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La conscience

La conscience est-elle le privilège de l’Homme ?


La conscience immédiate est la
connaissance que j’ai de mon existence et
de mes actes d’une manière spontanée.

Petit lexique : La conscience réfléchie est la capacité de


retour (critique) sur nous-mêmes, sur nos
pensées, sur nos actes.

La conscience morale est le problème que


peut poser une action, un comportement
au regard de certaines valeurs humaines ou
morales.
Introduction

On dit de l'homme qu'il est un être doué de


conscience (homo sapiens). Mais que veut-on dire
lorsqu'on parle de conscience ? La conscience est-
elle le propre de l'homme ? Ce qui amène à dire
que les animaux ou les machines sont-ils exclus
de la conscience ?
1. Deux types d'existence

Voyons d'abord comment la conscience s'est formée et avoir


déjà une première approche.
On peut ainsi avec Hegel opposer l'existence immédiate et
l'existence médiate. La plante, l'animal ou la table existent en-
soi, immédiatement ou tout d'un bloc, parce qu'ils ne se
représentent pas ce qu'ils sont. En tant qu'esprit, l'homme a
une double existence.
L'homme existe et il sait qu'il existe en se représentant lui-même
sous une forme, il se contemple lui-même, il existe pour-soi. Les
choses, elles, existent seulement en-soi. L’en-soi fait référence à
l'existence immédiate et irréfléchie et le pour-soi à une existence
médiate et réfléchie. Si donc il se rencontre une conscience dans
la Nature en dehors de celle de l'homme, elle sera de l'ordre de
l'immédiat. Si elle était réfléchie, elle se serait reflétée dans un
langage par concepts.
2. La conscience de soi

Si nous allons plus loin nous pouvons voir la conscience


comme étant une connaissance de soi. Hegel désigne donc
sous le terme de conscience de soi la formation de la
conscience qui, se retournant sur elle-même, permet
l’acquisition de connaissance sur soi-même à partir d'une
conscience immédiate. Cela peut-être sur un plan théorique,
au sens où, par introspection, l'homme se penche sur lui-
même, tente de se décrire, discerne en lui-même ce qui fait la
complexité de sa vie intime et de son existence.
Il découvre qu'il est un sujet et ce que représente la
subjectivité, c’est-à-dire ce qui fait qu’il est un sujet qui
pense. Mais la conscience de soi se forme aussi dans
la pratique, puisqu'en transformant le monde des
objets, l'homme y met un peu de lui-même et se
reconnaît alors dans ce qu'il a fait. C'est ainsi que le
travail est le fruit de la conscience de l'homme.
3. La formation du "moi"
En plus de cette connaissance de soi, comment le moi se forme-
t-il ? Est-ce tardivement que l'enfant acquiert le sens du moi ? Il
semble que oui, et on peut le vérifier dans l'expérience. L'enfant
ne commence pas tout de suite à dire "moi, moi". Le petit
enfant passe indifféremment d'une activité à une autre, il n'est
pas dans la position d'un ego centré sur lui-même.
A cette étape, il parle de lui-même en disant "il", ou en
employant son prénom. L'identité du tout petit n'est pas encore
fixée, et pourtant il y a déjà un "je", l’enfant parle déjà. Cela veut
dire qu'il y a en lui une pensée qui a commencé à distinguer, à
nommer des objets, sans que pour autant il se soit mis lui-même
au centre comme un "moi" souverain.
4. Se savoir exister, c'est être sujet
Se savoir exister au monde, c'est être conscient, c'est être sujet, et les animaux semblent
ne pas avoir cette connaissance.

Plus exactement : l'être qui, d'une part, se sait exister et qui, d'autre part, sait qu'il existe
autour de lui un monde indépendant de lui, est un sujet. Il est sujet autant par le rapport
à lui-même que par le rapport au monde.

