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Pour analyser le sens de cette question, il convient de commencer par définir le concept de « conscience ».
Qu’est-ce que la conscience ? Qu’est-ce qu’un être conscient ? Le mot « conscience » vient du latin cum scientia
qui signifie « avoir savoir/avec connaissance ». Compris dans ce sens, la conscience est la faculté selon
laquelle celui qui agit ou perçoit en même qu’il agit ou perçoit sait qu’il agit ou perçoit. On parle alors de
conscience immédiate comme présence à soi.
Si en tant qu’être conscient, l’homme existe et qu’il se sait en même exister, c’est que la conscience est une
forme de connaissance de soi. On parle alors de conscience réfléchie (capacité à s’extérioriser, à sortir de soi
pour se penser ; l’introspection comme faculté d’observer le cours de la sa vie mentale pour réfléchir sur ses
pensées, ses émotions, ses sentiments)
Cette question de la connaissance de soi est vieille comme la philosophie. Socrate disait déjà « connais toi-toi
même et tu connaitras l’Univers et les Dieux ». Ce faisant, il fait sienne la devise inscrite sur le fronton du
temple de Delphes « Connais-toi toi-même ». Toutefois Socrate en donne une interprétation philosophique et
non religieuse : il s’agit de prendre soin de son âme le temps de son existence. Pour soigner son âme, il faut la
conduire avec raison sur le chemin de la vérité. Ce sera là le programme philosophique de Socrate et au-delà
de toute une partie de la philosophie occidentale – l’idée de dépasser les apparences et de cheminer vers la
vérité qui demeure cachée, dissimulée – la vérité comme aléthéia, c’est-à-dire dévoilement du réel).
Enfin, il convient de s’interroger sur le fait de définir. Qu’est-ce que définir ? En quoi consiste cette opération ?
A première vue, définir, c’est déterminer les propriétés ou les caractéristiques d’une chose ou d’un être qui
permettent de l’identifier et de le distinguer d’autres choses.
Définir, c’est donc déterminer la nature ou l’essence d’une chose, ce qui fait que cette chose est ce qu’elle.
2- Problématique
Qu’est-ce que l’Homme ? Comment définir la créature que nous sommes ? Quels sont les différents aspects ou
dimensions constitutives de l’être humain, de l’être que nous sommes ?
Suffit-il d’invoquer la conscience pour savoir ce qu’est l’Homme ? La conscience est-elle le propre de l’Homme
? Sommes-nous les seuls êtres dotés de conscience de sorte que cette dernière viendrait nous qualifier en
nous distinguant des aux êtres vivants ? Note : Affirmer que la conscience est le propre de l’homme engage
une certaine compréhension de notre place dans le monde et de notre rapport au vivant. Si nous sommes les
seuls êtres conscients alors nous faisons figure d’exception, nous serions des êtres à part dans la nature. Ce
statut d’exception visant à justifier une certaine supériorité de l’Homme est-il justifié ? Cette prétention est-
elle légitime ?
Pour élargir la réflexion, on pourrait aussi se demander s’il suffit d’invoquer la conscience pour savoir ce
qu’est l’homme. La conscience est-elle vraiment une donnée première qui définit la nature de l’Homme dans
toute sa complexité ?
Sommes-nous entièrement maitre de nous-mêmes ? L’être humain ne reste-t-il pas au moins en partie
étranger à lui-même ? N’y a-t-il pas toujours en nous une part d’inconnu, d’inconscient ? Nous sommes
également des êtres de culture, doués de langage et qui entretenons avec autrui des relations complexes.
N’est-ce pas à partir du langage qu’émerge la conscience que nous avons de nous-mêmes ? Que rôle joue
autrui et la société dans la formation de la conscience de soi ?
