile [... ]. La première catégorie
comprend toutes les actions fondées sur des dettes ou promesses; la seconde
comprend toutes les actions fondées sur les violations des droits d'autrui
(trespasses), les troubles de jouissance (nuisances), les voies de fait (assault), les
diffamations (defomatory words), et ainsi de suite. » Blakstone, Commentaries,
3: 117. Ces derniers types d'actions comprenaient assurément une « catégorie
distincte du droit ».
33. T. F. T. Plucknett, A Concise History ofthe Common Law, se éd. (Bos-
ton, 1956), p. 471, se référant à Percy H. Winfield, « The History of Negli-
gence in the Law of Torts », Law Quarterly Review 42 (1926), 195. Winfield
se réfère lui-même à la classification des voies de droit dans les Abridgement
of the Laws de Comyns (1762).
34. Ainsi, l' « assumpsit» fut subdivisé en deux catégories: « special assump-
sit », comprenant un engagement explicite, et « general assumpsit », où l'enga-
gement pouvait être déduit d'une obligation antérieure.
35. Voir Baker, English Legal History, pp. 389-390; Holdsworth, History
ofEnglish Law, 3:443 ; A. W. B. Simpson, « The Place of Slade's Case in the
History of Contract », Law Quarterly Review 74 (1958), p. 381 ; John
H. Baker, « New Light on S/mie's Case », Cambridge Law Journal (1971),
pp. 51, 213.
36. Voir Moses v. Macferlan, 2 Burr. 1005,97 Eng. Rep. 676 (1760). Il
s'agissait dans ce cas d'une action relevant de la qualification « money had
and received », c'est-à-dire l'action où le demandeur réclame du défendeur un
montant que celui-ci a reçu au profit du demandeur. Dans l'affaire en ques-
tion, le demandeur avait endossé des billets à ordre au bénéfice du défen-
deur, lequel avait promis qu'il n'en demanderait pas le paiement au
demandeur, mais uniquement à l'émetteur des titres. Cependant, lors d'une
procédure antérieure devant un tribunal compétent pour des demandes de
sommes moins importantes (un tribunal censé prendre en compte la
conscience des patties), cette promesse avait été déclarée inexécutoire, de
747
DROIT ET RÉVOLUTION
sorte que le demandeur avait été requis d'honorer ses endossements. Lord
Mansfield décida que le défendeur était obligé « par les liens de la justice
naturelle » à rembourser le paiement, et que la cause de l'action était « fon-
dée dans l'équité de la position du demandeur, comme s'il s'agissait d'un
contrat (quasi ex contractu, comme dit le droit romain) ». Blackstone se
référa à ce jugement et le cita in extenso afin de démontrer que certaines obli-
gations découlent de « contrats qui sont implicites au droit, notamment ceux
que la raison et la justice ordonnent » et que l'action tendant à recouvrer
« money had and received» ne s'appliquait « que pour des montants que le
défendeur doit rembourser ex aequo et bono », tels que « les sommes versées
par erreur, ou lorsque la contrepartie (comme élément ad validitatem du
contrat) fait défaut, ou dans le cas de contrainte, d'extorsion, ou d'oppres-
sion, ou encore lorsque un avantage abusif a été soutiré de la situation dans
laquelle se trouve le demandeur ». Blackstone, Commentaries, 3: 162. Peter B.
H. Birks, «English and Roman Learning in Moses v. Macferlan », Current
Legal Problems 37 (1984), P. l, a montré combien Mansfield était tributaire
de la tradition romaniste en matière de quasi-contrats - non le droit romain
de Justinien, mais le ius commune d'orientation romaniste au xvnesiècle.
37. En 1922, un autre éminent juge anglais, Lord Scmtton, a qualifié« la
doctrine à présent abandonnée de Lord Mansfield» de «théorie juridique
assez vague que l'on désigne parfois en termes flatteurs de "justice entre les
hommes" », et de « fainéantise intellectuelle bien intentionnée ». Voir Holt
v. Markham (1923) K. B. 504, 513.
38. Sur la base de ses recherches dans les archives judiciaires (et notamment
les plea rolls), Thomas Green a démontré que du xrf au xv< siècle, les jurys ne
condamnaient en général qu'environ un cinquième des individus accusés
d'homicide. Voir Thomas A. Green, «The Jury and the English Law of
Homicide, 1200-1600 », Michigan Law Review 74 (1974), p. 413. Il conclut
(p. 432) qu'« il s'avère ainsi qu'au Bas Moyen Âge, les condamnation par les
jurys se limitaient principalement aux homicides les plus coupables ».
39. Giles Dunscombe, dans Trials per Pais (1682), indique qu'à son
époque, les jurés consultaient encore des éléments de preuve qui ne faisaient
pas partie des éléments actés au procès: «Ils peuvent disposer d'autres
preuves que celles présentées devant la cour. Les jurés proviennent du voisi-
nage, le juge est un étranger. Il se peut qu'ils aient des preuves tirées de leurs
propres connaissances personnelles, que les témoins aient fait de fausses
déclarations, sans que le juge ne le sache, ou qu'ils soient conscients du fait
que les témoins sont stigmatisés ou infâmes, des circonstances qui peuvent
échapper aux parties ou à la cour. » Cité chez Theodore Waldman, « Origins
of the Legal Doctrine of Reasonable Doubt », Journal of the History of Ideas
20 (1959), 299, 310. Il faut attendre 1705 pour que le jury puisse être
recruté dans le comté, plutôt que dans le voisinage immédiat du lieu où les
faits en question s'étaient produits (p. 308).
40. Sur le développement d'une nouvelle procédure pénale en Allemagne
suite à la Réforme, voir John Langbein, Prosecuting Crime in the Renaissance:
England, Germany, France (Cambridge, Mass., 1974), pp. 129-209 (com-
prend une analyse complète de la teneur de la Carolina, le code pénal alle-
748
NOTES PAGES 468-474
749
DROIT ET RÉVOLUTION
750
NOTES PAGES 474-481
une époque plus récente, cette loi a davantage retenu l'attention, encore que
ses rapports avec la Révolution anglaise aient été largement négligés. Voir J.
M. Beattie, « Scales of Justice: Defense Counse! and the English Criminal
Trial in the Eighteenth and Nineteenth Centuries », Law and History Review
9 (1991), p. 221.
54. Voir Phifer, « Law, Poli tics, and Violence », p. 255.
55. Treason Trials Act, 7 William III & Mary II c.3 (1696). Une pre-
mière version du projet de cette loi fut introduite au Parlement en 1689,
puis le projet fut réintroduit chaque année jusqu'en 1696. Pour une étude
des travaux préparatoires de cette législation, voir Rezneck, « Statute of
1696 », p. 21 ; et Phifer, «Law, Politics, and Violence », pp. 244-254.
56. Voir Stephan Landsman, «The Rise of the Contentious Spirit:
Adversary Procedure in Eighteenth-Century England », Cornell Law Review
75 (1990), pp. 534-539; et Beattie, «Scales of Justice », pp. 224-227 et
230-231. À propos du droit de l'accusé de prendre connaissance de l'acte
d'accusation avant le début du procès, voir Douglas Hay, « Prosecution and
Power: Malicious Prosecution in the English Courts, 1750-1850 », dans
Douglas Hay et Francis Snyder (eds.), Policing and Prosecution in Britain,
1150-1850 (Oxford, 1989), p. 352, n. 31 ; et William Hawkins, A Treatise
of the Pleas of the Crown, t.2 (New York, 1121??1921), p.402. Nous
estimons que ces documents montrent qu'un tel droit existait, même s'il
n'était pas reconnu de manière absolue. Langbein les interprète différem-
ment: John Langbein, « The Historical Origins of the Privilege against Self-
Incrimination », Michigan Law Review 92 (1994), pp. 1047, 1058.
57. Voir Stephen, History of the Criminal Law, 1:334.
58. Voir Langbein, « Privilege against Self-Incrimination ». Landsman a
constaté correctement que «dès 1800, la procédure accusatoire prédomi-
nait ». Voir Landsman, « Rise of the Contentious Spirit », p. 502.
59. Voir le texte de la loi sur l'assistance d'un conseil aux prisonniers (Pri-
soner's Coumel Act), 6 & 7 William IV c. 114 (1836).
60. Ainsi, Sir James Mackintosh, qui avait soutenu une rédaction anté-
rieure du projet de la Prisoner's Coumel Act (voir à la note précédente), affir-
mait que la loi de 1696 sur les procès pour trahison (Treason Trials Act) avait
produit « un effet positif dont il était généralement reconnu qu'il offrait une
garantie aux sujets» et que l'extension du droit à l'assistance d'un avocat
dans les procédures pénales pour délits graves aurait le même effet. Voir Par-
liamentary Debates, t. 4 (Londres, 1821), p. 1513, cité chez Beattie, «Scales
of Justice », p. 252.
