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« Faute avouée est à moitié pardonnée ». Voilà un dicton que l’on entend depuis notre
plus jeune âge, qui révèle la volonté de nos parents, ou autres, de nous enseigner l’importance
de dire la vérité. En effet, en avouant notre faute, on admet qu’on a agi malicieusement. On
peut donc inférer de ce raisonnement que la vérité peut combler le mal de la faute, et d’une
certaine manière, faciliter notre pardon. Cela implique donc que la vérité peut être bonne à dire.
Dire, ce n’est pas seulement faire l’usage de la parole, c’est articuler des signes pour exprimer
sa pensée, se défendre et convaincre. Ici, on caractérisera la vérité à travers plusieurs contextes :
vérité sentimentale, économique ou politique. A ce titre, on peut penser que la vérité, en tant
que correspondance entre la pensée et la réalité, est bonne à dire, dans le cas où on a besoin de
se défendre. Ce n’est pas toujours le cas : on peut facilement penser d’une situation où la vérité
peut blesser des individus. On se demandera plutôt dans quelle mesure toute vérité est bonne à
dire. Pour ce faire, on étudiera en un premier temps que certes, la vérité n'est pas toujours bonne
à dire, puis nous verrons que, néanmoins, il est notre devoir de dire la vérité, et nous observerons
enfin que, pour dire la vérité, il faut s’y prendre avec grand soin.
Tout d’abord, nous allons analyser le fait que la vérité peut être néfaste à dire, à travers
les effets que l’annonce de la vérité peut avoir sur celui qui la dit comme sur celui qui l’entend.
Grâce à cela, on analysera en un troisième temps le mensonge (direct ou par omission) qui peut
paraître justifié dans certaines instances.
Tout d’abord, voyons en quoi l’annonce d’une vérité peut avoir des conséquences
négatives sur celui qui l’énonce. Supposons que l’on possède une vérité et qu’on veuille la
partager à autrui, sachant qu’autrui n’a pour l’instant pas les connaissances requises pour
atteindre cette vérité. A l’annonce de ce fait, comment réagira-t-il ? Dans ce cas-là, il est
fortement probable que son manque de connaissances l’empêche de prendre du recul sur le sujet
en question, et qu’il se retourne contre nous. Cela est arrivé de nombreuses fois dans l’histoire,
prenons notamment l’exemple de Galilée. Cet astronome italien du XVIIe siècle soutient la
thèse héliocentrique et dénigre la thèse géocentrique soutenue par l’église. Bien qu’il ait détenu
la vérité par rapport au mouvement de la Terre autour du Soleil, il a été condamné pour hérésie
et a dû renier ses découvertes. Voyons donc que cet exemple est assez intéressant, car on y voit
clairement que les dogmes religieux s’opposent à la vérité jusqu’au point où celui qui possède
la vérité est jugé hérétique. Voilà ce que défend Platon dans L’Allégorie de la Caverne. Dans
ce texte, Platon dépeint la quête de la vérité qui est fondé sur un triple effort humain. Platon
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représente cette quête de la vérité par l’aventure d’un homme en dehors d’une caverne,
s’échappant difficilement de l’obscurité pour atteindre la lumière aveuglante, symbole de la
vérité. Le dernier effort que doit faire l'humain, alors devenu philosophe est de redescendre
dans la caverne pour libérer ses anciens compagnons prisonniers. Il doit d'abord trouver en lui
le courage de retourner dans un lieu dont il a eu tant de mal à̀ s'échapper. La tentation est grande
pour le philosophe de rester au dehors de la caverne afin de contempler l'intelligible et de jouir
du plaisir de connaître. C’est ici que l’on remarque les dangers d’exposer la liberté, car le
philosophe, en instruisant les autres prisonniers, peut rencontrer de nombreuses difficultés. En
effet, les captifs peuvent refuser la souffrance qu’implique l’obtention de la vérité, et, ainsi,
rejeter le philosophe. Platon explique que les captifs pourraient tuer le philosophe, ce qui est
une référence à Socrate, qui fut condamné à boire de la cigüe à cause de son enseignement
philosophique.