(…) (Supposons maintenant) qu’il n’y a pas, non point un vrai Dieu, qui est la souveraine source de la
vérité, mais un certain génie, non moins rusé et trompeur que puissant, qui a employé toute son industrie à
me tromper. Je penserai que le ciel, l’air, la terre, les couleurs, les figures, les sons et toutes les choses
extérieures que nous voyons, ne sont que des illusions et des tromperies, dont il se sert pour surprendre ma
crédulité. Je me considérerai moi-même comme n’ayant point de mains, point d’yeux, point de chair, point
de sang, comme n’ayant aucun sens, mais croyant faussement avoir toutes ces choses. Je demeurerai
obstinément attaché à cette pensée…et préparerai si bien mon esprit à toutes les ruses de ce trompeur que
pour puissant et rusé qu’il soit, il ne me pourra jamais rien imposer (…) Il y a un je ne sais quel trompeur
très puissant et très rusé qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc point de
doute que je suis, s’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je
penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes
choses, enfin il faut conclure et tenir constant que cette proposition : « Je suis, j’existe » est
nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit.
Descartes, Méditations Métaphysiques, GF, p.57-13.
Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les êtres
vivants sur la Terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les
changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire entièrement
différent, par le rang et la dignité, de choses que sont les animaux sans raison dont on peut disposer à sa
guise ; et ceci, même lorsqu’il ne peut pas encore dire Je, car il l’a dans la pensée. (…)
Il faut remarquer que l’enfant qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu’assez tard (peut-être
un an après) à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, boire, etc.) ; et
il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je : à partir de ce jour, il
ne revient jamais à l’autre manière de parler. Auparavant il ne faisant que se sentir, maintenant il se pense.
Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Livre 1, §1.
Repères : analyse/synthèse
La conscience est un pouvoir de synthèse. Cela signifie que l’expérience humaine n’est pas une
somme d’événements sans liens entre eux. La conscience les retient, les rassemble, les compare,
établit entre eux des liens de ressemblance ou de différence, de causalité, de coexistence…pour
assurer l’unité de l’expérience capable de faire sens. C’est en ce sens que la conscience confère
à l’homme le statut moral de personne dont l’identité demeure la même malgré les changements
dont il est affecté. En tant sujet, l’homme est capable de se penser ce qui le rend responsable de
ces actes. « Le Je accompagne toutes mes représentations ».
L’Homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que
l’univers entiers s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand
l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que celui qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et
l’avantage que l’univers a sur lui. L’univers n’en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. (…) Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la
morale.
Pascal, Pensées, Le seuil, p. 528.
Repères : Essentiel/Accidentel
Ce qui est essentiel à l’homme, c’est sa conscience. Tout le reste est accidentel.
Repères : Principe/Conséquence
La conscience est le principe de la morale ; nos actions sont les conséquences de nos pensées.
Dans cette première partie, nous avons établi la primauté de la conscience pour définir l’homme et le
distinguer des autres êtres vivants. Néanmoins une telle affirmation est tout sauf neutre. En effet, affirmer
que nous sommes les seuls êtres doués de conscience revient à conférer à l’homme un statut d’exception
faisant de lui un être à part dans la nature. Cette prétention est-elle fondée ? Est-elle légitime ?
Repères : Croire/Savoir
La croyance et le savoir peuvent parfois entrer en concurrence. Il y a des motifs psychologiques
puissants qui conduisent à refuser des savoirs contredisant des croyances réconfortantes. Ici, le
motif de ce refus est narcissique, c’est-à-dire l’image avantageuse que l’homme tend à avoir de
lui-même.
Repères : Objectif/Subjectif
Lorsque le sujet juge selon ce qui le flatte le plus, son jugement est subjectif. Il peut le rectifier
en s’efforçant de l’accorder à la réalité et tend alors vers l’objectivité qui est donc une
conquête.
Ce texte de Freud sur les trois blessures narcissiques infligées à la conscience de l’homme ainsi
que le documentaire Arte « L’homme est-il une espèce unique ? » visionné en classe (lien
disponible sur pronote dans les ressources pédagogiques) visent largement à remettre en question
cette supposée exception humaine présentée comme un préjugé.
D’autre part, c’est-à-dire indépendamment de cette remise en cause, on pourrait se demander s’il
suffit purement et simplement d’invoquer la conscience pour définir l’homme dans toute sa
complexité. N’y-a-t-il pas d’autres aspects essentiels ou dimensions constitutives de l’existence
humaine ?
