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Séquence III : Science

Fiche RAISON
Définition : La raison (faculté de la conscience)
Du latin ratio, « calcul », la raison est la faculté propre de l’esprit humain qui lui permet de
- Connaître (« rationnel ») / expliquer / justifier
- Juger (théorique et pratique)
- Distinguer le vrai du faux, le bien du mal
- Agir conformément à des règles et des principes moraux (« raisonnable »)
Le mot « raison » renvoie aussi au grec logos, qui désigne à la fois la parole, le discours et la faculté de penser.
→ La raison est une faculté à la fois théorique et pratique : elle permet de connaître (domaine de la connaissance), de juger et d’agir (domaine moral).

Domaine théorique

Question 1 : La raison est-elle le propre de l’homme ?


Chapitre 1 : Connaître
Séquence I : Que me permet de connaître la conscience ?
Séance 1 : La conscience est-elle le propre de l’homme ?

ARISTOTE, Politique (IVe s.) : L’homme seul possède la parole par laquelle il exprime sa raison. Distinction voix (phonè) qui permet aux animaux de manifester leurs sensations VS
parole (logos) qui permet à l’homme d’exprimer
- sensations,
- mais aussi valeurs et notions abstraites (utile/nuisible, juste/injuste)
- et formulation de règles de vie en société.
La parole fait de l’homme un animal politique : capacité de penser, de parler, de s’accorder avec ses semblables VS animal qui se limite à ses besoins biologiques (instinct).

MONTAIGNE, Essais (XVIe s.) : Montaigne considère que la frontière entre l’homme est l’animal est moins nette qu’il n’y paraît. Pour ce philosophe sceptique, la raison ne
garantit pas l’accès à la vérité car les hommes se trompent souvent. Ils pensent avoir raison alors qu’ils ont tort. Les hommes n’ont pas tjrs conscience des limites de leurs
connaissances.
L’homme a longtemps cru qu’il était supérieur aux animaux, mais de nbx phénos témoignent d’une intelligence animale : langage, habileté technique, sociabilité → Les animaux
sont capables de réalisations qui relativisent l’idée que la raison est le propre de l’homme.

DESCARTES, Discours de la méthode (XVIIe s.) : Il faut distinguer intelligence et raison. L’intelligence désigne l’ensemble des qualités de l’esprit : mémoire, intuition. L’intelligence
animale relève de l’instinct (loi que la nature prescrit à l’animal), alors que la raison permet à l’homme de réfléchir par lui-même. La raison donne à l’homme une capacité
d’autonomie : la possibilité de formuler les règles et les valeurs qui soutiennent ses pensées et ses actes. Grâce à la raison, l’homme apprend à devenir rationnel et raisonnable
en osant penser et se déterminer par lui-même.
Séquence III : Science
Domaine théorique

Question 2 : Peut-on rendre raison de tout ?


Chapitre 1 : Connaître
Séquence III : La science peut-elle tout expliquer ?
Séance 1 : Qu’est-ce que la science ?

A/ Vouloir rendre raison de tout : un projet ambitieux mais légitime


D’un pt de vue théorique, rendre raison signifie expliquer un phénomène = en dégager les causes.
Exemple : rendre raison de la fumée en la rapportant au feu qui en est la cause.
D’un pt de vue pratique, rendre raison de ses paroles et de ses actes signifie : les justifier.
Exemple : le parent justifie la punition qu’il donne à un enfant en lui en indiquant les raisons.
→ Vouloir rendre raison de tout = projet ambitieux mais légitime qui se rapporte à un idéal de connaissance complète de soi et du monde.
→ Auguste Comte, Cours de philosophie positive (XIXe s.) : La raison doit chercher à tout expliquer car cela permet le progrès et donne à l’homme un pouvoir sur le réel :
« Savoir pour prévoir, afin de pouvoir »

B/ Rendre raison de tout : un projet impossible et inutile ?


