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UNIVERSITE DE GOMA

UNIGOM

FACULTES DES SCIENCES JURIDIQUES

Dispensé par : Prof. KITAGANYA

TP D'HISTOIRE DU DROIT

Effectué par : ISHIMWE RUBUGA Joliette


ANNEE ACADEMIQUE 2022-2023

Peut-on dire que cette maxime témoigne d’une forme de scepticisme (c’est-à-dire
qu’elle reflète l’opinion selon laquelle l’homme ne peut rien savoir avec certitude) Pas
vraiment. Tout d’abord « je sais » quelque chose que je ne sais rien. Il y a donc au moins un
savoir certain. Par ailleurs, « je ne sais rien », certes, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a rien
à savoir. Mon ignorance a une origine subjective et contingente, elle est factuelle : c’est parce
que je m’attache à des erreurs, des opinions fausses, des illusions, c’est-à-dire à tout ce qui est
le plus bruyant en notre monde, que je m’égare. Mais en droit et dans l’absolu, il y a bien
quelque chose à savoir et certains ont la capacité de le saisir. Cependant, ce qui est objet du
savoir véritable nous dépasse la plupart du temps.

Dans un premier temps faisons le ménage et définissons un peu les termes de cette
mystérieuse affirmation !.
Qu’est-ce que « savoir » ? le premier sens de « savoir » est « Appréhender par l'esprit, avoir
la connaissance complète de, pouvoir affirmer l'existence de ». Savoir c’est donc posséder la
connaissance de manière certaine et totale de quelque chose. Il n’y a pas de place au doute
dans le fait de savoir. Lorsque l’on affirme « Je sais » on énonce une vérité qui ne donne pas
de place à la remise en question. Savoir c’est être sûr. D’où la différence avec « penser ».
« Je pense que » signifie « Ma pensée/Mon esprit formule l’idée que ». Lorsque l’on pense
on n’affirme rien de plus que sa propre opinion sans lui prétendre quelque portée universelle.
Plus prudent direz-vous, mais un peu moins clinquant aussi ! Si on veut briller en société
mieux vaut savoir que se contenter d’émettre de basses hypothèses... Savoir c’est être au-
dessus de ceux qui ne savent pas et qui se roulent dans la fange de l’ignorance ! Socrate
affirme donc dans sa maxime que la seule chose dont il ait une connaissance complète et
certaine est sa propre ignorance. Du reste il ne sait rien.
Ce qu’il y a derrière cette citation c’est une maxime de vie, un état d’esprit. Être conscient
que l’on ne sait pas c’est être conscient qu’un autre regard que le nôtre existe sur les choses et
qu’il peut être tout aussi valable. Si je sais, je ne me soucie pas des autres opinions puisque la
mienne est la vérité (elle a dépassé le stade de l’opinion). Quand j’admets ne pas savoir je
m’ouvre au dialogue, à l’examen d’un autre point de vue et à une vérité plus juste car plus
complète. [Citation fétiche : « Penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien si nous ne
pensions pas pour ainsi dire en commun ? » Kant].

Quand on lit les dialogues socratiques on remarque d’ailleurs l’acharnement avec lequel
Socrate assomme de questions ses interlocuteurs. Mais ce questionnement sert justement
d’examen à la pensée. Socrate ne dit pas « Les choses sont ainsi ». Il répond au sophiste qui
lui, pense savoir, « Tu crois que les choses sont ainsi ? Bien. Mais que fais-tu de cela ? Quelle
est la place de ceci dans ton hypothèse ? Est-ce toujours vrai dans le cas que je te présente ? ».
L’objectif visé c’est la remise en question. La vérité n’est écrite nulle part sur cette Terre et
nul ne pourra jamais affirmer que ce que nous prenons pour vrai est effectivement vrai. Nous
ne vivons qu’avec des vérités admises, construites, dont nous n’aurons jamais la garantie
Accepter que l’on ne sait rien c’est pulvériser instantanément les préjugés, les lieux communs,
les a priori et donner un grand coup de balai sur tout ce qui nous encombre d’idées préconçues
et de certitudes, sur tout ce qui nous empêche de raisonner et de laisser libre cours à ce
merveilleux outil qu’est l’esprit. Reconnaître sa propre ignorance c’est s’offrir un regard neuf
sur le monde, un regard d’enfant, qui observe et prend les choses pour ce qu’elles sont.
Libérée du carcan étroit de nos petites convictions, la pensée peut réellement s’exercer. Car la
finalité n’est pas le savoir, qui se périme bien vite, mais la sagesse.

La sagesse socratique, conscience de notre ignorance et des limites de notre savoir, se


présente donc comme un préalable à toute recherche de la vérité. Il faut d’abord se reconnaître
ignorant pour pouvoir partir en quête de ce qui est réellement, par-delà les illusions du monde.
Cette prise de conscience du vide qui nous habite possède une étonnante force motrice. À
l’inverse, celui qui croit savoir ne se met en quête de rien. Dans le Théétète, un dialogue écrit
à la même époque que le Sophiste, Socrate se compare à une accoucheuse, femme qui n’est
plus en âge d’être enceinte mais aide les jeunes femmes à mettre au monde leur enfant. À
l’image de ces maïeuticiennes (Maïa était la déesse qui veillait aux accouchements, et la
maïeutique est l’art de faire accoucher les pensées par le dialogue), Socrate affirme qu’il ne
peut plus produire de savoir mais peut seulement aider les jeunes hommes qui, plein d’un
savoir à naître, sont dans les affres de l’enfantement. C’est parce qu’il est lui-même vide de
savoir qu’il est entièrement au service des autres. Conscient de son absence de savoir, il
l’utilise pour pousser les autres vers le savoir.

L’humilité et la simplicité sont la caractéristique principale qui qualifient un homme


intellectuel.

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