61. À propos de l'admission de témoins pour la défense et d'autres déve-
loppements procéduraux en droit pénal suite à la Révolution anglaise, voir
Samuel Rezneck, « The Statute of 1696 : A Pioneer Measure in the Reform
of Judicial Procedure in England », Journal ofModem History 2 (I930), 5 e.
s. ; et Phifer, « Law, Politics, and Violence ». La mise en œuvre des réformes
introduites par la Treason Trials Act dans la pratique des procédures pénales
ordinaires prit du temps. Langbein a noté, par exemple, qu'encore vers le
milieu du xvme siècle, la plupart des prévenus comparant à l' Old Bailey
n'étaient pas assistés par un avocat et que les témoins de la défense, pour
751
DROIT ET RÉVOLUTION
autant qu'il yen ait, étaient le plus souvent interrogés par le juge. Voir John
H. Langbein, « The Criminal Trial before the Lawyers », University of
Chicago Law Review 45 (1978), pp. 263-316.
62. Notre analyse du texte se vérifie chez Landsman, « Rise of the
Contentious Spirit ». Langbein, en revanche, insiste sur la persistance du
caractère « continental », non-accusatoire, de la procédure pénale anglaise au
XVIIIe siècle, en invoquant spécialement le rôle actif du juge dans la direction
du procès et le rôle effacé des avocats. Voir Langbein, «Criminal Trial ».
Dans ces pages-ci, nous avançons par contre que la transformation d'un
mode de procéder principalement inquisitoire en un mode principalement
accusatoire dans les causes criminelles ne doit pas être évaluée en premier
lieu en fonction du rôle actif ou passif des juges et des avocats, mais plutôt
en fonction de ce que Landsman a qualifié d'« esprit de contestation » se rat-
tachant au droit de l'accusé de refuser de répondre aux questions, au droit
des témoins de l'accusé de déposer sous serment, à l'interrogation mutuelle
et contradictoire des témoins de chacune des parties, et au partage des tâches
entre le juge et le jury.
63. Voir Sir Matthew Hale, Pleas of the Crown. A Methodical Summary
(Londres, 1982), p. 289 (réédition anastatique de la publication originale de
1678); Blackstone, Commentaries, 4:352. Dans Pleas of the Crown, Hale
affirmait qu'il valait mieux acquitter quatre individus coupables que de
condamner un seul innocent. Dans son journal (et peut-être dans d'autres
écrits), il augmenta le nombre jusqu'à dix. Voir la citation chez Harold
J. Berman, «The Origins of Historical Jurisprudence: Coke, Selden, Hale »,
Yale Law journal 103 (1994), n. 147.
64. « In obscuris et in evidentibus praesumitur pro innocentia» «< Dans les
affaires obscures et évidentes, la présomption est en faveur de l'innocence »),
cité par Berman, «Origins of Historical Jurisprudence », n. 147. La formule
apparaît en 1668 dans le journal de Hale, alors qu'il siégeait au cours d'une
session itinérante. Il s'agit peut-être d'un adage latin contemporain.
65. La première mention explicite (dans un contexte judiciaire) du critère
général de preuve « au-delà de tout doute raisonnable » en matière criminelle
semble être apparue dans la colonie de la Couronne du Massachusetts en
1770, à l'occasion de l'affaire du massacre de Boston. Voir Anthony
A. Morano, «A Reasonable Examination of the Reasonable Doubt Rule »,
Boston University Law Review 55 (1975), pp. 516-519. La première mention
de ce critère général en métropole, dans un contexte judicaire, peut être
identifiée dans une cause irlandaise de 1798. Voir John Wilder May, « Sorne
Rules of Evidence: Reasonable Doubt in Civil and Criminal Cases », Ame-
rican Law Review 10 (1876), pp. 656-657. Quant au critère général de
preuve en matière civile se référant à la « preuve prépondérante », les pre-
mières mentions datent du XIX" siècle. Ces critères assez flexibles étaient des
généralisations à partir du poids spécifique accordé à une preuve dans des
types spécifiques de cas, tels qu'ils avaient été présentés vers la fin du
XVIIe siècle et au XVIIe siècle dans le traité de Gilbert et dans d'autres travaux
de doctrine, ainsi que dans les plaidoyers des avocats et dans les jugements.
752
NOTES PAGES 481-483
66. Comme nous l'avons déjà relevé, Langbein a contesté la thèse selon
laquelle le système anglais de procédure pénale aurait subi des transforma-
tions fondamentales au cours de la période de la fin du xvue siècle jusqu'au
milieu du siècle suivant. Sur la base de ses travaux consacrés aux procès
poursuivis à l'Old Bailey au Xvme siècle, il conclut qu'avant les années 1780
- au plus tôt -, dans les procès concernant des délits ordinaires graves (c'est-
à-dire en excluant les « procès politiques» qui SOnt repris dans les State
Trials), le droit des prévenus de se faire assister par un avocat ne correspon-
dait guère à la réalité et que, par conséquence, le système accusatoire ne
pouvait prévaloir. Le jury était sous la coupe du juge, et l'accusé ne bénéfi-
ciait pas de la protection d'un critère de preuve établissant la culpabilité
au-delà de tout doure raisonnable. Voir Langbein, « The Privilege against
Self-Incrimination ». On ne peur contester sa conclusion quant au privilège
protégeant l'accusé contre toute incrimination de soi, du moins tel que
l'auteur le définit, c'est-à-dire comme droit de l'accusé de ne pas déposer du
tout: si, à défaut d'un conseil, l'accusé ne disait rien, il ne disposait
d'aucune défense. Il ne peut pas non plus être question de mettre en doure
l'exactitude de la description que donne Langbein de la pratique à l'OId
Bailey. Cependant, il serait erroné de supposer que, du fait que les accusés
n'étaient que rarement assistés d'un conseil à l'OId Bailey, le droit à l'assis-
tance d'un avocat n'aurait pas réellement existé en droit anglais: comme le
reconnaît Langbein lui-même, les prévenus plus aisés dont les affaires
pénales pour des délits graves sont reprises dans les State Trials (qui n'étaient
certainement pas exclusivement des procès politiques) étaient en fait souvent
représentés par un conseil professionnel. De plus, Langbein ne conteste pas
que le procès, aussi bien à l'Old Bailey qu'au Banc du Roi, consistaient fré-
quemment en un affrontement judiciaire entre les témoins de l'accusation et
ceux de l'accusé, et que dans cette mesure du moins, on peut faire état d'une
procédure accusatoire. D'autre part, du fait qu'à l'Old Bailey et ailleurs, les
jurys rendaient souvent un verdict d'acquittement, ou condamnaient
l'accusé pour un délit moins grave que celui pour lequel il avait été pour-
suivi, en dépit de directives du juge allant clairement dans un sens opposé,
sans que les jurés ne dussent craindre quelque représaille, il nous semble jus-
tifié de conclure, à l'encontre de Langbein, que le principe de Bushell's Case
demeurait bien vivant dans la pratique.
La thèse selon laquelle le critère d'une « conscience satisfaite » assurait au
prévenu une protection analogue à celui de la preuve « au-delà de tout doute
raisonnable» est plus difficile à étayer. Comme Langbein le souligne,
l'expression « au-delà de tout doute raisonnable» n'apparaît pas dans les
sources juridiques disponibles avant 1770. Ni Hale, ni Gilbert, ni Hawkins,
ni Blackstone ne se réfèrent à un critère général de preuve dans les affaires
civiles ou criminelles. Il ressort toutefois des sources non juridiques, que l'on
entendait par une « conscience satisfaite» (une expression courante aussi
bien en droit qu'en philosophie morale) la conscience qui a pris en compte
tous les moyens de preuve et les a évalués selon les critères de probabilité. Il
est également évident que la pratique des jurys et les écrits des juristes et des
juges expriment une aversion caractérisée à l'égard d'une condamnation d'un
753
DROIT ET RÉVOLUTION
accusé dès qu'il y avait de sérieux doutes sur sa culpabilité. Il semble donc
légitime de conclure que les prémices au moins du critère de preuve
« au-delà de tout doute raisonnable» étaient déjà présentes dans le droit
anglais dès la fin du XVIIe siècle.
67. Geoffrey Gilbert, The Law of Evidence (New York, 1979) (édition
anastatique de The Law of Evidence with al! the Original References Carefully
Compared, publiée en 1754). Sir Geoffrey Gilbert (1674-1726) avait été pra-
ticien, d'abord en Angleterre, puis en Irlande. Il fut nommé juge principal à
l'Échiquier irlandais en 1715, mais peu après il rentra en Angleterre pour y
siéger à l'Échiquier anglais, dont il devint plus tard juge principal. Son traité
sur le droit de la preuve fut publié vingt-cinq ans après sa mort. Voir
Michael MacNair, « Sir Jeffrey Gilbert and His Treatises », Journal of Legal
History 15 (1994), pp. 252-255 et 258.
68. Gilbert, Law of Evidence, p. 1. Sur les rapports entre Gilbert et John
Locke, qui était son aîné, voir MacNair, « Sir Jeffrey Gilbert », pp. 255-256.
Selon MacNair (p. 255), Gilbert rédigea et publia anonymement un essai
intitulé « An Abstract of Locke's Essay Concerning Human Understanding ».
69. Gilbert, Law ofEvidence, p. 3. Voir Stillingfleet v. Parker, 6 Mod. 248,
87 Eng. Rep. 995 (1704), que Gilbert cite pour étayer sa formulation du
principe de la meilleure preuve.