II°) La conscience ne suffit pas à définir l’Homme dans toute sa complexité.
L’inconscient freudien ne correspond pas non plus à ce que nous appelons habituellement des
mécanismes, des gestes mécaniques dans lesquels nous n’avons pas la mémoire de ce que nous avons fait
ou de ce que nous sommes en train de faire. Vous faîtes un trajet en voiture, vous montez les escaliers,
vous allez chercher à boire dans le frigo et quelques minutes après, vous n’avez pas souvenir de ce que
vous avez fait. Par exemple, vous ne vous souvenez pas des endroits que vous avez traversés, des escaliers
que vous avez montés… Ici, vous n’en avez pas le souvenir, vous n’avez pas la conscience de ce que vous
avez fait. Dans ces cas, l’inconscient signifie une absence d’attention qui produit une absence de
rétention – Il faut donc distinguer l’inconscient psychique tel que Freud l’envisage d’une absence de
souvenir ou de mémorisation.
Maintenant que nous avons indiqué ce que n’était pas l’inconscient, nous pouvons dire ce qu’il est.
L’inconscient une zone ou une partie de notre psychisme, de notre esprit qui n’apparaît pas
directement à la conscience, qui ne se manifeste pas à nous, qui nous échappe mais qui agit en nous
avec une puissance extraordinaire. En effet, pour Freud, la majeure partie de notre appareil psychique
est régie par des désirs, des pulsions, des pensées inconscientes. Chez Freud, il y a cette idée qu’il n’y a
pas de séparation absolue entre la conscience et l’inconscient et que la conscience est tout entière
déterminée par l’inconscient – Nous sommes gouvernés par notre inconscient. Or, prendre conscience
que nous sommes gouvernés par notre inconscient, c’est prendre conscience que la vie de l’esprit ne
saurait se réduire à ce que nous en connaissons, à ce que l’esprit laisse entrevoir de lui-même. En effet,
certains phénomènes psychiques vont recevoir une explication grâce à l’activité de l’inconscient.
Avant d’aller plus loin dans la caractérisation de l’inconscient, replaçons la découverte de Freud dans une
perspective historique pour savoir si l’inconscient n’est pas apparu avant le XIXème siècle. Dans
l’antiquité, Platon a élaboré une théorie de l’âme – ce que l’on appellerait aujourd’hui une théorie de
l’esprit – sous la forme d’une cartographie. Il se trouve qu’il y pour Platon dans l’âme humaine quelque
chose qui relèverait de ce qu’on appelle aujourd’hui l’inconscient. Pour Platon, tout homme possède à
l’intérieur de lui la connaissance, tout homme possède en lui le savoir, mais cette connaissance ne lui est
pas consciente, elle ne lui est pas explicitement donnée. L’homme possède donc un savoir inconscient
et le travail du philosophe consiste à faire émerger cette connaissance au niveau conscient – c’est ce que
l’on appelle la théorie des réminiscences qui consiste à dire que la connaissance est en nous et que par
un travail de raisonnement et de confrontation des idées, on peut faire émerger la connaissance enfouie en
nous au niveau de la conscience. On peut faire en sorte que ce savoir inconscient devienne conscient et
c’est là la tâche du philosophe, ce que Socrate appelait la maïeutique, l’art de faire accoucher les esprits.
Cette métaphore de l’accouchement est intéressante car lorsqu’une femme accouche, elle accouche d’un
être qui est en elle, qui existe, mais qui n’est pas encore là devant elle, qui n’est pas extériorisé. Il en va
de même pour ce savoir inconscient qui doit donc s’extérioriser par un travail de réflexion philosophique
qui permet de faire sortir le savoir et de le poser hors de nous. Il y a donc bien chez Platon quelque chose
d’inconscient mais on est très loin d’un inconscient psychique compris comme une puissance dynamique
qui viendrait gouverner la vie de l’esprit.
