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Etude d’un sujet par rapport au texte analysé du Premier texte de la Préface à la seconde édition de la Critique de la Raison Pure

de Kant

Le texte en question est le suivant : « Si dans le travail que l’on fait sur des connaissances…..chercher dans les sciences proprement objectivement de ce
nom »

« Faut- il éviter de se contredire ? »


 1 Analyse du sujet

Notons dans un premier moment que l’intitulé du sujet présuppose que la contradiction est évitable et qu’elle relève de la volonté.

« Faut-il » veut dire ce que l’on doit faire. Ce que l’on doit faire peut s’entendre en plusieurs sens. On peut choisir d’être cohérent avec ce que l’on a dit
précédemment, mais consister à être cohérent alors que nous sommes dans l’erreur peut être fautif. La contradiction peut alors être fautive. Il s’agirait non
d’une erreur de jugement mais d’une faute. Se contredire pour se tirer d’affaire est mentir. A contrario, lorsque je me contredis par manque d’attention, je
commets une erreur puisque l’erreur est essentiellement un défaut d’attention. Dans ce sens, ma pensée ne s’accorde pas avec elle-même et je me trompe.

Eviter de se contredire, cela veut donc éviter de parjurer ou éviter de se tromper. La contradiction est une défaillance de la raison. Cependant, pour que l’on
puisse dire qu’il faut éviter de se contredire, il faut penser que la contradiction est évitable. Puis-je exercer un contrôle sur ma pensée ? Puis je être certain de la
vérité que j’énonce ? Si je me trompe, en quoi cette pensée qui affirme la contradiction est –elle nécessaire alors même que si je me trompe c’est parce que
mon attention n’a pu identifier l’erreur et la dépasser ?

Nous comprenons alors que la contradiction ne va de soi et qu’il n’est pas facile et peut être pas toujours recommandable de tout faire pour que la contradiction
soit faite. Si contredire vise le rétablissement de la vérité, la contradiction notamment dans la vie courante ne vise pas la vérité désintéressée mais peut être
parjure car elle a des fins intéressés.

La problématique de ce sujet est de comprendre la nature et le statut de la vérité. La vérité est-elle nécessairement la visée de mon discours ? Ou peut-elle être
indifférente ? Si la vérité est ce que je vise en quoi alors la contradiction renforce ma raison et la recherche de la vérité elle-même ?

 2 comment utiliser le texte de référence ?

La seconde préface à la CRP nous montre en quoi une pensée qui prétend à une vérité ne peut se contredire. Une pensée contradictoire qui viole le principe
de non contradiction n’est tout simplement par une pensée car deux propositions contraires ne peuvent être tenues ensemble. La non-contradiction est une
exigence logique mais aussi l’exigence de toute condition de possibilité de la science (on peut d’ailleurs montrer que ce qui vaut en science, ne le vaut pas
toujours dans la vie courante).

Toutefois, ce qui valide dans le domaine formel de la pensée, ne suffit pas à établir la vérité du discours. La forme non contradictoire du discours permet
certes de conclure probablement à une validité logique et formelle mais à la vérité de l’objet car être non contradictoire sur la forme ce n’est pas affirmer
quelque chose de l’objet. Or la vérité est le jugement établi entre une pensée et un objet de connaissance. En conséquence de quoi, la non contradiction ne
suffit pas à établir la vérité de l’objet de connaissance. La contradiction doit être évitée dans le domaine formel de la connaissance, mais elle n’est qu’une
forme négative de cette connaissance.

Corrélativement, toute contradiction n’est pas évitable : la métaphysique science du supra- sensible, qui est un besoin de la raison, tombe dans des
contradictions car l’existence de Dieu ou sa non existence peut être pensé mais ne peut pas être connu dans la voie sûre d’une science si l’on refuse à
l’homme raisonnable l’intuition intellectuelle. L’absolu comme objet ne peut être que pensé. En d’autres termes, les objets métaphysiques constituent des
problèmes dans le domaine de la connaissance mais demandent à être pensés pour nous réaliser en tant qu’homme. Penser l’absolu, penser la liberté
constitue un besoin plus nécessaire à notre humanité que le formalisme logique.

En conclusion, la contradiction est donc le signe du problème que se saisit dès la Préface la CRP afin de nous montrer que toute connaissance n’est pas
science et que prétendre penser sans connaître ne constitue certainement pas une humiliation de la raison mais bien plutôt sans grandeur, lorsque afin
d’éviter les illusions transcendantales, l’impossibilité d’affirmer le savoir d’un objet métaphysique, la raison énonce des idées dites transcendantales qui
satisfont notamment notre besoin de penser la liberté et la réaliser dans le monde.

 3 devoir possible

Il va de soi que dire que la contradiction est possible (thèse), mais qu’elle doit être impossible dans les sciences (antithèse) mais que finalement elle vaut pour la
vérité, est le stéréotype du devoir déficient. Il est déficient car il n’a y aucune problématique et ne permet pas de faire évoluer la réflexion philosophique.

Il est donc nécessaire de reprendre notre analyse et de noter que la question dégage un présupposé (la contradiction serait évitable et relèverait de la volonté).
La problématique posée par la question est la suivante : à quelles conditions la contradiction peut-elle être considérée comme pas la simple déficience d’une
pensée inattentive ? Qu’est-ce que cela implique pour la recherche de la vérité ?

Plan possible

I) Qu’est ce contredire ?