Au-delà d’avoir ces conséquences terribles sur son détenteur, la vérité peut causer bien
du mal à quiconque qui l’écoute. Bien évidemment, la vérité peut nuire à quelconque esprit qui
n’y est pas préparé. Quand on donne une vérité à quelqu’un, on suppose que cette personne ne
la possède pas déjà. Rien que cela peut créer, en la personne qui entend la vérité, un sentiment
d’infériorité qui sera mêlé à de la tristesse ou de la haine, ce qui prouve que la vérité peut avoir
un effet négatif sur son auditeur. De plus, supposons une situation où tout le monde est au
courant d’une vérité concernant une personne X, tandis que cette personne elle-même ne soit
pas au courant. Lorsque cette personne apprendra cette vérité, il sera non seulement surpris et
ému par cette vérité, mais le choc de savoir qu’autant de personnes étaient au courant sans que
lui ne le sache créera une peine bien plus grande. C’est ce que l’on peut apercevoir dans The
Truman Show réalisé par Peter Weir. En effet, ce film met en avant la vie de Truman Burbank,
interprété par Jim Carrey. Ce que Truman ne sait pas, c’est qu’il vit au sein d’un plateau télévisé,
et que chacun de ses gestes sont filmés et retransmis à la télévision, aux yeux du monde entier.
Ici, le monde entier cache la vérité à Truman, ce dernier ne sachant pas qu’il est dans un monde
faux. En effet, lorsqu’il découvre la vérité sur sa condition, il est bouleversé. On comprend donc
que l’obtention de la vérité est néfaste, mais que la douleur est amplifiée par le fait que d’autres
soient au courant de sa propre condition sans que lui-même le soit.
C’est en analysant de tels cas où la vérité est néfaste tant bien pour celui qui la dit que
pour celui qui l’écoute que l’on peut penser qu’un mensonge ou qu’un secret peut être justifiable.
En plus d’être justifiable, il semble même que le mensonge est un chemin plus « facile » à
emprunter dans ce genre de situations délicates. Nous pouvons considérer le mensonge
« direct » ainsi que le mensonge par omission. Le premier consiste à dire quelque chose de faux
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volontairement, tandis que le deuxième consiste à ne pas dire toute la vérité. Ainsi, ces deux
types de mensonge peuvent être utilisés comme moyen de modifier la vérité pour ne pas blesser
l’auditeur ainsi que pour empêcher toute sorte de représailles sur celui qui l’énonce. Prenons
l’exemple des « Justes », personnes non-juives qui ont aidé un ou plusieurs juifs à se cacher
lors de la seconde guerre mondiale. Ces personnes ont été contraints de mentir aux soldats
Allemands, dans l’optique de protéger des citoyens. On comprend donc, une fois de plus, que
le mensonge peut être « plus bon » que la vérité, lorsque bon désigne une action capable de
faire le bien d’autrui.
En somme, on a vu que la vérité peut paraître destructrice car elle peut avoir un effet
néfaste tant bien sur celui qui la dit que sur celui qui l’entend, ce qui justifie certains types de
mensonges qui ont pour objectif d’être bons. Ainsi, on peut comprendre que la vérité n’est pas
toujours bonne à dire. Si nous avons démontré que toute vérité n’est pas bonne à dire, il demeure
pour autant qu’il est notre devoir de dire la vérité.
Cependant, si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, il incombe aussi du devoir de
l’Homme d’y faire face. En effet, que ce soit à travers la religion, la société, ou bien la morale,
les arkhês, les principes humains se fondent tous sur le pilier qu’est la vérité.
La religion, du latin « religio », de « relegere », qui signifie recueillir, rassembler, est
l’ensemble de croyances et de pratiques relatives au sacré. Que ce soit dans la religion
chrétienne, juive ou musulmane, les adeptes sont censés suivre certains commandements qui
« permettent aux hommes de construire une vie libérée de l'esclavage, selon le précepte
fondamental de l'amour de Dieu et du prochain. ». Ces commandements, que l’on appelle les
Dix Commandements ou bien « Décalogue », sont indispensables à la compréhension de la
religion. En citant le neuvième commandement : « Tu ne porteras pas de faux témoignage
contre ton prochain », on comprend que la nécessité de dire la vérité se présente souvent comme
un impératif sacré qu’il ne faut pas remettre en question. Ainsi, trois des religions les plus
influentes dans le monde reposent sur la nécessité de ne pas mentir, et donc de dire la vérité,
car le « mensonge » dans les textes religieux s’oppose à la vérité. A travers l’étude des
fondements de la religion, on aperçoit que nous devons dire la vérité, car tel le suppose notre
éducation religieuse. Cependant, l’argument d’autorité n’est pas suffisant. Il est donc aussi
accompagné d’une contrainte sociale.