Bien plus tard et jusqu’au 16ème siècle, la notion d’inconscient sera complètement éclipsée au point de ne
même pas exister. Avec Descartes, la vie psychique et spirituelle se résume tout entière à la
conscience, à la pensée manifeste, c’est-à-dire à la pensée présente à la consciente là où chez Freud
l’inconscient est précisément ce qui ne se laisse pas entrevoir par la conscience. Comme nous l’avons vu
dans la première partie du cours, ce qui définit l’être humain pour Descartes, c’est sa pensée. Descartes
nous dit que nos sens sont trompeurs, la seule chose dont on puisse être absolument certain, c’est que je
pense. Je peux douter de ce que je vois, je peux douter de ce que j’entends, je peux douter de ce que je
sens, mais je ne peux pas douter du fait que je pense, qu’une idée est en train de traverser mon esprit.
Autrement dit, je peux avoir l’illusion de sensation – l’illusion de percevoir - mais je ne peux pas avoir
l’illusion de penser car une pensée illusoire reste une pensée. Lorsque je rêve, ce que je vis n’est pas réel,
mais le fait que je rêve est bien une réalité. Avec Descartes, il y la présupposition que rien n’existe avec
certitude en dehors de la conscience, il y a l’idée que le moi, c’est la conscience. L’homme se définit
par la pensée – or, la pensée est un phénomène conscient – Donc l’homme se définit par sa
conscience.
Un peu après Descartes, le philosophe Leibniz va s’intéresser aux micros perceptions dans sa théorie des
petites perceptions confuses. Il s’agit là de la première tentative d’expliquer des phénomènes
inconscients. Pour illustrer sa théorie, commençons par prendre l’exemple des images subliminales.
Qu’est-ce qu’une image subliminale ? C’est une image qui est insérée dans un film ou dans un court
métrage, une image que vous n’aurez pas l’impression de la voir, pas conscience de la voir mais vous la
verrez quand même. Vous verrez cette image à un niveau infra conscient ou à un niveau subconscient.
Cela signifie que votre œil va percevoir l’image subliminale mais cette image ne va pas laissée de trace
sur votre conscience. Elle va passer inaperçue, vous n’allez pas la remarquer. Une image subliminale est
donc une image dont le persistance retienne est suffisante pour la voir mais pas pour la remarquer au
sens d’en avoir une perception consciente. Ce qu’affirme Leibniz dans sa théorie des petites perceptions,
c’est qu’entre ce qui est perçu de manière inconsciente et ce qui est perçu de façon consciente, il y a un
continuum de sorte qu’il existe entre l’inconscient et le conscient une différence seulement de degré et
non de nature. En réalité, tout ce qui est perçu par la conscience est issu de perceptions inconscientes.
Deuxième idée pour illustrer cette idée, c’est l’exemple des vagues qui se forment sur l’océan pour venir
se briser sur la plage. Lorsque vous regardez une vague dans l’océan, vous voyez pas la totalité des
gouttes d’eau qui composent cette vague – Vous voyez une vague. Autrement dit, ce que vous voyez c’est
une sorte de synthèse de toutes les petites perceptions, de tous les petits éléments qui constituent
cette vague. Vous voyez de manière consciente le résultat synthétisant de l’ensemble des petites
perceptions. Voilà ce qu’il en est des micros perceptions chez Leibniz mais on est encore loin ici d’un
inconscient psychique tel que Freud l’entend, c’est-à-dire d’une zone ou d’une partie de notre appareil
psychique inaccessible à la conscience. En effet, Pour Leibniz, l’inconscient reste un phénomène localisé
dans certaines de nos perceptions. Ce n’est donc qu’à partir du 19ème siècle, que le terme d’inconscient va
prendre une toute autre dimension pour désigner cette zone de psychisme qui échappe à la surveillance
de la conscience et au contrôle de la volonté.
Texte 5. L’hypothèse de l’inconscient
Par souci de clarté, Freud nous explique, dès la première ligne de son texte, son choix qui
consiste à nous représenter le système psychique sous forme spatiale. Il assimile notre
psychique à un appartement. L’appartement est un espace habitable qui est
compartimenté, c’est-à-dire composé de plusieurs pièces. Notre psychisme est lui aussi,
selon Freud, compartimenté comme l’appartement. Quels sont donc ses différentes parties
?