Rendre raison de tout : un idéal démonstratif impossible à atteindre car :
a/ l’homme s’interroge sur des choses dont il ne peut pas faire l’expérience
b/ toute démonstration repose sur des principes qu’il faut avoir préalablement démontrés

Or tenter de rendre raison de tout serait une tâche infinie, voire même impossible car :
a/ nous sommes limités dans notre connaissance par l’expérience
b/ étant premier, on ne peut pas démontrer un principe
Pascal, Pensées : Il ne faut pas cherche à rendre raison de tout car c’est une tâche absurde. La raison doit admettre son impuissance et laisser une place à l’intuition :
« Le cœur a ses raisons que la raison ignore ». Cette citation de Pascal signifie que la raison a pour fonction de démontrer, mais c’est le cœur, c’est-à-dire l’intuition qui permet
de saisir les premiers principes et les vérités religieuses (que la raison est incapable de démonter).

C/ Faut-il renoncer à rendre raison de tout ?


On ne peut pas rendre raison de tout : il faut limiter le domaine d’application de la raison. Ces limites ne signifient pas un échec de la volonté de connaissance. Il s’agit plutôt de
réduire le champ d’investigations de l’homme pour qu’il puisse véritablement assurer son savoir. La raison détermine, par elle-même, les limites à l’intérieur desquelles un discours
rationnel est possible.
Kant, Critique de la raison pure : Il faut délimiter le champ de la connaissance rationnelle et celui de la croyance. La croyance a une fonction pour l’homme, elle lui permet
d’espérer et donner du sens à son existence, mais elle ne doit pas être confondue avec le savoir.
Il faut donc trouver un juste milieu entre la volonté de tout démontrer, impossible à satisfaire, et le refus de tte démonstration qui serait un renoncement à la vérité. C’est dans
l’xp de ses limites que la raison est capable de progresser.
Séquence III : Science
Deux textes à connaître :

Les limites de la raison La connaissance des premiers principes se fait par intuition

Texte 1 : KANT, Critique de la raison pure, Préface de la 1ère édition (1781-1787) Texte 2 : PASCAL, Pensées, fragment 110, éd. Lafuma, 1670
Il est dans la nature de la raison de se poser des questions auxquelles elle ne peut Certaines vérités échappent à la raison. Celle-ci ne peut pas tout connaître, il faut parfois
répondre, car elles dépassent toute expérience possible. lui substituer un autre principe de connaissance : « le « cœur », l’intuition.

« La raison humaine a cette destinée singulière, dans un genre de ses connaissances, « Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C’est
d'être accablée de questions qu'elle ne saurait éviter, car elles lui sont imposées par sa de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que
nature même, mais auxquelles elle ne peut répondre, parce qu'elles dépassent le raisonnement, qui n’y a point de part essaie de les combattre. Les pyrrhoniens, qui
totalement le pouvoir de la raison humaine. n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons
Ce n'est pas sa faute si elle tombe dans cet embarras. Elle part de principes dont l'usage point. Quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance
est inévitable dans le cours de l'expérience et en même temps suffisamment garanti par ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l’incertitude de
cette expérience. Aidée par eux, elle monte toujours plus haut (comme du reste le toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car les connaissances des premiers
comporte sa nature), vers des conditions plus éloignées. Mais, s'apercevant que, de principes : espace, temps, mouvement, nombres, sont aussi fermes qu’aucune de celles
cette manière, son œuvre doit toujours rester inachevée, puisque les questions n'ont que nos raisonnements nous donnent et c’est sur ces connaissances de cœur et de
jamais de fin, elle se voit dans la nécessité d'avoir recours à des principes qui dépassent l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle y fonde son discours. Le cœur sent
tout usage possible dans l'expérience et paraissent néanmoins si dignes de confiance qu’il y trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis et la raison
qu'ils sont même d'accord avec le sens commun. De ce fait, elle se précipite dans une démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit double de l’autre.
telle obscurité et dans de telles contradictions qu'elle peut en conclure qu'elle doit Les principes se sentent, les propositions se concluent et le tout avec certitude quoique
quelque part s'être appuyée sur des erreurs cachées, sans toutefois pouvoir les par différentes voies – et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au
découvrir, parce que les principes dont elle se sert, dépassant les limites de toute cœur des preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule
expérience, ne reconnaissent plus aucune pierre de touche de l'expérience. Le terrain que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle
où se livrent ces combats sans fin se nomme la Métaphysique. » démontre pour vouloir les recevoir. »
Séquence III : Science
Domaine pratique
Question 3 : Faut-il être toujours raisonnable ? (Bonheur/devoir/raison)
La raison renvoie au désir de vérité, mais aussi au fait de pouvoir rendre compte de ses actions. Être raisonnable, c’est suivre sa raison dans le domaine pratique, et ne pas se laisser emporter par
ses passions. Mais toujours obéir à sa raison ne nous fait-il pas prendre de risque de confondre le bonheur avec une vie sans saveur ?