En effet, si, au sein d’une société, personne ne dit la vérité, alors les citoyens ne peuvent
réellement se faire confiance. Le besoin de confiance mutuelle entre des membres est une
condition sociétale. A quoi bon vivre en société si on ne peut faire confiance à qui que ce soit ?
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Dire la vérité renvoie à une exigence sociale sachant que c’est la condition de la confiance
mutuelle entre les membres et, par suite, de la vie en société. La vie sociale est fondée sur des
contrats qui présupposent la confiance. Si l’on ne dit pas la vérité à autrui, alors on lui ment. Ce
mensonge crée alors la perte de confiance d’autrui vis-à-vis de nous. Enfin, si on vient à avoir
besoin d’autrui, autrui pensera qu’on se moque de lui, ou que l’on ment à nouveau, et ne viendra
pas nous aider, ce qui met en péril le principe de société. Référons-nous donc à une fable
d’Ésope : L’enfant qui criait au loup. Ce conte illustre assez bien notre thèse : un enfant, qui
s’amuse à crier au loup alors qu’il n’y a aucun danger, finit par perdre la confiance des villageois,
qui ne viennent pas le secourir le jour où le danger se présente véritablement. L’enseignement
d’Ésope montre donc qu’une trop grande perte de confiance en société est nuisible à un individu,
ce qui montre qu’il ne faut pas négliger le besoin et l’importance de dire la vérité à autrui, peu
importe le contexte. Or, nous savons que la société implique aussi la morale, et donc que la
vérité peut être, en plus d’une obligation sociale, une obligation morale.
Voyons à présent la vérité non pas comme une obligation sociale, mais aussi comme un
principe moral qu’il faut impérativement appliquer à soi-même. La morale peut être définie
comme « l’ensemble des règles et normes de comportement relatives au bien et au mal, au juste
et à l'injuste, en usage dans un groupe humain ». Pour Kant, la moralité d’une action dépend de
la qualité de son intention. Ai-je agi dans le seul but de faire mon devoir, de telle sorte que la
maxime de mon action puisse être universelle ? Le mensonge ne peut être universalisé, donc on
en déduit que l’expression de la vérité en tant qu’opposition au mensonge est un principe moral
universel. D’ailleurs pour Kant, « Le mensonge est le rejet et pour ainsi dire l’anéantissement
de la dignité humaine ». Le menteur n’est pas homme mais une apparence trompeuse de
l’homme car le menteur renonce à ce qui le fait homme, c’est-à-dire à la finalité naturelle de
communiquer ses pensées. Kant exprime donc clairement que la vérité fait de nous des hommes,
par le fait qu’elle nous accorde une certaine dignité. La vérité est donc un principe moral
indispensable à notre réalisation en tant qu’être humain.
En somme, nous avons exploré le fait que l’expression de la vérité est indispensable à
la religion, ce qui explique en contrepartie que dire la vérité est essentiel au fonctionnement de
la société, ainsi qu’à la préservation de la morale humaine. On en déduit donc que dire la vérité
découle de nécessités religieuses, sociales, et morales.
Toutefois, vu que toute vérité n’est pas bonne à dire, mais qu’il est notre devoir de les
dire, il est légitime de nous interroger à présent sur les moyens de révélation de la vérité. Pour
dire la vérité, il faut savoir comment s’y prendre. A travers cette dernière partie, nous nous
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Blas, bien que mort, obtient le pardon de la Reine. Ainsi, cet exemple illustre la citation de
Jankélévitch qui explique que la vérité est bonne dans certaines mesures, le temps en étant une.
En somme, on voit donc à travers l’œuvre de Jankélévitch que la vérité doit être
annoncée en prenant certaines précautions linguistiques et temporelles. Ainsi, la valeur de la
vérité peut varier si elle est révélée dans les meilleures circonstances possibles.
Pour conclure, nous avons vu dans quelle mesure toute vérité est bonne à dire. Pour ce
faire, nous avons vu en un premier temps que certes, certaines vérités ne sont pas bonnes à dire
car elles peuvent avoir un effet négatif sur celui qui la dit comme sur celui qui l’entend, ainsi
justifiant le mensonge. Nous avons néanmoins vu en un deuxième temps que toute vérité doit
être dite, à travers les enjeux de la morale, de la société et de la religion. Enfin, notre
raisonnement nous a amené à nous demander si la manière d’annoncer la vérité d’un point de
vue linguistique ou temporel exerçait une influence sur la valeur de cette vérité. On en parvient
donc à la conclusion que toute vérité n’est pas forcément bonne à dire, mais doit être dite, en
utilisant les bons moyens de l’exprimer.