Freud plonge dans le psychisme de l’homme pour identifier ses différentes parties et son
cloisonnement. La première partie qui attire son attention est le « système de l’inconscient
». A en croire Freud, l’inconscient est le système le plus important du psychisme. Il est le
plus important parce qu’il est le système qui occupe la plus grande place dans notre
psychisme. Pour nous montrer l’importance de l’inconscient, il le compare à « une
antichambre », et précisément à une grande « antichambre ». Une antichambre est la pièce
la plus grande dans un appartement. En effet, Freud non seulement introduit l’inconscient
dans le psychisme de l’homme, mais en plus il le place au centre de de celui-ci.
Avec Freud on découvre dans ce texte l’inconscient psychique et son importance dans notre
système psychique. Il nous fait découvrir ensuite le contenu de ce système. On peut se
demander ce qu’il y a dans l’inconscient, son contenu. Freud est conscient de ce souci du
lecteur. Il dévoile l’intérieur de son inconscient. L’inconscient psychique contient des «
tendances ». Il est le siège des « tendances psychiques » selon Freud. Les tendances sont
des pulsions, des forces en mouvements, mobiles, pressantes qui tendent vers une
direction, un but. Elles se pressent, se bousculent, se meuvent vivement tels des êtres
vivants, des humains.
L’inconscient est certes la plus grande pièce du psychisme, mais elle n’est pas la seule. La
visite guidée du psychisme continue avec Freud. On sort de l’antichambre (l’inconscient) et
on pénètre dans une autre pièce. C’est une petite pièce collée à l’antichambre : une pièce-
salon. Cette pièce représente dans ce texte la « conscience ». Cette pièce comprend une
sorte de sous pièce que Freud appellera la « pré-conscience ». La conscience occupe donc,
selon la conception freudienne du psychisme, qu’une toute petite partie dans notre
psychisme. On voit bien ici que pour Freud le psychisme n’est pas entièrement conscient,
mais partiellement et même faiblement.
En revanche, si la tendance est contraire à la morale, elle ne sera pas permise à entrer dans
la pré-conscience. Elle sera empêchée de passer la frontière, de traverser la porte. Dans ce
cas, elle est dite « refoulée ». Freud appellera ce processus le « refoulement ». Ainsi, toutes
les tendances présentes dans l’inconscient ne pourront jamais être toutes conscientes un
jour. Une grande partie de ces tendances resteront à jamais inconscientes. Elles seront
refoulées constamment et ne réussiront jamais à se réaliser.
La cité est au nombre des réalités qui existent naturellement, et (…) l’homme est par nature un animal
politique. Et l’homme qui est sans cité, naturellement et non par suite des circonstances, est ou un être
dégradé ou au-dessus de l’humanité. Il est comparable à l’homme traité ignominieusement par Homère :
sans famille, sans loi, sans foyer, car, en même temps que naturellement apatride, il est aussi un brandon
de discorde et on peut le comparer à une pièce isolée dans le jeu du trictrac.
Mais que l’homme soit un animal politique à un plus haut degré qu’une abeille quelconque ou tout autre
être vivant à un état grégaire, cela est évident. La nature, en effet, selon nous, ne fait rien en vain ; et
l’homme, seul de tous les animaux, possède la parole. Or, tandis que la voix ne sert qu’à indiquer le
plaisir et la douleur, et appartient aux animaux également (car leur nature va jusqu’à éprouver les
sensations de plaisir et de douleur et à se les signifier les uns aux autres), le discours sert à exprimer l’utile
et le nuisible, et par suite, le juste et l’injuste ; c’est le caractère propre à l’homme par rapport aux autres
animaux d’être le seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et des autres notions
morales, et c’est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et cité.
Aristote, La Politique
Dans ce texte, Aristote soutient la thèse que la société est un fait naturel, ce qui signifie
que l’existence sociale est naturelle à tous les hommes. La vie en société ne représente donc
pas un état contre nature. Aristote s’oppose donc aux penseurs qui affirment que l’homme
est par nature insociable, rebelle à l’état civil qui est à l’origine d’une dénaturation de
l’homme. C’est par exemple la thèse de Freud qui affirme que la vie en société requiert des
individus des efforts et des sacrifices qui ne leur est pas naturel de consentir. Rousseau
pense aussi que la socialité n’est pas une tendance naturelle en l’homme. Notre propension
à nous associer procède avant tout de la contrainte des besoins. Nous sommes poussés à
vivre en société car de cette manière nous sommes capables de satisfaire l’ensemble de nos
besoins : la société n’est pas naturelle, elle est un artifice ou une convention.