A/ La vie bonne : harmonie et mesure


Dans l’Antiquité, recherche du bonheur associée à la raison. Contre l’excès des désirs et des passions (colère, jalousie) qui troublent l’esprit et le corps, il faudrait mener une vie
conforme à la raison. Chez les Grecs, opposition entre
- hybris = démesure qui conduit les homme au malheur et à l’immoralité
- la mesure, garantie par la raison, qui permet d’atteindre le bonheur.
• Bonheur = état de satisfaction durable, plénitude
Pour les Grecs, le bonheur est associé à
- l’ataraxie = aucun trouble de l’âme, sérénité
- l’aponie = aucun trouble physique, tranquillité du corps
• Comment atteindre cette plénitude de l’âme et du corps qui caractérise le bonheur ?
Platon, La République : l’âme humaine est divisée en 3 instances :
1/ la raison, qui correspond à la tête,
2/ l’ardeur, qui renvoie au cœur
3/ les désirs qui se rapportent au ventre.
Le bonheur correspond à une harmonie entre ces 3 instances : la raison doit discipliner les passions pour permettre la tranquillité. Au contraire, être déraisonnable conduirait au
malheur.

B/ Une vie d’ennui ou de folie ?


Dans le Gorgias, Platon expose 2 positions opposées :
a/ D’un côté, Socrate considère qu’il faut se détourner des désirs qui troublent le corps et l’esprit. Pour Socrate, le désir est comparable à un tonneau percé (tonneau des Danaïdes
qui se vide à mesure qu’on le remplit). Socrate défend l’idéal de mesure et de vie conforme à la raison : plénitude.
b/ D’un autre côté, Calliclès critique cet idéal qu’il compare à l’existence d’une pierre → non souhaitable pour l’homme. Pour Calliclès, Socrate confond bonheur et ennui. Une
vie raisonnable serait une existence ennuyeuse et fade. Au contraire, Calliclès considère que pour être heureux, l’homme doit réaliser ses désirs. Il doit savoir prendre des risques,
et faire place à l’imprévisible et à l’excès. Il faudrait savoir jouir pleinement de l’existence en acceptant les troubles qu’implique le désir.

C/ Vivre selon la raison peut-il être une aventure ?


Faut-il nécessairement opposer raison et intensité de vie ? En réalité, on peut considérer qu’il est raisonnable de savoir prendre des risques et de se laisser aller.
Dès lors, il ne faut pas confondre une vie raisonnable avec une complète maîtrise de soi.
Puisqu’on ne peut pas prévoir toutes les conséquences de nos actions, car l’avenir est contingent, alors la raison implique un calcul des chances qui n’exclut pas l’audace.
Aristote, Ethique à Nicomaque : La vertu qui permet de déterminer les risques qu’on prend en agissant est la prudence : phronesis en grec. Pour Aristote, la phronesis (jugement
et discernement) est la vertu de l’homme sage. Elle est la qualité qui permet de prendre des décisions en faisant preuve de discernement, en réfléchissant sur les conséquences,
toujours imprévisibles de nos actions. Elle est une des conditions du bonheur.

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