70. Voir MacNair, « Sir Jeffrey Gilbert », pp. 258-260. Quinze traités de
Gilbert ont été publiés après sa mort, de nombreux autres ont été conservés
sous forme manuscrite. Gilbert s'inspira du traité de Hale The Analysis ofthe
Law comme modèle, et il semble bien qu'il envisageait à terme de rassembler
ses différents traités en un recueil général, une « analyse » du droit anglais
dans son ensemble.
71. L'Analysis of the Law de Hale fut rédigée vers 1670 et diffusée à titre
privé. La première édition de l'ouvrage date de 1713. Voir Matthew Hale,
The Analysis of the Law (Chicago, 1971), une édition en facsimile de celle de
1713. Dans la publication originale, la page du titre ne mentionne pas le
nom de l'auteur, mais mentionne simplement que le livre a été « rédigé par
une main savante ».
72. Hale affirme (Analysis ofthe Law, p. A3) : « Je ne me bornerai pas non
plus à la méthode ou aux termes du droit civil [romain] ou d'autres aureurs
qui ont proposé des Analyses ou Schémas généraux du droit, mais j'appli-
querai la méthode [... ] qui me semble la plus adéquate à mon propos. »
73. Voir Matthew Hale, Pleas of the Crown (Londres, 1716).
74. Voir William Hawkins, Pleas of the Crown, 1716-1721 (Londres,
1973), une édition en facsimile des deux tomes publiés la première fois en
1716 (t. 1) et en 1721 (t. 2). L'ouvrage connut sept éditions au XVII<siècle,
et encore une réédition au XIX" siècle.
75. Hale, Analysis of the Law, p. 6.
76. Ibidem, p. 13.
77. La conception de Hale sur les restrictions à apporter aux proclama-
tions royales fut plus amplement développée par Blackstone. Voir la note
suivante.
754
NOTES PAGES 483-490
755
DROIT ET RÉVOLUTION
756
NOTES PAGES 490-492
à leur fournir une méthode susceptible d'aider leur mémoire ». Wood s'ins-
crivait dans la ligne de Hale et était un précurseur de Blackstone.
83. Le caractère fortement marqué par les cas spécifiques et non-théorique
du droit romain de Justinien est exposé dans Berman, Law and Revolution,
pp. 135-140, citant (notamment) Fritz Schulz, History of Roman Legal
Science (Oxford, 1953) et Peter Stein, RegulLze Juris. From Juristic Rules to
Legal Maxims (Édimbourg, 1966).
84. Voir Brian Tierney, « Origins of Natural Right Language: Text and
Contexts, 1150-1250 », History of Political Thought 10 (1989), p. 615 ;
idem, « lus dictum a iure possidendo: Law and Rights in Decretales 5.40.12»,
dans Diane Wood (dir.) , Church and Sovereignty. Essays in Honour of
Michael Wilks (Oxford, 1991), p. 457; idem, « Willey, Ockham, and the
Origin of Natural Rights Theories », dans John Witte, Jr., et Frank
S. Alexander (dir.), The Weightier Matters ofthe Law. Essays on Law and Reli-
gion (A Tribute to Harold Berman) (Atlanta, 1988), p. 1 ; Charles J. Reid,
Jr., « The Canonistic Contribution to the Western Rights Tradition: An
Historical Inquiry», Boston College Law Review 33 (1991), p. 37; idem,
« Rights in Thirteenth-Century Canon Law: An Historical Investigation»
(PhD Diss., Cornell Universiry, 1995).
85. Alan Watson a soutenu que Blackstone a vraisemblablement
emprunté en partie le plan des Commentaries (et notamment sa présentation
sous forme de tables synoptiques) à Denis Godefroy, un auteur important de
la tradition romaniste (1549-1622), et en particulier à sa grande édition en
plusieurs volumes du Corpus iuris civilis. Voir Watson, « Structure of Black-
stone's Commentaries», pp. 806-825. Il convient toutefois de remarquer
que, bien que Watson fasse mention d'une « dépendance extrême, dans le
plan des Commentaries de Blackstone, à l'égard des Institutes de Justinien »
(p. 811), il note également que ces Institutes de Justinien ne suivaient pas
une présentation sous forme de tableaux synoptiques. Cette présentation ne
fut développée qu'à partir des juristes du XVIe siècle, lorsqu'ils s'efforcèrent de
présenter le ius commune en tables synoptiques selon la méthode des
topiques introduite par Philippe Melanchthon (voir Chapitre 3). Il faut éga-
lement remarquer que les domaines figurant dans les tables de Blackstone,
contrairement à la présentation de Godefroy (les tables de l'un et de l'autre
sont facilement comparables grâce à leur reproduction chez Watson,
pp. 813-825), sont classés en termes de « droits» (subjectifs) (( droits des
personnes », etc.) , et non du « droit» (( droit des personnes» etc.): on
retrouve là également la tradition du ius commune européen des XVIe et
XVIf siècles, plutôt que le droit de Justinien. En effet, lorsqu'il se réfère aux
Institutiones iuris anglicani de John Cowell (ed. pr. 1605, publiées en version
anglaise en 1651), Blackstone qualifie cet ouvrage de « tentative de réduire le
droit d'Angleterre [... ] selon le modèle [des Institutes] de Justinien », de
telle sorte que « nous ne pouvons être surpris qu'une telle contrainte aussi
forcée et artificielle soit inopérante et défecrueuse dans son exécution ».
Blackstone, Ana/ysis, p. vi. Watson a néanmoins raison lorsqu'il établit un
lien entre la méthode de Blackstone et celle des juristes européens du XVIe et
du XVIIe siècle formés dans la tradition du ius commune. Comme l'a très jus-
757
DROIT ET RÉVOLUTION
tement formulé Maitland : « Ce fut grâce à l'idée d'un droit commun à tous
les pays d'Europe occidentale que Blackstone put accomplir la tâche d'expo-
ser le droit anglais selon une approche rationnelle. » F. W. Maitland, «Why
the History of English Law Is Not Written », dans N. A. L. Fisher (dir.),
The Collected Papers of Frederic William Maitland, t. 1 (Buffalo, 1911), pp.
484,489. Blackstone avait lui-même suivi une formation en droit romain et
il se fondait fréquemment sur les origines romanistes d'institutions juri-
diques anglaises.
86. Margaret J. Osier, «John Locke and the Changing Ideal of Scientific
Knowledge », Journal of the History of Ideas 31 (1970), p. 9.
87. Voir Barbara J. Shapiro, Beyond Reasonable Doubt and Probable Cause
(Berkeley, 1991), pp. 1-113.
88. Sur la distinction de Locke entre certitude et le plus haut degré de
probabilité, voir son Essay Concerning Human Understanding, livre 4, chap.
16, sections 6 et 7. « Ce que d'autres qualifiaient de "certitude morale" était
pour Locke une catégorie de probabilité» (Shapiro, Beyond Reasonable
Doubt, p. 8).
89. Voir Shapiro, Beyond Reasonable Doubt, pp. 42-113.
90. Voir Rose-Mary Sargent, « Scientific Experiment and Legal Expertise:
The Way of Experience in Seventeenth-Century England », Studies in the
History and Philosophy ofScience 20 (1989), p. 19; et Barbara Shapiro, «The
Concept of 'Fact': Legal Origins and Cultural Diffusion », Albion 26 (1994),
p. 1. Voir également Peter Dear, « Totius in verba: Rhetoric and Authoriry
in the Early Royal Sociery», Isis 76 (1985), pp. 149-151 : selon cet auteur,
au cours des dernières décennies du xvne siècle, l'autorité du groupe exerçant
la responsabilité de déterminer et de juger de l'exactitude et de la fiabilité
d'une observation individuelle finit par supplanter l'autorité des textes cano-
nisés tels que les écrits d'Aristote et de Galien. Sur le rôle de la Royal
Society, voir ci-dessous, note 100.
91. Voir Sargent, « Scientific Experiment », p. 38.
92. Ibidem, p. 39.
93. Voir George P. Fletcher, « The Right and the Reasonable », Harvard
Law Review 98 (1985), p. 949. Sur les rapports entre ce qui est « raison-
nable» et la notion anglaise caractéristique du XVIIe siècle de « sens com-
mun» (<< common sense »), voir Robert Todd Carroll, The Common-Sense
Philosophy of Religion of Bishop Edward Stillingfleet, 1635-1699 (La Haye,
1975), p. 148 (assimilant le « bon sens» à «l'expérience de l'humanité »).
94. Fletcher, « Right and Reasonable », pp. 950-954, 980-982.
95. Voir Raoul van Caenegem, Judges, Legislators, and Professors. Chapters
in European Legal History (Cambridge 1987).
96. Otto Kahn-Freund, introduction à: Karl Renner, The Institutiom of
Private Law and Their Social Functions (Londres, 1949), p. 8.