On peut dire que l’être conscient existe doublement : en lui-même comme une chose et
pour lui-même en cela qu’il se sait exister, c'est-à-dire qu’il existe à ses propres yeux
pour ainsi dire. Au lieu d’exister et de l‘ignorer, l’être doué de conscience existe et le
sait. C’est ce qui le distingue des êtres qui ne sont pas doués de conscience, comme les
choses, ainsi de ceux qui ne sont capables que de se sentir exister, comme les animaux.
Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j'y ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si
peu communes, qu'elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu'on puisse juger si les
fondements que j'ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d'en parler. J'avais dès
longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait fort incertaines,
tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; mais, parce qu'alors je désirai vaquer
seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme
absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela,
quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent
quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fut telle qu'ils nous la font imaginer. Et parce qu'il y a
des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des
paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir, autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que
j'avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons
étant éveillés, nous peuvent aussi venir, quand nous dormons, sans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je
me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées l'esprit n'étaient non plus vraies que les
illusions de mes songes.
Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait
nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : « je pense, donc je
suis », était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas
capables de l'ébranler, je jugeais que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie
que je cherchais.
Descartes, Discours de la méthode, IV
(Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences)
Commentaire :
Le doute mis en place par Descartes se nomme le doute hyperbolique : il consiste
à rejeter comme étant faux tout ce qui ne résiste pas à la mise en doute. Ainsi,
Descartes ne reçoit aucune preuve, aucune certitude inébranlable lorsqu'il décide
de mettre en doute les divers aspects de la réalité. Il en vient donc au fait que tout
semble n'être qu'illusion, rien ne peut être prouvé logiquement, rien ne résiste au
doute.
Et qu'en est-il de sa propre existence, de l'existence du "moi", plus exactement ?
Notre esprit peut douter de tout, mais la seule chose dont il ne peut remettre en
question, c'est lui-même, ou dit autrement, le "moi". Notre conscience ne peut se
poser légitimement la question de savoir si elle existe en tant que conscience.
C'est justement parce que la conscience ou le moi existent que nous pouvons
utiliser le doute, que nous pouvons être sceptique au sujet de telle ou telle chose.
6. Les animaux pensent-ils ?
Sommes-nous toujours conscients de tout ce que nous faisons ? N'y a-t-il pas des choses que nous
ignorons ou qui sont ignorés par la conscience même ? Cela nous rapprocherait-t-il, d'ailleurs, des
animaux, si tant est qu'ils sont dépourvus de conscience ?

Que les animaux souffrent, et encore il s’agit ici des mammifères, on n’en doute pas, mais qu’en
est-il des insectes ou des plantes ? Souffrent-ils ? La question qui nous intéresse directement ici
est de savoir si les animaux ont une conscience et s'ils pensent. Comment savoir ce que ressent un
animal, quelle perception il a de sa propre souffrance et de sa mort ?

De cette question dépend en partie l'attitude de l'homme vis-à-vis de l'expérimentation animale,


de l'élevage et de l'alimentation. Mais aussi du simple entretien de son jardin : un escargot avalant
un vermicide, un rat ingérant du poison, un cafard asphyxié par des aérosols toxiques, ressentent-
ils de la douleur, souffrent-ils ? Quelle perception et quelle conscience de la douleur un cafard, un
escargot ou un rat ont-ils ?
Des biologistes se sont emparés de la question et la
majorité d'entre eux abandonne le dualisme classique
cher à Descartes (l'esprit et le corps seraient deux
entités indépendantes et distinctes) et adopte le point
de vue moniste selon lequel « l'esprit, c'est ce que fait
le cerveau », comme l'écrit simplement le physiologiste
australien contemporain Derek Denton.
7. Les degrés de conscience animale
Pour Descartes les animaux sont privés d'âme et sont de pures
machines, insensibles et inconscientes. Cette conception accorde
un statut spécial à l'être humain, comme étant le seul doué de
conscience. Mais elle sera bousculée par la théorie de l'évolution,
énoncée pour la première fois au début du XIX e siècle par Lamarck
et popularisée 50 ans plus tard par Darwin. Il écrit que les animaux
présentent des formes de conscience plus ou moins développées,
et que la différence entre l'homme et les autres animaux n'est pas
une question de nature, mais de degré. Comme le souligne un
philosophe contemporain (Jean-Marie Schaeffer), la biologie de
l'évolution détruit la thèse consistant à séparer l'esprit du corps
chers à Descartes.
Le phénomène de la conscience résulte d'une émergence évolutive et
fonctionnelle. La conscience est apparue progressivement chez des
espèces au système nerveux de plus en plus développé et, en tant
qu'adaptation évolutive, elle représente une propriété fonctionnelle du
cerveau. Le travail de Schaeffer consiste "à vider la conscience" de toute
idée de substance. La conscience n'est plus une réalité distincte du corps,
elle n'est ni seulement un pur esprit, ni une pure matière, mais conçue
comme une aptitude propre à certains organismes. La question se pose
donc en ces termes : il ne s'agit plus de s e demander si les animaux ont
une conscience, mais à partir de quel moment l'exécution de tel ou tel
type de comportement suppose un certain niveau de conscience.
8. Conscience perceptive et conscience réflexive
Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La
conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être
conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il
résulte d’une décision et implique un choix ; puis à mesure que ces mouvements s’enchaînent
davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns des autres, nous dispensant
ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont
d’autre part les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les
moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs parties à prendre, où nous
sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre
conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si
vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est
ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que
conscience est synonyme de choix.
Bergson, La conscience et la vie (1919)

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