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Plus exactement : l'être qui, d'une part, se sait exister et qui, d'autre part, sait qu'il existe
autour de lui un monde indépendant de lui, est un sujet. Il est sujet autant par le rapport
à lui-même que par le rapport au monde.
On peut dire que l’être conscient existe doublement : en lui-même comme une chose et
pour lui-même en cela qu’il se sait exister, c'est-à-dire qu’il existe à ses propres yeux
pour ainsi dire. Au lieu d’exister et de l‘ignorer, l’être doué de conscience existe et le
sait. C’est ce qui le distingue des êtres qui ne sont pas doués de conscience, comme les
choses, ainsi de ceux qui ne sont capables que de se sentir exister, comme les animaux.
Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j'y ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si
peu communes, qu'elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu'on puisse juger si les
fondements que j'ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d'en parler. J'avais dès
longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait fort incertaines,
tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; mais, parce qu'alors je désirai vaquer
seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme
absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela,
quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent
quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fut telle qu'ils nous la font imaginer. Et parce qu'il y a
des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des
paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir, autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que
j'avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons
étant éveillés, nous peuvent aussi venir, quand nous dormons, sans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je
me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées l'esprit n'étaient non plus vraies que les
illusions de mes songes.
Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait
nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : « je pense, donc je
suis », était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas
capables de l'ébranler, je jugeais que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie
que je cherchais.
Descartes, Discours de la méthode, IV
(Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences)
Commentaire :
Le doute mis en place par Descartes se nomme le doute hyperbolique : il consiste
à rejeter comme étant faux tout ce qui ne résiste pas à la mise en doute. Ainsi,
Descartes ne reçoit aucune preuve, aucune certitude inébranlable lorsqu'il décide
de mettre en doute les divers aspects de la réalité. Il en vient donc au fait que tout
semble n'être qu'illusion, rien ne peut être prouvé logiquement, rien ne résiste au
doute.
Et qu'en est-il de sa propre existence, de l'existence du "moi", plus exactement ?
Notre esprit peut douter de tout, mais la seule chose dont il ne peut remettre en
question, c'est lui-même, ou dit autrement, le "moi". Notre conscience ne peut se
poser légitimement la question de savoir si elle existe en tant que conscience.
C'est justement parce que la conscience ou le moi existent que nous pouvons
utiliser le doute, que nous pouvons être sceptique au sujet de telle ou telle chose.
6. Les animaux pensent-ils ?
Sommes-nous toujours conscients de tout ce que nous faisons ? N'y a-t-il pas des choses que nous
ignorons ou qui sont ignorés par la conscience même ? Cela nous rapprocherait-t-il, d'ailleurs, des
animaux, si tant est qu'ils sont dépourvus de conscience ?
Que les animaux souffrent, et encore il s’agit ici des mammifères, on n’en doute pas, mais qu’en
est-il des insectes ou des plantes ? Souffrent-ils ? La question qui nous intéresse directement ici
est de savoir si les animaux ont une conscience et s'ils pensent. Comment savoir ce que ressent un
animal, quelle perception il a de sa propre souffrance et de sa mort ?