97. Les études sur le mouvement puritain du courant de réformes juri-
diques des années 1640 et 1650, pour la plus grande part vouées à l'échec,
ne manquent pas: voir, par exemple, Nancy L. Matthews, William Shep-
pard: Cromwell's Law Reformer (Cambridge, 1984); Donald Veall, The
Popular Movement for Law Reform, 1640-1660 (Oxford, 1970); et Mary
758
NOTES PAGES 492-502
759
DROIT ET RÉVOLUTION
760
NOTES PAGES 502-505
CHAPITRE X
La transformation du droit pénal anglais
761
DROIT ET RÉVOLUTION
qu'à l'approche suivie par les tribunaux à l'égard des accusés» (p. 4). Ses
sources sont principalement empruntées aux archives judiciaires de juridic-
tions locales établies dans le comté du Surrey (les archives des quarter sessions
et des assises, mais leurs compétences s'étendaient aussi bien à une partie de
l'agglomération londonienne qu'à des régions rurales), ainsi qu'aux archives
relatives au comté du Sussex et de l'Old Bailey (la principale juridiction
pénale à Londres). D'autres régions anglaises n'apparaissent qu'occasionnel-
lement dans les sources utilisées par Beattie. Quoique l'auteur souligne que
la période de 1660 à 1800 « était de toute évidence une époque de change-
ments importants pour le droit pénal et le système de la justice pénale»
(p. 4), il ne s'intéresse pas à analyser comment le droit pénal et la justice
pénale de cette époque étaient différents de ceux des périodes antérieures, ni
à rechercher les rapports entre ces développements et les changements poli-
tiques, sociaux et économiques ou religieux. En conséquence, le lecteur n'y
trouvera presque rien sur les effets de la suppression des tribunaux relevant
de la Prérogative royale sur le développement du droit pénal appliqué dans
les tribunaux de common law, ni sur le nouveau rôle de la Cour de King's
Bench en tant que custos morum, « gardienne des mœurs », un rôle qui avait
été assumé auparavant par les Prerogative Courts. Beattie ne traite pas non
plus des effets du transfert aux compétences des tribunaux de common law de
délits complexes tels que le faux et les délits de fraude, ni du développement
de la nouvelle doctrine d'« association délictueuse » (conspiracy). Du fait que
l'auteur ne tient guère compte du contexte puritain de la Révolution
anglaise, il omet de mentionner le fait que les associations de citoyens visant
à entamer des poursuites pénales, dont il décrit les activités en détail, étaient
issues des associations à caractère religieux de la fin du XVII' siècle, connues
sous le nom d'« associations pour la réforme des mœurs » (( Societies for the
Reformation ofManners »). Du fait que Beattie ne tient pas compte des cou-
rants religieux, il ne peut reconnaître une solution plausible pour l'un des
paradoxes les plus ardus de l'histoire du droit pénal anglais au XVIIIe siècle, à
savoir la multiplication extraordinaire des crimes capitaux et, en même
temps, le déclin de la proportion des exécutions capitales. Enfin, du fait que
l'auteur a principalement étudié des archives de sociétés urbaines, il ne par-
vient pas à mettre suffisamment en valeur le rôle essentiel joué par la
noblesse foncière dans le développement du droit pénal, et, en particulier, il
sous-estime la portée du droit de la chasse dans le développement du droit
pénal anglais en général à cette époque.
Le but de ces observations n'est pas de diminuer l'importance de la contri-
bution de l'œuvre de Beattie, dont les travaux ont fortement inspiré notre
propre étude, mais plutôt d'expliquer les différences entre son approche et
celle qui sera la nôtre dans ce chapitre-ci.
De nombreuses études se sont attachées aux revendications d'une réforme
du droit pénal sous le régime puritain de 1640 à 1660. Voir en particulier
Donald Veall, The Popular Movement for Law Reform, 1640-1660 (Oxford,
1970), pp. 127-166; Nancy L. Matthews, William Sheppard, Cromwell's
Law Reformer (Cambridge, 1984); Mary Cotterell, « Interregnum Law
Reform; The Hale Commission of 1652 », English Historical Review 83
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NOTES PAGES 505-507
(1968), p. 689 ; Edmund Heward, Matthew Hale (Londres, 1972), pp. 36-
47. A peine quelques-unes des réformes proposées durant cerre période
furent effectivement adoptées à l'époque. Plusieurs des recommandations de
la Commission Hale furent introduites après la Glorieuse Révolution de
1688.
Pour le traitement des modifications apportées à la procédure pénale à la
fin du XVIIe siècle et au cours du XVIIIe siècle, nous sommes redevable à
l'excellente étude de Thomas A. Green, Verdict According to Comcience. Pers-
pectives on the English Criminal Trial Jury, 1200-1800 (Chicago, 1985),
pp. 105-264.
5. Certains des changements apportés à la fin du XVIIe siècle et au
XVIIIe siècle au droit pénal anglais dans l'intérêt de la noblesse foncière sont
analysés dans Douglas Hay, Peter Linebaugh et E. P. Thompson (dir.) ,
Albion s Fatal Tree. Crime and Society in Eighteenth-Century England
(Londres, 1975); Peter Linebaugh, The London Hanged. Crime and Civil
Society in the Eighteenth Century (Cambridge, 1992); et E. P. Thompson,
Whigs and Hunters. The Origim of the Black Act (New York, 1975).
6. Pour un aperçu général du droit pénal anglo-saxon et germanique, voir
Berman, Law and Revolution, pp. 52-61.
7. Les Normands ont également introduit le duel judiciaire en Angleterre,
« le combat faisant office d'ordalie ». T. F. T. Plucknerr, A Concise History of
the Common Law (Boston, se éd., 1956), p. 427.
8. Voir le canon 18 du Quatrième Concile de Latran, dans Norman
P. Tanner (éd.), Decrees of the Ecumenical Councils, t.1 (Londres, 1990),
p. 244. Voir John W. Baldwin, « The Intellectual Preparation for the Canon
of 1215 against Ordeals », Speculum 36 (1961), p. 613 (où l'auteur analyse
les débats canoniques et philosophiques de la fin du XIIe siècle et du début du
XIIr siècle sur les ordalies).
9. Les Assises de Clarendon (1166) imposaient aux « jurys de présenta-
tion » de remettre aux juges royaux les individus notoirement réputés avoir
commis des infractions dans certaines localités. L'accusé était ensuite soumis
à l'épreuve de la « purge » (soit par une ordalie, soit en ayant recours à des
co-jureurs) pour déterminer sa culpabilité ou son innocence. Aux débuts, la
procédure devant les grands jurys (aussi bien la détermination initiale de la
réputation que la phase de l'épreuve de purge par co-jureurs) présentait plu-
sieurs similitudes à la procédure en droit canonique. Voir Richard H. Hel-
mholz, « The Early History of the Grand Jury and the Canon Law»,
University of Chicago Law Review 50 (1983), p. 613; voir Roger de Groot,
« The Jury of Presentment before 1215 », American Journal of Legal History
26 (1982), p. 1. A propos de la composition du grand jury, J. H. Baker note
que « le nombre de jurés était en général supérieur à douze, à une époque
plus tardive il s'élevait habituellement à vingt-trois ». John H. Baker, An
Introduction to English Legal History (Londres, 3e éd., 1990), p. 577, n. 24.
Le jury restreint appelé à juger fut d'abord établi dans des causes civiles pour
des infractions civiles au droit de propriété foncière (trespass to land) et fut
adapté aux causes pénales après le Quatrième Concile du Latran de 1215, en
vertu duquel il était interdit aux clercs de participer à des ordalies.
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764
NOTES PAGES 508-513
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à la Haroard Law School entre 1960 et 1970 sur les développements du droit
et des institutions juridiques.
25. Thomas G. Bames, « The Making of the English Criminal Law: Star
Chamber and the Sophistication of the Criminal Law», Criminal Law
Review (1977), p. 316.
26. Edward Coke, Fourth Institute (réimpression, Buffalo, 1986), pp. 65-
66.
27. Voir Harold J. Berman, « Medieval English Equiry », dans Faith and
Order. The Reconciliation of Law and Religion (Atlanta, 1993), pp. 55-82.
28. Cité dans Holdsworth, History of English Law, 1:609.
29. Sur le serment ex officio, voir Mary H. Maguire, « Attack of the Com-
mon lawyers on the Oath Ex Officio as Administered in the Ecclesiastical
Courts of England », dans Carl Frederick Wittke (dir.), Essays in History and
Political Theory; In Honor of Charles Howard McIlwain (Cambridge, Mass.,
1936), pp. 199-229. Sur la Cour de la Haute Commission, voir Usher, Rise
and Fait of the High Commission, pp. 239-249.
30. Holdsworth, History of English Law, 1:608.
31. Contrairement aux cours de la Haute Commission, de l'Amirauté ou
des Requêtes, les autres tribunaux relevant de la Prérogative royale (notam-
ment les cours des Marches au Pays de Galle et dans le Nord) n'étaient pas
des tribunaux d'exception, mais des tribunaux dotés de compétences très
larges, comprenant notamment les crimes graves et la possibilité de condam-
ner à la peine capitale.