Pour Aristote, au contraire, l’homme tend par nature à vivre en société. En réalisant
cette tendance, il accomplit sa nature, ce pourquoi il est fait : « Personne ne choisirait de
posséder tous les biens de ce monde pour en jouir seule, car l’homme est un être politique
et naturellement fait pour vivre en société » (Aristote, Ethique à Nicomaque).
Cette thèse établit que l’individu n’est pas en soi un être complet, un être achevé
antérieurement ou extérieurement à la société : « Sans famille, sans lois, sans foyer, il
est comme un pièce isolée dans le jeu du trictrac ».
Cette thèse d’une naturalité de la vie sociale donne lieu à certaines implications
anthropologiques. L’être qui par nature et non accidentellement (les enfants sauvages et
les apatrides) vit en dehors de la société n’est pas vraiment un être humain ; il en constitue
même la négation par défaut. En effet, celui qui vit en dehors de la société n’est pas un
homme car il se rend étranger aux fins que cette dernière réalise. D’une part, le premier
objectif de la société est le dépassement de la faiblesse naturelle, innée, native des individus
qui les poussent à chercher l’aide des autres hommes – Grâce à la coopération, les hommes
s’affranchissent de la tyrannie des besoins et accèdent à l’autosuffisance (qui est conquise
collectivement, ce qui signifie que dans la société, les individus sont interdépendants) ; cette
liberté est refusée aux animaux condamnés à ne jamais connaître une condition libérée de
l’aliénation des besoins vitaux. D’autre part, la société concourt à l’accomplissement du
bonheur des individus par la richesse des relations que les hommes nouent entre eux. C’est
dans la relation avec autrui que l’homme se sent exister comme homme et déployer sa
vertu propre, celle d’un être de raison voué à nouer des relations de justice et d’amitié
avec ses semblables. L’être vivant en dehors de la société est comme la bête, un individu
prisonnier de la servitude du besoin et soumis à la sauvagerie de ces impulsions.
Toute l’argumentation d’Aristote pour justifier la socialité naturelle de l’homme repose sur
la distinction entre la voix (phone) et la parole (logos). En effet, tous les animaux sont
dotés de la voix qui les rend capable d’exprimer et d’extérioriser leur ressenti ou leurs
sensations, comme par exemple la sensation de plaisir et de douleur. Néanmoins, la voix
est limitée à la sphère sensorielle de l’animal ou de l’individu qui en fait usage. Dès lors, elle
ne permet d’exprimer qu’un ressenti personnel et non des choses communes. La
situation est tout autre avec la parole qui recèle une complexité beaucoup plus importante
dans la mesure où elle met en œuvre des concepts permettant d’exprimer des principes et
des règles communes indispensable à la vie en société. C’est donc par le langage que
l’homme se réalise comme animal politique. Il y a selon Aristote une réciprocité
essentielle entre le langage et la politique (entendu au sens de polis, c’est-à-dire de cité). La
politique est d’essence langagière tout comme le langage est d’essence politique.
Conclusion
Au cours de notre réflexion, nous avons tout d’abord mis en avant la primauté de la conscience
pour définir l’homme et ainsi le distinguer du reste du vivant. C’est la conscience qui donne à
l’homme sa dignité et fait de lui un sujet moral (cf. le texte de Pascal sur le roseau pensant).
Néanmoins on peut penser que nous sommes également des êtres de culture, seul environnement
à partir duquel nous pouvons affirmer et développer notre humanité. Autrement dit, C’est dans et
par notre appartenance à la société que nous sentons homme en nouant avec autrui des relations
riches et complexes grâce au langage et à la parole (cf. le dernier texte d’Aristote sur l’animal
politique).