Définir la contradiction et examiner la nature de la contradiction. La faute logique c’est-à-dire l’erreur. La faut logique correspond au non-respect des règles
formelles de la pensée. Elle est involontaire, mais qu’est-ce que cela implique-t-il dans le domaine de la pensée, mais aussi de vérité et de la connaissance ?
Quant à la contradiction volontaire dans un rapport à autrui, elle consiste en une mauvaise foi (rapport de l’homme de mauvaise foi chez Sartre ou Callicles du
Gorgias de Platon) ou ce qui est différent de la malhonnêteté intellectuelle. En quoi consiste cette dernière et pourquoi agir intellectuellement ? Dans les deux
cas, il s’agit d’instituer un rapport de force qu’un véritable dialogue ou la recherche de la vérité ou celle d’une action libre car authentiquement fondée sur la
volonté et la raison.

II) Que vaut la contradiction ?

L’analyse s’effectue à deux niveaux : au niveau logique et au niveau moral.

Que vaut alors la contradiction logique ? Ne vaut-elle rien et annule-t-elle mon discours si mon discours est nécessairement faux ?

Quant à la contradiction morale, elle supprime toute vérité dans son rapport à autrui et on se ment à soi-même : quelle humanité vouloir à ce prix ? Quelle
confiance fondé si la vérité est infondée ?

En tant que faute morale, je dois (Sollen) l’éviter et en tant que faute logique je dois ( muss) l’éviter. La contradiction constitue l’impossibilité d’accéder à la
vérité. Elle une impasse logique et morale.

L’éviter, cela signifie-t-il que je le puisse toujours ? Si je le peux pas (muss) cela signifie –t-il que mon entendement faculté des règles est impuissant ou bien
plutôt qu’en tant que producteur de règles, nous devons les dépasser ? Quelle est alors la fonction de la raison ? (confère « problème général de la raison pure
dans l’introduction à la Critique de la Raison Pure de Kant)

III) Puis-je et dois-je dépasser la contradiction ?

Reprenons la question. En tant qu’erreur c’est-à-dire comme nous l’avons déjà montré, en tant que résultat dû à notre inattention aux règles formelles de la
pensée, la contradiction semble aisément être levée. En tant que nécessairement produite par mon entendement, la contradiction peut être surmontée par la
raison lorsque nous la confrontons à son pouvoir et à sa limitation. Les systèmes logiques sont clos sur eux-mêmes (confère Préface concernant la
problématique de la logique) et la contradiction vient souvent en raison de la pensée posant les objets hors de toute expérience possible (Dieu, l’immortalité de
l’Ame) et croyant pouvoir prétendre à tort à un savoir de cet objet. Il s’agit d’une illusion transcendantale qui ne conduit qu’à la ruine d’une pensée conséquente
et vraie. En réalité, la contradiction fait avancer la pensée comme nous le montre avec sagesse et brio Socrate dans le Gorgias en 457 et 458. Assigner une
fonction de vérité à notre énoncé implique d’accepter l’hypothèse que notre énoncé puisse être réfuté à titre provisoire (458b). La vérité à tout prix n’est que
le signe de notre impuissance et de notre incapacité à penser. A l’instar de Popper dans la LOGIQUE DE LA DECOUVERTE SCIENTIFIQUE chapitre 3, page 65, un
énoncé est vrai non pas parce qu’il n’est pas vérifiable mais parce qu’il est réfutable. Le critère de falsifiabilité est le critère qui nous est donné qui nous permet
d’énoncer ce qui est vrai et scientifique et ce qui ne l’est pas. Qu’une thèse soit réfutée plutôt que vérifiable constitue une plus grand bien dans le domaine du
savoir (et de la question : qu’ai-je le droit de dire et de connaître ?) parce que cela nous permet de mieux appréhender la vraie vie, les phénomènes, les lois de la
nature. Si notre thèse était constamment vérifiable et non réfutable, il n’y aurait plus aucun progrès dans le domaine du savoir. Nous aurions la prétention de
tout connaître alors que notre savoir serait faux. L’originalité de la thèse de Socrate est de montrer que la réfutation de sa thèse « je suis quelqu’un qui est
content d’être réfuté, quand ce que je dis est faux » et en 458a et au 458a-b « auquel il ne me plaît pas moins d’être réfuté que de réfuter ». C’est pourquoi,
nous pouvons conclure avec Socrate « aucun mal n’est plus grave pour l’homme que de se faire une fausse idée » parce que si nous ne doutons jamais de
notre savoir, jamais de nous-même, nous accepterions sans aucun doute les préjugés de notre enfance, l’imagination souvent trompeuse et des théories qui
semblent belles mais ont dû être réfutées : celle vieille de plus de 2000 ans et communément admise, le géocentrisme, qui place la Terre au centre de l'univers
réfutée par l’idée révolutionnaire de l’héliocentrisme développée par Nicolas Copernic.

Conclusion :

La contradiction n’est pas à vouloir. Elle n’est pas visée. Cependant, sans contradiction, nos jugements, la vérité de nos énoncés deviendraient dogmatiques. Si
la pensée contradictoire est bien une pensée fausse, la contradiction conduit à la pensée vraie si elle est fondée rationnellement et vise la recherche de la vérité.
De même dans le domaine moral, une pensée qui accepte de se contredire pour ne pas s’interroger sur son bienfondé, est dépourvue de valeur. La contradiction
constitue certes un vrai problème, mais sans problème, la pensée penserait à vide. La pensée qui ne se heurterait jamais à la contradiction n’est pas même
inaugurée comme pensée. S’il faut donc éviter de se contredire, il ne faut pas éviter la contradiction, mais en prendre acte, la comprendre, la dépasser, afin de
pouvoir continuer à penser et à être un homme.

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