32. Les modifications les plus importantes de la procédure pénale en com-
mon law au XVIe siècle et au cours des premières décennies du XVIIe siècle sont
dues à l'extension du rôle des juges de paix dans l'instruction et la poursuite
de délits, sous le contrôle (principal) de la Chambre étoilée. La noblesse fon-
cière rurale, d'où étaient issus les juges de paix, prenait les dépositions des
plaignants et des témoins, supervisait les procédures devant les grands jurys
à l'occasion des mises en accusation, et exerçait un contrôle limité sur
l'administration de la preuve par témoins au cours des procédures devant les
grand jurys et les jurys appelés à juger. Voir Langbein, Prosecuting Crime in
the Renaissance, pp. 72-73, 79-80 (sur le contrôle par la Chambre étoilée) ;
idem, « The Origins of the Public Prosecution at Common law », American
Journal of Legal History 17 (1973), p. 313.
33. Au lendemain du marryre de Thomas Becket en 1170, les tribunaux
royaux perdirent, au profit des juridictions ecclésiastiques, la compétence de
juger les « clercs » pour des crimes graves. Par la suite, les tribunaux royaux
inventèrent un procédé permettant de juger les individus avant de s'enquérir
de leur éventuel statut d'ecclésiastique: ce n'était qu'après la condamnation
que le bénéfice du clergé pouvait être invoqué et que le condamné devait
être renvoyé devant la juridiction ecclésiastique. Mais avant leur renvoi, le
tribunal royal imposait que le condamné soit marqué au pouce au fer rouge,
ce qui impliquait que l'individu perde son droit d'opposer le bénéfice du
clergé si, à l'avenir, il était à nouveau poursuivi devant un tribunal séculier
pour un crime grave. Au fil du temps, la catégorie du « clergé » fut étendue
à toute personne capable de lire (ou de réciter) un verset particulier de la
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NOTES PAGES 513-521
Bible. Cela signifiait en pratique que, dans la plupart des cas de crimes
graves, les délinquants primaires étaient soumis à une probation. Vers la fin
du XVIIe siècle, lorsque le Parlement commença à multiplier les cas de crimes
capitaux sanctionnés par la loi, la plupart de ces nouveaux crimes furent qua-
lifiés de délits auxquels le bénéfice du clergé n'était pas applicable, ce qui
signifiait que la peine de mort était applicable même aux délinquants pri-
maires, à défaut d'un pardon royal. Pour les crimes auxquels le bénéfice du
clergé demeurait applicable, les lois prévoyaient que le délinquant pouvait
être condamné à la déportation dans les colonies d'outre-mer.
34. Sur l'adultère, voir Keith Thomas, « The Puritans and Adultery : The
Act of 1650 Reconsidered », dans Donald Penningron et Keith Thomas
(dir.), Puritans and Revolutionaries. Essays in Seventeenth-Century History Pre-
sented to Christopher Hill (Oxford, 1978), pp. 257-282. Winfield E. Ohlson,
« Adultery: A Review, Part 1 », Boston University Law Review 17 (1937),
p.350. Sur les nouveaux types du délit d'assault (comprenant des voies de
fait, ou la menace de coups et blessures), voir Holdsworth, History of English
Law, 8:421-423, Il :535 ; sur les faux, ibidem, Il :534 ; sur la piraterie, voir
William Blackstone, Commentaries on the Laws of England, 4 vol. (Londres,
1966),4:71-73; sur le braconnage, voir Leon Radzinowicz, « The Waltham
Black Act: A Srudy of the Legislative Attitude toward Crime in the
Eighteenth Cenrury », Cambridge Law Journal 9 (1947), pp. 56-81 ; sur la
complicité dans des cas de vol qualifié, voir Holdsworth, History of English
Law, Il :530-531. Les dispositions de la « loi noire» avaient été précédées,
au cours des dernières décennies du XVII" siècle, par une série de lois spéciales
qui traitaient de questions particulières relatives au braconnage. Voir
Holdsworrh, History of English Law, 6:403.
35. Voir Holdsworrh, History of English Law, Il :539-540; 6:404.
36. Voir Skyrme, History of the Justices of the Peace, 1: Il 0-111, 2:69-73.
En 1758, le Banc du Roi décida (selon les termes de Lord Mansfield) qu'il
n'avait « ni le pouvoir ni la revendication de contrôler les motifs des juges de
paix, sur lesquels ceux-ci avaient fondé leurs jugements ». Rex v. Young and
Pitts, cité par Skyrme (2:70).
37. Le Roy v. Sur Charles Sidley, 1. Sid. 168 (Mich. 15 Charles II B.R.)
(traduit en anglais de l'original en Law French).
38. Voir 4 George II c. 32 et d'autres lois dont fait état Holdsworrh, His-
tory ofEnglish Law, Il :530, 4:71-73.
39. Voir Radzinowicz, « Waltham Black Act»; voir Thompson, Whigs
and Hunters.
40. Sur l'histoire du droit de la chasse, voir Roger Burrow Manning,
Hunters and Poachers. A Social and Cultural History of Unlawfol Hunting,
1585-1640 (Oxford, 1993) ; Chester Kirby, « The English Game Law Sys-
tem », American Historical Review 38 (1933), pp. 240-262 ; Chester Kirby et
Ethyn Kirby, « The Stuart Game Prerogative », English Historical Review 56
(1931), pp. 239-254. La législation du Parlement adoptée sous le règne de
Jacques 1er « requérait de la parr des propriétaires un revenu de 40 livres par
an pour ruer le gibier; les titulaires d'un droit réel viager devaient faire valoir
un revenu du double; et tous les autres devaient pouvoir faire état d'un
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NOTES PAGES 521-526
des verdicts condamnant les accusés incombait tout spécialement à ceux qui
étaient exposés à la domination de la classe dirigeante de par leur dépen-
dance et leur vulnérabilité. Voir Linebaugh, The London Hanged, p. 78. Voir
Peter Linebaugh, « (Marxist) Social History and (Conservative) Legal His-
tory : A Reply to Professor Langbein », New York University Law Review 60
(1985), p. 213. Pourtant, Linebaugh ne concilie pas cette thèse avec les élé-
ments qu'il apporte lui-même ailleurs dans son livre, et par lesquels il
démontre que les jurys londoniens rendaient souvent un verdict acquittant
les accusés ou réduisant les chefs d'accusation; voir The London Hanged, pp.
85-86 (aux assises de janvier 1715, la moitié des femmes et 40 % des
hommes accusés d'un crime capital furent acquittés). Pour une critique du
livre de Linebaugh, voir Charles J. Reid, Jr., « Tyburn, Thanatos, and
Marxist Historiography: The Case of the London Hanged », Cornell Law
Review 79 (1994), p. 1158.
51. Voir Langbein, « Albion's Fatal Flaws », p. 106.
52. D'après John Langbein, le critère « au-delà de tout doute raison-
nable» n'a pas fait l'objet d'une « formulation concise» avant la fin du
XVIIIe siècle. John Langbein, « The Historical Origins of the Privilege Against
Self-Incrimination at Common /aW», Michigan Law Review 92 (1994),
p. 1057. Pourtant, Barbara Shapiro a montré que dès la fin du XVIIe siècle,
les directives des juges adressées aux jurés étaient formulées dans un langage
qui exprimait précisément cette idée. Ainsi, les jurés étaient engagés à ne
déclarer l'accusé coupable « que si votre conscience est satisfaite », ou que si
« vous êtes convaincus » par les moyens de preuve. Si les jurés entretenaient
« quelque doute que ce soit » quant à la véracité des moyens de preuve, ils
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fiants. Voir United States v. Shabani, 513 U.S. 10, 16 (1994). Dans son opi-
nion exprimant la décision unanime, la juge S. O'Connor écrivit: « Le cas
de Shabani nous rappelle que le droit ne punit pas les pensées criminelles et
affirme que l'association délictueuse qui ne serait pas soumise à la condition
d'un acte manifeste violerait ce principe, du fait que le délit présenterait
alors des éléments constitutifs principalement mentaux. L'interdiction d'une
association délictueuse ne punit toutefois pas une simple pensée: l'entente
criminelle constitue en soi l'actus reus, comme cela a été admis depuis Regina
v. Bass. » Ibidem, p. 16. La fiction se trouve dans le terme « manifeste» (en
anglais «overt ») : une entente constitue certainement un acte, par opposi-
tion à une opération purement mentale, mais l'usage de l'expression «acte
manifeste» «< overt act»), dans le sens d'un acte perceptible et apparent,
implique quelque chose de plus qu'un simple accord. Cet argument avait été
avancé avec insistance devant la Cour d'appel fédérale (du Neuvième Cir-
cuit), compétente dans le cas de Shabani : « Un acte manifeste qui est néces-
saire pour constituer le délit d'association délictueuse visant à commettre
une infraction à la loi fédérale se distingue de l'association délictueuse en soi
et constitue un acte visant à réaliser l'objet de l'association délictueuse; cet
acte n'est pas nécessairement criminel, ni un crime faisant l'objet de l'asso-
ciation délictueuse, mais cet acte doit accompagner ou suivre l'entente et
doit être accompli dans le cadre de la réalisation de l'objet de cette entente. »
Marino v. United States, 91 F. 2d 691,694-695 (Neuvième Circuit, 1937).
79. Cité dans Sayre, « Criminal Conspiracy », p. 402.
80. Rex v. Journeymen Tailors, 8 Mod. 10 (1721). Dans ce litige, la cour
prétendait appliquer les lois sur les travailleurs (Statutes of Labourers) de
1349 (23 Edward III c. 7 [1349]) et de 1351 (25 Edward III c. 1 [1350]).
La jurisprudence et la doctrine postérieures, en Angleterre et aux États-Unis,
ont à tort cru retrouver les origines de 1'« association délictueuse » «< conspi-
racy ») dans ces lois du XIV" siècle. En fait, ces lois de 1349 et de 1351 exi-
geaient non seulement une entente illicite, mais également des actes illicites
en exécution de cette entente.
81. Rev v. Edwards, 8 Mod. 320 (1724).
82. Jones v. Randall, 98 Eng. Rep. 706, 707 (K. B. 1774).
83. 5 Anne, c. 6, sec. 2 (1706).
84. Voir Joanna Ines, « Prisons for the Poor: English Bridewells, 1500-
1800 », dans Francis Snyder et Douglas Hay (dir.), Labour, Law, and
Crime: An Historical Perspective (Londres, 1987), p. 42.
85. Voir R. B. Pugh, Imprisonment in Medieval England (Londres, 1968),
pp. 1-47.
86. Voir John Witte Jr., « Blest Be the Ties that Bind: Covenant and
Communiry in Puri tan Thought », Emory Law Journal 16 (1987), pp. 579,
584. Witte a démontré que l'accomplissement de travaux ne constituait pas
en soi une voie vers le salut, mais représentait un signe qu'on était sur la voie
du salut. Seule la « convention de la grâce » était susceptible de conférer le
salut à ceux qui avaient la foi. Néanmoins, même ceux qui ne comptaient
pas parmi les élus pouvaient atteindre au salut s'ils s'en tenaient aux élé-
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NOTES PAGES 542-544
CHAPITRE Xl
La transformation du droit privé
et économique anglais
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NOTES PAGES 544-548
leurs terres. Voir Paul R. Hyams, King, Lords, and Peasants in Medieval
England,' The Common law of Vil/einage in the Twelfth and Thirteenth Cen-
turies (New York, 1980), pp. 194-195. Durant cette période, le « socage»
libre, à l'opposé du « socage» des vilains, avait pour effet que leurs titulaires
se situaient quelque peu au-dessus des vilains ordinaires, mais que leur statut
était inférieur à celui des paysans-propriétaires libres (freeholders, que l'on
pourrait en quelque sorte comparer à des alleutiers), ainsi par exemple le
droit d'introduire une action devant les cours royales. Voir ibidem, pp. 199-
200.
5. Selon l'évocation de Thomas More: «Vos moutons [... l d'habitude si
dociles et nourris à bon marché, deviennent, apprenons-nous, à tel point
voraces et sauvages qu'ils dévorent même les humains, dévastent et dépeu-
plent les champs, les habitations et les villes [... l. Afin qu'un seul glouton
insatiable, la peste maudite de son pays natal, puisse rattacher un champ à
l'autre et cerner les milliers d'hectares d'une enceinte, les tenanciers sont
expulsés [... l. Par tous les moyens, honnêtes ou non, ces pauvres malheu-
reux sont forcés de quitter leur maison -les hommes et les femmes, les maris
et leurs conjointes, les orphelins et les veuves, les parents et leurs enfants en
bas âge, un ménage qui n'est pas riche mais nombreux, car le travail de la
ferme requiert plusieurs mains [... l. En errant d'un lieu à l'autre, que leur
reste-t-il sinon de voler et d'être pendus (et ce n'est que justice! direz-vous),
ou de vagabonder et de mendier [... l. C'est ainsi que l'avidité de quelques-
uns provoque la ruine de ce qui était jadis précisément considéré comme la
source de votre immense félicité. » Thomas More, Utopia, t. 4, dans The
Complete Works of St. Thomas More (New Haven, 1963), pp. 65-71.
6. Voir 1. S. Leadam, The Domesday of Enclosures 1511-1518 (Nottin-
gham, 1897); Joan Thirsk, Tudor Enclosures, 2e éd. (Londres, 1989),
pp. 214-216; Reid, «Seventeenth-Century Revolution », pp. 254-255.
Thirsk souligne que de nombreuses clôtures furent érigées à l'amiable et
étaient perçues comme une forme de progrès, du fait qu'elles étaient asso-
ciées à la rationalisation de la production agricole.
7. L'effort de Coke pour obtenir la suppression de la législation contre les
clôtures agricoles s'inscrivait dans un changement plus général des mentali-
tés. En 1601, Sir Walter Raleigh avait soutenu que cette législation avait res-
treint les libertés anglaises et que sa révocation « assurerait à chaque homme
sa liberté, ce qui est le souhait de tout bon Anglais ». Le polémiste puritain
Samuel Hartlib posa en 1651 la question: les terres communes «n'encoura-
gent-elles pas la pauvreté, en invitant plutôt à l'oisiveté qu'à leur entretien?
Et les pauvres ne sont-ils pas ainsi davantage formés à finir dans la mendicité
ou à la potence qu'à servir la société? ». Gabriel Plattes, un disciple de
Hartlib, avait déjà soutenu que les clôtures contribuaient à augmenter la
richesse nationale et que la condition des pauvres s'en trouvait dès lors amé-
liorée. Voir les sources citées chez Reid, «Seventeenth-Century Revolu-
tion », pp. 256-259.
8. Ibidem, pp. 259-261.
9. Au XVIIe siècle, on assiste à une sorte d'immobilisation de ces baux, le
« leaseho/d» étant alors assimilé à un « chattel real », ce qui signifiait que ce
777
DROIT ET RÉVOLUTION
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NOTES PAGES 548-555
« burg », pour désigner, à cette époque, une ville franche): ces tenures
étaient souvent libres de toute charge féodale, à l'exception de la garde
(<< wardship »). De telles tenures pouvaient être librement aliénées et pou-
vaient faire l'objet d'un gage pour garantir un emprunt de capital.
15. Sous Lord Nottingham, qui fut Chancelier pendant une décennie,
jusqu'à sa mort en 1682, « à l'ancienne philosophie des uses, les droits réels
[protégés par la ChancellerieJ [... J se substitua une nouvelle philosophie des
trusts fondée sur une conception plus adéquate des nécessités de l'ordre
public et de la nature et de la finalité du droit ». Austin Wakemann Scott,
The Law of Trusts, 3e éd., t. 1 (Boston, 1967), p.22. C'est à cette même
époque que les juristes de la common /aw adaptèrent les deux catégories res-
tantes de ces droits réels - appelés, respectivement, « active use » et « use upon
use» - aux besoins de leurs clients propriétaires fonciers. Voir Percy Bord-
weil, «The Conversion of the Use to a Legal Interest », Iowa Law Review 21
(1935), pp. 1-46; et John L. Barton, « The Statute of Uses and the Trust of
Freehold », Law Quarterly Review 82 (1966), pp. 215-225.
16. Voir Harold Dexter Hazeltine, « The Gage of Land in Mediaeval
England », dans Select Essays in Anglo-American Legal History, t.3 (New
York, 1909), pp. 646, 647-650. On distinguait entre le « vif-gage », qui
imposait au créancier-gagiste d'imputer les revenus du bien-fonds au rem-
boursement de la dette principale, et le « mort-gage », qui n'imposait pas
une telle imputation au créancier-gagiste (et dont est dérivé le terme juri-
dique contemporain, en droit anglo-américain, de mortgage).
17. Voir Berman, Law and Revolution, pp. 245-250 et 348-354. À notre
époque, même les meilleurs historiens du droit des contrats en Europe n'ont
pas suffisamment mis en valeur l'importance cruciale de l'influence du droit
canonique dans la modernisation des systèmes contractuels, plus formalistes
en droit germanique et en droit romain. Le grand ouvrage de référence de
Reinhard Zimmermann, The Law of Obligations. Roman Foundations of the
Civilian Tradition (Oxford, 1996), ne traite qu'incidemment de l'influence
du droit canonique. James R. Gordley, The Philosophical Origins of Modern
Contract Doctrine (Oxford, 1991), mentionne brièvement les différences
entre les doctrines canoniques et romanistes du XIIIe au XVIe siècle, mais il
privilégie de loin les influences romanistes. Ainsi, lorsque Gordley interprète
l'attribution explicite par Baldus de Ubaldis de la notion de causa au droit
canonique comme une sorte de recyclage d'une doctrine de droit romain
(p. 56), il omet de mentionner que Balde était à la fois un légiste et un cano-
niste, et qu'il n'y a rien dans le droit romain de Justinien, mais par contre
beaucoup dans l'œuvre d'Huguccio et de Henricus de Segusio (Hostiensis),
permettant d'étayer un principe général de l'objet (en tant que causa) de la
convention comme critère de distinction entre des promesses obligatoires en
droit ou non. Hostiensis, Summa, livre 1er , De pactis, section 1, ouvrage
rédigé dans les années 1240, avait affirmé qu'« une convention [pactumJ est
le consentement de deux ou plusieurs personnes, exprimé par des paroles
avec l'intention [animoJ de les obliger à donner ou à faire quelque chose ...
l'une envers l'autre [... J. Et c'est pourquoi je dis "avec l'intention de les obli-
ger", car si j'avance quelque chose dans le but [causaJ d'expliquer mon en sei-
779
DROIT ET RÉVOLUTION
780
NOTES PAGES 555-561
revanche, affirmait au XVIf siècle que « la common law comprend [... ]Ia Lex
mercatoria ». Matthew Hale, The History of the Common law of England,
édité par Charles M. Gray (Chicago, 1971), p. 18.
20. Voir Willard T. Barbour, « The History of Contract in Early English
Equity», dans Paul Vinogradoff (dir.), Oxford Studies in Social and Legal
History (Oxford, 1909), p. 4.
21. Voir A. W. B. Simpson, A History of the Law ofContract. The Rise of
the Action of Assumpsit (Oxford, 1975), pp. 297-302 (Stade's Case) et 316-
488 (sur la « contrepartie», « consideration», élément requis ad validitatem
dans la common law des contrats).
22. Voir Samuel ]. Stoljar, A History of Contract at Common law (Can-
berra, 1975), pp. 147-163; Charles W. Francis, « The Structure ofJudicial
Administration and the Development of Contracts in Seventeenth-Century
England», Columbia Law Review 83 (1983), pp. 35, 122-125; et
Holdsworth, History ofEnglish Law, 4:64, 72, 75.
23. Simpson, History of Contract, p. 446.
24. Aleyn 26, 82. Eng. Rep. 897 (1648) offre une relation plus complète
de cette décision que celle, pourtant plus souvent citée, dans Style 47, 82
Eng. Rep. 519 (1647). Voir David Ibbetson, « Absolute Liability in
Contract: The Antecedents of Pa radine v. Jayne», dans F. D. Rose (dir.),
Consensus ad Idem (Londres, 1996), p. 1.
25. Voir Simpson, History ofContract, pp. 31-33.
26. Plucknett, Concise History of the Common law, p. 652.
27. Voir P.S. Atiyah, The Rise and Fa" of Contract (Oxford, 1979), pas-
sim. Selon Atiyah, la distinction entre les contrats et la responsabilité civile
« ne s'est affirmée que lentement aux XVIIe et XVIIe siècles» (p. 144). Voir
Grant Gilmore, The Death of Contract (Columbus, 1974), p. 140, n.228
(<< Avant le XIX" siècle, la distinction entre les contrats et la responsabilité
civile n'avait jamais été clairement établie »). Morton Horwitz, dans The
Transformation of American Law, 1780-1860 (Cambridge, XIX77), p. 160,
affirme que « le droit moderne des contrats est fondamentalement un pro-
duit du XIX"siècle. [... ] Ce ne fut qu'au XIX"siècle que les juges et juristes
[... ] affirmèrent pour la première fois que la source de l'obligation des
contrats est la convergence des volontés des parties contractantes». Ces
conceptions erronées, largement répandues, s'expliquent pour plusieurs rai-
sons: en premier lieu, les auteurs concernés n'envisagent que la composante
common law du droit anglais, en excluant le droit anglais des marchands, le
droit maritime anglais de l'Amirauté, le droit canonique des juridictions
ecclésiastiques anglaises, les applications anglaises du droit international, et
même plusieurs branches de la common law elle-même, comme le droit des
ventes. En second lieu, l'interprétation de ces auteurs ne parvient pas à
reconnaître, au-delà des formules procédurales qui demeurèrent en vigueur
dans la common law jusqu'au XIX" siècle, les doctrines de droit substantiel
sous-jacentes aux formules des actions, et qui faisaient l'objet de discussions
lors du procès, après que la qualification formelle préalable (au stade des
pleadings) eut été établie. L'apparition de monographies consacrées au droit
des contrats à partir de la fin du XVIIIe siècle est sans doute révélatrice d'une
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DROIT ET RÉVOLUTION
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NOTES PAGES 561-568
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NOTES PAGES 568-576
CHAPITRE XII
La transformation du droit social anglais
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DROIT ET RÉVOLUTION
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NOTES PAGES 576-590
13. Sur les conditions permettant l'obtention du divorce par une loi du
Parlement, voir Holdsworth, History of English Law, Il : 622-623.
14. Voir 6, 7 William IV c.85 (1836). Voir Holdsworth, History of
English Law, 15: 208-209.
15. Voir Holdsworth, History ofEnglish Law, 1 : 619-620.
16. Helmholz, Roman Canon Law, pp. 109-114.
17. Voir Holdsworth, History of English Law, 6: 404, Il : 539.
18. Voir 6, 7 William III and Mary II c. Il (1694). Afin d'en assurer
l'observation, il était prévu que les dispositions de cette loi seraient lues
quatre fois par an dans les églises. Voir Holdsworth, History of English Law,
6: 404.
19. Voir 9 William III c. 35 (1697/1698).
20. Voir 12 George II c. 28.
21. Voir 13 George II c. 19. Cf 18 George II c. 34 (1746) (fixant le poids
et d'autres critères auxquels les participants aux courses de chevaux devaient
se soumettre).
22. Voir 10 George II c.28 (1737) (sur la réglementation des théâtres).
Voir Holdsworth, History ofEnglish Law, Il : 547-549 (avec une analyse des
dispositions de la loi) ; voir Dudley W. R. Bahlman, The Moral Revolution of
1688 (New Haven, 1957), pp. 1-30.
23. Bahlman, Moral Revolution, p. 31. Notre exposé est notamment basé
sur les pages 37-38,40-41,48-55,58-59.
24. Bahlman (ibidem, p. 66) conclut que le déclin était simplement impu-
table à l'abandon de « l'enthousiasme et de l'espoir ».
25. Voir Leon Radzinowicz, A History of English Criminal Law, t. 3, The
Reform of the Police (Londres, 1956), pp. 144-156.
26. Voir John H. Langbein, « Shaping the Eighteenth-Century Criminal
Trial: A View from the Ryder Source », University of Chicago Law Review
50 (1983), pp. 55-67. La loi de 1829 sur la police londonienne (Metropoli-
tan Police Act) promue par Sir Robert Peel créa le premier corps public de
police (les policiers étant appelés communément « bobbies », après leur fon-
dateur). Un directeur des poursuites pénales (( Director of Public Prosecu-
tiom, DPP ») fut institué « pour un ressort limité de délits commis en série »
(ibidem, p. 56).
27. Sous le règne élisabéthain, le nombre de fondations de grammar scho-
ols augmenta de 51 à 280 ou plus, et avait atteint les 400 en 1700. Voir
James Bowen, A History of Western Education, t. 3 (New York, 1981),
pp. 129-130.
28. Voir S. J. Curtis, History of Education in Great Britain, 6e édition
(Londres, 1965), p.98. Voir aussi Helen M. Jewell, Education in Early
Modern England (New York, 1988), pp. 25-37.
29. Voir Lawrence Stone, « The Educational Revolution in England,
1560-1640 », Past and Present 28 (1965), pp. 41,77-78.
30. Voir Samuel Hartlib, Comideratiom Tending to the Happy Accomplish-
ment of England's Reformation (1627), et John Drury, The Reformed School
(1649). Ces deux ouvrages ont été repris dans Charles Webster (dir.),
Samuel Hartlib and the Advancement of Learning (Cambridge, 1970). Voir
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NOTES PAGES 590-599
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NOTES PAGES 600-605
66. A Discourse Touching Provision for the Poor [I659), written by Sir Mat-
thew Hale, late Lord Chief Justice of the Kings Bench, London: printed by
H. Hills, for the John Leigh at Stationers Hall (Londres, 1683), p. 25. Voir
chapitre 3 : « Les moyens proposés: 1. Que lors des sessions trimestrielles du
comté, les juges de paix organisent et divisent les paroisses de leurs comtés
respectifs en districts, chaque district pouvant accueillir un atelier public
pour l'usage commun du district concerné [... ), notamment une, deux,
trois, quatre, cinq ou six paroisses pour un atelier public, selon l'importance
et les ressources des différentes paroisses s» (p. 27). « 3. Qu'annuellement,
un maître d'atelier soit choisi par lesdits juges de paix pour chaque atelier
public, qui sera dûment rémunéré sur le capital [de l'atelier] ou ses revenus,
pour une durée de trois ans» (p. 30).
67. Voir Josiah Child, A New Discourse ofTrade (Londres, 1670). Child
était un marchand qui avait fait fortune comme fournisseur de provisions à
la Marine de guerre sous le Commonwealth. Plus tard, il publia des pam-
phlets sur des questions commerciales et il fut gouverneur de la Compagnie
anglaise des Indes orientales, fonction qu'il exerça pendant quelque temps
pratiquement comme seul dirigeant. Il est généralement considéré comme
l'un des premiers économistes anglais.
68. Child, A New Discourse of Trade, cité dans Webb et Webb, English
Local Government, p. 103.
69. Ibidem. L'impulsion des réformes provenait en grande partie des
auteurs de pamphlets, qui opposaient les conditions en Angleterre au fonc-
tionnement de l'assistance aux pauvres en Hollande et en Allemagne.
Richard Haines, un promoteur de réformes, écrivait en 1678: « En Hol-
lande [... ] chaque ville a son atelier public où un individu peut être détenu
indéfiniment si son cas l'exige. » Cité ibidem, p. 106.
70. Voir Tomothy Hall Breen, « The Non-Existent Controversy : Puritan
and Anglican Attitudes on Work and Health », Church History 35 (1966),
273-284.
71. Voir Slack, English Poor Law, p.42, résumant David Owen, English
Philanthropy, 1660-1960 (Cambridge, 1964).
72. Voir Slack, English Poor Law, p.43 (citant Owen, English Philanth-
ropy).
73. Ibidem, p. 44.
74. Voir Matthew Hale, « A Discourse Touching on Provision for the
Poor », dans The Works Moral and Religious of Sir Matthew Hale, t. 1
(Londres, 1805), pp. 515, 516.
75. Voir Christopher Hill, Puritanism and Revolution: Studies in the
Interpretation of the English Revolution ofthe Seventeenth Century (New York,
1964), p. 225.
76. Voir Geremek, Poverty: A History, p. 220.
77. En s'opposant à un projet de loi visant à créer de nouveaux ateliers
publics, Daniel Defoe écrivait: « Il me semble donc, sous réserve, que la
création d'ateliers publics dans chaque ville, le transfert des ateliers de leur
établissement existant aux paroisses et associations particulières, et la parcel-
lisation du commerce à chaque pas de porte, s'avéreront ruineux pour ces
791
DROIT ET RÉVOLUTION
Conclusion
794
INDEX
795
DROIT ET RÉVOLUTION
Grégoire VII, Pape, 12, 33, 34, Henri VIII, Roi d'Angleterre,
89, 100, 101, 302, 346, 619, 41, 118, 348-350, 352, 359,
706n4 366, 510, 571, 580, 599,
Guillaume Le Conquérant, 718n24, 789n48, 50, 52
776n3 Hobbes, Thomas, 137, 390-
Guillaume d'Orange, 392,399,415,424-426,428-
Guillaume III, Roi d'Angle- 433, 438, 441-443, 736n68,
terre, 118, 345, 373-380, 738n80-94, 760n105
567, 573, 585, 587, 590, Holdsworth, W.S, 374, 515,
716n10, 724n63, 64 733n51-54, 736n67,738n81,
Guillaume IV, Prince de Hesse, 729n85, 744n20, 21,
281 747n35, 761n1, 765n16,
766n28, 30, 767n34-38,
Hale, Matthew, 51, 406, 410- 768n45, 781n22, 787n13-22
415,418-437,441-443,449, Holmes, George, 633n31
452-454, 483, 489-492, 496, HoIt, Lord, 465, 466, 539,
526, 602, 606, 607, 746n31, 772n77
666n126,732-743,752-763, Hooker, Richard, 385-388, 409,
770n53, 780n19, 791n66, 727n6-14
74, 78 Hotman, François, 228, 648nl,
Halley George, 774n91 671n9, 736n66
Harrington, James, 399 Hume, David, 454, 743n15
Hart, H. L. A., 663nll0, Hus, Jan, 87, 89, 256, 638n18,
742n3,755n81 648n78
Hardib, Samuel, 601, 777n7, Hutten, Ulrich von, 102, 206,
788n30, 31 643n51
Hattenhauer, Hans, 649n4, Hyde, Edward, 717n16, 17
678n43
Hawkins, William, 485, 488, Irnerius, 160, 188, 657n52
489, 537, 539, 741nl,
741n56, 753n66, 754n73, James l, Roi d'Angleterre,
772n71 720n34, 727n15, 729n24, 26
Hawles, John, 474, 749n45, 46 Jefferson, Thomas, 49, 50,
Hay, Douglas, 523-525, 631n19
751n56, 759n97, 763n5, Jérôme, saint, 90
768n48, 773n84, 790n60 Jésus, 119,301,313,325,
Heckscher, Eli, 298 709n47
Helmholz, Richard H., 699n15, Jhering, Rudolf von, 161
708n39, 729n30, 763n9, Jean, Prince électeur de la Basse-
780n17, 786n11, 787n16 Saxe, 103
Henti II, Roi d'Angleterre, 105, Jonas, Justus, 312, 708n35
422, 455, 725n1, 738n77 Jones, Mary G., 593, 788n30,
Henri III, Roi d'Angleterre, 422 35,37,40,42,44
Henri IV, Roi d'Angleterre, 117, Justinien, empereur, 3, 35, 82,
338 160, 184-187, 190, 191, 195,
Henri VII, Roi d'Angleterre, 205,220,223,236,237,
350, 352 264,270,272,276,288,
796
INDEX
Lagus, Konrad, 138, 161, 199, Machiavel, Nicolas, 93, 94, 416
211-223, 227, 289, 290, Macke, Peter, 172, 660n93, 95,
648n2, 674n31,33 683n62- 96, 98, 662n102, 663n108,
72, 685n72-88 665n120, 122, 666n126,
Langbein, John, 254, 262, 265, 667n130, 133, 134, 138
525, 688nl-9, 691n16, MacLean, Ian, 648n1, 677n41
692n19, 20, 693n33, Madison, James, 50, 51
694n46, 47, 695n55, 57, Mansfield, Lord, 422, 436, 454,
697n72, 748n40, 44,49, 50, 46, 540, 737n77, 739n87,
751n56, 58,61,62, 753n66, 744n20, 748n36, 37, 761n3,
759n97, 761n2, 764n13, 767n36, 775n1
766n32, 768n50-52, 787n26 Marx, Karl, 16, 113, 620, 621,
Lash, Christopher, 580, 786n9 697n73, 700n19
797
DROIT ET RÉVOLUTION
798
INDEX
799
DROIT ET RÉVOLUTION
Préface.................................................................................. 21
Introduction ......................................................................... 29
L'origine de la tradition juridique occidentale:
la Révolution pontificale......................................................... 34
La première Révolution protestante:
l'Allemagne luthérienne ..... ....................... .............................. 36
La seconde Révolution protestante: l'Angleterre calviniste.............. 40
La Révolution française: le rationalisme déiste............................. 44
La Révolution américaine, tributaire aussi bien des conceptiom
« anglaises» que des conceptions « françaises» .......................... 48
La Révolution russe: le socialisme d'État athée ............................. 53
Une historiographie millénaire ............ ...................... .................. 60
Les premiers systèmes de croyances protestants
et l'II essor» de l'Occident........................................................ 64
Première partie
La Révolution allemande
et la transformation du droit allemand
au XVIe siècle
801
DROIT ET RÉVOLUTION
802
TABLE
Deuxième partie
La Révolution anglaise
et la transformation du droit anglais
au XVIIe siècle
803
DROIT ET RÉVOLUTION
Notes.................................................................................... 627
Index.................................................................................... 793
LES QUARANTES PILIERS
Série Matériaux
Hadrien France-Lanord,
Paul Celan et Martin Heidegger. Le sens d'un dialogue, 2004.
Ernst H. Kantorowicz,
Mourir pour la patrie et autres textes, 2004.
Ernst H. Kantorowicz,
Laudes Regiae. Une étude des acclamations liturgiques
et du culte du souverain au Moyen Âge, 2004.
Ashis Nandy
L'Ennemi intime. Perte de soi et retour à soi sous le colonialisme, 2007.
Clemens Pornschlegel,
Penser l'Allemagne. Littérature et politique aux xl){ et JOr! siècles, 2009.
Émile Poulat
Scruter la loi de 1905. La République française et la Religion,
avec le concours de Maurice Gelbard, 2010
Série SummuLe
Le Façonnage juridique du marché des religions aux États- Unis,
sous la direction de Laurent Mayali,
avec les contributions de Laurent Mayali,
John C. Yoo, Jesse H. Choper et John P. Dwyer, 2002.
Lyne Bansat-Boudon,
Pourquoi le théâtre? La réponse indienne, 2004.
Pierre Legendre,
Ce que l'Occident ne voit pas de l'Occident. Confirences au Japon, 2004.
Jean-Robert Armogathe,
L'Antécrhist à l'âge classique. Exégèse et politique, 2005.
Michel Stolleis,
L 'Œil de la Loi. Histoire d'une métaphore, 2006.
Pierre Legendre
La Balafre. À la jeunesse désireuse ...
Discours à de jeunes étudiants sur la science et l'ignorance, 2007.
Gabriel Le Bras
La Police religieuse dans l'ancienne France, 2010.
Photocomposition Nord Campo
Villeneuve-d'Ascq
Pour l'éditeur, le principe est d'utiliser des papiers composés de fibres natu-
relles, renouvelables, recyclables et fabriquées à partir de bois issus de forêts qui
adoptent un système d'aménagement durable.
En outre, l'éditeur attend de ses fournisseurs de papier qu'ils s'inscrivent dans
une démarche de certification environnementale reconnue.
Cet ouvrage a été imprimé
par CP! Firmin-Didot
Mesnil-sur-l'Estrée
pour le compte des Editions Fayard
en octobre 2011